Zibeline n°38 en PDF

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Zibeline n°38 en PDF
38
Du 16/02/11 au 16/03/11 | un gratuit qui se lit
Au
chevet
de la
Culture
POLITIQUE CULTURELLE
Colloque Drac, Opéra de Marseille
Marseille Centre
Les musiques actuelles
Sciences et économie
Le MuCEM
Entretien avec Gérard Noiriel
THÉÂTRE
La Minoterie, le Gymnase, les Bernardines
La Friche, Sirènes et midi net,
Théâtre du Petit Matin, Toursky
La Criée, le Lenche, le Gyptis
Jeu de Paume, Toursky
Vitez, Parvis des arts
Martigues, Aubagne
Arles
Avignon, Istres, Château-Arnoux
Au programme
DANSE
Aubagne, Pavillon Noir, Merlan
Nîmes, GTP
Avignon, Draguignan
Au programme
5
6, 7
8, 9
10
11
12, 13
14
16
18, 19
20
21
22
23
24, 25
26 à 29
30
31
32
33
MUSIQUE
Opéra
Chambre, récital
Symphonique, contemporaine
Au programme
Actuelle
34, 35
36, 37
38, 39
40 à 45
46, 47
JEUNESSE
Musée Ziem, Prix des lycéens et apprentis
Toursky, Cavaillon, Port-de-Bouc
Pavillon Noir, Massalia, Ouest Provence, Berre
Massalia, Le Revest, Sainte Maxime
Au programme
Livres
48
49
50
51
52, 53
54, 55
ARTS VISUELS
Arles, Aix-en-Provence
Toulon, Aubagne
Au programme
56
57
58, 59
CINEMA
Les rendez-vous d’Annie
Manosque, les Variétés
ICI, semaine du son, Institut de l’image
Les Variétés, Clermont-Ferrand
60
61
62
63
LIVRES
Rencontres
Littérature
Livres/disques
Livres/Arts
64 à 66
67 à 69
70, 71
72, 73
RENCONTRES
Au programme
74, 75
HISTOIRE
Echange et diffusion des savoirs
ABD Gaston Defferre, le Pharo
76
77
ADHÉRENTS
78
Où sont les arts ?
Le sentiment de beauté est la chose la plus précieuse du monde,
et la plus volatile. On peut passer des journées, des années, une
vie sans y toucher, mais il peut surgir sans qu’on y songe, et
vous saisir soudain. Les philosophes depuis des millénaires cherchent à en définir la source : imitation, perfection, harmonie,
transcendance, satisfaction d’un désir inconscient… tous nous
disent qu’il nous est nécessaire, et fait de nous des humains.
On peut l’éprouver sans recours à l’art, au détour d’une ascension, d’un sourire, en admirant le visage ébloui de cette jeune
femme qui repeint en vert, au petit matin, les barrières de la
Place Tahrir. Certains l’expérimentent dans une passe de footballeur, les décors factices de Disneyland, les clips d’ados attardés
aux coiffures voluptueusement sculptées. D’autres dans la
violence exhibée, la pornographie, les indécents déballages de
joie des jeux télévisés, de la télé réalité. Les portes d’accès au
sentiment de beauté varient, et ne se valent pas toutes…
Mais il est certain que les artistes se coltinent à ça. À bras-lecorps, quotidiennement. Pour le faire surgir d’une réplique, d’une
dynamique d’archet, de l’exacte échelle d’un plan, d’une couleur,
d’un corps qui s’élève. Et par la conjonction de tout cela, pensé
ensemble, travaillé, répété, ressenti.
Le sentiment de beauté est fragile. Celui que l’on construit pour
le faire éprouver à l’autre est plus ténu encore, plus rare et inestimable. Il témoigne de l’état du monde selon l’endroit où il
s’épanche, son degré de douleur et d’ordure, son amplitude, sa
profondeur, son chatoiement. C’est cette beauté-là que les artistes nous offrent. Par leur travail, leurs souffrances, leurs plongées
intimes, leur nombrilisme, leur sensibilité instinctuelle et leurs
agaçants aveuglements. Et parce que la beauté qu’on ne peut
atteindre brûle ceux qui la regardent avec envie, les hommes de
pouvoir, souvent, amputent les ailes d’Icare.
Ceux qui nous gouvernent aujourd’hui mutilent les artistes en les
privant des moyens minimaux de production, en les maintenant
dans une précarité déstabilisante, en les poussant à la marge
des maisons d’art gouvernées par des technocrates plus ou moins
éclairés qui les protègent, ou les assèchent. En leur demandant
de construire des projets, et non des œuvres, et de résoudre les
problèmes de la cité, ce qu’ils ne peuvent faire qu’incidemment.
Et en appelant sur eux l’opprobre et la méfiance, alors qu’ils ont
tant besoin d’être aimés.
Le monde change. Là-bas, sur l’autre rive, ici, bientôt. Il faut
que les artistes puissent nous aider à le rêver.
AGNÈS FRESCHEL
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COLLOQUE DRAC | OPÉRA DE MARSEILLE
POLITIQUE CULTURELLE
05
La carpe et le lapin
Paca) signait le même jour la création de son
propre fonds de dotation et l’ouverture d’un compte
Axa. Désengagement de l’État oblige, mais avec son
soutien : ce fonds, qui offre une déduction fiscale
de 60% aux entreprises, est un outil pour récolter
des fonds privés pour un projet d’intérêt général.
Catherine Bergeal, directrice des affaires
juridiques au ministère de l’Économie, rappelle la
philosophie générale : «C’est un outil attractif qui
contrairement aux principes de fondation peut rester
dans la main de ses fondateurs et être créé par une
simple déclaration en préfecture. Il bénéficie du
régime fiscal du mécénat.» Le bilan 2010 serait
exponentiel : 533 fonds créés (Île de France et Paca
en tête des régions), 250 millions d’euros investis.
Un outil promu largement par les DRAC qui suscite
l’intérêt de comptables et notaires qui veulent
mettre leurs compétences en matière de
C’est la rencontre du monde de la culture et de
l’entreprise. Certains diraient de la carpe et du
lapin. D’autres parlent d’un «début de révolution»,
et projettent ainsi l’avenir du financement de la
culture grâce à un nouvel outil : le fonds de
dotation, issu de la loi Aillagon sur le mécénat
culturel en 2003 et de la loi de modernisation de
l’économie de 2008.
Premier dans le genre, le colloque, initié par les
DRAC Languedoc Roussillon et PACA sur le fonds
de dotation, un outil patrimonial au service de
l’intérêt général, réunissait des notaires des cours
d’appels de Nîmes et Montpellier, l’ordre des experts
comptables de la région de Montpellier et le groupe
Axa. Il s’est tenu devant 300 invités à la
Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon : le Centre
National des Écritures de la Scène, dirigé par
François de Banes Gardonne (qui fut DRAC en
Opiner du Chef !
Entre les triomphes de Cavalleria-Paillasse et
l’extraordinaire concert de Juan Diego Florès (voir
p 34), Jeanine Imbert, conseillère municipale,
déléguée à l’opéra et Maurice Xiberras, directeur
artistique, étaient ravis de présenter Fabrizio
Maria Carminati qui a déjà dirigé l’orchestre de
l’opéra (Il Pirata 2009, Chénier 2010) ; les
musiciens comme les membres des chœurs
semblent travailler en bonne harmonie avec ce
chef, directeur artistique des Arènes de Vérone et
du Théâtre Donizetti de Bergame (2000-2006). Il
dirigera certaines productions lyriques (deux l’an
prochain) et symphoniques. «J’aime Marseille et la
Fabrizio Maria Carminati, Jeanine Imbert et Marice Xiberras © Yves Bergé
chaleur pour l’art lyrique d’un public de connaisseurs.
Je suis ravi de travailler avec une équipe soudée
autour du passionné Maurice Xiberras.» Mais
Jeanine Imbert se plaignit de l’absence de
subventions des collectivités locales : «La Mairie
de Marseille finance l’opéra à 100%, à hauteur de 16
M €, budget maintenu, alors que les 3900 abonnés
viennent de la Région !» Sans préciser que pour
obtenir des financements, devenir pôle régional ou
opéra national, il faut répondre à des cahiers des
charges, passer commande à des compositeurs,
jouer certains répertoires. Si l’Opéra de Marseille a
fait ces dernières années des progrès spectaculaires
quant à la qualité des concerts, aux actions
pédagogiques et à la programmation des concerts,
la maison s’aventure très exceptionnellement
jusqu’à Wozzeck (voir p 40), qui a près d’un siècle !
Mais tout cela change ! On apprend la nomination
d’Audrey Barrière précédemment attachée de
production à Rouen et à l’orchestre National de
France, comme administratrice de l’orchestre. Un
concours de super soliste (violon) est aussi
programmé. Les travaux extérieurs, si nécessaires,
débuteront en juin 2011, mais l’activité musicale
continuera. Ce n’est qu’en 2014 que l’opéra fermera
pendant deux saisons pour les travaux intérieurs.
Le Silo d’Arenc-La Joliette, géré par une Délégation de Service Public, accueillera les productions
qui devront s’adapter. Saisons hors les murs, comme
à Lyon. Maurice Xiberras prit soin de rappeler que
la qualité ne pâtira pas de cet exil obligé. Le coût
de ces aménagements est estimé à 3 millions
d’euros. On rappelle, enfin, les actions culturelles
essentielles avec les établissements scolaires et
hospitaliers. Beaucoup de chaleur, de motivation
émanent visiblement de la direction et des
responsables culturels municipaux : cette vieille
maison doit faire peau neuve et pérenniser de
nouvelles exigences. Toujours en solitaire ?
YVES BERGÉ
défiscalisation et de droit au service de la culture
et s’engagent à «promouvoir le mécénat et expliquer
aux entreprises que c’est un réel outil de
communication et de valorisation.» «On constate un
désir croissant de donner un sens à son patrimoine
et la volonté de passer d’une logique de rentabilité
à des logiques d’implication» résume Cyril Coste,
inspecteur patrimonial pour Axa.
Un mariage intéressé, dans la droite ligne de la
«culture pour chacun» prônée par l’actuel ministre
de la Culture.
DELPHINE MICHELANGELI
Le Colloque s’est tenu à la Chartreuse de
Villeneuve-lez-Avignon le 20 janvier en partenariat
avec les jeudis du mécénat du ministère
de la Culture et de la Communication.
06
POLITIQUE CULTURELLE
MARSEILLE CENTRE
LaCulture au
des enjeux
cœur
Deux réunions débats ont eu lieu la même semaine
sur le développement culturel et économique
de Marseille !
Le premier, organisé le 4 février par la Mairie du premier
secteur à la Bourse, réunissait un plateau d’intervenants choisis : Michel Pezet1, Daniel Hermann2,
Dominique Bluzet, Macha Makeïeff, Nicolas Karmitz3
et Jacques Pfister4, autour de Patrick Mennucci, viceprésident délégué à la Culture de la région Paca, et
maire du Premier secteur de Marseille.
Celui-ci ne cache pas son ambition de transformer le
centre-ville de Marseille, de le redynamiser grâce à un
soutien actif à la vie culturelle et associative. Tout à
fait conscient des dangers de la gentrification, il confie
qu’il veut transformer le quartier Noailles en précisant
qu’il faut en «changer le visage sans changer les visages». Sans exclure, donc. Que révéla cette première
réunion, destinée à lancer la saison culturelle 2011 ?
Tout d’abord une immense mobilisation : le grand hall
de la Bourse débordait littéralement de monde, on dut
ouvrir la coursive supérieure (voir notre couverture),
puis refuser l’entrée à des arrivants de plus en plus nombreux qui tentaient même l’assaut par derrière… C’était
évident : les mondes culturels, économiques et politiques
avaient répondu présent à l’appel mobilisateur autour
du développement culturel !
Le débat, en revanche, ne fut pas d’une très grande qualité, les questions de l’animateur («Comment pensez-vous
à la culture en vous rasant le matin», qu’il rectifia d’un
«maquillant» pour Macha Makeïeff…) ne permettaient
pas d’aller au fond des choses. Quelques remarques
bienvenues cependant : c’est Jacques Pfister qui,
paradoxalement, nota que l’important n’est pas que
la culture soit un ressort économique ! Mais qu’elle entre au cœur de la vie, pour la transformer, en particulier
celle des salariés et des entreprises. Macha Makeïeff,
visiblement peu concernée par la teneur des propos,
essaya d’amener le débat sur «les territoires rêvés de
l’art», mais il fut essentiellement question des investissements des collectivités -ce qui est le rôle essentiel
des élus en termes de politique culturelle- et d’actions
de démocratisation et de mécénat, en particulier de
l’ASSAMI, réseau des Mécènes Intelligents mis en
place par Dominique Bluzet.
Quant à l’art, comme souvent dans ces contextes, il fut
maltraité ! Cinq percussionnistes issus de l’Orchestre
des Jeunes de la Méditerranée interprétèrent des
arrangements devant un public parsemé -les autres
étaient au buffet- qui dut se resserrer pour les entendre… Revers de l’enthousiasme suscité ? Sans doute !
Mais il faudrait prendre garde au risque que l’objet de
la culture lui-même (c’est-à-dire une émancipation
des êtres par l’accès à la pensée et aux arts ?) ne disparaisse pas au cours de l’élan censé le susciter.
À l’opposé
© Agnes Mellon
Quelques jours plus tard un autre débat, confidentiel,
au petit théâtre de la Friche : devant une poignée de
spectateurs et journalistes frigorifiés (les conditions
d’accueil du public à la Friche restent scandaleusement
misérables), des intellectuels, sociologues, militants
associatifs, artistes, opérateurs culturels exposaient les
résultats de la réflexion qu’ils mènent ensemble depuis 2009, régulièrement, lors de réunions mensuelles.
Chacun ayant observé les formes de ségrégation urbaine, et les effets des capitales culturelles sur les
villes, en particulier ce qu’il en advient après, ce collectif se présente comme un espace de réflexion qui vise
à mettre en garde, à pointer les effets pervers, voire à
prescrire des choix préventifs. Et à militer s’il le faut
contre de mauvaises décisions, contre l’abandon que
vivent certaines associations culturelles aujourd’hui.
Un comité de veille, dont vous pouvez consulter le travail
sur leur tout nouveau site, www.pensonslematin.org, et
auquel vous pouvez vous inscrire !
On y pense l’articulation entre artistique, politique et
citoyen, on y démonte les dérives immobilières, on y
parle d’urbanisme, des choix culturels des autres villes
européennes. Mais là encore il est peu question de
l’objet artistique lui-même, et plutôt des lieux et
moyens de production que des objets produits, ou des
artistes, ou des pratiques culturelles.
Car au-delà du danger d’instrumentaliser la Culture pour
en faire simplement un levier économique, ou politique, au service ou non d’une ségrégation urbaine, le
risque demeure d’oublier l’enjeu culturel lui-même.
Qui est de produire et diffuser de l’art et de la pensée.
Pour cela il faut avoir les moyens de l’élaborer. Économiques mais pas seulement : on demande de plus en
plus aux artistes et aux opérateurs culturels des
comptes sur leur impact dans la cité, en termes de
pédagogie, de notoriété, de gestion. Rarement en
termes de pertinence artistique, d’inventivité, d’esthétique, de force émotionnelle, de plongée subjective.
Les artistes et écrivains en souffrent, ont du mal à se
faire entendre, se font représenter pas des relais,
administratifs, producteurs, consultants ou communicants, qui transforment leur parole, les convainquent
d’entrer dans des schémas, des thématiques, des
saisons, des impératifs de productions. Cette tendance
actuelle appauvrit la création, et l’édition : l’exclusion
des artistes du cœur des maisons d’arts a commencé,
gentrification d’un autre genre...
AGNÈS FRESCHEL
1
Vice-président du CG13 en charge de la Culture
Adjoint à la culture de Marseille
3
Fils de Marin Karmitz, fondateur
du réseau MK2
4
Président de la CCIMP et de MP13
2
Opérateur
culturel
Pour transformer le centre-ville, Patrick Mennucci
met en place une politique, inédite à cette échelle, et
se transforme en opérateur culturel : non content de
soutenir la vie associative et culturelle des 1er et 7e
arrondissements, la mairie du Premier Secteur devient
programmateur !
Dès cet été le Théâtre Silvain accueillera des séances
de cinéma, mais aussi des concerts symphoniques, la
retransmission en direct de La Traviata du Festival d’Aix…
D’ici là le Kiosque à musique de la Canebière accueillera Latcho Divano, Kabbalah, Marion Rampal, Ysae,
un tremplin rock. La mairie du 1/7 soutient également
AFLAM et son festival de cinéma arabe, les Belsunciades, la Rue du Flamenco, le FID, et bien sûr le
Festival du livre de la Canebière.
A la rentrée la Mairie accueillera Préavis de désordre
Urbain, soutiendra Mouv’art, les Portes Ouvertes
Consolat… Bref, tout ce que le centre-ville compte
d’initiatives associatives citoyennes semble trouver
une oreille attentive. D’autres preuves : l’Espace Dugommier et ses ateliers d’écriture et d’alphabétisation en
phase avec des conférences et expositions, pour que les
plus éloignés de la culture croisent des œuvres. La
Galerie Mourlot et son fameux prix, qui s’attache à
découvrir et promouvoir des talents contemporains.
La Salle des Lices, dans le 7e arrondissement, qui
servira de lieu de répétitions et de pré-création aux
compagnies qui en sont privées.
Le but avoué de cette politique volontariste ? Amener
les classes populaires à s’emparer de la culture en leur
offrant des voies d’accès, et des propositions abordables tant financièrement que par leur côté grand
public : pas question ici d’élaborer une culture fine et
complexe, nécessitant pour y aborder de s’échiner sur
des chemins ardus. Mais ouvrir au plus grand nombre
les chemins de l’art est sans aucun doute une étape
nécessaire aujourd’hui. A.F.
www.mairiedupremiersecteur.fr
POLITIQUE CULTURELLE
07
Faut-il désirer la gentrification ?
Gentry : petite noblesse anglaise… Le terme de gentrification fleurit sous les plumes des sociologues, des
journalistes, des politiques, pour désigner les changements qui interviennent dans certains quartiers lors de
mutations économiques et urbanistiques. Celles qui
favorisent l’arrivée de classes moyennes/aisées qui
consomment, exigent des équipements et des services,
mais poussent dehors, vers les banlieues, les classes
populaires qui ne peuvent suivre la hausse des loyers.
Le phénomène, à l’œuvre dans tous les centres-villes
européens et états-uniens, entraîne une spéculation
immobilière, et s’appuie sur une volonté publique de
modernisation des transports, de construction d’écoles…
mais aussi sur la construction d’équipements touristiques et culturels. Projet que les hommes politiques,
de Jean-Claude Gaudin à Patrick Mennucci en passant
par Jean-Noël Guérini et Renaud Muselier, mais aussi
les acteurs économiques comme Jacques Pfister, affichent aujourd’hui clairement pour leur ville.
Qu’en est-il du processus de gentrification dans le
centre-ville de l’agglomération la plus pauvre de France ?
Nous avons demandé à Boris Grésillon1, spécialiste
des questions de géographie urbaine, de nous parler
de ce qui se passe à Marseille…
Zibeline : Peut-on parler de processus de gentrification à Marseille ?
Boris Grésillon : Marseille résiste ! Non par volonté des
habitants ou des politiques, mais parce qu’il manque ici
un élément essentiel à la mise en place d’un centreville gentrifié : la richesse. Il faut qu’il y ait une masse
critique de foyers disposant de 3000 € par mois pour
qu’un plan de rénovation urbaine de ce type puisse se
réaliser, pour que les promoteurs, les banques, les commerçants, les investisseurs transforment un quartier.
À Marseille il y a trop de pauvres, et pas assez de gentrificateurs, c’est-à-dire de bobos ou de créatifs comme
on les appelle parfois. Ceux-ci, trop peu nombreux, ne
peuvent profiter des phénomènes de rénovation en cours,
et constatant leur échec ne s’installent pas, ou se
réinstallent ailleurs, dans d’autres quartiers ou à Aix.
Quel est l’impact de la vie culturelle sur ce processus ?
En principe il devrait être un levier, un incitateur.
L’exemple de la Belle de Mai est frappant : la Friche,
en particulier les studios du Pôle média, devraient
attirer les touristes et l’emploi. Or cela reste un des quartiers les plus pauvres de Marseille : la gentrification
planifiée par la Ville lors de l’installation du pôle n’a
pas pris.
Faut-il le regretter, ou s’en réjouir ?
À Penser le Matin on considère que c’est une chance,
qu’il ne faut pas exclure les pauvres dans des banlieues
ghettos, et qu’on doit garder le cœur populaire de
Marseille, qui en fait la richesse paradoxale. Mais le pire
serait de laisser ces quartiers végéter dans la pauvreté : il leur faut des équipements et des transports
pour que la ville soit moins clivée…
C’est une ville pauvre, non clivée !
Détrompez-vous, il y a des riches à Marseille ! Les écarts
de revenus sont les plus importants de France : de 1
à 34 ! Les riches ne sont pas visibles, ils vivent derrière des murs dans des quartiers dont ils ont privatisé
les accès… Et il n’y a pas de mixité sociale, les gens
de Noailles et de la Préfecture se croisent mais ne se
mélangent pas. Marseille fonctionne par quartiers,
riches et cloisonnés ou pauvres et délaissés…
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNES FRESCHEL
1
Docteur en géographie, maître de conférences
à l’université de Provence et membre du laboratoire
Telemme. Membre du collectif Pensons le matin
08
POLITIQUE CULTURELLE
LES MUSIQUES ACTUELLES
Actuellement,
les musiques
CD
de la sélection
CAC
artistes
2010
Le terme de «musiques actuelles» a quelque chose
d’étonnant. D’une part parce qu’il suppose que les
autres musiques en création, écrites aujourd’hui,
sont des musiques inactuelles. D’autre part parce
que ses frontières sont floues : ainsi la chanson,
genre ancien par excellence, fait-elle partie des
musiques actuelles. Le jazz et le rock aussi, bien
plus anciens que la musique contemporaine… Le
ministère distingue quatre catégories : la chanson,
les musiques improvisées, les musiques amplifiées
et les musiques du monde. Ce qui pose diverses
questions du type : la musique occitane est-elle
«du monde» ? Et Bartok ? La musique électroacoustique, amplifiée donc, est-elle actuelle ou
contemporaine ? En fait ces catégories en cachent
d’autres, que l’on pourrait décliner en musiques
écrites/musiques orales (ce qui n’est pas toujours
vrai) ou musiques savantes/musiques populaires,
qui fleure hélas l’élitisme et l’exclusion.
Ces questions de terminologie, qui sont aussi des
questions d’esthétique, ne sont pas la préoccupation majeure du CAC régional : ce Conseil Artistique
à la Création est avant tout animé du désir de
soutenir les artistes émergeants. Il complète le
soutien aux musiques actuelles de la Région (aux
salles, aux festivals et aux divers tremplins artistiques) en aidant directement les artistes. Ainsi
cette année, 28 groupes (sur 100 dossiers reçus)
ont partagé une enveloppe de 200 000 €,
attribuée par le CAC : Chinese man, Watcha Clan,
Washing Majazz, Alif Tree, Dissonant Nation,
The Last, Mina May, Phosphene, Hannah, Dondolo, Tente ta chance, Moussu T e lei Jovents,
Nevchehirlian, Ysaé, Choumissa, Diho, Ilanga,
Ahmad Compaoré, Kabbalah, Melc, Laurent de
Wilde, Kami Quintet, Benjamin Faugloire, Enzo
Carniel et Tchamitchian.
Comment choisir ?
Les critères de choix du comité d’experts réuni en
CAC sont simples : il faut que les structures soient
professionnelles -ou en voie de professionnalisation- et qu’elles aient une «pertinence artistique».
L’aide peut intervenir pour soutenir une action
culturelle ou pour produire des concerts et des enregistrements. Bien entendu il s’agit de rester sur
la filière indépendante du disque, et d’aider des
artistes qui ne sont pas repérés par les majors, et
ne sont pas entrés dans les circuits rentables de
l’industrie culturelle.
Dans ce but, pour la première fois, la région PACA
édite une compilation regroupant deux titres de
chacun de ces 28 groupes. CD destiné à promouvoir
les artistes, qui sera distribué gratuitement dans
les salles et les festivals, et est disponible à l’écoute
grâce à la Pacabox de l’Arcade (www.pacabox.com).
56 plages sonores pour découvrir des univers extrêmement différents… tous produits dans la région.
Du rap vocal au jazz contemporain, de la chanson
poétique au métal ardent, de la pop au traditionnel,
du slam à l’électro, de la néo-opérette marseillaise
au jazz fusion, les univers se répondent. Avec quelques constantes pourtant, comme la quasi absence
de femmes, surtout à la composition et aux
instruments !
Car ce monde qui se veut jeune, populaire et au
moins progressiste, sinon révolté, serait-il plus
rétrograde que ce qu’il affiche ? Clairement destiné
à faire revenir à la culture une génération qui se
sentait exclue des salles, cette nécessaire politique
de soutien navigue en un canal étroit : nettement
plus liés aux industries culturelles que les autres
arts du spectacle les musiques actuelles rêvent de
s’insérer dans des logiques commerciales qui ne
relèvent pas du service public de la culture, et
trimballent de surcroit des préjugés générationnels
inefficients : les publics du jazz, de la chanson
française et de l’opéra ont sensiblement le même
âge…
AGNÈS FRESCHEL
À la croisée des mondes
de réunir sous l’égide de la «musique» deux univers qui vivent en
parallèle sans vraiment se croiser. Au
confluent du rigorisme du conservatoire et de l’inventivité anarchique de
ces jeunes autodidactes, ce projet
Archie Shepp © Jan Kricke
Beau projet que celui initié par le
directeur de la salle du Bois de
l’Aune, Pierre Ranchain, associant les
classes de jazz et musiques actuelles
du Conservatoire de Musique d’Aixen-Provence, et de jeunes slameurs
et rappeurs du quartier du Jas de
Bouffan. Unique en son genre, le
Jazzlab est avant tout un projet
artistique ambitieux articulé autour
de deux artistes de renom : Archie
Shepp, saxophoniste de jazz mondialement connu et le rappeur américain
Napoléon Madoxx. Pilotée conjointement par Marc Rocé, rappeur
parisien, Seydou Barry, producteur,
Julien Baudry, chef de chœur et
Thierry Riboulet, professeur dans la
classe de musiques actuelles, cette
expérience audacieuse est le moyen
commun est un moyen d’échanger, de
communiquer et d’affranchir les barrières. Faisant fi des stéréotypes, les
textes des artistes banlieusards, nés
de la thématique Nord/Sud choisie en
commun, croisent les arrangements
des professionnels… pour ne plus
former qu’un univers syncrétique,
mosaïque de cultures et de pratiques
différentes.
Les deux sessions de cette Master
class du 27 et 28 janvier qui font
suite à une première organisée en
novembre 2010, déboucheront sur un
concert dans la salle du Bois de
l’Aune le 6 mai prochain.
CHRISTOPHE FLOQUET
Nouveau
son au
Grenier ?
