Dispositions spécifiques à l`hypothèque mobilière avec

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Dispositions spécifiques à l`hypothèque mobilière avec
FASCICULE 9
Dispositions spécifiques à l’hypothèque mobilière
avec ou sans dépossession
Aurore BENADIBA
Professeure, Faculté de droit, Université Laval
À jour au 10 octobre 2011
POINTS-CLÉS
1. Concept original et innovant issu de la réforme de 1991, l’hypothèque mobilière sans
dépossession permet de donner en garantie un bien ou un ensemble de biens meubles
sans s’en départir grâce à une inscription au registre légal informatisé (registre des
droits personnels et réels mobiliers) (V. nos 1 et 2).
2. L’hypothèque mobilière sans dépossession suppose trois conditions : un acte écrit
descriptif, l’absence de remise matérielle du bien et l’inscription au registre des droits
personnels et réels mobiliers (V. nos 13 à 15).
3. Les personnes physiques n’exploitant pas une entreprise peuvent désormais consentir
une hypothèque sans dépossession sur un certain nombre de biens meubles corporels
et incorporels énumérés par règlement, comme les véhicules routiers, les bijoux, les
créances, les valeurs mobilières et les titres intermédiés, les polices d’assurance vie
et les brevets (V. nos 8 et 9).
4. L’hypothèque mobilière avec dépossession, dénommée aussi gage, suppose une remise
matérielle du bien ou du titre entre les mains du créancier. Le maintien de la détention
du bien ou du titre par le créancier vaut double condition de validité et d’opposabilité
aux tiers (V. nos 24 et 30).
5. La détention matérielle et continue fixe le rang du créancier gagiste (V. no 32).
6. L’inscription au registre des droits personnels et réels mobiliers fixe le rang du créancier
hypothécaire sans dépossession (V. no 15).
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III. Hypothèques
7. La dépossession peut être remplacée par la maîtrise lorsque le gage porte sur des
valeurs mobilières ou des titres intermédiés. La maîtrise permet alors un rang meilleur
que celui obtenu en vertu d’un gage traditionnel (V. no 34).
8. L’hypothèque mobilière sans dépossession qui porte sur des valeurs mobilières et des
titres intermédiés consentie en faveur de l’intermédiaire en valeurs mobilières est
réputée être publiée par sa seule constitution, sans nécessité d’une inscription (V. no 21).
9. Le nouveau gage par maîtrise modifie les règles habituelles de constitution et de rang
en matière hypothécaire (V. nos 2, 21, 27 et 34).
TABLE DES MATIÈRES
Introduction : 1-4
I. Hypothèque sans dépossession : 5-21
A. Constituant : 6-10
1. Principe : 6-8
2. Régimes particuliers : 9-10
B. Assiette : 11-12
C. Règles de validité de forme : 13
D. Règles de validité de fond : 14
E. Règles d’opposabilité et de rang : 15-21
1. Principe : 15-16
2. Régimes particuliers : 17-21
II. Hypothèque avec dépossession (gage) : 22-34
A. Constituant : 22.1-23
B. Règles de validité : 24-27
1. Règles de droit commun : 24-26
2. Règles dérogatoires : 27
C. Assiette : 28-29
1. Biens corporels : 28
2. Biens incorporels : 29
D. Règles d’opposabilité et de rang : 30-34
1. Principe : 30-33
2. Règles dérogatoires : 34
INDEX ANALYTIQUE
Gage par maîtrise, 2, 22, 27
Publicité, 34
Gage, 2, voir aussi Hypothèque mobilière
avec dépossession
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Fasc. 9 – Dispositions spécifiques à l’hypothèque mobilière avec ou sans dépossession
Hypothèque mobilière, 4
Hypothèque mobilière avec dépossession, 1,
2, 22
Assiette, v. biens corporels, biens incorporels
Biens corporels, 28
Biens incorporels, 29
Constituant, 22.1
Sur un bien meuble représenté par un
connaissement, 23
Définition, 3
Entiercement, 26
Publicité, voir Publicité – hypothèque
mobilière avec dépossession
Remise matérielle du bien ou du titre au
