Cours de Projet de Développement - Notes de cours

Transcription

Cours de Projet de Développement - Notes de cours
ENSEIGNEMENT DE PROMOTION SOCIALE
——————————————————————
Cours de
PROJET DE DEVELOPPEMENT
- Eléments d'Analyse Transactionnelle ——————————————————————
Extraît intégralement du site de
Jérôme Fargette
www.analysetransactionnelle.fr
Février 2012
Eléments d'Analyse Transactionnelle
Sommaire
Sommaire
REMERCIEMENTS
1.
AVANT PROPOS
Pourquoi ce cours d'Analyse Transactionnelle
2.
INTRODUCTION
2.1. C’est quoi l’AT ??
2.1.1.
2.1.2.
2.1.3.
Une théorie de la communication
Une théorie du développement
Une théorie de la structure et de la dynamique des groupes et des organisations
2.2. L’AT, pour quoi faire ?
2.2.1.
2.2.2.
2.2.3.
2.2.4.
Champ Conseil (C)
Champ Éducation (E)
Champ Organisation (O)
Champ Psychothérapie (P)
2.3. Les grands concepts
3.
POSITION DU PROBLEME
3.1. Les besoins de base
3.2. Quels sont nos besoins de base ?
3.3. À noter
3.4. Pour aller plus loin
4.
LES SIGNES DE RECONNAISSANCE
4.1. Illustration
4.2. Alors, qu’est-ce qu’un signe de reconnaissance ?
4.3. Quels sont les différents types de signes de reconnaissance ?
4.4. Comment utiliser ce concept ?
4.5. À noter
4.6. Pour aller plus loin
5.
LES ÉTATS DU MOI
5.1. Le modèle structural des États du moi
5.2. Le modèle fonctionnel des États du moi
5.3. Quels sont les liens entre les deux modèles ?
5.4. À noter
5.5. Pour aller plus loin
S.1
Eléments d'Analyse Transactionnelle
6.
Sommaire
LES TRANSACTIONS
6.1. Quels sont les différents types de transactions?
6.1.1.
6.1.2.
6.1.3.
Les transactions simples complémentaires
Les transactions simples croisées
Les transactions cachées ou à double-fond
6.2. Quelles sont les trois règles de la communication ?
6.3. À noter
6.4. Pour aller plus loin
7.
LA STRUCTURATION DU TEMPS
7.1. Comment structurons-nous notre temps avec l’autre ?
7.1.1.
7.1.2.
7.1.3.
7.1.4.
7.1.5.
7.1.6.
Le retrait
Le rituel
Le passe-temps
L’activité
Les jeux
L’intimité
7.2. À noter
7.3. Pour aller plus loin
8.
LES JEUX PSYCHOLOGIQUES
8.1. Qu’est-ce qu’un jeu psychologique ?
8.2. Pourquoi a-t-il appelé cela un jeu ?
8.3. Comment joue-t-on ?
8.4. Pourquoi joue-t-on ?
8.5. À noter :
8.6. Pour aller plus loin :
9.
LES POSITIONS DE VIE
9.1. C’est quoi une position de vie ?
9.2. Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?
9.2.1.
9.2.2.
9.2.3.
9.2.4.
La position +/+
La position –/+
La position +/–
La position –/–
9.3. À noter
9.4. Pour aller plus loin
10. LES MECONNAISSANCES
10.1. Qu’est-ce qu’une méconnaissance ?
10.2. Pourquoi fait-on des méconnaissances ?
10.3. Comment ce concept peut-il aider à la résolution d’un problème ?
S.2
Eléments d'Analyse Transactionnelle
10.3.1.
10.3.2.
10.3.3.
10.3.4.
Sommaire
Existence du problème
Signification du problème
Possibilités de changement
Capacité personnelle à amener le changement
10.4. À noter
11. LA PASSIVITE
11.1. Qu’est-ce que la passivité ?
11.2. À noter
11.3. Pour aller plus loin
12. LA SYMBIOSE
12.1. Qu’est-ce que la symbiose ?
12.2. Comment repérer une relation symbiotique ?
12.3. À noter :
13. LE SCENARIO
13.1. La philosophie du scénario en AT
13.2. Le matériel de scénario
13.2.1.
13.2.2.
13.2.3.
13.2.4.
Les injonctions et les permissions
Le programme
Les contre-injonctions
La décision scénarique
13.3. À noter :
14. L’AUTONOMIE
14.1. Quels sont les critères de l’autonomie ?
14.1.1. Avoir une conscience claire
14.1.2. Etre spontané
14.1.3. Etre capable d’intimité
14.2. À noter :
15. ANNEXES
15.1. Eric Berne
16. SOURCES
S.3
Eléments d'Analyse Transactionnelle
Remerciements
Remerciements
Je tiens à remercier M. Jérôme Fargette, membre co-fondateur de Semlate,
association nationale d’analyse transactionnelle de m'avoir aimablement autorisé à
utiliser le contenu de son excellent site www.analysetransactionnelle.fr dans le cadre
de ce cours de Projet de Développement.
Le présent document en reprend intégralement
transactionnelle ?" et "Les grands concepts".
les
parties
"L'analyse
H. Schyns
H. Schyns
R.1
Eléments d'Analyse Transactionnelle
1.
1 - Avant propos
Avant propos
Pourquoi ce cours d'Analyse Transactionnelle
Dans le cadre du cours "Projet de Développement", qui consiste en un projet
informatique à développer en équipe, la principale difficulté rencontrée par les
étudiants n'est pas d'ordre technique mais bien organisationnel et surtout relationnel.
Lorsque j'étais jeune ingénieur fraîchement débarqué de l'Université, j'avais moimême immédiatement été confronté à ce type de problèmes.
Ainsi que le dit Jérôme Fargette :
"Dans le domaine professionnel, on sait depuis quelque temps déjà que l’exercice
d’un métier n’est pas seulement la mise en œuvre d’un savoir-faire technique mais
implique également une compétence relationnelle ; on commence seulement
aujourd’hui à le prendre en compte.."
Assez curieusement, malgré ce constat, aucun cours dispensé dans la formation de
bachelier en informatique n'enseigne ces compétences relationnelles, ne serait-ce
que sous la forme de rudiments. Pourtant plusieurs cadres théoriques sont bien
établis. Parmi ceux-ci, l'analyse transactionnelle (A.T.) occupe une place de choix.
J'ai eu la chance de découvrir l'analyse transactionnelle lors de stages proposés par
la société qui m'employait. J'ai enrichi cette base par de nombreuses lectures
personnelles et depuis lors, elle m'a toujours été d'une grande aide.
Certains psychologues que j'ai rencontrés décrivent l'A.T. de manière un peu
méprisante comme "de la psychologie à l'emporte-pièce". C'est peut-être vrai, peutêtre pas ; n'étant pas psychologue, je ne peux me prononcer. Ce que je constate,
c'est que tout apprentissage, qu'il s'agisse des règles de grammaire, des bases de la
chimie ou de l'informatique, commence par définir des concepts et des règles
simples avec lesquelles il est possible de commencer à travailler efficacement.
L'application du fameux 20/80 de Pareto : avec 20% des connaissances, je peux
déjà effectuer 80% du travail. Plus tard, lorsque l'occasion le nécessitera, il
m'appartiendra d'analyser les exceptions et d'étudier les raffinements.
Un dernier point à ne pas perdre de vue : ce cours ne parle pas des autres ; il parle
de moi ! J'entends par là qu'avant de scruter les autres à la recherche de tel ou tel
comportement ou mécanisme, il importe que le lecteur se scrute lui-même et se
pose des questions sur ses propres comportements et mécanismes.
H. Schyns
H. Schyns
1.1
Eléments d'Analyse Transactionnelle
2.
2 - Introduction
Introduction
2.1.
C’est quoi l’AT ??
“Ce qui se passe dans l’intervalle, entre bonjour et au revoir, relève d’une théorie
spécifique de la personnalité et de la dynamique de groupe, qui est aussi une
méthode thérapeutique, connue sous le nom d’analyse transactionnelle”. (1)
L’analyse transactionnelle est une théorie élaborée dans les années 1950 par Eric
Berne. Depuis plus de 50 ans, elle n’a cessé d’être validée, complétée et enrichie
par de grands professionnels de nombreux pays (notamment Amérique du Nord,
Grande-Bretagne, Italie, Belgique et France). Bien qu’elle ait été créée par un
médecin psychiatre qui souhaitait mettre en place une nouvelle approche
psychothérapeutique, il est rapidement apparu que son champ d’application n’était
pas réductible au champ de la psychothérapie. Sa pertinence, son originalité, son
accessibilité en font aujourd’hui l’une des théories les plus appréciées et appliquées
dans l’ensemble des métiers de la relation d’aide. Elle peut être utilement couplée à
d’autres approches comme la systémique de l’Ecole de Palo Alto, la Process Com
ou la Gestalt.
L’analyse transactionnelle a été pensée sur la base des principes suivants, auxquels
elle s’attache à rester fidèle au fil de son évolution :
-
elle adhère au courant humaniste qui postule la nature fondamentalement
positive de l’être humain, sa capacité à faire des choix et à les assumer,
à ce titre, attachée à la vulgarisation des savoirs, elle utilise un langage simple et
accessible,
le cadre de sa pratique est contractuel, c’est-à-dire que le lien entre
l’accompagnant et l’accompagné est basé sur la libre négociation et acceptation
d’un contrat préalable, clair et exhaustif qui responsabilise chacun quant au
travail à mener et aux objectifs à atteindre.
L’analyse transactionnelle est une théorie à plusieurs niveaux :
2.1.1. Une théorie de la communication
“Entre bonjour et au revoir”… Nous passons beaucoup de notre temps en interaction
avec les autres ; tout ce temps est communication, qu’il s’agisse de messages
verbaux ou non verbaux. Ainsi, pour donner, demander, refuser ou accepter
“quelque chose“, nous devons entrer en contact les uns avec les autres. Comment
se passe la relation ? Est-elle agréable ou non, efficace ou improductive ? Suis-je
entendu ou non ou mal ? Semble-t-il y avoir un message caché derrière un message
apparent ? Dans quelles mesures la réaction de mon interlocuteur dépend-elle de
ma façon de m’adresser à lui ?
En étant attentif aux mots prononcés, à la manière dont ils sont dits (le ton, le
volume de la voix), aux postures corporelles et au cadre dans lequel la relation
s’insère, l’analyse transactionnelle a vocation à aider à la compréhension - et, si
besoin, à l’amélioration - de la communication entre deux ou plusieurs personnes.
(Voir les concepts : besoins de base, signes de reconnaissance, États du moi,
transactions, structuration du temps, jeux, positions de vie, passivité)
1 Eric Berne - Que dites-vous après avoir dit Bonjour ?
J. Fargette
2.1
Eléments d'Analyse Transactionnelle
2 - Introduction
2.1.2. Une théorie du développement
L’une des grandes forces de l’analyse transactionnelle est de proposer, à côté d’une
théorie de la communication interpersonnelle, une théorie de ce que l’on appelle
l’intrapsychique. Le postulat est le suivant : ce que j’exprime à l’extérieur de moi
trouve une origine à l’intérieur de moi.
Ainsi, si l’aspect communication de la théorie tend à répondre à la question : que se
dit-il ? - cette partie s’intéresse à : pourquoi est-ce dit ? Et pourquoi de cette façon ?
Il s’agit ici d’une élaboration complète de la structure de la personnalité, originale et
indépendante d’autres théories. Cette élaboration présente une théorie sur la façon
dont l’enfant se construit, se développe, face au monde qui l’entoure en prenant des
décisions adéquates. Elle affirme également que certaines de ces décisions,
maintenues en l’état à l’âge adulte, peuvent être cause de souffrances.
(Voir les concepts : besoins de base, signes de reconnaissance, États du moi,
scénario, jeux, symbiose, positions de vie, méconnaissances, passivité, autonomie)
2.1.3. Une théorie de la structure et de la dynamique des groupes
et des organisations
Comprendre la personne, la relation… mais également les groupes. Eric Berne a
réfléchi à la manière dont les individus s’organisent ensemble, comment ils vivent en
groupe pour atteindre un résultat. Eric Berne propose une grille de lecture qui
permet d’analyser la structure d’une organisation, son fonctionnement, sa
dynamique. Cette application de l’analyse transactionnelle est particulièrement
efficace pour l’intervention en entreprise (consultants, formateurs, coachs).
(Voir les concepts : besoins de base, signes de reconnaissance, États du moi,
transactions, jeux, théorie organisationnelle de Berne - à venir sur ce site)
2.2.
L’AT, pour quoi faire ?
L’AT a vocation à s’appliquer à tout ce qui concerne de près ou de loin la relation à
soi et/ou à l’autre.
Dans le domaine professionnel, on sait depuis quelque temps déjà que l’exercice
d’un métier n’est pas seulement la mise en œuvre d’un savoir-faire technique mais
implique également une compétence relationnelle ; on commence seulement
aujourd’hui à le prendre en compte. Tout comme dans le domaine personnel : mieux
se connaître, savoir choisir son environnement relationnel, apprendre à poser et
penser une situation difficile, sont des atouts précieux.