L’affaire avait fait grand bruit la saison
dernière : le Grenier à sons, une des
Scènes de Musiques Actuelles (SMAC)
de la région, subventionnée par la Ville
de Cavaillon, le département 84, la
Région et l’État, allait se retrouver en
cessation de paiement, et disparaître.
La ville de Cavaillon, après une baisse
de subvention de 10%, avait, suite à
deux inspections du ministère, commandé à Jean-Michel Gremillet un rapport
préconisant la mutualisation avec la
Scène Nationale qu’il dirige… mettant
ainsi le directeur dans l’indélicate
position du repreneur hégémonique.
Aujourd’hui la SMAC est fermée, et c’est
la Scène Nationale qui programme au
Grenier. Jean-Michel Gremillet s’en
explique.
Zibeline : Avez-vous repris les missions
et les financements de la SMAC ?
Jean-Michel Grémillet : Non, ni les
uns ni les autres. Les SMAC ont des
missions de défrichage, d’action culturelle, d’ouverture aux répétitions des
groupes qui vont être assumées par les
autres salles du territoire, l’Akwaba ou
la gare du Coustellet. Nous souhaitons
simplement réaliser l’intégralité des
missions de diffusion qui étaient
dévolues à la SMAC. Mais avec moins de
moyens !
Cette baisse est de quel ordre ?
La SMAC avait 320 000 € de subventions publiques : 56 000 € de la Région
et 32 000 € du département, qu’il n’est
pas question de nous réattribuer. Elle
avait également, avant la baisse de
10% que Cavaillon a opéré sur toutes
les associations, 130 000 € de la Ville
Alex Baupain © Frederic Stucin
qui conserve pour nos missions de
diffusion 130 000 € seulement. Quant
à l’État, il n’est pas question non plus
de nous réattribuer les 48 000 € de la
SMAC, même si, par ailleurs, les subventions de la Scène Nationale vont
augmenter dans les prochaines années.
On se retrouve donc avec un peu plus
d’un tiers des subventions de la SMAC.
Pourquoi avez-vous accepté de vous
occuper du Grenier à sons, puisque les
syndicats de musiciens vous tiennent
pour responsable du désastre, et que
d’autre part vous n’en avez pas les
moyens ?
D’abord parce que nous aussi étions
étranglés financièrement -cet apport de
130 000 € va permettre une augmentation de personnel-, et surtout parce
que la musique nous intéresse ! J’en ai
toujours programmé, en particulier de
la musique contemporaine ou de création comme celle de Benjamin Dupé
-risque que les SMAC se gardent bien de
prendre- mais aussi de la chanson.
S’ouvrir aux musiques actuelles est pour
nous une expérience nouvelle, qui va
changer notre projet artistique.
En quoi ? Quels vont être vos choix
esthétiques ?
Nous allons programmer des artistes
émergeants, en nous méfiant des majors et des tourneurs, des pratiques
liées aux industries culturelles qui vont
à l’encontre de nos missions de service
public. Les musiques actuelles souffrent
du téléchargement, mais aussi des prix
pratiqués par les têtes d’affiches qui
grèvent les budgets des salles et des
festivals. Nous programmerons donc
essentiellement de la chanson, du jazz,
des musiques du monde…
Les artistes programmés cette saison
sont surtout des chanteurs. Y aura-t-il
du rock, du rap, de l’électro… ?
Il nous faut un peu de temps pour
prendre nos marques mais oui, nous
allons recruter un spécialiste de ces
musiques, qui pourra guider nos choix.
Et puis dès la saison prochaine nous
ferons un temps fort autour de l’accordéon, un autre autour de la poésie
sonore… Avec des concerts debout,
des concerts assis, des rencontres entre
les mondes musicaux, au Grenier et ici,
à la Scène Nationale. Pour que la fermeture de la SMAC ne soit pas seulement
un échec, mais le début d’une nouvelle
aventure.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR AGNÈS FRESCHEL
À venir au Grenier
Dimoné le 19 mars
Karimouche le 16 avril
Ambrose Akinmusire le 12 mai
Alex Baupain le 27 mai
10
POLITIQUE CULTURELLE
En vert et contre tous,
l’économie libérale
jette son dévolu sur
les libéralités écologiques
au plus grand bénéfice
de son environnement…
financier !
Le vert dans l’usufruit
Économie verte, éco-participation aux
écotaxes… désormais toute cause teintée d’éco-quelque-chose est bonne
pour justifier de nouvelles taxes sur le
travail au bénéfice du spéculatif. D’ailleurs, en marge du forum économique
de Davos, Dominique Strauss-Kahn
n’a-t-il pas annoncé son intention de
mettre en place un «fonds vert» pour
«aider les états à faire face au changement climatique» ? Rien moins que
100 milliards de dollars prélevés sur le
travail pour faire payer une politique
de croissance industrielle mondiale
délirante et, à terme, létale. C’est que,
depuis le rapport Stern de 2005, les
gourous de l’économie s’accordent à
dire que l’avenir se fera par la croissance verte. Ils fondent beaucoup de
notre désespérance sur la litanie des
«créations de nouvelles technologies», «relance de croissance des pays
industrialisés» et autres «création de
millions d’emplois» pour justifier leur
politique de récession et de vaches
maigres. «Le développement durable»,
«les exigences de la lutte contre le
changement climatique», le «développement de nouvelles technologies
propres» en appellent à l’éco-culpabilité citoyenne pour obtenir l’adhésion
des populations à une forme de déve-
SCIENCES ET ÉCONOMIE
Taxe-C
Que le grand fric
m’escroque !
loppement qui dessert objectivement
leurs conditions d’existence et l’avenir
même de l’humanité. C’est sans doute
le protocole de Kyoto signé en 1997,
entré en vigueur en 2005 et ratifié par
183 pays (sans les USA bien sûr) en
2010, qui a ouvert l’ère du mythe
«tout écologique». S’il visait au départ
et peut-être à juste titre à normaliser
au niveau international l’émission des
gaz à effet de serre, l’économie spéculative a tout de suite enfourché ce
cheval vapeur, voyant en lui une nouvelle et gigantesque possibilité de
détournements colossaux de fonds
publics.
Carbone et Spirito
Et c’est ainsi qu’émergea des brumes
japonaises un des traités les plus fumeux de l’histoire de la mondialisation
capitaliste. Tout ce que la finance
internationale comptait d’escrocs se
jeta sur ce haut vol d’or, avec l’aide
complaisante des états. C’est de ce
lisier vert qu’émergea l’esprit («spirito»)
de la fameuse loi sur la «taxe carbone». Cette taxe environnementale
prétend limiter l’émission de dioxyde
de carbone, gaz à effet de serre, par
incitation économique, et ceci dans le
but «librement consenti» de contrôler
le réchauffement climatique. Cette
taxe «Pigouvienne» doit son nom à un
«brillant économiste» britannique,
Arthur Pigou (1877-1959), qui fut le
premier à proposer une taxation
correctrice des externalités en 1920.
L’externalité désigne «une situation
dans laquelle l’action d’un agent économique influe, sans que cela soit son
but, sur la situation d’autres agents,
alors même qu’ils n’en sont pas partie
prenante.»
Le Pigou des bois eu fort tôt l’intuition de ce que pouvait rapporter la
spéculation sur le prélèvement d’une
taxe prétendant décourager les émissions polluantes en faisant payer les
pollueurs [en bout de chaîne nous, les
consommateurs] à proportion de leurs
émissions. En effet cette bien pensante
taxe sur les produits finaux «augmente leur prix proportionnellement
aux émissions qu’a engendrées leur
production favorisant les produits ayant
induit moins d’émissions de dioxyde de
carbone. Une augmentation progressive
et programmée de la taxe peut permettre de guider les investissements sur le
long terme, en laissant le temps nécessaire aux consommateurs et aux entreprises
pour s’adapter» ou… de crever de faim !
La bourse ou la vie ?
La taxe carbone est basée sur un principe très libéral de «quotas d’émissions».
Elle impose soit un prix déterminé à
des quantités libres de gaz rejetés,
soit des prix variables à des quantités
fixes. Et, comme on n’est pas regardant,
les deux systèmes peuvent coexister !,
la taxe permettant ainsi de racketter
les très nombreux petits émetteurs
«diffus», difficile à mettre sous quotas,
par exemple dans les pays dits «émergeants».
En 2009, les pays nordiques se sont
mis à appliquer une taxe carbone partielle. La Nouvelle-Zélande, elle, a mis
en place un marché d’échange de
quotas d’émissions et évidemment le
gouvernement français étudie les
possibilités d’emboîter le pas à ce très
fructueux jeu de bonto. Cette bourse
du carbone est un marché de négociation et d’échange de droits d’émission
de gaz à effet de serre (CO2, méthane,
protoxyde d’azote…). Un «créditcarbone» est une unité, généralement
1 tonne de gaz à effet de serre (GES)
et il existe plusieurs types de GES,
n’ayant pas tous la même valeur en
équivalent CO2. Un tel marché, accepté par le protocole de Kyoto, peut
exister à un niveau national, ou international si les droits attribués sont
rigoureusement de même nature. Le
prétexte «moral» de l’établissement
d’un tel marché serait d’inciter les
industries à «gérer financièrement»
leurs effluents gazeux. «Sans bourse,
une firme A en dessous de son quota
ne fera plus aucun effort de réduction
(même s’ils sont faciles et peu coûteux
pour elle), alors que dans le cadre d’un
marché un effort de réduction pourrait
se monnayer ; en sens inverse, une
industrie B qui dépasse son quota et
pourrait difficilement (à grands frais)
réduire ses émissions pourra acheter
des quotas en plus. Globalement, l’ensemble A + B peut réduire ses émissions
à moindre frais que si la même réduction est exigée séparément à chacun.».
Ainsi les droits édictés par les états ou
structures internationales deviennent
monnayables. Cette bourse des vents
nauséabonds revendique donc la spéculation comme méthode d’incitation !
Il y a constitution de marchés dérivés
(achat et vente à terme…). Acquis à
titre onéreux ou gratuit, les droits
d’émissions sont échangeables.
Les verts pomment
Du coup une foison de louches officines de courtiers s’est constituée dans
des paradis fiscaux comme Chypre,
spéculant sur les cours des différentes
TVA nationales, sur la misère du monde et la qualité de l’air que respirent
les pauvres et les riches. C’est la bourse aux vents pestilentiels, le Wall Street
de la chlingue, le lasdaq de l’œuf
pourri, le CAC des 40 voleurs. Au bout
du compte c’est nous qui payons la
facture sur notre travail et notre
santé.
YVES BERCHADSKY
MUCEM
POLITIQUE CULTURELLE
Peut-on se moquer
de l’islam ?
Ce qu’il y a d’embêtant avec l’islam,
c’est qu’on ne peut pas être franchement anticlérical à son égard comme
au (bon vieux ?) temps du combat
contre la calotte. Imaginez-vous qu’on
recevrait sérieusement, sans sarcasme,
une femme qui aurait écrit Catholiques
et modernes aux mardis du MuCEM ?
Mais bon, l’islam n’est pas en Europe
une religion de dominants, l’histoire
de la colonisation est lourde, le passif
grand, les racistes actifs et nombreux…
et le sarcasme ne peut y être pratiqué
de la même manière qu’envers Christine Boutin. Peut être est-ce pour cela
que les comiques beurs, qui le peuvent
davantage, ont tant de succès !
Visibilité et modernité
Ce n’est pas ce que cherche Nilüfer
Göle, conférencière fascinante, défenseure d’un islam moderne : la directrice
d’études à l’EHESS explique avec beaucoup de talent l’histoire de la perception
du musulman en Europe, affirmant que
l’on vit un stade post-immigration. Car
l’immigré des années 60 (célibataire,
travailleur) est devenu un beur dans
les années 80 (jeune garçon désœuvré
et français) puis, dans les représentations, une musulmane (fille au foulard,
écolière intégrée et revendicative). Les
musulmans ne se cachent plus, portent
des foulards (Voiles ? Hijab ? Niqab ?
les mots sont passés dans les lexiques
européens), ne sont plus désignés par
leur origine (Turcs, Maghrébins) ou
leur langue (Arabe) mais par leur différence religieuse, qui fait identité. Ils
revendiquent aussi d’avoir des lieux de
culte visibles. Or une partie des Européens s’y refuse, comme on l’a vu lors
du référendum contre les minarets en
Suisse, ou par la volonté de légiférer
contre le port du voile en France.
Pourtant, d’après Nilüfer Göle, cette
revendication de visibilité est la marque même d’une modernité, d’une
volonté d’intégration dans les sociétés
européennes, de participation au débat,
à la démocratie. De même la construction de mosquées donne-t-elle l’occasion
de poser les questions essentielles à
l’intégration de la donnée musulmane
en Europe : quelle langue va-t-on y
employer ? le Turc en Allemagne, le
Pakistanais en Angleterre, l’Arabe en
France ? (Ce qui pose d’ailleurs des
questions particulières à Marseille,
puisque la plus grande «communauté»
musulmane est Comorienne, même si
ce n’est pas la plus «visible» ! ). Va-ton y donner une place aux femmes, à
qui on recommande de prier à la maison,
ou au mieux séparées des hommes,
derrière ? Quels choix architecturaux
pour ces bâtiments contemporains, qui
devront réfléchir leur lien aux mosNilüfer Göle © Muammer Kaymaz
quées orientales, et à l’urbanisme dans
lequel ils s’inscrivent ?
Vers une solution ?
Autant de débats qui surgiront, et
feront certainement entrer l’islam d’Europe dans une modernité qu’on lui
réfute : Nilüfer Göle, dans Musulmanes
et modernes, explique avec conviction
que partout on assimile l’être civilisé
à l’être occidental, rejetant le musulman, (mais aussi le japonais ou le
chinois) hors de la modernité si elle
diffère du modèle occidental assimilé.
Selon elle, une partie du monde
musulman européen est en voie de
«créolisation» comme l’aurait dit
Édouard Glissant, c’est-à-dire qu’il ne
cherche plus à se rattacher aux racines
(comme Césaire, avec sa négritude,
l’avait fait avec l’Afrique) mais à
inventer une manière d’être européen,
musulman et moderne. Comme les femmes turques, éduquées, revendicatives,
qui portent le voile pour mieux sortir
de la sphère privée.
Apprendre à se connaître ? Un jeune
musulman, qui se présentait comme
tel, semblait y voir une solution au
rejet grandissant d’une certaine Europe d’extrême-droite. Connaître les cinq
piliers de l’islam… Sans doute. Admettre
que la France est multiculturelle et
multiconfessionnelle. Certes ! Ne pas
considérer les valeurs occidentales comme les seules porteuses de modernité ?
D’accord. Mais personne n’osa dire à ce
jeune homme, pas même la dame qui
pestait derrière moi, que toutes les
religions pratiquent des interdits absurdes, la ségrégation des sexes, le
rejet de l’homosexualité (surtout féminine), l’exclusion plus ou moins violente
des «infidèles».
Contrairement à ce que veulent nous
faire croire les extrêmes-droites européennes, l’islam n’est pas plus intolérant
que les religions judéo-chrétiennes.
Mais il en est à un stade de recherche
de visibilité en Europe où les autres
ne sont pas (plus ?), qui exacerbe ces
obscurités liées intrinsèquement au
phénomène religieux (croire n’est pas
raisonner). Notre problème d’Européens
est de savoir si nous devons, pour
construire ensemble une société libre,
comprendre et admettre et prendre
patience face à ce que nous vivons
forcément comme des régressions (au
risque de nous installer dans une
11
condescendance méprisable), ou reprendre le combat matérialiste (au risque
de donner du grain à moudre à l’ignoble bête qui remonte). Cornélien ?
AGNES FRESCHEL
La conférence de Nilüfer Göle,
animée par Thierry Fabre,
a eu lieu le 8 février à l’Alcazar
dans le cadre des mardis du MuCEM
À venir
Genre et sexualité à l’heure
de la mondialisation :
un «choc des cultures» ?
par Irène Théry
Le 8 mars
MuCEM
04 96 13 80 90
www.musee-europemediterranee.org
12
POLITIQUE CULTURELLE
ENTRETIEN AVEC GÉRARD NOIREL
L’Histoire, intimement
Zibeline : Vous êtes un historien universitaire reconnu mais vous cherchez à trouver un large public.
Pourquoi ?
Gérard Noiriel : Aujourd’hui ce qui me préoccupe c‘est
la finalité de mes travaux : pour qui ai-je écrit, dans un
contexte de division du travail qui s’accentue ? Dans
la recherche en sciences sociales, il existe des réseaux
mondiaux de cinquante ou cent personnes, isolés du
reste du monde. C’est extrêmement regrettable ! Aussi,
je développe des activités me permettant de conserver
des relations avec la société, au travers d’un public qui
n’est pas fait uniquement de spécialistes. J’ai toujours
agi ainsi : c’est ce que j’appelle la fonction civique de
mon métier. Je peux à présent m’y consacrer davantage : il y a une période où il faut s’investir dans son
travail pour être reconnu, mais j’en suis quitte avec
cet aspect-là ! Je peux m’ouvrir à autre chose.
Une fois le statut acquis, c’est évidemment plus facile
de donner une consistance à la parole ! Pourtant cela
n’a pas dû être aisé...
La sensibilité que l’on a sur certains aspects de la réalité est déterminée par sa propre expérience. Je suis
sensible à la question du racisme et à la stigmatisation, parce que je les ai vécues, sous différentes formes,
dans mon enfance. Lorsque je suis arrivé, jeune enseignant dans la Lorraine sidérurgique, je me suis rendu
compte que les gens ne comprenaient pas le présent
de ces ouvriers car ils n’en comprenaient pas l’histoire.
J’ai été frappé par le rôle que jouait l’immigration et
je m’en suis préoccupé à une époque où l’on me disait
qu’un tel sujet de thèse ne permettrait pas de faire
carrière ! Ma thèse, consacrée aux ouvriers mineurs de
Longwy, m’a permis de tisser des liens avec ce groupe,
et a profondément influencé ma trajectoire, même si
j’étais déjà issu d’un milieu populaire. Je me suis plongé dans cet univers, dans cette culture populaire. J’ai
aussi réalisé que je pouvais concilier deux aspirations
très fortes en moi : le désir de connaissance et la volonté d’action. Le rapport entre histoire et mémoire
permettait de les concilier. J’y suis toujours resté
fidèle, et ce que je fais maintenant dans le théâtre en
est le prolongement.
En participant à la vie de cette communauté ouvrière,
comme dans vos émissions à la radio sur l’histoire
ouvrière, n’avez-vous pas pris le risque de perdre votre
distance critique ?
Au début j’étais parti pour faire une thèse sur la classe
ouvrière dans l’entre-deux-guerres, puis j’ai remarqué
l’importance des fractures, notamment sur la nationalité ou sur l’origine des ouvriers. Cela m’a obligé à faire
un travail de déconstruction pour montrer les clivages
et leurs déplacements. Mais cette question était perturbante pour les militants qui préféraient décrire
l’unité ou l’entité «classe ouvrière». De même, AiguesMortes n’a pas de place dans la mémoire ouvrière : ce
sont des ouvriers qui se sont tapé dessus. Il se trouve
que le propre de la recherche n’est pas d’aller faire
plaisir aux militants, mais de restituer, dans une dialectique de proximité et de distance, la logique des
acteurs sociaux.
Après cette thèse vous auriez pu vous satisfaire de la
reconnaissance universitaire…
Je ne suis pas représentatif de mon milieu, ni par mes
origines sociales, ni par mon regard. Je n’ai jamais pu
Directeur d’Etudes
à l’EHESS, Gérard Noiriel
s’intéresse depuis
longtemps à la question
du national. L’irruption de
l’extrême droite sur la scène
politique l’a convaincu de
centrer ses recherches
sur l’État-Nation et sur
l’immigration. Il est venu
dans notre région l’an
dernier pour participer
à une conférence sur
l’immigration italienne
aux ABD, pour le spectacle
Chocolat à la Minoterie,
puis à ceux à propos
d’Aigues-Mortes, à la Criée
(voir Zib 37). Il livre ici
une partie du matériau
qui l’a transformé en
historien, et revient
sur le rôle civique
que peuvent tenir
les travaux historiques
m’investir dans des logiques de carrière, je n’ai jamais
voulu avoir le moindre pouvoir, je ne dirige pas un
labo ou autre… J’ai toujours eu un pied dehors ! Je
le regrette parfois, cela n’est pas du tout péjoratif
dans mon esprit. Mais je ne peux pas être complètement à l’intérieur de ce milieu là, j’étouffe! D’où les
relations que j’ai avec les artistes, avec le monde politique et l’engagement civique. La politique cela
passe aussi par la connaissance, par tout un travail
critique, sur des thèmes comme l’identité nationale.
Les mouvements sociaux ont-ils pour vous un sens
particulier ?
Mon premier réflexe est un mouvement de culpabilité.
On est sept enfants dans la famille et mes deux frères
sont ouvriers. Lorsqu’on se retrouve ensemble, je m’interroge toujours sur le fait que je gagne plus qu’eux.
Lorsque vous n’avez plus de mythe explicatif -c’est
Dieu qui l’a voulu, c’est l’intelligence…- vous ressentez l’inégalité mais, en même temps, c’est difficile de
devenir l’abbé Pierre : le peu que vous avez, vous y tenez.
Ces contradictions-là, personnelles, sont revivifiées
chaque fois qu’il y a des mouvements sociaux.
Évidemment, il y a des tas de moyens pour s’en tirer.
L’engagement en est un pour moi, et il a toujours fait
partie de ma vie. Les formes ont pu changer : j’ai été
membre du Parti communiste et, c’est banal dans ma
génération, exclu en 1980. Aujourd’hui j’ai opté pour
des mouvements associatifs ou par le travail avec le
théâtre. J’insiste sur le collectif DAJA que l’on a créé:
il lance des passerelles ! Et aujourd’hui il faut retisser
des liens car le pouvoir atomise les gens, et les gens
atomisés se découragent.
J’ai eu la chance d’être étudiant à la grande époque,
dans les années 70, où la politique, très présente,
fournissait ces passerelles. C’est ce qui m’a permis de
m’en sortir. Initialement je ne voyais pas d’intérêt aux
études et puis je me suis rendu compte que travailler,
devenir savant, avait aussi un sens politique. Quand
je regarde les problèmes des étudiants d’aujourd’hui,
je ne peux pas croire que tout provienne d’une question matérielle, même si je ne veux pas la sous-estimer.
Ce n’est pas un système de bourses parfait, dans cet
univers coupé du reste du monde, qui donnera aux
étudiants la petite étincelle qui renverse les montagnes, celle qui donne le goût de travailler.
Ce sont ces liens à créer qui m’importent. Je sais que
l’on travaille souvent à la marge, mais cela peut-être
très précieux car ce sont les marges qui bouleversent
les choses établies.
Finalement le lien, entre vos sujets de recherches,
c’est vous !
La logique de la recherche c’est d’élargir. Je suis parti
de l’immigration, des discriminations et du monde
ouvrier, je me suis intéressé à l’épistémologie car j’étais
préoccupé par la question de la vérité et de l’objectivité de l’histoire ; pour les intellectuels, il s’agit de
mon milieu. Même si j’élargis mon champ, le centre
reste les classes populaires.
Parlons donc de ces recherches, comme celles sur
l’identité nationale. Y a-t-il un lien entre la construction de la France comme nation et l’apparition du
Français comme individu ? Le sujet semble devenir un
citoyen qui endosse un rôle politique.
Le commencement c’est la Révolution Française. La
souveraineté nationale et le peuple comme nation
sont institués. C’est aussi le début de la citoyenneté.
À partir de 1870, on voit se manifester le lien entre
le développement de l’État-Nation et celui de l’individu. Notion d’individualité qui peut paraître paradoxale
car on parle de communauté nationale et les gens
sont intégrés dans l’État-Nation. Les discours des partis
nationalistes le montrent : ils réduisent ou occultent
l’individu au profit de la masse et du collectif. Or, en
même temps, se produit un développement de l’individu, de l’individualisme, de l’émancipation individuelle.
L’identité nationale -je ne récuse pas forcement l’expression mais ses usages politiques- fait partie des
identités latentes de l’individu. Quand l’identité nationale se constitue, cela veut dire que les personnes
sont rattachées à d’autres groupes, à une classe
POLITIQUE CULTURELLE
13
et pour tous
sociale, etc… cela se produit à un moment de fort
moment de développement de l’autonomie de l’individu, par le rejet de l’Église, des croyances religieuses,
du développement de l’esprit critique… C’est tout le
paradoxe de la République : l’intégration à la nation
coïncide avec le développement des libertés individuelles !
Le rejet, la peur du migrant, à la fin du XIXe, sontelles un moyen de recoller tous ces morceaux de la
société qui sont épars ?
Les identités latentes peuvent devenir des identités
explicites, violentes. Le développement de l’immigration permet de nourrir des discours de rejet des
étrangers (L’invention de l’immigration, éd. Agone, voir
Zib’ 15). Mais en France le principal clivage demeure
entre nation et classe. Le processus d’identité de classe a toujours été fort et a permis d’atténuer le discours
xénophobe. En même temps, le discours sur la nation
permet de souder, de dépasser les contradictions entre
individus. Et c’est une fonction explicitement avancée
par la droite française. On exalte la nation pour souder
des gens qui n’ont aucun intérêt commun.
La disparition du discours sur les classes sociales a-til changé le discours global que tiennent les élites sur
la société, ou que la société fait sur elle-même, depuis
les années 80 ?
En réalité, cela n’a pas vraiment changé mais cela a
permis de réactiver ce que l’on croyait dépassé. Après
1945, tous les démocrates tenaient à distance les
discours identitaires parce qu’ils étaient responsables
d’horreurs comme les guerres mondiales, le nazisme…
À partir des années 80, on assiste à un changement
avec l’émergence du Front national. La résurgence du
discours nationaliste s’est faite de façon différente de
son apparition, et c’est ce qui est difficile à comprendre.
Il y a des points communs, le rejet de l’immigration,
mais cela s’intègre dans un système politique où le
nationalisme n’est plus perçu comme une menace
directe pour la démocratie. Auparavant le nationalisme était un discours révolutionnaire : il voulait,
comme le communisme, détruire les institutions démocratiques. Aujourd’hui, dans les discours du F.N. cela
ne transparait plus. Même si, parvenu au pouvoir, il
finirait par le faire.
La reprise de ces thèmes identitaires se fait aussi à
droite, dans un cadre démocratique. C’est là le plus
grave ! Dans les années 30, la limite du discours nationaliste tenait en ce que les gens se disaient «si on
laisse faire ça, ça va nous retomber dessus». C’est ce
qui s’est passé avec la création du Front antifasciste
en 1934. La mobilisation ne se faisait pas sur la question de l’étranger, dont on se foutait, mais sur les dangers
pour la démocratie. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus
difficile de faire comprendre aux citoyens qu’ils doivent être solidaires, même pour leur intérêt propre.
Le nationalisme se combine avec une logique médiatico-politique qui a intégré son discours.
On a troqué arabe contre musulman : est-ce opératoire ?