créancier, 24, v. aussi entiercement
Sur valeurs mobilières et titre intermédiés,
voir Gage par maîtrise
Hypothèque mobilière sans dépossession, 1
Assiette, 11, v. aussi biens corporels, biens
incorporels
Biens corporels, 11.1
Biens incorporels, 12
Constituant
Personnes exploitant une entreprise, 5,
7, 10
Personnes n’exploitant pas une entreprise, 5, 6, 8, 9
Définition, 3
Description du bien grevé dans l’acte, 14
Forme écrite, 13
Objectif, 5
Publicité, voir Publicité – hypothèque
mobilière sans dépossession
Sur un meuble représenté par un connaissement, 10
Sur une universalité de biens, 9
Publicité – hypothèque mobilière avec dépossession
Détention continue du bien, 30
Inscription au registre des droits personnels
et réels mobiliers, 31
Rang, 32
Sur des créances, des biens représentés
par un connaissement ou un autre
titre négociable, 33
Publicité – hypothèque mobilière sans dépossession
Assumation, 20
Inscription au registre des droits personnels
et réels mobiliers, 15
Rang, 16
Sur des biens représentés par un
connaissement ou un autre titre
négociable ou sur des créances, 17
Sur des valeurs mobilières ou titre intermédiés, 21
Sur les fruits et produits du sol devenus
meubles, 18
Sur un bien meuble non aliéné dans le cours
normal des activités de l’entreprise, 19
Sûreté
Finalité, 4
INTRODUCTION
1. Réforme de 1991 : un concept unique original et bicéphale, l’hypothèque mobilière
avec et sans dépossession – Au prix d’années d’effort1, le Code civil du Québec actuel
(adopté le 18 décembre 1991 et entré en vigueur le 1er janvier 1994) a consacré un concept
unique à deux faces : l’hypothèque mobilière. Désormais, deux formes de sûreté mobilière
cohabitent, l’une avec dépossession et l’autre sans dépossession. Ce Code civil a marqué le
début d’une nouvelle étape vers la modernisation des institutions juridiques au Québec2.
Ce concept unique a absorbé la multitude des sûretés réelles qui existaient dans le Code
civil du Bas Canada (nantissements commerciaux, agricoles, forestiers, transports de
créances en garanties, cessions de biens en stock). Toutefois, le contrat de gage s’est maintenu. Il est vrai qu’il est sorti de la réforme atrophié, dénué de son droit de rétention et de
son privilège. Sa terminologie, quelque peu déroutante, a aussi changé. Il est désormais
appelé hypothèque mobilière avec dépossession.
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III. Hypothèques
1.Jean PINEAU, « La réforme d’un Code civil », dans Serge LORTIE, Nicholas KASIRER et
Jean-Guy BELLEY (dir.), Du Code civil du Québec. Contribution à l’histoire immédiate
d’une recodification réussie, Montréal, Éditions Thémis, 2005, p. 233.
2.Paul-André CRÉPEAU, « Les enjeux de la révision du Code civil », dans André POUPART
(dir.), Les enjeux de la révision du Code civil, Montréal, Faculté de l’éducation permanente,
Université de Montréal, 1979, p. 31.
2. Réforme de 2008 : le gage par maîtrise – Le gage s’est récemment transformé sous
l’impulsion d’une loi financière, la Loi sur le transfert de valeurs mobilières et l’obtention de titres intermédiés1 (adoptée en juin 2008 et en vigueur depuis le 1er janvier 2009).
Depuis, d’importants changements ont été apportés au régime de droit commun du gage
et à celui de l’hypothèque mobilière sans dépossession, notamment, lors de la prise de
sûreté par un particulier. Cette loi bouleverse la conception classique du gage en créant la
possibilité de prendre un gage sur des valeurs mobilières et des titres intermédiés du seul
fait de leur maîtrise. Cette dernière réforme modifie aussi les règles habituelles de rang et
de publicité en matière hypothécaire2.
1. L.Q. 2008, c. 20, remplacée par la Loi sur le transfert des valeurs mobilières et l’obtention
de titres intermédiés, L.R.Q., c. T-11.002 (ci-après « L.t.v.m. »).