Dans le cadre professionnel, un professeur peut ainsi dispenser son cours que les
élèves écoutent ou non, un infirmier ou un médecin considérer son patient comme
une “chose à réparer” et le traiter comme tel, un surveillant de prison se contenter
d’ouvrir et de fermer la cellule, un industriel de produire des voitures dans des
conditions telles que ses salariés se suicident… Ou bien, le professeur peut se
souvenir que l’objectif n’est pas de débiter son texte mais qu’il soit enseigné, le
soignant considérer son patient - ou la personne âgée - comme une personne qui
peut avoir peur et a besoin d’informations, le surveillant peut dire bonjour à un
détenu, l’industriel s’interroger sur les besoins de son personnel…
Ces questions sont essentiellement (re)connues à travers quelques “pathologies”
sociales graves comme la maltraitance ou le harcèlement moral, etc. Il est
cependant indispensable et incontournable que nous agissions sans attendre la
pathologie. Il est urgent que nous préservions la Ressource Humaine. Il est temps
que nous prenions soin de nous.
J. Fargette
2.2
Eléments d'Analyse Transactionnelle
2 - Introduction
S’intéresser à la relation c’est donner toute sa place à la personne, quel que soit le
contexte. L’AT distingue quatre domaines différents d’exercice - et d’apprentissage -,
appelés champs de spécialisation:
2.2.1. Champ Conseil (C)
Egalement appelé Guidance, et désigné en abrégé par la lettre C. Il s’agit ici
d’utiliser l’AT dans le domaine social, du bénévolat associatif ou de la prévention ; le
médecin, l’infirmier(ère), l’aide-soignant(e) dans sa relation au malade ou à la
personne âgée, les travailleurs sociaux ou les auxiliaires de justice éprouvant des
difficultés dans leur travail quotidien…
2.2.2. Champ Éducation (E)
Désigné par la lettre E. L’AT est un outil qui permet à l’éducateur, quel qu’il soit, de
comprendre et d’améliorer la relation à un élève, un étudiant, un adulte en formation
ou un jeune en situation d’échec scolaire, par exemple. Elle permet d’intégrer la
transmission d’un savoir et d’un apprentissage dans un cadre éducatif plus large qui
contribue au développement personnel et professionnel de l’élève.
2.2.3. Champ Organisation (O)
Désigné par la lettre O. L’AT permet d’intervenir au sein d’une structure (entreprises
privées ou publiques, collectivités locales, associations…) à deux niveaux : la
personne ou l’organisation elle-même. C’est un outil privilégié pour de nombreux
consultants, coachs et formateurs en entreprise. Les possibilités d’application sont
vastes : redonner à l’Humain toute sa place au sein d’une structure, allier les besoins
de la personne à ceux du groupe, optimiser la relation entre collègues ou dans le
cadre d’une hiérarchie …
2.2.4. Champ Psychothérapie (P)
Désigné par la lettre P. L’AT est ici mise au service d’un travail thérapeutique pour
résoudre un problème, savoir qui l’on est, mieux comprendre la relation à son
conjoint, ses enfants ou ses parents. Le psychothérapeute se réfère ici à la vision de
la personnalité que propose l’AT et l’utilise dans sa propre communication avec son
patient. En début de thérapie, le patient et son thérapeute définissent ensemble un
contrat thérapeutique en fonction des objectifs et besoins du patient, la durée du
travail thérapeutique peut être en conséquence brève ou longue.
Un intervenant est formé à l’utilisation de l’AT dans un champ de spécialisation
précis et ne peut travailler avec l’AT que dans celui-ci (à moins qu’il n’ait suivi une
formation dans deux champs différents). Par exemple, un analyste transactionnel
certifié dans le champ Organisation n’est pas habilité à intervenir dans le champ
Conseil, Éducation ou Psychothérapie. La pratique de l’AT exige le respect d’une
déontologie stricte et d’un suivi rigoureux sur deux points : une formation avancée et
une supervision continue.
2.3.
Les grands concepts
Je vous propose de trouver dans les chapitres suivants une série de concepts
fondamentaux de l’analyse transactionnelle. Un tel découpage permet une
appréhension plus aisée de l’analyse transactionnelle - et le 101 reprend ce principe
- néanmoins ne perdez pas de vue que tous les concepts sont reliés entre eux et
sont autant de portes d’entrée différentes.
J. Fargette
2.3
Eléments d'Analyse Transactionnelle
2 - Introduction
À qui sont destinés ces articles ? Aux personnes qui ne connaissent pas l’analyse
transactionnelle et qui veulent quelques premières notions et à celles et ceux qui
débutent leur formation, les autres les connaissant déjà. J’attire votre attention sur le
fait que, s’ils peuvent vous aider pour un 101, ils sont d’un niveau moindre que le
101 et ne constituent en aucune façon un 101.
Dans le double souhait qui a été le mien de rester fidèle à la théorie et en même
temps de présenter les choses d’une manière claire, la rédaction de ces articles
s’est voulue la plus simple possible sans jamais être simpliste. L’un des risques
inhérents à l’accessibilité de la théorie est en effet la simplification abusive et donc la
déformation. D’un autre côté, Eric Berne a eu pour souci constant de présenter une
théorie compréhensible par le plus grand nombre.
Vous trouverez ainsi pour chaque concept ces grandes lignes de base, des
illustrations… De quoi vous donnez un avant-goût que j’espère savoureux ; à vous
ensuite d’aller plus loin avec un manuel ou un cours !
N’hésitez pas à me contacter pour vos interrogations, remarques ou suggestions !
J. Fargette
2.4
Eléments d'Analyse Transactionnelle
3.
3 - Position du problème
Position du problème
3.1.
Les besoins de base
Voici trois situations, n’hésitez pas à prendre le temps de les lire et de les imaginer :
1
Vous vous étiez endormi et à présent vous ouvrez les yeux. Il fait totalement
noir, vous n’entendez pas un bruit, vous êtes seul et vous ne savez pas où.
Lorsque vous étendez les bras autour de vous, rien. Vous vous levez, faîtes
quelques pas prudents, mais toujours aucun autre contact que le sol dur. Au
bout d’un moment, vous risquez un appel : personne ne vous répond. Ça fait
longtemps maintenant que vous marchez, mais tout est désespérément noir et
vide… Je sais pas vous, mais moi je commencerais à ne pas me sentir très très
bien… Et puis tout à coup, toujours dans le noir et le silence, vos mains viennent
se poser sur ce qui semble être un mur ! Vous décidez de le suivre : vous n’êtes
peut-être pas entièrement rassuré, mais déjà vous allez mieux (1).
2
À présent, vous êtes dans une pièce aux murs blancs (où noirs mais c’est pour
changer un peu), éclairée par l’électricité, dont vous ne distinguez pas les
contours. Personne d’autre que vous. Et pas un son ne parvient à vos oreilles.
Aucune odeur. Pendant longtemps. Vos yeux sont éblouis par tout ce blanc sans
contraste, vos mains endolories à force de ne (quasiment) rien toucher. À un
moment, là encore vous ne vous sentirez probablement pas très bien. C’est
d’ailleurs ce qu’on appelle la torture par la privation sensorielle.
3
Cette fois, vous êtes au grand jour, dans une rue… et vous n’êtes pas seul !
Chouette des gens ! Sauf que étrangement personne ne vous regarde, ne fait
attention à vous. Étrange… Vous faîtes un sourire, personne ne vous le rend,
vous demandez l’heure, la personne passe son chemin comme si de rien
n’était… Vous avez alors la désagréable sensation d’être transparent(e), voire
de ne pas exister (2).
Voilà, c’est tout ! Détendez-vous, prenez une grande respiration et… voyons la suite.
Eric Berne (3) s’est interrogé sur nos besoins de base, qu’il a appelé “soifs” par
analogie à la nutrition. Avons-nous, au-delà de l’eau, de la nourriture ou de l’air,
d’autres besoins aussi importants, et donc vitaux, que ceux-là ?
3.2.
Quels sont nos besoins de base ?
1. La soif de structure
c’est le besoin d’avoir des limites. C’est en effet rassurant, de savoir que l’on ne
peut pas tout faire. C’est également le besoin de structurer le temps d’une
journée… Comme celui d’une vie, de savoir comment occuper ce temps entre
notre naissance et notre mort. Songez à l’ennui, à ces changements de vie (un
licenciement qui bouleverse votre rythme : et demain que vais-je faire ?). Or,
cette soif est à la fois “mentale“, mais également physique : revoyez un
adolescent qui vient vous dire pour la énième fois “j’sais pas quoi faire“, on peut
dire de lui qu’il est “mou” ; son dos est courbé, les épaules sont tombantes… Il
1 A. Crespelle, Grandir avec le client, CD
2 A. de Louise, conférence
3 Des Jeux et des Hommes, Stock, p. 13 et suiv.
J. Fargette
3.1
Eléments d'Analyse Transactionnelle
3 - Position du problème
s’affale à présent… Structurer son temps c’est aussi un besoin biologique,
comme la nourriture.
2. La soif de stimulation
c’est le besoin de “nourrir” ses cinq sens, de se sentir au contact du monde et de
la vie. Comparez n’importe quel bureau fermé sans fenêtre et le même avec une
fenêtre… Ça change tout, non ? A l’inverse, des bureaux en open space
risquent de “suralimenter“. Petit conseil : quand vous vous sentez déprimé, ne
restez pas chez vous, allez marcher, prendre un café, même seul(e) ; vous
nourrirez votre soif de stimulation, vous vous ferez du bien.
3. La soif de reconnaissance
c’est le besoin de se sentir reconnu par l’Autre. Cela va du simple retour que
j’attends lorsque je dis bonjour à quelqu’un, à l’amour que je peux lire dans les
yeux de mon amie. Cette soif “s’étanche” par les signes de reconnaissance. La
soif est variable selon chacun, certains vont avoir de grands besoins de
reconnaissance : ils pourront devenir comédiens et être applaudis tous les soirs
par un public conquis - ou ennemi public n°1 - d’autres moins : ils pourront
travailler en tant qu’archivistes ou à leur domicile.
3.3.
À noter
Une grande partie de notre activité quotidienne est orientée - que nous en ayons
conscience ou non - vers la satisfaction de ces trois soifs : savoir quels sont nos
besoins nous aide à les satisfaire plus efficacement et à nous maintenir en bonne
santé morale et physique.
3.4.
Pour aller plus loin
Quels peuvent être les besoins satisfaits lorsque l’on est devant la télé ou internet
(chats, réseaux sociaux…) ?
J. Fargette
3.2
Eléments d'Analyse Transactionnelle
4.
4 - Les signes de reconnaissance
Les signes de reconnaissance
4.1.
Illustration
Au carrefour entre l’intrapsychique et le comportemental, entre les besoins de base,
le scénario ou les positions de vie et les transactions, les signes de reconnaissance
est un concept puissant que j’apprécie beaucoup.
Voici deux extraits dans lesquels vous allez pouvoir découvrir ce que sont les signes
de reconnaissance… aux deux extrêmes :
1
Ignatius vient de se reconvertir en vendeur de saucisses ambulant, mais, au
grand dam de ses clients, il préfère les manger que les vendre : “Je dis que t’es
complètement givré, timbré, s’coué, t’entends ? aboya George [le client] (…).
Comment osez-vous venir me crier des obscénités ? Arrêtez-le ! lança
férocement Ignatius tandis que George se fondait dans la foule (…). Qu’un bon
citoyen se saisisse de ce délinquant juvénile ! De ce répugnant mineur ! Il n’a
pas le moindre respect. Ce rejeton du ruisseau a mérité le fouet jusqu’à
l’évanouissement ! Une femme du groupe qui s’était formé autour de la saucisse
ambulante dit alors : Si c’est pas malheureux ! Où qu’y vont les chercher les
vendeurs de saucisses, non mais c’est pas vrai ! Paumés, c’est tout paumés et
compagnie, lui répondit une voix. Tout ça c’est l’pinard, si vous voulez savoir.
C’est ça qui les rend fous, à mon avis. On devrait pas laisser des lascars comme
ça en liberté dans les rues” (1).
2
Autres temps, autres mœurs et autre style : Mathilde avoue son amour à
Ambrosio, homme d’Eglise : “Maudit soit le jour où je mis pour la première fois
les pieds dans l’Eglise des Capucins ! Dieu seul ou le diable savent ce que mon
ange gardien pouvait bien faire ce jour-là (…). Comme je buvais vos paroles !
Comme votre éloquence m’enlevait de terre ! Je voyais autour de vous comme
une auréole de gloire et votre visage flambait de la majesté même de Dieu. Je
sortis de l’église, brûlante d’admiration. Vous devîntes l’idole de mon cœur,
l’objet incessant de mes méditations. Moi, que la piété n’étouffe pas, je hantai
littéralement la cathédrale, dans l’absurde espoir de vous voir, de me repaître de
ce qui émane de vous. La nuit calmait mes ardeurs, car, toute pleine de vous, je
ne manquais jamais de vous retrouver dans mes rêves. Les bras ouverts, vous
m’accueilliez comme un esprit et comme un homme et forte de votre aide, je me
risquais sans crainte sur les chemins de la vie” (2).
C’est beau, non ?… Pour une autre illustration, lisez mon billet ici, reprenant une
interview de Marie Balmary.
4.2.
Alors, qu’est-ce qu’un signe de reconnaissance ?
Eric Berne définit un signe de reconnaissance (que vous pouvez également
rencontrer sous le nom de caresse ou de l’anglicisme strokes) comme “tout acte
impliquant la reconnaissance de la présence d’autrui” (3). Le signe de
reconnaissance est un message que j’envoie à l’autre qui lui signifie que pour moi il
existe, que je sais qu’il est présent.