Le nationalisme a besoin de l’actualité pour être efficace. Les stéréotypes, charriés par la logique du
fait-divers, se trouvent finalement politisés. Comme
l’islam est à la première page de l’actualité depuis
l’Ayatollah Khomeiny (1979), cela a abouti à la généralisation et a ancré des préjugés. Alors qu’au lendemain
de la guerre d’Algérie, c’était plutôt «arabe» qui était
évoqué, aujourd’hui il est question d’Islam. C’est le
récit d’actualité qui a ici la place primordiale.
Vous avez étudié Aigues-Mortes comme un faisceau
convergent de raisons pour provoquer l’événement.
Pourquoi la mémoire réhabilite-t-elle cet événement
maintenant ?
La renaissance du nationalisme, qu’on appelle encore
le populisme, se rencontre partout en Europe. C’est
un processus global que l’on a du mal à expliquer et
contre lequel on a du mal à lutter parce que l’on reste
dans des formes de résistance à l’intérieur de l’ÉtatNation. Alors que le capitalisme est mondialisé, vous
pouvez voir que la lutte contre les plans de rigueur se
fait à l’intérieur des États : il n’y a pas de coordination
en Europe. Pourquoi n’est-on pas capable de dépasser
ces bornes ? À ce titre je souhaite que l’on s’interroge,
et c’est mon cas, sur notre incapacité à aller de
l’avant. Si l’on compare avec l’époque du massacre
d’Aigues-Mortes, nous sommes moins internationalistes qu’on ne l’était : Labriola et Guesde tenaient
des meetings communs où ils dénonçaient le capitalisme et ses responsabilités.
Les historiens permettent de regarder le passé mais
leur rôle d’expert auprès des tribunaux n’est-il pas ambigu ? Ne justifient-ils pas un certain consensus
idéologique ?
J’ai toujours été hostile à l’intervention dans les procès -il s’agit surtout du procès Papon. Ce n’est pas
aux historiens d’aller témoigner dans un procès car
les questions posées sont de nature judiciaire et non
pas scientifique.
N’y a-t-il pas un problème de confusion entre mémoire
et histoire ?
L’historien qui se rend au tribunal sort de l’histoire pour
entrer dans la mémoire. Il sort de ses prérogatives car
il ne peut y aller avec sa casquette «scientifique».
Il sort de sa distanciation ?
BIBLIOGRAPHIE
Co-fondateur de la revue Genèses.
Sciences sociales et histoire, il participe à de nombreuses institutions
nationales et internationales sur le
thème de l’identité nationale. Parmi
les nombreux et importants ouvrages qu’il a publiés, on peut citer Le
creuset français, (Seuil, 1988), sur
la France pays d’immigration ; Les fils
maudits de la République (Fayard,
2005) sur les intellectuels ; À quoi
sert l’identité nationale (Agone, 2007,
voir Zib 3) ; ou encore, récemment,
Le massacre des Italiens (Fayard,
2010, voir Zib 37). Sa volonté de
nourrir le débat citoyen se traduit
par la participation à de nombreuses
associations (comme le DAJA) et à
la mise en scène de faits historiques,
qu’il défend dans Histoire, théâtre et
politique, (Agone, 2009, voir Zib
22).
C’est surtout que le questionnement scientifique n’est
pas du même ressort que le questionnement judiciaire
ou politique. On peut faire la même remarque pour
l’expertise. J’ai très souvent affaire avec des journalistes qui me demandent si les musulmans immigrés
s’intègrent. Pour moi, ce n’est pas une question scientifique ! C’est une question politique. Qu’elle que soit
la réponse que l’on pourrait donner, on construit la
suspicion à l’égard d’un groupe. Cela ne peut pas être
neutre !
Avec la floraison des statistiques, les sociologues sont
souvent mis à contribution comme experts. Ne fautil pas se méfier de ce genre d’approche ?
Il faut faire attention car il existe une grande diversité
parmi les sociologues et ceux qui se prétendent tels !
En fait, une partie des sociologues remet en cause ces
démarches statisticiennes. Là encore, ceux qui sortent
leurs prérogatives pour faire de l’expertise courent un
grave danger. Ils confortent un regard porté sur la
société qui n’est pas neutre mais politiquement
intéressé. Je fais partie de ceux qui appellent à la
vigilance à l’intérieur des disciplines. Cette vigilance
nécessite des liens avec «la société civile». Le propre
des experts c’est de se positionner en surplomb. Ils
créent un fossé avec le reste de la société, ce qui est
très négatif pour leurs propres recherches d’ailleurs.
Ils en arrivent à cautionner des croyances, comme
celle de la corrélation inévitable entre immigration et
délinquance.
L’histoire a la capacité d’analyser les situations et de
les déconstruire. Si pendant longtemps elle a pu assener des vérités, notamment avec la IIIe République,
peut-elle aujourd’hui permettre un regard plus civique,
aider le citoyen à prendre conscience de la société
dans laquelle il vit ?
L’exemple de la nation est assez parlant. Pendant toute une période, l’historien a légitimé la nation alors
qu’aujourd’hui on est passé à une autre approche. Ce
qu’il faut faire c’est donner les différents aspects d’une
réalité de façon à ce que les citoyens se les approprient
et en fassent usage avec une dimension critique. C’est
ce que j’appelle une désidentification par le fait. C’est
très important de privilégier la compréhension. Dans
la lecture présentée au public du Massacre des Italiens
(voir Zib 37) on a mis l’accent, à dessein, sur l’assassin
parce que cela décale les choses : on se demande
comment ce type en est arrivé là ! Les différents éclairages des personnages permettent de comprendre,
mais aussi de montrer, les contradictions. On n’en tire
pas de morale. Notre travail d’historien s’arrête à ce
niveau-là. Ensuite c’est le ressort de la politique, du
civique, de la citoyenneté. C’est aux personnes, aux
spectateurs ici, de continuer.
Aller au théâtre c’est donc sortir de la salle de cours ?
Si on veut aller vers la compréhension, il faut se tourner vers des artistes. Cela permet de toucher d’autres
publics. J’ai voulu éviter de tomber dans la routine
du discours antiraciste. Il ne faut pas hésiter à lier
parti avec les militants. C’est une manière de résister
collectivement, avec les intérêts que l’on a en commun
(la remise en cause, l’information…). Il est important de
créer ces passerelles avec les différents milieux, non
seulement conjoncturellement mais aussi durablement.
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR RENÉ DIAZ
14
THÉÂTRE
LA MINOTERIE | LE GYMNASE | LES BERNARDINES
suit le fil de son travail sur le métissage et
les origines. Car tous ces défrisages,
lissages et autres tressages sont autant
de marques d’asservissement plus ou
moins volontaire, et l’actuelle tendance
nappy une désaliénation. Moi et mon
cheveu inaugure avec talent Femmes
and Black in the world, un cycle de
spectacles transdisciplinaires écrits par
des femmes noires de générations et de
continents divers pour représenter
l’Afrique et sa diaspora contemporaine.
O Nappy days
Envie d’un spectacle qui décoiffe ? N’hésitez pas, foncez aux Bernardines. Mais
dépêchez-vous, après le 18, il sera trop
tard… D’abord, prenez le temps de flâner
sous la tente du théâtre ; un marché des
créateurs africains vous y accueille. Bijoux,
spécialités à grignoter, le voyage commence déjà. Puis laissez-vous conduire
jusqu’au théâtre. Eva Doumbia et sa
compagnie y ont installé leur cabaret
capillaire, un spectacle habilement tressé, entre humour et émotion. Sur des textes
de Marie Louise Bibish Mumbu, des
femmes parlent, chantent, dansent. Superbement. Durant plus de 2 heures (qu’on
ne voit pas passer), on embarque avec
elles pour un tour du monde de la
coiffure black dans tous ses états, des
loges à la salle de spectacle, de l’Afrique
FRED ROBERT
© Agnès Mellon
au Brésil en passant par la diaspora.
Musique, chorégraphie, texte, vidéo,
avec des formes aussi variées que celles
des coiffures africaines, Doumbia réussit
un spectacle vibrant d’énergie et de
fantaisie, bien dans l’esprit du cabaret.
Et en posant la question du rapport des
femmes noires avec leurs cheveux, elle
Moi et mon cheveu, cabaret capillaire,
conçu et mes par Eva Doumbia, est
présenté en avant-première au théâtre
des Bernardines jusqu’au 18 février.
04 91 24 30 40
Il sera créé pour le Festival de
Marseille du 7 au 9 juillet
Drôle d’oiseau !
En 1984 Beno Besson proposait une mise en scène de L’Oiseau vert que toutes
les mirettes présentes ont gardé en mémoire. Magique, drôle, politique, sa lecture
du conte de Gozzi était un chef-d’œuvre de théâtralité aboutie… Sandrine
Anglade reprend en France la pièce avec une sérénité modeste, citant son
glorieux aîné dans quelques effets de mise en scène, mais proposant une
interprétation très différente : les jeunes gens n’y sont plus une force absolue qui
doivent se délivrer des mirages spirituels, et des spectres et lourdeurs d’une
société minérale. Ici la philosophie se heurte à la réalité du désir, idéalisme et
matérialisme s’affrontent à travers des personnages symboliques… mais tout aussi
drôles, colorés et vivants ! Les trois heures du voyage passent comme en un rêve
par la grâce de la fable, le talent des comédiens, la caricature assumée d’un jeu
irréaliste rimant parfaitement avec des costumes et des décors percutants, sans
esthétisme fabulateur. Il en reste du plaisir, intelligent, qui renvoie à l’enfance mais
construit aussi un parcours initiatique qui rapproche rois et enfants du peuple,
malmène les liens du sang, et en appelle à une élévation spirituelle loin d’un
matérialisme qui a viré à l’amour immodéré du matériel. Tout cela en chansons,
dans une traduction nouvelle qui restitue une langue brutale et crue, de beaux
clins d’œil contemporains, et un rythme sans faille…
AGNÈS FRESCHEL
L’Oiseau vert a été joué au Gymnase du 18 au 22 janvier
© Gilles Abegg
Langues de chat
...petits biscuits secs
modérément oblongs, au
nom tendre et légèrement ridicule dont il est
prudent de se munir
lorsque l’on doit gravir
des sommets et surtout
remonter au temps des
copains... L‘un des six
hommes [qui] grimpent
sur la colline, en hypoglycémie (feinte), en
déplore l’absence et
cette réplique simplissime donne le ton d’une pièce découpée
dans le carton de l’adolescence
éternelle. La scène : des plans inclinés
qui indiquent d’où l’on vient, où l’on va
et à qui l’on parle, bordés sur le devant
par une haie plus que verte, ostensiblement fleurie, comme au pays de
OUI-OUI. Les personnages : y’a Bidom
qu’est pas maigre, Banchard qu’est
yéyé, Arnold le zinzin, Gromeux qui se
la pète un peu et Poucet le ténébreux ;
cinq vivants et Julot réduit en cendres
dans sa boîte à chapeau, seul lien désormais et pas pour longtemps entre
ces hommes qui ont été des amis, avant
dispersion. Gilles Granouillet, auteur
associé à la Comédie de Saint-Etienne
met dans leur bouche de petites choses
vraies, sans éclat, à l’aune de leurs
sentiments, pas très élevés, vite fatigués ; rien de ce qu’ils disent ne nous
est étranger ; l’hommage funèbre se
transforme illico en pique-nique Tupperware et l’ascension majestueuse en
débandade aigre-douce. Le metteur en
© Laurence Fragnol
scène Eric Leconte affuble les acteurs
de la Compagnie La Naïve de fauxnez et d’accessoires dérisoires, les fait
évoluer sur un espace minuscule au bord
d’un gouffre de 20 centimètres, entre
bouffonnerie et cynisme tendre ; le jeu
est juste dans le meilleur sens du
terme, n’échappant pas toujours à l’étriqué. Grimpette mélancolique contenue
tout entière dans le dernier geste
d’Arnold seul en scène, lançant un avion
en papier qui vient piquer du nez aux
pieds des spectateurs…
MARIE-JO DHÔ
Six hommes grimpent la colline,
mise en scène d’Éric Leconte
pour la Compagnie La Naïve
a été donné à La Minoterie
du 18 au 22 janvier
16
THÉÂTRE
LA FRICHE | SIRÈNES | THÉÂTRE DU PETIT MATIN | TOURSKY
Renverser les icônes ?
peu démantelés, fleurs artificielles
ornant d’hypothétiques tombes, icône
parfois éclairée... Le tout sublimé par
les costumes qui marient godillots et
dentelles, plumes chatouilleuses et
chapka ! Le spectateur s’amuse, s’étonne, cherche à reconnaître certains
passages de La Cerisaie ou de La
mouette et s’enthousiasme du culot de
Pogrenitchko qui fait chanter au milieu
du spectacle L’été indien de Jo Dassin !
Ça s’appelle renverser les icônes !
Mais les apprentis comédiens y trouvent-ils de quoi développer et
démontrer leurs talents ?
CHRIS BOURGUE
La Prière des clowns par l’ensemble
19 (3e année de l’ERAC) a été joué
à Cannes le 14 janvier et à la Friche,
Marseille, du 18 au 25 janvier
© Mathieu Bonfils
Malgré une affiche explicite -silhouette
d’homme flanquée d’une poule et d’un
canard-, l’attaque du spectacle étonne :
dès les premières minutes deux comédiens chapeautés et vêtus d’austères
costumes noirs gloussent et cancanent à l’envi en parcourant le plateau,
genoux pliés. Ils réapparaîtront plusieurs
fois, animés d’une rivalité ridicule, métaphore du genre humain. Cela donne
le ton, ou plutôt la griffe Pogrebnitchko. Le metteur en scène russe met les
acteurs dans des situations risquées
dans lesquelles ils rongent les personnages tchékhoviens jusqu’à l’os. Les
jeunes acteurs de l’ERAC ne jouent
pas Tchekhov, mais des scènes tronquées et sorties de leur contexte, dont
les rapprochements créent des situations surréalistes. Les objets jouent le
même rôle : pianos sans cordes peu à
Y’a rien à voir !
Quand Jaz est là…
au réel, industriel et portuaire, des avions qui passent
et des bateaux qui sonnent un appel au voyage. Puis
nous voici au pays des Soviets, grâce à une reprise
reformatée de la Sinfonia Gudkov d’un obscur
compositeur officiel de 1922, Arseny Avraamov.
Des collages ironiques font cohabiter des chants
révolutionnaires et des timbres évoquant des
manèges, des sifflets, des machines, l’Internationale,
des balalaïkas. Un véritable paysage historique en
marche ! À la fin une dame qui a visiblement
fréquenté certaines travées murmure, un peu déçue :
«c’était plus une messe qu’un spectacle.» Voire !
A.F.
À venir
© Vincent Lucas
Étonnante prégnance du visuel ! Lieux Publics a
choisi en février de proposer un «spectacle» sonore,
diffusé par des enceintes. Une symphonie des
sirènes évocatrices… seulement par ses sons. Le
dispositif scénique était donc minimal : quelques faux
haut-parleurs de type soviétique, et des spectateurs
disposés concentriquement autour d’un espace vide,
pour mieux écouter. Une bande de sons empruntés
Mille
visages
pour un
individu
Entre 2, joute oratoire concoctée par quatre piétons
chanteurs, deux duels de duos, et deux créatures des
mers ? Ça va chanter et rivaliser, pour cette sirène
concoctée par Jean-Marie Maddeddu.
Entre 2
Le 2 mars
Parvis de l’Opéra, Marseille
04 91 03 81 28
www.lieuxpublics.com
La cie L’individu poursuit une
aventure généreuse qui implique le
spectateur en lui donnant à partager,
étape par étape, la création d’un projet
conçu comme une variation du Songe
d’une nuit d’été. Le 5 fév, la lecture
d’un Quadrille amoché, fantaisie vaudevillesque drôle, décalée et parfaitement
réglée, tranche avec les deux étapes
précédentes, nourries de la mythologie
cruelle et cynégétique d’Actéon et
Persu, et d’un travail sur le corps et son
envers, l’informe et l’archaïque. On
prend souvent Shakespeare pour
Faire la guerre à la guerre, à l’inhumain, au viol, à
l’oppression en les montrant, dans toute leur horreur,
c’est ce à quoi s’attache La Compagnie des Lézards
dirigée par Kristian Frédéric, avec la mise en scène
de Jaz de Koffi Kwahulé. Esthétique de bande
dessinée, avec un story-board de cinéma, une
machinerie énorme, un robot auquel le personnage
est enchaîné, nouveau Prométhée. Dialogue entre les
sons de la machine et Jaz, interprétée avec force par
Amélie Chérubin-Soulières, rôle éprouvant s’il en est,
tout de tensions, avec une chorégraphie où le corps
passe d’une attitude de statue à une autre en de
terribles élans. Trois écrans dominent la scène,
images brouillées, on dirait Matrix, allusions multiples,
œil immense, fixe, hommage à Buñuel, mais aussi
des éléments peu explicites, le code 185 443 était
celui de Desnos dans les camps, par exemple…
Manquent de nombreuses clés. Reste la violence
brute, énorme, cathartique peut-être, coup de poing
assurément !
M.C.
Jaz a été donné au Toursky
les 4 et 5 février
prétexte. La compagnie en fait une
matrice de travail, enfantant des propositions atypiques et fécondes qui
empruntent à toutes les disciplines
(écriture, peinture, performance, musique, vidéo) et mêlent des références
littéraires et picturales, les biographies
fictionnelles des acteurs qui ont prêté
leurs vies à des personnages qui
déambulent du texte de Shakespeare à
ceux de Jérôme Lambert et CharlesEric Petit. Circulation d’un artiste à
l’autre, rémanence des motifs et des
images, redistribution kaléidoscopique
de scénarios croisés, cette œuvre
mouvante, composite et en devenir,
avance comme un spectacle vraiment
vivant, qui croît et s’improvise dans le
temps.
AUDE FANLO
Le Quadrille amoché,
de Charles-Eric Petit, a été joué
au Théâtre du Petit Matin, Marseille
18
THÉÂTRE
LA CRIÉE | LE LENCHE | LE GYPTIS
Insurrection !
We are la France avait un petit côté cynique : le constat du pourrissement du
monde contemporain était net, mais
chacun semblait s’entendre sur l’impossibilité d’action, et donc la nécessité
de faire avec… Avec Que faire ? Benoit
Lambert et Jean-Charles Massera
abandonnent les trentenaires et s’attachent à un couple plus âgé, retraité et
populaire. Rentre dans sa cuisine et
ses souvenirs… ceux de 68, du militantisme, de l’insurrection. Et c’est toute
une littérature révolutionnaire qu’ils passent en revue, commentant ce qu’ils
en conservent, de Marx à Lénine en
commençant par Descartes pour finir
par Deleuze… Le tout agrémenté de
belles analogies avec les insurrections
artistiques (Joseph Beuys), quelques
mises au panier réjouissantes (le droit
inaliénable à la propriété, le surhomme
de Nietzsche, la démocratie américai-
ne et toute la Révolution Française !),
de chansons et de pantomimes (un peu
systématiques et pas toujours drôles,
aspect le moins réussi du spectacle).
Vers la fin cela prend un tour plus violent,
et le couple qui est passé de l’interrogation à l’engagement, s’achemine
vers la révolte. Grâce à Nina Hagen !
que Martine Schambacher incarne
avec une splendide furie… et que François Chattot-Mouloudji apaise en
chantant Faut vivre… Renoncement
tendre ? Sûrement pas ! Le couple,
après être sorti de «l’amortissement
que nous vivons depuis 68», fabrique
ensemble, et en chansons, de beaux
cocktails Molotov prêts à l’emploi !
AGNES FRESCHEL
© V. Arbelet
Que faire ? le retour a été joué
à La Criée du 1er au 12 février
Bioscénographie
d’un génie
Solo
rigolo
L’entreprise de Fabrice Melquiot est
singulière : mettre en scène Jackson
Pollock pour approcher peut-être de
l’essence du génie… Son échec même
signe sa paradoxale réussite : car c’est
en montrant combien le génie d’un
artiste est irréductible à sa vie, et
surtout à la représentation de celle-ci,
que la pièce révèle tout à trac que ce
truc là, cette force inventive qui permet
de faire des œuvres puissantes et
incontournables, est au fond incompréhensible.
Il montre Pollock comme un sale gosse.
Violent, de mauvaise foi, comprenant
mal ce qu’il fabrique mais fort bien ce
qu’il rejette, obsédé par la stupeur stupide du sexe et de l’alcool, y cherchant
la folie nécessaire à ses éruptions
créatives. À côté de lui Lee Krasner,
admirative de l’œuvre plus que de
l’homme, vouée au sacrifice de son
On avait fort apprécié, en
2008, la prestation de
Roland Peyron dans
Monsieur Armand dit
Garrincha. Le revoici sur
le plateau du théâtre de
Lenche, jusqu’à la fin du
mois, dans un nouveau
monologue écrit sur
mesure pour lui par
Serge Valletti. À plein
gaz, c’est le titre, dont on
© Kevin Louviot
ne comprend le sens
qu’en cours de route, et qu’il serait dommage de dévoiler. Une heure, c’est la
durée du spectacle, qu’on pourrait définir comme un récit de vie ; une de ces
histoires à tiroirs et à digressions dont Valletti raffole. Sauf que ce n’est pas tout
à fait ça. Car qui est-il, ce drôle de bonhomme en costume-cravate-manteau qui
semble sorti de nulle part et qui y retournera à la fin, en traînant derrière lui son
sac de voyage à roulettes ? Est-il celui qu’il raconte, un personnage d’assassin
doublé d’un escroc, un minable affabulateur ? Est-il l’acteur qui l’incarne et ne
cesse de prendre le public à témoin ? La pièce joue constamment de cette double
posture du comédien, comme si Valletti voulait ici rendre hommage à l’illusion
théâtrale et au travail d’acteur. Une mise en scène sobrissime, des accessoires
simples, quelques jeux de lumière, et on entre dans «ce fragment de cerveau
ouvert» qui se livre. On joue le jeu, tout au plaisir de retrouver le sens de la formule
de Valletti, ses ruptures de ton et de rythme, auxquels les accents de Peyron
donnent tout leur relief. Un bon moment de théâtre donc, de franche rigolade
parfois, même si la fin manque un peu de tonus.
propre talent, pour un couple voué aux
déchirures. Jusqu’à ce qu’un autre
peintre, Mondrian, reconnaisse en elle
le talent qu’elle avait mis de côté. Pas
le génie ? Quant à l’autre génie, le vrai,
de débordements en virée il finira par
se tuer d’un excès de vitesse volontaire
dont il ne fut pas la seule victime…
Lamentable ? L’œuvre est là. Pas sur
scène, même si Paul Desveaux parvient à évoquer sans les reproduire les
gestes, les empâtements et les couleurs des peintres. Le portrait le plus
attachant est nettement celui de Krasner, magnifiquement interprétée par
Claude Perron. Serge Biavan, roc
brut qui divague, baise dans les arrière
cours et frappe sa femme, donne peu
envie de connaître l’œuvre. On aurait
tort.
A.F.
Pollock a été joué à la Criée
du 25 au 29 janvier
Pollock © E. Carecchio
FRED ROBERT
Le texte de la pièce vient d’être publié
avec celui de Roméa et Joliette aux éditions de L’Atalante.
À noter
À plein gaz, mes Eric Louviot, se joue jusqu’au 26 février au Théâtre de Lenche
04 91 91 52 22
www.theatredelenche.info
L’abondance nuit
© Agnès Mellon
Comme on aimerait que les intentions louables fassent les bons spectacles !
Germaine Tillion a écrit une opérette à Ravensbrück pour survivre. Si l’œuvre
a valeur de témoignage, c’est aussi une mosaïque mal écrite dans un contexte
plus que particulier par une ethnologue qui s’improvise auteur dramatique, et
lyrique. Le texte n’est pas bon, trop long, démonstratif, décousu, répétitif, à l’ironie
lourde –on le serait à moins. Le monter sans distance, intégralement, n’a pas de
sens. Heureusement l’écriture musicale subtile d’Alain Aubin vient donner un peu
d’épaisseur à ce qui s’apparente à des songs, mais ils sont trop semblables,
redondants… Quant aux comédiennes on ne sait pas très bien ce qu’elles jouent :
les prisonnières du camp ou les personnages d’une fiction interne ? Les rôles sont
mal distribués, la meneuse de jeu ralentit le rythme en campant une sorte de
clown triste décharné, rien n’est vraiment drôle ou vraiment tragique et la
bourgeoise soignée, personnage essentiel, est tenue par une comédienne qui
n’a rien du rôle. Les chanteuses et musiciennes parlent un peu faux, ce qui est
pardonnable, celles qui ne chantent pas aussi, hélas… et la mise en scène
manque d’idées simples, de décisions, de parti pris. Vraiment dommage pour
cette production régionale, féminine, ambitieuse… qu’il faudrait resserrer de toute
urgence !
AGNES FRESCHEL
Le Verfügbar aux Enfers a été créé au Gyptis, Marseille, du 8 au 12 février,
puis joué le 12 mars au Comoedia, à Aubagne, et le 16 au Vitez, à Aix
Antichambre 18ème
Le Jeu de l’amour et du hasard est une
des pièces les plus innocemment perverses de Marivaux : sous prétexte
d’une intrigue pré-conjugale classique
-deux jeunes gens veulent se connaître
avant le mariage sans se dévoiler
mutuellement leur identité véritable-,
ne voilà t’il pas qu’une noble se retrouve courtisée, et amoureuse, d’un (faux)
valet qui n’en revient pas d’aimer une
(fausse) servante ? Et que le frère et le
père de la belle assistent, voyeurs amusés, au spectacle de ces vrais émois
ancillaires ? Marivaux balaye ici de très
belle manière les interdits sociaux,
prouvant qu’on peut s’aventurer à aimer
hors de classe même si, finalement,
l’éducation des nobles les distingue
encore de leurs proches serviteurs.
Faire de ceux-ci des nigauds ridicules,
obsédés de sexe et d’argent, peuple
aux désirs torves comme le fait Calvario est donc très drôle, mais sujet à
contresens douteux. Le public lycéen
se tordait de rire à leurs caricatures.
Pas sûr qu’ils aient compris la force
révolutionnaire de cette comédie où,
pour la première fois, un noble à bout
d’amour propose le mariage à une
prétendue roturière !
A.F.
Le jeu de l’amour et du hasard
a été joué au Gyptis
du 19 au 21 janvier
20
THÉÂTRE
JEU DE PAUME | TOURSKY
Mythes fondateurs
Semaine macédonienne au Toursky et programmation
courageuse d’œuvres inédites, avec le Livre secret, film
de Vlado Cvevanovski avec Jean-Claude Carrière, et
une pièce de Jordan Plevnes, poète et chantre
contemporain de la Macédoine, par le théâtre national
de Strumica, dans la mise en scène de Dejan
Projkovski. Evènement, la télé macédonienne s’est
déplacée ! Le thème abordé est en effet crucial, il s’agit
d’évoquer la vie et l’œuvre de Krste Petkov Misirkov, qui,
par ses travaux, est considéré comme l’un des pères de
la Macédoine actuelle. D’ailleurs, le besoin de se raccrocher à des héros nationaux fédérateurs est sensible
dans toute la pièce qui évoque Philippe de Macédoine
et Alexandre. L’antique Pella, Postol en 1874 sous l’empire ottoman, capitale des deux grands conquérants, vit
naître le nouveau héros, Misirkov, le «Mozart linguiste
des Balkans» avec sa maîtrise de 26 langues. L’enjeu
de son évocation dépassait les limites du spectacle.
