Mauvaise blague

Transcription

Mauvaise blague
Mauvaise blague
Nouvelle de Ben Eszterhas
Adapté par Arthur MIlchior
[email protected]
V2 01/04/2014
INT/JOUR BUREAU D'UNE PSY
Une jeune homme de 20 ans, BEN ESZTERHAS, beau garçon sage,
à qui l'on donnerait le bon dieu sans confession, est assis
sur un canapé, l'air pensif. En face de lui se trouve une
femme, KARINE, la quantaine. Une caméra amateur est posé
près d'elle, sur un pied, le voyant allumé, filmant Ben. Il
regarde autour de lui, l'image suit son regard. Il voit une
baie vitré qui donne sur un jardin, un mur où sont affichés
des dessins d'enfants, un coucou affichant 12h32, Karine,
assise sur une chaise qui lui lance un regard accusateur, à
côté d'un bureau rangé et très bien fourni: stylo, coupe
papier, feuilles et cahier, et enfin la porte du bureau,
fermée.
BEN
Effectivement, tout a commencé il y
a quatre ans, par ma faute.
INT/JOUR CHAMBRE DE BEN
Ben est assis sur un lit, en train de se rouler un joint.
Assis au bureau se trouve JEREMY, gros et laid, en jogging
complet vert avec des bandes blanches, en train de se curer
le nez. Devant le lit se trouve une télé allumé sur une
émission de télé-réalité. Jeremy se trouve devant un ordi
portable qui laisse sortir des sons faisant penser à un
porno, suivi d'un aboiement.
BEN (VOIX OFF)
J'étais chez moi avec Jeremy. En
plus d'un physique difficile à
porter, ce dernier n'a pas inventé
l'eau tiède. Comme d'hab, on
glandait, on fumait, il matait des
prono chelou... On était des petits
cons, c'est vrai. Mais on aurait
jamais pensé en arriver là.
JEREMY
P'tain Ben, j'en ai marre, je
m'emmerde. On fait quoi ?
BEN
J'sais pas moi, fais ce que tu
veux.
Ben, finissant son joint et l'allumant, regarde ce que
Jeremy fait. Il est maintenant sur facebook. Facebook
annonce un message privé, d'une certaine Manon Tobias, dont
on arrive peu à distinguer le visage, mais qui semble assez
belle. Jeremy avait écrit un quart d'heure plus tôt: "Hey
Manon, tu vas bien ? T'es toujours aussi bonne !" elle avait
répondu "T'es qui connard ?". Il écrit "Jeremy ! Hey bébé,
relax, takit he eaaasy :) je te paye un mcdo?".
BEN
C'est qui ?
JEREMY
Bah c'est Manon.
2.
BEN
(Lui parlant comme à un
imbécile)
Et c'est qui, Manon ?
JEREMY
Bah Manon, quoi, de la colo des
sapins. Tu te rappelles pas d'el...
Manon répond, interompant Jeremy. Elle écrit: "Va te faire
voire loser". Il commence à répondre et découvre qu'il est
bloqué.
JEREMY
"Va te faire voire loser" qu'elle
m'a dit ! Et elle m'a bloqué la
pute, je fais quoi ?
BEN
Eh bien, tu te démerdes.
Jeremy se fige, Ben se tourne sur la Caméra à sa et se met à
parler de manière soutenue.
BEN
Enfin ça, c'est ce que j'aurai dû
lui répondre. Mais que voulez vous,
je suis parfois trop généreux.
Jeremy se ranime quand Ben lui pique son ordi.
JEREMY
Eh ! Qu'est-ce que tu...
Jeremy fait un tour rapide autour du lit, suivi par la
Caméra.
BEN
On va s'venger. Laisse moi gérer
ça, fait moi confiance, elle va le
sentir passer !
Jeremy et la Caméra peuvent de nouveau voir l'écran
d'ordinateur, qui affiche un nouveau profil, bien rempli,
avec photo d'un vieux moustachu au regard vitreux.
JEREMY
C'est qui ce gars ?
BEN
Jérémy, laisse-moi te présenter
Jean-Luc Démontet.
JEREMY
Et c'est qui, Jean-Luc Démontet.
3.
BEN
Un gentil moniteur de la colonie de
vacances, fan de kayak en plus !
Bref un pédophile. Et il était à la
colo des sapins..
JEREMY
Ah, je ne me rappelle pas de lui...
BEN
C'est normal crétin, il existe pas.
Je suis le docteur Frankenstein et
c'est ma créature virtuelle. Mais
Manon, ça elle le sait pas. Tu vois
où je veux en venir ?
JEREMY
Ouais. Tu me prend pour un con ou
quoi ?
BEN (VOIX OFF)
Ouais. Je le prenais bien pour un
con.
Ben saisit l'ordinateur violemment et commence à écrire
aussi vite qu'il parle. La Caméra tourne autour de lui.
BEN
Bonjour Manon, c'est Jean-Luc,
l'ami des jeunes. Je ne sais pas si
tu te souviens on s'est rencontrés
à la colo des sapins il y a 4 ans,
et depuis je ressens une réelle
affection pour toi, qui n'a cessé
de grandir au fil des années. Je
n'ose t'en parler seulement
aujourd'hui car il m'a fallu
beaucoup de temps pour surmonter ma
timidté naturelle. Tu es tellement
belle que c'en est effrayant.
Voilà, j'espère que tu me répondras
très vite, et que notre belle
histoire restera notre secret... Ça
m'évitera de devoir me déplacer
jusque chez toi... Non pas que je
n'aime pas ton quartier, il est
charmant, mais je suis un homme
pressé... Bisous, Jean-Luc.
Pendant ce temps, Jeremy, qui ne comprend pas tout, ouvre un
paquet de chips, en mange en faisant des miettes. Ben envoie
le message.
BEN
Mate moi cette oeuvre d'art mon
gros !
(MORE)
4.
BEN (cont'd)
(Voix off)
Ou, comme dirait la police, des
"Menaces par voix télématiques".
Mais n'anticipons pas.
EXT/JOUR TERRAIN DE FOOT
Ben, en capitaine, joue au foot, pique la balle et la passe
devant.
