la preuve verre en main

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la preuve verre en main
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CLIMATS
D É G U S TAT I O N
LA PREUVE VERRE EN MAIN
Aussi importante soit-elle dans le cadre de la constitution d’un
dossier de demande de grand cru, l’histoire ne remplacera jamais
une bonne vieille dégustation à l’ancienne. Sur ce point, les vignerons nous ont gâtés en présentant plus de trente échantillons à
notre dégustation, de 2009 à 1970, avec des grands, des moyens,
des petits millésimes, des producteurs aux styles différents et un
climat qui impose toujours sa marque constituée de richesse,
de force et de raffinement. Alors, grand cru Les Saint-Georges ?
Sans l’ombre d’un doute !
Du caractère
Si l’on accepte de considérer qu’un
vin a du caractère, alors le SaintGeorges n’en manque pas. Mérite-til pour autant d’être classé grand
cru ? Nous pensons que oui et pour
plusieurs raisons. La première tient à
son potentiel de garde. Inutile de
simplement songer être grand cru,
si l’on n’est pas capable de produire
des vins qui vieillissent avec bonheur
et harmonie. Cette dégustation après
beaucoup d’autres, démontre qu’en
la matière les Saint-Georges ne manquent pas de répondant. La seconde
tient au style du vin. On dit souvent
d’un grand cru qu’il a tout -richesse,
équilibre, finesse, longueur en bouchesans qu’un élément ne domine vraiment sur les autres. Le Saint-Georges
fait partie de la famille des climats ou
“structurants”, consistants, comme
le Bonnes-Mares, le Chambertin, le
Richebourg… et pour autant, cette
richesse naturelle s’exprime toujours
avec beaucoup de droiture, de réserve
et de délicatesse quand le temps a fait
son office. La marque des plus grands !
60
2009
2007 et 2004
Sur ce millésime très ensoleillé, souvent marqué dans les
vins par une forme de souplesse, le premier constat à faire
est qu’aucun vin n’est apparu déséquilibré. La richesse est
très présente, avec des nuances dans son intensité, mais
tous les vins gardent une très belle harmonie. On sait que
les parcelles de chez Dufouleur Frères, Remoriquet et Faiveley se trouvent dans l’extrémité sud et basse (est) du climat, en dessous de la faille, avec une terre un peu plus
argileuse et épaisse qu’en haut. Ces trois vins ont présenté
un style un peu plus suave, plus enrobé, que les trois
autres, avec toutefois une belle élégance et sans lourdeur.
Le côté solaire du millésime s’exprime finalement assez
peu, tant en bouche qu’au nez où les arômes sont flatteurs, généreux, tout en restant globalement d’une grande
précision. À noter que la cuvée Sires de Vergy des Hospices
provient essentiellement des vignes de quarante ans de la
partie nord, alors que la cuvée Georges Faiveley est plutôt
issue des très vieilles vignes de la partie sud-haute.
Ces deux vins sont passionnants car dans des millésimes très
“moyens”, ils révèlent une structure tannique d’une densité
inattendue. Les 2007 sont souvent charmeurs, gourmands,
souples, mais aussi très légers ; les 2004 ont manqué de maturité et tendent sur des notes végétales parfois très désagréables. Rien de tel ici, où l’on a de la tenue, de la chair, une
“ossature” tannique digne de ce nom et à l’aération, le 2004
évolue même à l’aération vers de séduisantes notes de tabac ;
il faut bien sûr voir dans tout cela la “patte” du Domaine
Gouges que l’on ne présente plus, mais aussi la “force” du lieu.
Vins présentés : Domaine Chevillon-Chezeaux, Maison Dufouleur Frères, Domaine Faiveley, Hospices de Nuits cuvée Sires de
Vergy, Domaine Thibault Liger-Belair, Domaine Remoriquet.