L’émotion sensible des artistes, aussi attachante que
maladroite, s’affrontait à un texte mal taillé pour le
théâtre, avec sa grandiloquence romantique, son érudition
universitaire (qui va jusqu’à oser «anthropophonétique»),
ses énumérations infinies, ses va et vient incessants
entre passé et présent, sa volonté d’une impossible
exhaustivité… Oui, la vie du héros fut riche complexe,
torturée, balkanique… Le chœur antique dans la plus
grande tradition, avec de belles voix, des accords qui
ont les accents de la liturgie orthodoxe slave… ne
compense pas un surtitrage calamiteux, une profusion
de cercueils que l’on assemble sans fin, une débauche
Vers la folie ?
Chez Musset, la légèreté est un des
masques de la profondeur, les mots les
plus anodins s’ourlent de sens, on joue
sans cesse à laisser pressentir les failles.
Mise en scène complexe que celle de cet
implicite qui affleure au creux des
silences, des mots retenus, en une
musique subtile et ironique. Les petites
pièces en un acte offrent une palette
riche difficile à appréhender. Les jeunes
acteurs de la troupe de Frédérique
Plain se glissent avec un visible plaisir
dans leur prose délicate. Il faut qu’une
porte soit ouverte ou fermée les entraîne
dans un charmant marivaudage où les
sentiments semblent éclore de leurs
contraires, où les lieux communs s’effritent. Rodolphe Congé et Johan Daisme
interprètent avec délicatesse les bavardages qui les conduisent à des
révélations qu’ils n’attendaient pas.
Mais dans l’intérieur bourgeois tout est
joliment réglé, un peu trop sage alors
qu’on attendait de la folie dans On ne
saurait penser à tout. Malgré le battement
de l’horloge qui, imperturbable, rythme
la mesure puis s’affole, la course frénétique des serviteurs pour remplir la
malle du marquis distrait, on reste sur sa
faim. Le mouvement débridé, le tournoiement dionysiaque, s’enlisent. Sans
doute, il aurait été judicieux de resserrer
un peu, d’établir une réelle tension
dramatique hors de la mécanique.
M. C.
Il faut qu’une porte soit ouverte ou
fermée et On ne saurait penser à tout
ont été joués du 3 au 5 février
au Jeu de Paume
de farine censée représenter la cendre et la poussière
rituelle du deuil, des arrêts sur image dans le meilleur
goût de l’esthétique soviétique… Insondable abîme entre
le théâtral et le théâtre !
La Macédoine est en train de se construire : si «la beauté doit sauver le monde» (Dostoïevsky), elle doit aussi
créer un art contemporain susceptible de donner à
entendre «la musique parfois infernale des Balkans mais
qui rayonne aussi d’espoir.» (J. Plevnes).
MARYVONNE COLOMBANI
Le dernier jour de Misirkov a été joué
au Toursky le 28 janvier
Du roman au théâtre
Le Jeu de Paume était plein
comme un œuf pour les représentations de l’adaptation
du roman d’Anna Gavalda,
Je l’aimais, dans la mise en
scène de Patrice Leconte.
Mais la puissance du texte,
lissé dans cette adaptation,
vidé de sa substance pour devenir du boulevard, manquait
cruellement. La pure simplicité de son style s’aplatit sur
© BM Palazon
scène en une certaine mièvrerie, et le rythme a du mal à se trouver. Le décor, chargé,
ancre la pièce dans une réalité… convenue. Il est certes difficile de rendre au
spectateur l’émotion ressentie au cœur des pages, d’accorder à des personnages qui
s’incarnent, la même poésie qu’à leur modèle de papier. Déception donc, et pourtant
quel bonheur ! Portant toute la pièce, il y a Gérard Darmon, avec sa voix superbe.
La banalité la plus plate prend alors une épaisseur inattendue. Il s’empare du rôle de
Pierre avec subtilité et retenue, jongle avec finesse entre présent et souvenir, laissant
peu à peu affleurer la poignante douleur de la perte. C’est un vrai privilège que de voir
sur scène un si grand acteur. Pour le reste, c’est une bonne occasion de revenir au
texte de Gavalda. M.C.
Je l’aimais a été donné au Jeu de Paume, Aix, du 8 au 12 février
Duel singulier
Combattants ex aequo, la musique, grand vainqueur !
© X-D.R.
Le 2 juin 1626, le cardinal Richelieu interdisait la
pratique du duel qui décimait la fougueuse noblesse,
bien sûr, la pratique n’en cessa pas pour autant, et en
1967 encore on pouvait voir des députés jouer de l’épée
(René Ribière et Gaston Deferre !). Mais la pratique est
tombée cependant en désuétude. Heureusement, Laurent Cirade et Paul Staïcu renouvellent le genre avec
éclat, dans l’efficace mise en scène d’Agnès Boury. Leur
premier duel a fait rire le monde pendant 8 ans, le second risque de solliciter encore les zygomatiques de la
terre entière. Tous les genres, toutes les époques, de
Bach aux Bee Gees, de Beethoven aux Beatles, de
Brahms à Ennio Morricone… Car tous ces compositeurs
n’ont jamais travaillé que pour ce duo virtuose et
déjanté : c’est ce qu’ils affirment en tout cas, et nous
voulons bien les croire, tant leur spectacle est jubilatoire ! Les défis sont nombreux, course poursuite
autour du piano en gardant le rythme de la musique, jeu
dans toutes les positions, debout, assis, couchés ! Avezvous déjà essayé de jouer du piano les yeux bandés, les
mains menottées ? aucun problème pour Paul Staïcu…
Et tirer une mélodie d’un simple fil tendu ? Laurent
Cirade y ajoute une marionnette fildefériste… Et que dire
de l’inénarrable scène de séduction de dame violoncelle ! C’est ainsi que naquit le violon… Les répliques
musicales s’enchaînent en un rythme échevelé, pas un
temps mort dans cette mosaïque variée qui use de tous
les registres avec le même brio, que ce soit pour le jazz,
le classique, le rock. Car l’efficacité burlesque repose
sur la virtuosité technique des musiciens : quelle extraordinaire démonstration d’indépendance et de décoordination,
lorsque le violoncelle joue du piano d’une main, des
cordes de l’autre, en même temps qu’il s’accompagne
au didgeridoo, et que son comparse fait l’autre main au
piano tout en maniant l’archet ! Take a walk on the wild
side à deux sur le violoncelle clôt le génial Duel opus 2.
Un moment de vrai plaisir !
M.C.
Duel Opus 2 a été interprété
les 21 et 22 janvier
VITEZ | PARVIS DES ARTS
THÉÂTRE
21
Inégal
La Compagnie Meninas s’est installée
pour cinq semaines au Parvis des Arts
pour présenter quatre spectacles,
proposer des soirées Cabaret et des
ateliers théâtre. Cavaliers a été travaillé
sous le regard complice de son auteur,
François Cervantès. La pièce, étrange, mêle dès le début le réel de la
représentation, en s’adressant au vrai
public présent, et la fiction, mise en
scène. Puis un autre niveau affleure :
ce qui est dit et joué se révèle à la fin ne
pas être la «vérité» : c‘est ce que confie
la traductrice qui joue aussi le rôle de
la soeur d’Antonella. Et n’est pas sûre
que ce soit sa soeur. Antonella, jouée
de façon très sensible par Francesca
Giuliano, se réjouit au début de voir du
monde. Elle sourit, s’adresse aux spectateurs, et peu à peu se livre et raconte :
l’exil, le mariage arrangé avec Tonio…
confidences en demi-teintes qui laissent sourdre déception et frustration.
Le mari, pas vraiment choisi, n’a pas le
beau rôle… et le comédien en semble
gêné ; le plateau vaguement occupé par
3 étagères n’arrange pas les choses.
Le samedi soir, la compagnie offrait un
cabaret bon-enfant autour d’une dégustation après le spectacle. Si l’une des
interprètes était touchante dans son
interprétation d’une chanson de Barbara,
on ne peut en dire autant des prestations «music-hall ringard» des autres.
CHRIS BOURGUE
© X-D.R
Rouge la mouette
Se récréer
Blessée, tuée, empaillée, La Mouette de Tchékhov est le symbole de la fin des
illusions. La scène d’ouverture passionnelle et désespérée donne les couleurs de
la mise en scène, rouge et noire. «Je suis en deuil de ma vie. Je ne connais pas le
bonheur» répond Macha à Medvédenko qui lui demande pourquoi elle est toujours
vêtue de noir… La pièce de Tchékhov ne cesse d’être actuelle, dans son
romantisme, son interrogation permanente sur la nouveauté, la difficulté d’exister,
de prendre une place, être reconnu en tant que personne, mais aussi en tant
qu’artiste par ses aînés. Difficile à transcrire sur l’espace scénique, faire vivre les
multiples intrigues croisées, rendre sensible les drames, les compromis, les peurs,
la tragédie enfin. Mikaël Serre adapte le texte tout en respectant la tension
dramatique, mais surtout donne un beau dynamisme à cette œuvre souvent
montée dans la lenteur et l’ennui. L’espace de la scène se module avec une belle
liberté, les lieux se multiplient avec évidence, un fauteuil, une piscine gonflable, un
filet de tennis sur lequel la fragile Nina évolue comme un funambule, une tente
dans laquelle la génération de ceux qui ont déjà réussi s’enivre et se protège…
Rythmes variés, élans, accélérations (comme la superbe scène dans laquelle
Constantin court autour des acteurs immobiles avant de sombrer dans le lac), la
pièce est menée tambour battant. On rit, on badine avec profondeur. Les acteurs
sont d’une fraîcheur revigorante. Une représentation d’une très belle qualité à
laquelle le public a rendu un hommage appuyé.
Le jeu de mots entre
re/récréation cherche à
prendre forme et corps
dans l’étape du travail
que Danielle Bré présente avec les jeunes
comédiens de sa troupe
In pulverem reverteris.
RéCréation s’inscrit dans
l’interrogation sur les
relations entre l’artiste et
la société, que la phrase
programmatrice de cette
année suggère, «Le livre
doit être la hache qui brise la mer de
glace qui est en nous» (Kafka). L’ouvrage est composé d’un montage
d’extraits choisis de Robert Walser
dont la photographie projetée sur
l’écran de fond de scène attend le
spectateur, tête légèrement inclinée,
yeux comme perdus dans une
interrogation intérieure. Interrogation
que les personnages reprennent à leur
compte, en lycéens bien typés : la snob,
la riche rebelle, la pauvre avide de reconnaissance, l’éternel bizut, le
séducteur sûr de lui, le cancre et ses
mimiques expressives. Êtres en devenir mais en proie aux doutes et dont la
force tourne à vide, sans perspectives.
On joue des apparences, des demivérités, des a priori, des mots que l’on
donne et que l’on reprend. Symptomatique, le «jeu de la vérité» dans
lequel il faut «à tout prix garder son
masque» ! Le décor très simple se
transforme au fil des scènes, modelé
par les acteurs ; le temps est rythmé par
les sonneries lycéennes et les extraits
des textes de Walser sur l’écran, sem-
M.C.
La mouette a été donnée au théâtre Vitez, Aix, le 2 février
Cavaliers, a été joué au Parvis
des Arts du 18 au 22 janvier
L’espace convivial du bar permet
les discussions autour d’un verre.
© Patrice Claire
© Alain Hatat
blables à des têtes de chapitre.
Beaucoup de bonnes idées, pour une
mise en scène sobre. Mais l’ensemble,
sans doute parce que nous ne sommes qu’au début de ce travail, manque
encore de rythme. La mosaïque des
moments qui cherche à montrer les
différentes facettes de la problématique envisagée, de l’«opacité» de la
jeunesse, se dilue un peu, manque
d’une réelle ligne de force. L’idée de la
fin de la pièce (les comédiens abandonnent leurs personnages et se
présentent eux-mêmes) tombe à plat,
puisqu’il n’y a pas de frontière entre le
jeu précédant et la volonté affichée de
réalité. Il est cependant vivifiant de
constater que le théâtre militant et
expérimental se renouvelle dans les
textes, et par l’analyse de la société
contemporaine.
MARYVONNE COLOMBANI
RéCréation, version 1
a été donné les 26 et 27 janvier
au théâtre Vitez, Aix
La Version 2 sera représentée
en nov 2011 à la Minoterie
22
THÉÂTRE
MARTIGUES | AUBAGNE | CANNES | VALBONNE
Mescal maniériste
© Koen Broos
Le roman de Malcolm Lowry est puissant, épique,
macho, excessif comme son héros le consul anglais
qui aime pénétrer les cercles de l’enfer. Le film de
Huston est moite et littéraire, populaire et mythique
comme la fête des morts, désespéré et résigné
comme ceux qui sentent que la fin approche, et qu’ils
n’ont jamais été aussi vivants. La mise en scène de
Sous le Volcan par Guy Cassiers réussit l’exploit de
proposer une lecture personnelle qui ne trahit jamais
le roman, et rappelle judicieusement le meilleur du
film. La manière du metteur en scène repose sur des
procédés d’amplification qui plongent le spectateur
dans une intimité proche de salles de cinéma.
Murmures, démultiplications des images, montages,
plans serrés, voix off qui s’incarnent, cohabitent
pourtant avec des corps émouvants -les acteurs sont
époustouflants- et un jeu sur la profondeur impossible
au cinéma. Les cercles de l’enfer sont ainsi évoqués
comme autant de plans séparés de cloisons
transparentes qui font écran ou révèlent. Les
relations amoureuses triangulaires déploient leurs
figures géométriques et le texte, réduit à ses
dialogues et ses monologues intérieurs, retrace
simplement la descente vers l’enfer halluciné et
désiré auquel s’abandonne obstinément le consul,
offrant son ventre au couteau. Les grands thèmes du
roman, la guerre, les fournaises, les floraisons
délétères, le corps qui trahit, sont à peine suggérés.
Qu’importe : on les voit, et les odeurs parfois
semblent se propager dans l’espace…
A.F.
Sous le Volcan a été joué
le 28 janvier à Martigues
et les 1er et 2 février à Sète
Fi la mort !
ingénues «quelqu’un a perdu quelque
chose ?») et de lucidité brûlante. Car la
mort est décomplexée, le destin
dérisoire et la poisse qui l’englue vaut
bien un ultime pied de nez… AntigoneAdèll Nodé-Langlois délire, minaude,
s’invente une vie de princesse, se
déhanche sur des riffs de guitare rock
et chevauche à califourchon le cercueil
comme s’il s’agissait de jouer aux autotamponneuses. Le pire (enfin le
meilleur vous a-t-on dit), c’est qu’on y
croit. On vit là nos dernières heures
avant que la mort ne nous emporte
avec elle. Et lorsqu’elle craque le
dernier morceau de chocolat du
condamné on est tenté de lui en
demander un carré !
Antigone © Alain Julien
Antigone n’échappera pas à son destin
tragique. Emmurée vivante par son
oncle Créon, nouveau roi de Thèbes, la
fille d’Œdipe et de Jocaste refusera de
laisser le cadavre de son frère sans
sépulture. La voilà qui se terre à côté
de son cercueil. Difficile d’imaginer
pire scénario ! Difficile d’imaginer
pitreries, facéties et danse macabre !
Sauf qu’avec Adèll Nodé-Langlois,
tout peut arriver : le meilleur comme le
meilleur. Nez rouge écarlate, cheveux
en bataille, le teint blanc de l’Auguste,
toute de noir vêtue -c’est de
circonstance, non ?-, socquettes
blanches et escarpins en cuir à bout
carré -vite délaissés pour des sabots
noirs-, elle se lance dans un
inénarrable monologue clownesque.
On rit de tant de bravade, de perfidie,
de roulements d’yeux, de ruades (ses
déplacements équins autour de la piste
sont prétextes à des questions
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Antigone a été joué du 1er au 3 février
au Théâtre des Salins, Martigues
C’est long la nuit
Ombre. Le faisceau d’une lampe anime l’espace de
ses mouvements. «Dans la vie, il y a deux choses qui
éclairent les gens, la philosophie et les lampes.»
Monologue drôle, léger, de la lampe, marionnette
d’un nouveau genre… on s’installe avec plaisir dans
ce début de spectacle, résultat du travail collectif de
sept auteurs, cinq compagnies de Paca et d’Île de
France et autant de metteurs en scène. Le projet
s’est déroulé en trois phases, commandes puis
résidences d’écriture, lectures publiques et
maquette, résidence (à la distillerie d’Aubagne) et
création du spectacle. Nous y sommes… Projet
ambitieux et difficile, avec trop peu de temps pour la
mise en commun peut-être… Un patchwork de
monologues se succède avec plus ou moins de
bonheur, des longueurs immenses, des éléments qui
pourraient être intéressants mais qui s’avortent
d’eux-mêmes. Cela manque d’une patte qui resserre
les liens, apporte une tension dramatique réelle,
donne un rythme à ce travail décousu, filandreux.
Certains textes ne sont visiblement pas écrits pour
le théâtre, d’autres demanderaient une puissance
absente. On retiendra les joyeux passages de la
serveuse de nuit d’un Mac Drive, «la mouette du drive
in» (!), et son monde nourri de références
macdonalesques, de l’infirmière qui organise
l’escapade des «vieilles» du centre médicalisé,
quelques bons mots du philosophe frustré, le superbe
ciel étoilé de lettres de la fin. On souhaite à ce travail
de trouver son rythme, et de savoir manier les
ciseaux avec discernement.
MARYVONNE COLOMBANI
Métiers de nuit,
présenté par la Cie Le Bruit des Hommes
et sequor a été donné au Comœdia d’Aubagne
le 12 février. Il sera donné de nouveau le 19 février
au Théâtre Alexandre 3 à Cannes,
et du 1er au 5 mars à Gare
Au Théâtre à Vitry-Sur-Seyne (94),
le 7 juillet à Valbonne au Festival Arts de la rue
ARLES
THÉÂTRE
23
Peterson le glas ?
Librement adaptée du documentaire éponyme de
Jean-Xavier de Lestrade par Dorian Rossel, Soupçons
retrace une affaire judiciaire comme les États-Unis
en vivent souvent, spectaculaire, longue, chère, où
les notions de culpabilité et d’innocence sont parfois
reléguées au second plan, au profit notamment de
l’emballement médiatique. Ce procès est celui de
Michael Peterson, écrivain, éditorialiste critique contre la police et le procureur du comté de Durham,
bourgade conservatrice de Caroline du Nord, reconnu coupable d’avoir tué sa femme retrouvée morte
au pied de l’escalier de la maison familiale. Partant
d’une réécriture des dialogues du documentaire,
Dorian Rossel et Carine Corajoud n’ont pas cherché
à rendre compte du réel avec exactitude, mais plus à
déconstruire l’identité sociale et médiatique créée
lors du procès. Très réussie, la première partie, par
une scénographie ingénieuse qui joue avec un décor
modulable et introduit la vidéo dans laquelle s’incrustent les personnages, multiplie les points de vue,
faisant que tous les comédiens jouent tous les rôles,
en introduisant en sus un humour perturbant. Un ver-
sant ludique qui brouille hélas le propos, et ne permet
pas de s’attacher à cette si controversée personnalité, ni de saisir la charge émotionnelle de fait
absente. La deuxième partie, centrée sur le procès,
perd de sa pertinence, au profit d’une prise de parole
un brin mécanique qui fait se succéder toutes les
parties sans réelle distanciation. Et Peterson ?
Condamné à la prison à vie.
Soupçons a été joué le 25 janvier
au théâtre d’Arles
© Carole Parodi
Détournements imaginaires
Entièrement dévolue à l’exploration de la magie
nouvelle, thème central du temps fort proposé par le
théâtre d’Arles dans le cadre de la programmation
Territoire de cirque commune aussi à Port-de-Bouc
et Martigues, 14:20 présentait Notte, voyage en clairobscur en compagnie de jongleurs et danseurs.
Étrange ballet en vérité que celui qui se crée sur
scène, composé de «visions» plus ou moins courtes,
impressions de rétines qui racontent une histoire…
Des balles lumineuses, seules visibles, ont une
trajectoire aléatoire sur fond de bande son estivale à
base de criquets, puis animées par des bras à
l’ampleur démesurée voilà qu’elles se font traces
persistantes ; moment de grâce avec un numéro
d’habillage-déshabillage qui invite la vidéo à brouiller
la vision de deux personnages superposés (c’est
donc possible !) ; mélange d’images agrandies de
détail du corps d’un danseur virtuose qui exécute au
premier plan une folle chorégraphie qui nous perd…
Tout est relatif, le temps s’étire, les lumières
dessinent sur les corps des mouvements bien réels
et pourtant complètement imaginaires. La magie
alors se loge dans d’infimes digressions visuelles qui
font insensiblement dévier le réel, le transforme
suffisamment pour réinventer nos perceptions.
Troublante réalité.
DO.M.
Notte a été proposé le 4 février
par le théâtre d’Arles
Le Mentalist inquisiteur
© X-D.R
Moins perruqué que Simon Baker, le mentalist de la
série télévisée à audience exponentielle, Thierry
Collet est non seulement un acteur qui maîtrise
parfaitement sa partition -le déroulé de sa conférence-démonstration est réglée au cordeau- mais un
aussi un habile prestidigitateur de nos consciences.
«Ceci n’est pas un spectacle» prévient-il en intro. Et
pourtant. Durant plus d’une heure, il utilise la magie
mentale pour démontrer à son auditoire que la manipulation est une chose courante. «Il est dans la nature
des choses et des êtres d’être soumis à influence». À
travers un dispositif d’expériences collectives, auxquelles se soumettent volontiers les spectateurs, le
maître s’amuse, très sérieusement, à les manipuler.
Par son discours et ses adresses tutoyées, il agit sur
la pensée et soumet le jugement de ses cobayes.
Une manipulation collective, amusante, épatante même,
mais qui fait froid dans le dos. La preuve qu’une
société peut être modélisée par la psychologie
sociale, que le prétendu libre arbitre est orchestrable
et prévisible… Lorsqu’une spectatrice accepte de se
laisser planter une longue aiguille dans la gorge, en
confiance aveugle avec l’orateur qu’elle ne connaît
que depuis 30 minutes, cela devient proprement hallucinant. Les derniers mots du spectacle, car il s’agit
bien de cela, sont ceux du Grand Inquisiteur de
Dostoïevski, en conclusion d’une hypothèse de la
soirée écrite en amont, dans laquelle descriptions
physiques, choix guidés et déroulé exact étaient
consignés. Spectaculaire !
DELPHINE MICHELANGELI
Influences s’est joué au théâtre d’Arles
le 11 février
24
THÉÂTRE
AVIGNON | ISTRES
© Beatrice Logeais, Maison de la Poesie, Paris
Rhapsodie d’enfance
tapageuse. Juste un témoignage parlé-chanté, sans
l’ombre d’une ostentation, sur le délitement du
temps, des souvenirs qui se ramassent à la pelle, des
odyssées nocturnes dans les tentes féminines, des
hymnes communistes et des utopies d’alors. Une
petite ritournelle qui nous laisse étrangement
nostalgique. Mais pas mélancolique.
Il reste toujours quelque chose de l’enfance, paraît-il.
David Lescot en témoigne, avec une désarmante
sincérité, dans son spectacle La Commission centrale
de l’enfance. Un gracieux tour de chant minimaliste,
sans armes ni trompettes (juste une guitare tchèque
de 64), en forme d’hommage aux colos de vacances,
où l’ombre portée de son enfance vient délicatement
frôler la nôtre. Créée pour les gosses de juifs
communistes après la Seconde Guerre mondiale, la
CCE portait une idéologie désormais perdue, des airs
de lendemains qui chantent, des souvenirs que
l’auteur, acteur, musicien égrène et pour lesquels il a
reçu le Molière de la révélation théâtrale en 2009.
Une consécration médiatique étonnante, tant
l’interprétation parait simple, nonchalante, sans
jugement ni accusations, sans pathos ni révélation
DELPHINE MICHELANGELI
La Commission centrale de l’enfance
s’est jouée du 19 au 21 janvier
au théâtre des Halles, en partenariat
avec la Scène Nationale de Cavaillon
Performance cycliste
Europe, Cap Nord, Argentine, Patagonie, Australie, Mexique puis Tasmanie,
Japon, Népal, Thaïlande... Un tour du
monde consigné dans les carnets de
route de Chantal Valéra et adapté sur
scène par la formidable Brigitte Mounier, à en perdre les pédales ! Véritable
performance de la vie au plateau où
tout se joue à bicyclette, ce Road Movie
tient le public en haleine, le palpitant
au garde à vous et les mirettes éblouies.
La comédienne, une Petite Reine qui
ne craint pas le vide (elle pédale la moitié
du spectacle ou reste dans les airs
miraculeusement harnachée à son vélo),
relate la traversée de cette femme du
Nord qui découvre à 45 ans, après la
vie de femme au foyer, celle de voyageuse solitaire. «J’ai fait mon devoir
jusqu’au bout, maintenant j’ai le droit
d’être heureuse». 120 000 kms parcourus à vélo en 15 ans, avec son lot de
crevaisons, d’intempéries, de coups de
cafard, la peur de mourir, l’épuisement,
les moustiques… Une quête de liberté
pour sortir de l’enfermement domestique, qui passe régulièrement par la
souffrance mais lui révèle la beauté du
monde, sa fragilité et son hostilité. «La
vraie récolte du voyage, c’est qu’enfin
tu comprends la place que tu as dans le
monde. On est vivant dans un monde
vivant» annonce la nomade émancipée,
qui veut aussi, grâce à sa performance,
se battre contre les violences faites aux
femmes et l’acharnement des traditions qui «nous tiennent dans une vie
qu’on n’a pas choisie». Quitte à prendre
le risque de ne plus vouloir revenir : «La
liberté c’est comme une prison, quand
tu y as gouté tu ne peux plus en sortir.»
DE.M.
