Contes parisiens, normands et fantastiques - biblio
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Contes parisiens, normands et fantastiques Maupassant Livret pédagogique correspondant au livre élève n° 34 établi par Anne-Sylvie Schwartz, professeur certifié de Lettres modernes Sommaire – 2 SOMMAIRE A V A N T - P RO P O S ............................................................................................ 3 T A B L E DES CO R P U S ........................................................................................ 4 R ÉP O NSES A U X Q U EST I O NS ................................................................................ 5 Bilan de première lecture (p. 244)...................................................................................................................................................................5 Yveline Samoris (pp. 32 à 36) ...........................................................................................................................................................................6 ◆ Lecture analytique de la nouvelle (pp. 37 à 39)..........................................................................................................................6 ◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 40 à 47) ..................................................................................................................8 Vains Conseils (pp. 66 à 70)............................................................................................................................................................................11 ◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 71-72) ...............................................................................................................................11 ◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 73 à 82) ................................................................................................................13 La Ficelle (pp. 91 à 99) ....................................................................................................................................................................................17 ◆ Lecture analytique de la nouvelle (pp. 100-101)......................................................................................................................17 ◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 102 à 110)............................................................................................................19 Le Horla (pp. 175 à 204) .................................................................................................................................................................................23 ◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 205 à 207).........................................................................................................................23 ◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 208 à 212)............................................................................................................24 La Peur (pp. 225 à 232)...................................................................................................................................................................................28 ◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 233 à 235).........................................................................................................................28 ◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 236 à 243)............................................................................................................31 C O M P L ÉM ENT S A U X L ECTU RES D ’ I M A GES ................................................................. 36 B I B L I O GRA P H I E , FI L M O GRA P H I E , SI T ES CO M P L ÉM EN TA I RES ............................................ 39 Tous droits de traduction, de représentation et d’adaptation réservés pour tous pays. © Hachette Livre, 2005. 43, quai de Grenelle, 75905 Paris Cedex 15. www.hachette-education.com Contes parisiens, normands et fantastiques – 3 AVANT-PROPOS Les programmes de français au lycée sont ambitieux. Pour les mettre en œuvre, il est demandé à la fois de conduire des lectures qui éclairent les différents objets d’étude au programme et, par ces lectures, de préparer les élèves aux techniques de l’épreuve écrite (lecture efficace d’un corpus de textes, analyse d’une ou deux questions préliminaires, techniques du commentaire, de la dissertation, de l’argumentation contextualisée, de l’imitation…). Ainsi, l’étude d’une même œuvre peut répondre à plusieurs objectifs. Les Contes de Maupassant permettront d’étudier le genre narratif de la nouvelle ; leur variété et le contexte de leur production permettront, en outre, d’étudier différents objets d’étude développés dans les corpus : l’épistolaire, le réalisme et le naturalisme, les réécritures, mais aussi les registres du réalisme et du fantastique. Dans ce contexte, il nous a semblé opportun de concevoir une nouvelle collection d’œuvres classiques, Bibliolycée, qui puisse à la fois : – motiver les élèves en leur offrant une nouvelle présentation du texte, moderne et aérée, qui facilite la lecture de l’œuvre grâce à des notes claires et quelques repères fondamentaux ; – vous aider à mettre en œuvre les programmes et à préparer les élèves aux travaux d’écriture. Cette double perspective a présidé aux choix suivants : • Le texte de l’œuvre est annoté très précisément, en bas de page, afin d’en favoriser la pleine compréhension. • Il est accompagné de documents iconographiques visant à rendre la lecture attrayante et enrichissante, la plupart des reproductions pouvant donner lieu à une exploitation en classe, notamment au travers des lectures d’images proposées dans les questionnaires des corpus. • En fin d’ouvrage, le « dossier Bibliolycée » propose des études synthétiques et des tableaux qui donnent à l’élève les repères indispensables : biographie de l’auteur, contexte historique, liens de l’œuvre avec son époque, genres et registres du texte… • Enfin, chaque Bibliolycée offre un appareil pédagogique destiné à faciliter l’analyse de l’œuvre intégrale en classe. Présenté sur des pages de couleur bleue afin de ne pas nuire à la cohérence du texte (sur fond blanc), il comprend : – Un bilan de première lecture qui peut être proposé à la classe après un parcours cursif de l’œuvre. Il se compose de questions courtes qui permettent de s’assurer que les élèves ont bien saisi le sens général de l’œuvre. – Des questionnaires raisonnés en accompagnement des extraits les plus représentatifs de l’œuvre : l’élève est invité à observer et à analyser le passage. On pourra procéder en classe à une correction du questionnaire ou interroger les élèves pour construire avec eux l’analyse du texte. – Des corpus de textes (accompagnés le plus souvent d’un document iconographique) pour éclairer chacun des extraits ayant fait l’objet d’un questionnaire ; ces corpus sont suivis d’un questionnaire d’analyse des textes (et éventuellement de lecture d’image) et de travaux d’écriture pouvant constituer un entraînement à l’épreuve écrite du bac. Ils peuvent aussi figurer, pour la classe de Première, sur le « descriptif des lectures et activités » à titre de groupement de textes en rapport avec un objet d’étude ou de documents complémentaires. Nous espérons ainsi que la collection Bibliolycée sera, pour vous et vos élèves, un outil de travail efficace, favorisant le plaisir de la lecture et la réflexion. Table des corpus – 4 TABLE DES CORPUS Corpus Courtisanes et filles publiques (p. 40) La lettre de rupture (p. 73) Peindre son époque (p. 102) Les réécritures du Horla (p. 208) La nouvelle fantastique au XIXe siècle (p. 236) Composition du corpus Texte A : Yveline Samoris de Guy de Maupassant (pp. 32-36). Texte B : Extrait des Mémoires de Saint-Simon (pp. 40-41). Texte C : Extrait de Candide de Voltaire (pp. 41-42). Texte D : Extrait des Misérables de Victor Hugo (pp. 43-44). Texte E : Second extrait des Misérables de Victor Hugo (p. 44). Document : Femme assise sur un divan de Toulouse-Lautrec (p. 45). Texte A : Vains Conseils de Guy de Maupassant (pp. 66-70). Texte B : Extrait de Manon Lescaut de l’abbé Prévost (pp. 73-74). Texte C : Extrait des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos (pp. 74-76). Texte D : Extrait d’Eugénie Grandet d’Honoré de Balzac (pp. 76-78). Texte E : Extrait de Madame Bovary de Gustave Flaubert (pp. 78-79). Document : La Femme en bleu lisant une Lettre de Johannes Vermeer (p. 80). Texte A : La Ficelle de Guy de Maupassant (pp. 91-99). Texte B : Extrait de Madame Bovary de Gustave Flaubert (pp. 103-104). Texte C : Extrait de Germinie Lacerteux d’Edmond et Jules Goncourt (pp. 104-106). Texte D : Extrait de L’Assommoir d’Émile Zola (pp. 106-107). Texte E : Extrait de la préface des RougonMacquart d’Émile Zola (p. 107). Document : La Paye des moissonneurs de Léon Lhermitte (p. 108). Texte A : Extrait du Horla (1887) de Guy de Maupassant (p. 200, l. 807, à p. 201, l. 846). Texte B : Extrait de Lettre d’un fou de Guy de Maupassant (p. 162, l. 172, à p. 164, l. 217). Texte C : Extrait du Horla (1886) de Guy de Maupassant (p. 171, l. 208, à p. 172, l. 245). Texte D : La Terreur, poème de Guy de Maupassant (pp. 209-210). Document : Tête d’homme malade (de face vers la droite) de Vincent Van Gogh (p. 210). Texte A : Extrait de La Peur de Guy de Maupassant (p. 227, l. 61, à p. 228, l. 113). Texte B : Extrait de La Cafetière de Théophile Gautier (pp. 237-238). Texte C : Extrait du Nez de Nikolaï Gogol (pp. 238-240). Texte D : Extrait du Portrait ovale d’Edgar Allan Poe (pp. 240-241). Texte E : Extrait de l’Introduction à la littérature fantastique de Tzvetan Todorov (p. 241). Document : Tentative de l’impossible de René Magritte (pp. 241-242). Objet(s) d’étude et niveau Le récit : le roman ou la nouvelle (Seconde) Compléments aux travaux d’écriture destinés aux séries technologiques Question préliminaire À quel genre littéraire précis appartient chaque texte du corpus ? Commentaire Vous montrerez qu’à travers un récit pathétique, ce texte constitue une dénonciation de la société. Démontrer, convaincre, persuader (Seconde, Première) Question préliminaire Quelle est la particularité de l’énonciation dans le texte E ? L’épistolaire (Première) Commentaire Vous étudierez la stratégie argumentative élaborée par Rodolphe et dresserez ainsi le portrait moral de ce personnage. Le réalisme et le naturalisme (Seconde) Question préliminaire Étudiez les éléments du réalisme dans le discours au style direct des textes A et B, puis dans le discours au style indirect libre du texte D (l. 13 à 23). Le récit : le roman ou la nouvelle (Seconde) Le travail de l’écriture (Seconde, Première) Le récit : le roman ou la nouvelle (Seconde) Commentaire Vous montrerez la dimension réaliste du portrait, puis vous analyserez la peinture des différents milieux sociaux de la société rurale. Question préliminaire Quelle est l’importance de l’écriture à la 1re personne dans les textes A, B et C ? Commentaire Vous étudierez les points suivants : – un réalisme saisissant ; – l’affrontement entre le narrateur et un être surnaturel ; – l’angoisse et la folie. Question préliminaire Quel est l’autre registre présent dans Le Nez de Gogol (texte C) ? Commentaire Vous montrerez que, malgré la présence du registre de l’absurde, le fantastique est présent dans cet extrait. Contes parisiens, normands et fantastiques – 5 RÉPONSES AUX QUESTIONS B i l a n d e p r e m i è r e l e c t u r e ( p . 2 4 4 ) Le mari de l’héroïne était apparemment stérile. C’est en ayant une relation extraconjugale avec leur ami Frédéric Morel que celle-ci tombe finalement enceinte. L’enfant n’est donc pas celui du couple. " La veste appartient en réalité au député Rosselin qui était avec la femme, au moment où le mari a surgi. Surprise en plein adultère, elle lui fait croire que la veste est neuve et qu’elle lui est destinée. Le mari, qui attendait cette décoration depuis si longtemps, ne soupçonne pas le subterfuge. # Le héros devient riche en vendant les bijoux de sa défunte femme. Il pensait qu’il s’agissait de pacotilles, mais il découvre que ce sont en fait des parures de grande valeur… offertes par l’amant de sa femme. $ Yveline se suicide car elle ne supporte pas le fait que sa mère mène une vie de courtisane, et surtout que celle-ci n’accepte pas d’y renoncer. % Il a été envoyé « chez des paysans de Croissy » pour y être élevé. Le héros continue de lui envoyer une pension mensuelle pour subvenir à ses besoins. & Mouche saute du bateau sur le quai alors qu’elle est enceinte. Mais elle glisse et tombe dans l’eau. Elle fait une fausse couche à la suite de cet accident. ' Dans cette nouvelle, l’auteur de la lettre répond à un jeune ami qui lui a réclamé des conseils pour rompre avec une vieille maîtresse. L’énonciateur déploie des trésors d’imagination pour trouver une solution au problème du jeune homme, « en vain » ! Selon lui, il n’est finalement pas possible de rompre… sauf si le jeune homme est prêt à aller en prison en rendant public cet adultère ! ( Le narrateur a été contraint d’épouser la jeune fille pour que celle-ci ne soit pas déshonorée. En effet, lors d’une noce « un peu trop arrosée », il s’était trompé de porte et avait dormi dans la chambre de la jeune femme. Il ne regrette pas ce mariage. ) Maître Hauchecorne est essentiellement mort à cause de sa santé fragile liée à l’obsession de son aventure. Il n’a pas supporté la rumeur qui lui a apporté trop d’émotions. *+ Mme Husson souhaite créer une fête annuelle qui permettra de récompenser la jeune fille la plus chaste de la ville. Celle-ci deviendra, pour une année, la rosière du pays. Mais Mme Husson ne trouve pas de jeune fille répondant aux critères ; par conséquent, c’est un jeune homme qui deviendra « rosier ». *, Au cours d’une nuit où il pense être à l’article de la mort, l’oncle est veillé par le curé. Ce dernier lui explique qu’il a accouru à son chevet, après avoir été averti par le Divin. L’oncle, pourtant exlibre penseur, est totalement crédule et se laisse endoctriner par le curé. Il se convertit alors à la religion catholique. *- La mère Sauvage tue les quatre soldats allemands qu’elle hébergeait pendant la guerre, pour se venger de la mort de son propre fils tué par les Allemands. Elle les piège dans un grenier rempli de foin auquel elle met le feu. *. Walter Schnaffs n’aspire qu’à être fait prisonnier, afin de rester en vie et retourner auprès de sa famille une fois la guerre terminée. Il y parvient. */ Selon le narrateur, « nos organes sont les seuls intermédiaires entre le monde extérieur et nous ». *0 Selon une explication surnaturelle, le Horla est un être invisible et maléfique, venu par bateau du Brésil, qui harcèle et essaie de tuer le narrateur du conte. Selon une explication rationnelle, le Horla est un être invisible et maléfique, inventé par le narrateur schizophrène. *1 Dans Le Horla de 1886, le narrateur parvient à faire douter le docteur Marrande quant à l’existence du Horla. Il va sans doute rester à l’asile où il était venu par sa propre volonté. Dans la seconde version du Horla, le narrateur annonce son suicide : « il va donc falloir que je me tue, moi ! » Ce sont les derniers mots du journal intime – ce qui laisse entendre qu’il est sans doute passé à l’acte. ! Réponses aux questions – 6 L’homme qui adorait sa maîtresse et pensait en être aimé en retour s’aperçoit qu’elle le trompait. Il passe en effet la nuit dans le cimetière et assiste à un terrible spectacle : les morts sortent de leur tombe et modifient leur épitaphe. C’est en lisant celui de sa maîtresse décédée qu’il comprend la vérité. *3 Comme dans tout conte fantastique, il existe une explication naturelle et une explication surnaturelle. La première explication est celle d’un « attentat », un meurtre accompli par un malfaiteur doué d’une « force prodigieuse ». L’explication surnaturelle est l’hypothèse de la main qui, douée d’une vie propre, aurait tué le jeune homme. *4 La première « peur » a lieu en Afrique, dans le désert « au sud de Ouargla » (l’une des principales oasis du désert algérien). La seconde « peur » se déroule « dans une forêt du nord-est de la France », en hiver. Dans le premier récit, la victime est l’ami du narrateur. Dans la seconde histoire, la victime est le chien des hôtes. *2 Y v e l i n e S a m o r i s ( p p . 