la preuve verre en main
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la preuve verre en main
p54-61_StgeorgArt_p30-33_Appellation phare 22/11/12 10:36 Page60 CLIMATS D É G U S TAT I O N LA PREUVE VERRE EN MAIN Aussi importante soit-elle dans le cadre de la constitution d’un dossier de demande de grand cru, l’histoire ne remplacera jamais une bonne vieille dégustation à l’ancienne. Sur ce point, les vignerons nous ont gâtés en présentant plus de trente échantillons à notre dégustation, de 2009 à 1970, avec des grands, des moyens, des petits millésimes, des producteurs aux styles différents et un climat qui impose toujours sa marque constituée de richesse, de force et de raffinement. Alors, grand cru Les Saint-Georges ? Sans l’ombre d’un doute ! Du caractère Si l’on accepte de considérer qu’un vin a du caractère, alors le SaintGeorges n’en manque pas. Mérite-til pour autant d’être classé grand cru ? Nous pensons que oui et pour plusieurs raisons. La première tient à son potentiel de garde. Inutile de simplement songer être grand cru, si l’on n’est pas capable de produire des vins qui vieillissent avec bonheur et harmonie. Cette dégustation après beaucoup d’autres, démontre qu’en la matière les Saint-Georges ne manquent pas de répondant. La seconde tient au style du vin. On dit souvent d’un grand cru qu’il a tout -richesse, équilibre, finesse, longueur en bouchesans qu’un élément ne domine vraiment sur les autres. Le Saint-Georges fait partie de la famille des climats ou “structurants”, consistants, comme le Bonnes-Mares, le Chambertin, le Richebourg… et pour autant, cette richesse naturelle s’exprime toujours avec beaucoup de droiture, de réserve et de délicatesse quand le temps a fait son office. La marque des plus grands ! 60 2009 2007 et 2004 Sur ce millésime très ensoleillé, souvent marqué dans les vins par une forme de souplesse, le premier constat à faire est qu’aucun vin n’est apparu déséquilibré. La richesse est très présente, avec des nuances dans son intensité, mais tous les vins gardent une très belle harmonie. On sait que les parcelles de chez Dufouleur Frères, Remoriquet et Faiveley se trouvent dans l’extrémité sud et basse (est) du climat, en dessous de la faille, avec une terre un peu plus argileuse et épaisse qu’en haut. Ces trois vins ont présenté un style un peu plus suave, plus enrobé, que les trois autres, avec toutefois une belle élégance et sans lourdeur. Le côté solaire du millésime s’exprime finalement assez peu, tant en bouche qu’au nez où les arômes sont flatteurs, généreux, tout en restant globalement d’une grande précision. À noter que la cuvée Sires de Vergy des Hospices provient essentiellement des vignes de quarante ans de la partie nord, alors que la cuvée Georges Faiveley est plutôt issue des très vieilles vignes de la partie sud-haute. Ces deux vins sont passionnants car dans des millésimes très “moyens”, ils révèlent une structure tannique d’une densité inattendue. Les 2007 sont souvent charmeurs, gourmands, souples, mais aussi très légers ; les 2004 ont manqué de maturité et tendent sur des notes végétales parfois très désagréables. Rien de tel ici, où l’on a de la tenue, de la chair, une “ossature” tannique digne de ce nom et à l’aération, le 2004 évolue même à l’aération vers de séduisantes notes de tabac ; il faut bien sûr voir dans tout cela la “patte” du Domaine Gouges que l’on ne présente plus, mais aussi la “force” du lieu. Vins présentés : Domaine Chevillon-Chezeaux, Maison Dufouleur Frères, Domaine Faiveley, Hospices de Nuits cuvée Sires de Vergy, Domaine Thibault Liger-Belair, Domaine Remoriquet. 