2006
En 2006, les raisins étaient comme en 2009 bien mûrs,
mais la comparaison s’arrête là. Le millésime présente des
acidités plus élevées et des tanins plus “denses”. Les nuances
sont donc plus marquées entre vignerons qu’en 2009
- de la force, mais aussi beaucoup de délicatesse chez
Chevillon-Chezeaux, l’élégance chez Faiveley, un style
charnu, soyeux aux Hospices, un grain suave, gourmand,
des tanins “sucrés” et fins chez Liger-Belair, des arômes
puissants, purs de fruits noirs et une bouche compacte,
droite et suave chez Gouges, un côté dense, sérieux et
soyeux à la fois chez Robert Chevillon… On trouve néanmoins toujours dans cette belle série la structure tannique
de base solide, consistante des Saint-Georges qui s’organise en 2006 avec un fruité gourmand, charnu, agréable
servi par une très belle fraîcheur.
Vins présentés : Domaine Robert Chevillon, Domaine ChevillonChezeaux, Maison Dufouleur Frères, Domaine Faiveley,
Domaine Henri Gouges, Hospices de Nuits cuvée Sires de
Vergy, Domaine Thibault Liger-Belair, Domaine Remoriquet.
BOURGOGNE AUJOURD’HUI - N°109
Vin présenté : Domaine Henri Gouges.
2005
Les grands climats placés entre de bonnes mains et plantés
de belles vignes, cela va sans dire, ont cette particularité
d’apporter la matière dans les millésimes qui en manquent,
comme 2007 ou 2004 et à l’inverse, d’équilibrer les choses
dans les années de très grande richesse, comme 2005.
Ce Saint-Georges est un “monument” appelé à vieillir centenaire (qui sait…), au fruit d’une maturité parfaite, à la
structure monumentale de densité, de profondeur, avec
pourtant un équilibre parfait et aucune impression d’excès
d’aucune sorte. Un grand cru tout simplement !
Vin présenté : Domaine Henri Gouges.
2002
Nez parfumé, d’une grande complexité, mûr et délicat.
Le vin est très long, plein, concentré, charnu et droit à la fois.
Nous recommandons à ceux qui ont eu la chance de se porter acquéreur de quelques bouteilles de cette magistrale
cuvée de ne pas se précipiter…
Vin présenté : Hospices de Nuits cuvée Georges Faiveley.
2001
Les vins s’expriment dans deux styles très différents : arômes
de prune, de fleurs fanées, bouche consistante, tendre,
charnue chez Chicocot, structure tout aussi imposante mais
avec plus de sérieux, un style plus classique chez Faiveley.
Dans les deux cas, le vin est encore tout jeune et promis à
une belle évolution.
Vins présentés : Domaine Georges Chicotot, Hospices de Nuits
cuvée Georges Faiveley.
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Domaines et maisons exploitants des parcelles dans les Saint-Georges
et âge moyen des vignes
(m)
Altitude
67
71
270
69
72
74
260
75
131
66
70
132
68
Âge moyen des vignes
80 ans et +
79
250
70 à 80 ans
60 à 70 ans
78
77
76
50 à 60 ans
30 à 40 ans
Absence d'information
N
Parcelle 66
Parcelle 67
Parcelle 68
Parcelle 69
Parcelle 70
Parcelles 71 et 79
Parcelles 72 et 132
Parcelle 131
Parcelle 74
Parcelle 75
Parcelle 76
Parcelle 77
Parcelle 78
Edouard Zibetti (Chambolle-Musigny)
Robert Chevillon (Nuits-Saint-Georges)
Forey Père et Fils (Vosne-Romanée)
Alain Michelot (Nuits-Saint-Georges)
Vincent Sauvestre (Meursault)
Hospices de Nuits-Saint-Georges
Thibault Liger-Belair (Nuits-Saint-Georges)
Georges Chicotot (Nuits-Saint-Georges)
Chevillon-Chezeaux (Nuits-Saint-Georges)
Henri Gouges (Nuits-Saint-Georges)
domaine Faiveley (Nuits-Saint-Georges)
maison Dufouleur Frères (Nuits-Saint-Georges)
Henri et Gilles Remoriquet (Nuits-Saint-Georges)
53,85 ares.