© Ville de Grande-Synthe
Road movie à bicyclette
de la compagnie des Mers du Nord
s’est joué au Chêne Noir
les 27 et 28 janvier
Une soupe de vie
© Regis Nardoux
Il se tient dans l’ombre, vacille, chuchote presque et
finit par s’installer au cœur du foyer dans lequel il
entre comme par effraction, chancelant, en proie à
une immense douleur. Jean est-il arrivé au bout de la
route comme il le souhaite ? S’installant, il va
progressivement insuffler à la maîtresse des lieux, sa
fille ainsi qu’à son fiancé, et sa mère, l’envie de
renaître, de respirer à nouveau. Et de fait c’est tout le
village qui va s’épanouir, se transformer et reprendre
couleurs, visiblement, au gré des saisons, tandis que
Jean, lui, reste prisonnier de sa relation avec sa
femme partie avec un autre, fantôme présent et
meurtrier. Dans une lumière tamisée qui tremblote
comme un feu, les personnages bougent peu, la
langue de Giono est l’essentiel élément constitutif de
cette pièce lyrique et sensuelle, dont la prose ciselée
a la force et l’âpreté des paysages austères du haut
pays provençal cher à l’auteur. Mais dans une
scénographie qui a l’intérêt de la sobriété, le décor de
Jacques Mollon -grands pans de peinture noire striée
et opaque évoquant le travail de Soulages- apparaît
comme redondant, écrasant de son poids la mise en
scène dépouillée de François Rancillac, imprimant à
la diction des comédiens une lourdeur pesante par
moment, déjà «naturellement» colorée d’outretombe. De cette première pièce écrite par Giono en
1941 reste le bonheur d’un texte magnifique.
DO.M.
Le bout de la route a été joué au théâtre de l’Olivier,
à Istres, le 29 janvier, et au théâtre de la Passerelle,
à Gap, le 1re février
AVIGNON | CHÂTEAU-ARNOUX
THÉÂTRE
25
Risquer sa vie pour la gagner
«Vous m’avez émue, j’ai entendu mon texte différemment.
Merci !». Voilà ce que déclarent les auteurs, présents
au week-end de lectures À l’Abordage, proposé par le
Théâtre du Balcon. Sans compter les applaudissements d’un public gourmand de goûter en direct les
mots d’auteurs d’aujourd’hui, lus par des comédiens
qui découvrent quasiment le texte. D’où une émotion
non feinte et parfois contagieuse durant cette navigation théâtrale où s’embarquent depuis 3 ans sur le
plateau auteurs, interprètes et public. Une invitation
au partage menée par le maître des lieux, Serge Barbuscia, qui distille à l’envi quelques vers de son goût,
bouteilles à la mer en guise de bienvenue et de cap
à tenir. Cette année, 12 comédiens auront participé
aux 5 escales, reliées par des thèmes «politiques» et
composées par Ian Soliane, Jean-Louis Leconte,
Alain-Didier Weill, Corinne Klomp et Milka Assaf.
Cette dernière, cinéaste et auteure, nous emmène
au Liban avec Les Démineuses. Une histoire inspirée
de faits réels dans un pays où deux millions de mines
anti-personnelles continuent de faire des morts et
des blessés. Après la rencontre de femmes démineuses, son projet était de faire un documentaire, «mais
les chaines de TV n’étaient pas intéressées» et elle
opta, judicieusement, pour une pièce de théâtre. Lue
dans sa totalité par Arlette Bach, Emmanuelle
Brunschwig, Camille Caraz, Corinne Derian et
Marie Pagès, la pièce a reçu le prix Claude SantelliAssociation Beaumarchais SACD et le prix CNT. Un
exemple de solidarité et d’émancipation, au péril de
la vie, dans un pays qui démine son passé.
DE.M.
À l’Abordage ! s’est tenu du 21 au 23 janvier
au théâtre du Balcon, Avignon
Esquisse étique
© X-D.R
La Cie italienne 15Febbraio nous avait fait rire avec
son Service de Nettoyage décalé, spectacle anti spectaculaire où les deux comédiens mal assortis, clowns
du quotidien, parlaient de leur désir de théâtre tout en
faisant le ménage. Avec Still live ils partent du même
décalage, se présentent très près du public comme
deux comédiens ayant reçu des subventions pour
créer un spectacle… Cela part bien, puis s’arrête vite,
faute de carburant comique, de force ironique, de
propos, de texte, d’idées. La forme présentée dans la
petite salle du théâtre Durance demande vraiment à
être étoffée ! Car tourner mine de rien autour de problèmes existentiels, artistiques ou économiques peut
être très drôle, mais pour mouliner du rien qui tourne
à vide il faut que les rouages soient bien huilés, et
fonctionnent à plein.
A.F.
Still live a été créé au Théâtre Durance,
Château-Arnoux, les 10 et 11 février
THÉÂTRE
AU PROGRAMME
Pour conclure…
Confidences
Éperdu
Zerline, vieille domestique au service de la baronne
© Brigitte Enguerand
Le récit de la servante Zerline
Du 10 au 19 mars
La Criée
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
les 29 et 30 mars
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
Espace-temps
© Manifeste rien
Faute de salle à sa mesure jusqu’à présent, JeanLouis Benoit a créé son Labiche à Bordeaux, et vient
à Marseille finir sa tournée après une soixantaine de
représentations… triomphales : le public et la presse
sont enthousiastes, encensent la performance de
Philippe Torreton, celle de Dominique Pinon,
découvrent ce Labiche inconnu, corrosif, qui parle
encore de nos bourgeois, de leurs compromissions et
de leurs petits états d’âme. De leurs lâchetés. Un
monde qui s’achèvera en beauté, dans la grande salle
de la Criée enfin retrouvée. Sa mise en scène du
Freischutz à Toulon a également ravi le public (voir p
35). Pour mieux qu’on le regrette ? Il promet qu’il
reviendra à Marseille, autant qu’il le pourra…
W. depuis trente ans, se confie à A., un voisin, et
raconte ses frustrations, ses désirs de victoires et de
vengeances. Car Zerline fut la rivale de la baronne
des années durant, vivant par procuration un amour
impossible avec le baron, s’occupant sans fléchir de
leur fille Hildegarde. Et enfouissant profondément ses
sentiments… Yves Beaunesne, qui signe aussi la
traduction et l’adaptation du monologue d’Hermann
Broch, met en scène Marilù Marini dans ce désordre
des cœurs.
Un pied dans le crime
Du 8 au 27 mars
La Criée
04 91 54 70 54
www.theatre-lacriee.com
À
l’Est
Écrit et mis en scène par Mélanie Stravato,
accompagnée de Malwen Voirin, Vers/Thésée est
une épopée en trois temps, un travail centré sur son
texte L’indien ne traverse plus la plaine. Ni le cheval
qui s’en va lorgner du côté de l’Est, vers la Croatie et
la Bosnie, avec des images, la musique de Samuel
Bobin et Véronika Soboljevski…
Vers/Thésée (épopée)
Du 8 au 13 mars
Les Bernardines
04 91 24 30 40
www.theatre-bernardines.org
Abel et Bela
Du 8 au 26 mars
Le Lenche
04 91 91 52 22
www.theatredelenche.info
Françoise Chatôt aime décidément les histoires
d’amour ! Tragiques, si possible… Après Ruy Blas et
les Caprices de Marianne elle remonte à l’origine du
mal, vers le mythe elizabethain lui-même, Roméo et
Juliette. Le vrai, celui qu’Yves Bonnefoy a traduit avec
toute sa charge poétique, ses images précieuses, la
violence incontrôlée de ses désirs, et sa jeunesse
follement vivante qui se heurte à une société sourde
engoncée dans ses vieilles querelles. Intemporel, on
vous dit ! Avec toute l’équipe du Gyptis, qui soigne
aussi ses fidélités.
Roméo et Juliette
Du 15 mars au 2 avril
Théâtre Gyptis
04 91 11 00 91
www.theatregyptis.com
Le collectif Manifeste rien, en résidence au Lenche
jusqu’au 5 mars, ouvre l’univers de sa dernière
création, Baraque de foire, au public. Jérémy Beschon
met en scène des événements contemporains et
historiques, faisant se télescoper les discours de
personnages communs ou illustres, présents ou
disparus dans les manèges de l’éducation, de la
culture, au milieu de fantasmes républicains. À suivre.
Baraque de foire
Du 1er au 5 mars
Le Lenche
04 91 91 52 22
www.theatredelenche.info
Décoiffant
Sur le texte de Robert Pinget, Abel et Bela, Eric Délivrance
Louviot s’attache au binôme complice de deux Toujours pertinent, le texte d’Henrik Ibsen, Maison de
comédiens au chômage qui cherchent à monter la
pièce de théâtre idéale. Couple indissociable et
conflictuel, ils incarnent tous deux la figure de l’auteur
dramatique, offrant un bel hommage au théâtre et au
processus même de l’écriture au gré de recherches
échevelées qui parcourent tous les genres avec
gourmandise et inventivité. Par ailleurs l’équipe
artistique rencontrera le public à l’issue de la
représentation le 17 mars.
Photo de repetition de Romeo et Juliette m.e.s. F. Chatot © Mathieu Bonfils
26
poupée, est ici mis en scène par Michel Fau, acteur
génial et metteur en scène cruellement loufoque. Il
prend le parti de l’expressionnisme et de l’onirisme,
qui n’est pas sans rappeler l’univers de Tim Burton,
pour souligner le côté drôle, angoissant et oppressant
de la pièce du dramaturge norvégien. Audrey Tautou
est Nora, femme-jouet de son mari qui prendra peu
à peu conscience de son aliénation jusqu’à
(re)devenir un être humain.
Maison de poupée
Les 18 et 19 fév
Théâtre Toursky
0 820 300 033
www.toursky.org
Percutant
La cie Cartoun Sardines transforme l’univers de
Brecht en montant Un homme est un homme en une
cruelle fantaisie anticonformiste. Dans un univers très
proche de l’esthétique BD, la troupe prend le parti du
rire avec un humour décalé, affublant les personnages de costumes loufoques -et notamment Galy
Gay, embarqué dans une vie qui n’est pas la sienne,
passant de pêcheur à soldat naïf et manipulé, les
faisant évoluer sur des constructions hilarantes et
improbables…
Un homme est un homme
Du 8 au 12 mars
La Minoterie
04 91 90 07 94
www.minoterie.org
le 31 mars
Salle Emilien Ventre, Rousset
04 42 29 82 53
www.rousset-fr.com
le 17 mai
Théâtre la Colonne, Miramas
04 90 58 37 86
www.scenesetcines.fr
MDR au Merlan
rire marseillais : de Dugommier à Saint
Henri en passant par le Ferry boat,
pour des escales publiques dont il
restituera la synthèse le 25 mars. Puis
ce sera le tour de Massimo Furlan
qui, après avoir restitué en 2007 au
Vélodrome une partie de foot
mythique, offre ici une restitution,
forcément hilarante, de l’Eurovision de
1973. Si si, celui avec Patrick Juvet et
Anne-Marie David (les 11 et 12 mars)…
Puis un Cheval incongru d’Antoine
Defoort et Julien Fournet viendra
détourner absurdement objets, gestes,
mots et concepts, pour un spectacle
pas si foutraque, et volontairement très
low tech (du 16 au 19 mars). Et cela
continuera jusqu’à fin avril… A.F.
Courage… rions
6 spectacles du 10 mars au 30 avril
Le Merlan
04 91 11 19 20
www.merlan.org
>
Après son cycle thématique sur la
magie c’est aux ressorts comiques que
la scène nationale s’attèle, pour faire
partager des découvertes qui empruntent peu pourtant au grand genre
théâtral de la Comédie… Le rire est un
sujet de réflexion, et d’œuvres, depuis
les Anciens et Aristote . Mais son
déclenchement, ses implications, sa
force et son irrésistible attrait restent
toujours aussi mystérieux. Surprise,
connivence, incongruité, répétitions, le
rire peut surgir de toutes parts. Et si
Maguy Marin avec AhAh avait mis en
évidence le caractère infâme de
certaines moqueries communes, dont
la télé d’aujourd’hui raffole, le Merlan
interrogera plutôt les vertus
libératoires, et critiques, de ces
spasmes qui nous agitent parfois
presque à notre insu.
En commençant par un vagabondage
de Ronan Tablantec, clown quotidien
qui va arpenter la ville pour interroger le
1973, Avignon © Pierre Nydegger
Déclin
Intimiste
Première des mises en scènes issues Dans Voyage sur place, Alain Simon
des ateliers de Création de l’Université
avec les étudiants des cursus théâtre
et musique, celui de Frédéric Poinceau
s’appuie sur le scénario de Robert
Bresson (1977), Le Diable probablement, qui suit les derniers jours de la
vie de Charles, étudiant désabusé et
sceptique, à travers ses désespoirs
amoureux et son indifférence politique.
Un travail d’adaptation théâtrale, mais
aussi de montage vidéo à partir des
fragments documentaires écologistes
du film et d’extraits d’archives.
Le diable probablement
Du 8 au 12 mars
Théâtre Vitez, Aix
04 42 59 94 37
www.theatre-vitez.com
met en scène Alain Reynaud, cofondateur de la cie Les Nouveaux Nez, auteur
et comédien de ce texte autobiographique qui raconte son enfance dans
le petit village Bourg-Saint-Andéol. Un
texte basé sur plusieurs séances d’improvisation, qui n’est pas une compilation
de souvenirs mais un récit à deux voix
qui, interprété à deux, casse la dimension autobiographique. Une façon
d’accéder à l’universel au travers d’un
récit intime.
Voyage sur place
Du 10 au 20 mars
Théâtre des Ateliers, Aix
04 42 38 10 45
www.theatre-des-ateliersaix.com/blog
28
THÉÂTRE
AU PROGRAMME
Grains de beauté
Réalisme
Révolutionnaire
Le metteur en scène argentin Daniel Veronèse
adapte Une Maison de poupée de Ibsen, situant
l’action à notre époque pour en souligner l’actualité
toujours prégnante après des années de féminisme.
Rebaptisée Le développement de la civilisation à venir,
la pièce reste fidèle au texte d’Ibsen, faisant de Nora
une jeune bourgeoise écervelée qui va peu à peu
prendre conscience de son aliénation et des
mensonges qui gangrènent son couple. Une mise en
scène rythmée qui met à nu la brutalité des relations,
et notamment des rapports hommes-femmes.
Toujours actuel.
Le développement de la civilisation à venir
Le 16 mars
Théâtre d’Arles
04 90 52 51 51
www.theatre-arles.com
© Pierre Grosbois
>
Les 18 et 19 mars
Châteauvallon, Ollioules
04 94 22 02 02
www.chateauvallon.com
Catherine Marnas met en scène les Lignes de
failles de Nancy Huston… Le premier épisode, créé
à Gap durant la saison dernière (voir Zib’29), était une
leçon de théâtre, un régal d’intelligence, de
sensibilité, d’émotion. Le début d’un voyage à
rebours qui cette fois ira au terme : jusqu’à l’origine
de la faille qui traverse quatre générations, et notre
histoire contemporaine. D’un magnifique roman
monde Catherine Marnas a su faire une saga
théâtrale élégante qui instaure un rapport au récit
tout à fait nouveau, et limpide. Une longue
embarquée de plus de quatre heures, sans une
seconde d’ennui… grâce à des comédiens au talent
exceptionnel, à un amour sensible du texte, et une
confiance volontaire dans les vertus de la fable.
Lignes de faille
Les 12 et 13 mars à 17h
Théâtre de la Passerelle, Gap
Le 18 mars à 19h
Théâtres en Dracénie, Draguignan
Le 24 mars, 1re partie à 20h30
Le 25 mars 2e partie à 20h30
Le 26 mars l’intégrale à 19h
Théâtre Les Salins, Martigues
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
Frontières
Le spectacle était en «chantier d’écriture» lors des
Hallucinant
Entre théâtre et image-cinéma, Joris Mathieu et la
Cie Haut et court explorent des espaces scéniques
high-tech où la vidéo prédomine, créant des
ambiances troublantes quasi irréelles pour faire
entendre le texte d’Antoine Volodine, Des anges
mineurs. Récit étrange et sublime de quelques
centenaires nostalgiques du paradis égalitariste
perdu, enfermées dans un hôpital expérimental… qui
décident de donner vie à une poupée de chiffon !
Une expérience esthétique à la frontière du réel.
© Sergio Chiossone
Primal
Après le retentissant et hilarant Cocorico qu’ils
avaient lancé l’année dernière sur la scène nîmoise,
Patrice Thibaud et Philippe Leygnac reviennent,
accompagnés cette fois de l’incroyable Lorella
Cravotta, avec Jungles. Le trio se fera fort de faire
accepter à chacun ses reflexes de défense et de
survie dans une jungle urbaine, animale ou
sentimentale. Une partition essentiellement muette,
qui prendra appui sur la musique de Philippe Leygnac
pour l’occasion composée à partir d’instruments
primitifs à cordes et à vent…
Jungles
Les 24 et 25 fév
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
Des anges mineurs
Les 22 et 23 fév
Théâtre de Sète
04 67 74 66 97
www.scenenationale-sete-bassindethau.com
Déterré
Un des chefs-d’œuvre du théâtre désespéré de
© Celine Aubertin
De mon hublot utérin…
Le 8 mars
Théâtre des Salins, Martigues
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.f
Notre terreur
Du 21 au 25/2
Scène Nationale de Sète
04 67 74 66 97
www.theatredesete.com
>
Rencontres à l’échelle aux Bancs publics en
novembre (voir zib 36), le voilà achevé. De mon hublot
utérin, je te salue humanité et dis blablabla…
convoque les talents de Mustapha Bendofil au texte,
de Julie Kretzschmar à la conception et la mise en
scène, et Thierry Thieû Niang à la chorégraphie pour
une partition partagée franco-algérienne qui croise
les trajectoires et les histoires entre les deux pays.
© Marine Fromanger
Le happening fichtrement talentueux et élaboré de
la bande de jeunes comédiens masculins emmenés
par Sylvain Creuzevault fait escale à Sète.
Débordant d’inventivité, avec une façon très nouvelle
d’aborder la scène et l’histoire… et quelques
imperfections inhérentes à cette superbe jeunesse
pétaradante (voir Zib 36). Mais le Comité de Salut
Public est toujours vivant !
Samuel Beckett est aussi un hymne à la vie. Oh les
beaux jours est une œuvre infiniment tonique et
puissante, à la fois drôle et bouleversante que la
compagnie du Théâtre de l’Eveil présente pour une
unique représentation au théâtre de la Colonne.
Michel Abécassis dirige Stéphanie Lanier
(Winnie) et Pierre Ollier (Willie) : sous l’apparente
frivolité d’un discours se cache la chatoyante
politesse du désespoir.
Oh les beaux jours
Le 15 mars
Théâtre de la Colonne, Miramas
04 90 58 37 86
www.scenesetcines.fr
THÉÂTRE
sociale et politique de notre époque et se fait conteur
d’un certain mois de mai 68, à travers la parole de
ceux qui ont vécu ces années. Nourri de la petite et
de la grande histoire, il raconte et questionne. Figures
connues et anonymes se mélangent pour restituer
couleurs et émotions d’une époque qui se répercute
sûrement, et se reflète sans doute, sur nos vies.
© Christophe Olinger
Pavé
historique
Politicien
Nicolas Bonneau continue d’interroger la mémoire
Inventaire 68, un pavé dans l’histoire
Le 11 mars
Espace Robert Hossein, Grans
04 90 55 71 53
www.scenesetcines.fr
La pièce de Jean-Claude Brisville évoque le souper
entre deux hauts dignitaires, Joseph Fouché (Marc
Olinger) et Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord
(Philippe Noesen) en juillet 1815. Un souper où l’on
s’interroge sur la nature du gouvernement à donner
à la France, en pleine débâcle, et où se révèlera,
souvent à demi-mot, celle des protagonistes. Le
théâtre des Capucins du Luxembourg opère avec
ce souper un rapprochement avec l’actualité
politique éclairant.
>
Sortie d’usine - Récits du monde ouvrier
Le 12 mars
Centre Culturel Marcel Pagnol, Fos-sur-Mer
04 42 11 01 99
www.scenesetcines.fr
passionnant, Denis Podalydès un acteur
époustouflant qui produit ici une performance
physique inattendue… Reste que, même si le texte
de Christine Montalbetti est intéressant, l’adaptation
scénique en solo manque d’épaisseur, et de
personnages secondaires…
© V. Jousseaume
Le cas Jekyll
Les 7 et 8 mars
Théâtre en Dracénie, Draguignan
04 94 50 59 59
www.theatresendracenie.com
Le Souper
Du 10 au 12 mars
Théatre du Chêne Noir, Avignon
04 90 82 40 57
www.chenenoir.fr
Vivifiant
Marivaux téléporté au cœur des années 50 ? JeanLuc Revol et sa troupe réussissent ce pari audacieux
car les histoires d’amour sont éternelles… La pièce
surfe sur des airs endiablés de mambo, se pare de
costumes aux couleurs de bonbons acidulés, le
rythme ne faiblit pas, bref, cela ressemble à un
roman-photo sentimental mais c’est toujours du
Marivaux.
Réinsertion
Un trio d’acteurs poignants, mis en scène par Claude
Viala, pour interpréter quelques tranches de la vie
d’un jeune homme sans emploi (d’après les 7 jours de
Simon Labrosse de Carole Frechette). Soutenu par
ses amis, Léo le poète négatif et Nathalie obsédée
par son développement personnel, Simon raconte
ses idées pour se «réinsérer dans la vie active». Une
tentative, entre le comique de son existence et le
tragique de son immense solitude, pour trouver sa
place dans la société.
Le préjugé vaincu
Le 18 fév
Théâtre Durance, Château-Arnoux
04 92 64 27 34
www.theatredurance.com
Les 7 jours de Simon Labrosse
Du 17 au 19 mars
Théâtre des Halles, Avignon
04 90 85 52 57
www.theatredeshalles.com
Le 19 fév
Le Carré, Sainte-Maxime
04 94 56 77 77
www.carreleongaumont.com
Final
Inspiré de l’œuvre de Cesare Pavese, Hey Mambo !
Hey Mambo !
Le 11 mars
Théâtre le Sémaphore, Port-de-Bouc
04 42 06 39 09
www.theatre-semaphore-portdebouc.com
© Pascal François
raconte la nuit désenchantée d’un homme qui décide
d’abandonner le Métier de vivre. Une fantaisie en
forme de joyeuse veillée funèbre, une ronde
grotesque, émouvante et drôle, autour d’un homme
empêché de dire, en toute sérénité, adieu à la vie.
Par la compagnie Dynamo théâtre, pour la deuxième
année consécutive en résidence au Sémaphore.
>
Le père Tralalère
Les 11 et 12 mars
Scène Nationale, Cavaillon
04 90 78 64 64
www.theatredecavaillon.com
s’ébroue, magnifique fils des ombres, des couleurs
et des formes qui envahissent littéralement la scène.
Il est question ici de la tentation romantique de l’exil
solitaire, de l’appel du désert, du recours
contemporain aux forêts symboliques. Mais la
partition de Therminarias se débat avec la diatribe,
trop verbeuse pour le théâtre de Michel Onfray. On
en vient parfois à souhaiter le recours au silence…
Deux
en un
Le dédoublement du Docteur Jekyll est un mythe
France, on a tendance à l’oublier d’après Nicolas
Bonneau. Le conteur sort des clichés des années 50
pour réhabiliter la culture ouvrière, les familles, les
métiers, les savoir-faire, les rêves… Réalisé grâce au
collectage de paroles d’ouvriers dans les usines du
Poitou Charentes en 2007, il mène une véritable
enquête sociale sur le monde du travail.
poupe : après Notre Terreur la cie d’Ores et Déjà
vient présenter une autre création collective… Au
départ, le mariage de Lise et Léo. Puis le bonheur qui
s’invite à la table, familles et amis rassemblés, les voix
qui s’entremêlent comme des bouffées de paradis.
Mais le silence, caché derrière cette allégresse, les
non-dits sur le point d’être dits, vont faire basculer le
repas au milieu de chants sidérants de beauté. Écrit
à partir d’improvisations, le spectacle mis en scène
par Sylvain Creuzevault, se maintient ouvert aux
aléas de la représentation.
Romantique
Dans une scénographie inouïe un comédien danseur
Le recours aux forêts
Le 26 fév
Le Carré Gaumont, Ste-Maxime
04 94 56 77 77
www.carreleongaumont.com
Usine
La classe ouvrière existe encore aujourd’hui en
Noces
C’est LA jeune compagnie parisienne qui a le vent en
29
30
DANSE
AUBAGNE | PAVILLON NOIR | MERLAN | AVIGNON
Lignes de vie
Oups-Opus © Marine Drouard
Elle court, elle court La Vouivre avec son diptyque
Oups + Opus, déjà sa 100e représentation au Théâtre
Comoedia à Aubagne ! Deux parties comme les deux
faces d’une histoire amoureuse : la naissance d’un
couple, ses émois sensuels, entre désirs et maladresses, dans un duo sur canapé qui convoque le
comique né de l’incongruité (Oups) ; les vicissitudes
d’une fin annoncée à travers des tableautins drôles,
poétiques, souvent saugrenus (Opus). Oups est une
petite forme théâtralisée qui met en jeu les corps,
dans des déplacements millimétrés, l’expression des
regards, des visages, des mains, et s’attache au plus
infime détail. Dans l’intuition du geste juste. Opus est
une pièce visuelle et sonore qui joue sur l’écho décalé ou synchronisé- avec les virgules musicales
ou les onomatopées acoustiques : mouvements
accélérés qui entrent en résistance, s’interrompent
brutalement, se figent et recommencent entre deux
longs silences des corps. Et toujours ce même amusement distancié de Bérangère Fournier et Samuel
Faccioli qui incarnent, le temps d’une respiration
commune, la vie comme elle va. On a hâte de découvrir Pardi, leur future création 2011.
Coïncidence de la programmation de ce Temps 1 de
Danse à Aubagne, Oups était dévoilée à l’Été des
Hivernales d’Avignon en 2009, Fleurs de cimetières
(et autres sornettes) l’était la même année dans le
cadre du Off. Orchestrée par Myriam Hervé-Gil,
cette œuvre écrite par Dominique Wittorisky (mots
chahutés, images incisives, parole crue) est interprétée par six danseuses âgées de 50 à 60 ans et
une comédienne. Pièce chorale sur les traces du temps
qui passe et l’étincelle du désir qui brille encore, qui
tire sa force des singularités corporelles et de l’osmose réussie dans ses aspérités. L’une parle, les autres
dansent. Des esquisses, harmonieuses ou dissonan-
tes, sur des chansons de Reggiani ou des ritournelles
légères. Seul bémol, Fleurs de cimetières (et autres
sornettes) est exclusivement féminine, comme si les
coups bas de la vieillesse n’étaient portés qu’aux
femmes…
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Oups + opus et Fleurs de cimetières
(et autres sornettes) ont été joués respectivement
les 19 et 22 janvier dans le cadre de
Danse temps 1 au Théâtre Comoedia, Aubagne
Vague à l’âme et lame de fond
Épigones
Chaque année quelques danseurs du Ballet Preljocaj
travaillent à des compositions personnelles, qu’ils
offrent au public avec les moyens techniques du
Pavillon Noir. Une aubaine, dont ils savent se saisir :
on y constate toujours le talent exceptionnel des
interprètes, et la griffe Preljocaj (gestes brusques
obliques, membres qu’on ramène à soi de la main,
saccades et raideurs opposés à de lents étirements
extrêmes). Trois des quatre Affluents, avec plus ou
moins de bonheur, empruntent à ce vocabulaire pour
décrire une expérimentation aliénante (Émilie
Lalande), les étapes d’un deuil (Lorena O’Neill), un
duo d’avatars technologiques fort sensuels (Sébastien Durand). Trois pièces intéressantes, construites
en séquences progressives, «utilisant» bien la lumière
et l’espace et mal, trop fort, bout à bout et sans rapport sensuel avec elle, la musique ; mais avec parfois
de très belles idées chorégraphiques, en particulier le
lent passage au sol du duo Eve et Adam. La surprise
réelle venait cependant de la dernière pièce, théâtrale, déjantée : Baptiste Coissieu, le benjamin de la
troupe (23 ans), parodie le jeu des chanteuses de Bel
canto, radio crochette le public, joue d’un univers
trans rouge et noir tapageur, et hilarant. Un gros grain
de folie bienvenue !