3 2 à 3 6 ) ◆ Lecture analytique de la nouvelle (pp. 37 à 39) Il y a 7 locuteurs (le narrateur principal, son interlocuteur, son serviteur, Joseph Bonenthal, les deux jeunes hommes et Yveline Samoris). Le dialogue de départ et de clôture enchâsse deux récits : le premier est celui que rapporte le narrateur à propos de la vie de Mme Samoris ; le second rapporte l’histoire de la fin de la vie d’Yveline Samoris, basée essentiellement sur des on-dit (l. 62-63 : « que je tiens de Joseph, qui les tenait de son amie la femme de chambre de la comtesse »). Ce procédé narratif permet de susciter l’intérêt mais aussi de critiquer implicitement les préjugés et les rumeurs. " Chronologie du récit concernant Mme Samoris : « elle apparut un hiver » (l. 15), « On sonne un matin chez moi » (l. 47), « Un mois après, Mlle Yveline Samoris mourait » (l. 61), « depuis huit jours » (l. 134). Le récit est ici chronologique, mais il contient une ellipse essentielle, concernant les causes de la mort de Mlle Samoris. Ainsi, le second récit enchâssé revient sur les causes de la mort : « Le soir d’un bal » (l. 64), « Mais le soir même » (l. 88), « Un soir » (l. 104), « Je te donne un mois […]. Si dans un mois » (l. 116), « Au bout d’un mois » (l. 120), « Le lendemain » (l. 123), « chaque fois » (l. 124), « un matin » (l. 127). Ce second récit est chronologique, mais il contient lui aussi une ellipse temporelle à la ligne 120. Cette ellipse crée un court suspense qui n’explique pas ce que décide de faire la mère durant la période de réflexion que lui a fixée sa fille. Ainsi, cette chronologie bouleversée, ces récits enchâssés et ces ellipses temporelles permettent de relancer sans cesse l’intérêt du récit, par ailleurs d’une grande vivacité. # Déictiques : « cette »/« là-bas ». Les déictiques sont, par définition, employés dans les discours ancrés dans la situation d’énonciation et renvoient donc habituellement à des éléments (lieux, personnages…) connus par les interlocuteurs. Ici, le lecteur, exclu de la situation d’énonciation, ne peut comprendre de qui il s’agit. Le narrateur éveille ainsi habilement la curiosité du lecteur. $ L’incipit cesse à la ligne 12. Procédés déployés pour éveiller l’intérêt du lecteur : – un dialogue avec des phrases très courtes, comme des stichomythies (vivacité du dialogue) ; – des déictiques (« cette »/« là-bas ») ; – le lexique : « elle-même » (importance supposée de la dame) ; – aspect nonchalant de la ligne 3 : son laconisme contraste avec son contenu ; – phrases interrogatives (incrédulité de l’interlocuteur) ; – antithèses finales (l. 9-10) qui correspondent aux attentes du lecteur. % Répétition du verbe tenir et succession de compléments de noms qui soulignent l’idée de rumeur : toute cette histoire pourrait aussi bien résulter de on-dit. Autres procédés qui permettent de relancer l’intérêt du récit : ellipse (« Un mois après »), prolepse (« Yveline Samoris mourait »), adjectif (« mystérieux »), rythme lent des phrases (le narrateur semble prendre son temps pour ménager ses effets), conjonction de coordination suivie du présentatif « voici », annonce d’exhaustivité (« tous les détails »). ! Contes parisiens, normands et fantastiques – 7 Figures de style : – énumération d’adjectifs (l. 40), de noms communs (l. 43), de verbes à la forme négative (l. 44-45) ; – répétitions d’adverbes antithétiques (« toujours »/« rien ») ; – champs lexicaux : beauté, ignorance, etc. La jeune fille a toutes les caractéristiques de l’héroïne tragique : tout est hyperbolique. Trop belle, trop parfaite… ce que laisse entendre la conjonction de coordination d’opposition « Mais » placée au centre du paragraphe, en début de phrase. ' Le texte est construit sur l’opposition entre la mère et la fille qui incarnent les deux aspects de la femme présentés entre les lignes 7 et 9. ( La jeune fille l’apprend en surprenant une conversation (l. 68 à 82). ) Le point de vue utilisé ici est externe. Les phrases interrogatives (interrogations du narrateur) montrent les questions qui se bousculent dans l’esprit de la jeune fille. Comme le point de vue est externe, ces questions sont une bonne manière de montrer la tempête qui a bouleversé la jeune fille. *+ Entre les lignes 107 et 118, la jeune fille propose à sa mère de se retirer « dans une petite ville ou bien à la campagne ». Elle veut changer de vie. Les procédés grammaticaux qui montrent sa détermination sont : le présentatif (« Voici »), les verbes au futur (vs conditionnel), la répétition de « si » qui montre qu’elle présente des conditions auxquelles elle a mûrement réfléchi, la répétition de « je me tuerai ». Argumentation : conjonction de subordination de cause (« puisque ») – d’où une relation logique pour la jeune fille entre le comportement de sa mère et son suicide. *, Elle achète du chloroforme à petites doses en prétextant des maux de dents et se suicide dès qu’elle en possède une quantité suffisante (l. 122 à 126). Non, la mère n’est pas seule responsable. Sont aussi en cause son éducation, la société et le regard de celle-ci : notion d’honneur (l. 118 : « honorable ») et force des préjugés. *- Non, la mort de la jeune fille ne change rien au comportement de sa mère. Celle-ci a sa place dans la société en tant que courtisane. Ce statut représente sa façon de vivre mais c’est aussi et surtout son gagne-pain. Par ailleurs, le fait qu’elle ne change rien malgré le drame vient illustrer la « théorie » avancée par le narrateur (p. 32, l. 9-10). *. Procédés : antithèses, répétitions (« dit-on », « dites » : instance sur les préjugés), phrase nominale (le laconisme constitue ici un euphémisme). Ces procédés permettent de mettre l’accent sur les préjugés de la société : opposition entre courtisane et honnête femme, et incompatibilité des termes. Donc une femme appartient forcément à l’une de ces deux catégories qui ne sont pas conciliables. */ Ce raisonnement est un sophisme (raisonnement faux, malgré une apparence de vérité). Il ne repose que sur des arguments spécieux (la nature innée et irréversible des femmes) et sur des croyances populaires (l. 8 : « dit-on »). *0 Le narrateur brosse le portrait d’une séductrice (l. 35 à 39). Pour lui, la courtisane enchaîne les conquêtes (l. 72 à 76) qui l’entretiennent. *1 Le narrateur se rendait chez Mme Samoris car il était attiré par l’originalité des personnages et par leurs mœurs légères (l. 19 à 34). Les champs lexicaux du vice, du danger, du mystère révèlent des sentiments ambigus de la part du narrateur : il éprouve à la fois de l’intérêt et un certain mépris pour « ces gens-là ». Il se sent attiré mais aussi étranger à cette société inférieure à son rang. *2 Maupassant dénonce finalement l’hypocrisie de la société : – le dialogue entre les deux « nouveaux arrivés » (l. 68 à 81) révèle la misogynie et l’hypocrisie d’une société bien-pensante et mal agissante (les femmes sont victimes du comportement des hommes et Mme Samoris a peut-être été elle-même victime du banquier) ; – tout le monde va chez Mme Samoris, mais tout le monde la critique et médit à son sujet ; – même remarque sur le comportement de chacun durant l’enterrement (« Il y eut foule à la cérémonie ») ; – chute (deux dernières phrases) : tout le monde connaît les causes réelles du décès, mais fait semblant d’être dupe. Cette nouvelle montre le clivage de la société à travers ses préjugés moraux. D’un côté, ceux qui pensent bien mais qui agissent mal ; de l’autre, ceux qui pensent bien ou mal et qui agissent mal « officiellement », c’est-à-dire sans hypocrisie. & Réponses aux questions – 8 ◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 40 à 47) Examen des textes ! Le trait de caractère essentiel qui apparaît ici est l’insolence, l’audace (« effronterie »). En effet, Ninon doit être enfermée dans un couvent. Mais, comme la reine lui laisse le choix du lieu, elle choisit un couvent d’hommes. Or c’est précisément à cause de ses mœurs que la reine lui avait ordonné de s’enfermer. En répondant ainsi, elle montre qu’elle persiste dans la galanterie, ne craignant pas la colère de la reine. " L’ironie apparaît ici de plusieurs manières : – les euphémismes (« me séduisit aisément », « renvoyé à grands coups de pied dans le derrière »…) ; – les antiphrases (« Je fus quelque temps par reconnaissance », « une médecine si efficace »…) ; – l’implicite (« il est dangereux pour une femme acariâtre d’être l’épouse d’un médecin »…) ; – l’ironie de la situation (par exemple, le fait que les « sauveurs » de Paquette deviennent ses bourreaux). L’emploi de ce registre permet à Voltaire de dénoncer de manière implicite la prostitution et l’horreur de la situation de ces femmes contraintes de se prostituer. Cependant, contrairement à la plupart des chapitres de Candide, ce texte contient aussi des éléments de dénonciation explicites (cf. question suivante). # Termes explicites : « obligée de continuer ce métier abominable qui vous paraît si plaisant à vous autres hommes, et qui n’est pour nous qu’un abîme de misère ». Il faut noter que, dans Candide, l’emploi de termes explicites pour dénoncer des situations dramatiques est plutôt rare. $ La première cause est économique : le prix du travail de Fantine a chuté à cause de la concurrence de la main-d’œuvre des prisons : « un entrepreneur du travail des prisons qui faisait travailler les prisonnières au rabais, fit tout à coup baisser les prix »… La seconde cause est le chantage exercé par les Thénardier qui exigent toujours plus d’argent de la part de Fantine. Ils lui font croire que la maladie de la petite (« toute convalescente de sa grande maladie ») leur a coûté beaucoup d’argent et menacent Fantine, si celle-ci ne les paie pas (« il mettrait à la porte la petite Cosette »). Ils accentuent leur chantage en évoquant « le froid » et la mort qui attendent Cosette s’ils la jettent à la rue (« elle crèverait »). % Ce tableau représente Marie Charlet, une jeune danseuse et prostituée, avec laquelle le peintre a eu une liaison. La jeune femme est presque nue. Elle porte pour tout vêtement des bas et des chaussures – ce qui souligne sa « profession ». Elle se tient assise sur un lit, visiblement en position d’attente, soit de l’arrivée du client, soit de son départ. La position de son bras gauche sous le menton manifeste une sorte de désarroi. Elle ne paraît pas heureuse. La chambre semble vide, en dehors du lit et des deux coussins. Aucun signe de luxe n’est apparent. Les murs eux-mêmes sont dénudés et ternes. Ce tableau représente la détresse et le désarroi des femmes contraintes de se prostituer. C’est sans doute le texte de Hugo que le tableau de Toulouse-Lautrec illustre le mieux. En effet, on peut relever de nombreux traits communs au deux portraits : nudité (= pauvreté) / vendre son corps ; attitude de désarroi avec la main sous le menton / réflexions et tristesse de Fantine ; décor (chambre vide, nue) / pauvreté (cf. la description de la mansarde de Fantine) ; solitude et registre pathétique pour les deux jeunes femmes. Travaux d’écriture Question préliminaire Le registre dominant commun à tous les documents, sauf celui de Saint-Simon, est le pathétique. Paquette explique qu’elle était servante avant qu’une série d’aventures terribles ne l’entraîne dans la prostitution. Un médecin puis un juge ont fait d’elle leur maîtresse. Abandonnée, elle a été obligée de se prostituer pour survivre (cf. le début du texte, les champs lexicaux de la misère, de la violence, et l’énumération de ce qu’elle a subi). Fantine s’est prostituée car son travail manuel ne suffisait plus à régler la pension de sa petite fille (cf. le commentaire ci-dessous). Quant à la danseuse Marie Charlet qui pose nue devant Toulouse-Lautrec, le pathétique de sa représentation est évoqué dans la question 5 ci-dessus. Le registre pathétique domine donc dans chaque texte et dans le tableau, afin de dénoncer les travers de la société, à travers la vie d’une seule femme à chaque fois. Seul le texte de Saint-Simon n’emploie pas ce registre : son propos est davantage de montrer la personnalité originale de Ninon de Lenclos. Contes parisiens, normands et fantastiques – 9 Commentaire « Définition » du texte permettant de trouver les axes d’étude Ce texte est un extrait du roman Les Misérables. Le récit pathétique de la déchéance d’une jeune femme permet de dénoncer les travers et les abus de la société du XIXe siècle qui abandonne des êtres à la misère, voire à la prostitution. 1. Un récit pathétique A. Mise en scène de la misère • Description précise et réaliste du cadre de vie de Fantine : – termes précis : « cellule du second », « mansarde », « galetas » ; – changement de logis : « cellule du second » puis « mansarde » ; – les meubles ont disparu. • Vêtements : – accumulation d’adjectifs démontrant la misère : « vieux », « usé », etc. ; – et, à nouveau, accumulation de termes précis qui, par leur dimension réaliste, ajoutent au pathétique : « corset », « calicot » ; – Fantine doit recycler ses vêtements : « rapiéçait », « se déchiraient ». L’aspect pathétique est renforcé par le fait que les retouches de couture sont vaines (« qui se déchiraient au moindre mouvement »). B. Déchéance physique • Signe de la déchéance physique : elle a jeté son miroir, devenu inutile pour une fille désormais laide. • La façon dont elle se tient dans sa chambre est comparée à la déchéance de son existence : « comme au fond de sa destinée qu’en se courbant de plus en plus ». • La maladie : « yeux brillants », « douleur », « toussait ». C. Perte de l’espoir • Début du désespoir encore teinté de rage : « jeta ». • Perte de l’optimisme symbolisée par la métaphore du rosier desséché. • Détresse silencieuse : « elle passait des nuits à pleurer », « ne se plaignait pas ». • Montée de la haine. • Incompréhension de Fantine : question au style indirect libre qui montre combien la jeune femme est désemparée (« Que voulait-on d’elle, bon Dieu ! »). • Fantine finit par perdre son humanité : elle vit désormais « traquée » comme une « bête farouche ». • Une mère acculée : évocation de la misère de Cosette ; dans son chantage (« sinon qu’il mettrait à la porte la petite Cosette »), Thénardier a recours au pathétique, à travers le champ lexical de la maladie et de la mort, pour attendrir Fantine (« convalescente », « grande maladie », « froid », « crèverait »). • Résignation. 2. La dénonciation des abus de la société du XIXe siècle A. Les créanciers • Sont évoqués une première fois par la périphrase « Les gens auxquels elle devait », puis directement. • Harcèlement : les créanciers harcèlent les pauvres (« trouvait », « retrouvait ») et les envahissent au sens propre (multiplication des lieux : « rue », « escalier »). • Ainsi, ils sont omniprésents et sans pitié : « ne lui laissaient aucun repos », « impitoyables ». • L’un des créanciers est cité (« le fripier ») ; son manque de compassion et de pitié est souligné par plusieurs éléments : il a repris « presque tous les meubles » ; il harcèle Fantine (« sans cesse ») et l’insulte (« Quand me payeras-tu, coquine ? ») – l’insulte est d’autant plus réaliste qu’elle est rapportée au style direct. • Responsabilité des Thénardier qui réclament toujours plus d’argent à Fantine (chantage). B. La baisse du coût du travail • Les entrepreneurs pensent à leur profit en bradant la valeur du travail : « faisait travailler les prisonnières au rabais ». Ils se servent du travail des prisonnières qui n’ont pas le choix. Cela rejaillit sur les ouvrières, impuissantes face à cette démarche déloyale. • Aspect réaliste : coût du travail répété deux fois, la seconde fois en une phrase nominale exclamative qui n’a nul besoin de verbe pour être explicite (« Dix-sept heures de travail, et neuf sous par jour ! »). • Ainsi, malgré la volonté, le dur labeur ne permet pas de survivre. Réponses aux questions – 10 C. La prostitution • La prostitution est l’ultime moyen de survie, puisque le travail manuel ne rapporte plus d’argent. Après avoir vendu des parties de son corps (ses cheveux et ses dents), Fantine se décide à vendre « le reste ». Elle n’a plus le choix. Compassion du narrateur : « L’infortunée ». • Dénonciation du terrible statut des filles-mères : hypocrisie de la société qui les condamne au nom de la moralité. Conclusion Ce récit pathétique montre la déchéance d’une jeune femme, à travers la misère, la déchéance physique, mais surtout la perte de l’espoir. Dans une société constituée de créanciers impitoyables et d’entrepreneurs avides et égoïstes, la prostitution apparaît donc comme l’ultime moyen de survie pour les femmes abandonnées à leur sort. À travers cet extrait, mais aussi tout au long des Misérables, Hugo entend dénoncer la montée de l’individualisme et du capitalisme au XIXe siècle, qui engendrent l’indifférence d’une part et la montée de la misère d’autre part, incarnée ici par le personnage mythique de Fantine. Dissertation On peut adopter le plan suivant : 1. L’histoire littéraire montre que certains écrivains ont contribué par leurs œuvres à faire réfléchir leurs contemporains A. Les écrivains des Lumières ont contribué peu à peu à l’éveil des esprits de leur époque pour aboutir à la Révolution française. Ils ont adopté des genres et des registres variés afin de détourner la censure, dans la mesure du possible • Apologues : dans Candide et L’Ingénu, entre autres, Voltaire dénonce les fanatismes, les religions, l’absolutisme, etc. • Romans épistolaires : Montesquieu dénonce aussi les travers de son temps dans ses Lettres persanes. • L’Encyclopédie, dirigée par Diderot et d’Alembert, contient des articles dénonçant, par exemple, l’esclavage (Chevalier de Jaucourt)… B. Les écrivains engagés du XXe siècle • Anouilh, Giraudoux, Cocteau utilisent le théâtre qui peut agir comme une véritable tribune, pour dénoncer les guerres, la montée du nazisme, etc. • Des poètes s’engagent et dénoncent la guerre dans des poèmes (Eluard, Char, Aragon) ou des chansons (Boris Vian). • Après guerre, des romans (Remarque), des autobiographies (Primo Levi) ou même des journaux intimes (Anne Frank) sont publiés pour dénoncer les atrocités commises pendant la guerre. C. Des écrivains choisissent des genres explicites dans le but d’influencer la société, en exposant leurs idées à travers des manifestes, des essais • Manifestes artistiques (surréalisme), manifestes politiques (Marx)… • Porte-parole, chefs de file : l’existentialisme de Sartre (« L’écrivain a choisi de dévoiler le monde à l’homme et aux autres hommes »). 2. Cependant, les dénonciations des écrivains restent souvent sans effet A. Dénonciation de la misère sociale qui perdure pourtant Le corpus sur les « Courtisanes et filles publiques » (Voltaire, Maupassant, Hugo…) qui montre la misère des prostituées : ces dénonciations ne changent rien au problème du « plus vieux métier du monde » et des horreurs subies par certaines jeunes filles, venues de l’Est, aujourd’hui, par exemple. B. Dénonciation d’un racisme toujours vivace • Romain Gary qui dénonce le racisme en Amérique (Chien blanc). • Des chanteurs, comme Pierre Perret (Lily), dénoncent le racisme en France. C. Les excès de l’homme face à sa planète peuvent être mis en scène dans des romans de science-fiction • Ex. : Ravage de Barjavel… • Cela n’empêche pas l’homme de poursuivre ses méfaits sur son environnement. Contes parisiens, normands et fantastiques – 11 3. Néanmoins, les écrivains semblent contribuer à une évolution, si lente soit-elle, des mentalités A. Les philosophes des Lumières ont contribué à l’avènement de la Révolution, mais cela aura pris des décennies B. Les dénonciations des atrocités du nazisme et des ravages des guerres au XXe siècle ont poussé les nations à s’unifier en Europe… Conclusion Avec le recul, on s’aperçoit que des auteurs comme ceux des Lumières ont pu contribuer à l’amélioration de la société : démocratie ; plus d’égalité, de justice. Néanmoins, malgré la dénonciation de nombreux fléaux, on constate une évolution très lente des mentalités, voire la quasiinexistence de l’influence des écrits sur la société (racisme, misère…). Il est vrai que, de nos jours, d’autres moyens de communication semblent plus efficaces pour faire entendre sa voix et contribuer à l’amélioration de la société : les médias de grande diffusion, tels que la télévision, la radio, les journaux, et Internet. Écriture d’invention On attend des élèves qu’ils rédigent un texte : – soit narratif à la 1re personne, à la manière de Voltaire ; – soit à la fois narratif et descriptif à la 3e personne, à la manière de Hugo. Le devoir laissera transparaître de manière implicite la critique choisie (misère sociale, racisme, inégalités, injustices, etc.). V a i n s C o n s e i l s ( p p . 6 6 à 7 0 ) ◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 71-72) ! Nos de lignes 47-48 Dévoiler sa liaison à sa mère. 58-59 Se débarrasser de la maîtresse « au profit » d’un ami. 65-67 L’empoisonnement. 