BEN (VOIX OFF)
Les mois qui suivirent se
ressemblèrent et ressemblèrent à ma
vie. Banale, mais agréable. J'avais
déjà oublié ce stupide message.
INT/JOUR CHEZ BEN
LA MÈRE DE BEN se trouve dans un salon, devant la télé, en
pyjama, une coupe de champagne à la main. Ben arrive, ignore
sa mère, change la chaine et allume une console de jeu
vidéo.
INT/JOUR SALLE DE CLASSE
Ben est debout à sa place, le professeur l'engueule, il
répond quelque chose, toute la classe rit, le professeur
tente de garder son sérieux, rigole et Ben se rassied.
EXT/JOUR PARC
Ben marche dans un jardin public, à côté d'une très jolie
fille, ALICE.
ALICE
Ma plussoyance ?
Ben la prend dans ses bras, par derrière.
BEN
Oui. Le truc en plus qui attirera
tous les regards sur le podium.
Alice arrête Ben.
ALICE
Attends Ben, éloigne toi. Je manque
de plussoyance ?
BEN
Qu'est-ce que tu racontes ? Tu es
magnifique Alice. Tu es une déesse
tombée du ciel et comme te dirait
Stevie Wonder "You are the sunshine
of my life".
Elle rigole. Un marchand de glace ambulant passe devant eux.
Alice va le voir. Le téléphone de Ben sonne, il regarde son
5.
téléphone, qui indique "Maman". Il relève les yeux, voit
Alice avec une glace et va la payer.
BEN
Ils vont te supplier de bosser pour
eux. Et tu vas être une putain de
wondertopsuermodèle ! Tiens, marche
!
Alice, sa glace à la main, marche tout droit jusqu'à Ben.
Elle l'embrasse, lui mettant de la glace autour des lèvres.
BEN (VOIX OFF)
J'étais aux anges, tout ce passait
bien, c'était un mercredi
parfait....
EXT/JOUR DANS LA RUE
Ben sort d'une boulangerie en finissant un sandwich. Il
commence un footing dans la rue.
BEN (VOIX OFF)
...sauf qu'un peu plus tard...
Son téléphone sonne, il répond en continuant de courir.
BEN
Ouais ?
JEREMY
...Putain... On est foutu !
Facebook, la merde... C'est illégal
ce qu'...
BEN
Je compr...
JEREMY
Je te dis ! Je suis trop jeune pour
mourir !
BEN
Hein ? Mais ? Qu'est-ce que tu
racontes ?
JEREMY
Manon. Cette pute. Tu te souviens ?
On a fait un faux compte pour rire.
BEN
(agacé)
Oui, et ?
Ben passe devant une épicerie et pique une banane à l'étal,
qu'il ouvre en marchant. Il laisse l'épluchure sur l'autre
bout de l'étal.
6.
JEREMY
Ben... Elle a pas compris que
c'était pour rire, cette conne.
Elle a été voir la police. Ils vont
beaucoup nous punir.
BEN
Ok, respire un coup, il va rien
t'arriver. Première chose, est-ce
que t'as parlé de moi ?
JEREMY
Non poto, bien sûr que non. Les
amis ça fait pas ça. En plus je
sais que c'est pas de ta faute,
c'est moi...
BEN
Ouf
(voix off)
On accordera à Jeremy une certaine
loyauté, doublé d'une belle
servilité.
JEREMY
Je sais pas comment la police a su,
que j'étais Démontet...
Jeremy continue de parler, mais sa voix est basse.
BEN
(à lui même)
Ça, "Poto", c'est pas dur. Je t'ai
vu insulter la fille 10 minutes
avant, même un flic peut faire le
rapprochement !
Ben arrive près du terrain de foot et y rentre, en checkant
des gens qui viennent vers lui, le sourire aux lèvres.
BEN
Jeremy. Jeremy, respire !
JEREMY
Ouais
BEN
On peut pas modifier le passé.
Maintenant, tu fais de jolies
petites excuses à la morue, aux
poulets et tout ira bien dans le
meilleur des mondes, même Huxley ne
pourrait rêver mieux !
JEREMY
Euh...
BEN
Allez salut !
7.
Ben rejoint ses amis. Quelques secondes plus tards, il
sortent du terrain de foot.
BEN
(à la Caméra)
Ouais, c'était rapide. Je vous
aurai bien montré mes exploits, il
parait que je suis assez
impressionnant, mais ce sera pour
une autre fois.
Ils marche jusqu'à un ciné à côté, une affiche indique
Somewhere Nice, une autre Alice. Quelques secondes plus
tard, le soleil a baissé, ils ressortent du ciné.
EXT/JOUR DEVANT CHEZ BEN
Ben arrive chez lui. SA MÈRE, 45 ans, regardait par la
fenêtre et sort immédiatement.
MÈRE DE BEN
Pourquoi tu répondais pas ? Ben, la
police est venu, ils veulent te
voir tout de suite.
BEN
Qu'est-ce que j'ai fait ?
MÈRE DE BEN
Bonne question. La police est passé
pour une "affaire te concernant".
(elle parle de plus en
plus fort.)
Qu'est-ce que tu as fait, Ben
Eszterhas ?
BEN
Mais je n'ai rien fait...
Ben arrache la lettre des mains.
BEN (VOIX OFF)
...qui puisse avoir été repéré par
la Police...
BEN
je t'assure, Maman.
Ben repars aussitôt avec sa mère. Il sort son portable,
cherche le numéro de Jeremy et le fait sonner. Il tombe sur
le répondeur.
INT/JOUR BUREAU DE POLICE
Ben et sa mère sont assis dans l'accueil d'un service de
Police. Des gens passent, rapidement, dans tous les sens.
Certains de leur plein grés, d'autres sont amené de force
par la police, la plupart dans une tenue de tous les jours,
certains dans des vêtement très sales, de clochard, un autre
8.
en travesti.
Une policière, SANDRA BARTOWSKI, vient les chercher et fait
entrer Ben dans un bureau où se trouve un policier, PAUL
GARREAUX. La Caméra suit le regard de Ben. Ben regarde sa
mère qui cherche à rentrer.