2006 En 2006, les raisins étaient comme en 2009 bien mûrs, mais la comparaison s’arrête là. Le millésime présente des acidités plus élevées et des tanins plus “denses”. Les nuances sont donc plus marquées entre vignerons qu’en 2009 - de la force, mais aussi beaucoup de délicatesse chez Chevillon-Chezeaux, l’élégance chez Faiveley, un style charnu, soyeux aux Hospices, un grain suave, gourmand, des tanins “sucrés” et fins chez Liger-Belair, des arômes puissants, purs de fruits noirs et une bouche compacte, droite et suave chez Gouges, un côté dense, sérieux et soyeux à la fois chez Robert Chevillon… On trouve néanmoins toujours dans cette belle série la structure tannique de base solide, consistante des Saint-Georges qui s’organise en 2006 avec un fruité gourmand, charnu, agréable servi par une très belle fraîcheur. Vins présentés : Domaine Robert Chevillon, Domaine ChevillonChezeaux, Maison Dufouleur Frères, Domaine Faiveley, Domaine Henri Gouges, Hospices de Nuits cuvée Sires de Vergy, Domaine Thibault Liger-Belair, Domaine Remoriquet. BOURGOGNE AUJOURD’HUI - N°109 Vin présenté : Domaine Henri Gouges. 2005 Les grands climats placés entre de bonnes mains et plantés de belles vignes, cela va sans dire, ont cette particularité d’apporter la matière dans les millésimes qui en manquent, comme 2007 ou 2004 et à l’inverse, d’équilibrer les choses dans les années de très grande richesse, comme 2005. Ce Saint-Georges est un “monument” appelé à vieillir centenaire (qui sait…), au fruit d’une maturité parfaite, à la structure monumentale de densité, de profondeur, avec pourtant un équilibre parfait et aucune impression d’excès d’aucune sorte. Un grand cru tout simplement ! Vin présenté : Domaine Henri Gouges. 2002 Nez parfumé, d’une grande complexité, mûr et délicat. Le vin est très long, plein, concentré, charnu et droit à la fois. Nous recommandons à ceux qui ont eu la chance de se porter acquéreur de quelques bouteilles de cette magistrale cuvée de ne pas se précipiter… Vin présenté : Hospices de Nuits cuvée Georges Faiveley. 2001 Les vins s’expriment dans deux styles très différents : arômes de prune, de fleurs fanées, bouche consistante, tendre, charnue chez Chicocot, structure tout aussi imposante mais avec plus de sérieux, un style plus classique chez Faiveley. Dans les deux cas, le vin est encore tout jeune et promis à une belle évolution. Vins présentés : Domaine Georges Chicotot, Hospices de Nuits cuvée Georges Faiveley. p54-61_StgeorgArt_p30-33_Appellation phare 22/11/12 10:36 Page61 Domaines et maisons exploitants des parcelles dans les Saint-Georges et âge moyen des vignes (m) Altitude 67 71 270 69 72 74 260 75 131 66 70 132 68 Âge moyen des vignes 80 ans et + 79 250 70 à 80 ans 60 à 70 ans 78 77 76 50 à 60 ans 30 à 40 ans Absence d'information N Parcelle 66 Parcelle 67 Parcelle 68 Parcelle 69 Parcelle 70 Parcelles 71 et 79 Parcelles 72 et 132 Parcelle 131 Parcelle 74 Parcelle 75 Parcelle 76 Parcelle 77 Parcelle 78 Edouard Zibetti (Chambolle-Musigny) Robert Chevillon (Nuits-Saint-Georges) Forey Père et Fils (Vosne-Romanée) Alain Michelot (Nuits-Saint-Georges) Vincent Sauvestre (Meursault) Hospices de Nuits-Saint-Georges Thibault Liger-Belair (Nuits-Saint-Georges) Georges Chicotot (Nuits-Saint-Georges) Chevillon-Chezeaux (Nuits-Saint-Georges) Henri Gouges (Nuits-Saint-Georges) domaine Faiveley (Nuits-Saint-Georges) maison Dufouleur Frères (Nuits-Saint-Georges) Henri et Gilles Remoriquet (Nuits-Saint-Georges) 53,85 ares. 61,63 ares. 18,77 ares. 19,33 ares. 62,07 ares. 95,92 ares. 2 hectares 03 ares 52 centiares. 