68-70 71-78 D’autres moyens que le narrateur ne révèle pas. Le « plongeon », c’est-à-dire rompre sans le dire, nier la liaison. Faire comme si rien n’avait eu lieu. 94-95 Le « flagrant délit ». Conseil envisagé pour rompre Réfutation corollaire (= contre-argument) Indélicatesse. La maîtresse n’est plus désirable : personne n’en voudrait. Conseil d’un autre siècle. Le jeune homme se ferait « pincer ». Ce n’est pas du ressort du narrateur. La maîtresse est une amie de sa mère. Elle vient souvent chez lui (« tu vis en famille »), donc il ne pourrait l’éviter. Pas de réfutation mais un constat : « deux mois de prison ». Type d’argument utilisé dans la réfutation Argument de valeur : la délicatesse. Recours aux faits. Raisonnement causal. Argument absurde. Aucun : « passons » ! Recours au bon sens. Argument : la légalité. L’énonciateur pense que le jeune homme ne pourra pas rompre car il réfute ses propres arguments les uns après les autres. # Procédés grammaticaux : – l. 45-46 : négation ne… que + adverbe « désormais » + verbe craindre ; – verbes injonctifs : infinitif « Te résigner ! » (l. 85) repris à l’impératif (l. 92 : « résigne-toi ») ; – l. 86 : « Tant pis » ; – conjonction de coordination « Mais » (l. 80), qui marque l’opposition. $ Arguments sous forme d’axiomes ou de maximes : – « Il ne faut jamais prendre une maîtresse qui ne peut plus vous être infidèle » (l. 54-55) ; – « Il faut se garder autant que possible des liaisons qu’on ne peut pas dénouer avec de l’argent » (l. 56-57). Procédés lexicaux : – tournures impersonnelles au présent de vérité générale : « Il ne faut jamais », « Il faut » ; – adverbes de négation : « jamais », « ne […] plus ». Effet produit : le narrateur ébauche ainsi, dans son texte, le manuel qu’il évoque : « l’art de rompre » (l. 62). " Réponses aux questions – 12 Le procédé employé est l’emploi du conditionnel dans la proposition principale, précédé d’une subordonnée hypothétique introduite par « Si ». Ainsi, le conseil donné ici n’en est pas un puisqu’il est soumis à une condition fondamentale qui l’empêche d’être viable : vivre « dans un autre siècle » ! & Ce n’est pas un « art » ; il n’y a pas de solution satisfaisante. ' Le genre épistolaire est révélé à travers l’emploi de la 1re et la 2e personne du singulier. Ces pronoms reviennent abondamment et s’entremêlent. Le narrateur a ainsi l’air de prendre un intérêt sincère au problème du jeune homme. ( L’auteur de la lettre se pose en homme expérimenté, donneur de conseils : « tu t’y prendrais mal et tu te ferais pincer » (l. 67). Finalement, il est plutôt méprisant et sarcastique. Le narrateur suggère alors la résignation. ) Les connecteurs logiques sont très présents dans les textes argumentatifs. Ici, certains sont mis en valeur, en tête de phrase comme « Car » (l. 47) et « Donc » (l. 85). Mais cette présence, trop accentuée, est ironique : ce texte constitue en quelque sorte une parodie de lettre de conseils, puisque le narrateur effectue ce développement tout en sachant à l’avance que ses conseils et arguments seront vains (titre de la nouvelle !). *+ Le ton du narrateur est ironique et péremptoire : – « résigne-toi » (l. 92) et autres injonctions ; – phrases courtes, nominales, exclamatives (« Voilà tout », « Donc quoi ? Te résigner ! »). Le narrateur ne cesse de dire qu’il n’y a pas de solutions, alors même qu’il en recherche et les énumère les unes après les autres. Les conseils semblent finalement plus absurdes et irréalisables les uns que les autres. En faisant mine de l’aider, le narrateur se moque du jeune homme et des relations extraconjugales qui sont finalement toujours les mêmes selon lui. Ces éléments révèlent en réalité l’ironie du narrateur vis-à-vis de son destinataire car il s’amuse luimême des conseils envisagés. *, Antiphrases : – « il n’y a à craindre que le vitriol » (l. 78) : le narrateur se moque du jeune homme en ayant l’air de minimiser les risques encourus ; – « je te conseillerais simplement de l’empoisonner » (l. 65-66) : l’utilisation de l’adverbe « simplement » est ironique et montre l’absurdité de ce conseil. *- Raisonnements poussés à l’extrême : l’empoisonnement, le flagrant délit, etc. Comparaison : « Celui qui […] rendrait plus de services à l’humanité […] que l’inventeur des chemins de fer » (l. 62-64). Termes hyperboliques : « c’est le plongeon ». L’ensemble est ironique et produit un certain cynisme dont la misogynie ne semble pas exclue. *. Champ lexical de la bataille, de la guerre : « vengeance », « t’en débarrasser », « lapide », « manœuvrant », « s’en débarrasser », « empoisonner ». Ce champ lexical révèle la misogynie du narrateur vis-à-vis des femmes : rompre est un combat. */ Le mépris et la misogynie côtoient le sarcasme : – « consolation de la voir vieillir » (l. 45) ; – la politesse feinte (« avec politesse »), associée au mensonge, puisque l’homme feint ici de ne pas connaître sa maîtresse (l. 76-77) ; – « on jouit de sa stupéfaction, de sa fureur indignée » (l. 77-78) ; – il reconnaît être « radical et grossier » (l. 79-80). *0 Procédés : – utilisation du présent de vérité générale, lorsque le narrateur veut donner une signification intemporelle et universelle à ses propos : « On disparaît et on ne reparaît plus » (le présent de vérité générale montre que cette assertion est toujours applicable), « Il n’existe […] procédé » (ici, le présent confère la dimension d’un axiome à la phrase), « Elle vous écrit, on ne répond pas » (cet exemple se présente comme général et intemporel) ; – utilisation du pronom personnel « vous » généralisant, qui représente les hommes ; – utilisation du pronom indéfini « on » ; – le personnage féminin de ce texte représente toutes les « femmes », qui sont des « maîtresses », à travers l’utilisation de l’article indéfini « une » devant ces noms ; % Contes parisiens, normands et fantastiques – 13 – utilisation du pronom substitut « elle » qui ne se réfère qu’à « une maîtresse », c’est-à-dire « n’importe quelle maîtresse ». La référence au mari rappelle le triangle habituel de l’adultère : « C’est dans l’ordre » (l. 50). Sous l’apparence d’une phrase ironique, le narrateur montre une vision cynique de la société de son temps. Il est courant que les femmes aient des liaisons avec des amants qui sont en outre des amis du couple, et la réciproque est naturellement vraie. L’adultère s’explique, en ce temps, essentiellement par les mariages de raison. Cependant, Maupassant a une vision particulièrement pessimiste des relations hommes/femmes qui transparaît ici. ◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 73 à 82) Examen des textes ! Cf. la réponse à la question 1 de la lecture analytique. " Manon Lescaut ne veut pas être infidèle à son amant, mais ils sont pauvres et ne peuvent vivre ainsi. Elle n’a pas le choix. Elle rompt donc momentanément avec lui pour se donner à d’autres et leur soutirer de l’argent : « Malheur à qui va tomber dans mes filets ! » # Elle utilise un raisonnement analogique, c’est-à-dire par l’exemple. Elle invente à cet égard l’histoire d’« un homme de [sa] connaissance ». Cet homme, bien entendu, n’existe pas mais lui sert de prétexte pour tracer une ligne de conduite par l’exemple à son destinataire. Elle lui fournit même, à cet égard, le modèle d’une lettre qu’il devra recopier et envoyer. $ Entre autres arguments, Charles rompt avec Eugénie dans le but de se marier par ambition sociale. Il ne se marie donc pas par amour (« je n’aime pas le moins du monde mademoiselle d’Aubrion »). Ayant fait fortune, il a pu choisir une jeune héritière qui lui apporte un nom noble, « un titre, la place de gentilhomme honoraire de la chambre de Sa Majesté, et une position des plus brillantes ». Grâce à son nom, à sa situation sociale et à sa fortune, il pourra recevoir du monde et finalement s’assurer une haute « situation sociale », et assurer à ses enfants un avenir aux avantages « incalculables ». % Rodolphe est las de sa liaison avec Emma. La stratégie qu’il emploie pour rompre dans sa lettre est de laisser la jeune femme croire qu’il l’aime toujours, mais qu’il est préférable de rompre dans son intérêt à elle. Il s’agit donc essentiellement de persuasion. Pour cela, il emploie différents arguments : « Je ne veux pas faire le malheur de votre existence », « Il nous serait venu des lassitudes » (ici, l’argument se veut déductif), « L’idée seule des chagrins qui vous arrivent me torture », « Pourquoi étiez-vous […] que la fatalité ! », « Il vous aurait fallu subir […] la calomnie ». & Ils sont tous les deux hypocrites et lâches : – hypocrites, car leurs motivations ne sont pas franches : Rodolphe invoque de faux arguments, tandis que Charles, même s’il révèle ses intentions réelles, feint de les soumettre à l’approbation d’Eugénie ; – lâches, car ils n’ont pas le courage d’annoncer en personne leur décision aux jeunes femmes avec lesquelles ils rompent. ' Le tableau représente une femme qui reçoit une lettre. Son visage semble ému et triste : les traits sont tendus, la bouche entrouverte, dans une espèce d’incrédulité. Sa grossesse accentue le caractère pathétique du tableau. On peut donc en déduire que la lettre véhicule une mauvaise nouvelle. Peutêtre s’agit-il d’une lettre de rupture ? Travaux d’écriture Question préliminaire Les textes de Maupassant (texte A) et de Laclos (texte C) sont des lettres de conseils sur la manière de rompre, tandis que le but des trois autres textes est la rupture avec le destinataire : – chez Maupassant, le narrateur répond à un ami qui lui a demandé des conseils pour rompre avec sa maîtresse. L’énonciateur est donc le narrateur et le destinataire un ami auquel il adresse ses conseils ; – le texte de Laclos est un extrait de la lettre CXLI. Mme de Merteuil écrit au vicomte de Valmont pour suggérer à son ancien amant, de manière implicite, de rompre avec Mme de Tourvel, sa Réponses aux questions – 14 maîtresse actuelle, en lui donnant le modèle d’une lettre de rupture. Cette dernière figure entre guillemets. Il y a ainsi une lettre dans la lettre, une sorte de mise en abyme. Cette seconde lettre sera d’ailleurs reprise mot pour mot par Valmont et envoyée à Mme de Tourvel. Ainsi, dans ces deux textes, les énonciateurs ne rompent pas avec leur destinataire, mais évoquent seulement le thème de la rupture. Dans les trois textes suivants, les auteurs des lettres rompent avec leur destinataire : – le Chevalier découvre la lettre que sa maîtresse lui a laissée. L’énonciatrice de la lettre est Manon Lescaut qui souhaite se prostituer pour gagner de l’argent ; – Eugénie Grandet reçoit une lettre de rupture de la part de son cousin qui l’avait quittée et laissée sans nouvelle depuis sept années. Il lui annonce son mariage prochain avec une autre femme afin de s’élever socialement ; – la dernière lettre, écrite par Rodolphe, est adressée à Emma. Ici, nous découvrons la lettre au fur et à mesure de son élaboration. L’attitude de Rodolphe est hypocrite. Il rompt par lassitude mais fait croire à Emma que c’est pour son bien à elle. Commentaire « Définition » du texte permettant de trouver les axes d’étude : Ce texte, extrait du roman Madame Bovary de Flaubert, montre Rodolphe en train d’élaborer sa lettre de rupture (1) à Emma. À cet égard, il élabore une habile stratégie argumentative (2). Dans ce texte, la narration à la 3e personne (interventions du narrateur) alterne avec les paroles du personnage, rapportées au style direct (lettre lue à haute voix, réflexions sur ce qui est écrit). Ceci permet de brosser le portrait moral (3) du jeune homme. 1. L’élaboration de la lettre de rupture A. Les différents niveaux de l’énonciation • Des interventions du narrateur de plusieurs natures : – des propositions incises objectives qui accompagnent les paroles rapportées (« se dit-il », « il écrivit », « puis ajouta », « il relut la lettre ») ; – des interventions qui montrent l’évolution des réflexions de Rodolphe (« Rodolphe s’arrêta pour trouver ici quelque bonne excuse », « Il réfléchit ») et qui se font parfois plus précises, au style indirect libre (« ce qu’il jugeait d’un excellent goût ») ; – des interventions descriptives qui rappellent le cadre de l’écriture (« La mèche […] se fut rassis ») ou qui décrivent le contenu de la lettre (« Et il y avait un dernier adieu, séparé en deux mots : À Dieu ! »). • Le style direct, dans la lettre et dans les réflexions de Rodolphe. L’essentiel de ce texte est constitué de style direct, cité entre guillemets. Le narrateur rapporte ici le monologue de Rodolphe en train d’élaborer sa lettre. Ce monologue est constitué de deux éléments essentiels : – d’une part, de la lecture directe de la lettre en train d’être écrite (« Du courage », « Avez-vous mûrement posé », « Je ne vous oublierai pas », « Ah ! si […] les conséquences », « Le monde est cruel […] dans ses prières », « Je serai loin […]. Adieu ! », « Votre ami ») ; – d’autre part, des réflexions et commentaires de Rodolphe au sujet de ce qu’il écrit. Ceci l’amène à émettre des jugements sur sa démarche et sur son propre caractère (« Après tout, c’est vrai […] ; j’agis dans son intérêt ; je suis honnête ») et s’interroger sur ce qu’il peut ou non écrire (« Si je lui disais […] ?… Ah ! non […]. Est-ce qu’on peut faire entendre raison à des femmes pareilles ? », « Elle va peut-être croire […] finir », « Il me semble que […] relancer », « Comment vais-je signer, maintenant ? »), montrant aussi parfois sa satisfaction sur le choix de ses mots (« Voilà un mot qui fait toujours de l’effet »). B. La ponctuation L’alternance de ces deux discours permet de montrer la lettre en cours d’élaboration. La ponctuation (points d’interrogation et de suspension), mais aussi certaines interjections contribuent à montrer la difficulté de l’exercice. • Les points d’interrogation (présents dans le discours direct) et les points de suspension montrent les doutes et les hésitations de Rodolphe quant au choix des mots. Il souhaite en effet écrire une lettre de rupture, c’est-à-dire qu’il ne veut pas de réponse. Ainsi, pour qu’il atteigne son but, le contenu de sa lettre doit-il être rigoureusement choisi. Contes parisiens, normands et fantastiques – 15 • Les interjections sont de deux sortes : – certaines contribuent à montrer l’impatience de Rodolphe dans son labeur (« ah ! ») ; – d’autres relèvent du registre lyrique ou pathétique (cf. 3, B). C. Les caractéristiques de la lettre Finalement, cet extrait, malgré l’alternance des deux discours et les doutes de Rodolphe, parvient à montrer un texte abouti qui présente les caractéristiques d’une lettre achevée. • La situation d’énonciation inhérente au genre est respectée : un émetteur (Rodolphe), une destinatrice (Emma), une formule de « politesse » (« À Dieu ! »), une signature (« Votre ami »). • Les nombreuses marques de la 1re personne du singulier (« je », « moi-même », « moi », « me », « mon ») et du pluriel (« nous », « nos »), ainsi que des marques de la 2e personne (« vous », « votre ») montrent l’implication de l’émetteur dans son écrit, ainsi que sa volonté d’y associer Emma. 2. La stratégie argumentative Rodolphe est las de sa liaison avec Emma. La stratégie qu’il emploie pour rompre dans sa lettre est de laisser la jeune femme croire qu’il l’aime toujours, mais que la rupture est préférable dans son intérêt à elle. Il s’agit donc essentiellement de persuasion. Pour le lecteur, la mauvaise foi est manifeste. Le jeune homme utilise néanmoins quelques arguments liés à la raison pour convaincre Emma du bienfondé de leur rupture. En plus de ces arguments et pour être sûr de ne plus la revoir, il a recours à des clichés et à des procédés rhétoriques tout aussi persuasifs. A. Les arguments liés à la raison, destinés à convaincre • L’adultère (argument de valeur : le mariage) : impossibilité de poursuivre une liaison illégale (« Je ne veux pas faire le malheur de votre existence », « la fausseté de notre position future »). • Le danger (recours au bon sens) : ne pas la mettre en danger (« insensés ! », « poursuivis »). • La précarité du sentiment amoureux (raisonnement déductif, recours aux faits) : les liaisons finissent toujours par lasser (« Il nous serait venu des lassitudes »). • La calomnie (recours aux faits) : protéger leur couple de la calomnie (« Il vous aurait fallu subir […] la calomnie » ; emploi du champ lexical lié à la calomnie en une succession de termes ; répétition de « outrage »). • Rappel de la maternité (argument de valeur) et, par conséquent, de ses devoirs de mère. Ici l’argument est implicite, à travers l’allusion à son enfant. B. Les arguments destinés à persuader • La sollicitude : « L’idée seule des chagrins qui vous arrivent me torture », « pauvre ange ». • La fatalité : « c’est là le sort des choses humaines », « Pourquoi étiez-vous […] que la fatalité ! » • L’aveuglement lié à l’amour : Rodolphe prétend ouvrir les yeux d’Emma en soulignant sa naïveté. • Des suppositions sur l’avenir : « qui sait […] causés ». Refus par avance d’être éventuellement responsable du chagrin et du déshonneur d’Emma. C. Le recours aux clichés et les procédés rhétoriques • Les clichés romanesques : – clichés propres à toucher le caractère sensible d’Emma (« Je ne vous oublierai pas […] profond ») ; – la souffrance de voir souffrir l’être aimé (« L’idée […] me torture ») ; – la responsabilité seule de la fatalité ; – le « bonheur idéal » ; – le cliché de l’amoureux qui part pour éviter de blesser sa belle, par nécessité, pour accomplir son devoir (« Je serai loin »). • Les métaphores, comparaisons, adjectifs qualificatifs hyperboliques : – « je me reposais à l’ombre de ce bonheur idéal » ; – « comme à celle du mancenillier » (ici, référence romanesque à cet « arbre de mort ») ; – nombreux adjectifs hyperboliques visant à apitoyer Emma sur leur sort à tous les deux (« malheureux », « insensés »…). • Les nombreuses questions rhétoriques : – ces questions sont en réalité de fausses interrogations qui n’attendent bien entendu pas de réponse. Leur présence vise uniquement à persuader Emma, en lui laissant croire qu’il y a là un débat ; – questions rhétoriques anaphoriques (« Pourquoi […] ? Pourquoi […] ? »). Réponses aux questions – 16 3. Portrait moral de Rodolphe Les analyses précédentes permettent de brosser le portrait moral de Rodolphe. Le jeune homme n’est visiblement qu’un homme à femmes, lâche, hypocrite et cynique, lassé de sa dernière liaison et pressé d’en finir avec celle-ci. A. Un homme lâche et hypocrite • Ses véritables sentiments : – Rodolphe explicite sa volonté d’en finir d’une part avec sa maîtresse et d’autre part avec la corvée que représente la rédaction de cette lettre (« Ah ! n’importe ! tant pis, il faut en finir ! ») ; – certaines de ses réflexions révèlent de manière directe ses sentiments vis-à-vis d’Emma (« Est-ce qu’on peut faire entendre raison à des femmes pareilles ? »), mais Rodolphe n’a pas le courage de lui avouer la vérité. Il lui ment en lui faisant croire qu’il l’aime toujours. Il se révèle alors lâche et hypocrite ; – le terme « courage », répété deux fois, s’adresse aussi bien à Emma qu’à lui-même : il a besoin de courage pour écrire cette lettre ; – la recherche d’arguments montre qu’il est prêt à donner n’importe quelle excuse, pourvu qu’il soit débarrassé d’Emma (« Si je lui disais que toute ma fortune est perdue ? […] rien »). • Son hypocrisie se révèle : – dès le début, lorsqu’il prétend agir « dans son intérêt » et être « honnête ». S’il est vrai, aux yeux du lecteur, qu’il agit dans l’intérêt d’Emma, il ne donne pas les vraies raisons que la jeune femme devrait connaître (il ne l’aime pas). Par ailleurs, il se ment à lui-même en prétendant être honnête ; – dans l’utilisation d’hypocoristiques (« pauvre ange ») et de compliments (« si belle », « votre charme », « adorable femme ») ; – dans son mensonge (« Je ne veux pas faire le malheur »). Il sait qu’en réalité il va la blesser et se cache sous le masque de l’homme honnête qui ne veut pas déshonorer la femme adultérine ; – dans les interventions du narrateur (« Rodolphe s’arrêta ici pour trouver quelque bonne excuse »). B. Le cynisme de Rodolphe Son cynisme apparaît à travers trois éléments essentiels : • L’emploi simultané des registres lyrique et pathétique : ce cynique, qui prétend agir honnêtement alors même qu’il est malhonnête, n’est pas sans rappeler Dom Juan à travers, par exemple, le fréquent recours aux registres lyrique et pathétique mêlés. Leur emploi est destiné à faire croire à Emma qu’il l’aime, tout en cherchant à l’apitoyer (« Ah ! Malheureux que nous sommes, insensés ! », l’impératif du cliché « Oubliez-moi », « Est-ce ma faute ? Ô mon Dieu ? non, non, n’en accusez que la fatalité ! », « L’outrage à vous ! Oh !