SANDRA
Non madame, seulement lui pour
l'instant. Laissez moi vous
accompagnez jusqu'à la machine...
Sandra a refermé la porte sur la fin de sa phrase. Au mur,
en plus d'affiche sur la police, se trouvent Dora
l'Exploratrice et Homer Simpson, dans un style enfantin. Ben
observe tout le bureau avant de regarder Paul, et lui serre
la main.
PAUL
Bonjour, Ben. Je suis Paul Garraux.
Pour l'instant, tu es en audition
libre, tu...
BEN
(le coupant)
C'est mignon ces dessins. C'est de
votre fils, fille ? C'est Homer,
c'est ça ?
PAUL
Alors, celui-là, c'est une petite
fille qui ma l'a donné.
BEN
Ah oui ?
(voix off)
Et là, hop, je me fait apprécier du
policier, qui se met à me raconter
sa vie.
PAUL
(Continuant comme s'il
n'y avait pas eu
d'interruption)
Elle subissait des attouchements de
la part de son oncle. Quand j'ai
mis fin aux agissements de ce
salaud, elle m'a laissé ce dessin.
Je crois que c'était sa façon de me
remercier de l'avoir sauvée. Tu
veux en savoir plus à propos du
deuxième ?
Ben fait non de la tête, l'air désolé.
PAUL
Bref. Je pense que tu sais pourquoi
tu es là. J'ai la déposition de ton
(MORE)
9.
PAUL (cont'd)
ami, Jeremy. Pour un message de
menace envoyé depuis TON adresse
ordinateur, ton adresse I.P.
BEN
Ah d'accord. J'avais cru que Jeremy
avait essayé de tout me mettre sur
le dos. Qu'il m'aurait "balancé"
comme vous dites.
PAUL
Je crois que tu ne te rends pas
compte de la gravité de la
situation. Manon, a eu peur. Elle
n'osait plus sortir de chez elle, à
cause de M. Demontet.
BEN
Mais c'est qu'une blague. Il existe
même pas. D'ailleurs, pour autant
que vous sachiez, personne n'a rien
fait à Manon ?!
PAUL
Ben, toi tu sais que M. Demontet
n'existe pas. Mais Manon, non. Ces
parent ont arrêté de l'envoyer à
l'école tellement elle avait peur.
BEN
Les gens sont para... Enfin, je
suis désolé, je ne pensais pas que
cette blague irait aussi loin.
C'est pas possible. Vraiment, je
vous prie de m'excuser. Je prête
souvent mon ordinateur à Jeremy
quand il vient chez moi, j'aurai
jamais pensé que...
(une pause)
Mais je peux pas rejeter toute la
faute sur lui, quand j'ai vu ce
qu'il avait fait, j'aurai dû
prévenir Manon. Désolé, vous savez,
j'ai juste été aux toilettes au
mauvais moment... Comme Travolta
dans Pulp Fiction.
(Clin d'oeil à la Caméra)
Je suis plutôt touchant, là, vous
ne trouvez pas ?
PAUL
C'est pas à moi de t'excuser. Oui,
j'aurai perdu moins de temps si
t'avais désamorcer la situation
tout seul; t'as pas l'air d'un
mauvais garçon. Mais bon, enfin.
C'est mieux ainsi. De toute façon,
(MORE)
10.
PAUL (cont'd)
quand j'ai vu que ton con de copain
était le dernier à lui avoir parlé,
je me suis douté que c'était une
connerie de gosses. Jeremy m'a dit
qu'il avait tout écrit, j'ai
attendu de te voir pour prévenir
les parents de la petite -on est
plus à deux heures près -, et tout
rentrera dans l'ordre. Pour
information, vous risquez 50 euros
d'amendes chacun, et j'espère que
c'est la dernière première et
dernière fois que je vois vos deux
têtes d'abrutis.
Paul va à la porte et parle dans le couloir.
BEN
Deux têtes d'abrutis... Me comparer
à Jeremy, quand même...
Paul revient avec la mère de Ben.
MÈRE DE BEN
(énervée)
Qu'est-ce qu'on m'a dit ? Tu as
laissé Jeremy menacer de violer...
La mère, Ben et Sandra, discutent un peu, tandis que Ben
tape à deux doigts au clavier, Ben regarde le tout passer.
BEN (VOIX OFF)
Elle en fait trop. C'est pas la fin
du monde non plus ! Mais je la
comprend, elle veut garder la face
devant les keufs. Leur faire croire
qu'elle a une quelconque influence
sur moi...
EXT/JOUR BALCON
Sur le balcon d'un petit immeuble se trouvent Ben et Alice.
Elle se regarde dans un miroir, avec des habits de
hautes-couture, dont un corset qu'elle n'apprécie pas.
BEN (VOIX OFF)
Cette histoire était finie, je
pouvais enfin mettre ça derrière
moi. Du moins, c'est ce que je
pensais...
ALICE
Pour moi, le corset est comme une
morue.
(à Ben)
As-tu vu un chapeau par ici ?
11.
Comme la dernière fois, Alice travaille le défilé. Ils
s'embrassent puis Ben part.
EXT/JOUR DANS LA RUE
Ben se prend un sandwich, fait un footing jusqu'au foot, en
volant une banane. Ressort du foot pour aller au ciné, puis
rentre chez lui.
INT/JOUR CHEZ BEN
Ben rentre chez lui, un grand sourire aux lèvres, en
chantant. Il se tait soudainement en voyant Paul, sa mère et
Sandra dans le salon, le regard éteint.
PAUL
Bon Ben... Ce que j'ai à te dire
est très dur à entendre. Tu
préfères qu'on fasse ça ici ou
qu'on aille au commissariat ?
BEN
Oh bah ici, je ne pense pas que ça
va durer longtemps.
SANDRA
Détrompe-toi.
Ben regarde Paul, sa mère puis Sandra, la Caméra suit son
regard. Paul et Sandra s'échangent des signes du regard, sa
mère cherche à suivre et comprendre.
BEN
Mais merde vous allez arrêter de
vous lancer des regards de
conspirateurs et m'expliquer ce
qu'il se passe putain ?