61,63 ares.
18,77 ares.
19,33 ares.
62,07 ares.
95,92 ares.
2 hectares 03 ares 52 centiares.
22,17 ares.
44,86 ares.
1 hectare 08 ares 94 centiares.
23,46 ares.
15,76 ares.
18,76 ares.
2000
1994
Douze ans déjà et encore très peu de rides. 2000 est un
millésime souvent à son apogée aujourd’hui avec des vins
rouges charmeurs, aériens, gourmands, issus de raisins
bien mûrs mais aux peaux fines. Le style est bien là dans
les trois vins, charmeur, expressif, mais le terroir amène à
l’évidence une densité tannique bien présente dans les trois
vins et un côté dynamique, frais, presque encore sérieux,
“strict” commente même un dégustateur pour le vin du
Domaine Faiveley.
Le 2004 évoluera-t-il comme le 1994 ? Dans des contextes
différents, ces deux années font partie des plus faibles en
Bourgogne depuis vingt ans en vins rouges et pourtant il
semble que là aussi le duo producteur-Saint-Georges ait
fait des merveilles. Ce 1994 est charnu, patiné, d’une
structure moyenne, mais d’une gourmandise étonnante,
sans la moindre sensation de dilution, avec beaucoup de
finesse et des tanins sucrés très agréables en finale.
Vins présentés : Domaine Henri Gouges.
Vins présentés : Domaine Chevillon-Chezeaux, Domaine
Faiveley, Domaine Remoriquet.
1990
1999
1999 exprime ici tout son potentiel de très grand millésime de garde. Alors que beaucoup trop de 2009 ont vieilli
prématurément par excès de rendement, ce Saint-Georges
exprime au contraire une grande force, une richesse imposante, charnue, dense, sans la moindre brutalité ni vulgarité ; le tanin est peut-être un peu plus ferme dans le vin
des Hospices, mais il conserve comme les autres une
grande complexité et beaucoup de race, de profondeur.
Vins présentés : Robert Chevillon, Domaine Faiveley, Hospices
de Nuits cuvée Sires de Vergy.
Robe intense, à peine évoluée dans un millésime il est vrai
de grande réputation. Les arômes sont magnifiques,
profonds, vivants, sur des notes chaleureuses de réglisse,
de zan, de fruits noirs confiturés, d’épices… Malgré le
côté solaire de l’année, le vin garde beaucoup de tonus,
de précision, d’élégance, presque encore de retenue,
de sérieux même, au service d’une matière évidemment
d’une très grande densité.
Vins présentés : Domaine Faiveley.
1970
Robe intense, sombre. Arômes puissants et racés de
réglisse, torréfaction, cacao… En bouche, le vin est bien
dans l’esprit de son climat : riche, plein, avec une acidité
(la marque de fabrique du millésime) présente, bien enrobée par le fruit, le tout avec encore beaucoup de jeunesse
et très peu d’évolution.
Michel et Marcel Gouges conduisaient alors le domaine
familial dans ce millésime à l’été assez agréable, mais à la
production abondante. “Les vignerons les plus rigoureux
[…] réussirent des vins agréables, tout en finesse, à la texture soyeuse et au fruit exquis”, explique Jacky Rigaux
dans son livre Millésimes en Bourgogne, 1846-2009. C’est
tout le portrait de ce Saint-Georges 1970 à la robe légère,
aux arômes complexes de sous-bois, de feuilles mortes mêlés
à des notes d’écorce d’orange, de tabac blond. En bouche,
le vin caresse le palais avec délicatesse et un côté très aérien.
La race d’un grand climat viticole de Bourgogne !
Vins présentés : Hospices de Nuits cuvée Georges Faiveley.
Vins présentés : Domaine Henri Gouges.
1996
BOURGOGNE AUJOURD’HUI - N°109
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