… Et moi qui voudrais vous faire asseoir sur un trône ! […] prières »). • Les procédés employés et la conscience des effets produits : – recours à des champs lexicaux opposés mais associés : l’amour (« ange », « confiante ») et le mal qui pourtant résulterait de cette liaison si elle se poursuivait (« malheur », « abîme », « poursuivis », « calomnie », « dédain », « outrage », « punis », « mal », « perdue », etc.) ; – utilisation d’oxymores (« confiante et folle ») ; – utilisation d’hyperboles (« l’atroce douleur ») ; – cynique, Rodolphe veille aux effets que ses mots engendreront (« Voilà un mot qui fait toujours de l’effet ») ; – le cynique ironise presque en employant « l’argument-cliché » du monde cruel, alors qu’ici la cruauté émane de lui seul ; – son cynisme transparaît encore à travers l’utilisation d’idées opposées – ce qui ne l’embarrasse guère : d’un côté, il prétend ne pas oublier Emma tandis que, de l’autre, il souligne l’aspect fatalement éphémère de la passion qui lasse (« C’est là le sort des choses humaines »). • Les interventions du narrateur : elles permettent aussi de souligner le cynisme de Rodolphe. D’une part, elles montrent la réflexion de Rodolphe qui élabore cette lettre, c’est-à-dire l’absence totale de spontanéité, d’honnêteté (« pensa », « réfléchit »), et, d’autre part, elles présentent l’autosatisfaction de ce cynique (« ce qu’il jugeait d’un excellent goût », « Elle lui parut bonne »). Conclusion L’analyse des procédés narratifs révèle les choix judicieux opérés par Flaubert, tout autant que la richesse du texte. À travers la simple élaboration d’une lettre de rupture, c’est toute une stratégie argumentative qui se déploie sous nos yeux. Les arguments raisonnés se mêlent aux arguments persuasifs, sans omettre les clichés et les figures de style qui ne manqueront pas de produire leur effet Contes parisiens, normands et fantastiques – 17 sur la destinatrice. Ainsi, à travers la rédaction de cette lettre, le personnage laisse transparaître des aspects peu flatteurs de son caractère. Le narrateur, par ses rares mais habiles remarques, achève de brosser le portrait d’un homme hypocrite et sans scrupules. Il est bien dommage qu’Emma s’effondre en recevant la lettre de rupture d’un tel personnage. Mais n’est-ce pas précisément là l’un des aspects qui ont contribué à transformer en « bovarysme » le nom propre inventé par Flaubert pour son héroïne ? Dissertation 1. La dimension autobiographique de la lettre permet d’en cerner l’auteur à travers ce qu’il veut bien livrer de lui-même • L’auteur livre ses choix (de vie, par exemple, comme Charles à Emma). • La lettre permet de connaître ses sentiments, ses émotions, directement transcrits. • Choix du lexique, du niveau de langue et du ton de la lettre (l’ironie dans Vains Conseils montre, par exemple, la misogynie de l’auteur). • Entreprise de dévoilement progressif qui a le mérite de solliciter le lecteur devenu actif dans ce qui peut s’apparenter à une véritable enquête. 2. L’auteur de la lettre peut se révéler malgré lui • Le simple fait d’écrire révèle l’auteur de la lettre : Manon Lescaut qui laisse un mot à son amant. • L’auteur de la lettre peut être « trahi » par son style (cf. le discours enfantin de Cécile dans Les Liaisons dangereuses). • Les non-dit montrent sa personnalité (Rodolphe à Emma : hypocrisie, lâcheté). • Le choix du destinataire permet de mieux cerner l’émetteur (cf. ce que la marquise de Merteuil écrit à Cécile sur la nécessité de s’adapter au destinataire, les nombreuses lettres de Mme de Sévigné à sa fille). 3. Le contexte de la lettre permet de mieux cerner son auteur • Ce qu’on lui écrit (Les Liaisons dangereuses). • Ce qu’on écrit de lui (le narrateur omniscient qui intervient durant l’élaboration de la lettre de Rodolphe à Emma). • Enfin, la connaissance de l’auteur des lettres par la construction même du roman, l’organisation des lettres (particulièrement vrai dans Les Liaisons dangereuses). De ce point de vue, le romancier peut aussi maintenir un certain mystère ou bien une certaine ouverture, une latitude d’interprétation (par exemple, le dénouement de Julie ou la Nouvelle Héloïse : sentiments de Julie pour Saint-Preux ?). Écriture d’invention On attend des élèves : – des connaissances sur le genre épistolaire (émetteur, récepteur, date, lieu, mise en page) ; – des connaissances sur l’argumentation et en particulier sur la réfutation ; – le respect du caractère des personnages tel qu’il est révélé dans la lettre de Rodolphe. L a F i c e l l e ( p p . 9 1 à 9 9 ) ◆ Lecture analytique de la nouvelle (pp. 100-101) Le cadre géographique est extrêmement précis. Maupassant cite plusieurs noms de villes normandes réelles. Il évoque le marché de Goderville (l. 1), mais aussi Bréauté (l. 26), Beuzeville (l. 93), Manneville (l. 123) et Ymauville (l. 179). Ces indications nombreuses permettent de situer précisément le récit et contribuent à lui donner un aspect réaliste. " Maupassant brosse le tableau de l’arrivée des paysans au marché de manière très réaliste : on a l’impression de les « voir » s’acheminer lentement vers le bourg. Ils donnent tout d’abord l’impression générale d’un troupeau : les hommes sont désignés par le terme « mâles » (l. 3), habituellement employé pour le bétail. D’ailleurs, ils tirent tous des animaux (« une vache, un veau »), semblant ainsi se ! Réponses aux questions – 18 confondre avec eux en une seule masse. Cette idée est reprise avec « cette cohue d’humains et de bêtes mélangés » (l. 26-27). Les femmes font partie de ce groupe, mais elles suivent chacune leur homme et sa bête, passant ainsi après le gros bétail. Elles portent elles aussi des animaux, mais ce sont des volailles (« poulets », « canards »). Cette vue d’ensemble n’empêche pas Maupassant de donner des détails sur le physique des paysans (l. 3-6) et sur leurs vêtements (l. 9-10 pour les hommes et l. 19-21 pour les femmes). C’est cette capacité de mélanger le détail au général qui confère un aspect réaliste au texte (l. 22-25 : un char passe, portant deux hommes et une femme ; un seul détail rend réalistes ces quatre lignes : la manière dont la femme « tenait le bord pour atténuer les durs cahots » ; par cette seule précision, Maupassant rend vivants ces trois personnages qui semblent alors en action). # Le dialecte normand rend la scène encore plus réaliste, en donnant une « couleur locale » au texte. $ Éléments réalistes chez l’aubergiste : – l’énumération précise des différents véhicules (l. 69-70) ; – le détail du repas qui cuit dans l’âtre (l. 75-77) et le « cidre jaune » (l. 81) ; – le discours indirect libre (l. 83-84) qui rapporte une bribe de conversation, donnant l’impression au lecteur de les entendre. % Coutumes normandes évoquées : – le jour du marché, avec l’arrivée des paysans et des bêtes ; – « les interminables marchandages » évoqués à la ligne 54, puis illustrés jusqu’à la ligne 65, ainsi que la méfiance des acheteurs (l. 55-56) ; – la fin traditionnelle du marché à midi (l. 66), qui conduit ceux qui habitent le plus loin à déjeuner dans des auberges, où les bavardages vont bon train (l. 68-84) ; – la tradition du crieur public qui diffuse les nouvelles en faisant rouler son tambour (l. 85 sqq.) ; – l’évocation des rumeurs. & Éléments montrant l’aspect pathétique de maître Hauchecorne : – « il se baissa péniblement, car il souffrait de rhumatismes » (l. 41) ; – « courbé en deux par ses douleurs » (l. 52) ; – « plus courbé encore que le matin, car les premiers pas après chaque repos étaient particulièrement difficiles » (l. 114-115). On peut penser que l’homme va mal et qu’il est peut-être en fin de vie. ' Euphémisme : « économe en vrai normand » (l. 39-40). C’est la cupidité de Maître Hauchecorne qui est évoquée ici. Maupassant use d’un euphémisme pour ne pas dévoiler immédiatement l’aspect crucial de ce trait de caractère. C’est en effet sa cupidité qui pousse le paysan à ramasser la ficelle. Action qui engendrera l’accusation puis la rumeur… et qui causera finalement sa mort. ( Maître Malandrain est l’ennemi de Maître Hauchecorne. Le second n’agit donc pas de manière naturelle sous l’œil du premier. Il se sent coupable, alors qu’il n’a fait que ramasser une ficelle. Dans son esprit, Maître Malandrain le voit de manière malveillante. Et, précisément, il commet un acte insignifiant en apparence, mais qui révèle sa cupidité. Surpris par son ennemi, il cherche à masquer ce trait de caractère. En voulant s’en défendre, il agit comme s’il était coupable (il est pris « d’une sorte de honte », il « cache brusquement sa trouvaille », « puis il fit semblant »). ) Il donne prise à la rumeur en l’alimentant. Plus il s’efforce de se justifier, moins on le croit. Plus il en parle, plus les gens se moquent de son obstination. Si Maître Hauchecorne s’était tu, la rumeur se serait peut-être éteinte d’elle-même. Les participes et adjectifs suivants montrent l’évolution de son état d’esprit, qui passe de la surprise à la peur, puis à l’indignation, la colère et l’exaspération, en plus de la honte : « surpris, inquiet », « apeuré », « rougissant de colère », « furieux », « s’exaspérant, enfiévré, désolé », « interdit et de plus en plus inquiet », « suffoqué », « honteux et indigné, étranglé par la colère », « atterré », « frappé au cœur ». Toutes ces émotions finiront par tuer cet homme souffrant déjà physiquement. *+ Champ lexical de la mort : « Le paysan resta suffoqué », « étranglé par la colère », « frappé au cœur », « se rongeait les sangs, s’épuisait en efforts inutiles », « Il dépérissait à vue d’œil », « Son esprit, atteint à fond, s’affaiblissait », « il s’alita », « le délire de l’agonie ». *, Les indications de temps sont très nombreuses : « jour de marché », « aussitôt », « l’Angélus sonnant midi », « Tout à coup », « ce matin », « entre neuf heures et dix heures », « Et le repas s’acheva », « On Contes parisiens, normands et fantastiques – 19 finissait le café », « une heure durant », « la nuit vint », « le lendemain », « Tout le jour », « le dimanche suivant », « maintenant », « le mardi de l’autre semaine », « quand il fut assis », « Alors il recommença », « vers la fin décembre », « dans les premiers jours de janvier ». En effet, leur fonction est essentielle. Elles contribuent tout d’abord au réalisme du récit en lui apportant un cadre temporel aussi précis que le cadre géographique étudié plus haut. Elles confèrent par ailleurs son aspect dramatique au texte, contribuant, d’une part, à la création du suspense et, d’autre part, à sa crédibilité, en apportant quelques indications quant à la durée de l’histoire : ce fait divers est circonscrit dans le temps. *- Cette nouvelle contient des éléments empruntés au genre policier : vol, enquête et suspense. Elle s’achève par la mort du coupable présumé (pourtant innocent). *. Les gens ne croient pas en son innocence pour trois raisons essentielles : – il aurait pu être coupable, ainsi que l’indique le narrateur (« sa malice étant connue ») ; – son entêtement même à vouloir prouver son innocence finit par le rendre suspect ; – leur incrédulité devant le geste « absurde » de ramasser un bout de ficelle (voir question suivante). */ Maître Hauchecorne ramasse un bout de ficelle parce qu’il est cupide. Lorsqu’il sera soupçonné d’avoir volé le portefeuille, personne ne croira sa version des faits : comment peut-on être « économe » au point de ramasser un bout de ficelle ? Par ailleurs, sa malice est connue. Le fait qu’il persiste dans cette version inconcevable pour les autres entraînera la croissance de la rumeur, à travers les moqueries. Plus il niera, moins on le croira : cf. la répétition du verbe arrêter, avec deux sujets différents (= engrenage), et l’idée de perpétuité (« recommençant sans fin »). La nouvelle se répand essentiellement par sa faute : il en parle à tous, incessamment. *0 Maître Hauchecorne aurait été capable de commettre ce vol (l. 221-222). Mais, justement parce qu’il est innocent, il s’entête fièrement et naïvement à vouloir démontrer qu’il n’en est pas l’auteur. Il ne supporte pas la calomnie ni le soupçon (répétition de « Vieux malin » /« Gros malin », « menteux »…), alors qu’il n’y a aucune preuve. Cet homme potentiellement coupable, mais innocent ici, se sent victime. C’est donc paradoxalement son obstination à nier ce que les autres tenaient pour vrai qui a entretenu la rumeur qui l’a tué. Son obstination est devenue une obsession dévorante. Il faut tout l’art de Maupassant pour ancrer le récit dans un contexte réaliste et montrer comment la rumeur, à travers le portrait d’un paysan, peut tuer. ◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 102 à 110) Examen des textes ! Le cadre commun aux textes A et B est le monde rural. Le premier texte débute par un jour de marché ; le second se déroule durant les comices agricoles. Le texte A peint le monde rural à travers l’histoire d’un paysan victime de la rumeur. Le récit, traité de façon pathétique et satirique, montre comment un homme est « tué par la rumeur » ; il est à la fois victime de son caractère mais aussi des mœurs de la société paysanne. Le texte B peint son époque à travers le portrait d’une paysanne sur fond de comices agricoles. Il permet de montrer les différentes couches sociales du monde rural : la société bourgeoise récompense l’ouvrière agricole, représentative de toute une couche de la société. " Les descriptions minutieuses de la salle, des femmes, puis des hommes permettent de visualiser la scène. Elle apparaît ainsi de manière très réaliste, au point qu’on pourrait la peindre. Suggestion : faire dessiner la salle de bal par les élèves constitue un travail ludique et intéressant car il permet de leur montrer l’utilité des détails réalistes. # Texte A : le style direct, qui reprend le parler normand, est un procédé du réalisme (l. 134-135 : « Ah ! i m’a vu, çu manant ! I m’a vu ramasser c’te ficelle-là, tenez, m’sieu le maire »). Texte B : la description précise de la vieille femme, à travers l’abondance des détails (nombreux adjectifs, par exemple), et l’emploi d’un vocabulaire spécifique (« béguin », « camisole », « potasse », « suint ») permettent de tracer le portrait de la vieille femme avec réalisme. Texte C : là encore, la surabondance des détails engendre une description très réaliste du bal – par exemple, dans l’évocation des peintures murales dont les auteurs, Boucher et Prudhon, sont des artistes célèbres et réels. Réponses aux questions – 20 Texte D : l’emploi du style indirect libre chez Coupeau, en particulier, contribue au réalisme du passage, tout d’abord parce que le registre est familier, représentatif du langage des ouvriers (« Quant au vitriol, à l’absinthe et aux autres cochonneries, bonsoir ! »), et ensuite parce que l’abondance de termes spécifiques, relevant du champ lexical de l’alcool, révèle de manière saisissante, par sa prolixité et sa variété, les préoccupations des protagonistes (« anisette », « liqueurs », « prune », « vitriol », « absinthe », « cheulards », « mine à poivre », « ribotte », « canon », « vin »). $ Il s’agit d’un texte naturaliste en ce qui concerne le milieu populaire choisi et le sujet traité (l’alcoolisme). Les protagonistes évoquent la lourde hérédité qui pèse sur eux. Le fait qu’ils l’abordent précisément dans le cadre de L’Assommoir (cabaret) prouve que ce fléau les guette aussi. La suite de l’œuvre montrera en effet comment ils sombreront à leur tour dans l’alcoolisme. Zola applique ainsi ici ses théories sur le déterminisme héréditaire. % Les personnages appartiennent tous au monde rural. Cependant, deux classes sont représentées ici : les patrons et les ouvriers agricoles. Les premiers rémunèrent les seconds qui travaillent pour eux. & Ce tableau représente La Paye des moissonneurs. Les « maîtres » de La Ficelle pourraient être les personnages qui versent les salaires, tandis que la paysanne de Flaubert pourrait être la femme sur le tableau, sans le bébé, vu son âge (« ce demi-siècle de servitude »). Ce tableau illustre aussi les textes à travers le décor. Les bottes de foin du premier plan et la faux du moissonneur sont des éléments du monde rural. Les personnages sont installés dans la cour d’une ferme. Ce tableau montre les difficiles conditions de vie des ouvriers agricoles, suggérées par le texte de Flaubert. La femme nourrit son bébé tout en recevant son salaire. L’homme assis au premier plan n’a pas posé sa faux, bien que le travail soit achevé. Sa fatigue se lit sur ses traits durs et impassibles, voire hébétés. Il semble avoir été saisi sur le vif, juste après s’être jeté sur le banc, harassé de fatigue. Immobile, il se tient bien droit contre le mur, peut-être pour soulager son dos courbé par le fauchage, tandis que ses membres peuvent enfin se relâcher. Il a cependant l’air hagard d’un automate prêt à repartir – ce qui témoigne de l’aspect routinier de ce travail. Néanmoins, la discussion entre les deux hommes du second plan montre qu’un certain dialogue règne entre patrons et ouvriers. Travaux d’écriture Question préliminaire Les textes A et B et le document proposent une représentation du monde rural du XIXe siècle, tandis que les textes C et D peignent la société urbaine, plus précisément le milieu ouvrier. Pour les textes A et B et le document, voir les réponses aux questions 1 et 6 (examen des textes). Le texte C décrit un bal populaire parisien de manière très réaliste, mais chaque détail propose un aspect pauvre, voire vil du milieu populaire. Il donne ainsi l’image d’un bal vulgaire et miséreux. Il serait aisé de montrer le côté dédaigneux de la description (dès le second paragraphe, par exemple). Ce bal aurait pu être le cadre de la rencontre de Gervaise et Coupeau (texte D), qui sont tous deux ouvriers à Paris. La jeune femme est « blanchisseuse », tandis que son compagnon est « ouvrier zingueur ». Et leur rencontre dans un café et les hérédités qu’ils évoquent augurent mal de la suite de leur histoire. Commentaire Problématique Dans cet extrait de Madame Bovary, comment Flaubert parvient-il à peindre les différentes classes de la société rurale à travers le portrait d’une simple paysanne ? 