Sandra fait signe à la mère de Ben de sortir et Paul fait
signe à Ben de prendre sa place.
PAUL
Bon, bah voilà Ben, on va pas y
aller par quatre chemins... C'est
vraiment une histoire de merde. Une
histoire de sales gosses qui tourne
mal. Oui, il s'est passé quelque
chose de grave, de très grave. En
effet, après t'avoir laissé partir
hier, j'ai tout de suite essayé
d'appeler Sandrine, la mère de
Manon. J'ai eu son répondeur donc
je lui ai dit que j'avais une bonne
nouvelle pour elle, puis je suis
allé manger avec les collègues.
BEN (VOIX OFF)
Très sincèrement, son assiette, ça
m'intéresse pas.
12.
PAUL
Quand je suis revenu au
commissariat, je suis tombé sur le
père de Manon. Quand j'ai voulu lui
serrer la main, j'ai remarqué qu'il
portait des menottes et un pull
tâché de sang.
Soudainement Paul s'arrête, et détourne son regard vers la
fenêtre. Ben le regarde, surpris, avant qu'il ne reprenne.
PAUL
En fait, ce qui s'est passé, c'est
que la batterie du portable de
Sandrine était déchargé. Et que ce
midi, alors que Liam et sa fille
sortaient pour déjeuner, ils
croisèrent dans la rue un homme
d'un certain âge qui s'approchait
de Manon. Un homme avec une longue
moustache, qui ressemblait à s'y
méprendre à la photographie du
présumé pervers. Manon n'eut pas eu
le temps de dire quoi que ce soit
que déjà son père s'était jeté sur
lui. Sauf que c'était le professeur
de sport de Manon. Liam l'a roué de
coups. Manon a téléphoné aux
secours, mais quand ceux-ci sont
arrivés sur place, il était déjà
trop tard. Et malheureusement la
victime a succombé à ses blessures
à l'hôpital...
Paul regarde Ben fixement. Ben reste bouche bée, mais il
pense beaucoup. Sa voix off tente de suivre le fil de ses
pensées, et est donc extrémement rapide, et composé de
phrases coupées.
BEN (VOIX OFF)
J'y crois pas. J'ai tué un homme.
Indirectement. Je dois fuir.
J'arrive pas à bouger. Si je suis
un assassin. Alice va plus vouloir
de moi. Je pourrai plus
l'embrasser. Et Jeremy ? Comment il
va réagir ? Le con ! Maman ! Je la
rend triste. Elle a jamais été
comme ça. Pareil, les amis. Les
boites de nuit. Papa, nos repas au
restau du week-end... Les cours
d'histoire de M. Hoareau aussi...
C'est fini ?
PAUL
Sandrine a écouté son message, et a
su alors que ce n'était qu'une
mauvaise blague. Une blague avec de
lourdes conséquences.
13.
BEN (VOIX OFF)
Normalement, j'aurai dû dire "Sans
blague", ou un truc du genre. Mais
je peux pas.
PAUL
Donc nous avons arrêté Liam, et un
tribunal va se charger de l'affaire
en urgence. Un meurtre c'est
jusqu'à 30 ans de prison.
Circonstance atténuante ou pas, ça
va faire mal. Toi, ça sera juste
"menace par voies télématiques" et
surtout "incitation à la haine
ayant causé la mort d'autrui..."
La Caméra se rapproche des yeux de Ben, de plus en plus
distants...
INT/JOUR CELLULLE DE PRISON
Ben est dans une salle sombre, en tenu rayé de prisonnier.
La Caméra le filme de face, et il y a des barreau derrière
lui. 3 gros baraqués s'approchent de Ben, lui retirent ses
vêtement de prisonniers, faisant apparaitre un complet qu'il
portait en dessous.
Ben fait un quart de tour sur la droite et la caméra vient
se mettre dans son dos, Ben est maintenant devant une barre
de témoin, plus loin se trouvent la tribune d'un juge.
Autour de la tribune, une foule de paysan, avec chapeau de
paille et fourches tendues vers Ben, crie "À mort !". Le
juge tape un grand coup de marteau.
JUGE
Le peuple a été entendu, qu'il soit
guillotiné !
BEN
On est en France bon dieu !
Mitterand a abooli la peine de mort
!
Ben fait encore un quart de tour sur la droite, la Caméra
reste dans son dos. Devant Ben se trouve maintenant un
billot. Au fond se trouvent toujours la foule qui lui crie
dessus. Un des grand barraqué pousse Ben au sol, la tête sur
le billot. Pendant ce temps, un autre baraqué a enfilé une
cagoule, et est allé cherché une hache qu'il lève.
BEN
Non. C'est Jeremy. Manon, je
voulais... Alice !! Alice !
La Caméra zoom sur la nuque de Ben.
14.
INT/JOUR CHEZ BEN
La Caméra dézoome. Ben se trouve allongé dans le sol de son
salon, mais à la place du billot, sa tête se trouve sur le
pied d'un meuble.
Paul vient chercher Ben, le relève et le secoue un peu.
PAUL
Ben ? Ben ? Calme toi, d'accord ?
Ben hoche la tête, et fait un clin d'oeil dans le vide, par
dessus l'épaule de Paul, pendant qu'il se rassied.
BEN
Pardon.
PAUL
Ben, c'est pas à moi qu'il faut
dire pardon. Moi, j'ai juste un
dossier, qui est allé plus loin que
ce que je croyais. C'est Manon, sa
famille et son prof qui ont
souffert.
BEN
Oui. J'aimerai leur dire combien je
suis désolé... Je... Je voulais pas
tout ça...
PAUL
Écoute, pour la famille, si tu veux
vraiment faire tes excuses, tiens.
Paul sort un carnet de sa poche et se met à écrire dessus un
numéro de téléphone.
PAUL
C'est le numéro de la mère. Mais ne
dis jamais que c'est moi qui te
l'ai donné... Je ne suis pas censé
faire ça...
Ben hoche la tête, prend le numéro et le met dans sa poche.