1 J. Kennedy Toole, La conjuration des imbéciles, 10/18, p. 199
2 A. Artaud, Le moine, Folio, p. 72
3 Des jeux et des hommes, Stock
J. Fargette
4.1
Eléments d'Analyse Transactionnelle
4 - Les signes de reconnaissance
Un signe de reconnaissance répond à la soif de reconnaissance. C’est donc un
message très important pour nous. Songez à ce que vous ressentez (ou
ressentiriez) a contrario si une personne ne vous rend(ait) pas votre bonjour…
4.3.
Quels sont les différents types de signes de reconnaissance ?
Un signe de reconnaissance peut être :
-
-
verbal ou non verbal :
“bonjour” ou un clin d’oeil,
positif ou négatif :
un compliment ou une critique négative,
conditionnel ou inconditionnel :
le premier est factuel, précis et circonstancié, il concerne le “faire” : “ton rapport
est excellent” ou “ton gâteau n’est pas une réussite“,
le second est relatif à l’”être” de la personne dans sa globalité : “je t’aime“, ou “je
ne peux pas te voir“,
obtenu par une demande directe ou indirecte :
”que penses-tu de…“, ou, au contraire, par un jeu psychologique par exemple.
À votre avis, dans les deux extraits proposés, de quels types sont les signes de
reconnaissance échangés ? (1)
4.4.
Comment utiliser ce concept ?
Observer et analyser les échanges d’un groupe de travail ou d’un couple à travers
cette grille de lecture en dit beaucoup sur la manière dont est conçue la relation, sur
la manière dont l’autre est appréhendé.
Pour cela l’objectif est d’établir ce que l’on appelle “l’économie des signes de
reconnaissance” en vigueur dans ce groupe. C’est Claude Steiner (2), un proche
d’Eric Berne et un pionnier de l’analyse transactionnelle, qui a énoncé l’idée selon
laquelle la manière dont sont gérés les signes de reconnaissance dépend d’une
croyance de pénurie (il n’y a pas assez de signes de reconnaissance positifs pour
tout le monde) qui génère, en application des principes de l’offre et de la demande,
cinq règles :
-
Ne demande pas les signes de reconnaissance dont tu as besoin (”Ils sont trop
chers, on ne te les donnera jamais !”)
Ne donne pas les signes de reconnaissance que tu souhaites donner (”Tu n’en
auras plus !”)
N’accepte pas les signes de reconnaissance dont tu as besoin (”En période de
disette, il vaut mieux les stocker à la cave que les utiliser”)
Ne refuse pas les signes de reconnaissance dont tu ne veux pas (”Ceux là je
peux me les offrir, ils sont moins chers”)
Ne te donne pas de signes de reconnaissance positifs à toi-même (”C’est du
gâchis !”)
1 Verbaux, négatifs inconditionnels dans le premier extrait et verbaux, positifs inconditionnels dans le
second.
2 L’économie des caresses, Classiques AT, Vol. 1, p. 94
J. Fargette
4.2
Eléments d'Analyse Transactionnelle
4 - Les signes de reconnaissance
Ce qui, dans le milieu de l’entreprise, peut donner les questions suivantes :
-
-
Sur quelles bases se développe le “donner” ? Avec des trocs, du chantage, de
la rétention ou des offrandes réelles ?
Sur quelles bases se fait le “refuser” ? Par des oppositions, des rejets, des
critiques ou une affirmation, une argumentation, une coopération, une recherche
de synergie ?
Sur quelles bases se vit le “recevoir“? Avec des disqualifications, des
dévalorisations ou une amplification, un réajustement et des confrontations (et
non des affrontements) ? (1).
Établir la grille d’échange de signes de reconnaissance du groupe permet de savoir
sur quel levier agir pour changer les interactions entre ses membres.
4.5.
À noter
-
Les signes de reconnaissance obéissent à une règle humaine fondamentale :
mieux vaut un signe de reconnaissance négatif que pas de signe de
reconnaissance du tout, ou autrement dit : tout mais pas l’indifférence.
La soif de reconnaissance est un besoin vital ; un enfant n’hésitera pas à faire
une bêtise même s’il doit se faire réprimander par ses parents s’il a le sentiment
qu’ils ne font pas assez attention à lui. Tout comme un adulte qui se sent mis à
l’écart d’une réunion de travail peut mettre en place des stratégies plus ou moins
conscientes pour se faire remarquer en tapotant son stylo contre la table, ou en
renversant son verre.
-
Un signe de reconnaissance peut être “filtré” par son destinataire :
“C’est génial ce que tu as réalisé”, “Oh, c’est trois fois rien“, ou “Cette fois je
pense que ta plaquette ne répond pas à leurs attentes”, “De toute façon, tu n’es
jamais d’accord”.
-
Il n’y a pas de bons ou de mauvais signes de reconnaissance.
Il est aussi important de féliciter quelqu’un qui vient de réussir un examen que
de marquer son désaccord sur une initiative ou de critiquer une réalisation : c’est
un excellent moyen d’apprentissage.
4.6.
Pour aller plus loin
fig. 4.1 Tableau des signes de reconnaissance
Vous pouvez établir votre propre économie des signes de reconnaissance en
général ou dans une situation donnée (votre travail, votre conjoint, vos enfants…).
Pour cela remplissez d’une manière intuitive ce tableau en notant de 1 à 5 votre
1 J. Salomé, in Passeur de vies, blog
J. Fargette
4.3
Eléments d'Analyse Transactionnelle
4 - Les signes de reconnaissance
capacité à accepter/demander/refuser/donner des signes de reconnaissances
verbaux conditionnels et inconditionnels positifs, puis négatifs avec un autre tableau.
Vous pouvez faire de même avec les signes de reconnaissance non verbaux.
J. Fargette
4.4
Eléments d'Analyse Transactionnelle
5.
5 - Les États du moi
Les États du moi
Les États du moi c’est LE concept de l’analyse transactionnelle. L’un des premiers
mis à jour par Eric Berne et en même temps l’un des piliers de la théorie : il sert
d’ailleurs de logo aux analystes transactionnels.
C’est un concept impressionnant a plusieurs titres : son originalité (il ne se confond
pas avec le ça, le moi et le surmoi de la psychanalyse et aucune autre théorie n’a
pensé un équivalent), sa puissance (il concerne à la fois l’intérieur et l’extérieur de
soi), sa pertinence (il permet notamment une connaissance de soi très fine), son
efficacité (c’est un outil de diagnostic majeur)… La richesse de ce concept explique
qu’il s’affine encore aujourd’hui, de nombreux analystes transactionnels (dont José
Grégoire) font des recherches approfondies pour aller toujours plus loin.
Eric Berne s’est aperçu qu’il y a une corrélation entre le comportement d’une
personne, ce qu’elle dit, et l’émotion qu’elle transmet à un moment donné. Et que
bien souvent ce même ensemble de manifestations se reproduit de la même façon
face une situation identique. Il a ainsi fait le lien entre émotion, pensée et
comportement. Il s’est ensuite rendu compte, en s’appuyant sur les travaux du
psychanalyste Paul Federn, qu’il était possible de regrouper ces “corpus” de
manifestions en trois ensembles distincts. Parfois, la personne se comporte (voix,
postures, mimiques…) comme l’un de ses parents (pas n’importe quels parents), à
d’autres moments elle reprend des attitudes ou une façon de parler qu’elle a eus
quand elle était petite, et enfin à d’autres moments encore elle agit comme un adulte
dans le langage courant : il appellera ces trois façons d’être les États du moi.
Les États du moi peuvent se représenter sous deux formes différentes : le modèle
structural des États du moi et le modèle fonctionnel des États du moi.
5.1.
Le modèle structural des États du moi
Les États du moi se visualisent par trois cercles superposés intitulés Parent, Adulte
et Enfant (l’usage de la majuscule signifie que nous parlons des États du moi et non
d’un parent, d’un adulte ou d’un enfant) (fig. 5.1).
fig. 5.1 Etats du moi structuraux
1
Pour Eric Berne ( ) la structure de la personnalité se compose (quel que soit l’âge)
de trois États du moi :
-
Parent (P) :
qui conserve l’ensemble des pensées + sentiments + comportements de
modèles parentaux et intégrés tels quels,
1 Que dites-vous après avoir dit Bonjour ? Tchou
J. Fargette
5.1
Eléments d'Analyse Transactionnelle
-
-
5 - Les États du moi
Adulte (A) :
qui conserve l’ensemble des pensées + sentiments + comportements liés au
“touché” de la réalité, à l’ici et maintenant,
Enfant (E) :
qui conserve l’ensemble des pensées + sentiments + comportements tels que la
personne les a vécus dans son enfance.
Cela signifie que, tout au long de sa vie, une personne :
-
-
Observe comment ses parents (ou grands-parents, tuteurs, puis une figure
spirituelle ou un grand professionnel) se comportent, ce qu’ils disent, ce qu’ils
transmettent de leurs émotions face aux différentes situations de la vie. Ces
observations lui serviront de modèles ultérieurement. Imaginez qu’il s’agisse
d’un “regard” tourné vers l’Autre,
Fait des expériences, appréhende la réalité de tous les jours et en enregistre les
conclusions. Ici, “le regard” vise devant et autour de soi.
A ses propres ressentis, émotions, et besoins, évolutifs par nature et qu’elle va
s’attacher à satisfaire avec plus ou moins de succès : “le regard” est alors tourné
vers soi.
Ainsi, à chaque instant nous abordons la réalité avec trois possibilités :
-
y plaquer des modèles (”être dans le Parent“),
reproduire des vécus personnels d’autrefois (”être dans l’Enfant”),
prendre la réalité telle qu’elle est - et non pas telle que nous voudrions qu’elle
soit - avec ce que nous sommes et non ce que nous avons été ou ce que nous
voudrions être (”être dans l’Adulte”).
P, A et E s’appellent les États du moi structuraux (pour la structure de la
personnalité) et concernent donc le contenu intrapsychique. Voyons à présent les
États du moi visibles de l’extérieur et que l’on nomme fonctionnels. Ensuite, nous
verrons l’articulation entre les deux.
5.2.
Le modèle fonctionnel des États du moi
Il se visualise ainsi (fig. 5.2) :
fig. 5.2 Etats du moi fonctionnels
Vous retrouvez l’État du moi Parent mais avec d’un côté une partie intitulée Parent
Normatif (PNF) et l’autre Parent Nourricier (PNR), l’Adulte n’est pas divisé et l’État
du moi Enfant est scindé en deux parties : Enfant Adapté (lui-même subdivisé en
Enfant Adapté Rebelle (EAR) et Enfant Adapté Soumis (EAS)) et Enfant Libre
(EL).
J. Fargette
5.2
Eléments d'Analyse Transactionnelle
5 - Les États du moi
La manifestation de ces États du moi est observable, c’est-à-dire qu’à chacun de
ces États du moi correspondent un comportement (ton, volume de la voix, mimiques,
gestuelles, postures…) et un vocabulaire spécifiques.
Il n’y a pas de “bons” ou de “mauvais” États du moi, tous ont une fonction différente
essentielle et complémentaire. Voici les fonctions de chacun :
-
Parent Normatif : fonction de protection et de transmission de valeurs
Parent Nourricier : fonction de permission et d’encouragement
Adulte : fonction d’exploration de l’environnement
Enfant Adapté Rebelle : fonction d’opposition légitime
Enfant Adapté Soumis : fonction d’adaptation à l’environnement
Enfant Libre : fonction d’expression des besoins et des émotions de base
Exemples :
-
-
-
-
-
Parent Normatif :
un enfant veut traverser la route alors qu’une voiture arrive, un passant lui dit
vivement : “Recule-toi !”, éventuellement en accompagnant le geste à la parole,
Parent Nourricier :
à un collègue qui vient de se voir confier une nouvelle mission délicate : “Tu vas
y arriver, le patron a raison tu es notre meilleure ressource pour ce projet !” sur
un ton chaleureux,
Adulte :
chez un concessionnaire : “Combien coûte cette voiture ?” avec un ton neutre,
Enfant Adapté Rebelle :
quelqu’un me parle avec un ton que je n’accepte pas, je lui dis avec vigueur :
“Tu me parles sur un autre ton s’il te plaît“,
Enfant Adapté Soumis :
sans raisons apparentes, un policier m’arrête et me demande mes papiers ;
sans poser de questions je les lui donne,
Enfant Libre :
en pleine réunion de travail, un collègue propose une pause parce qu’il a soif :
“Allez hop, pause café !” sur un ton cordial et dynamique.
En revanche, l’utilisation d’une manière excessive d’un État du moi, sans
nécessité par rapport à la situation, conduit à rendre inopérationnelle l’usage
de sa fonction : si une personne parle régulièrement vivement à son enfant, celui-ci
ne saura plus faire le distinguo entre l’avertissement face à un danger avéré et une
situation banale, si quelqu’un fait systématiquement ce qu’on lui dit, il ne fera plus la
différence entre l’adaptation adéquate et ce que l’on nomme la suradaptation, c’està-dire l’adaptation au détriment de ses propres besoins, ou si un collègue interrompt
une réunion toutes les deux minutes parce qu’il a soif, il est probable qu’au bout d’un
moment il n’aura plus voix au chapitre.
5.3.
Quels sont les liens entre les deux modèles ?