1. L’art du portrait A. Une entrée en scène dramatisée • Par son retard, la lauréate introuvable suscite la curiosité des participants, mais aussi celle du lecteur. • Ce retard est matérialisé par le dialogue entre le peuple qui encourage la vieille et les bourgeois qui s’impatientent jusqu’aux injonctions (« Enfin y est-elle ? », « Qu’elle approche donc ! »). • Ambiguïté du « on » qui peut évoquer les participants anonymes ou le narrateur inclus dans les spectateurs. Contes parisiens, normands et fantastiques – 21 • Importance du point de vue d’abord externe puis omniscient, qui révèle peu à peu les détails de l’apparence de la paysanne puis d’une vie de labeur. B. Un portrait réaliste • Visage (« maigre », « plissé »…) : déshumanisation du personnage. • Corps (« petite ») et mains (énumération d’adjectifs, dont « encroûtées »…) : symboles de dur labeur mais aussi de la dégradation de la personne. • Vêtements (« pauvres », « grosses galoches de bois »…) : révèlent l’appartenance sociale. • Attitude (« maintien craintif », « se ratatiner », « mutisme »…) : correspond au code gestuel social (obéissance/soumission/docilité) engendré par des années de servitude. Cette attitude s’est finalement inscrite dans le corps. Importance de la comparaison avec les bêtes (« fréquentation des animaux »). 2. La peinture de la société rurale : deux classes distinctes Les comices agricoles permettent à des milieux différents de se côtoyer. Dans cet extrait, les paysans, c’est-à-dire la foule et son humble incarnation, Catherine, font face aux bourgeois représentés par le conseiller et le maire, Tuvache. L’opposition et les inégalités entre les deux couches de la société sont révélées de différentes manières. A. Les personnages • Les paysans sont représentés par la « foule » d’anonymes, d’une part, et par le personnage de Catherine, d’autre part. Bien que le portrait de cette dernière soit détaillé, la métonymie finale lui confère un statut de représentante du peuple paysan (« ce demi-siècle de servitude »). • Les bourgeois sont seulement deux face à la foule, mais clairement identifiés : l’un par son titre (le « conseiller »), l’autre par son nom (Tuvache – le maire). B. Les voix • Anonymat « des voix » de la foule dans le dialogue / nominalisation des nantis. • La foule « chuchote », tandis que le maire « s’écrie ». L’un a plus d’autorité que les autres. La foule, malgré son nombre, ne se fait pas entendre et reste humble. C. La condition paysanne et celle des nantis • L’opposition entre les deux couches sociales est symbolisée par la remise de médaille qui contient une portée sociale ironique : le prix d’une vie de travail est matérialisé de manière dérisoire par une médaille de vingt-cinq francs. La femme, visiblement, a été aliénée et abêtie par son travail. C’est finalement la servitude qui est ici récompensée. • Antithèse qui oppose « ces bourgeois épanouis » à « ce demi-siècle de servitude ». L’adjectif « épanouis » accentue la distance entre les bourgeois et les paysans. Leur contentement et leur condescendance montrent qu’ils sont incapables de remettre en cause leurs certitudes devant le bien-fondé de cette remise de médaille et donc devant la matérialisation des inégalités sociales. Leur aveuglement est éblouissant pour le lecteur ! Conclusion Cet extrait dépasse donc largement le simple portrait d’une paysanne. Il revêt en effet une dimension sociologique. Flaubert montre l’indifférence et la condescendance des nantis face à l’abêtissement et à la servitude des pauvres. Dissertation Introduction En 1830, le monde des arts est dominé par le romantisme. Néanmoins, quelques auteurs éprouvent peu à peu la nécessité d’explorer de nouvelles voies. Des critiques perçoivent ici et là les prémices d’un nouveau courant littéraire qu’ils nomment d’ores et déjà « le réalisme ». Et même si ce mouvement ne provoque un véritable engouement de la part des écrivains qu’à partir de la seconde moitié du siècle, certains, tel Stendhal, apparaissent comme des précurseurs. Ainsi, dans un roman dont les héros semblent encore nettement imprégnés de l’idéal romantique, l’auteur n’hésite-t-il pas à intégrer des réflexions esthétiques originales au fil de l’œuvre. Dans Le Rouge et le Noir, à deux reprises et en termes presque semblables (dans l’épigraphe du chapitre XIII du livre I et au cours du chapitre XIX du livre II), l’auteur compare le roman à « un miroir qui se promène sur une grande route ». Réponses aux questions – 22 Cette célèbre réflexion évoque le concept naissant du roman réaliste, qui se doit de représenter la réalité telle qu’elle est, en réaction contre l’idéalisme et le lyrisme du romantisme. Balzac et Flaubert emprunteront cette voie ouverte par Stendhal. Zola et Maupassant décideront de s’y engouffrer puis de l’explorer, pour aboutir au naturalisme. Partant de cette citation de Stendhal, il est donc intéressant de s’interroger sur les rapports entre le roman et la réalité. Cela amènera tout d’abord à observer la part de réalisme dans le roman, puis à se demander s’il n’existe pas une part fictive inébranlable qui en constitue l’essence. On se demandera alors finalement si le roman ne peut pas être défini comme une interprétation du réel. 1. Le roman est un genre qui cherche à représenter la réalité A. Le roman cherche la vraisemblance • Volonté de décrire la réalité de manière objective. • Le Rouge et le Noir de Stendhal ; Madame Bovary de Flaubert ; actions et personnages dans L’Assommoir. B. L’emploi des procédés liés au registre réaliste • Descriptions précises (pension Vauquer). • Discours direct (patois des paysans dans Une vie). C. Respect des données historiques Le Rouge et le Noir ; guerre franco-prussienne de 1870 dans les œuvres naturalistes… 2. La part fictive des romans A. La figure du héros Étienne dans Germinal ; Julien dans Le Rouge et le Noir. B. La subjectivité qui transparaît dans les introspections des personnages Les rêveries d’Emma Bovary. C. Le roman à la 1re personne La Vie devant soi de Romain Gary. 3. Le roman peut être défini comme une interprétation, une re-création du réel A. Comme l’explique Maupassant (cf. « Le Roman » dans la préface de Pierre et Jean), le roman n’est qu’une reconstruction de la réalité Le roman n’est pas la réalité, mais un assemblage de mots qui engendrent des idées. B. Fonction critique du roman • Satires et parodies : les comices agricoles dans Madame Bovary. • Ici, le romancier interprète le monde qu’il décrit. C. L’univers romanesque obéit à ses propres lois constitutives Par exemple, les « types » de personnages. D. Importance de l’imaginaire, voire de l’idéalisation Tristan et Yseult. Écriture d’invention Les élèves rédigent ce travail à partir d’un corpus qui s’intéresse aux mouvements réaliste et naturaliste. Ils doivent donc connaître ces courants littéraires, mais aussi, bien sûr, les textes de référence (La Ficelle et L’Assommoir), les époques, les lieux, les personnages, leur histoire. Il s’agit ici de la suite de deux textes qui se « rencontrent ». Ainsi, on attend des élèves : • Pour la forme : – qu’ils fassent alterner passages narratifs et dialogues, mais aussi quelques descriptions (cf. réalisme et naturalisme) ; – qu’ils respectent la ponctuation du dialogue (une révision préalable peut s’imposer) ; – qu’ils excluent le langage familier et le dialecte normand. • Pour le fond : – qu’ils respectent le plan fourni par le sujet (il serait intéressant que l’introduction retrace rapidement l’arrivée de Maître Hauchecorne à Paris et son installation dans la ville / son entrée à L’Assommoir / sa rencontre avec Gervaise et Coupeau / dialogue dans lequel Maître Hauchecorne raconte brièvement Contes parisiens, normands et fantastiques – 23 son aventure + discussion, échange de points de vue sur les différences entre le monde rural et le monde urbain, en s’appuyant sur tous les documents du corpus et sur d’autres connaissances… sans anachronisme ! – Pour le monde rural, voir La Ficelle : le marché, les décors, les personnages, les rumeurs, etc. ; pour le monde urbain, voir le naturalisme de Zola : déterminisme qui agira sur Coupeau et Gervaise ; ces derniers devraient donc boire de l’alcool dans le devoir de l’élève. – Les élèves auront aussi pu emprunter des idées au texte des Goncourt en ce qui concerne la « misère » des Parisiens) ; – que les profils des trois personnages soient respectés en fonction des textes de référence, sachant que les élèves possèdent une latitude de création concernant, par exemple, la vie présente et passée de Gervaise et de Coupeau, du moment qu’ils ne présentent pas d’incohérence… Et qu’ils aient bien vu que Gervaise était une femme ! L e H o r l a ( p p . 1 7 5 à 2 0 4 ) ◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 205 à 207) Nombreuses traces de la 1re personne (« Je », « mon », « ma », « moi »). Précision de la date. Le journal intime apporte de la crédibilité au récit. Grâce à la focalisation interne, le texte revêt la dimension d’un témoignage. " Le décor est la chambre du narrateur. Il s’agit donc d’un univers familier, dont le mobilier est décrit assez précisément (l. 817 à 820). Le rôle du décor ainsi présenté est de rendre le cadre réaliste. # Éléments montrant la santé mentale du narrateur : – élaboration d’un plan : « je fis semblant d’écrire » (l. 808), l. 816 et 823-824 ; – description minutieuse du décor ; – choix d’un lexique très précis, vocabulaire varié ; souci de la précision ; – description très précise du Horla ; Le narrateur replace immédiatement l’histoire dans son cadre réel et quotidien, à l’aide d’une comparaison (l. 843-844 : « ainsi que […] chaque jour »), et parvient à analyser ses propres émotions (l. 845-846). $ Le champ lexical de la vue débute dès la première ligne (« Je l’ai vu ! ») et cesse à la fin de l’extrait (« Je l’avais vu ! »). Entre-temps, une douzaine d’occurrences apparaît : « guettais », « regarder », « épiai », « lisait », « ai vu », « voyais », « avais vu », « regardais », « apercevoir ». Ces nombreuses occurrences apparaissent, au départ, comme des éléments du réalisme car elles renforcent l’aspect du témoignage. On peut ajouter à cette longue liste la « clarté » (l. 816) de la pièce due aux « deux lampes et […] huit bougies » allumées. % Les verbes qui relèvent de la vue sont analysés ci-dessus. Les autres verbes de perception poursuivent le même but : rendre perceptible et crédible la présence du Horla (« rôder », « toucher », « saisir », « sentir », « frôlant »…). & Le narrateur saisit la présence du Horla parce qu’il le sent (l. 824-825) et qu’il ne voit plus son propre reflet dans la glace (l. 827-830). ' Le narrateur a élaboré un plan pour tendre un piège au Horla : – « je fis semblant » (l. 808, répété à la ligne 823) ; – « je savais bien qu’il viendrait » (l. 809) ; – « je pourrais peut-être […] » (l. 810) ; – « je le guettais » (l. 814) ; – « J’avais allumé […] » (l. 815) ; – « le découvrir » (l. 816) ; – la porte ouverte puis refermée « afin de l’attirer » (l. 818-819) ; – « pour le tromper » (l. 823) ; – « Je me dressai, les mains tendues » (l. 826)… ( Champ lexical du combat : « écraser », « mordre », « déchirer ». Champ lexical de la mort : « étrangler », « avait dévoré mon reflet ». ) Au départ, le Horla est personnifié (il est décrit par des pronoms personnels et il sait lire). Puis il se « déshumanise » (« Corps imperceptible », pronoms démonstratifs) et semble laisser place ou bien se confondre avec une « brume », « une nappe d’eau » (l. 837). Finalement, il n’a pas de forme : il est invisible ! ! Réponses aux questions – 24 Au moment de la disparition, le narrateur voit une « brume » (répétition) dans le miroir. Comparaison avec une « nappe d’eau » (répétition). On peut en conclure que le narrateur a vécu une hallucination. *, Éléments suggérant que le Horla est un double maléfique du narrateur : – « mon reflet » (l. 834) ; – cet autre est maléfique car il lui veut du mal : il rôde et l’épie ; – le Horla « dévore » le reflet du narrateur, mais ce dernier lui veut aussi du mal, puisqu’il l’a attiré dans ce piège. Donc le Horla est aussi son double en esprit, à travers ses intentions néfastes. *- Cette aventure est comparée à une éclipse (l. 840) – d’où son aspect furtif. *. Ce texte est un journal intime qui appartient habituellement au genre autobiographique. Ici, il s’agit d’un journal intime fictif. Ce genre permet un retour et une réflexion sur des événements vécus. Ainsi le lecteur fait a priori confiance au narrateur. La forme intime du « je » postule que le narrateur est en possession de tous ses moyens pour écrire (déroulement chronologique du récit, forme sans faille qui nécessite la lucidité du diariste). Le narrateur étant ainsi crédibilisé grâce à la forme de son récit, le lecteur ne peut douter des allégations de celui qui l’amène à partager ainsi son angoisse. */ Le sens essentiellement évoqué est celui de la vue (cf. la réponse à la question 5), qui rend crédible l’histoire : l’appel aux sens serait un argument de vérité (« Je l’ai vu ! »). Mais, en même temps, cet appel au sens visuel apporte une dimension angoissante, puisqu’en réalité le narrateur ne voit rien (le Horla est invisible). Ainsi, si l’on postule que le Horla n’est qu’une hallucination, la présence de ce champ lexical révèle de façon incontestable la folie du narrateur, puisqu’il ne cesse de clamer qu’il a vu le Horla. Voir aussi la référence au toucher dont le rôle est identique (« toucher », « sentis », « frôlant »). Ainsi, il prétend être « certain » mais il n’a pas de preuves (« par-dessus mon épaule », « frôlant », « il me semblait », « ne paraissait point »). Rien n’est visible ni palpable ; il n’y a finalement que des impressions. *0 Les nombreux points d’exclamation et de suspension, mais aussi les points d’interrogation montrent le trouble et l’angoisse du narrateur. *1 Oxymores : « corps imperceptible » (l. 833-834), « transparence opaque » (l. 841-842 – idée de flou typique des récits fantastiques). Ces oxymores favorisent l’angoisse car ils montrent les contradictions du narrateur qui prétend « voir » des éléments étranges mais qui, sans doute, ne voit rien. *2 Le champ lexical de la peur est très présent (« j’eus peur », « épouvante »…), mais aussi les réactions d’effroi (« je me dressai », « mes yeux affolés », « je n’osais […] », « frissonner »). *3 Répétitions : « Je l’ai vu ! », « semblant d’écrire », « tout près, si près »… Énumération des parties du corps qui suit la phrase au conditionnel de la l. 810, des « organes surexcités ». Les balbutiements (l. 810). Ces éléments montrent que l’homme perd la raison. *4 Les verbes sont de plus en plus précis : « je faisais semblant », « je sentis », « je fus certain », « il était là ». Le narrateur devient finalement « certain » de la présence du Horla. 