2. Pour de plus amples développements, voir : Aurore BENADIBA, « Hypothèque grevant
une créance, des valeurs mobilières et des titres intermédiés », dans JurisClasseur Québec,
coll. « Droit civil », Sûretés, fasc. 10, Montréal, LexisNexis Canada, feuilles mobiles.
3. Définitions – L’article 2660 du Code civil du Québec définit de manière indifférencié­e
les hypothèques mobilière et immobilière comme un droit réel sur un bien meuble ou
immeuble, affecté à l’exécution d’une obligation qui confère au créancier le droit de préférence et le droit de suite, exercé, notamment, au moyen des recours hypothécaires prévus
dans le Code.
L’hypothèque mobilière avec ou sans dépossesion ne jouit pas de définition propre. Des
dispositions générales et particulières sont consacrées aux deux formes d’hypothèque au fil
de la lecture des articles du Code civil du Québec. Les dispositions particulières offrent des
descriptions précises des mécanismes juridiques, comme la constitution et l’opposabilité
des hypothèques mobilières avec et sans dépossession (art. 2696 à 2709 C.c.Q.). Ce sont
ces dispositions spécifiques qui retiendront notre attention même si quelques incursions
dans les articles dits généraux, comme l’article 2683 C.c.Q., s’avèrent indispensables pour
comprendre les restrictions apportées au champ d’application ou à l’assiette de l’hypothèqu­e
mobilière sans dépossession.
4. Fonction et interaction – L’hypothèque mobilière est un outil de prédilection en droit
des sûretés. Le droit des sûretés est intrinsèquement lié au droit du crédit qui repose sur
trois présupposés simples : la confiance, la monnaie et le temps1. L’essence même d’une
sûreté – qui peut prendre la forme d’une hypothèque sans dépossession, d’un gage et
même d’une sûreté-propriété (comme une vente à tempérament ou une fiducie) – est
de permettre au créancier de faire confiance au débiteur en étant assuré qu’il sera payé
à l’échéance. Les hypothèques avec et sans dépossession sont des espèces particulières
d’une catégorie générique dénommée « sûreté », abondamment utilisée dans le Code civil
du Québec mais non définie2. Toute sûreté, quelle qu’elle soit, poursuit la même finalité : la
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Fasc. 9 – Dispositions spécifiques à l’hypothèque mobilière avec ou sans dépossession
satisfaction du créancier qui passe par l’exécution future de l’obligation du débiteur. Cette
finalité est comprise par d’autres droits, comme le droit de la faillite et de l’insolvabilité.
Et, très souven­t, le droit des sûretés doit être appréhendé en interaction avec les règles qui
gouvernen­t le droit de la faillite et de l’insolvabilité. L’ordre des rangs diffère de celui du
Code civil du Québec et la définition même de créanciers munis d’une sûreté est comprise
sous une catégorie plus large, celle de créanciers garantis3, lesquels sont bien évidemment
les créanciers gagistes et hypothécaires mais aussi les créanciers prioritaires, comme
le rétenteur, les commissions scolaires et les municipalités, le vendeur à tempérament,
l’acheteu­r à réméré et le fiduciaire.
1.Laurent AYNÈS et Pierre CROCQ, Les sûretés – La publicité foncière, 4e éd., coll. « Droit
civil », Paris, Defrénois, 2009, p. 1 et note 2.
2. Roderick A. MACDONALD et Jean-Frédérick MÉNARD, « Credo, credere, credidi,
creditum : essai de phénoménologie des sûretés réelles », dans Sylvio NORMAND (dir.),
Mélanges offerts au professeur François Frenette. Études portant sur le droit patrimonial,
Québec, P.U.L., 2006, p. 309, à la page 317.
3. Art. 2 Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. (1985), c. B-3, modifiée par la Loi d’harmonisation no 1 du droit fédéral avec le droit civil, L.C. 2001, c. 4.
I.