Ce que vous êtes à l’extérieur de vous trouve son origine à l’intérieur de vous. C’est
un peu comme un iceberg, la partie immergée ce sont les États du moi structuraux,
la partie émergée ce sont les États du moi fonctionnels. Ici, l’essentiel est de retenir
que l’Adulte (A) peut choisir l’État du moi fonctionnel qu’il veut. Tout l’intérêt est
même d’être dans l’Adulte structural (A) pour nous permettre d’adopter l’État du moi
fonctionnel le plus approprié face à une situation.
J. Fargette
5.3
Eléments d'Analyse Transactionnelle
5 - Les États du moi
Reprenons l’exemple du contrôle d’identité :
-
Si je suis dans mon Parent (P), je peux réagir ainsi :
“Bien sûr mes papiers, j’approuve tout à fait ces contrôles inopinés, et même je
pense qu’ils sont très utiles pour attraper les délinquants”, sur un ton urbain
(Parent Normatif) - et probablement à chaque fois que je verrai un policier je
réagirai dans ce cadre.
-
Si je suis dans mon Enfant (E), je peux réagir ainsi (et probablement à chaque
fois que je verrai un policier je réagirai dans ce cadre) :
- “J’ai rien fait, jamais je ne vous donnerai mes papiers !”, sur le ton de
l’injustice (Enfant Adapté Rebelle)
- "Mes papiers, bien sûr, je peux vous donner ma carte d’identité, mon
passeport… Ohlala dites-moi ça suffira ?” sur un ton inquiet et empressé
(Enfant Adapté Soumis)
- “Oh, vous voulez pas boire un coup plutôt ?” (Enfant Libre - délicat…)
-
Si je suis dans mon Adulte (A), je peux choisir entre plusieurs possibilités (et à
chaque fois que je verrai un policier je pourrai choisir mon type de réaction) :
- De donner mes papiers sans poser de questions (en tant qu’observateur,
j’identifie ici un État du moi Enfant Adapté Soumis, mais ce n’est pas la
même manifestation que lorsque l’État du moi Enfant (E) est aux
commandes, aucune angoisse ou inquiétude ne transparaissent ; j’ai un
objectif : que ce contrôle dure le moins de temps possible et je fais tout pour
que ce soit le cas )
- De dire : “Pour quelles raisons me demandez-vous mes papiers ?”, sur un
ton neutre (en tant qu’observateur, j’identifie ici un État du moi Adulte) parce
que j’ai du temps, ou que je n’exclus pas que je puisse avoir commis une
infraction par inadvertance et que je veux savoir laquelle, etc.
C’est pourquoi vous trouviez peut-être la réponse Enfant Adapté Soumis tout à fait
adulte. Oui, adulte avec un petit a. Parce que la personne est dans son Adulte (A),
elle adopte l’État du moi qui lui convient, il est adapté à la fois à l’environnement et à
son souhait.
5.4.
À noter
-
Ne confondez pas l’Adulte structural (A) et l’Adulte fonctionnel (aussi A)… Le
premier décrit le contenu intrapsychique et intègre des pensées,
comportements et sentiments, le second se définit par sa fonction d’exploration
dont la manifestation la plus classique est l’usage de phrases interrogatives ou
informatives.
-
L’Adulte structural (A) est parfois présenté comme un ordinateur, un État du moi
qui fait des essais “froidement” et qui enregistre le résultat : ce n’est pas exact. Il
intègre des pensées, comportements et sentiments. Ainsi, si vous réussissez un
examen vous pouvez ressentir une joie justifiée et la manifester d’une façon qui
vous est propre et authentique et sans que ce soit la répétition d’un passé ou la
reproduction d’un modèle.
-
Qu’il s’agisse de l’Enfant Adapté Rebelle ou de l’Enfant Adapté Soumis, ils sont
tous les deux adaptés. C’est-à-dire que les personnes qui ont souvent recours à
ces États du moi ont tendance à définir leur cadre de vie par rapport à une
référence extérieure au sens large (parents, travail, conjoint, amitiés…) à
laquelle ils réagissent en opposition (Rebelle) ou en acceptation (Soumis), plus
qu’en fonction de leurs propres besoins.
J. Fargette
5.4
Eléments d'Analyse Transactionnelle
-
5.5.
5 - Les États du moi
Pour améliorer la cohérence de certaines de nos décisions, ou pour éviter
d’éventuelles déconvenues, il peut être intéressant d’interroger nos États du moi.
Imaginons qu’un ami dise vouloir vivre de sa plume : son Enfant peut dire
“Chouette, j’en rêve !”, son Adulte “Vérifions au préalable la faisabilité
financière”, et son Parent “Ce n’est pas un métier convenable” : il est préférable
qu’il ait conscience et qu’il prenne en compte ce discours interne avant d’aller
plus loin.
Pour aller plus loin
Voici quelques phrases, pouvez-vous deviner l’Etat du moi fonctionnel dans lequel
était la personne lorsqu’elle les a dites ?
-
1
2
3
4
5
6
7
8
“Tu peux toujours courir ! Je le ferai jamais”, dit avec défi et beaucoup d’énergie,
sur un ton de révolte (1)
“Peux-tu m’aider à rédiger cette partie ?”, d’un ton informel (2)
“Oh, c’est super joli ! Je veux le même !” dit d’une voix joyeuse et enthousiaste,
le sourire aux lèvres (3)
“C’est inadmissible ! Tu n’as pas intérêt à faire ça !”, le visage rouge de colère,
ton haut et volume sonore élevé (4)
“Ce que je vous dis là, c’est pour votre bien”, d’un ton amical et réconfortant
avec une voix douce (5)
“Les cours commencent à 15h. Ils finissent à 18h”, sur un ton neutre (6)
“Le respect est de mise ici, vous sortez”, sur un ton ferme, en désignant la
sortie (7)
“T’es sûr que je peux ? J’en suis pas sûr, je préfère pas”, d’un ton craintif, le
visage inquiet (8)
Enfant Adapté Rebelle
Adulte
Enfant libre
Parent Normatif
Parent Nourricier
Adulte
Parent Normatif
Enfant Adapté Soumis
J. Fargette
5.5
Eléments d'Analyse Transactionnelle
6.
6 - Les transactions
Les transactions
Une transaction c’est un échange de signes de reconnaissance, verbal ou non
verbal, entre deux personnes, c’est-à-dire un stimulus et une réponse à ce stimulus.
La grille de lecture proposée par Eric Berne permet, à partir d’un découpage simple,
de penser avec beaucoup de pertinence la façon dont nous sommes en rapport les
uns avec les autres. Avant d’aller plus loin, je vous conseille de lire au préalable
l’article consacré aux États du moi.
Eric Berne (1) a distingué trois différents types de transactions et trois règles de la
communication.
6.1.
Quels sont les différents types de transactions?
6.1.1. Les transactions simples complémentaires
Lors de transactions simples complémentaires, l’État du moi “visé” est celui qui
répond.
Ici, les vecteurs sont parallèles (fig. 6.1). La première illustration est un échange de
type A-A qui pourrait être : “Quelle heure est-il ? - Il est 18h00″, et un autre échange
de type P-E : “Tu ne dois pas sortir sans ta montre - Oui, mais là je l’ai oubliée“.
fig. 6.1 Transactions complémentaires
6.1.2.
Les transactions simples croisées
Lors de transactions simples croisées, l’État du moi “visé” n’est pas celui qui répond,
ou/et l’État du moi en réponse “vise” un autre État du moi que l’État du moi émetteur
(fig. 6.2).
fig. 6.2 Transactions croisées
1 Que dites-vous après avoir dit Bonjour? Tchou
J. Fargette
6.1
Eléments d'Analyse Transactionnelle
6 - Les transactions
Les vecteurs, le plus souvent, ne sont pas parallèles ils se croisent, mais pas
nécessairement. Voici une première illustration : une personne, à partir de son
Adulte, s’adresse à une autre en visant son Adulte, mais celle-ci répond vers le
Parent à partir de son Enfant : “A quelle date viens-tu me voir ? - Tu vas m’en vouloir
si je ne viens pas ?” Et un second de type AA/PP : “As-tu vérifié les données du
tableau ? - C’est à ça qu’on reconnaît les vrais professionnels, non ?”.
6.1.3. Les transactions cachées ou à double-fond
Les transactions cachées ou à double-fond sont des transactions dites complexes
parce qu’une seule phrase comporte ici deux messages. Le premier message est
appelé le message social, ce sont les mots prononcés, ce qui est dit verbalement.
Le second est le message caché ou psychologique, ce sont “les mots” que l’on ne
dit pas verbalement, mais qui peuvent - ou non - être très bien “entendus” par son
interlocuteur. L’une des formes bien connues de ce type de communication sont les
sous-entendus (fig. 6.3).
Dans la première illustration, la personne émet un message social à partir de son
Adulte vers l’Adulte de son interlocuteur (représenté par un vecteur continu) et un
message caché à partir de son Parent vers l’Enfant (représenté par un vecteur en
pointillé). Cela donne par exemple pour un couple qui découvre ses différences dans
une nouvelle vie en commun : message social AA “Tu ne ranges pas tes
chaussettes propres ?” et un message caché PE “Les chaussettes propres et
repassées doivent être rangées dans un tiroir”. Dans le second schéma, le message
social est aussi de l’Adulte vers l’Adulte mais le message psychologique part de
l’Enfant et “vise” l’Enfant : c’est le fameux “Tu veux venir prendre un dernier verre
chez moi ?”, message social AA lancé à minuit entre deux personnes qui s’attirent
sans se le dire encore et un message caché EE “Tu veux passer la nuit avec moi ?”.
Si le verre est accepté, il y a de grandes chances que cela inclue aussi le café du
matin…
fig. 6.3 Transactions cachées
6.2.
Quelles sont les trois règles de la communication ?
-
Quand les vecteurs sont complémentaires, la communication peut se poursuivre
indéfiniment (“Dis-moi à quelle heure est ton train ? A 20h, tu peux venir me
chercher ? Oui, tu penses à me rapporter mon livre ? Oui, il est déjà dans mon
sac…”).
-
Quand les vecteurs se croisent, la communication change : soit elle s’arrête, soit
elle continue mais à la condition que l’un des interlocuteurs change d’État du moi
et restaure ainsi le parallélisme : “À quelle date viens-tu me voir ?” (A→A), “Tu
vas m’en vouloir si je ne viens pas ?” (Enfant qui “vise” un Parent Nourricier) →
par exemple : “Mais non, bien sûr tu viendras quand tu pourras” (réponse du
Parent Nourricier vers l’Enfant), mais il est difficile de donner une réponse à
partir de l’Adulte.
J. Fargette
6.2
Eléments d'Analyse Transactionnelle
-
6.3.
6 - Les transactions
Dans les transactions cachées, c’est la prise en compte - et donc la réponse
complémentaire - au message psychologique, et non au message social, qui
détermine la continuité, la fluidité de la communication. Dans l’exemple du
“dernier verre”, si la réponse est oui et que votre interlocuteur s’en va après son
verre en disant merci, vous serez sans doute quelque peu désarçonné(e)…
Vous “entendiez” bien le oui comme une réponse à votre message caché ! Dans
ce cas, la réponse aurait pu être “Alors juste un verre”, sous-entendu non au
message caché (et non qu’il/elle n’a pas très soif) : et vous étiez fixé. En
revanche, si la réponse est non, bien qu’il/elle ne réponde qu’à propos du verre,
vous devrez sans doute réenvisager la relation…
À noter
-
Le cadre dans lequel s’instaure la relation conditionne la nature des transactions
échangées. “Salut, ça roule ?” peut se dire à un ami, moins à un patron… De
telle sorte qu’à l’inverse, la transaction me renseigne sur la nature de la relation.
-
Dans un jeu psychologique, il s’agit d’échange de transactions cachées
parallèles, lorsque survient le coup de théâtre, c’est.. une transaction simple
croisée !
-
Les transactions cachées peuvent être tout à fait adaptées : dire quelque chose
de manière diplomatique, jouer sur le sous-entendu pour faire de l’humour…
6.4.
Pour aller plus loin
Après la lecture de cet article et de celui sur les États du moi, vous pouvez
commencer à “faire votre oreille”, à écouter ce qui se dit autour de vous, à chercher
la nature des transactions et celle des États du moi fonctionnels à l’œuvre.
J. Fargette
6.3
Eléments d'Analyse Transactionnelle
7.
7 -La structuration du temps
La structuration du temps
La structuration du temps est un concept que je trouve très ingénieux : Eric Berne a
réussi à articuler en seulement six modes l’ensemble des façons d’être en relation
avec l’autre.
Quels sont-ils ? Lisez cette illustration… ils y sont tous ! :
Réunion de comité interprofessionnel. En arrivant certains se serrent la main :
"Bonjour, comment allez-vous ?", "Bien et vous ?", à la suite les uns des autres (a),
mais certains nouveaux membres, inconnus pour un instant encore, préfèrent
rester à l’écart et ne se présenter que lors du tour de table (b).
En attendant que la réunion commence, certains, qui ne se connaissent pas encore
beaucoup, discutent entre eux : "Quel bel été !", "C’est vrai que l’année dernière le
mois d’août avait été pluvieux», "Ne m’en parlez pas, toutes mes vacances ont été
gâchées" (c).
D’autres encore qui se connaissent depuis longtemps et ont d’autres occasions de
se voir en dehors du comité : "Toujours d’accord pour ce week-end ? Nous devons
arriver à démarrer ce moteur», "Oui, j’ai beaucoup réfléchi, je crois effectivement
que si la culasse s’est dévissée et que la chemise du piston a tourné un peu, les
trous d’admission et d’échappement ne sont plus en face, tu crois pas ?" (d).