5+ Ce texte appartient au genre fantastique car le lecteur hésite entre une interprétation naturelle du phénomène (hallucination, folie du narrateur) et une explication surnaturelle (le Horla existe). Ce texte révèle la virtuosité de l’écrivain qui parvient à faire jaillir l’angoisse et l’épouvante chez le lecteur, à travers ce duel entre le narrateur et un « être » invisible. Les thèmes du Horla apparaissent dans bien d’autres nouvelles de Maupassant, telles que Lui ?, Un fou ?, Qui sait ?, L’Homme de Mars, Magnétisme, La Chevelure, etc. *+ ◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 208 à 212) Examen des textes ! Ces textes ont été écrits en 1885 (texte B), 1886 (texte C) et 1887 (texte A). Leur thème est la découverte d’un être surnaturel par un humain devant un miroir. Ce sont trois nouvelles qui appartiennent au genre narratif. Le texte B revêt une forme épistolaire et le texte A la forme d’un journal intime (autobiographie fictive). Ils appartiennent au registre du fantastique. " Le texte A est un extrait de journal intime (« 19 août »). Le texte B est une lettre écrite par un patient à son médecin. Le texte C est un récit à la 1re personne, mais un récit enchâssé : un patient raconte son histoire à des médecins, à la demande de celui qui le suit médicalement. Contes parisiens, normands et fantastiques – 25 Passages conservés (les lignes données ici sont celles de Lettre d’un fou) : « je l’ai vu » (l. 174) ; « En face […] fermée » (l. 178-179) ; « Derrière moi […] à glace » (l. 180) ; « Je me dressai […] lumière » (l. 190192 – ajout de termes et changement de ponctuation dans le texte A) ; « comme j’eus peur ! » (l. 196) ; « une brume […] lentement » (l. 197-199 – ajout dans les textes C et A de « une nappe d’eau ») ; « de seconde en seconde […] cachait » (l. 199-201) ; « transparence opaque […] distinguer » (l. 201-203) ; « ainsi que […] vu ! » (l. 203-205 – ici, changement d’adverbe : « nettement » dans le texte B, « complètement » dans les textes A et C, et suppression de « donc » dans les deux derniers textes). L’étude des éléments identiques dans ces trois passages révèle leurs nombreuses similitudes, particulièrement entre les textes A et C. L’auteur a conservé de nombreuses phrases identiques. C’est la même histoire qu’il réécrit dans ces trois passages. On remarque cependant que le travail sur les éléments propres à favoriser la montée de l’angoisse s’accentue au fur et à mesure des réécritures. $ Jusqu’à la ligne 816 du texte A (l. 216 du texte C), les extraits diffèrent totalement, hormis les deux phrases suivantes : « Je l’ai vu » (l. 807 du texte A et l. 212 du texte C) et « avec tous mes organes surexcités » (l. 814 du texte A et l. 214 du texte C). Ensuite, les différences sont peu nombreuses : une phrase (l. 819 : « après l’avoir laissée longtemps ouverte, afin de l’attirer ») et quelques termes (l. 826 : « les mains tendues », l. 828 : « profonde », l. 832-833 : « je n’osais plus faire un mouvement […] pourtant qu’il était là, mais […] », l. 833 : « lui dont », et l. 833 : « dévoré » au lieu d’« absorbé ») ont été ajoutés ou modifiés dans le texte A par rapport au texte C. Les grandes ressemblances entre les deux textes montrent que le texte C apparaît comme une ébauche du texte A, dans le sens où le second a été travaillé à partir du premier. % Un examen attentif de la ponctuation montre que les changements sont assez nombreux. Par conséquent, l’essentiel des modifications entre ces deux versions réside dans la ponctuation qui a été minutieusement retravaillée. Voici quelques exemples de ces changements intervenus dans le texte A : points-virgules au lieu des points (l. 817-818) ; ajout d’une virgule (l. 819) ; point d’interrogation au lieu du point d’exclamation (l. 827) ; « moi ! » au lieu des points de suspension (l. 830) ; virgule après « restée » (l. 845)… L’examen de ces modifications montre que Maupassant a retravaillé sa ponctuation dans le but de créer un effroi plus important chez le narrateur du texte A. Il s’agit donc de faire monter la tension chez le lecteur, tension inhérente au registre fantastique. & Voici les principaux passages que l’on retrouve de manière presque similaire dans les deux versions : la rose cueillie, le trois-mâts brésilien, les capacités de l’organe visuel, le passage du Horla devant la glace, l’eau bue chaque nuit. Notons, dans Lettre d’un fou, l’évocation des capacités de l’œil et le passage devant le miroir. ' La forme du journal intime, en accentuant le réalisme par son aspect autobiographique, permet d’ancrer le texte dans la réalité quotidienne. De ce fait, le contraste avec les éléments du surnaturel est plus saisissant et l’effet fantastique s’en trouve alors accru. # Travaux d’écriture Question préliminaire Ce tableau a été peint par Van Gogh en 1889, alors qu’il effectuait de fréquents séjours en hôpital psychiatrique. Il s’agit donc ici de la représentation d’un aliéné. L’aliénation mentale apparaît tout d’abord grâce au flou qui masque le front de l’homme. Un voile très épais semble ainsi recouvrir son esprit qui disparaît, se fondant dans l’arrière-plan du tableau en un ailleurs, « hors de lui-même ». En outre, la folie est perceptible dans le regard à la fois fixe et perdu. De fait, ses yeux constituent le point de départ de la partie floue du tableau. Les traits de la partie basse du visage sont à la fois rigides et déformés, tordus. Les pommettes sont saillantes, la bouche pincée. La palette choisie est très sombre, hormis le cou. Les vêtements de l’homme se confondent presque avec le décor. Il semble en dehors du monde, comme halluciné. Le flou symbolise donc la folie : Van Gogh montre de l’extérieur comment la folie opère, en brouillant les repères. Dans les textes de Maupassant, le narrateur semble lui-même halluciner. Il voit un être qu’il nomme « le Horla », c’est-à-dire un être « hors de soi », en dehors de lui-même et de la réalité habituelle. Ce narrateur pourrait être l’homme que Van Gogh a représenté. Réponses aux questions – 26 Ainsi, le tableau et les textes se complètent. Le premier représente le narrateur et sa folie, vus de l’extérieur, alors que les extraits, à la 1re personne, permettent à l’homme d’exprimer ce qu’il ressent, ce qu’il voit, sa propre réalité. Nous ne percevons plus tout à fait l’homme, comme lui ne perçoit plus tout à fait la réalité. Par ailleurs, le texte A utilise des termes pour désigner le Horla qui pourraient parfaitement s’appliquer à la description du tableau : « je commençai à m’apercevoir […] dans une brume comme à travers une nappe d’eau », « Ce qui me cachait ne paraissait point posséder de contours nettement arrêtés, mais une sorte de transparence opaque ». À travers ces phrases, le tableau ne paraît plus être la représentation de la folie, mais, au premier degré, la représentation du narrateur qui voit le Horla s’effacer peu à peu, retrouvant progressivement ses traits dans le miroir. Étrangement, il semblerait alors que Van Gogh ait exactement représenté les mots – et les maux – suggérés par Maupassant. Ainsi, ces représentations pourraient être le fruit d’une perception identique mais hallucinée de leur propre réalité. L’œuvre de Van Gogh est postérieure de peu d’années aux nouvelles de Maupassant (ils sont contemporains). Il est donc possible que le peintre ait lu Le Horla. En effet, n’a-t-il pas peint, en 1887, une fameuse nature morte intitulée Nature morte avec statuette en plâtre et représentant trois objets : une statuette et deux livres ? Le roman du second plan s’intitule Germinie Lacerteux (des frères Goncourt) et le livre au premier plan n’est autre que Bel Ami de Maupassant ! Ainsi, dans cette hypothèse, pourquoi ne pas imaginer que le tableau de ce corpus puisse être une « réécriture picturale » ou simplement une illustration du Horla ? Quoi qu’il en soit et de manière plus certaine, le rapprochement entre les textes et le tableau s’explique essentiellement par leur thème commun : l’aliénation mentale. Commentaire Introduction Ce texte est extrait de la seconde version du Horla. Il s’agit du second passage datant du 19 août. Ici, le narrateur « voit » enfin le Horla qu’il a réussi à piéger. Cet extrait, d’un réalisme saisissant, montre l’affrontement du narrateur avec un être surnaturel. L’angoisse surgit alors, dévoilant la folie du narrateur. 1. Un réalisme saisissant A. La situation d’énonciation favorise le réalisme • Nombreuses traces de la 1re personne (« Je », « mon », « ma », « moi »). • Précision de la date. • Le journal intime apporte de la crédibilité au récit. Grâce à la focalisation interne, le texte revêt la dimension d’un témoignage. B. Le décor constitue un cadre réaliste Il s’agit en effet de la chambre du narrateur qui est un univers familier. C. De nombreux éléments montrent que le narrateur semble avoir toute sa raison. Ceci contribue au réalisme dans la mesure où l’on n’entend pas alors remettre en cause la véracité de l’aventure qu’il rapporte • Élaboration d’un plan : « je fis [faisais] semblant d’écrire »… • Description minutieuse du décor (l. 817 à 822). • Choix du lexique très précis, vocabulaire varié ; souci de la précision. • Description très précise du Horla. • Le narrateur replace immédiatement l’histoire dans son cadre réel et quotidien, à l’aide d’une comparaison (l. 843-844 : « ainsi que […] chaque jour »). • Le narrateur parvient à analyser ses propres émotions (l. 845-846). D. L’utilisation des champs lexicaux de différents sens contribue à rendre réaliste cette apparition : à la fois visible et perceptible, donc crédible • Le champ lexical de la vue débute dès la première ligne (« je l’ai vu ») et cesse à la fin du texte (« Je l’avais vu »). Entre-temps, une douzaine d’occurrences apparaît : « guettais », « regarder », « épiai », « lisai », « ai vu », « voyais », « avais vu », « voyais », « regardais », « apercevoir ». Au moins une douzaine de termes relèvent donc du champ lexical de la vue. • Ces nombreuses occurrences apparaissent, au départ, comme des éléments du réalisme car elles renforcent l’aspect du témoignage. On peut ajouter à cette longue liste la « clarté » de la pièce due aux « deux lampes et huit bougies » allumées. Contes parisiens, normands et fantastiques – 27 • Les autres verbes de perception poursuivent le même but : rendre la présence du Horla presque palpable (« épiais », « rôder », « toucher », « saisir », « sentir », « frôlant »)… 2. L’affrontement entre le narrateur et un être surnaturel A. Les champs lexicaux révèlent qu’un affrontement se prépare puis a lieu • De nombreux termes montrent que le narrateur a élaboré un plan pour tendre un piège au Horla : « je fis semblant » (répété deux fois), « je savais bien qu’il viendrait », « je pourrais peut-être », « Je le guettais », « j’avais allumé », « le découvrir », « afin de l’attirer », « pour le tromper », « je me dressai », « les mains tendues »… • Champs lexicaux suggérant l’aspect d’un duel : – champ lexical du combat (« écraser », « mordre », « déchirer ») ; – champ lexical de la mort (« avait dévoré mon reflet », « étrangler »). B. L’aspect du Horla : un être surnaturel ? Au départ, le Horla est personnifié : décrit par des pronoms personnels (« il », « le »…), il sait lire (l. 824). Puis il se « déshumanise » : « Corps imperceptible », pronoms démonstratifs (« cela », « ce »), et semble laisser place ou bien se confondre avec une « brume, une nappe d’eau » (répétition des termes l. 836-837 et l. 837-838) au moment de sa disparition. Finalement, il n’a pas de forme : il est invisible ! C. Cependant, certains éléments suggèrent que le Horla pourrait être un double maléfique du narrateur • Utilisation répétée de « mon reflet » : Le fait que le narrateur se regarde dans la glace mais qu’il voit un autre invisible montre que l’autre est son double. Cet autre est maléfique : il lui veut du mal en rôdant et l’épiant (l .824). • Par ailleurs, le Horla est aussi le double du narrateur dans l’esprit, à travers ses intentions néfastes. En effet, le Horla « dévore » le reflet du narrateur et ce dernier lui veut aussi du mal, puisqu’il l’a attiré dans ce piège. D. Cependant, cette aventure est comparée à une éclipse à la fin du texte On peut donc en déduire que le narrateur est en fait victime d’une hallucination. 3. L’angoisse et la folie A. Le choix du genre de ce texte favorise la naissance de l’angoisse ; il s’agit en effet d’un journal intime qui appartient habituellement au genre autobiographique • Le choix du journal intime constitue ici un moyen implicite de prouver la lucidité mentale de son auteur. L’emploi du « je » et le compte rendu chronologique exigés par ce genre postulent en effet que le narrateur est en possession de tous ses moyens pour pouvoir écrire, rapporter et analyser les événements. Ainsi le lecteur se trouve contraint de faire, a priori, confiance au narrateur. • Le narrateur étant ainsi crédibilisé grâce à la forme de son récit, le lecteur est amené à partager ses angoisses. Cependant, il fait face à un dilemme : soit il croit à l’apparition d’un être « extraordinaire », soit il opte pour l’explication réaliste de l’hallucination. Quoi qu’il en soit, le doute, propre du fantastique, se trouve ainsi créé. B. L’appel aux sens contribue à générer l’angoisse chez le lecteur • En effet, comme nous l’avons montré plus haut, le recours aux sens revêt l’apparence d’un argument de vérité : « je l’ai vu ». Cependant, l’appel au sens visuel, par exemple, apporte une dimension angoissante, puisqu’en réalité le narrateur ne voit rien (le Horla est invisible). Ainsi, si l’on postule que le Horla n’est qu’une hallucination, alors la présence de ce champ lexical de la vue révèle de façon incontestable la folie du narrateur, puisqu’il ne cesse de clamer qu’il a vu le Horla. • Voir aussi la référence au sens du toucher dont le rôle est identique. • Ainsi, le narrateur prétend être « certain » mais il n’a aucune preuve matérielle : « par-dessus mon épaule », « frôlant ». Rien n’est visible ni palpable ; il n’y a finalement que des impressions. C. De nombreux éléments montrent néanmoins l’angoisse, la terreur, et finalement la folie du narrateur • La ponctuation et les interjections : les nombreux points d’exclamation et de suspension, mais aussi les points d’interrogation montrent le trouble et l’angoisse du narrateur. • Les oxymores montrent les contradictions du narrateur qui prétend « voir » mais qui ne voit rien : « corps imperceptible », « transparence opaque » – idée de flou typique des récits fantastiques. • La terreur s’empare du narrateur : – champ lexical de la peur très présent (« j’eus peur », « épouvante ») ; – réaction d’effroi (« je me dressai », « mes yeux affolés », « je n’osais », « frissonner ») ; Réponses aux questions – 28 – répétitions, énumérations (des parties du corps), évocation des « organes surexcités » et aussi ses balbutiements, qui montrent que l’homme perd la raison ; – le choix des verbes, qui souligne la progression de la folie du narrateur (ils sont de plus en plus précis : « je faisais semblant », « je sentis », « était »). • Le narrateur devient finalement « certain » de la présence du Horla. Conclusion Ce texte révèle la virtuosité de l’écrivain qui parvient à faire jaillir l’angoisse et l’épouvante chez le lecteur, à travers ce duel entre le narrateur et un « être » invisible. Il constitue, par ailleurs, une excellente illustration du genre fantastique, tel que le définit Todorov, car le lecteur hésite entre une interprétation naturelle du phénomène (hallucination, folie du narrateur) et une explication surnaturelle (le Horla existe). Notons que les thèmes du Horla apparaissent dans bien d’autres nouvelles de Maupassant, telles que : Lui ?, Un fou ?, Qui sait ?, L’Homme de Mars, Magnétisme, La Chevelure, etc. Dissertation La réécriture d’une œuvre par son auteur après parution est peu fréquente. Néanmoins, à l’instar de Maupassant, quelques auteurs se sont livrés à cet exercice, poussés par diverses motivations. 1. Améliorer son œuvre • Ce n’est pas parce qu’elle est publiée qu’une œuvre peut être considérée comme achevée. A-t-on jamais fini de s’améliorer ? Ex. : Lettre d’un fou puis les deux versions du Horla : travail sur l’effet produit à travers le vocabulaire, la ponctuation, le changement du genre, tout en restant dans le cadre de la nouvelle (passage de la lettre au récit puis au journal intime). 2. Changer de genre • Zola a tiré de son roman La Curée un drame en cinq actes. • Maupassant : Yveline Samoris réécrite en un conte plus long, transformé lui-même en pièce : Yvette. • Adaptation pour des (télé)films. • Mais aussi le simple plaisir de l’Exercice de style (Queneau). 3. S’adresser à un autre public Michel Tournier : Vendredi ou la Vie sauvage pour les jeunes et Vendredi ou les Limbes du Pacifique pour un public plus âgé. Écriture d’invention On attend des élèves : – le respect de la forme de l’article de presse (titre, intertitres, mise en page) ; – des reprises du Horla avec changement de point de vue (externe). On attend aussi le respect du plan suggéré : – introduction relatant le contexte (date, lieu) ; – première partie dans laquelle le journaliste narre ce qu’il a vu ; – seconde partie dans laquelle le journaliste émet des hypothèses (ordonnées). Celle-ci devra donc contenir des conditionnels, des phrases interrogatives, etc. ; – une conclusion qui pourrait laisser entendre qu’une suite est à venir. L a P e u r ( p p . 2 2 5 à 2 3 2 ) ◆ Lecture analytique de l’extrait (pp. 233 à 235) Relevé des deux phrases : « Le commandant interrompit le conteur » (l. 101) et « Le voyageur répondit » (l. 103). Il y a donc deux narrateurs : celui qui raconte son aventure, nommé « le conteur » et « le voyageur », et le narrateur qui rapporte les paroles du premier au style direct. Il n’apparaît ici qu’à deux reprises (l. 101 et 103). ! Contes parisiens, normands et fantastiques – 29 L’aventure racontée ici est donc enchâssée dans un autre récit (cf. le début de la nouvelle). Le fait que deux narrateurs rapportent cette aventure tend à crédibiliser l’histoire : histoire vécue par le premier, à laquelle le second narrateur, en la rapportant, accorde son crédit. " Le style direct favorise l’aspect autobiographique, donc authentique de l’aventure. L’histoire apparaît alors comme un témoignage. De nombreuses traces de la 1re personne montrent que l’homme l’a vécue. L’interjection « Eh bien ! » (l. 61 et 64) rend le style vivant et vise à interpeller les auditeurs. L’emploi d’impératifs poursuit le même but (« Figurez-vous », « Imaginez-vous »). # L’explication du phénomène est donnée à la ligne 111 : « Ce tambour ne serait donc qu’une sorte de mirage du son. » $ Le cadre géographique, précisé dès le début par le narrateur, est relativement précis : « l’Afrique » (l. 61) et « les grandes dunes au sud de Ouargla » (l. 62). Par ailleurs, sont évoqués à plusieurs reprises les éléments propres au désert : le sable (l. 63), le soleil (l. 71), mais aussi la chaleur, à travers une métaphore (« flamme implacable ») qui en montre la puissance, certes moins réaliste. % L’homme est apparemment mort des suites d’une insolation explicitée par le narrateur (l. 90). Des indices pouvaient le laisser prévoir, lorsque le narrateur décrit l’état des hommes : « accablés de chaleur, de fatigue, et desséchés de soif » (l. 77-78). & À la ligne 72, la métaphore « ces lames de cendre d’or », qui désigne les dunes de sable, est effrayante. Le narrateur les compare en effet à des objets tranchants et cette métaphore contient une connotation de mort (« cendre »). Le désert est comparé à un océan déchaîné, en une métaphore filée, accompagnée de comparaisons (« plages de l’Océan », « Océan lui-même devenu sable », « tempête », « vagues », « vagues inégales », « flots déchaînés », « mer furieuse », « hautes comme des montagnes », « comme de la moire »). Le désert devient alors un lieu hostile, redoutable, dangereux, mouvant, effrayant et angoissant. Les répétitions : – le mot « sable » qui renforce l’impression d’éléments naturels déchaînés sur lesquels l’homme n’a pas de prise. Cette répétition est presque hallucinatoire : on voit le sable voler partout ; – la reprise anaphorique de la préposition négative « sans » qui figure parfaitement l’impossibilité pour l’homme d’agir face à cette « tempête ». La répétition de ce terme permet, en outre, de mettre en valeur des antithèses grâce à des parallélismes : « sans repos » /« sans mouvement ». Ceux-ci montrent encore l’homme confronté à des contradictions ; – enfin, la répétition du verbe gravir montre la difficulté de la progression et la souffrance physique. Les champs lexicaux mêlés de l’étrange, de la terreur, du silence, de la mort, de l’enfer : « étranges », « interminables », « ouragan », « tempête », « silencieuse », « immobile », « poussière jaune », « déchaînés », « furieuse », « dévorant », « flamme implacable », « râlent », « enfoncent », « glissent », « dévalant ». Le mélange de ces champs lexicaux, mais aussi les antithèses entre ceux-ci (silence et mort versus enfer et éléments déchaînés) favorisent la montée de l’angoisse chez le lecteur qui se trouve désorienté par tant d’éléments contradictoires, à la fois mobiles et immobiles. Il se sent perdu, comme le furent les protagonistes de l’aventure. L’usage des oxymores et des apostrophes renforce ces aspects. Les oxymores produisent un effet très inquiétant car ils présentent le décor de manière contradictoire : « tempête silencieuse », « vagues immobiles », « mer furieuse muette, et sans mouvement ». La description du décor est donc particulièrement angoissante. Les apostrophes à l’impératif visent à interpeller l’auditoire (et le lecteur) pour qu’il parvienne à visualiser, à ressentir les éléments déchaînés, mais aussi à se mettre à la place des hommes qui ont vécu cette aventure : « figurez-vous ! », « imaginez ». Le rythme achève d’effrayer le lecteur qui, après les phrases courtes, voire hachées du début du paragraphe, se laisse emporter par des phrases si longues qu’elles semblent sans fin. La dernière phrase reprend un rythme saccadé qui figure la difficulté des chevaux peinant à progresser. ' C’est bien entendu l’évocation de ce tambour « mystérieux » qui favorise l’angoisse. Cette évocation s’accompagne de nombreux procédés de style : – La ligne 83 commence par l’utilisation successive de trois compléments de lieu (« Quelque part, près de nous, dans une direction indéterminée ») qui semblent très précis. En réalité, leur contenu produit l’effet inverse. En effet, tous ces compléments ne nous donnent que des indications indéterminées. L’angoisse jaillit de ce paradoxe. Réponses aux questions – 30 – Les articles indéfinis vont dans le même sens : « une direction », « un tambour ». Mais la répétition immédiate de « tambour » avec l’article défini est inquiétante. Ce seul changement d’article provoque d’angoissantes questions implicites : qu’est-ce que ce tambour ? ou plutôt : qui est ce tambour ? Pourquoi semble-t-il soudain connu (« le »), alors qu’il est associé à l’adjectif « mystérieux » ? – Répétition de termes : « tambour » qui, associé tout d’abord au verbe battre dont il est le sujet, apparaît alors comme la métaphore d’un cœur vivant. Il est ensuite qualifié de « mystérieux » – ce qui permet de corroborer cette idée : le tambour des dunes n’est-il pas un cœur que l’on entend battre ? mais le cœur de quoi ? de soi-même ? d’un objet ou d’un animal monstrueux ? ; « battait ». – La construction en parallèle (« tantôt […] tantôt ») permet de mettre en évidence une nouvelle antithèse angoissante entre les participes : « Vibrant »/« arrêtant » (le tambour est rythmé comme un cœur affolé, apeuré). – Le rythme haché, bouleversé de la phrase donne l’impression d’un cœur qui bat de manière désordonnée, haletante. – Les verbes au participe, applicables à l’organe humain : « vibrant », « affaibli », « arrêtant », « reprenant ». – L’utilisation explicite des adjectifs « mystérieux » et « fantastique », directement liés au registre. ( Il s’agit ici d’une antithèse. On a alors l’impression que l’insolation est « tombée » sur l’homme à la vitesse d’un éclair, comme la foudre. Cela est étrange car une insolation s’attrape habituellement assez progressivement. L’explication ne semble donc pas crédible ! Quoi qu’il en soit, il y a ici un élément insolite, anormal, d’où peut jaillir l’angoisse. ) Les éléments qui contribuent cependant à rendre la mort surnaturelle sont : – l’évocation du tambour, présenté de manière énigmatique et qui pourrait être responsable du décès ; – le cri prémonitoire de l’Arabe : « La mort est sur nous » (l. 88). *+ Les spahis et les chameliers favorisent le sentiment de peur par : – leur attitude : « un de ces hommes poussa une sorte de cri » ; – l’adjectif verbal qui les qualifie : « épouvantés » ; – leurs paroles : « La mort est sur nous ». *, Le fantastique jaillit du contraste entre les éléments du réalisme et les éléments du surnaturel analysés ci-dessus. En effet, leur présence simultanée engendre l’hésitation. *- Le tambour contribue à l’élaboration du registre fantastique car il fait hésiter le lecteur et le narrateur. Il leur offre en effet le choix entre deux explications : une première explication naturelle, physique, longuement exposée entre les lignes 104 et 110 ; une seconde explication surnaturelle, illustrée à travers les éléments étudiés ci-dessus qui assimilent le bruit du tambour à celui d’un cœur vivant. Par ailleurs, des indices accompagnant l’explication rationnelle montrent qu’en réalité il n’y a aucune explication scientifique à ce phénomène, seulement des suppositions (« l’attribuent généralement »). Les officiers qui entendent ce bruit sont « surpris » (l. 104). Cela est étrange : pourquoi le seraient-ils alors que le narrateur explique qu’ils connaissent l’origine de ce bruit ? *. Le narrateur exprime tout d’abord son ignorance et l’ignorance répandue, par la répétition du verbe savoir, accompagné de négations (« je n’en sais rien », « Personne ne sait »). Par ailleurs, le laconisme de sa phrase (« Voilà tout ») est à double sens. Au premier degré, cela montre que toutes les explications nécessaires ont été données, mais, en réalité, cela peut constituer un aveu de la part du narrateur qui montrerait par là que c’est « tout » ce qu’il sait (au sens de seulement, c’est-àdire qu’il ne sait rien d’autre et qu’il lui faut se contenter de cette explication). Enfin, le narrateur conclut par des termes vagues (« une sorte de mirage ») qui, associés à l’emploi du conditionnel (« ne serait »), montrent qu’il reste dubitatif. */ Le doute subsiste quant aux causes du décès de l’homme, car il y a plusieurs explications possibles : insolation ; chute de cheval (peu probable car le narrateur évoque l’insolation comme cause de la chute – mais comme il n’est en fait sûr de rien, cela ne peut être exclu) ; maléfice du « tambour ». Par ailleurs, la fin du texte porte sur le phénomène étrange du tambour, et non sur les aspects étranges de la mort. On a ainsi l’impression que le flou subsiste autour du décès, qu’il est difficilement explicable, ou plutôt qu’il y a le choix entre plusieurs explications. Et c’est à partir de ces hésitations que, de nouveau, jaillit le fantastique. *0 La dernière phrase permet au narrateur de feindre un certain détachement, de montrer un certain recul par rapport à toute cette histoire, comme s’il ne s’agissait que d’une anecdote. En la banalisant Contes parisiens, normands et fantastiques – 31 ainsi, il paraît la rendre plus réaliste : il agit en effet comme s’il n’y avait plus rien à ajouter. Mais, en fait, il laisse le lecteur dubitatif, seul face à ses doutes… doutes légitimes devant un récit fantastique. ◆ Lectures croisées et travaux d’écriture (pp. 236 à 243) Examen des textes ! Le texte est essentiellement réaliste. Ce registre permet, par contraste avec les éléments étranges, d’amplifier le côté fantastique : ce dernier est d’autant plus saisissant que le récit est fortement ancré dans le réel. " Le surnaturel jaillit du fait que des objets inanimés prennent vie. Après l’illumination soudaine de la chambre (la « lueur blafarde »), les personnages d’une tapisserie et de tableaux semblent prendre vie (les prunelles des « êtres encadrés » scintillent, leur lèvres remuent « comme les lèvres de gens qui parlent »). Enfin, ce sont les objets qui s’animent (« les bougies s’allumèrent toutes seules » ; le soufflet, les pincettes et la pelle s’occupent seuls du feu ; une cafetière se déplace ; les fauteuils s’ébranlent). Cependant ces phénomènes surnaturels peuvent aussi s’expliquer par le fait que le narrateur est tout simplement en train de rêver. En effet, cette scène surnaturelle se déroule après que le narrateur s’est couché (« je fermai bientôt les yeux »). # Le texte C se distingue des autres textes par la présence du registre comique, et plus précisément de l’absurde (cf. le commentaire de ce texte). $ Ce texte appartient au registre fantastique car il contient la fameuse ambiguïté propre au genre : le lecteur peut hésiter entre une explication naturelle à la mort de la jeune femme et une explication surnaturelle. En effet, si l’on se place du point du vue du surnaturel, l’explication de la mort se trouve dans l’élaboration du portrait : celui-ci a pris la vie de la jeune femme. On se situe alors dans la lignée des récits de pacte avec des forces démoniaques (Le Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde, La Peau de chagrin de Balzac, Faust de Goethe…). Ici, le pacte aurait pu avoir lieu entre le peintre et le Diable : le peintre aurait concédé la vie de son épouse en échange d’un tableau sublime. Au moins trois aspects du texte confirment cette thèse : tout d’abord le fait que le peintre délaisse sa jeune femme au profit du tableau, puis la mort de la femme au moment précis où le tableau est terminé, et enfin, bien sûr, l’exclamation du peintre (« En vérité, c’est la Vie même » – notez la majuscule et la mise en italique du mot « Vie »). Cependant, l’explication de la mort de la jeune femme peut aussi être naturelle. En effet, le narrateur donne de multiples détails évoquant l’affaiblissement progressif de son corps et de son esprit qui la conduira à la mort (« desséchait la santé et les esprits de sa femme », « devenait de jour en jour plus languissante et plus faible », « palpita »). Il est ainsi permis de penser qu’en réalité elle est décédée d’une cause naturelle (affaiblissement, langueur, maladie) et que la concordance de son décès avec l’achèvement du tableau n’est qu’une coïncidence. Ainsi, ce sont ces analyses placées sous deux angles de vue opposée qui confèrent au Portrait ovale son appartenance au registre fantastique. % Le tableau de Magritte pourrait illustrer Le Portrait ovale de Poe. En effet, dans ce texte, le peintre donne vie au portrait, tandis que la vie même se retire de son modèle. Ici, le peintre peint une femme qui ne figure pas dans le cadre d’un tableau. Ainsi, il semble lui donner vie, dans ce sens où elle est dans le « cadre » de la réalité ou, en tout cas, dans le même cadre que le peintre… À moins qu’il n’efface la femme du tableau (décor ?) – et, dans ce cas, il lui retire la vie, comme le peintre a pris celle de sa femme. Dans les deux cas, il est question du rapport entre le peintre et son modèle, au point que le premier possède un « droit » de vie et de mort sur le second. Travaux d’écriture Question préliminaire Les textes du corpus correspondent tous à la définition de Tzvetan Todorov. En effet, le lecteur a toujours le choix entre une explication surnaturelle et une explication rationnelle, hésitation qui est le propre du registre fantastique. Réponses aux questions – 32 Les éléments du surnaturel apparaissent de manière variée dans chaque texte. Chez Maupassant (texte A) et Poe (texte D), des personnages meurent de manière étrange : dans le texte A, l’ami du narrateur meurt dans des circonstances mystérieuses (« mystérieux tambour », « inexplicable phénomène », « La mort est sur nous ») ; dans le texte D, la jeune femme meurt au moment où le peintre finit son tableau et s’exclame : « En vérité, c’est la Vie même » ; cette coïncidence temporelle et cette exclamation laissent alors penser que c’est le portrait qui a pris la vie de la femme. Dans le texte B, l’aspect surnaturel est dû à des objets qui prennent vie (portraits, bougies, cafetière…). Enfin, dans le texte C, c’est la disparition d’un nez humain qui rend le récit pour le moins étrange ! Cependant, pour chaque extrait, le lecteur peut décider, comme le suggère Tzvetan Todorov, que tous ces éléments sont « le fruit de l’imagination ou le résultat d’une illusion » : on peut admettre que les personnages décédés sont, en fait, morts de façon naturelle (« insolation » pour l’un, maladie pour la seconde qui « languissait » tout le temps des poses pour son mari) ; dans le texte B, il est permis de penser qu’en réalité le narrateur rêve ; enfin, dans Le Nez, c’est la folie des personnages, bien sûr, qui permet d’expliquer qu’il n’y a rien de surnaturel dans cette nouvelle. Commentaire Introduction Nokolaï Gogol (1809-1852) est l’un des plus célèbres écrivains russes du XIXe siècle. À l’instar de Maupassant, il exerça divers métiers avant de vivre de sa plume. En 1831, il devint célèbre du jour au lendemain, grâce à la publication d’un recueil de nouvelles intitulé Veillées à la ferme de Dikan’ka, peintures de la vie villageoise mêlées de diableries. Mais son talent de nouvelliste se déploie véritablement dans Le Nez qui paraît en 1835, au sein du recueil Arabesque. Il y narre les mésaventures d’un homme qui se réveille un beau matin sans son nez. Le héros va tout mettre en œuvre pour retrouver son organe égaré. Il le croise un jour « personnifié » en conseiller d’État, mais ce dernier, bien entendu, lui échappe. Désespéré, le héros décide de recourir aux petites annonces. L’extrait proposé se situe dans les bureaux d’un journal où il tente de convaincre un employé de bien vouloir diffuser l’avis de recherche de son nez ! Par cette nouvelle, Gogol montre que le fantastique peut jaillir sous l’humour, l’absurde et le réalisme. 1. L’humour et l’absurde A. L’humour • Jeu de mots (M. Monnez). • Comique de gestes suggéré (la moue de l’employé concentré). • Comparaisons : avec la perte d’un orteil et avec l’histoire du caniche. • Digression du héros à propos de ses connaissances. Cette digression est un argument auquel fait appel le héros, mais elle est drôle car hors de propos. B. L’absurde L’absurde jaillit non seulement de l’histoire de la perte d’un nez, en elle-même, mais aussi de l’attitude des personnages face à cette situation impossible. Ils ne semblent pas voir l’étrangeté de la situation, qu’ils considèrent avec sérieux. Cela crée une histoire absurde, mais tout à fait compréhensible pour le lecteur qui, en s’amusant, entre ainsi, apparemment, en connivence avec le narrateur. • Personnification du nez (« fuyard », « serfs domestiques »), qui est même supposé avoir un caractère (« friponnerie »), des occupations (« se promène ») et un métier (« Conseiller d’État »). • Le face-à-face des personnages qui semblent tous deux très sérieux, malgré la situation absurde. Le héros : – des affirmations sérieuses (« Vous faites erreur », « je n’y vois rien de tel ») ; – des questions étonnées mais sérieuses devant une situation pourtant impossible et de multiples reprises du pronom interrogatif « Comment », qui dénotent l’incompréhension et l’étonnement mais non l’incrédulité devant un phénomène étrange ; – son insistance désespérée (« Mais puisque j’ai véritablement perdu mon nez ! ») ; – prise à partie de l’employé auquel il demande sérieusement de réfléchir à cette situation impossible (« Réfléchissez […] mon corps ? »). Contes parisiens, normands et fantastiques – 33 Attitude de l’employé : – il ne semble pas trouver absurde l’histoire du héros, alors même qu’il continue à employer des termes qui en démontrent l’absurdité (« incongruités ») ; – il utilise des réponses laconiques, sereines et sérieuses, face à une situation et à des questions étranges (« Je n’arrive pas tout à fait à comprendre », « Comme ça », « c’est votre opinion ») ; – il a lui-même des réactions bizarres : il refuse de prendre l’annonce pour des questions de crédibilité vis-à-vis de ses lecteurs, et non parce qu’il pense que cela est impossible. D’ailleurs, il voit l’absence du nez ; – son obstination sérieuse ; – ses questions posées de manière sérieuse avec un contenu absurde (« comment a-t-il fait pour disparaître ?). • L’histoire du caniche : rebondissement à cause du terme « canular » employé à contre-pied de la vraisemblance. 2. Des aspects réalistes A. Des personnages normaux en apparence • Les personnages semblent normaux : l’un pose les questions que son métier exige ; l’autre s’indigne. • Humanisation des personnages : ils sont sérieux (cf. supra), semblent réfléchis et critiques (nombreuses questions) et sont même faillibles (« je ne me rappelle plus laquelle »). Ainsi les personnages sont banals et non des héros. • Évocation réaliste des relations du héros : jour de visite (« le jeudi »), noms précis des personnes visitées, description sommaire à travers la subordonnée relative « qui est ravissante »… B. Une situation banale ? • La situation semble normale, voire banale : un homme s’adresse à un employé pour faire passer une petite annonce. • Essai de banalisation de l’histoire : « la semaine dernière, nous avons eu un cas semblable. » • Évocation du coût de l’annonce en roubles. C. Une volonté de vraisemblance • Toutes les questions posées semblent logiques. Les réponses aussi. À part l’absence du nez, la situation semble normale, vraisemblable ! • Insistance du héros à la dernière ligne : « véritablement ». 