PAUL
Je pense qu'il ne va pas t'arriver
grand-chose, tu es jeune, je sais
bien que tu ne voulais faire de mal
à personne. Je sais tout ça et je
témoignerai en ta faveur. Mais
maintenant aucun retour en arrière
n'est possible. Aucun. Et il va
falloir assumer.
Paul met la main sur l'épaule de Ben pour le réconforter,
puis s'en va. Sa mère revient et lui parle. Elle lui sert un
diner et parle, mais Ben n'entend rien. Après 30 secondes de
silence, Ben se lève et part vers sa chambre.
15.
Il rentre dans sa chambre, trouve celle-ci enneigé, mais
cela ne le surprend pas. De plus, il manque le mur du fond
de sa chambre, qui est donc ouverte sur la rue, enneigé elle
aussi. Il marche, jusqu'à tomber sur un cadeau de noël
géant. Il l'ouvre et trouve dedans un cadavre. Au bout de la
rue se trouve un pont, Ben regarde le pont et le paquet
alternativement, et se met à pousser le paquet vers le pont.
Une fois près du pont, un policier arrive du coin de la rue.
POLICIER
Dites-donc, qu'est-ce que vous
faites là à cet heure si tardive,
monsieur ? Vous m'apportez un
cadeau ?
Le policier ouvre le cadeau en grand, aide M. Démontet à se
réveillet et sortir du cadeau, avant d'y mettre Ben, de
refermer le paquet sur lui et de le pousser par dessus le
pont dans l'eau.
INT/JOUR CHAMBRE DE BEN
Ben se réveille chez lui, tout en sueur, le lit trempé. Il
regarde son portable, et remarque 2 textos. Le premier,
d'Alice, lu avec sa voix, dit:
ALICE
Je pense à toi en ce moment. Je
t'aime mon choupinou.
Et le second, d'un numéro inconnu dit:
LIAM
Cher Monsieur Eszterhas, en réponse
à votre message facebook du 11
octobre, et à ses suites, j'ai
l'honneur de vous faire savoir que
je suis sorti de prison et compte
vous assassiner dans les plus bref
délais.
La porte de la chambre s'ouvre, Liam entre, vétu d'un long
ciré jaune et d'une immense faux, lisant la fin du texto.
LIAM
Respectueusement, Liam
Il casse tout et donne même un coup à la Caméra qu'il envoie
derrière Liam. Ben remonte la couette devant lui et devant
la Caméra, sort de son lit en laissant tomber la couette. Il
court hors de sa chambre, et en passant par la porte il
rentre dans sa chambre, où il se voit en train de dormir,
dans les vêtements de la veille, dans son lit.
Le Ben couché se réveille, sa chambre en parfait état. Il
regarde son téléphone portable, qui n'a aucun texto.
16.
BEN (VOIX OFF)
Après ces cauchemars répétitifs, je
suis sortis de chez moi,
silenciseuement, ne voulant pas
réveiller ma pauvre mère, qui avait
dû trouver le sommeilr à l'aide de
somnifères.
Il se lève, hésite, tourne en rond sans rien dire, puis met
ses baskets et sort.
EXT/NUIT RUE
Ben marche dans la rue en direction du pont, en soliloquant.
Il croise, en les ignorants, deux clochards endormis et des
silouhettes dans l'ombre qui le regardaient passer.
BEN
Et bien voilà, Ben. Pas de paquets
cadeaux, pas de policier... Ah, là,
un clochard, ça c'est normal.
(voix off)
Enfin, je veux pas dire que les
clochards c'est normal, c'est juste
habituel, même si on ne devrait pas
en voir...
(à haute voix, se coupant
la parole.)
Bref, un mort, à cause de moi. Quel
crétin aussi, avoir confondu le
prof avec un pédophile...
(il rit)
Un prof pédophile, ça c'est drôle.
Si ça se trouve il l'était vraiment
en plus.
Ben arrive au niveau du pont, monte sur la rambarde, chante
une musique de fanfare de cirque et fait l'équilibriste
jusqu'au milieu du pont, avant de redevenir sérieux. La
Caméra le suit en contre-plongé, de tel manière qu'on ne
voit ni le sol, ni l'eau.
BEN
Ben, y a eu un mort à cause de toi.
Tu crois que c'est le moment de
faire le con ?
(voix off)
Oui.
(haute voix)
Franchement, entre les problèmes
que t'as causé à Manon, à son père,
à son prof... Pour le bien de
l'humanité tu devrais sauter.
Ben regarde vers le bas.
17.
BEN
Même ça, tu n'en es pas capable.
Lâche ! Allez, si, tu peux, vas-y,
regarde tout est calme en bas, tout
est serein... Montre ton courage,
vas-y, montre le au monde.
Ben saute en avant, son téléphone bip et il se trouve aussi
ramené en arrière et tombe sur ses fesses sur le pont. Il
reprend son souffle, regarde, c'était Alice. Ben prend peur,
regarde autour de lui, puis revérifie son téléphone.
BEN
Alice, ma douce Alice, tu me
rappelle au monde. Et sans 2ème
texto cette fois !
Ben se met à courir, la pluie se met à tomber, le ciel
s'illumine, et après un bruit d'éclair, face Caméra:
BEN
Je sais, ça fait cliché. Mais ça
arrive parfois: les clichés ont
bien été créés pour une raison !
Ben arrive devant la maison d'Alice, où l'attendait un
quator à corde jouant l'air de "Maria" de West Side Story.
Ben sonne à la porte puis regarde le quatuor, et après
quelques secondes de refléxion lui dit:
BEN
Bon, là, j'avoue, j'en rajoute,
j'avais pas le budget pour vous.
Le quatuor se tait et disparait du champ. Alice ouvre,
surprise. Ben s'effondre dans ses bras, en pleurs.
INT/NUIT CHAMBRE D'ALICE
Ben est toujours en train de pleurer, assis au bord du lit
d'Alice. Une boite de mouchoir à la main, elle vient
s'asseoir à côté de lui et lui passe une main par dessus les
épaules. Il prend un mouchoir, l'utilise, puis le jette dans
une poubelle. Alice a un léger geste de dégout, avant de
revenir vers lui. Elle embrasse son cou et lui prend la main
libre. Ben commence à se détendre et arrêter de pleurer.