Pendant ce temps, le responsable du comité, qui attend que tout le monde soit
arrivé, pose une question à son adjoint, qui, à ce qu’on dit, est un carriériste
nerveux : "Alors votre présentation est-elle prête ?", "Oui, cela n’a pas été simple,
j’y ai passé tout le week-end mais c’est prêt", "Très bien, mais j’ai réfléchi,
finalement vous ne la ferez pas, je crains que cela ne soit encore un peu
prématuré" (e).
Les deux derniers membres du comité arrivent tout juste, c’est un couple d’amis qui
étaient en train de remettre les pendules à l’heure (f) (1).
7.1.
Comment structurons-nous notre temps avec l’autre ?
7.1.1. Le retrait
Les signaux que j’envoie indiquent que je ne souhaite pas rentrer en contact avec
l’autre : je ne m’approche pas, je ne lui parle pas ou je ne le regarde pas : je reste
dans “mon coin” - ou d’une façon plus inconsciente - je suis dans mes pensées,
7.1.2. Le rituel
C’est la façon socialement admise de commencer et de terminer un contact
relationnel : c’est ainsi le “bonjour” et l’”au revoir” ; c’est un automatisme culturel.
Faites l’essai : répondez “non” à “comment ca va ?“, vous allez probablement sentir
une gêne chez votre interlocuteur : ce n’est pas la réponse prévue !
1 a-2, b-1, c-3, d-4, e-5, f-6
J. Fargette
7.1
Eléments d'Analyse Transactionnelle
7 -La structuration du temps
7.1.3. Le passe-temps
Comme son nom l’indique, c’est une manière de passer le temps, de discuter avec
l’autre sans s’impliquer trop dans la relation, la conversation est balisée, elle se fait
“toute seule“. L’exemple le plus typique c’est le temps qu’il fait en cette saison, oh
m’en parlez pas …
7.1.4. L’activité
La relation est instaurée pour faire quelque chose ensemble. La conversation, les
gestes sont dédiés à cette réalisation : un compte-rendu, une maquette, un site
internet…
7.1.5. Les jeux
On retrouve ici les séquences relationnelles qu’Eric Berne a appelé les jeux
psychologiques.
7.1.6. L’intimité
C’est un moment, bref et peu fréquent, où les interlocuteurs échangent sur ce qu’ils
ressentent, de la joie, des sentiments amoureux, de la colère ou de la tristesse,
d’une manière authentique, c’est-à-dire sincère et exempte de volonté manipulatoire
(de l’autre, de la relation).
7.2.
À noter
-
Il n’y a pas un mode qui serait mieux qu’un autre : la plupart du temps, mais pas
nécessairement, un échange évolue entre les modes, il pourra aller du retrait ou
du rituel à l’activité, ou aux jeux puis revenir vers l’activité… Ainsi, les rituels ont
leur importance : imaginez qu’une personne vienne vous voir et commence ainsi
“T’as pu faire les plans ?” !! C’est plus fréquent dans le monde professionnel où
le responsable d’une réunion peut orienter tout de suite les échanges vers
l’objectif.
-
La structuration du temps permet de répondre à notre besoin de structure :
aujourd’hui j’irai à mon travail en bus et je serai dans le retrait, puis rituellement
je prendrai un café avec mes collègues et je serai dans le passe-temps…
-
Plus vous vous orientez vers un mode relationnel intense (4, 5 et 6) , plus les
signes de reconnaissance que vous échangez peuvent être nourrissants (1).
7.3.
Pour aller plus loin
Pour visualiser vos modes relationnels préférés, vous pouvez représenter votre
propre structuration du temps selon cet exemple (il est normal que pour les jeux ce
soit moins facile… ils sont inconscients !). Vous pouvez faire un diagramme (fig. 7.1)
pour votre vie professionnelle, un autre pour votre vie personnelle ou pour une seule
personne ; comment je structure mon temps avec mon conjoint, mon enfant…
1 Raymond Hostie, Le compas, Classiques AT, Vol. 1
J. Fargette
7.2
Eléments d'Analyse Transactionnelle
7 -La structuration du temps
fig. 7.1 Diagramme de la structuration du temps
J. Fargette
7.3
Eléments d'Analyse Transactionnelle
8.
8 - Les jeux psychologiques
Les jeux psychologiques
Les jeux psychologiques sont l’un des concepts phares de l’analyse transactionnelle.
Eric Berne a publié un livre dédié à ce thème, Des Jeux et des Hommes, devenu
best-seller.
Lisez cet extrait tiré de l’excellent “L’Attrape-Cœur” de J.D Salinger (Pocket, p. 40 et
55) :
[Holden et Stradlater, 16 ans, discutent dans les dortoirs de l'internat :]
Stradlater : “Et en plus, j’ai une dissert’. Tu me la ferais pas, ma dissert’? Si je ne la
rends pas lundi, je vais avoir des emmerdes. Voilà pourquoi je te demande. Tu veux
bien ?”
Holden : Ça m’a semblé un peu fort le comble de l’ironie. “C’est à moi que tu
demandes de faire ta dissert’? A moi qu’on vient de flanquer à la porte ?”
Stradlater : “Ouais, je sais. Ce qu’il y a c’est que j’aurais des emmerdes si je la rends
pas. Tu serais un pote, un vrai pote. D’accord ?”
Holden : J’ai pas répondu tout de suite. Avec les salauds dans son genre, le
suspense c’est pas mauvais. J’ai dit: ” Sur quoi la dissert’?”
Stradlater : “N’importe quoi. Une description. Une pièce dans une maison. Ou bien
une maison. Tu vois le truc. Du moment qu’on décrit.”
[plus tard]
Tout d’un coup, il a gueulé : “Holden, sacré bordel ! T’as parlé d’un gant de baseball.”
Holden : “Et alors ?” Que j’ai dit. Vachement glacé.
Stradlater : “Quoi, Et alors ? Je t’ai pas expliqué que ça devait décrire une maison ?“
Holden : “T’as dis que ça devait être descriptif. Si c’est un gant de base-ball je vois
pas la différence.”
Stradlater : “Bon Dieu de bon Dieu”. Il était dans tous ses états. Vraiment furax. “Tu
fais toujours tout de travers”. Il m’a regardé, il a crié : “Pas étonnant si on te fout à la
porte. Tu fais rien comme il faudrait. Je te jure. Jamais rien”
Ce court dialogue est typique de ce que l’on nomme un jeu en analyse
transactionnelle. Voyons d’un peu plus près ce qui se passe : Stradlater demande à
Holden, qui vient de se faire mettre à la porte du lycée, de lui faire sa dissertation.
Holden, à lire ses pensées (”Avec les salauds dans son genre“), ne semble pas a
priori coopératif, mais il la rédige tout de même sur la base d’informations floues.
Bilan : la dissertation est mal faite selon Stradlater, celui-ci est en colère et Holden
en prend pour son grade.
J. Fargette
8.1
Eléments d'Analyse Transactionnelle
8.1.
8 - Les jeux psychologiques
Qu’est-ce qu’un jeu psychologique ?
Eric Berne a défini le jeu comme “le déroulement d’une série de transactions
cachées, complémentaires, progressant vers un résultat bien défini, prévisible” (1).
C’est un échange entre deux ou plusieurs personnes dont le but réel pour chacun
n’est pas la poursuite de la discussion au niveau de ce qui est dit mais de ce qui est
dit et qui ne s’entend pas (non au niveau social, mais au niveau caché).
8.2.
Pourquoi a-t-il appelé cela un jeu ?
Un jeu c’est une activité plutôt amusante, et c’est vrai que dans l’exemple ça n’a pas
l’air d’être le cas… Alors ? Cette dénomination fait plutôt référence aux joueurs en
Bourse, ou de poker. Pensez à ces joueurs qui maîtrisent parfaitement les règles, ce
stress plus ou moins conscient, ce sentiment qu’au-delà de la mise il y a parfois un
enjeu beaucoup plus important, voire existentiel, ces émotions fortes dues au gain
ou à la perte… Pour Eric Berne certains de nos échanges répondent à ces critères.
Eric Berne a aussi donné un nom au jeu les plus courants ; le plus célèbre est le jeu
du “Oui, mais…” (dont Yves Lavandier a réalisé un film éponyme).
8.3.
Comment joue-t-on ?
Il existe différentes façons de représenter le déroulement d’un jeu. Pour ma part,
j’aime beaucoup le Triangle dramatique de Karpman (dramatique fait ici référence au
drame théâtral, Stephen Karpman ayant créé ce concept à partir de l’observation
des ressorts du drame au théâtre. Vous vous souvenez de Shakespeare dans
Comme il vous plaira ? “Le monde entier est un théâtre, Et tous, hommes et
femmes, n’en sont que les acteurs. Et notre vie durant nous jouons plusieurs
rôles…” ). Il s’est aperçu que systématiquement, pour qu’un “drame” se déroule, il
faut trois rôles : un Persécuteur, un Sauveteur et une Victime (fig. 8.1).
fig. 8.1 Triangle de Karpman
Deux personnes discutent. Pour commencer un jeu, chacun des protagonistes prend
inconsciemment l’un des trois rôles du Triangle ; en général celui qui a sa
préférence. Elles poursuivent leur discussion, l’une comme Persécuteur, l’autre
comme Victime par exemple. A un moment donné arrive… le coup de théâtre ! L’un
des deux joueurs va “prendre ses bénéfices” comme on dit dans le milieu boursier, il
va changer de rôle et, par exemple, s’il était Persécuteur, devenir une Victime.
L’autre accuse le coup, et change également de position (ce que font Stradlater
quand il commence à hurler, puis Holden quand il se vit “vachement glacé“).
1
Des jeux et des Hommes, Stock, p.50
J. Fargette
8.2
Eléments d'Analyse Transactionnelle
8 - Les jeux psychologiques
Bien entendu, il ne s’agit pas d’être réellement Persécuteur, Victime ou Sauveteur
(ou seulement dans les jeux de niveaux 3 - voir plus loin), ce sont des rôles
psychologiques où chacun joue une partition fine de ceux-ci.
Ainsi, à votre avis, quelles sont les positions de départ de jeu de Stradlater et de
Holden dans l’exemple ci-dessus ? Les positions d’arrivée ? (1)(2)
8.4.
Pourquoi joue-t-on ?
Pour avoir des bénéfices, même s’ils ne sont pas très agréables.
Les explications se situent dans la vision intrapsychique de la personnalité que
propose l’analyse transactionnelle (ce va-et-vient entre intérieur et extérieur de la
personne est caractéristique de l’analyse transactionnelle). Ces bénéfices peuvent
être nombreux : revivre un type de relation expérimenté dans l’enfance, obtenir un
type de signes de reconnaissance que l’on aurait pas eu autrement, valider ses
croyances sur soi ou sur les autres… Dans notre extrait, Stradlater peut par exemple
se dire qu’il a raison de croire que les autres sont des incapables, qu’on ne peut faire
confiance à personne (c’est même pour arriver à cette conclusion qu’il s’est adressé
à Holden et sans lui donner d’indications claires), Holden qu’il est un bon à rien ou
que personne ne l’aime (la preuve).
8.5.
À noter :
-
Le jeu est inconscient, nous ne nous en rendons pas compte. L’idée, pour une
meilleure connaissance de soi, n’est pas tant de ne plus jouer, que de nous
rendre petit à petit conscient des jeux que nous jouons.
-
Il existe trois niveaux de jeu :
Niveau 1, c’est celui qui est acceptable socialement (un couple d’amis se
dispute devant vous) : le lien n’est pas rompu mais ”touché” (une tension
relationnelle dans le couple par exemple).
Niveau 2, les protagonistes jouent “à domicile” (il n’y pas de témoins ou
uniquement - ce qui est encore “plus joueur” - quelques confidents) : le lien est
rompu (une porte qui claque).
Niveau 3, les prises de bénéfices font la Une des journaux (meurtres,
démence, suicides…) : le lien est clairement, voire définitivement, rompu.
-
Ne dites pas : “Il joue des jeux avec moi, je n’aime pas ça“… On joue toujours à
deux, vous jouez autant avec lui !
-
Pas de répétition, pas de jeu : une scène ne suffit pas pour dire qu’il y a un jeu
entre deux personnes. L’une des caractéristiques du jeu est la répétition des
mêmes échanges, des mêmes changements de rôles. On peut jouer dix minutes
comme toute une vie (songez aux “scènes” de ménage…).
1 Départ : Stradlater prend le rôle de Victime, Holden de Sauveteur
2 Arrivée : Stradlater devient Persécuteur, Holden Victime
J. Fargette
8.3
Eléments d'Analyse Transactionnelle
8.6.
8 - Les jeux psychologiques
Pour aller plus loin :
Qu’aurait pu faire/dire Holden face à la demande de Stradlater pour que cet échange
finisse d’une manière positive pour lui ? Qu’aurait pu faire/dire Stradlater quand il
découvre que la dissertation faite ne lui convient pas ?
J. Fargette
8.4
Eléments d'Analyse Transactionnelle
9.
9 - Les positions de vie
Les positions de vie
Les positions de vie sont, à mon sens, l’un des concepts les plus abordables de
l’analyse transactionnelle. Cette accessibilité est à double tranchant : il y a un risque
de réduire les positions de vie à cette simplicité. Or, c’est un concept qui, au fur et à
mesure que l’on avance, se révèle très puissant : gardons en mémoire ces deux
aspects.