3. Le doute et le fantastique A. L’ambiguïté de la position du narrateur Un malaise apparaît chez le lecteur à cause de la position ambiguë du narrateur. Paradoxalement, sa quasi-absence dans cet extrait renforce sa connivence avec les personnages. Il semble adhérer à l’histoire. En effet, dans cet extrait, il n’apparaît qu’une fois, au centre du texte – ce qui, a contrario, montre qu’il apporte du crédit aux dires de ses personnages : il ne les contredit jamais, ne les juge pas, n’apporte aucune précision visant à rassurer le lecteur. Dans sa seule intervention, il se contente de décrire une attitude de l’employé, montrant que ce dernier est dubitatif seulement, mais non pas incrédule. Par ailleurs, le narrateur place dans les paroles des personnages des termes concernant l’étrangeté de cette situation, que le lecteur aurait préféré lire dans un discours narratif et non dans le style direct, afin de dissiper son malaise (« erreur », « disparaître », « incongrue », « incongruïté », « canular »). En effet, ces propos placés dans la bouche de personnages si sérieux, au sujet d’une situation invraisemblable, finissent par créer le doute chez le lecteur. Mais, bien entendu, le narrateur ne prend aucune position visant à décrédibiliser cette histoire. Enfin, dans son unique intervention, à l’instar de ses personnages, le narrateur utilise un lien logique (« comme ») là où le lecteur n’en attend pas, comme pour justifier la vraisemblance de l’histoire. Ainsi déstabilisé, le lecteur doute… B. L’attitude des personnages Le doute jaillit de l’attitude des personnages qui semblent normaux. Ils croient en cette histoire insensée, alors même qu’ils posent les questions sensées que se pose le lecteur. Ils ont même des réactions normales, comme lorsque le héros panique presque devant le refus de l’employé (« Comment, pourquoi ? »). Ces attitudes ambiguës renforcent l’aspect étrange de l’histoire. Le lecteur est finalement déstabilisé. Nous voici au cœur du fantastique. Réponses aux questions – 34 Selon Todorov, le fantastique jaillit de l’hésitation du lecteur entre des explications surnaturelles et des explications naturelles. Ici, les réactions étranges des personnages, c’est-à-dire leur sérieux face à cette situation, peuvent s’expliquer par la folie. Ou bien est-ce seulement le héros qui est fou, face à un employé qui fait semblant de le croire (cf. l’histoire du caniche) ? C. L’angoisse • La confusion des genres Certaines affirmations de l’employé montrent qu’il pourrait être le porte-parole du narrateur luimême. Dès lors, de nouveau, le doute s’immisce chez le lecteur, à propos de la publication d’histoires incongrues. Si le journal ne veut pas publier de telles histoires, pourquoi l’auteur en publie-t-il comme si elles étaient vraisemblables ? Comment ne pas penser, ne serait-ce qu’une seconde, qu’en réalité c’est l’auteur qui pense et écrit : « nous publions beaucoup d’incongruités »… ? Tout à coup, de manière subtile et fugace, mais récurrente dans le conte, le personnage, le narrateur et même l’auteur semblent se confondre. Le trouble jaillit alors chez le lecteur, presque à son insu : ce triple « je », n’est-ce pas habituellement le propre de l’autobiographie ? Nous sommes pourtant en présence d’une fiction, d’une nouvelle fantastique ! Ce confus, fugace et subtile mélange des genres renforce à nouveau l’aspect fantastique de l’histoire, c’est-à-dire l’hésitation et la confusion chez le lecteur. Si l’auteur se cache derrière ses personnages, il introduit la réalité dans la fiction, entraînant le lecteur dans son sillon, qui ne sait plus alors que penser… et en vient à se poser des questions impensables : et si c’était vrai, et si cela était possible, et si cela arrivait ? peut-on perdre son nez ? • La banalisation de l’absurde L’angoisse naît aussi de la banalisation de l’absurde. Cette nouvelle trouve des échos dans Rhinocéros, par exemple. L’histoire est incroyable, mais les personnages finissent peu à peu par trouver un aspect crédible à l’impossible (entraînant encore le lecteur ou le spectateur dans leur délire). Le vecteur est, dans les deux cas, l’absurde. Cela fonctionne car le monde – la vie même – est absurde, comme le prouvent les fameuses questions existentialistes : pourquoi sommes-nous nés pour mourir ? est-il plus absurde de perdre un nez que de mourir ? Ces histoires auxquelles on ne croit pas un instant sont pourtant si bien menées que l’on finit parfois par ressentir de l’inquiétude. Jaillissent alors de nouvelles questions : est-ce le personnage qui est fou ? est-ce l’auteur ou bien moi ? et si tout cela était possible ? La nouvelle apparaît alors comme une hallucination pour le lecteur et non plus pour le personnage. Conclusion Dans cet extrait, pas de terreur, d’objet vivant, ou de mort comme dans les autres textes du corpus. Nous plongeons dans le fantastique essentiellement grâce au mélange des registres. L’humour absurde ancré dans des éléments réalistes devient le terrain propice à la naissance de l’angoisse et du fantastique. Finalement, Gogol réussit ce qui semble impossible : faire hésiter le lecteur, ne serait-ce qu’un instant, devant cette histoire impossible. Malgré l’absurdité du thème – la perte d’un nez –, il nous a bel et bien entraîné dans une histoire absurde et fantastique. Dissertation 1. Évasion A. Envisager des chemins inexplorés, dans l’espace, dans le temps… L’Homme de Mars de Maupassant. B. Rêver Découverte d’autres sens : l’ubiquité des Sabine, mais aussi Le Passe-Muraille de Marcel Aymé. C. Découvrir des personnages étranges, déshumanisés (double, mort-vivant, spectre, vampire…) Ex. : L’Étrange Cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde de R.-L. Stevenson ; Frankenstein de Mary Shelley… 2. Recherche d’émotions, de sensations A. Être surpris : par exemple, par des objets • La Cafetière de Gautier. • Idées souvent originales, malgré la récurrence des thèmes. Contes parisiens, normands et fantastiques – 35 B. Plaisir de l’hésitation (entre le réel et l’iréel), de l’incertitude Le Horla de Maupassant ; La Métamorphose de Kafka. C. Plaisir d’avoir peur, de ressentir de l’angoisse, être confronté au suspense La Morte, La Peur de Maupassant ; Frankenstein de Mary Shelley. 3. Nourrir un esprit qui aime l’irrationnel, voire l’ésotérique A. Les pactes diaboliques Faust de Goethe ; Le Portrait ovale de Poe ; Le Portrait de Dorian Gray d’Oscar Wilde… B. Les malédictions et les cauchemars La Vénus d’Ille de Mérimée. Écriture d’invention On attend de l’élève qu’il rédige un dialogue argumentatif. Ce dialogue pourra être encadré par une introduction et une conclusion narratives. Les arguments sont à puiser dans les pistes ci-dessus, données pour la dissertation. Compléments aux lectures d’images – 36 COMPLÉMENTS A U X L E C T U R E S D ’IMAGES ◆ Bourvil dans Le Rosier de Mme Husson (p. 8) L’œuvre Cette photo représente le célèbre comédien Bourvil (1917-1970) dans le rôle d’Isidore. Elle est extraite du film Le Rosier de Mme Husson de Jean Boyer (1950). Ce film est donc sorti dix-huit années après celui de Fernandel. Le personnage semble ivre : il doit s’appuyer à l’arbre pour rester debout, il a le sourire niais et hagard d’un ivrogne. Son chapeau est rejeté en arrière, le livret de caisse d’épargne dépasse de sa poche et il porte sa bourse à la main (l. 426-427). Il porte par ailleurs le costume blanc choisi par Mme Husson pour la fête du « rosier », qui semble encore en assez bon état. Cette scène doit donc avoir lieu peu après la fête. Travaux proposés – Observez la posture du personnage. Que dénote-t-elle ? À quel passage du conte se rapporte-t-elle ? – Comparez le personnage d’Isidore sur les deux photos. En quoi l’évolution du personnage reflète-telle l’ironie de l’histoire ? ◆ Reproduction d’une couverture du journal La Vie populaire (p. 99) L’œuvre Il s’agit ici de la couverture illustrée d’un journal bihebdomadaire du XIXe siècle, qui fit paraître de nombreuses nouvelles de Guy de Maupassant. Cet exemplaire est daté du jeudi 24 juillet 1884. Ce dessin renvoie au moment où le tambour « roule » devant l’auberge et annonce la perte du portefeuille. Les personnages paraissent stupéfaits, déconcertés. Leur incrédulité apparente semble déjà laisser paraître des soupçons : ce portefeuille a-t-il été perdu ou bien… volé ? Les éléments dévoilant le monde rural évoquent les contes normands : vêtements des personnages (casquette, fichu, blouse, pantalon large, sabots…), présence des oies, aspect rustique de l’habitat, en pierres grossières et avec volets à simple battant, voire absence de raffinement de l’ensemble. La présence du tambour est un indice supplémentaire : ceux-ci étaient utilisés dans les bourgs de campagne pour annoncer des informations. Travaux proposés – À quel épisode de La Ficelle le dessin renvoie-t-il ? – Quel sentiment se lit sur les visages des personnages ? Comment l’expliquez-vous ? – Quels éléments du dessin permettent de rattacher cette image aux contes normands de Maupassant ? ◆ Fernandel dans Le Rosier de Mme Husson (p. 110) L’œuvre Cette photo représente le célèbre comédien Fernandel (1903-1971) dans le rôle d’Isidore. Elle est extraite du film Le Rosier de Mme Husson de Bernard Deschamps (1932). Il s’agit du passage de la fête où Isidore est couronné « rosier ». Le personnage semble gauche, naïf, se demandant ce qu’il fait là : posture figée des mains (tenant de manière ferme, avec tous les doigts, des objets qui semblent l’encombrer), du visage (bouche entrouverte un peu incrédule)… Il donne l’impression d’une marionnette que l’on viendrait de poser sur une chaise. Il semble pourtant assez fier : il se tient droit, menton haut, une épaule avancée, un peu arrogante, malgré tout. L’image est comique. Le personnage est en effet ridicule. Costume blanc, immaculé, mais étriqué (épaules, bras), col trop haut. Il semble être une caricature de roi sur son trône, un bouffon : la couronne est en fleurs, le sceptre est un rouleau de papier… Il a l’air d’un roi de carnaval, de foire – ce dont il s’agit en réalité : la fête de Mme Husson est une mascarade. En effet, Isidore a été choisi en désespoir de cause pour représenter la chasteté, la pureté, etc. Et le « symbole » déchoit sitôt la fête entamée (« Isodore buvait, comme il n’avait jamais bu »). Ainsi, il semble qu’un Contes parisiens, normands et fantastiques – 37 être humain aussi pur que l’aurait voulu Mme Husson n’existe pas : sans doute la pureté absolue n’est-elle, tout simplement, pas un attribut humain. Il est donc vain de vouloir chercher une telle personne qui, tôt ou tard, révélera ses travers, ses faiblesses. Voilà peut-être ce que veut laisser entendre Maupassant ! Travaux proposés – Observez le costume et les objets que le personnage porte. Recherchez à quel passage du conte cette image se rapporte. – Observez et commentez l’attitude physique du personnage : posture, visage. – Caractérisez la tonalité de cette image : quel effet produit-elle ? ◆ Le Horla, dessin de J. Damazy (p. 207) L’œuvre Ce dessin représente le personnage apercevant son reflet vaguement « embrumé » dans le miroir. Ce passage correspond au 19 août, lorsque le narrateur pense avoir piégé le Horla et l’aperçoit enfin à la place de son reflet dans le miroir. Ici, il s’agit précisément du moment où le Horla s’estompe. Le Horla semble apparaître à la gauche du dessin. Il est représenté par des traits de peinture qui donnent une espèce « d’espace flou » au tableau. À l’examen attentif, le doute peut s’immiscer dans l’esprit du spectateur car ce « flou » se trouve aussi au-dessus du miroir et à la droite de l’image. Ainsi, soit le Horla n’existe pas, soit il se trouve partout autour du miroir ! La peur éprouvée par le personnage est perceptible à travers son expression dans la glace, bouche ouverte, mais aussi par la position de ses deux mains. L’une tente d’attraper le Horla, tandis que l’autre s’agrippe fermement au bureau. Par ailleurs, la chaise est placée de travers par rapport au bureau : elle semble donc avoir été poussée avec brutalité, sans doute au moment où le personnage s’est brusquement retourné, afin de surprendre son « ennemi ». Enfin, le bureau bien ordonné (la position identique des cahiers et feuilles au bord de la table), mis en valeur par sa position au premier plan et la lumière attirante qui l’éclaire, montre que le personnage attendait le Horla et avait préparé un « piège ». Ainsi, si le personnage semble quelque peu effrayé, il n’a pas l’air surpris par l’intrus. Travaux proposés – Qu’aperçoit le personnage dans le miroir ? – À quel moment de la nouvelle ce dessin correspond-il ? – Où se trouve le Horla ? Comment est-il représenté ? Par quels moyens le dessinateur insinue-t-il le doute dans l’esprit du spectateur quant à la présence même du Horla ? – Quels éléments suggèrent la peur mais aussi la détermination du personnage ? ◆ La Peur, dessin de Luc Barbut (p. 232) L’œuvre Ce dessin correspond au second récit de la nouvelle. Il semble illustrer le moment où le narrateur décrit le spectacle qu’il découvre en arrivant dans la maison du garde forestier (« ce fut un inoubliable tableau »). Le point de vue choisi par le dessinateur est donc celui du narrateur de l’histoire : les personnages sont décrits exactement dans ces positions. Cependant, cette description est reprise, avec un nouveau personnage : le chien. C’est donc ce second instant qui est reproduit ici. Une atmosphère de peur se dégage de ce tableau, tout d’abord à travers l’attitude des personnages (particulièrement des femmes, accroupies, mains sur les oreilles, visiblement en proie à une grande terreur). Par ailleurs, la présence des armes connotant la mort effraie aussi : les haches (visiblement utilisées comme armes ici) portées par les hommes du fond et le fusil placé en évidence, au centre du tableau. Enfin, l’attitude étrange du chien inquiète et déroute l’observateur : pourquoi a-t-il l’air aussi tendu ? pourquoi ne regarde-t-il pas dans la même direction que ses maîtres ? Le mal semble rôder autour de cette pièce. Le chien occupe une place quasi centrale dans le tableau. Par ailleurs, le premier plan avant-droit est vide, par opposition au premier plan avant-gauche largement occupé par le groupe des trois personnages. L’œil se dirige alors naturellement vers le chien. Sa position aussi attire le regard car elle intrigue : le chien observe un point totalement différent de celui que les êtres humains fixent (cheminée/porte). Compléments aux lectures d’images – 38 La place prépondérante du chien dans ce dessin annonce qu’il tient un rôle essentiel dans la nouvelle. Et pour cause ! L’animal innocent meurt victime de la peur (superstition, folie meurtrière ?) des hommes. D’ailleurs, la place centrale et contiguë occupée par le chien et le fusil au centre de l’image ne le laissait-elle pas prévoir ? Travaux proposés – À quel moment de la nouvelle ce dessin correspond-il ? – Quel est le point de vue choisi par l’artiste ? – Qui sont les personnages ? – Quelle atmosphère se dégage de ce dessin ? Grâce à quels procédés ? – Par quels procédés le chien est-il placé en évidence dans ce dessin ? Dans quel but ? Contes parisiens, normands et fantastiques – 39 BIBLIOGRAPHIE, FILMOGRAPHIE, S I T E S C O M P L É M E N T A I R E S ◆ Œuvres de Guy de Maupassant Œuvres intégrales – Romans, édition établie par Louis Forestier, « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, 1987. – Les Romans, textes réunis et présentés par Claude Aziza, Omnibus, 1999. – Contes et Nouvelles, préface d’Armand Lanoux, édition établie par Louis Forestier, « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, 1974-1987 (2 vol.). – Contes et Nouvelles. Romans, édition établie par Brigitte Monglond, coll. « Bouquins », Robert Laffont, 1988 (2 vol. : le premier contient Une vie ainsi qu’un questionnaire sur Maupassant et le second Bel-Ami). Poésie – Des vers, dessins de G. Fraipont, Ressouvenances, Aisne, 1993. Chroniques – Chroniques littéraires et Chroniques parisiennes, préface de Pascal Pia, Le Cercle du bibliophile, Évreux, 1969. – Guy de Maupassant sur les chemins d’Algérie, textes rassemblés et présentés par Jean Emmanuel, préface d’Olivier Frébourg, coll. « Traces & fragments », Magellan & Cie, 2003. Récits de voyages – Sur l’eau, édition établie par Jacques Dupont, coll. « Folio », n° 2408, Gallimard, 1993. – La Vie errante, préface d’Olivier Frébourg, coll. « La Petite Vermillon », n° 122, La Table ronde, 2000. Théâtre – Théâtre, Le Cercle du bibliophile, Évreux, 1969. – À la feuille de rose, maison turque, coll. « L’Enfer », Flammarion, 2000. Correspondance – Correspondance, édition établie par Jacques Suffel, Le Cercle du bibliophile, Évreux, 1973 (3 vol.). – Correspondance : Gustave Flaubert / Guy de Maupassant, établie et annotée par Yvan Leclerc, Flammarion, 1993. ◆ Biographies – Nadine Satiat, Maupassant, coll. « Grandes Biographies », Flammarion, 2003. – Henri Troyat, Maupassant, coll. « Grandes Biographies », Flammarion, 1989. ◆ Sur l’œuvre de Maupassant – Cosimo Campa, Maupassant, coll. « Panorama d’un auteur », Studyrama, 2004. – Pascal Mougin, « Le Horla » et autres contes, coll. « Balises », Nathan, 1994. – Françoise Rachmühl, Le Horla et autres contes fantastiques, coll. « Profil d’une œuvre », Hatier, 1992. – Fabrice et Thérèse Thumerel, Maupassant, coll. « Thèmes et Œuvres », Armand Colin, 1992. – Michel Tichit, « Contes de la bécasse » de Guy de Maupassant : étude d’une œuvre intégrale, Centre régional de documentation pédagogique de Rouen, 1993. – Frédéric Turiel, Maupassant : biographie, étude de l’œuvre, coll. « Studio thème », Vuibert, 1999. – André-Marc Vial, Guy de Maupassant et l’Art du roman, Nizet, 1954. ◆ Sur le genre de la nouvelle – René Godenne, La Nouvelle française, coll. « Littératures modernes », PUF, 1974. – Thierry Ozwald, La Nouvelle, coll. « Contours littéraires », Hachette Supérieur, 1996. – Pierre-Louis Rey, Le Roman et la Nouvelle, coll. « Profil », Hatier, no 256, 2002. Bibliographie, filmographie, sites complémentaires – 40 ◆ Sur le réalisme et le naturalisme – Robert Benet, Le Roman naturaliste, coll. « Résonances », Ellipses, 1999. – Christophe Carlier, Le Roman naturaliste : Zola, Maupassant, coll. « Profil d’une œuvre », n° 229, Hatier, 1999. – Alain Pagès, Le Naturalisme, coll. « Que sais-je ? », n° 604, PUF, 2002. – Marie-Ève Thérenty, Les Mouvements littéraires du XIXe et du XXe siècle, coll. « Profil », n° 254, Hatier, 2001. ◆ Sur la littérature fantastique – Marie-Claire Bancquart, Maupassant conteur fantastique, coll. « Lettres modernes », Minard, 1976. – Jean-Luc Steinmetz, La Littérature fantastique, coll. « Que sais-je ? », n° 907, PUF, 2003. – Tzvetan Todorov, Introduction à la littérature fantastique, coll. « Poétique », Seuil, 1970 (rééd. « Points », n° 73, Seuil, 1976). – Louis Vax, Les Chefs-d’œuvre de la littérature fantastique, PUF, 1979. ◆ Bande dessinée – Olivier Cassiau, Maryève Tassot, Contes de Maupassant en bandes dessinées, Petit à Petit, 2002. ◆ Filmographie Il existe plus d’une centaine d’adaptations filmiques des œuvres de Maupassant. Elles sont principalement répertoriées dans les deux sources suivantes : – Maupassant, Contes et Nouvelles, coll. « Bouquins », Robert Laffont, pp. 259-266 ; – site Internet de l’Association des amis de Maupassant. Citons néanmoins : – Le Rosier de Mme Husson, scénarisé par Marcel Pagnol en 1950, avec Bourvil. – Le Père Amable, adapté par Claude Santelli en 1957. – La Chevelure, adapté par Ado Kyrou en 1961, avec Michel Piccoli. – Aux champs, Berthe, Hautot père et fils…, adapté par Claude Santelli en 1986. ◆ Sites Internet – www.maupassant.free.fr Site de l’Association des amis de Maupassant, très complet (biographie, bibliographie, filmographie et tous les contes à lire en ligne). – www.ac-rouen.fr/lycees/maupassant/maupas/mau_bio.htm Biographie de Maupassant, par le lycée Guy-de-Maupassant de Fécamp. – www.aubonticket.com/v3/?action=fiche&aid=r7207 Fiche sur la filmographie relative à l’œuvre de Maupassant. – www.alfred-echtle.de/maupassant.htm Site allemand sur la vie et l’œuvre de Maupassant et agrémenté de photographies. – www.ifrance.com/curiositas/litterature/guydemaupassant/presentation.html Site éclectique élaboré par deux étudiants. Ici, l’accent est mis sur Maupassant et la Normandie.