jardiner avec la lune
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jardiner avec la lune
fondamentaux G. Leblais de l’intérêt de jardiner avec la lune Pour l’illustre agronome du XVIe siècle Olivier de Serres, l’influence de la lune était négligeable. Aujourd’hui, le débat est encore vivace. Trois jardiniers expérimentés témoignent... janvier - février 2010 | les 4 saisons n° 180 43 fondamentaux C Pierre Masson Le refus du dogmatisme Installé en Saône-et-Loire, ancien agriculteur, Pierre Masson a créé son potager dans un sol ingrat : une vieille prairie, pauvre en terre, sur fond granitique. L’observation du calendrier lunaire vient compléter une pratique basée sur les apports de compost, la culture d’engrais verts et le recours aux préparations biodynamiques. Pragmatique par tempérament, il multiplie les essais et refuse toute approche dogmatique. « Quand je me lève, je regarde d’abord le temps qu’il fait ! Puis le calendrier lunaire. » C’est ainsi qu’il s’est intéressé aux études d’un chercheur allemand, Harmutt Spiess, qui a fait de nombreux essais comparatifs et a notamment revisité les travaux de Maria Thun. Il accorde une place importante aux phases de la lune (pleine lune, nouvelle lune) dans le comportement des plantes. En fait, les différentes espèces de plantes, et notamment les espèces cultivées, répondraient différemment aux influences lunaires. N. Journoud DR ’est une très vieille histoire qui, depuis l’avènement de l’écriture, fait couler beaucoup d’encre : la lune a-t-elle un impact sur les plantes en général, et sur les plantes cultivées en particulier ? Frappée au coin du bon sens, la réponse est oui : on voit mal notre satellite avoir une influence sur les marées, par exemple, et non sur des végétaux gorgés d’eau, à commencer par la graine au moment de sa germination. La question serait plutôt : cette influence est-elle suffisamment significative pour devoir être prise en compte dans les gestes jardiniers ? Et là, la réponse est plus difficile à cerner. A l’évidence, le jardinier a des priorités : il est d’abord sous l’emprise du temps qu’il fait (température, pluviométrie), de la région où il habite, de la nature de la terre cultivée, du choix des bonnes variétés à semer ou planter au bon moment, “solairement” s’entend. Aux 4 Saisons, nous sommes pragmatiques par nature. Nous connaissons suffisamment de jardiniers qui utilisent le calendrier lunaire avec satisfaction tout en reconnaissant que sa mise en pratique n’est pas évidente. C’est pourquoi nous avons proposé à trois d’entre eux de partager leur expérience de terrain. 44 les 4 saisons n° 180 | janvier - février 2010 Josiane Goepfert La lune, agent de conservation Josiane Goepfert, collaboratrice fidèle des 4 saisons, cultive son potager en FrancheComté. C’est une passionnée de cuisine des plantes sauvages et cultivées des quatre coins du monde, notamment les espèces et variétés méconnues. Faisant table ouverte, elle multiplie les expériences, tant au jardin qu’aux fourneaux, avec un succès indéniable. Très occupée, elle n’en est pas moins attentive à bien conduire ses cultures. « Pour les cultures à cycle court comme les salades, je “zappe” le calendrier lunaire ! Je sème et repique quand le sol est prêt, suffisamment réchauffé, bien ressuyé. Au printemps, dans notre région fraîche et humide, c’est vital ! Pour ce type de culture, finalement assez rapide (pas plus de deux ou trois mois) et que l’on renouvelle souvent, je trouve que ce n’est pas la peine de se compliquer la vie. Mais je suis très attentive aux travaux à réaliser sur les légumes pour lesquels je cherche une excellente conservation, comme les carottes, les choux d’hiver ou les poireaux. Ainsi, pour ce qui concerne la carotte par exemple, toutes les interventions se font en priorité en jour racine : semis, binages, désherbages… jusqu’à la récolte elle-même. Si je suis obligée d’intervenir un autre jour, je corrige derrière par un binage en jour racine. » Depuis dix ans, Josiane Goepfert a également constaté l’influence de la lune sur certaines préparations culinaires : « Je l’ai vérifiée une année par accident, en cuisinant un pesto à base de persil. Préparé en jour feuille, il s’est abîmé dans les jours qui ont suivi. Préparé en jour fleur, il s’est très bien conservé. Depuis, chaque année, je suis attentive aux dates lors de cette préparation, et sans déboire. » N. Journoud Voici les exemples cités par Pierre Masson et sur lesquels il s’appuie dans sa pratique jardinière : w les carottes semées un à trois jours avant la pleine lune donnent de meilleurs rendements, avec une bonne conservation ; w les radis sont sensibles positivement au semis en début de lune montante. La pleine lune donne des rendements plus faibles mais une meilleure conservation des semences ; w la pomme de terre, quant à elle, apprécie d’être plantée à l’approche de la nouvelle lune. Voici ce que cela donne en 2009 : « Le 7 mars (avant la pleine lune), j’ai semé épinard, radis, salades ; de même, le 5 avril, j’ai semé choux, tomates, poivrons, concombres, potimarrons. Je suis en revanche attentif aux périodes de lune descendante pour tous les travaux de repiquage et de plantation. Le respect de ce rythme a fait ses preuves : c’est ainsi que le 2 mai, par exemple, j’ai repiqué chou brocoli, chou fleur, cardon, artichaut… et, le 3 mai, des fleurs. De façon générale, j’évite d’intervenir au jardin