Le génial - et regretté - Tristan Egolf (1) fait passer en quelques pages les éboueurs
de la ville de Baker par trois positions de vie différentes :
1
Si nous décidions arbitrairement de quitter le travail (…) une ville comme Baker
serait plus qu’à moitié enfouie sous les ordures (…). Il apparaissait clairement
que, du moins dans le comté de Greene, le boueux était plus indispensable que
le banquier, le boucher et le juge de grande instance réunis, et beaucoup plus
dur à trouver. Il était l’unique frontière qui séparait l’ensemble de la communauté
de la débâcle.
2
Notre objectif dans l’immédiat serait d’affirmer notre position en termes simples
et précis : 1) nous fournissions un service indispensable à la communauté; 2)
nous demandions le simple respect accordé à tout serviteur du bien public; et 3)
si nos demandes n’étaient pas satisfaites - si nos services n’étaient pas
appréciés -, la communauté était libre de rechercher une autre solution.
3
[Tom Dippold, shérif] avait accédé à ce poste en raison de ce qu’on tenait
généralement pour ses trois principales qualités : sa compréhension intuitive des
comportements locaux, sa politique inflexible de non-intervention dans les
querelles domestiques, et son indulgence à l’égard de ce qui en d’autres lieux
passait pour des infractions à la loi répréhensibles (…). Dans l’hypothèse où ils
seraient arrêtés à la suite d’un éclat public, la plupart des gens du cru n’avaient
pas grand-chose à craindre de Tom Dippold.
9.1.
C’est quoi une position de vie ?
Eric Berne a émis l’hypothèse que le jeune enfant “possède déjà certaines certitudes
sur lui-même et le monde qui l’entoure (…), certitudes qu’il va sans doute conserver
tout au long de sa vie et que l’on peut résumer comme suit : je suis ok ou je ne suis
pas ok, vous êtes ok ou vous n’êtes pas ok” (2).
La position de vie est la valeur que je me donne à moi-même et aux autres, l’idée
positive (que l’on nomme ici ok et que l’on symbolise par un +) ou négative (que l’on
nomme non ok et que l’on symbolise par un -) que j’ai de moi, des autres et du
monde.
Il y a donc quatre positions de vie :
-
Je suis ok / vous êtes ok (+/+),
Je ne suis pas ok / vous êtes ok (–/+
Je suis ok / vous n’êtes pas ok (+/–)
Je ne suis pas ok / vous n’êtes pas ok (–/–)
1 Le seigneur des porcheries. Le temps venu de tuer le veau gras et d’armer les justes, Folio, p. 375 et suiv .
2 In I. Stewart et V. Joines, Manuel d’Analyse Transactionnelle, InterEditions, p. 147
J. Fargette
9.1
Eléments d'Analyse Transactionnelle
9 - Les positions de vie
9.2.
OK
Non OK
OK
+/+
–/+
Non OK
Vous
Moi
+/–
–/–
Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?
9.2.1. La position +/+
Je me respecte et je vous respecte, je vous accepte tel que vous êtes, j’ai
conscience de ma valeur et de la vôtre : nous sommes égaux. Cela implique que je
considère ce que vous me dites, que je vous parle d’une manière adulte, que
j’envisage notre rapport sous l’angle de la coopération et du partage.
9.2.2. La position –/+
C'est une position qui se traduit par une dévalorisation de soi, l’autre ou les autres
sont beaucoup mieux que moi, ils y arrivent mieux, ils sont heureux, et je ne le serai
jamais… : c’est une position dépressive que Gysa Jaoui (1) résume ainsi : “Je ne
vaux pas grand-chose, n’importe qui vaut plus que moi“.
9.2.3. La position +/–
Ici je pense que je vaux mieux que toi/les autres, cela se manifeste de deux façons
différentes : soit j’envisage l’autre de manière condescendante “Mon pauvre, tu n’es
pas capable d’y arriver, laisse je vais le faire“, soit je l’envisage d’une manière
hautaine voire agressive “T’es trop nul, t’es un incapable, pousse-toi de là que je le
fasse” ou “T’es trop nul, fais comme je te dis et pas autrement“. C’est une position
de dévalorisation ou de domination, d’arrogance vis-à-vis de l’autre.
9.2.4. La position –/–
ou selon Gysa Jaoui, “Je ne vaux rien et vous non plus“, peut être la position
adoptée par un enfant dont les parents lui ont fait comprendre qu’il n’était pas le
bienvenu, qui a grandi dans un milieu difficile et qui n’attend rien de personne. Il a
une image de lui-même et du monde négative. À l’extrême, ce type de position peut
amener vers le suicide ou l’asile.
9.3.
-
À noter
Il arrive que ce que je montre à l’autre ne soit pas exactement le reflet de ce que
je pense de lui : mon patron, pour favoriser “l’émulation“, me fait travailler avec
un collègue que je considère en dessous de tout, je lui dis néanmoins : “Bonjour,
je suis ravi de travailler avec toi sur ce projet“… C’est ce que l’on nomme la
position de vie “sociale” (celle que l’on va montrer, ici +/+).
1 Le Triple moi, Laffont, p.172
J. Fargette
9.2
Eléments d'Analyse Transactionnelle
-
9.4.
9 - Les positions de vie
Nous avons ainsi une position de vie existentielle favorite (nos croyances
profondes), mais nous pouvons tout à fait adopter en fonction des situations
l’ensemble des quatre positions de vie sociale - qui peuvent donc coïncider ou
non avec la position de vie existentielle.
Pour aller plus loin
D’après vous, quelles sont les positions de vie que l’on peut visualiser dans chacun
des trois paragraphes de l’extrait que je vous ai proposé ? (1)
Un petit test sur votre position de vie ? Voyez ici :
http://www.clown-enfant.com/ouimais/test.htm
1 +/-, +/+, -/J. Fargette
9.3
Eléments d'Analyse Transactionnelle
10.
10 - Les méconnaissances
Les méconnaissances
Le concept a été créé par Aaron et Jacqui Schiff (1) au début des années 1970 et
approfondi par Ken Mellor et Eric Schiff (2). C’est un concept qui, une fois encore, est
en lien avec l’intrapsychique et le comportemental. Il s’avère très efficace dans un
certain nombre d’applications, notamment pour la résolution de problèmes.
Commencez par ce savoureux extrait, il ne doit pas vous être inconnu :
Là-dessus ils découvrirent trente ou quarante moulins à vent qu’il y a en cette plaine,
et, dès que Don Quichotte les vit, il dit à son écuyer : “La fortune conduit nos affaires
mieux que nous n’eussions su désirer, car voilà, ami Sancho Pança, où se
découvrent trente ou quelques peu plus démesurés géants, avec lesquels je pense
avoir combat et leur ôter la vie à tous, et de leurs dépouilles nous commencerons à
nous enrichir : car c’est ici une bonne guerre, et c’est faire grand service à Dieu
d’ôter une si mauvaise semence de dessus la face de la terre.
- Quels géants ? dit Sancho.
- Ceux que tu vois là, répondit son maître, aux longs bras, et d’aucuns les ont
quelquefois de deux lieues.
- Regardez, monsieur, répondit Sancho, que ceux qui paraissent là ne sont pas des
géants, mais des moulins à vent et ce qui semble des bras sont les ailes, lesquelles,
tournées par le vent, font mouvoir la pierre du moulin.
- Il paraît bien, répondit Don Quichotte, que tu n’es pas fort versé en ce qui est des
aventures : ce sont des géants, et, si tu as peur, ôte-toi de là et te mets en oraison,
tandis que je vais entrer avec eux en une furieuse et inégale bataille. (3)
Vous me direz peut-être que Don Quichotte était un peu fou et que dans ce cas rien
d’étonnant à ce qu’il voit des moulins ? À quoi je vous répondrais que Don Quichotte
est loin d’être le seul à se battre contre des moulins… Et que c’est ça une
méconnaissance : prendre des moulins pour des géants. Ou des géants pour des
moulins.
10.1. Qu’est-ce qu’une méconnaissance ?
C’est un mécanisme inconscient qui nous conduit à ne pas voir la réalité telle qu’elle
est. Elle se manifeste par des phrases qui sont des généralisations - ou des
minimisations - ou encore de la grandiloquence et de l’emphase.
Exemples :
1
“Ça m’étonne pas, tous les garagistes sont des voleurs” : si pour certains cette
phrase a le goût et l’odeur de la vérité, ce n’en est bien entendu pas une.
2
“10 pages à taper ! Mais j’y arriverai jamais !” : ce qui est à nouveau faux, ce
n’est sans doute qu’une question de temps. Ce qui pourrait être juste serait par
exemple : “Mais je n’y arriverai jamais en cinq minutes“.
1 Passivité , Classiques AT, Editions AT, Vol. 2, p. 139
2 Méconnaissances , ibid., p. 151
3 Cervantès, L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche , Folio Classique, Vol.1, p.113
J. Fargette
10.1
Eléments d'Analyse Transactionnelle
3
10 - Les méconnaissances
“Ouh làlà, ben vé, c’est que c’est pas la porte à côté Aubagne ” : évidemment à
pied depuis le Vieux Port ça se discute…
Les clichés sont ainsi par définition des méconnaissances de la réalité, puisqu’il
s’agit de généraliser le particulier.
Les méconnaissances sont argumentées. C’est la différence avec une simple
ignorance de la réalité. Dans ce dernier cas, vous ne savez pas, je vous donne
l’information, vous la prenez (ou pas). Si c’est une méconnaissance la perception
tronquée de la réalité n’est pas une simple erreur mais une construction de la
réalité personnelle à laquelle la personne tient et qu’elle est prête à justifier. De
fait, ses arguments sont inexacts mais suffisent à valider, à ces yeux, sa croyance.
C’est pourquoi il peut être difficile de faire prendre conscience à quelqu’un qu’il est
en pleine méconnaissance.
Exemples :
-
“L’amour c’est uniquement une question de phéromones“, “Je ne pense pas que
ce soit uniquement cela“, “Si, c’est mon père qui me l’a dit et il est médecin“.
“Les dix personnes qui sont venues sont toutes des spécialistes de la question,
je n’ai aucune chance de me faire entendre“, “Non, je vous l’ai dit seules deux
personnes le son “,”Oui, enfin c’est pareil“.
10.2. Pourquoi fait-on des méconnaissances ?
Pour de bonnes raisons ! Sinon on ne les ferait pas. Construire notre propre réalité,
voir les choses comme ça nous arrange nous permet de ne pas remettre en cause
notre vision du monde ou des autres, de ne pas toucher à nos croyances, à notre
cadre de référence. C’est aussi un excellent moyen pour ne pas voir ou ne pas
résoudre un problème (voir passivité ).
10.3. Comment ce concept peut-il aider à la résolution d’un problème ?
Évidemment ne pas appréhender la réalité telle qu’elle est peut être protecteur mais
peut aussi engendrer certains problèmes. On peut imaginer qu’à l’inverse si vous
êtes face à un problème c’est que vous êtes confrontés à une méconnaissance dont
vous n’avez pas conscience et dont la levée serait par voie de conséquence un
premier pas vers la résolution du problème.
Voici une méthodologie qui peut aider à lever une méconnaissance. Seul c’est
difficile, il est nécessaire d’avoir un regard extérieur pour voir sur quoi porte la
méconnaissance :
-
sur l’existence du problème,
sur sa signification,
sur les possibilités de changement,
sur sa capacité personnelle de changement.
10.3.1. Existence du problème
“Tu sais quoi, je me marie le mois prochain“, “Ah bon, mais tu en es à ton 6e
divorce“, “Et alors ?”
è méconnaissance sur : Où est le problème ? C’est enfin la bonne !
J. Fargette
10.2
Eléments d'Analyse Transactionnelle
10 - Les méconnaissances
10.3.2. Signification du problème
“Oui, je me marie pour la 7e fois, je me rends bien compte qu’il y a un problème,
mais bon tant pis, c’est comme ça”
è conscience du problème, méconnaissance sur les conséquences.
10.3.3. Possibilités de changement
“Oui, j’en suis à mon 7e mariage, je me rends compte que je peux pas continuer
comme ça. Je suis malheureux, mes enfants aussi, la situation est ingérable, je
n’ai plus d’argent avec toutes les pensions… Mais qu’est-ce que je peux faire
d’autre ?”
è conscience du problème et de sa portée, méconnaissance sur d’autres
façons de faire.
10.3.4. Capacité personnelle à amener le changement
“Oui, ce problème a beaucoup d’impacts sur ma vie. Tout le monde est
malheureux. Je pourrais commencer par vivre avec quelqu’un sans me marier.
Ou vivre un peu seul. Ou commencer une thérapie. Mais je n’ai ni le temps, ni
l’argent et puis je n’ai jamais vécu autrement !”
è conscience du problème, de sa portée et que d’autres façons de faire son
possible, méconnaissance sur ma capacité à agir autrement
Il est essentiel de bien cibler le niveau de méconnaissance : il est impossible de
prendre conscience d’un niveau 4 ou 3 si la méconnaissance porte sur le niveau 1
ou 2.
10.4. À noter
Une méconnaissance peut porter sur soi-même (ignorance de ses propres limites
par exemple), sur les autres ou sur le monde.
J. Fargette
10.3
Eléments d'Analyse Transactionnelle
11.
11 - La passivité
La passivité
La passivité, telle qu’elle vous est présentée ici, fait partie du triptyque passivité,
méconnaissance et symbiose conçu par Aaron et Jacqui Schiff dans le courant des
années 1970.