A.F.
Les pièces des Affluents ont été créées
les 4 et 5 février au Pavillon Noir, Aix
Les Affluents © Agnès Mellon
Lia Rodrigues, chorégraphe brésilienne, fait foi de
profession. Elle crie et décrit la favela «de Maré» au
cœur battant de Rio de Janeiro, son no man’s danse de
140 000 âmes. Maelström des turbulences économiques, sociales et humaines. Bouillonnement et remous
des corps rompus et corrompus. Une composition
entre stochastique et chaos qui recompose un nouvel
ordre économique émergeant où les pailles du fétu
humain, sur fond et flot de mondialisation, se bouleversent, parfois bouleversantes. L’ordre désordonne
les corps aux gestes d’amour violent et de violences
Pororoca © Sammi Landweer
amoureuses. La puissance de l’Amazone océane pour
une chorégraphe amazone : le mot Pororoca désigne
«un phénomène naturel produit par la confrontation
des eaux du fleuve avec celles de l’océan et qui au
Brésil se manifeste à l’embouchure du fleuve Amazone. La force de ce choc bruyant peut renverser des
arbres et modifier le lit des rivières et pourtant c’est
un processus fragile, résultant d’un équilibre délicat.»
Un spectacle violent, vrai et bouillant, servi par des
danseurs athlètes, poètes de cœur et du corps à corps.
Une recherche scripturale qui télescope vraiment les
ordres établis, où le support musical est lui-même
dansé voire soufflé. La Pororoca est une métaphore
du travail de la compagnie dans la favela. Comment
ne pas contempler le flux et le reflux d’une vague
océane… un peu lassante sur la fin ?
YVES BERCHADSKY
Pororoca a été dansé au Merlan,
les 12 et 13 février.
Il sera repris à Avignon
dans le cadre des Hivernales
04 90 25 61 84
www.hivernales-avignon.com
NÎMES | ISTRES | DRAGUIGNAN | GTP | GRASSE
Enchantée
Les gens d’ici connaissent la simplicité
et la pertinence de Michel Kélémenis
lorsqu’il parle de danse au public, sa
capacité à accueillir des démarches
chorégraphiques singulières, et son
travail avec sa compagnie. Mais peu
savent qu’il travaille ailleurs, souvent,
avec de grands ballets internationaux.
Le Grand Théâtre de Provence accueillait Cendrillon, qu’il a créée en
2009 pour le Ballet du Grand Théâtre
de Genève. La pièce confirme son
talent de chorégraphe au sens classique du terme : ils ne sont pas si
nombreux ceux qui savent aujourd’hui
écrire des ballets ! Cendrillon en est un,
narratif, avec des mouvements d’ensemble, des pas de deux (pas trop), un
vrai décor suggestif qui joue de semitransparences, quelques morceaux de
DANSE
31
Let’s dance !
bravoure (pas trop) pour danseurs
exceptionnels, et un à-propos musical
tout à fait rare. Avec surtout quelques
très belles idées chorégraphiques, comme le long porté de la belle endormie
par un groupe d’anges mutins, les minauderies ironiques des filles, un joli
duo amoureux fait de pudeurs et de
gestes inachevés… Les grands moments
attendus, suggérés par les élans de
Prokofiev, restent dans l’esquisse. Un
peu trop peut-être, mais délicieusement : quand il dispose de 8 semaines
de répétitions, de grands danseurs et
de moyens, Kélémenis peut emmener
tout le public au pays des merveilles !
AGNÈS FRESCHEL
Cendrillon a été dansé
les 12 et 13 février au GTP
© Agnès Mellon
Énergie pure
C’est une boule d’énergie qui installe doucement sa
danse. Devant Saúl Quirós et David de Jacoba qui
impriment à son corps leurs accents plaintifs, Belén
López pose ses bases, dicte son rythme aux guitares
de Carlos de Jacoba et Carlos Jimenez, suit le violon
gitan de Fernando Garcia… Moment de grâce, lors
du second baile, lorsque que Belén López dansa avec
Belen Lopez © X-D.R.
les percussions de Rafael Jiménez dans un corps à
corps hypnotique. La jeune danseuse montra là toute
sa puissance, sa précision et tout son savoir-faire au
niveau du zapateado, gracieuse et tonique,
rayonnante. Une «performance» qu’elle réitéra
d’ailleurs souvent, lassant quelque peu le public au
final. D’autant qu’entretemps, loin des rythmes
flamencos, le public eut droit à un bolero des plus
mielleux, étrange parenthèse sucrée qui cassa le
rythme plutôt soutenu de ce spectacle finalement
inégal.
DO.M.
Belén López s’est produite le 18 janvier
lors du Festival flamenco au Théâtre de Nîmes
Jazz, charleston, classique… De l’univers foisonnant
de Gershwin, José Montalvo et Dominique
Hervieu retiennent l’essentiel dans leur dernière
création, adressée au jeune public à partir de 6 ans,
Lalala Gershwin. L’essentiel en forme d’hommage au
compositeur américain, par le biais notamment de
quelques unes de ses œuvres emblématiques, Porgy
and Bess notamment, dont les deux chorégraphes
reprennent le thème principal de la ségrégation
raciale, belle façon d’imager et danser les moments
forts de l’émancipation des noirs. De fait, sur scène
la danse côtoie des images d’archives, le tout
s’articulant de façon très fluide, sans didactisme,
avec une énergie époustouflante de la part des
magnifiques danseurs. Dans un bel élan, le hip hop se
mâtine de claquettes, la danse classique et africaine
se complètent avec grâce, tous les rythmes
dialoguent et façonnent les rencontres les plus
improbables. Dans ce spectacle «melting pot» le
métissage a la part belle, tout et tous s’entremêlent
dans un beau final collectif où chaque registre trouve
sa place.
DO.M.
Lalala Gershwin a été dansé au théâtre de Nîmes
le 9 février, les 14 et 15 février au théâtre de l’Olivier,
Istres, et sera dansé à Draguignan
les 31 mars et 1er avril, et au théâtre de Grasse
du 4 au 6 avril
Théâtres en Dracénie, Draguignan
04 94 50 59 59
www.theatresendracenie.com
Théâtre de Grasse
04 93 40 53 00
www.theatredegrasse.com
32
DANSE
AVIGNON | DRAGUIGNAN
Un concentré d’Amériques
Après l’Afrique en 2010, le Festival des
Hivernales visite du 24 février au 5 mars
le continent américain, du Nord au Sud.
Une 33e édition (la seconde pour le
successeur d’Amélie Grand Emmanuel
Serafini, voir Zib 27) qui offre un panorama léché, entre figures historiques et
découvertes, de la danse d’aujourd’hui.
22 compagnies occuperont pendant
10 jours les scènes avignonnaises et
alentours. Figure majeure de la postmodern dance, Trisha Brown débarque
à l’Opéra avec 3 pièces (sinon rien ?),
dont l’un de ses chefs-d’œuvre, Set
and Reset et sa dernière création l’Amour
au théâtre. Mathilde Monnier présentera un hommage à Merce Cunningham
avec Un américain à Paris. À Cavaillon,
c’est l’occasion de découvrir la chorégraphe Brésilienne Lia Rodrigues,
avec un spectacle attendu, Pororoca
(voir p30), en co-réalisation avec la
Scène nationale.
Brésil toujours avec Claudio Bernardo,
qui fêtera les 15 ans de sa compagnie
et présentera Usdum sur la scène
belge du théâtre des Doms. Et puis,
Josette Baïz pour un petit tour à la
Gare Centrale (voir Zib 37) et dans un
hommage à Trisha Brown avec 23
jeunes danseurs du Groupe Grenade
(le 24 en entrée libre sur réservation).
À cette occasion, les élèves du conservatoire d’Avignon auront l’occasion de
Miniatures, Jose Navas © Mickael Slobodian
Festival et, dans le cadre de l’année du
Mexique, sur Johanne Saunier dans
Line of Oblivion.
Abandonnant le nouveau monde, les
Hivernales se tourneront vers des rives
plus proches, présentant deux pièces
de chorégraphes tunisiens : Ce que
nous sommes de Radhouane El Meddeb et le solo à deux, Kawa d’Aïcha
M’Barek et Hafiz Dhaou. Autres soli
à retenir : Cédric Andrieux par Jérôme
Bel, le mexicain Jorge Arturo Vargas
démonter leur savoir faire néoclassique
en dansant le répertoire du plus russe
des américains, Balanchine. Le jeune
chorégraphe qui monte, Jonah Bokaer,
créera pour le Festival Filter, une variation sur les Demoiselles d’Avignon et
jouera le solo Three cases of Amnesia,
confrontant son corps aux nouvelles
avancées technologiques. Il faudra
également compter sur le renouveau
de la danse contemporaine cubaine,
avec Susana Pous qui clôturera le
La danse se lève
à Draguignan
dans Amarillo, le canadien José Navas
avec Miniatures, le cubain Abel Berenguer qui partagera la représentation
avec Yourik Golovine et Jean-Sébastien Lourdais.
La pratique amateur reste ancrée au
cœur du Centre de Développement
Chorégraphique. Avec 16 stages dont
une master-class exceptionnelle de
Peter Goss, du hip hop avec Vanilton
Lakka, du yoga avec Régine Chopinot, du théâtre avec Jean-François
Matignon, du tango argentin, du butô…
Les HiverÔclites reprennent également
du service avec 3 jours de scènes ouvertes aux jeunes talents, du 3 au 5
mars. Avec pour commencer, toujours
dans l’idée de transmission, un colloque
sur l’enseignement dans les conservatoires organisé à l’Amphithéâtre Mozart.
La destination 2012 ? L’Asie. Mais avant,
prenons le temps d’entrer dans la
danse des Amériques.
DELPHINE MICHELANGELI
Les Hivernales
Du 24 février au 5 mars
Avignon, Cavaillon
04 90 25 61 84
www.hivernales-avignon.com
Le chaud et le froid soufflent sur Les Vents du Levant, à Draguignan. En
ouverture, place à l’un des temps forts de l’année France-Russie 2010, Suivront
mille ans de calme, fruit prestigieux de la rencontre du Ballet Preljocaj avec le
Théâtre du Bolchoï (11 mars). Puis le vent du désert balaye sur son passage
toute la programmation ! La compagnie chorégraphique marocaine Anania offre
dans Madame Plaza (15 mars) un pur moment de langueur sensuelle et de liberté
incarné par les Aïtas, chanteuses de cabaret indomptables et fières. Plus au sud,
Franck Micheletti et le Collectif Kubilaï Khan Investigations ont jeté l’ancre à
Accra, capitale du Ghana, pour créer avec des danseurs africains leur nouvelle
partition chorégraphique, musicale et vidéo, Archipelago, dont le festival nous
réserve la surprise (25 mars). Plus au sud encore, direction Johannesbourg en
compagnie de Robyn Orlin dont la pièce subversive Daddy (29 mars) lui a valu
une pluie de récompenses, mais aussi le surnom d’enfant terrible de la danse
sud-africaine. Car Daddy tourne en dérision le ballet classique, figure de l’«importation coloniale soutenue durant l’Apartheid par le gouvernement blanc nationaliste».
Un vent de rébellion qui emportera peut-être dans son tourbillon les danseurs du
Ballet de Lorraine partis à la rencontre de chorégraphes africains en prise avec les
Désirs : Boyzie Cekwana d’Afrique du Sud, les Tunisiens Aicha M’Barek et
Hafiz Dhaou et les Burkinabés Seydou Boro et Salia Sanou (5 avril).
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Daddy © John Hogg
Les Vents du levant, 5e édition
Du 11 mars au 5 avril
Théâtres en Dracénie, Draguignan
04 94 50 59 59
www.theatresendracenie.com
AU PROGRAMME
Mazouté
Vital
Le solo accompagné de Joseph Nadj ouvre une
béance dans le réel et l’humanité. L’homme offre son
corps à l’emprise de cet oiseau de mort et de
cauchemar, à sa noirceur, à ses lignes, dans une
émouvante performance, au sens plastique du terme.
C’est brut et étouffant comme un diamant noir.
Akosh S, au saxo et à divers instruments, est bien
plus qu’un accompagnateur : un créateur d’esprit et
un cri déchirant.
© Florent Hamon
La chorégraphe montpelliéraine Anne Lopez et sa
compagnie Les gens du quai, offrent une réponse
à Duel, pièce chorégraphique pour cinq hommes
créée l’année dernière. Feu à volonté reprend la notion (masculine) de duel et place l’honneur (féminin)
au centre d’une arène à l’intérieure de laquelle les
cinq danseuses, comédiennes et performeuses vont
évoluer, répondant de leur singularité et de leur différence. Où comment redonner leur place aux femmes
dans la société.
Feu à volonté
Les 17 et 18 fév
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
Nacera Belaza est l’une des voix les plus singulières
de la jeune génération de chorégraphes (Prix de la
révélation chorégraphique 2008) qui pousse la danse
vers l’art contemporain. Avec des pièces «abstraites»,
une gestuelle minimaliste, une puissance magnifique,
une exigence sans failles car «tout ce qui est mis sur
le plateau porte sa parole». Le Cri ne déroge pas à
cette posture de résistance.
Sensuelles
Dans une atmosphère moite comme les hammams,
les corps se meuvent à la vitesse d’une infusion de
menthe, poses alanguies, têtes renversées, pieds en
l’air, ondulations imperceptibles. Soudain les femmes
lâchent leur énergie contenue, les chants s’élèvent,
rauques, les rires se déploient… Madame Plaza est
une pièce de corps et de voix, d’effleurements et de
chuchotements, créée par Bouchra Ouizguen en
hommage aux Aïtas, figures de la culture
traditionnelle marocaine. Libres et truculentes.
Le Cri
Les 11 et 12 mars
Pavillon Noir, Aix-en-Provence
0811 020 111
www.preljocaj.org
Frontière
En collaboration avec les Hivernales, la Chartreuse
Madame Plaza
Les 8 et 9 mars
Pavillon Noir, Aix-en-Provence
0811 020 111
www.preljocaj.org
Les 11 et 12 mars
Théâtre de Grasse
04 93 40 53 00
www.theatredegrasse.com
de Villeneuve reçoit le spectacle Line Of Oblivion, titre
qui évoque la frontière entre Mexique et États-Unis.
Une création qui s’appuie sur un récit tiré du roman
La Frontière de verre de Carlos Fuentes. L’occasion
de découvrir avec la danseuse Johanne Saunier, ce
qu’il se passe du côté de la danse sud-américaine,
pendant le Festival des Hivernales.
>
Multiformes
Pour sa dernière création, Garry Stewart, l’épous-
Les Corbeaux
Le 17 fev
Théâtres en Dracénie, Draguignan
04 94 50 59 59
www.theatresendracenie.com
© Agathe Poupeney
Emancipation
Line of Oblivion
Le 1er mars
Chartreuse de Villeneuve-les-Avignon
04 90 25 61 84
www.hivernales-avignon.com
touflant chorégraphe de l’Australian Dance Theatre,
a notamment travaillé avec l’agence d’architectes
new-yorkais Diller, Scofidio + Renfro pour créer une
scénographie mêlant danse, multimédia, écriture et
design. Be Your Self s’apparente à une expérience
sensorielle qui s’interroge sur le «moi» et le «je», creusant les méandres de l’identité.
Flamenco
Écrit pour la danseuse Stéphanie Fuster par Aurélien Bory, Questcequetudeviens ? est une errance à
trois temps : d’un flamenco rêvé à un travail forcené
pendant 8 ans à Séville, puis la danseuse progresse
vers un authentique don de soi dans une ultime désolation. Aurélien Bory sculpte dans l’espace ce que
Stéphanie Fuster rapporte de sa propre histoire : un
rêve, du labeur, du talent et des doutes. José Sanchez et Alberto Garcia l’accompagnent à la guitare
et au chant.
Be Your Self
Les 15 et 16 mars
Théâtre des Salins, Martigues
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
© Hibou photography
Métissé
C’est une rencontre avec l’Afrique, un rendez-vous Mythique
que le chorégraphe français Hervé Koubi a eu avec La guitare d’Alfredo Lagos, la voix de David Lagos
La Edad de Oro
Les 11 et 12 mars
CNCDC Châteauvallon, Ollioules
04 94 22 02 02
www.chateauvallon.com
© Aglae Bory
Un rendez-vous en Afrique
Le 12 mars
Théâtre de l’Olivier, Istres
04 42 56 48 48
www.scenesetcines.fr
Questcequetudeviens ?
Le 17 février
Scène Nationale, Cavaillon
04 90 78 64 64
www.theatredecavaillon.com
et les pieds d’Israel Galván font resurgir l’âge d’or
(La Edad de Oro) du chant et de la danse flamenca,
cette époque dorée de la fin du XIXe siècle jusqu’aux
années 30 qui brille encore aujourd’hui. Dans cette
petite forme comme dans toutes ses chorégraphies,
Israel «galvan-ise» le public qui voit en lui le maître du
flamenco contemporain, singulier dans son style,
rageur dans son zapateado (claquement des pieds
pointe-talon).
>
des danseurs ivoiriens, et inversement, et qui a nourri
cette chorégraphie particulière. Un «essai chorégraphique» pour 7 danseurs ivoiriens, basé sur une
écriture contemporaine faite de mouvements traditionnels ivoiriens décomposés, une forme nouvelle
portée par de la musique baroque en écho aux pas
traditionnels. En 1re partie seront proposés des travaux d’amateurs composés lors des deux résidences
de la cie à Istres.
DANSE 33
34
MUSIQUE
OPÉRA
Semaine royale à l’opéra !
Quel temps fort a connu l’Opéra de Marseille à l’orée de février ! En marge des représentations de Cavalleria
Rusticana et Pagliacci, le ténor Juan Diego Flórez a fait chavirer le théâtre lors d’un récital mémorable,
quand, au Grand-Foyer plein comme un œuf, l’Ensemble Pythéas a exhumé des partitions lumineuses d’Henri Tomasi
C’est avant tout la grande qualité musicale qu’on loue, à propos des représentations du diptyque vériste de Mascagni et Leoncavallo (du 28 janv. au 6 fév).
L’Orchestre de l’Opéra, sous la direction de son tout nouveau «1er Chef invité»
Fabrizio Maria Carminati (voir p.5), a fait preuve de grandes vertus dans ce
répertoire au lyrisme exacerbé : comment résister à l’émotion quand, admirablement distillé au cœur du drame, a résonné le fameux Intermezzo instrumental
de Cavalleria Rusticana ? Le Chœur de l’Opéra ne fut pas en reste, ni des points
de vue de la magnificence vocale, ni de la présence scénique. La mise en scène
ajustée du grand plateau d’Orange (été 2009) par Jean-Claude Auvray a
conservé sa puissance austère et sacralisée pour Cavalleria Rusticana, naturaliste
et burlesque dans I Pagliacci.
Galouzine phénoménal !
Heureusement qu’il existe encore des
voix rares capable de chanter, dans sa
puissance, sa couleur et son expression propres, le rôle mythique de
Paillasse/Canio (apanage autrefois de
Tony Poncet ou Mario del Monaco) !
Vladimir Galouzine a livré à Marseille
une interprétation d’anthologie. On
n’est pas prêt de retrouver de sitôt une
telle vigueur, voix homogène et cuivrée
sur tout le registre, du grave barytonant à l’aigu éclatant… et couronnant
le tout, pareille force expressive dans
l’incarnation du clown désespéré. Son
célèbre air clôturant le premier
tableau a bouleversé l’auditoire !
Mais le Russe ne fut pas le seul à
récolter les lauriers d’un triomphe
collectif. Béatrice Uria Monzon a
rendu à la brune Santuzza, par
l’énergie de son jeu et sa pâte vocale
somptueuse, sa place prépondérante
dans le mélodrame. Sa réplique de
choix Luca Lombardo (Turridu) est un
formidable ténor marseillais (paradoxalement, il n’avait plus reparu
Place Reyer depuis dix ans !) qu’on
espère revoir bientôt sur ces planches.
De son timbre d’airain, voix de stentor
splendide, le baryton Carlos Almaguer a assumé magistralement la
double casquette Alfio/Tonio des deux
ouvrages, quand Nataliya Tymchenko
a campé une jeune Nedda séduisante et
très solide vocalement. Etienne
Dupuis (Silvio), Stanislas de Barbeyrac (Beppe) et Patricia Fernandez
(Lola) ont favorablement complété un
plateau royal ovationné !
Juan Diego fait le show
C’est à Marseille, théâtre certes
provincial, mais tout à fait conséquent
par sa jauge (pas loin de 2000 places)
et son histoire (l’une des plus anciens
de France), qu’on annonçait la venue
d’une des stars des plateaux lyriques
actuels : le ténor Juan Diego Flórez.
Le bruit avait couru… et le guichet
fermé ! Plus un strapontin pour
déposer ses fesses ! Aussi quand le
Péruvien commence à chanter… un
frémissement gagne le public.
Peu d’entre eux, sans doute, ont déjà
entendu chanter Flórez en direct, hors
des diffusions à la télé ou en DVD. La
voix n’est pas grande, certes, mais
quelle musicalité, unité de timbre,
aisance dans les aigus ! Après que le
chanteur a pris la mesure de
l’impressionnante salle de l’opéra
s’étageant jusqu‘au «poulailler», à
l’aide de quelque Rossini de bravoure
(Messa di Gloria) en guise de chauffegosier, le ténor fait chavirer la nef
lyrique, des balcons au parterre.
Alternant mélodies populaires et
grands airs de Verdi (Rigoletto), il
suspend le public à ses lèvres, le met
dans sa poche (Vincenzo Scalera au
piano). On en redemande en clamant
merci ! Flórez part pour une demiheure de rappels, et l’assistance,
debout, glorifie la ribambelle de
contre-ut de La Fille du Régiment ou
les vocalises du Barbier de Séville…
On s’en souviendra : c’était à Marseille,
un 31 janvier 2011, sous l’ère Maurice
Xiberras !
I Pagliacci © Christian Dresse 2011
Tomasi
2011
Mais la plus belle réussite du directeur
de l’opéra est peut-être là… Qui aurait
imaginé, il y a quelques années, une
salle comble comme celle du Grand
Foyer de l’Opéra, le 5 février pour
écouter de la musique de chambre du
compositeur Henri Tomasi ? Certes, ce
Corse adopté par Marseille (voir p.71)
avait, comme Darius Milhaud, ses attaches au bord de la Méditerranéenne,
mais depuis quarante ans (il disparaît
en 1971) on ne peut pas dire que sa
musique ait été placée, ici ou ailleurs,
Ensemble Pytheas © X-D.R.
à l’égal de celle de son contemporain
méridional. Cependant, on vient à
présent l’entendre comme un classique
du XXe siècle !
L’Ensemble Pythéas a livré un bel
échantillon de sa musique de chambre. Elle s’étend sur près de 40 ans : du
lyrisme rapsodique de Paghiella ou du
Chant hébraïque plaintif (Marie-France Arakélian au piano et Yann Le Roux
au violon), du néo-classique Trio à
cordes (avec Pascale Guérin à l’alto et
Guillaume Rabier au violoncelle) à la
Pastorale Inca expressive et moderne
(avec Charlotte Campana à la flûte et
Cécile Gouiran au violon) ou l’orientaliste Invocation et danses rituelles
(avec Linda Amrani à la clarinette et
Vassilia Briano à la harpe)… autant
d’interprétations passionnées et soignées
aux couleurs d’une Méditerranée universelle.
JACQUES FRESCHEL
Le sabre à papa !
Les termes «armée d’opérette», s’ils qualifient d’ordinaire des régiments fantoches, trouveraient-ils leur
origine dans quelque opéra-bouffe représenté au
Second Empire ? De fait, La Grande Duchesse de Gerolstein d’Offenbach est l’œuvre la plus représentative des
guignolades militaires qu’on se plaisait à suivre dans
les théâtres de l’époque. Jacques Gervais, dans sa
mise en scène créée à l’Odéon les 29 et 30 janvier, en
renforce l’aspect parodique et complète les pastiches
originels par une vision colorée fourmillant de références à l’enfance, chevaux de bois, sabres en plastique…
Tout comme le Chœur Phocéen hyperactif (dir. Rémy
Littolff), désopilant dans sa chorégraphie mili-taroburlesque, le plateau de solistes (sous la baguette de
Christophe Talmont) a relevé le défi d’une œuvre
exigeante des points de vue du chant et de la comé-
die. En tête, Emmanuelle Zoldan a campé une belle
souveraine racée et fantasque quand son «jouet» le
soldat Fritz (Frédéric Mazzotta) a brillé par son jeu
comique. À leur côté Caroline Gea (Wanda), Michel
Vaissière (Puck), Jean-Marie Delpas (Boum) ou
Dominique Desmons (Paul) ont servi à souhait la
bouffonnerie.
J.F.
MUSIQUE
35
Il primo
sole è mio
En ce mois de janvier, l’opéra de Toulon programmait pour la première fois de sa longue existence
le symbolique Freischütz de Carl Maria Von Weber,
véritable monument dans la galaxie de l’opéra
romantique allemand, puisque le premier du genre,
ou presque.
Pour l’occasion, la direction musicale avait été
confiée au talent de Laurence Equilbey. Malgré
une distribution vocale fort prometteuse, le résultat
avait de quoi dérouter les amateurs avertis : Jürgen
Müller (Max) au timbre puissant voulut héroïquement assumer sa prestation jusqu’au bout malgré
une gêne qui le conduisit par deux fois à l’aphonie !
Il rompit ainsi l’équilibre qui régnait jusque là entre
lui et le reste du plateau remarquablement incarné
par Jacquelyn Wagner (Agathe), Mélanie Boisvert
(Ännchen) et Roman Lalcic (Kaspar). L’ensemble
restait cependant de très belle qualité, mais cette
distribution vocale ne parvenait pas à masquer un
déséquilibre flagrant au sein de l’orchestre : le
pupitre de cordes aux couleurs très expressives
surclassait une section de cuivres asphyxiée et
quasiment à l’agonie dans la fameuse scène de la
gorge aux loups. D’autres légers défauts de mise en
place pouvaient s’entendre entre les chœurs et
l’orchestre dans le troisième acte, sans doute à
cause d’une direction un peu trop souple. Malgré
ces imperfections musicales la production restait
réussie : les décors et les costumes, qui avaient de
quoi surprendre les incontournables puristes d’opéra
par leur esthétique contemporaine, habillaient la
mise en scène de Jean-Louis Benoit de manière
très convaincante, servis par un jeu de lumières
subtil qui restituait habilement l’atmosphère fantastique de cette œuvre emblématique.