les jours de nœuds lunaires (1), mais aussi planétaires (Mercure, Vénus…). » DR fondamentaux janvier - février 2010 | les 4 saisons n° 180 45 fondamentaux Jacques Maubert Installé près de Metz, en Lorraine, Jacques Maubert cultive un potager de 300 m2. Son expérience acquise depuis plus de 20 ans lui permet d’intervenir auprès de groupes de jardiniers de la région : une dizaine rassemblant chacun une vingtaine de personnes en moyenne chaque mois, au fil des saisons. Et le calendrier lunaire revient souvent au cœur des discussions. « En jardinant avec la lune, on ne gagne pas nécessairement en rendement ! Mais on favorise ce que l’on recherche avec un légume donné : de belles feuilles de laitues, des carottes ou des pommes de terre de bonne conservation… J’attache ainsi beaucoup d’im- DR Dans la lune depuis 20 ans ! portance au rythme périodique de la lune. Exemple avec le poireau : à la sortie de l’hiver, je sélectionne, dans le rang des légumes semés l’année précédente, cinq beaux plants dont je souhaite récupérer la graine. Tandis que je continue à entretenir le reste de la ligne en jour feuille, je bine ces cinq “porte-graines” en jour fruit. Invariablement, depuis 18 ans, la montée à graines est plus rapide. Par ailleurs, je repique les plants de fraisiers en lune descendante et en jour fruit, toujours pour bénéficier de leur influence. Les oignons plantés en jour racine et en lune descendante sont également peu sensibles à la montée en graines. J’ai obtenu des résultats analogues avec Le calendrier lunaire, décryptage 46 les 4 saisons n° 180 | janvier - février 2010 w Enfin, dans son parcours, la Lune passe successivement devant les douze constellations zodiacales (qui définissent les jours fleurs, feuilles, fruits, racines, voir tableau page 47), et sa trajectoire coupe deux fois par cycle le plan de l’écliptique (formé par l’orbite de la Terre autour du Soleil) : ce sont les fameux nœuds lunaires. Les biodynamistes ont beaucoup travaillé sur ce dernier rythme, notamment avec les recherches de Maria Thun qui restent une référence dans ce domaine depuis 50 ans. Mais certains chercheurs, agriculteurs et jardiniers relativisent l’importance donnée à ce cycle et accordent un intérêt équivalent au rythme synodique. B.GAUGE. Ce que nous observons de notre bonne vieille Terre met en jeu les positions relatives de la Lune, la Terre et le Soleil. w Le rythme synodique : c’est le plus connu et le plus facilement observable, qui décrit les phases de la Lune ; celle-ci est éclairée par le Soleil, de face (pleine lune), de côté (premier et dernier croissants), ou de derrière (nouvelle lune). Le cycle de 29,6 jours a longtemps été pris comme seule référence dans les traditions agricoles. w Le rythme périodique, ou sidéral : vue de la Terre, la Lune se promène dans une bande de ciel, avec une période où sa trajectoire est de plus en plus haute (lune montante, ou printemps lunaire) pour ensuite redescendre (lune descendante, ou automne lunaire) à l’image du Soleil entre les solstices. Ce cycle est d’une durée de 27,3 jours. Le rythme lune montante / descendante est très différent de celui – beaucoup plus connu – des phases de la lune (croissante/décroissante). Le schéma ci-dessus montre que du 27 janvier au 8 février 2010, la trajectoire de la lune va être de plus en plus basse dans le ciel : la lune est dite descendante, c’est une période favorable aux plantations. fondamentaux POUR EN SAVOIR PLUS N. JourNoud w L’Agenda du jardinier bio 2010, éditions Terre vivante w Les Rythmes, hors-série de la revue Biodynamis w Biodynamie et rythmes cosmiques par Maria Thun w Le calendrier lunaire de Michel Gros, www.calendrier-lunaire.fr A la lumière de ces trois témoignages, on comprend la difficulté de réduire la pratique du calendrier lunaire à un catalogue de recettes. « Le cosmos est beaucoup plus complexe et subtil », souligne Pierre Masson. Qui n’attribue qu’à quelques pour-cent l’impact du calendrier lunaire sur un jardin, s’il est conduit selon les règles de l’art : « Surtout, je laisse une grande place à l’observation, complétée par une prise de notes rigoureuse. C’est ainsi qu’au fil des ans, je me forge ma propre expérience, adaptée à ma situation ». Le bon sens, non ? Rémy Bacher 1. Les nœuds lunaires sont les jours où la trajectoire de la lune coupe (par deux fois en 27 jours) le plan de l’écliptique (plan de l’orbite terrestre autour du Soleil). Selon les biodynamistes, ces positions particulières ont une influence perturbatrice sur les cultures et devraient être des jours de repos pour le jardinier. N. JourNoud mes cultures de chicorée, depuis que je réalise tous les travaux en jour feuille. De façon générale, je sème le matin, et en lune montante, le jour favorable au légume. De même je repique, plante et travaille la terre en deuxième partie de journée et en lune descendante. Une autre de mes satisfactions est ainsi de mieux répartir le travail au jardin : à chaque journée ses quelques tâches en cohérence avec la lune ! » Le passage de la lune devant les constellations définit les jours fleurs, feuilles, fruits et racines. Retrouvez en pages suivantes le calendrier lunaire pour toute l’année, extrait de l’Agenda du jardinier bio 2010, éditions Terre vivante. janvier - février 2010 | les 4 saisons n° 180 47 Extrait de l’Agenda du jardin bio 2010, éd. Terre vivante
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