Alice lui fait un autre bisous très appuyé, puis se laisse
tomber contre son ventre, le forçant à lui même s'allonger
dans le lit.
Ils sont maintenant allongés côte à côte dans le lit, la
tête d'Alice sur l'épaule de Ben, ils se tiennent toujours
une main. La respiration de Ben continue de se calmer, il se
met à respirer à la même vitesse qu'Alice. Il lui embrasse
la main, remonte le long du bras, jusqu'au cou, avant de lui
faire un petit bisou sur la bouche. Il éclate de rire, Alice
aussi, et se mettent à vraiment s'embrasser intensément. Ben
met sa main dans le pantalon d'Alice, et commence à la
masturber, tout en continuant de l'embrasser. Il s'arrête le
18.
temps d'ouvrir le pantalon d'Alice et de lui faire
descendre, celle-ci en profite pour retirer le t-shirt de
Ben. Ils galèrent un peu, et finissent par ce déshabiller
tout seul. Alice a un frisson, ils se glissent donc sous la
couette.
Sous les draps, on devine que Peter s'est remis à masturber
Alice, qui semble faire de même. Peter continue d'embrasser
Alice, puis lui lèche l'oreille, la lui mordille, et lui
mordille le cou, au point de lui faire un suçon. Mais Alice
semble vraiment apprécier, et finit par avoir un orgasme
dans cette position. Elle s'arrête alors, prend Peter dans
ses bras, l'embrasse, et se repose. Il se colle à elle, la
regarde fermer les yeux, puis les ferme lui aussi. Ils
s'endorment.
INT/JOUR CHAMBRE D'ALICE
Alice enlace Ben, ils sont nus dans un lit à rambarde. La
rambarde arrivant pile au bon endroit pour cacher leurs
parties intimes. Alice dort encore, le soleil et Ben sont
levé.
BEN
(à la Caméra)
Ce matin, je me sens différent. Je
crois que je viens de faire l'amour
pour la première fois. Attention,
ne vous méprenez pas, je suis pas
puceau: je l'ai déjà baisé, plein
de fois, mais ce coup-ci, j'ai
senti quelque chose de différent.
En fait, je crois qu'Alice est la
seule personne que je peux aimer.
Je l'aime, elle est tout ce que je
peux désirer, exactement,
complétement !
Alice lache Ben, elle découvre ses seins en s'approchant de
lui, et lui dit, encore à moitié endormie:
ALICE
Quoi ?
BEN
Rien, chérie. Rendors toi.
(à la Caméra)
Regarde ailleurs.
La caméra se retourne. Pendant que Ben s'habille et qu'il
parle à la Caméra, celle-ci se met à explorer la chambre
d'Alice dans les moindres détails. Des ours en peluches, une
manette de wii, un cendrier avec 3 filtres, un dessin de
chatons fait à la main en poster, un ordi allumé sur la page
facebook de Ben.
19.
BEN
Ça m'angoisse. J'ai toujours été un
petit con... Ma mère vit un enfer à
cause de moi, et j'en avais rien à
faire. Mes amis - enfin, mes
quelques vrais amis, pas les gens
cools que j'ai choisi pour ma
réputation, les amis comme Jeremy ont toujours été là pour moi, alors
que moi... Et Alice. J'ai été
odieux avec elle, j'ai trop négligé
ma puce. Non ! Je veux lui crier
mon amour, rester dans le creux de
ses reins pour le reste de
l'éternité ! Je veux l'aimer, je
veux lui faire du bien. Ne plus
jamais faire que du bien... Mais je
suis dangereux pour ceux qui
m'entourent. Trop dangereux pour
elle. Faut que je me rachète
La Caméra est maintenant sur la chemise de Ben, qu'il
ramasse et enfile.
BEN
(à la Caméra)
Dis-moi, c'est vraiment possible
qu'une fille si bien, si belle, si
riche, peut aimer le salaud que je
suis ? Je ne peux que lui faire du
mal. C'est décidé je...
Ben se penche pour embrasser Alice, se relève, les yeux
rouges, et s'en va.
BEN
la quitte.
ALICE
(Dans son sommeil)
Tu me manqueras à mon rêveil.
EXT/JOUR DEVANT CHEZ ALICE
Une fois dehors, Ben sort son téléphone et fait tomber un
papier. Il le ramasse, voit le numéro de Sandrine, et le
compose. Pendant que ça sonne, il marche jusqu'à un banc.
Ben s'asseoit à un bout. La Caméra défile pour montrer
l'autre bout, qui est un canapé, au bout du quel se trouve
un téléphone filaire sur une petite table. Sandrine vient y
répondre.
SANDRINE
Allô ? Allô ? Allô !?
(s'impatiente)
Il y a quelqu'un ?
Elle s'apprète à raccrocher.
20.
BEN
Allô.
SANDRINE
Oui, qui est-ce ?
BEN
Allô madame... Moi c'est Ben, et si
je vous appelle, c'est...
Ben fait une pause. Quand il reprend, aucun son ne sort. Ben
continue de parler, calme. Sandrine est d'abord triste, au
bord des larmes, puis se met à s'énerver et crier sur Ben,
puis finit par tout accepter, et pardonner en allant prendre
Ben dans ses bras, à la limite entre le canapé et le banc.
BEN (VOIX OFF)
Je lui ai tout raconté, expliqué
combien j'étais désolé, et prêt à
payer pour mes actes. Elle m'a
expliqué que pour elle, je n'étais
pas responsable, que tout a dérapé.
Mais surtout que
SANDRINE
Il y a quand même un vrai salaud
dans cette histoire. Manon m'a
raconté le viol qu'elle a subi à
cette colo des sapins dont..
Ben se relève et s'éloigne, traversant la rue il rentre dans
un immeuble, tout en parlant au téléphone. Il monte au
premier et sonne, Jeremy vient ouvrir, à moitié nu.
JEREMY
Tiens, tu te souviens de moi
maintenant ?
Ben rentre, énervé, dans un salon cossu, Jeremy tire une
chaise pour s'assoir quand Ben lui lance un grand coup de
poing dans le ventre.