HYPOTHÈQUE MOBILIÈRE SANS DÉPOSSESSION
5. Critère de choix, objectif politique – L’article 26831, al. 1 du Code civil du Québec
fait ressortir le critère juridique déterminant lors du choix possible entre une hypothèque
mobilière avec et une hypothèque mobilière sans dépossession. C’est la notion d’exploitation d’une entreprise qui conditionne ce choix. Ce critère restreint la capacité des particuliers à grever leurs biens d’une hypothèque mobilière. En effet, le recours à l’hypothèque
mobilière sans dépossession pour les personnes physiques n’exploitant pas une entreprise
n’a pas toujours été simple. Il fut initialement envisagé par le législateur de manière restrictive, selon une liste règlementaire, visant seulement quelques biens meubles, comme les
véhicules routiers. Elle s’est étendue récemment à un plus grand nombre de biens meubles
incorporels2, notamment, les créances, les valeurs mobilières et les titres intermédiés, les
droits découlant d’un contrat d’assurance et les biens dits intellectuels.
1. La rédaction de l’article 2683 C.c.Q. est le produit d’un amendement de dernière minute
légitimé par des pressions consuméristes. QUÉBEC (Assemblée nationale), Journal des
débats de la Sous-commission des institutions, 1ère sess., 34e légis., 12 décembre 1991,
« Étude détaillée du projet de loi 125 – Code civil du Québec (33) », p. 1403-1417, notamment, p. 1411 et 1412.
2. Art. 15.01 et 15.02 Règlement modifiant le Règlement sur le registre des droits personnels
et réels mobiliers, R.R.Q., c. C.C.Q., r. 8.
A.Constituant
1.Principe
6. Critère de distinction : exploitation ou non d’une entreprise – L’article 2683,
al. 1 du Code civil du Québec pose, dans un style alambiqué, une limite à la capacité du
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III. Hypothèques
constituan­t. Les personnes physiques qui n’exploitent pas une entreprise y ont un accès
limité. Toutefois, la constitution d’une hypothèque mobilière sans dépossession est ouverte
à toutes les personnes physiques exploitant une entreprise ou aux personnes morales.
L’article 2683 s’énonce comme suit :
À moins qu’elle n’exploite une entreprise et que l’hypothèque ne grève les biens
de l’entreprise, une personne physique ne peut consentir une hypothèque mobilière
sans dépossession que dans les conditions et sur les véhicules routiers et autres
biens meubles déterminés par règlement.
7. Personnes physiques exploitant une entreprise – Cette notion d’« exploitation d’une
entreprise », souvent utilisée dans le Code civil du Québec, renvoie à l’article 1525, al. 3 :
Constitue l’exploitation d’une entreprise l’exercice, par une ou plusieurs
personne­s, d’une activité économique organisée, qu’elle soit ou non à caractère
commercial, consistant dans la production ou la réalisation de biens, leur administration ou leur aliénation, ou dans la prestation de services.
D’après les commentaires du ministre de la Justice, la notion d’entreprise doit être interprétée de manière large, visant non seulement les activités commerciales, mais aussi
les activités artisanales, agricoles, professionnelles ou fondées sur une coopération. Le
ministr­e de la Justice a précisé que les termes généraux du troisième alinéa marquent le
caractère évolutif de cette notion qui doit s’apprécier en fonction des époques. On dépasse
ici le concept classique de commercialité pour prendre en considération celui de l’entreprise
au sens économique du terme. Pour retenir cette notion d’exploitation d’une entreprise,
la doctrine1 et les tribunaux ont reconnu la conjonction de plusieurs indices tangibles :
la présence d’actes juridiques répétés; la poursuite d’un objectif économique préétabli;
l’existence d’une activité organisée selon un plan d’affaires qui ne doit pas être le fruit
du hasard; et l’existence d’un lien proportionnel entre les efforts déployés et les résultats
obtenus. Dans l’affaire Belinco Développements inc. c. Bazinet2, la Cour a décidé que la
détention, l’administration et l’amélioration d’un immeuble à revenus en vue de maximise­r
les bénéfices permettent de conclure en l’existence d’une entreprise. Dans les affaires Fadel
c. Charrette et Ceracaise c. Catalfamo3, les juges ont décidé que l’exploitation d’un véhicule-taxi et le permis de taxi constituent l’exploitation d’une entreprise. Ces biens peuvent
être valablement grevés d’une hypothèque mobilière sans dépossession.