22,17 ares. 44,86 ares. 1 hectare 08 ares 94 centiares. 23,46 ares. 15,76 ares. 18,76 ares. 2000 1994 Douze ans déjà et encore très peu de rides. 2000 est un millésime souvent à son apogée aujourd’hui avec des vins rouges charmeurs, aériens, gourmands, issus de raisins bien mûrs mais aux peaux fines. Le style est bien là dans les trois vins, charmeur, expressif, mais le terroir amène à l’évidence une densité tannique bien présente dans les trois vins et un côté dynamique, frais, presque encore sérieux, “strict” commente même un dégustateur pour le vin du Domaine Faiveley. Le 2004 évoluera-t-il comme le 1994 ? Dans des contextes différents, ces deux années font partie des plus faibles en Bourgogne depuis vingt ans en vins rouges et pourtant il semble que là aussi le duo producteur-Saint-Georges ait fait des merveilles. Ce 1994 est charnu, patiné, d’une structure moyenne, mais d’une gourmandise étonnante, sans la moindre sensation de dilution, avec beaucoup de finesse et des tanins sucrés très agréables en finale. Vins présentés : Domaine Henri Gouges. Vins présentés : Domaine Chevillon-Chezeaux, Domaine Faiveley, Domaine Remoriquet. 1990 1999 1999 exprime ici tout son potentiel de très grand millésime de garde. Alors que beaucoup trop de 2009 ont vieilli prématurément par excès de rendement, ce Saint-Georges exprime au contraire une grande force, une richesse imposante, charnue, dense, sans la moindre brutalité ni vulgarité ; le tanin est peut-être un peu plus ferme dans le vin des Hospices, mais il conserve comme les autres une grande complexité et beaucoup de race, de profondeur. Vins présentés : Robert Chevillon, Domaine Faiveley, Hospices de Nuits cuvée Sires de Vergy. Robe intense, à peine évoluée dans un millésime il est vrai de grande réputation. Les arômes sont magnifiques, profonds, vivants, sur des notes chaleureuses de réglisse, de zan, de fruits noirs confiturés, d’épices… Malgré le côté solaire de l’année, le vin garde beaucoup de tonus, de précision, d’élégance, presque encore de retenue, de sérieux même, au service d’une matière évidemment d’une très grande densité. Vins présentés : Domaine Faiveley. 1970 Robe intense, sombre. Arômes puissants et racés de réglisse, torréfaction, cacao… En bouche, le vin est bien dans l’esprit de son climat : riche, plein, avec une acidité (la marque de fabrique du millésime) présente, bien enrobée par le fruit, le tout avec encore beaucoup de jeunesse et très peu d’évolution. Michel et Marcel Gouges conduisaient alors le domaine familial dans ce millésime à l’été assez agréable, mais à la production abondante. “Les vignerons les plus rigoureux […] réussirent des vins agréables, tout en finesse, à la texture soyeuse et au fruit exquis”, explique Jacky Rigaux dans son livre Millésimes en Bourgogne, 1846-2009. C’est tout le portrait de ce Saint-Georges 1970 à la robe légère, aux arômes complexes de sous-bois, de feuilles mortes mêlés à des notes d’écorce d’orange, de tabac blond. En bouche, le vin caresse le palais avec délicatesse et un côté très aérien. La race d’un grand climat viticole de Bourgogne ! Vins présentés : Hospices de Nuits cuvée Georges Faiveley. Vins présentés : Domaine Henri Gouges. 1996 BOURGOGNE AUJOURD’HUI - N°109 61