EMILIEN MOREAU
Le Freischütz a été créé
à l’Opéra de Toulon du 28 janvier au 1er fevrier
Les feux de Larmore
Programme multicolore que celui proposé par la
mezzo-soprano Jennifer Larmore : Haendel,
Offenbach, Rossini, Strauss... croisèrent Bizet,
Gluck et Humperdinck dans un récital brillant et
enlevé. Le quintette à cordes OPUSFIVE, formé de
musiciens issus des plus grands ensembles
européens, souligna avec talent la prestation de la
belle américaine, tout en s’illustrant autour de
pièces extraites de l’art de la fugue de Bach,
distribuées çà et là, au gré du concert. Après une
entrée en matière périlleuse, avec le redoutable
Where shall I fly de Haendel, la cantatrice trouva
progressivement ses marques avant de briller de
mille feux dans la deuxième partie du spectacle,
entamée à la lueur d’une bougie, en duo avec le
violoniste. Le public put apprécier toute la finesse
et la musicalité de la chanteuse dans Abendsegen,
extrait de Hänsel et Gretel. Alternant passages
plein d’émotion, avec le lied Morgen de Strauss, ou
teintés d’un humour décapant dans Carmen,
Larmore atteignit sa plénitude dans l’extrait de la
Cenerentola de Rossini ! Virtuosité, chaleur, jeu de
scène... magnifique. Le bis, tiré d’un opéra de Kurt
Weill, embrasa définitivement le théâtre aixois !
Ardent et lumineux !
CHRISTOPHE FLOQUET
© Frederix Stephan
Freischütz paradoxal
Réduire l’orchestre puccinien, une hérésie ? Pas
dans La Bohème en tous cas ! L’opéra en quatre
tableaux a quelque chose de volontairement cheap,
bohème justement, et l’Opéra éclaté en propose
une version débarrassée de certaines pesanteurs
des grosses voix pas toujours souples. La
distribution est magnifique, d’un goût parfait,
d’une musicalité extrême, sans portés ni sanglots
dans la voix… mais avec toutefois tout le volume
nécessaire pour vous en mettre plein le cœur. Car
La Bohème c’est cela, un vrai mélo, avec coup de
foudre, misère partagée, pieux mensonge et fille
perdue au grand cœur. Et la mort tragique, le cri
déchirant, presqu’à la dernière mesure ! Le tout
accompagné délicatement par l’orchestre qui suit,
précède, lance les voix comme amoureusement,
avant de tout balayer dans ses élans d’émotion sans
complexe et sans fausse pudeur. La mise en scène
d’Olivier Desbordes, ingénieuse, tient tout ce petit
monde dans une boîte chaleureuse et étroite qui
ne s’ouvre que sur des univers gris et clos, et les
chanteurs peuvent y jouer avec un grand naturel.
Bien sûr dans cette formation réduite où chaque
instrument est soliste on entend le moindre
dérapage, et le chœur étique se décale un peu.
Qu’importe : si La Bohème n’est pas un opéra de
poche, se garder d’en faire une grosse machine lui
redonne un bel air de jouvence, qui transcende sa
force émotionnelle. Un regret ? Des surtitres, ou la
version française, auraient permis de suivre pas à
pas l’évolution subtile des sentiments… mais
visiblement dans la salle beaucoup parlaient
l’Italien. Ou le Puccini ?
AGNÈS FRESCHEL
La Bohème a été donnée aux Salins, Martigues,
les 22 et 23 janvier
La Boheme © Blaya Nelly
36
MUSIQUE
CHAMBRE | RÉCITAL
Respirer la musique
Chiara Bertoglio, jeune pianiste (27
ans) donna son premier récital à huit
ans et joue, depuis, dans les salles les
plus prestigieuses. Musicologue, elle
a écrit cinq livres dont l’un,
remarquable, sur le thème du voyage
à l’époque romantique. Deux Sonates
de Scarlatti ouvraient le bal : toucher
délicat, articulation limpide, trilles et
ornements comme de vifs éclairs. Elle
enchaînait ensuite 12 Etudes de
Chopin op. 10, cycle redoutable
techniquement. Le premier en Ut
majeur, avec des basses sonores et
une main droite si agile. Le Presto
diabolique en ut# mineur du n°4 fut
une bourrasque virtuose. L’Étude
n°12, la fameuse Révolutionnaire
avec ses terribles arpèges à la main
gauche, vagues inondant l’Europe
d’un souffle de liberté. Élan, panache,
un romantisme sans mièvrerie. Que
dire des Tableaux d’une exposition de
Moussorgski, qu’on écoute trop
souvent seulement dans leur version
qu’on aimerait ne pas voir se
refermer, tellement la pianiste habite
ces tableaux d’une rare émotion :
sous ses doigts un musée aux mille
couleurs, intime et grandiose.
Le public debout réclama un bis. Il y
en eut quatre ! dont un très bel
Impromptu de Schubert n°3 opus
142, et Rêverie des Scènes d’Enfant de
Schumann, ciselée comme un dernier
soupir, qu’on avait envie de partager
avec Chiara et sa grande sensibilité
musicale.
YVES BERGÉ
Chiara Bertoglio s’est produite
le 3 février dans le cadre du cycle
Étoiles montantes du piano italien,
à l’Institut Culturel Italien, Marseille
Chiara Bertoglio © Yves Bergé
orchestrale, certes magnifique, de
Ravel ! La Promenade, leitmotiv si
riche et varié, un Gnomus intrigant,
d’une étonnante théâtralité. Il
Jeunes chambristes
L’équipe experte qui concocte le
programme annuel de la Société de
Musique de Chambre de Marseille,
autour de Bernard Camau, a le don
de faire découvrir des ensembles
promis à un bel avenir. C’est ainsi
qu’en leur temps, le Quatuor Ebène et
plus récemment le Quatuor Modigliani
ont bouleversé l’auditorium de la
Faculté de médecine de la Timone
avant que leur talent n’explose
partout ! Souhaitons à l’Ensemble
Raro la même réussite que celle de
ces jeunes formations françaises.
L’horloge de ce quatuor avec piano
est assurément Diana Ketler,
pianiste souveraine qui a réglé au
millimètre le chant vibrant du
violoncelliste
Bernard
Naoki
Hendenborg dans les mouvements
lents des Quatuors en ut mineur op.60
de Brahms et celui en mi bémol
majeur op.47 de Schumann. Le 1er
février, avec Eric Schumann (ça ne
s’invente pas !) au violon et Razvan
Popovici à l’alto, les artistes ont
déployé un brillant lyrisme, tissé dans
des phrasés finement dosés, des
nuances colorées et tout un monde
poétique enflammé, plaintif, résigné,
libre et foisonnant… Rare !
JACQUES FRESCHEL
Ensemble Raro © X-D.R
Vecchio Castello, tout en suspension,
sublime, Bydlo à l’impressionnant
crescendo, Limoges-Le Marché si
véloce. Et cette Grande Porte de Kiev
Baroques-Graffiti
se la joue Parisienne !
C’est au sein de la délicate rotonde néoclassique
du Petit Temple réformé
d’Arles que l’Ensemble
Baroques-Graffiti
présentait le 20 janvier
un extrait des Quatuors
Parisiens de Georg Philipp Telemann. Composés
en 1730, ces derniers
doivent leur surnom à la
tournée parisienne de
Telemann en 1737. Depuis
2008, l’ensemble marseillais, sous la direction
de Jean-Paul Serra (cla© X-D.R
viers), défriche ou revisite le répertoire du XVIIe et XVIIIe, nous promettant un
avenir plein de richesses devant la prolixité du répertoire (parfois inconnu) à
l’image du catalogue impressionnant de Telemann. Impossible de ne pas le
comparer à un autre géant, Bach. À défaut de présenter une universalité qui
n’appartient qu’au Cantor de Leipzig, Telemann préfigure par un discours
évolutif le classicisme et l’écriture en quatuor matérialisé notamment par
l’émancipation de la viole de gambe qui fait jeu égal avec la voix d’alto (flûte
à bec) et le violon. Dans ce contexte, les musiciens relayaient des motifs
vivaldiens, des phrases en écho alternant avec des soli libérateurs sur une
basse continue réduite au clavecin. Au sein de ces pièces baptisées concerto,
sonata, suite, Graffiti rafraîchissait avec dynamisme des manuscrits qui,
interprétés ainsi, n’ont pas pris une ride.
P-A HOYET
Ce concert a également été donné à la Magalone,
Marseille, le 21 janvier
MUSIQUE
Le baroque
dans tous
ses états !
F.-X. Roth © Jean Radel
En ce premier mois de l’année, hommage, au GTP,
à deux maîtres du baroque tardif : Campra et Bach
Aux antipodes des représentations
dramatiques de la mort, Campra, dans
son Requiem et son De Profundis,
préféra une vision douce et apaisée,
très intérieure. Pas d’emphase et ni
de pathos exacerbé, mais une musique tout en retenue, rendue dans
une lumière tamisée, parfaitement
équilibrée entre solistes, chœur et
orchestre. La dernière pièce du De
Décadence italienne,
pulsation russe
L’opéra conviait à un voyage des sons
et des couleurs, sur le chemin d’un
post-romantisme et d’un néo-classicisme décadents. Cyrano de Bergerac
d’Aldo Finzi est un poème symphonique de belle facture : un thème
triomphal aux cors annonce un
passage plus lyrique aux cordes,
alternance de motifs romanesques,
exaltation du personnage, cuivres,
percussions et de grandes phrases
legato : un orchestre inspiré sous la
baguette du bondissant Fabrizio
Maria Carminati. On retrouve ensuite
le formidable pianiste russe Mikhaïl
Rudy dans le Concerto n°2 de ChostaMikhail Rudy © X-D.R.
kovitch : un Allegro vertical, aux
pulsations et unissons très stravinskiens. Articulation extrême de Rudy !
L’Andante est une superbe respiration, émotion retenue précédant un
Finale énergique, deux mains exaltées
parfois crispées sur les traits véloces
en gammes ascendantes. En bis, un
Nocturne de Chopin et des extraits de
Petrouchka ravissent le public, entre
technique sûre et sensibilité effleurant un piano complice.
Avec la Suite Le Guépard de Nino
Rota, le musicien de Fellini, on plonge
à nouveau dans l’aristocratie italienne
du XIXe siècle. Carminati dirige ces
danses avec âme (Valse, Mazurka,
Polka…), évocation mélodique d’un
Prince insouciant : le champagne
sent déjà le soufre ! On termine par
Les Pins de Rome de Respighi, dont
le quatrième volet Les Pins de la Via
Appia entraînent l’orchestre dans un
crescendo monumental où l’on
entend l’arrivée glorieuse de l’armée
romaine : un ensemble puissant et
Carminati tenant baguette et légion
symphonique à bout de bras !
YVES BERGÉ
Ce concert a eu lieu le 12 février
à l’Opéra de Marseille
Profundis est un modèle du genre
d’écriture pour chœur : superbes harmonies, contrepoint subtil, finesse
rythmique… du grand art. La maîtrise de Caen et les musiciens du
Paradis, en osmose avec les belles
voix de Vincent Lièvre-Picard, hautecontre, Christophe Gautier, taille, et
Alain Buet, basse taille, délivrèrent
une interprétation juste, ciselée,
parfois presque trop intimiste pour le
Grand Théâtre! Difficile pourtant de
reprocher au chef, Olivier Opdebeeck,
ce parti pris musical tant sa lecture
correspond à l’esprit du compositeur
aixois. La mort en cette soirée hivernale, avait de douces saveurs !
Après le repos éternel, les quatre
concertos Brandebourgeois délivrés la
semaine d’après par l’ensemble Les
Siècles dirigé par François-Xavier Roth,
réveillèrent les morts ! Entamés sur
un tempo endiablé, ces petits bijoux
instrumentaux, à la géométrie variable -bois et cors dans le 1er, que des
cordes dans le 3e…- émoustillèrent la
salle bondée du théâtre d’Aix. Après
quelques problèmes de justesse et
37
d’acclimatation au lieu, l’ensemble
délivra un concert de très bonne facture, quelquefois entaché de scories
passagères, rapidement gommées par
une interprétation enthousiaste, pleine
d’alacrité, à l’image de l’écriture contrapuntique débridée du cantor de
Leipzig. La mise en espace, originale
et efficace, des instrumentistes permit d’apprécier la virtuosité et
l’élégance de la claveciniste quand
celle-ci fut au centre de l’effectif ; les
saillies mélodiques, gerbes de notes
gemmées, expurgées des entrailles de
son instrument, se métamorphosèrent en une texture organique,
marque du modernisme du père Bach.
La direction chaloupée du chef invitait naturellement les musiciens à
rentrer dans la danse. Enivré par les
mouvements ondulatoires des archets,
le public se leva, encore sous le choc
de ces Brandebourgeois… telluriques !
CHRISTOPHE FLOQUET
Chapeau !
Il est des concerts mémorables, ceux auxquels
chaque mélomane rêve
un jour d’assister. À l’évidence, les prestations
scéniques de Grigory
Sokolov, à l’image de
son récital du 4 fév dernier pour le Festival de
musique de Toulon en
font partie.
Rarement on a vu un
pianiste aussi habité par
la musique qu’il interprétait, faisant corps avec
Grigory Sokolov © Klaus Rudolph
son instrument sans jamais donner l’impression de se préoccuper d’autre chose
que de musique. Autour d’œuvres de Bach et Schumann interprétées avec
maestria et sans esbroufe, ce qui frappe avant tout c’est la luminosité du jeu
extrêmement articulé où chaque note a sa juste valeur tant dans l’attaque que
dans la durée, où chaque phrase suit une direction qui embarque l’auditeur
vers des sommets témoignant d’une maîtrise phénoménale du clavier. Tout y
est tellement parfait qu’on manque de superlatifs pour qualifier une telle
interprétation. Si d’aventure certains puristes pouvaient encore s’offusquer
d’entendre jouer Bach au piano, force est de constater que son génie de la
phrase et du rythme n’y perdent aucune grandeur avec cet interprète qui sait
en capter toute la vigueur et la restituer avec une dextérité époustouflante.
Dans un répertoire plus convenu pour les pianistes, la schizophrénie latente
de Schumann était transcrite, avec une limpidité qui forçait l’admiration, par
un jeu en clair-obscur on ne peut plus nuancé, qui passait comme aisément
d’une mélancolie quasi extatique à la folie dévastatrice.
La prestation fut unanimement saluée par deux bis, honorés dans un répertoire
français (Rameau et Couperin) qui laissa le public sans voix, médusé par tant
de talent : superbe !
ÉMILIEN MOREAU
38
MUSIQUE
SYMPHONIQUE | CONTEMPORAINE
À rebrousse temps
Conçu comme une palette de saveurs
diverses, le concert de l’OLRAP a débuté avec une œuvre de Luciano Berio,
Requies, dont la lente et simple mélo-
die, longuement développée et subtilement colorée, transporte vers une
sérénité sans terreur, et sans mystique. À l’opposé, la Suite de Pulcinella
Gary Hoffman © Gerard Proust
Nord-Est
scandés et les percussions assuraient des fondations solides. En milieu de concert, la Bulgare Liya
Petrova (21 ans !) exécutait un 2e Concerto pour violon de Mendelssohn sans épanchement outrancier,
avec une maîtrise parfaite des passages les plus
délicats. À la lumière méridionale contemporaine
répondait donc la luminosité romantique de l’est,
non moins empreinte de séduction. Montpellier à
Nîmes ? Si seulement la géopolitique pouvait nous
offrir un tel équilibre dans la richesse et la
diversité !
P-A H.
L’Orchestre National de Montpellier
Languedoc-Roussillon s’est produit
le 4 février au théâtre de Nîmes
Orchestre National de Montpellier © Marc Ginot
L’Orchestre National de Montpellier proposait une
double confrontation géographique et chronologique. Dédiée au sentiment de clarté, Lumen de
Régis Campo réconciliait les plus récalcitrants avec
la création contemporaine : datant de 2001, cette
œuvre d’une dizaine de minutes aux accents impressionnistes joue avec les fondus de timbres, de
nuances et de couleurs orchestrales ; les notes et
motifs répétés, sur un jeu de tempos et de rythmes
allègres, fusant d’un pupitre à l’autre. Dès le départ,
la répétition d’un mi aigu obsédant génère des consonances et harmoniques qui s’étendent à tout
l’orchestre sans nous faire oublier un sentiment de
tonalité sous-jacente. Le chef Enrique Mazzola
transmettait cet éclatement jubilatoire de nuances
spectrales à son orchestre qui suggérait brillances
et scintillements, inspirés au compositeur marseillais par ses origines méditerranéennes. Les
chanterelles, les bois et les métaux des percussions
sans oublier la harpe produisaient un festival de
luminescences posées ou alternant avec un fond
plus crépusculaire, pour finir sur un unisson en
blanc majeur.
Ce sont les thèmes populaires ukrainiens de la
Symphonie n°2 dite Petite Russienne de Tchaïkovski
qui nous ramenaient sur des terres plus septentrionales. Le cor et les cuivres évoquaient la Volga
sans emphase, les thèmes rythmiques étaient bien
d’Igor Stravinsky, composée à partir
d’un matériau musical du XVIIe siècle
emprunté à Pergolèse. Musique à danser, colorée, figurative, créée en 1922
pour Diaghilev, elle a permis de mettre en valeur les qualités musicales
des solistes de l’Orchestre d’Avignon,
souvent à découvert. Est-ce cette
virtuosité qui a emporté l’enthousiasme du public, qui est resté plus froid
pour les belles couleurs de Berio ?
C’est avec le légendaire Triple concerto
de Beethoven composé en 1804 que
s’est clôt le concert : au piano, l’admirable Vahan Mardirossian -qui offrit
une inoubliable prestation lors du
concert de soutien à l’Olrap en octobre 2009- a eu comme partenaire le
non moins célèbre violoncelliste Gary
Hoffman (jouant un Amati de 1662)
dont le jeu, ce soir-là, fut divin : une
Prélude sans fugue
C’est en guise de prélude à la représentation de La
disgrâce de J.S. Bach (reprise par Serge Barbuscia
les 10 et 12 février en son théâtre) que le Balcon
a proposé cette vidéo de Gonzague Zeno. Consacrée à l’illustre organiste qui affirma «mon œuvre
est faite pour le bonheur de tous les hommes», cette
approche biographique contenant de nombreuses
références picturales et musicales du XVIIIe siècle
et tournée en partie avec des acteurs locaux (organistes avignonnais et montpelliérain) a permis de
redécouvrir cette époque où les princes avaient
toute puissance sur les artistes. J.S Bach eut le
malheur d’être en désaccord avec l’un d’eux… et
s’en trouva disgracié… Evénement sur lequel le
spectacle de Serge Barbuscia, qui met en scène
l’effroyable condition de dépendance de l’artiste,
repose. C.R.
Vidéo-Bach a été projeté le 9 février
au Théâtre du Balcon, Avignon
sonorité exceptionnelle, une musicalité hors du commun. Il ne fut guère
évident pour la violoniste Cordelia
Palm, super soliste de l’orchestre, de
se faire une place prés de ses deux
géants malgré son talent ! D’autant
qu’une direction peu mature n’a pas
permis aux solistes de compter sur un
orchestre qui manquait de la clarté
harmonique attendue.
L’ensemble fut néanmoins très apprécié : même imparfaitement rendue, la
puissance symphonique de Beethoven est inimitable…
CHRISTINE REY
Ce concert a eu lieu le 4 février
à l’opéra-théâtre d’Avignon
Vu L’Arlésienne
(à Arles…)
Effectivement, cette Arlésienne seulement évoquée
dans le mélodrame était incarnée à la Chapelle du
Méjan d’Arles par les accents de Marie-Christine
Barrault déclamant la nouvelle inspirée par le conte
original. Destinée à l’origine à la pièce de théâtre,
une grande partie de la musique de scène (sans les
chœurs) commentait les accents de la récitante. Le
timbre voilé et parfois puissant de celle-ci
traduisait le drame terrible de Frederi qui ne se
remettra jamais de l’annulation de son mariage avec
une Arlésienne pour des raisons de bienséance
sociale de la bourgeoisie provençale. L’ensemble
angoumoisin Music@16, sous la baguette de
Jacques Pési ajoutait aux sentiments suggérés par
le texte des émotions lourdes de sens, à l’exemple
du thème de l’innocent. Marie-Christine Barrault
variait le timbre de sa voix sur les paroles fluettes
de Vivette impuissante à contrarier un sombre
destin. Malgré le ton populaire de la Marche des rois
à l’instrumentation multiple, malgré les accents
provençaux et virevoltants de la célèbre Farandole
et du Carillon, en dépit des exhortations du berger
Balthazar et de la mère Rose, l’issue fatale survint,
ponctuée par ces mots terribles de Fréderi : «…Là
dans la terre...». On y croit.
Une réussite donc, même si confronter un tel texte
et une telle musique donne un alliage lourd de
sens. Trop parfois peut-être : additionner la force
émotionnelle de Daudet et Bizet peut amener à
quelques excès, d’autant que la destination
première de la musique pour la scène n’est pas
d’accompagner mais de provoquer l’émotion.
P-A HOYET
Ce concert a été donné
le 8 février au Méjan, à Arles
MUSIQUE 39
Que reste-t-il…
Un studio hybride, mixages en direct
devant un auditoire vraiment confidentiel : tuilages entre Jacques Diennet
et Annabelle Playe. Des clins d’œil à
la mémoire de Frank Royon Le Mée,
trop tôt disparu, à 41 ans, en 1993,
avec qui Diennet avait conçu un
spectacle électro-acoustique iconoclaste et décapant (Soop Opéra). Ici,
deux claviers, deux expandeurs, processeurs midi stockant des sons
échantillonnés, comme au bon vieux
temps des pionniers électro du
Conservatoire de Marseille (Frémiot,
Bœuf...) : 1968, première classe de
musique électroacoustique dans un
Conservatoire de France. Ça sentait
bon les années 70 !
Deux ordinateurs pilotant l’ensemble,
certains sons provenant de synthés
analogiques. Trois périodes découpées par des silences. La première
faite de longues tenues, brouillages
radio, très électronique, voix d’Annabelle Playe disant des textes se perdant
dans l’espace, aphorismes radiophoniques rappelant Song Book de Cage
(Et tout cela m’est advenu par la faute
de la musique). Une seconde plus
grave, large, nappes de sons métalliques, improvisations subtiles de
Diennet au clavier. Une dernière, plus
expressive, sons concrets et cuivrés
(cornet), voix d’Annabelle Playe libérant des «ah !» chaloupés et intenses,
belle complicité, battements de cœur
comme les Heartbeats de Steve Reich
(City Life). Diennet a toujours privilégié dans son travail la musique mixte
et la synthèse numérique «live».
Musiciens chaleureux qui auraient pu
aller encore plus loin dans la démesure des timbres. Une belle aventure,
qui manquait un peu de folie. Mais
Ubris Studio © Yves Bergé
puisque John Cage prône le nonvouloir, on se laisse aisément aller à
cette rêverie aléatoire.
Ubris Studio a eu lieu le 4 février
à l’Auditorium de la Cité
de la Musique
YVES BERGÉ
© Claire Lamure
Symphonie alpestre
allongé sur des transats, placé au cœur d’un dispositif de diffusion (une vingtaine d’enceintes), on
a pu suivre la promenade vers les hauteurs alpestres préparée par le compositeur Lionel Marchetti.
Des opus imaginés dans les années 90, mixant des
sons naturels (oiseaux, feuillage…), inspirés des
éléments (eau, air…), quelque voix lointaine en
bribe de dialogue, au rythme pulsé de pas sur la
neige dans des ambiances nocturnes aux trames
sonores profondes, orgue cristallin, orage fantasmé,
un glacier grinçant dardé d’éclairs en travelling
sonore : tout un cinéma pour l’oreille dans la pure
tradition électroacoustique !
Il a muté le langage utilisé par les compositeurs,
depuis que Richard Strauss a traduit, à l’orchestre
symphonique, l’ascension montagnarde d’un promeneur en quête de lumière ! Certains sont passés
des instruments traditionnels aux machines enregistreuses, usant de sons concrets de la vie quotidienne
pour les transformer en objets sonores propices à
l’émergence de nouvelles œuvres. À l’aide de
technologies de pointe, outils informatiques de
synthèse du son, procédés de spatialisation de la
matière musicale, le travail expérimental d’un Pierre
Schaeffer dans les années 50 a bien évolué : les
factures sont à présent soignées, la qualité sonore
idéale.
L’atrium du studio du Gmem était plein le 21
janvier, pour le concert de clôture des Trans’electroacoustique. Dans un confort d’écoute optimal,
JACQUES FRESCHEL
Processus mémoriel
reconnaître des motifs et clins d’œil à Bach, Beethoven, Chopin. La création pour flûte basse de
Jean-Pierre Moreau, La liberté commence là où
© X-D.R.
Le MIM (Laboratoire Musique et Informatique de
Marseille) proposait un trajet sur le temps et la mémoire, l’imaginaire qui relie passé, présent, avenir,
fiction, réalité, songes, désirs et craintes. Immémorial de Pascale Weber est une évocation poétique,
images qui défilent sur des trajectoires sonores
aléatoires, très belle esthétique sur les vibrations
de l’enfance et du temps. Tristan-Patrice Challulau
rend hommage à Marcel Frémiot, créateur du MIM,
avec Comptines pour voix et piano ; il distille ces
petites histoires, subtiles et pleines d’humour,
modales, tonales, atonales, avec une tendre ironie :
l’alouette qui tirelire entre les bleuets et l’azur.
Prenante composition audio-visuelle, Soft Thresholds de Frank Dufour, qui imprime aux corps des
ombres acoustiques sur le thème d’Orphée. Savoirs
et mémoires, création pour piano de Challulau, est
un dialogue savant entre le pianiste et le public,
une joute ludique où les auditeurs doivent
s’arrête... démarre sur le souffle de la vie, son vidé
de ses harmoniques, détimbrage étonnant, tramemémoire qui se dilue, legato subtil puis
course-poursuite, retour au silence ; belle
interprétation de Nicolas Bauffe. Marcel Formosa
propose une œuvre pour piccolo et électroacoustique, Sur l’air de, reprise de son œuvre avec
accompagnement de percussions : créer, recréer,
repartir de l’avant avec une œuvre du passé :
doubles-sons, harmoniques, motifs pulsés qui
s’imposent à la mémoire et traits survoltés, très
beau mariage. Passé intérieur, composé et composite pour le plus grand bonheur d’un auditoire…
présent.
Y.B.
Ce concert a eu lieu à la cité de la Musique,
Marseille, le 10 février
40
MUSIQUE
AU PROGRAMME
LYRIQUE
Rossini flamboyant
Nathalie Manfrino (Tatiana), Armando Noguera
(Onéguine) et Florian Laconi (Lensky) chantent le
drame lyrique tiré de Pouchkine Eugène Onéguine
sur la musique romantique de Tchaïkovski. Au fil
du temps, depuis sa création en 1878, cet opéra
est devenu le plus populaire du répertoire russe, de
par la magnificence des airs, des chœurs & ballets,
et les conflits intimes portés par les protagonistes.