Attention
Une personne morale à fonds social ou sans capital-actions peut consentir une hypothèque
mobilière sans dépossession même si elle n’exploite pas une entreprise, à condition que la
loi qui la gouverne lui confère les pouvoirs d’emprunter et d’hypothéquer4.
1. Pierre J. DALPHOND, « Entreprise et vente d’entreprise en droit civil québécois », (1994) 54
R. du B. 35, 39-45; Patrice VACHON, « Chronique. L’entreprise du Code civil du Québec »,
(1995) 3 Repères 138, 142.
2. Belinco Développements inc. c. Bazinet, [1996] no AZ-96021461, J.E. 96-1236 (C.S.). Dans
le même sens, voir : Jam-Bec inc. c. Saturne inc., J.E. 2004-417 (C.Q.).
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Fasc. 9 – Dispositions spécifiques à l’hypothèque mobilière avec ou sans dépossession
3. Fadel c. Charrette, J.E. 2003-1106 (C.Q.); Ceracaise c. Catalfamo, [2007] R.J.Q. 225 (C.A.).
4. Loi sur les pouvoirs spéciaux des personnes morales, L.R.Q., c. P-16, art. 27 et 34.
8. Personnes physiques n’exploitant pas une entreprise – En dépit de l’ambition du
ministre de l’époque, Gil Rémillard1, lors de la réforme de 1991 – celle d’instaurer de
manière universelle2 l’hypothèque mobilière – la peur du surendettemment3 a eu raison
de la volonté politique affichée. Les personnes physiques ont vu leur capacité restreinte
en matière d’hypothèque mobilière sans dépossession. Seule la voie du gage leur restait
ouverte. Initialement, elles ne pouvaient consentir une hypothèque sans dépossession
que sur les véhicules routiers et autres biens meubles déterminés par règlement, comme
les caravanes, les maisons mobiles, les bateaux, motomarines et aéronefs 4 (anciens
article­s 15.01 et 15.02 du Règlement sur le registre des droits personnels et réels mobiliers).
Récemment, à la suite d’une décision rendue par la Cour suprême du Canada5 et sous l’effet
de la Loi sur le transfert de valeurs mobilières et l’obtention de titres intermédiés, la liste
des biens meubles a été étendue à d’autres types de biens, notamment, incorporels, comme
les créances, les valeurs mobilières, les titres intermédiés, les droits découlant d’un contrat
d’assurance et les droits issus de la propriété intellectuelle. La pertinence actuelle d’une
telle liste, voire l’utilité de l’article 2683 du Code civil du Québec, nous laisse dubitative.
Attention
La liste de l’article 15.02 du Règlement modifiant le Règlement sur le registre des droits
personnels et réels mobiliers comporte une série d’exclusions formelles, tels les « biens
constituant un Régime enregistré d’épargne retraite, un Fonds enregistré de revenu de
retraite, un Régime enregistré d’épargne études ou un Régime enregistré d’épargne invalidité au sens de la Loi sur les impôts ». Pour une raison évidente et récurrente, celle d’éviter
le surendettement des particuliers, le législateur a préféré revenir sur une pratique bancaire
consistant à octroyer un financement à des particuliers en prenant pour garantie leur REER,
ce qu’avait fait justement l’institution financière dans l’affaire dite Val-Brillant précitée6.
Par ailleurs, cette liste légale apporte son lot de nouveautés. Les particuliers peuvent
désormais consentir une hypothèque sans dépossession sur des biens dits précieux (au
sens de la Loi sur les impôts7) qui sont « des biens d’usage personnel et qui sont, en tout
ou en partie, des estampes, gravures, dessins, tableaux, sculptures ou d’autres œuvres
d’art de même nature, des bijoux, des in-folios rares, manuscrits rares ou livres rares, des
timbres ou des pièces de monnaie ». L’inscription de tels biens sur un bordereau de réquisition, nécessaire à la publicité des droits réels mobiliers, pourrait soulever des difficultés
d’identification et de traçabilité.
À notre connaissance, aucune décision de justice n’a été rendue par les tribunaux nous
permettant de nous éclairer sur l’application de ces nouvelles dispositions et de prendre
la mesure de leur nouveauté.