BEN
Espèce d'enculé... Elle avait été
violée !
JEREMY
Fait pas l'innocent, Ben, tu le
savais très bien...
Jeremy reprend son souffle, éclate de rire et s'approche de
Ben, l'air calme.
JEREMY
Du calme.
Jeremy attrape un vase et le fracasse sur la tête de Ben,
qui tombe à terre. La Caméra suit la vue de Ben. Il a la
tête qui tourne, donc l'image tremble et devient flou par
21.
moment, les sons prennent de l'écho et sont déformés, même
si compréhensible. Jeremy va chercher dans une cuisine à
l'américaine un couteau de boucher.
VOIX MASCULINE
C'est qu'une pute cette meuf bordel
de merde. Tu m'entends ? Une pute !
Le passé c'est le passé. Quoi qu'il
se soit passé on peut tirer une
croix dessus, on s'en fiche, on ne
va pas foutre en l'air nos vies à
cause d'une pute !
Jeremy est très proche de Ben, le couteau à la main. La
Caméra filme le reflet de Ben dans un miroir. Ben se cache
les yeux des mains, donc des mains viennent cacher
l'objectif de la Caméra. Un bruit de couteau se fait
entendre et du rouge apparait à l'écran, suivi d'un bruit de
chute.
BEN (VOIX OFF)
C'est ça la mort ? Ça ne fait pas
mal en fait. Ça fait rien.
Les mains s'éloignent, la Caméra filme le plafond, puis vers
Jeremy, couché près d'un couteau ensanglanté.
BEN
(énervé)
Jeremy !
(étonné)
Jeremy
(inquiet)
Jeremy...
Ben le prend dans ses bras, appelle les urgences sur son
portable.
BEN
5 rue Saint-merri, 1er étage,
police, pompier, vite.
Et il se met à pleurer et lache le téléphone. Ben ne bouge
pas. En accéléré Paul Garreaux, une autre policière, et des
pompiers arrivent, ils prennent le poux de Jeremy, ignorant
Ben. Puis les parents de Jeremy arrivent, voient leur fils,
s'effondre. Enfin deux pompiers portent Ben jusqu'à une
ambulance. Son seul mouvement est un oeil qui cligne à la
Caméra.
EXT/JOUR DEVANT UN HOPITAL
Ben sort d'un hôpital, soutenu par Paul, en civil. Il le
fait monter en voiture.
EXT/JOUR DEVANT UN TRIBUNAL
Paul aide Ben à sortir de la voiture et rentrer dans le
tribunal.
22.
INT/JOUR TRIBUNAL
Dans le même tribunal que dans le cauchemard, devant le même
juge, Ben se trouve sur le banc des accusés, à côté d'un
gendarme. Liam est debout devant les jurés. Durant tout le
monologue de Liam, la Caméra suit son regard.
LIAM
Oui, je sais, je mérite la prison,
j'ai tué - et même si c'était pour
protéger ma fille, ce n'était pas
la bonne personne, il était
innocent. Mais, il ne faudra
cependant jamais oublier que rien
ne serait arrivé sans
l'inconscience de ce taré
Il montre Ben du doigt, le regardant avec haine. Ben ne
réagit pas et soutient le regard.
LIAM
Cet imbécile et son pote, qui a eu
la décence de ce suicider, sont à
l'origine de cette boucherie - je
suis désolé, mais il n'y a pas
d'autre mots, ce sont des cons ces
assassins.
Liam détourne le regard vers sa femme et sa fille. Elles
regardent Ben, Manon avec peur, Sandrine avec compassion.
LIAM
Donc, je vous le dit, pour être
juste, foutez moi en taule, mais
foutez-y aussi cette vermine, est
encore plus longtemps que moi !
Parce que s'il sort avant, je le
tue !
Quand il a fini, un gendarme ramène Liam sur le banc des
accusés, loin de Ben.
BEN
(à la Caméra, neutre)
J'ai jamais subi autant de
violence. Mais c'est mérité. Et
surtout, c'est génial ! Il en fait
trop, tout le jury va prendre ma
défense.
Un gendarme accompagne Ben pour qu'il se défende.
BEN
Votre honneur.
Son avocat réagit, mais Ben l'interrompt.
23.
BEN
C'est un malentendu. Moi, j'ai
juste laissé un pote faire une
blague à une fille qui lui a mis un
rateau avec mon ordi. C'est tout.
J'étais...
Ben éclate en sanglot. Toute la salle est totalement muette.
BEN
Non. Je suis coupable, tout est de
ma faute. Je ne mérite pas votre
pardon.
(à la caméra)
Et donc on va me le donner.
(à son avocat)
Désolé maitre, je ne peux pas
répéter ce que vous m'avez dit de
dire, je n'y crois pas.
(à la caméra)
Alors qu'un jeune de 19 ans qui
éclate en sanglot, forcément ça
fait fondre l'assemblée.
Des bruits de pas se font entendre, Ben tourne la tête et
voit Alice rentrer.
BEN
(Voix off)
Merde, la voir entrer risquait de
tout gâcher ! Elle ne devait pas
voir ça.
Ben se met à pleurer, vraiment.
BEN
Si...
(voix off)
Je n'arrivais plus à parler, ma
gorge était sèche. J'avais honte,
Alice m'aidait à donner encore plus
de sincérité à mon discours.
(au jury, en pleur)
S'il vous plait, mettez moi en
prison, c'est le seul moyen pour
que j'expie ma culpabilité...
Ben retourne à sa place, évitant de regarder Alice. Le jury
va délibérer. En accéléré, des gens bougent, discutent entre
eux, rentrent où sortent de la salle, alors que Ben reste
parfaitement immobile, jusqu'à ce que l'huissier face une
annonce. Tous se lèvent, le juge et le jury rentrent.
JUGE
Ben Eszerthas. À l'accusation de
menace par voies télématiques,
l'accusé est déclaré coupable. À
l'accusation d'incitation à la
(MORE)
24.
JUGE (cont'd)
haine ayant entraîné la mort
d'autrui, l'accusé est déclaré non
coupable. Et en répression la cour
vous condamne à 4 ans de suivi
psychologique.