Voici une illustration de l’une des formes de passivité :
[Linda s'apprête à quitter son mari et l'interpelle :]
Harry, est-ce que cela te laisse indifférent ? - Il aurait tant voulu lui tendre la main, lui
demander - la supplier - de ne pas partir, mais il se sentait sans force, accablé de
douleur et de désespoir, en proie à un découragement incompréhensible et pitoyable
qui s’était abattu sur ses épaules et l’étouffait peu à peu, tel un serpent. Il sentait son
regard posé sur lui, et, plus il fixait le sol, plus il se sentait incapable de lever la tête
vers elle et de la regarder en face. Linda attendit ses protestations d’innocence
pendant une éternité, mais, devant son mutisme, elle se décida finalement à agir.
Elle alla dans la chambre, mit rapidement quelques affaires dans une valise (…).
Pendant qu’elle faisait sa valise, Harry l’entendit respirer, soupirer, aller et venir, puis
il sentit sa présence à ses côtés et son regard posé sur lui, sentit qu’elle s’éloignait,
entendit la porte se refermer et la voiture s’éloigner… Il n’y eut rien pour l’empêcher
de partir. Et il n’y eut rien pour l’empêcher, lui, de rester assis. De fixer le sol. (1)
11.1. Qu’est-ce que la passivité ?
La passivité est un ensemble de comportements dont la raison d’être pourrait se
résumer ainsi : “Comment puis-je m’y prendre pour ne pas résoudre ce problème ?”.
Bien entendu, ce n’est pas une question consciente : seul un observateur
extérieur peut se rendre compte que, quoi que fasse la personne, le problème
demeure alors qu’une solution est possible.
On distingue quatre comportements passifs.
1
L’abstention :
la personne est passive au sens premier. Elle ne fait rien.
2
La suradaptation :
la personne fait quelque chose, mais l’action ici n’a pas pour objectif de résoudre
le problème mais de faire ce qu’elle imagine que l’autre attend d’elle.
3
L’agitation :
la personne "s’agite", elle est nerveuse, ne tient pas en place : elle manifeste
souvent sa présence par des bruits parasites.
4
La violence ou “l’incapacitation“ :
la personne devient violente et blesse l’autre ou soi-même (incapacitation :
anglicisme qui a pour ambition de faire passer l’idée d’incapacité).
Exemple :
Un employé doit rendre une note sur un rapport pour le lendemain, date limite, et à
ce jour rien n’est fait.
1 Hubert Selby Jr, Le démon, 10/18, p. 259
J. Fargette
11.1
Eléments d'Analyse Transactionnelle
11 - La passivité
1
Abstention :
il regarde par la fenêtre, fais des petits dessins sur une feuille…
2
Suradaptation :
il compile les rapports des cinq dernières années sur ce thème parce qu’il
imagine que son patron apprécierait un petit préambule contextuel, ou il retape
le rapport en supprimant les fautes d’orthographe en se disant que ce sera
toujours utile…
3
Agitation :
il regarde ses mails pour la 15e fois en cinq minutes, téléphone à Pierre, à Paul,
relis pour la 10e fois la première page du rapport en tapotant son bureau avec
son stylo ou avec son pied, va chercher un café, revient…
4
Violence et “incapacitation” :
tout d’un coup il se lève, se rend chez son patron et lui envoie le rapport à la
figure et criant “J’en ai marre de ces rapports de …” ou alors il tombe
malencontreusement dans l’escalier et se brise les deux poignets.
Dans ces quatre cas, non seulement la personne n’a pas fait le travail attendu, mais
elle ne s’est même pas mise en mesure de le faire d’une manière ou d’une autre
(anticiper, demander conseil, etc.) : nous retrouvons ici une méconnaissance sur
l’existence du problème
11.2. À noter
-
La passivité est une sorte de blocage où l’énergie n’est pas orientée vers la
réalisation souhaitée. Ce “détournement d’énergie” suit ainsi souvent l’ordre
indiqué (1→4) : au début la personne méconnaît purement et simplement son
énergie, ensuite elle la met à la disposition de son “imagination”, puis, l’énergie
s’accumulant sans être utilisée, elle ne peut plus ne pas en prendre conscience
mais ne sait toujours pas qu’en faire, enfin l’énergie se “décharge” contre soi ou
les autres.
-
Il est possible d’être passif face à une situation problématique ponctuelle, mais il
est aussi possible que pour certaines personnes la passivité soit un mode de
fonctionnement relativement permanent.
11.3. Pour aller plus loin
Quel(s) lien(s) faites-vous entre comportements passifs et symbiose ? (1)
1 Un comportement passif peut être une invitation symbiotique : je n’agis pas, agissez à ma place.
J. Fargette
11.2
Eléments d'Analyse Transactionnelle
12.
12 - La symbiose
La symbiose
La symbiose est un concept passionnant, vous pourrez utilement compléter cette
lecture avec celle des articles sur la passivité et les méconnaissances.
Jeanne, héroïne de Une Vie (1), reçoit régulièrement de son fils ce type de lettre :
Ma pauvre maman, je n’ai plus qu’à me brûler la cervelle si tu ne viens pas à mon
secours (…) je dois 85 000 francs. C’est le déshonneur si je ne paye pas, la ruine,
l’impossibilité de rien faire désormais. Je suis perdu. Je te le répète, je me brûlerai la
cervelle plutôt que de survivre à cette honte. (…) Je t’embrasse du fond du cœur,
c’est peut-être pour toujours. Adieu. Paul”. Le Baron hypothéqua des terres pour se
procurer l’argent qui fut envoyé à Paul. Le jeune homme répondit trois lettres de
remerciements enthousiastes.
Vous aurez peut-être remarqué que dans cette lettre le fils ne fait aucune demande
claire et directe ? Mais sa mère et son grand-père ont néanmoins très bien compris
de quel secours il s’agissait. Dans ces conditions, il y a fort à parier que ce ne soit
qu’une question de temps avant la prochaine lettre du même acabit… Voyons
pourquoi.
12.1. Qu’est-ce que la symbiose ?
Ce concept a été élaboré dans le courant des années 1970 par Aaron et Jacqui
Schiff. Je reprends ici leur définition que je trouve particulièrement explicite : il y a
symbiose “lorsque deux personnes se comportent comme si ensemble elles ne
formaient qu’une personne complète” (2). C’est ce que l’on appelle parfois dans un
autre cadre de référence la relation fusionnelle. Par “comme si ensemble elles ne
formaient qu’une personne complète“, il faut entendre que l’un prend en charge les
besoins de l’autre, de telle sorte que, face à une situation, il y aura deux
“intervenants” au lieu d’un.
Précisons tout de suite que la symbiose n’est pas synonyme de pathologie ! Et
heureusement : que l’on songe par exemple à un moment intense d’une relation
amoureuse, voilà ce qui peut être une relation symbiotique nageant dans le
bonheur…
Cependant, dans la mesure où j’ai besoin de l’autre pour “former une personne
complète“, il peut être utile de savoir où je me situe dans la relation à l’autre
(conjoint, enfants, collègues…).
Exemples :
-
“Je ne m’occupe jamais des comptes, c’est mon mari qui s’en charge.”
sur cet aspect cette femme s’appuie sur son mari pour une tâche qu’elle pourrait
sans doute faire elle-même, elle est ici dépendante, prise en charge. Il est fort
probable que si son mari ne le fait pas personne ne le fera. Cette situation est
très fréquente (et pratique) mais peut aussi être le support de jeux de pouvoir ou
poser problème en cas de séparation.
-
Entre collègues : “Le patron m’a encore donné un dossier ingérable“, “Laisse, je
vais le faire“.
1 G. de Maupassant, Une Vie, Folio, p.235
2 A. et J. Schiff, “Passivité“, Classiques AT, Editions d’AT, Vol. 2, p. 139
J. Fargette
12.1
Eléments d'Analyse Transactionnelle
12 - La symbiose
Ici, sans le demander directement, le premier a besoin du second pour faire son
travail. Au bout d’un certain nombre de fois, le premier peut utilement se
demander ce qu’il fait à son poste par exemple, et le second s’interroger sur
l’utilité qu’il se donne en faisant le travail de son collègue.
Dans ces deux exemples, il y a bien deux “intervenants” au lieu d’un. On aperçoit
bien le besoin pris en charge au bénéfice de la personne en dépendance et
l’avantage qu’elle en tire. Cependant, la relation est à double sens : alors en quoi la
personne qui prend en charge a-t-elle besoin de l’autre pour être une “personne
complète” puisqu’elle a l’air, elle, d’être indépendante ?
Pour de nombreuses raisons : dans le premier exemple le mari, en s’occupant des
comptes, peut avoir troqué cette tâche contre celle du ménage que sa femme
assume seule (permet un donnant-donnant). Ou alors, il peut penser qu’en se
rendant utile, voire indispensable, aux yeux de sa femme en faisant les comptes
mais aussi les courses, la vaisselle… elle ne le quittera pas. Dans le second
exemple, le collègue “aidant” peut tout simplement avoir des journées creuses qu’il
ne sait comment remplir par lui-même. Ou alors, quand il sera de notoriété publique
que c’est lui qui fait tout, il pourra se faire valoir aux yeux de son patron au détriment
de son collègue.
La personne qui prend en charge a tout autant besoin de l’autre.
12.2. Comment repérer une relation symbiotique ?
Pas simple pour les parties prenantes. Un indice comportemental peut nous y aider :
lorsque l’un demande à l’autre de faire ce qu’il pourrait faire lui-même généralement d’une manière détournée - ou lorsque l’un fait pour l’autre ce que
celui-ci pourrait faire tout seul (n’oubliez pas : la symbiose “marche” dans les deux
sens).
Exemples :
-
“Il faudra aller chercher la petite après son sport“, dit une mère à son mari. Vous
apercevez à présent que si la phrase est au sens strict la transmission d’une
information, en réalité c’est une demande indirecte de madame à monsieur
d’aller chercher leur fille (on retrouve la différence entre le niveau social et le
niveau psychologique - voir les transactions cachées).
-
Une mère, rangeant la chambre de son fils, lui dit, alors qu’il joue aux jeux
vidéos : “Tu pourrais ranger ta chambre quand même”,
La symbiose a une logique interactionnelle simple que l’exemple de Jeanne met
clairement en évidence. Le fils attend de sa mère de l’argent : sa mère lui donne. Et
sans doute lui donnera-t elle à chaque fois qu’il se positionnera ainsi. Dans ces
conditions, pourquoi le fils arrêterait-il de solliciter sa mère ? Mais s’il compte sur sa
mère, comment peut-il réfléchir à une autre solution puisqu’il n’en a pas la
nécessité ? De son côté, si sa mère ne lui dit pas qu’elle court à la ruine, le fils n’a,
une nouvelle fois, aucune raison d’arrêter. C’est un cercle qui s’auto-alimente.
12.3. À noter :
On appelle les demandes faites d’une manière indirecte, les “invitations
symbiotiques“, elles invitent à la symbiose : l’autre peut l’accepter et prendre en
charge, l’ignorer ou la reformuler pour faire en sorte que la demande soit dite
expressement (mettre à jour le niveau caché de la demande).
J. Fargette
12.2
Eléments d'Analyse Transactionnelle
13.
13 - Le scénario
Le scénario
In Manu Larcenet, On fera avec, les Rêveurs, Coll. “On verra bien”.
À mon avis, le scénario est le concept AT le plus complexe. Il est dense, avec de
multiples ramifications et de nombreux auteurs ont complété les éléments mis à jour
par Eric Berne. Ce que je me propose ici c’est de vous donner simplement
l’économie globale de ce concept : je vous préviens donc que probablement vous
qui venez sur cette page avec une seule interrogation (”Mais c’est quoi le
scénario ??“) vous en repartirez avec beaucoup plus ! Si votre envie de savoir est
insoutenable, n’hésitez pas à me contacter ou à vous plonger dans un manuel !
13.1. La philosophie du scénario en AT
Pour Eric Berne et d’autres analystes transactionnels, nous naissons "Prince" ou
"Princesse", c’est-à-dire dans une position fondamentale +/+. Le petit enfant fait
ensuite l’apprentissage de la vie et du monde par le biais, majoritairement au départ,
de sa famille. Au fur et à mesure que l’enfant grandit, il apprend ce qu’il est
conseillé/obligatoire/possible/pas recommandé/impossible de faire/dire/sentir selon
notre environnement. Il observe, découvre, teste, enregistre : comment il est
accueilli, si ses besoins sont satisfaits ou non ou sous quelles conditions, etc. ses
parents lui transmettent des croyances, des désirs, des frustrations inconsciemment
et parfois consciemment.
Pour les analystes transactionnels aussi, beaucoup de "choses" se passent avant 6
ans (mais pas tout !). De ses premières expériences de vie, de ses différentes
expérimentations et de ce qu’il a perçu de la réaction de ses parents, de leur
manière d’être au monde, l’enfant se forge ainsi un certain nombre de croyances
(qui pour lui sont certitudes) sur lui-même, les autres et le monde : et tout
naturellement, il tire de ses croyances, des conclusions puis des décisions sur ce
qu’il fera dans sa vie et comment il le fera. Il est entendu que tout ce processus est
inconscient.