1.Gil RÉMILLARD, Mémoire au Conseil des ministres, Québec, 15 octobre 1990, p. 42,
aussi disponible dans Gil RÉMILLARD, « Présentation du projet de Code civil du Québec »,
(1991) 22 R.G.D. 8, 57.
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III. Hypothèques
2. QUÉBEC (Assemblée nationale), Journal des débats de la Sous-commission des institutions, 1ère sess., 34e légis., 3 septembre 1991, « Étude détaillée du projet de loi 125 – Code
civil du Québec (4) », p. 179-241.
3. QUÉBEC (Assemblée nationale), Journal des débats de la Sous-commission des institutions, 1ère sess., 34e légis, 13 novembre 1991, « Étude détaillée du projet de loi 125 – Code
civil du Québec (18) », p. 781 et 782.
4. Loi modifiant le Code civil et d’autres dispositions législatives relativement à la publicité
des droits personnels et réels mobiliers et à la constitution d’hypothèques mobilières sans
dépossession, L.Q. 1998, c. 5, art. 9; Règlement modifiant le Règlement sur le registre des
droits personnels et réels mobiliers, R.R.Q., c. C.C.Q., r. 8.
5. Caisse populaire Desjardins de Val-Brillant c. Blouin, [2003] 1 R.C.S. 666. Malgré une
dissidence remarquée, les juges majoritaires ont contourné l’interdiction de l’hypothèque
mobilière sans dépossession prise par des particuliers en admettant, en vertu d’une interprétation large des notions de bien et de titre des articles 2702 et 2709 C.c.Q., le gage portant
sur des créances représentées par des titres non négociables.
6. En revanche, le compte CELI (plafonné à 5 000 $) peut faire l’objet d’une hypothèque :
Denis LAPOINTE, « Tout savoir sur le compte d’épargne libre d’impot CELI », (2009) 18
Entracte 5.
7. Loi sur les impôts, L.R.Q., c. I-3, art. 265.
2. Régimes particuliers
9. Hypothèque sur une universalité de biens – Avant 2008, l’article 2684 du Code
civil du Québec prévoyait que seule la personne ou le fiduciaire exploitant une entreprise pouvai­t consentir une hypothèque mobilière sur une universalité de biens, comme
l’outillage, les équipements, les créances et les comptes clients, les brevets et les marques
ou encore les biens corporels qui font partie des actifs de l’entreprise et qui sont destinés,
notamment, à la vente. Cet article 2684 C.c.Q. a été maintenu tel quel. Depuis 2008, un
nouvel article 2684.1 C.c.Q. a été inséré. Il s’énonce comme une exception, « nonobstant
l’article 2684 », et prévoit qu’une personne physique n’exploitant pas d’entreprise peut
consentir une hypothèque sur une universalité de valeurs mobilières ou de titres intermédiés visés par la Loi sur le transfert de valeurs mobilières et l’obtention de titres intermédiés1. Ainsi, les particuliers peuvent désormais consentir une hypothèque mobilière
sans dépossession sur un portefeuille d’actions ou d’obligations. Autre nouveauté inscrite
au deuxième alinéa de l’article 2684.1 C.c.Q. (seconde exception à l’article 2684 C.c.Q.) :
une personne physique qui n’exploite pas d’entreprise peut aussi, « si les biens sont de la
nature de ceux qu’elle peut grever d’une hypothèque sans dépossession, consentir une
hypothèque sur toute autre universalité de biens, présents ou à venir, déterminée par règlement »2. Cet alinéa, au style labyrinthique, signifie que les particuliers peuvent désormais
consentir une hypothèque mobilière sans dépossession sur une universalité de biens, chose
interdite auparavant, sur un certain nombre de biens énumérés par règlement, c’est-à-dire
sur les créances et d’autres biens incorporels, comme les valeurs mobilières et les titres
intermédiés, les contrats d’assurance, les brevets et les marques. En ce qui concerne les
biens corporels listés par règlement (art. 15.02 Règlement modifiant le Règlement sur le
registre des droits personnels et réels mobiliers) qui sont les biens précieux, par exemple,
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