La mère de Ben semblait ravi, laisse éclater sa joie, puis
réalise que c'est indécent. Elle imite mal une quinte de
toux et sort de la salle.
BEN
Je suis vraiment un putain de
comédien ! Premier prix du jury: La
liberté.
JUGE
...En répression vous condamne à 22
ans de prisons, dont 6 avec sursis.
Liam, Sandrine et Manon sont effondrés, Manon éclate en
sanglot. Ben s'approche de la sortie, Alice vient le
rejoindre et la mère de Ben les laisse seuls.
BEN
Je ...
(voix off)
T'aime
(haute voix)
Voudrait que me lâche putain.
Qu'est-ce que tu fais chier ?
Alice se met à pleurer, à s'effondrer par terre. Des gens
passent et l'ignorent. Ben l'enjambe et sort du tribunal.
ALICE
Attend, ne m'abandonne pas ! Nous
irons ensemble chez la reine
Blanche !
Une fois dans le hall du batiment, il se remet à pleurer.
BEN (VOIX OFF)
Je l'aimais. J'ai fait ça parce que
je l'aimais. J'étais trop dangereux
pour elle. En la quittant avant
qu'il ne soit trop tard...
INT/JOUR BUREAU DE LA PSY
Ceci est la suite de la première scène. L'image part de
derrière la caméra sur pied, filmant Ben qui regarde une
montre de luxe à son poignet. Elle fait le tour de la pièce
jusqu'à se positionner derrière Ben, et montrer l'heure sur
un coucou: 12h57.
25.
BEN
... je n'étais qu'une amourette de
lycée, un ex de plus sur la liste
des souvenirs faciles à oublier.
C'était mieux comme ça.
KARINE
Qu'est-ce que tu as retenu de ces
quatre années ?
Ben montre du doigt un dessin d'enfant exposé dans cette
pièce.
BEN
De ne jamais poser de questions sur
l'auteur d'un dessin.
KARINE
Cette fille, Alice, tu l'aimes
vraiment ? Ou c'est encore un de
tes mensonges ?
Ben soupire et hausse les épaules.
BEN
Si vous me posez cette question,
c'est que vous n'avez rien
compris... J'ai donné des indices
pourtant.
KARINE
Et c'est pour ça que tu ne la voies
plus ? Pour ne pas la mettre en
danger ?
BEN
(lassé)
Écoutez, je vous ai raconté tout ce
qu'il fallait. Et vous avez assez
d'information pour deviner le
reste. Là, je me sens vidé, je n'ai
plus envie de parler. De toute
façon, la séance est presque finie.
La dernière séance.
KARINE
Non Ben, ça ne sera jamais fini. Tu
devras porter ça toute ta vie...
Le coucou sonne 13 heures pile.
KARINE
Tu sais, si je t'avais connu plus
tôt, j'aurais pu t'aider et
t'empêcher de commetre de tels
actes. Tant pis, mon travail sera
d'une autre nature. Mais
maintenant, nous savons tous les
(MORE)
26.
KARINE (cont'd)
deux qu'il faudra beaucoup d'autres
séances pour t'aider à trouver la
force de vivre avec ça. Je pense
que tu en as bes...
Durant ces dernières phrases, Ben s'est précipité vers le
bureau, a pris l'ouvre-lettre, et l'enfonce dans Karine.
Puis Ben va s'adresser à la caméra sur pied, qu'il prend à
la main, l'image de cette caméra est diffusé en
split-screen. Ben filme le coupe-papier
BEN
Et hop, dans la psy. Comme dans
Jeremy. Et comme moi dans Manon,
pénétrant tel Christophe Colomb
dans son territoir vierge. Oh,
Manon, tes petits seins si doux et
tes beaux yeux quand tu pleurais.
Je me souviendrait toute ma vie de
cet instant magique. Manon, toi qui
fut si simple à effrayer, même avec
un innocent mort, avec ton père en
prison. Tu avais prévu de tout leur
dire, hein ? Tu voulais me faire
tomber moi ? Heureusement, Jeremy
m'a aidé à te rappeler tes
intérêts. Et tu m'as aidé à me
débarasser du seul témoin gênant.
Merci Manon.
Ben pointe la caméra vers le jardin, il profite lui même du
paysage.
BEN
Je m'y attendai vraiment pas pour
le prof par contre. Un dommage
colatéral. Comme Karine la pauvre,
c'est atroce. Heureusement qu'on a
réussi à avoir son homme de ménage,
et à le faire condamner. Un
sans-papier en plus, qu'elle avait
engagée par bontée d'âme et qui
l'avait trahi ! Vous ne pouvez pas
imaginez à quel point ça a été
difficile pour moi de témoigner.
Ben tourne la caméra vers lui et la pose par dessus la vraie
Caméra.
BEN
Vous me direz, maintenant n'importe
qui sera au courant. Aucune
importance, si vous voyez ceci,
c'est que je suis mort. J'ai écrit
le scénario quelques mois après les
faits. Et mon producteur ne pourra
en faire un film qu'à titre
(MORE)
27.
BEN (cont'd)
posthume. J'espère que ces connards
n'auront rien censurés et fait un
bon casting. C'est mon histoire
bordel !
Ben retourne s'asseoir comme pour la consultation. Les
cadavre du professeur et de Jeremy sont posé à côté de celui
de Karine.
BEN
(à Karine)
Au fait, je ne regrette rien. Je
n'ai jamais rien ressenti pour
personne. Sauf pour Alice bien sûr.
Alice vient le rejoindre sur le canapé, et se met à parler
comme Ben.
BEN ET ALICE
Malheureusemnt oui, vous n'êtes que
le fruit de mon imagination.
BEN
Fallait bien que j'invente
quelqu'un qui me rende humain aux
yeux des autres. Alice, du pays des
merveilles. Mon imagination.
Maintenant, excusez moi.
(hurle)
Au secours ! Au...
Il se lève, va vers la baie vitrée, calmement.
BEN
...Secours, Karine vient d'être
agressééééeeeeee !!!
Et la Caméra s'éloigne dans le jardin, montrant toujours, de
plus en plus loin, Ben en train de hurler.