J. Fargette
13.1
Eléments d'Analyse Transactionnelle
13 - Le scénario
Ce "plan de vie" comme le nomme Eric Berne (1) comporte à la fois des éléments
négatifs (avec un impact difficile pour lui ou son entourage) ou positifs. Dans la
mesure, où le scénario est enfermant, c’est-à-dire que c’est une réduction et une
répétition des possibles, il est en effet souvent perçu comme un carcan. Il est utile
de souligner que, pour les analystes transactionnels, le scénario que l’enfant a mis
en place est pour lui et à ce moment là, la meilleure option possible. Ce qui n’est
plus le cas une fois adulte.
En effet, l’enfant grandit sur la base de ses croyances et en fonction de ses
décisions prises… mais l’environnement change, il n’y a plus seulement sa famille
ou l’école, mais la possibilité de se créer un réseau relationnel, affectif,
professionnel, de loisirs… Avec autant de comportements, d’échanges, de façons
d’être, de réalisations possibles… sauf à faire le tri et à conserver ce que nous
connaissons (même à regrets) et à rejeter les autres possibilités qui ne cadrent pas
avec notre vision de nous-mêmes ou du monde. L’idée est alors de revisiter ses
croyances scénariques qui, aujourd’hui, ne sont peut-être plus adaptées, de se
réapproprier ses modèles introjectés, de s’assurer du plus grand contact possible
avec la réalité telle qu’elle est, en un mot : de conscientiser.
13.2. Le matériel de scénario
On appelle ainsi les éléments constitutifs du scénario, en voici cinq essentiels :
13.2.1. Les injonctions et les permissions
Imaginez un continuum avec à une extrémité les injonctions, à l’autre les
permissions.
Lorsque le curseur penche du côté injonctions, les parents délivrent à leur enfant
des messages d’interdits, négatifs : on parle aussi de messages inhibiteurs (de
l’Enfant libre au sens États du moi). À l’inverse, du côté des permissions, ce sont
des messages positifs, d’autorisation.
En tous les cas, il s’agit de messages inconscients verbaux ou non verbaux
(niveau psychologique). Les injonctions sont multiples, on les regroupe souvent en
12 grandes catégories : par exemple une injonction de type "N’existe pas" peut
conduire le destinataire à des comportements suicidaires, "Ne grandis pas" inhibe la
personne dans tout ou partie de sa vie (incapacité à se prendre en charge…).
13.2.2. Le programme
Le programme est le "mode d’emploi" comportemental fournit par les parents à
l’enfant pour lui montrer comment concrètement mettre en œuvre les injonctions et
les permissions. (Exemple : quelqu’un qui aurait une injonction "ne sois pas proche"
et une contre-injonction du type "Il faut être marié et avoir trois enfants", pourra
combiner le tout en étant marié et en étant systématiquement en voyage d’affaires,
ou infirmière de nuit - ce qui, je le précise, n’est pas le cas de tous les voyageurs
d’affaires ou de toutes les infirmières de nuit…).
13.2.3. Les contre-injonctions
Les contre-injonctions sont également appelées "messages contraignants", ce sont
des messages verbaux destinés à enseigner à l’enfant un comportement en société.
Ils sont bien sûr essentiels à un savoir vivre en commun. À l’inverse, s’ils sont trop
1 E. Berne, Que dites-vous après avoir dit bonjour ?, TCHOU, 1972
J. Fargette
13.2
Eléments d'Analyse Transactionnelle
13 - Le scénario
prégnants, on pourra retrouver chez la personne l’empreinte forte d’un "masque
social" ("Les gens bien sous tous rapports").
13.2.4. La décision scénarique
En fonction des divers messages et signes de reconnaissance que l’enfant reçoit, de
ses expériences, il "décide", inconsciemment, de ce qu’il va en faire et de ce qu’il va
mettre en œuvre dans sa vie : "Puisque c’est comme ça je vais… je serai…". À la
décision cognitive s’ajoute également un vécu émotionnel, corporel et affectif.
Il est possible de représenter la construction du scénario par un schéma comme suit
que l’on appelle "matrice de scénario". Voici une matrice de scénario telle que
Claude Steiner (1) la propose (fig. 13.1). Vous découvrez ainsi une première mise en
pratique des États du moi.
fig. 13.1 Matrice de scénario
13.3. À noter :
-
Il existe différents niveaux de gravité de l’aspect négatif du scénario : du niveau
vital - la tragédie pure et dure de l’adolescent ou de l’adulte qui s’autodétruit par
l’un des nombreux moyens à sa disposition, ou la femme battue par exemple au niveau difficile à vivre mais où la vie n’est pas en jeu a priori : "l’incompétence
affective" chronique, etc. Il y a également des scénarios très positifs : je rêve
d’être un grand marin, je le deviens et j’en suis très heureux, j’ai vraiment le
sentiment d’être et de faire ce pour quoi je suis là.
-
Le scénario ne se construit pas seulement sur la base d’éléments reçus des
parents, mais sur l’interprétation que l’enfant en a fait.
-
On retrouve dans la notion de répétition scénarique le parallèle avec celle de
“compulsion de répétition” du cadre de référence psychanalytique.
-
Si le scénario c’est "ma vie telle que je la prévois", il est clair cependant que
beaucoup d’événements indépendants de ma volonté vont arriver. Il n’empêche
1 C. Steiner, Des scénarios et des hommes, EPI, 1984
J. Fargette
13.3
Eléments d'Analyse Transactionnelle
13 - Le scénario
pas que la manière dont je vais vivre cet événement va être marquée du sceau
du scénario : l’Etat préempte mon terrain pour construire une autoroute ? “C’est
scandaleux” ou “Ça n’arrive qu’à moi, et puis on aurait jamais du venir s’installer
ici”, etc. ou “C’est l’occasion que je cherchais pour vendre sans aucune
démarche”, “Je vais en avoir un bon prix”…
-
J. Fargette
À la lumière de ce concept, aller vers l’autonomie au sens AT c’est se libérer des
aspects négatifs de son scénario ; retrouver une pleine marge d’action, de
penser, de sentir, être au monde en toute conscience.
13.4
Eléments d'Analyse Transactionnelle
14.
14 - L’autonomie
L’autonomie
L’autonomie, selon Eric Berne, c’est un chemin. Devenir autonome, en Analyse
transactionnelle, c’est développer la faculté à parcourir la vie en faisant des choix
clairs et en les assumant, à avoir conscience de ses propres besoins et à savoir les
satisfaire.
Si je fais référence au concept de scénario, être autonome consiste à ne plus être
soumis aux aspects négatifs de son scénario (des schémas de répétition
notamment).
14.1. Quels sont les critères de l’autonomie ?
Devenir autonome, pour Eric Berne, cela signifie élargir et amplifier nos
compétences à :
14.1.1. Avoir une conscience claire
Je suis en contact avec la réalité, avec l’ici et maintenant - et non avec l’ailleurs à un
autre moment, passé ou futur. Cela signifie que j’accepte la réalité telle qu’elle est,
que je ne la filtre pas ou que je ne la déforme pas et que j’ai conscience des
conséquences de mes choix. J’ai ainsi conscience par exemple que le temps qui
passe ne reviendra plus, je ne confonds pas mon conjoint et l’un de mes parents,
etc.
14.1.2. Etre spontané
J’utilise mes trois Etats du moi avec fluidité, librement et en conscience. Je ne suis
pas bloqué dans l’un d’eux : j’ai à ma disposition un large panel de réactions à
l’environnement et je m’en sers avec justesse et cohérence (voir les États du moi l’illustration du paragraphe “Quels sont les liens entre États du moi structurels et
fonctionnels ?“)
14.1.3. Etre capable d’intimité
Je suis capable d’être dans une relation authentique avec l’autre, je peux partager
des moments d’émotions vraies - et non jouées - sans jugements ou inhibitions : la
joie sûrement, mais je peux aussi exprimer, montrer ma colère ou ma peur et
demander à être rassuré.
14.2. À noter :
-
L’intimité correspond à la même notion que celle que vous pouvez trouver dans
la structuration du temps.
-
Dans le champ organisation le concept d’autonomie trouve aussi toute sa place ;
il est possible d’aider une entreprise à avoir une plus grande autonomie (sortir
des processus négatifs - conflits, passivité… - et retrouver le chemin de la pleine
activité).
J. Fargette
14.1
Eléments d'Analyse Transactionnelle
15.
15 - Annexes
Annexes
15.1. Eric Berne
Eric Berne à l'ouvrage
“Allez mieux d’abord, on analysera ensuite si vous le voulez ” (Eric Berne - Que
dites-vous après avoir dit Bonjour ?)
Eric Berne (1910-1970), médecin psychiatre américain, est le fondateur de l’Analyse
Transactionnelle.
Eric Berne est né à Montréal le 10 mai 1910 d’un père, David, médecin généraliste
et d’une mère, Sarah, écrivain et éditeur. Sa famille est originaire de Pologne et de
Russie. Il a une sœur cadette, Grace.
Son père meurt de tuberculose à l’âge de 38 ans, alors qu’Eric n’en a que 9. C’est
une épreuve très difficile pour lui. Lorsque vient le choix des études pour Eric sa
mère l’encourage à faire médecine : il devient docteur en médecine en 1935, à 25
ans. Il fait son internat en psychiatrie à la faculté de médecine de l’université de
Yale.
En 1938/1939, Eric obtient la nationalité américaine et change son nom, initialement
Eric Lennard Bernstein. Il se marie en 1940 avec Elinor avec qui il aura deux
enfants, Ellen et Peter, avant de s’en séparer après la guerre.
En 1941, il commence sa formation de psychanalyste et suit une analyse pendant
deux ans avec Paul Federn, analyse qu’il poursuivra après la guerre en 1947 avec
Erik Erikson. De 1943 à 1946, il est engagé comme psychanalyste dans le corps
médical de l’armée des États-Unis : il y dirige des thérapies de groupe. Lors de ces
premières années de pratique, il est frappé par la force et la pertinence d’un élément
jusqu’alors négligé : l’intuition. Il rédige un premier article, La Nature de l’Intuition,
sur lequel il fera une communication au Congrès annuel commun des Sociétés de
Psychanalyse de San Francisco et de Los Angeles en 1947.
Il emménage définitivement à Carmel, près de San Francisco, en 1946, seul d’abord
puis avec sa seconde épouse Dorothy. Ils auront ensemble deux enfants, Ricky et
Terry. Ils divorceront en 1964.
J. Fargette
15.1
Eléments d'Analyse Transactionnelle
15 - Annexes
En 1948, il entreprend un tour du monde à visée autant professionnelle que privée
puisqu’il visite dès qu’il le peut un hôpital psychiatrique pour enrichir sa
connaissance globale de la santé mentale.
À partir de 1950, en marge de ses activités de psychiatre, Eric Berne met en place
des séminaires avec des cliniciens destinés à réfléchir et à valider ces nouvelles
perspectives qui sont, sur certains points, critiques à l’égard de la psychanalyse. Il
poursuit néanmoins en parallèle sa formation de psychanalyste et postule à ce titre
en 1956 : il est refusé. L’échec de ce projet sur lequel il travaille depuis dix ans est
une immense déception. Il sera pourtant fondateur : à partir de cet instant Eric Berne
décide de rompre définitivement avec la psychanalyse et de fonder une nouvelle
approche de la psychothérapie.
Dès 1956-57, s’appuyant sur l’expérience de ses séminaires, Eric Berne publie alors
une série d’articles dont l’un porte d’ores et déjà le titre : “Analyse Transactionnelle :
une nouvelle méthode efficace de thérapie de groupe”. Les concepts d’états du moi,
de jeux psychologiques et de scénario sont déjà mis à jour ! L’œuvre est sidérante :
il crée quasiment ex nihilo et en très peu de temps un nouvel outil totalement
indépendant de la psychanalyse (même si des éléments fondamentaux comme la
notion d’inconscient sont repris).
Avec un groupe de chercheurs issus de ses séminaires, dont Claude Steiner,
rencontré en 1958 et Stephen Karpman, psychologues cliniciens et thérapeutes, il
lance l’édition du Transactional Analysis Bulletin (qui deviendra le Transactional
Analysis Journal en 1971) dont le premier numéro sort en 1962. En 1964, en
réponse au nombre de praticiens de l’AT hors Etats-Unis, ils fondent ensemble
l’International Transactional Analysis Association (ITAA).
Les années 1964-1970 furent des années de travail intense. Eric Berne compose
ses œuvres majeures, notamment Des Jeux et des Hommes et Que dites-vous
après avoir dit Bonjour ? Sur le plan personnel, il divorce en 1970 de sa femme Torri
épousée en 1967.
Il décède le 15 juillet 1970, à l’âge de 60 ans, d’un arrêt cardiaque.
L’œuvre révolutionnaire d’Eric Berne est orientée vers un seul objectif : “guérir” au
plus vite, tel un médecin. Et pour cela, construire une théorie avec des mots simples
pour faciliter notamment la relation thérapeute-client et permettre à celui-ci de
s’approprier l’outil thérapeutique au lieu d’en faire l’apanage du spécialiste.
(Sources : Eric Berne, esquisse biographique, W. Cheney, Classiques AT, Editions
AT, Vol. 1, p. 12-19 & Manuel d’Analyse Transactionnelle, I. Stewart et V. Joines,
InterEditions, 1991, p. 341)
J. Fargette
15.2
Eléments d'Analyse Transactionnelle
16.
16 - Sources
Sources
Ce document est totalement issu de la référence suivante :
-
H. Schyns
Analyse transactionnelle de A à Z (L')
Jérôme Fargette
http://www.analysetransactionnelle.fr
16.1