Le livret met en scène les amours malheureuses de
la jeune Tatiana et du héros byronien désabusé
Onéguine. Dans un univers aristocratique exhalant
l’âme russe, les destins se croisent, sans se trouver,
de bal en duel, sur fonds d’honneur et de vertu.
Cette production de l’Opéra de Metz est mise en
scène par Claire Servais et dirigée par Rani
Calderon.
AIX .Le 18 mars à 20h30 et le 20 mars à 15h GTP
04 42 91 69 69
www.legrandtheatre.net
AVIGNON. Le 20 fév. à 14h30 et le 22 fév.
à 20h30 Opéra-Théâtre
04 90 82 81 40
www.operatheatredavignon.fr
Puccini rare
On ne joue pas très souvent La Rondine, comédie
lyrique en trois actes créée à Monte-Carlo en 1917
et dont le titre français est L’hirondelle (jamais
représentée à Toulon). Cet opéra, à part dans la
production de Puccini, est une comédie
désenchantée prévue à l’origine pour être une
opérette. Au Second-Empire, les héros (la
courtisane Magda amoureuse de l’étudiant Ruggero
se situe entre Musetta, Violetta et Manon), sur fond
de réalisme social, font une escapade amoureuse
entre Paris et la Côte d’Azur. Le livret a la
réputation de comporter des «faiblesses» quand le
style hésite entre buffa et seria (le compositeur
désirait réagir contre ce qu’il appelait «l’horrible
musique du temps présent» de la Grande Guerre). Si
déficiences il y a, les productions appellent, en
compensation, une distribution valeureuse et une
mise en scène bien pensée. On découvre celle
signée Gino Zampieri quand le couple amoureux
est formé par Maria Luigia Borsi (Magda) et Marc
Laho (Ruggero), sous la baguette de Giuliano
Carella.
FESTIVALS
Baroque… aujourd’hui ?
TOULON. Les 25 fév. et 2 mars. à 20h
et le 27 fév. à 14h30 Opéra
04 94 93 03 76
www.operadetoulon.fr
La Rondine © Filippo Brancoli Pantera
Pour sa 9e édition le festival Mars en baroque, à
l’initiative de l’ensemble Concerto Soave dirigé par
Jean-Marc Aymes, pose des questions relatives à
l’art baroque musical, dont l’interprétation a bien
évolué depuis quelques décennies : «Pourquoi jouer
la musique baroque en 2011 ? Quelles sont les limites
de cet art qui a marqué l’Europe pendant un siècle
et demi ? Comment la recherche musicologique peutelle contribuer à enrichir l’émotion artistique ? La
musique baroque s’enrichit-elle des contacts avec
d’autres musiques, européennes ou non ?». On assiste à des tables-rondes et conférences en marge
des concerts, dont le premier est dansé «à la cour
de Mantoue», joué par Concerto Soave avec la compagnie Il Ballarino (le 11 mars à 20h30 au
Théâtre des Salins à Martigues).
Dans son église coutumière à Marseille (Ste Catherine), on entend des artistes rompus au style baroque :
la soprano Raphaële Kennedy (le 13 mars à 18h),
le violoncelliste Roel Dieltiens (le 16 mars à
20h), Luca Guglielmi au clavecin & pianoforte (le
17 mars à 20h) et la soprano Stéphanie Révidat
avec La Simphonie du Marais, Hugo Reyne et ses
flûtes et hautbois (Cantates & Sonates - le 19
mars à 20h).
Le concert de clôture annonce des «lamenti» baroques et une création contemporaine de Philippe
Gouttenoire avec María Cristina Kiehr (soprano)
Concerto Soave et Jean-Marc Aymes aux claviers,
l’ensemble Musicatreize dirigé par Roland Hayrabédian (le 23 mars à 20h St Cannat – Marseille).
Mars en baroque. Du 7 au 23 mars
MARTIGUES. Théâtre des Salins
04 42 49 02 00 www.theatre-des-salins.fr
MARSEILLE. 04 96 11 04 61
www.espaceculture.net
Programme complet sur
www.concerto-soave.com
Création au féminin
Amanda Favier © X-D.R.
Lyrisme slave
Cavatines tendres et cabalettes furieuses se
succèdent dans cette fabulation buffa allant faire
ses cabrioles farfelues dans un orient d’opérette.
Dans le dramma giocoso L’Italienne à Alger, Rossini
livre en 1813 sa première grande folie musicale qui,
à l’instar du Barbier de Séville ou Le Turc en Italie,
connaîtra de nombreux succès. Isabella échoue en
Algérie et tente de rendre la liberté à son amant
Lindoro, devenu esclave de Mustafa, tout en
voulant réconcilier le Bey avec sa femme Elvira…
La mise en scène de Sandrine Anglade renforce la
bizarrerie du livret quand la partie musicale est
dirigée par Pascal Verrot avec Allyson MacHardy
(Isabella), Jonathan Veira (Mustafà), Blagoj
Nacoski (Lindoro)…
La compagnie Les Bijoux Indiscrets (dir. Claire
Bodin) organise, dans le Var, la première édition
d’un festival intitulé Présences Féminines. Les
manifestations s’articulent autour de quatre
concerts et des opus d’Elisabeth Jacquet de la
Guerre, Hélène de Montgeroult, Marie Bigot, Julie
Candeille, Pauline Viardot, Louise Farrenc, Mel
Bonis, Cécile Chaminade, Loïsa, Puget, Sophie Gail,
Nadia et Lili Boulanger, Marie Jaël… tant de
créatrices (et il y en a !) souvent «négligées» par
l’histoire musicale et les programmes traditionnels
de récitals.
À l’affiche : Sonates et trios (le 8 mars à 20h à
Six-Fours Théâtre Daudet – entrée libre 04 94 74 77
79), Compositrices et interprètes au clavier
(Concert – lecture le 9 mars à 18h30 Théâtre
Marelios à La Valette - 04 94 23 62 06), Romances
et mélodies (le 10 mars à 20h30 Espace Marc
Baron à Saint-Mandrier 0892 68 36 22), Musique
chez Madame de Pompadour (le 12 mars à
20h30 au Musée d’Art de Toulon 0892 68 36 22).
Conférences à Toulon au Conservatoire (entrée
libre) : Les Compositrices françaises de 1789 à
1914 (le 11 mars à 18h Théâtre Jean Racine) et
Être une femme musicienne sous l’Ancien Régime
(le 12 mars à 14h30 Auditorium).
06 42 12 32 31
www.lesbijouxindiscrets.org
Conservatoire : 04 94 93 34 29
www.cnrr.tpm-agglo.fr
«Protest songes»
Le 14 mars au Théâtre de Lenche dans le cadre du
festival Avec le temps (voir p 44), un ConcertCabaret par le Collectif Musical Gastine : six
musiciens/chanteurs autour d’Anne (composition)
et Philippe Gastine (texte) mettent en scène
(Joëlle Gattino) des chants de protestation aux
accents de Kurt Weill, Eric Satie… avec légèreté,
fantaisie et rêve.
MARSEILLE. Théâtre de Lenche.
04 91 91 52 22
www.picturmusic.com
04 91 48 74 62
Lieder et compagnie…
Christine Kattner (mezzo) chante des Lieder de Schubert et des mélodies de
Duparc et Berlioz avec Vladik Polionov au piano (le 18 fév. à 21h au Théâtre
du Golfe).
C’est l’un des moments forts des 3e musicales de février qui se prolongent
avec l’Harmonie locale (20 fév. à 15h30), un concert-conférence autour de
Franz Liszt (22 fév. à 19h)… pour s’achever avec l’Ensemble instrumental
du Pays d’Aix (dir. Pierre Taudou), une formidable soprano colorature que
l’on regrette d’entendre si peu Monique Borelli et la flûtiste Emilie Iannelo
(le 27 fév. à 17h – Chapelle des Pénitents).
LA CIOTAT. Jusqu’au 27 fév
04 42 08 88 00
www.laciotat.com
CONTEMPORAINE
Objectif lune
Le Pierrot lunaire d’Arnold Schoenberg est une fusée expressionniste qui marque, dès 1912, l’histoire de la musique en conjuguant un langage atonal savant
et un traitement vocal révolutionnaire. Les 21 poésies, candides ou barbares,
capricieuses, ironiques ou mélancoliques, traduites du symboliste Albert Giraud,
sont conçues comme un mélodrame où le père de l’École de Vienne oppose au chant
classique de l’opéra le Sprechgesang (chant parlé) : une forme inédite d’alliage
verbe et musique.
Raoul Lay modélise une interprétation respectant les passages à des hauteurs
obligées où la soprano Brigitte Peyré trouve, dans la déclamation, un vrai naturel. Les instrumentistes dressent autour d’elle une coque de trémolos feutrés et
nocturnals. De surcroît, l’Ensemble Télémaque innove en imaginant une véritable création théâtrale, mise en scène par Renaud Marie Leblanc (écriture
Suzanne Joubert), qui joue son propre personnage et veut imposer sa vision
cabaret face à une diva forcément lyrique…
CAVAILLON. Pierrot lunatique le 8 mars
04 90 78 64 64 www.theatredecavaillon.com
Résidence de création au 3bisf jusqu’au 25 fév
(ateliers, travail d’acteur, mise scène, répétitions publiques…)
L'Ensemble Telemaque © Agnès Mellon
Passage à l’acte
Alban Berg a composé au début des années vingt, l’un des chefs-d’œuvre lyrique du XXe siècle, et plus généralement de l’histoire de la musique : Wozzeck.
Le texte allemand adapté du drame de Georg Büchner est fardé d‘une musique
puissante, expressionniste, atonale… Mais malgré le modernisme de son
langage, le grand public semble aujourd’hui en mesure d’en goûter les richesses.
Il se laisse porter par le drame vécu par le soldat Wozzeck, certes psychologiquement instable, mais poussé au passage à l’acte meurtrier par la pression
sociale, scientifique et affective. Trente ans après sa dernière représentation à
Marseille, on découvre cette nouvelle coproduction (avec Vlaamse Opera et
l’Opéra de Monte-Carlo) dirigée par Lawrence Foster, mise en scène par Guy
Joosten avec Jochen Schmeckenbecher (Wozzeck), Heidi Brunner (Marie).
MARSEILLE. Les 12, 15, 18 mars à 20h et le 20 mars à 14h30 Opéra
04 91 55 11 10 www.opera.marseille.fr
42
MUSIQUE
AU PROGRAMME
«De la couleur»
Quatuor
Modigliani
C’est l’un des Trois poèmes élastiques de Blaise
Cendrars, mis en musique par Marius Constant,
évoquant le peintre Chagall qui donne son titre au
concert de Musicatreize. Roland Hayrabedian
propose des œuvres qui tissent des liens entre la
musique et les arts visuels. Ainsi La Vénus au
trottoir de Jean Dubuffet, Terre brulée II de Raoul
Ubac et Voilier à Cannes de Nicolas de Staël,
œuvres exposée au Musée Cantini à Marseille, ont
donné naissance à Kamenaia de Christophe
Bertrand et Ikhtifa de Zad Moultaka. Dans le
même esprit, la nouvelle création de François
Rossé Atyx s’opère de façon singulière en tissant
des liens aléatoires entre les 12 chanteurs, le public
et 24 tableaux présents. A découvrir !
Les filles du Quatuor Garance (voir Zib 37) jouent
les Quatuors à cordes K.421 de Mozart, l’Op. 80 de
Mendelssohn et le Quatuor américain de Dvorak.
Les jeunes du Quatuor Modigliani poursuivent leur
périple méridional. Après Aix au GTP en octobre et
Marseille à la Société de Musique de Chambre en
janvier, on les entend dans la cité des papes pour un
programme alliant Beethoven (Quatuor n°1 en fa
majeur, op.18 n°1) et Debussy (Quatuor en sol mineur, op. 10) avant une reprise de leur disque publié
récemment chez Mirare (MIR 120) consacré à
Mendelssohn : soit le Quatuors en fa mineur op. 80.
MARSEILLE. Le 13 mars à 16h30 à l’église NotreDame du Mont
www.musiqueandco.com
04 91 54 76 45
Espace Culture
04 96 11 04 61
C.P.E. Bach
L’ensemble Baroques Graffiti s’intéresse, pour sa
fin du Cycle Quatuors à l’un des fils Bach ayant
marqué l’histoire de la musique. Carl Philipp
Emanuel Bach (1714-1788) est l’auteur d’oratorios,
de cantates, concertos, sonates et fantaisies pour
clavecin qui influencèrent Haydn et Mozart. Il a
également laissé un traité pédagogique «sur la
vraie manière de jouer du piano». Jean-Christophe
Frisch (traverso), Sharman Plesner (alto), Etienne
Mangot (violoncelle) et Jean-Paul Serra
(pianoforte) jouent quelques-uns de ses Quatuors
galants.
MARSEILLE. Le 5 mars à 19h30 au Musée Cantini
04 91 00 91 31 www.musicatreize.org
«Foliephonie»
Marcelle Deschênes, compositrice, pianiste,
pédagogue et artiste multimédia répond à l’invitation trimestrielle de Lucie Prod’homme pour
présenter son œuvre.
MARSEILLE. Le 14 mars à 18h15 (Rencontre)
et 20h30 (Concert)
04 91 39 28 28
www.citemusique-marseille.fr
ARLES. Le 10 mars à 20h Temple réformé
09 51 16 69 59
www.baroquesgraffiti.com
MARSEILLE. Le 11 mars à 20h30
Bastide de la Magalone
04 91 39 28 28
www.citemusique-marseille.fr
CHAMBRE
Duo
Renaud Capuçon (violon) et Kathia Buniatishvili
(piano) jouent un programme royal de sonates : la
Sonate n°2 (Sz 76) de Bartok, la Sonate n°3 en ré
mineur op. 108 de Brahms et l’incontournable
Sonate pour violon et piano en la majeur de Franck.
«2, 3, 4 musiques»
AVIGNON. Le 19 fév. à 20h30.
Opéra-Théâtre
04 90 82 81 40
www.operatheatreavignon.fr
Renaud Capuçon © X-D.R.
Le premier des trois concerts annoncés à la Bibliothèque Départementale Gaston Defferre est un
prélude à un cycle témoignant «des nouvelles configurations de la musique de chambre, dans la création
contemporaine» qui se poursuivra avec un trio puis
un quatuor de l’Ensemble Télémaque (25 mars et
15 avril). Le cycle affiche d’abord le duo de pianos
Stéphan Oliva et François Raulin pour un hommage à des musiciens qui ont marqué l’histoire du jazz
(le 18 mars à 19h). Deux conférences de Daniel
Dahl traitent spécifiquement du sujet (les 8 et 15
mars à 18h30).
MARSEILLE. Bibliothèque Départementale
Entrée libre 04 91 08 61 00 www.biblio13.fr
Le Quatuor Syrah formé de Louis-Alexandre Nicolini et Marie Hafiz (violons), Benjamin Clasen
(alto) et François Torresani (violoncelle) joue un
programme de musique de chambre qui ravira les
puristes. On entend l’une des œuvres de jeunesse
de Joseph Haydn fondant un nouveau genre (le quatuor
à cordes) qui fera florès par la suite, soit le Quatuor
n°2 en mi bémol majeur op. 1. Vient ensuite l’une
des pièces des plus prisées du répertoire, en particulier à cause de son mouvement lent au rythme
funèbre : le Quatuor en ré mineur, D. 810 «La Jeune
Fille et la Mort» de Franz Schubert.
MARSEILLE. Le 19 mars à 17h. Opéra
04 91 55 11 10 www.opera.marseille.fr
Quintettes à vents
L’Institut Français des Instruments à Vent en
collaboration avec la Cité de la Musique organise,
tous les deux ans un Concours International de
Quintette à Vent. C’est une manifestation unique
au monde qui met à l’honneur de jeunes instrumentistes (flûte, hautbois, clarinette, basson et cor)
dont la 6e édition est dédiée au compositeur Henri
Tomasi (pour la commémoration des 40 ans depuis
sa disparition). On entend ses «Cinq Danses Profanes et Sacrées» imposées en épreuve finale autour
de pièces de Mozart, Reicha, Milhaud, Dvorak…
MARSEILLE. Du 21 au 25 fév. Épreuves publiques
(entrée libre) à la Cité de la Musique La Magalone.
Remise des prix et concert des lauréats le 26 fév.
04 91 39 28 28
www.citemusique-marseille.fr
Institut Français des Instruments à Vent :
www.ifv.org
RECITALS
Jeune pianiste
Martin Helmchen a remporté le Concours Clara
Haskil en 2001. Depuis, ce musicien à la sensibilité
notoire poursuit une trajectoire remarquable…
mais se produit peu en France. On découvre ce
talent dans Bach (Partita n°1 BWV 825),
Schoenberg (Six miniatures op.19) Mendelssohn
(Romances sans paroles op. 67 6e livret) et
Beethoven (Sonate n°29 op.106 «Hammerklavier»).
MARSEILLE. Le 8 mars à 20h30 Auditorium de la
faculté de médecine de la Timone
www.musiquedechambremarseille.org
Espace Culture 04 96 11 04 60
Martin Helmchen © Marco Borggreve
Eros et Thanatos
AVIGNON. Le 8 mars à 20h30. Opéra-Théâtre
04 90 82 81 40 www.operatheatreavignon.fr
Piano sensible
Le pianiste israélien Iddo Bar-Shai est un poète du piano, au toucher sensible
développant une grande musicalité. Il joue la Sonate «Funèbre» de Chopin,
des Mazurkas, ainsi que deux Sonates de Haydn et Janacek.
AIX. Le 14 mars à 20h30
au Théâtre du Jeu de Paume.
04 42 91 69 69
www.legrandtheatre.net
Reine du bel canto
La soprano June Anderson chante, accompagnée par l’Orchestre de l’Opéra,
un florilège d’airs du bel canto et de l’opéra baroque : de Semiramide ou Otello
de Rossini à La Somnambule de Bellini, mais aussi Jules César de Haendel ou
l’incontournable «Casta diva»… La cinquantaine altière, voilà plus de trente ans
que la diva triomphe sur les scènes du monde entier ! Sûr qu’elle fera le plein
et qu’on retiendra son souffle… Car son timbre, aujourd’hui encore, a conservé
ses qualités d’équilibre et d’égalité sur tout le registre, résultat d’une technique
sûre, basée sur la maîtrise de souffle, la souplesse des phrasés et des aigus
francs et clairs. Dans les emplois bel cantistes appropriés à son centre de voix,
June Anderson demeure une interprète hors-pair.
TOULON. Le 11 mars à 20h. Opéra
04 94 93 03 76
www.operadetoulon.fr
RADIOSYMPHONIQUE
Événement !
Orchestre national de France © Radio France-Abramowitz
Enfin Paris est à Aix ! France Musique s’installe au GTP, et diffuse en direct du
4 au 11 mars. Les émissions de Dominique Boutel, Yvan Amar, Benoit
Duteurtre, Lionel Esparza, Frédéric Lodéon… sont enregistrées en public
(entrée libre) et invitent Perrine Mansuy, Raphaël Imbert, Angelin Preljocaj…
Ce sera aussi l’occasion de revenir sur l’histoire du Festival d’Aix, et de se
pencher sur les dispositifs pédagogiques mis en place par le grand Théâtre.
Quant aux concerts, ils permettront d’entendre l’Orchestre National de France,
dirigé par Takuo Yuasa, qui joue la 1re symphonie de Brahms dont la pulsation
tragique initiale s’avère toujours aussi captivante. En compagnie des sœurs
Lidia et Sanja Bizjak, la phalange nationale interprète également le Concerto
pour deux pianos en mi bémol majeur de Mozart (le 8 mars). Le Chœur de
Radio France (dir. Matthias Brauer) interprètera quant à lui des pièces a
cappella, hymnes à l’amour des époux Clara et Robert Schumann, (le 11 mars).
AIX. Concerts à 20h30 GTP
04 42 91 69 69
www.legrandtheatre.net
JACQUES FRESCHEL
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MUSIQUE
AU PROGRAMME | ACTUELLE
Toujours
à temps
AIX
Théâtre et Chansons : Lison Tremplin jeune talent
Emilie Marsh (18/2), Sudden (12/3)
04 42 27 37 39
www.theatre-et-chansons.com
ARLES
Cargo de nuit : Tu Tires ou Tu Scratches ? (19/2),
Way Of House (5/3), Hidden Orchestra (11/3), Rootz
Underground (16/3)
04 90 49 55 99
www.cargodenuit.com
AUBAGNE
MJC L’Escale : Superkemia (25/2), Aim Bass (4/3)
04 42 18 17 17
Mjcaubagne.free.fr
AVIGNON
Les Passagers du Zinc : Zombie zombie, Anakronic
orkestra (18/2), Lee Scratch Perry, Conquering system
(21/2), Faya reflex : the others, Lucid, Konaz, Atom
(25/2), soirée special Belge avec Puggy & Stromae
(11/3), Robin Leduc, Antoine Léonpaul (12/3)
04 90 89 45 49
www.passagersduzinc.com
BRIANÇON
Théâtre Le Cadran : Angelo Debarre Quartet (3/3),
Opium par Christine Brotons et Albert Tovi (9 au 12/3)
04 92 25 52 52
www.theatre-le-cadran.eu
La Machine à Coudre : Tyvek, Binaire (18/2), Jack
Of Heart, Johnny Division (20/2), The Needs (25/2)
04 91 55 62 65
www.lamachineacoudre.com
Du 12 au 23 mars, Marseille a rendez-vous avec la
chanson avec comme point d’ancrage la plate forme
de l’Espace Julien. Le désormais attendu festival
Avec le Temps diffusera la bonne parole sur la
scène du cours Julien mais également dans des
lieux satellites comme L’éolienne, Le Lenche, Le
Parvis des Arts, le Théâtre des 3 Act, le Dock des
Suds, Le Cri du Port, La Machine à Coudre et le
Nomad Café. On y retrouve certaines têtes
d’affiche qui semblent élire domicile sur la scène
phocéenne (Arno, Bernard Lavilliers, Abd Al
Malik), et d’autres comme Souad Massi (17 mars
Espace Julien) et CharlElie (19 mars Espace Julien)
qui se (re)découvriront avec plaisir. Après son
passage remarqué aux Aulnes Rouges l’été dernier,
Pigalle (accompagné des Hurlements d’Léo)
soignera certainement son grand retour sur scène
(15 mars Espace Julien). Art Mengo (16 mars
Espace Julien), Ben l’Oncle Soul (17 mars Docks
des Suds) et Zaz (18 mars Espace Julien)
complèteront un plateau pléthorique ! Et c’est sans
compter les nouveaux talents qui ne manquent pas,
citons parmi eux Balbino Medellin, Bertrand
Pierre, Chloé Lacan, Avis de Bâtard, Usthiax,
Gaïo, Mi, Imbert Imbert, Maison Rouge…
Histoire de ne pas s’ennuyer, le Café Julien vibrera
au son des platines de DJ Big Buddha tous les soirs
avant et… après le concert !
La Mesón : 4e édition de Cordes sans cible (18 et
19/2), Duo Akosh S. et Gidas Etevenard (4 et 5/3)
04 91 50 11 61
www.lameson.com
L’Embobineuse : Zombie Zombie, Marteau
Matraque (17/2), Le Singe blanc (19/2), Bleu bird,
piano chat (23/2), L’Enfance rouge, Feromil (5/3),
Don Vito, Gregaldur, Sieur et Dame (14/3)
04 91 50 66 09
www.lembobineuse.biz
Nomad’Café : Sir Joe Quaterman (19/2)
04 91 62 49 77
www.lenomad.com
Théâtre l’Antidote : Julien Sigalas (5, 12, 19, 26/3)
04 91 34 20 08
Le Bicok : Lady Lana Reina, Emile Chick (24/2),
Pearl (25/2)
04 91 94 50 48
www.lebicok.com
MuzikMania : Godfathers of Funk (18/2)
04 91 44 26 38
www.reverbnation.com/muzikomania
CHÂTEAUNEUF-DE-GADAGNE
04 90 22 55 54
www.akwaba.coop
HYÈRES
Théâtre Denis : The legendary Tiger Man,
Hifiklub (18/2), Fredrika Stahl, Red Rails (18/3)
FRÉDÉRIC ISOLETTA
MARTIGUES
Théâtre Les Salins : Pink Kong du groupe DuOud (9/3)
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
VITROLLES
Chapiteau Kiffa : Hybride festival avec Kronos,
Destinity, Sailence, Benighted, Manimal, My Own
Private Alaska, Andreas & Nicolas… (4 et 5/3)
www.festival-avecletemps.com
Souad Massi © X-D.R.
Akwaba : Is it hip hop ? : Mike Ladd and Juice Aleem
are the infesticons, Bleubird (18/2), Jahtari, Dub
Welders (26/2), Pilöt, Phosphene (5/3), Scratch
Bandits crew, Rah team (12/3)
04 42 02 46 50
04 98 07 00 70
MAUBEC
ISTRES
L’Usine : Feloche, Isaya (18/2), Tremplin découverte
électro/funk (19/2), Tremplin découverte métal
(25/2), Tremplin découverte chanson (4/3), Tremplin
découverte rock (5/3), Stromae (10/3), Tête Raide,
Giedre (12/3)
04 42 56 02 21
www.scenesetcines.fr
MARSEILLE
Espace Julien : Les rois de la Suede (17/2), Lee
Fields et The expressions, Charles Bradley et The
Menahan street band (26/2), Puggy (10/3)
04 91 24 34 10
www.espace-julien.com
Cabaret Aléatoire : Sly Johnson, Yarah Bravo, Alice
Russell, Beatspoke, Soulist (18/2), M.O.P, Dj Djel
(25/2), Chali2na, La Rumeur (26/2), Ebony Bones,
Pope Joan (4/3), Les Sales majestés (5/3), Markize,
Ivalys, Pryde, Eradikal Insane, The Omega (12/3)
04 95 04 95 09
www.cabaret-aleatoire.com
La Gare : If if Between, Le Singe blanc (18/2), We
used to have a band, Bertrand Belin (25/2), Free
Beans, Syncopera (4/3), Les Ballyshannons (11/3)
04 90 76 84 38
www.aveclagare.org
NÎMES
Théâtre : Coming Soon (12/3)
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
SALON-DE-PROVENCE
Portail Coucou : Adam Bomb (4/3), carte blanche
à Garage (12/3)
04 90 56 27 99
www.portail-coucou.com
TOULON
Oméga Live : Soirée Zoo électro (19/2), soirée des
20 ans de Ninja Tune (10/3), soirée UK Bass (12/3)
04 98 070 070
www.tandem83.com
Les femmes
d’abord
Saint-Martin de Crau accueille la 9e édition du
Festival Voix de Femmes du 12 au 26 mars. Avec
une féminité qui se décline sous toutes ses formes :
concerts, rencontres, projections… Vis à vies, Las
Hermanas Caronni, Anne Baquet, Jeanna Plante,
Joyce Jonathan, Djazia Satour, Le Trio F, mais
aussi Natasha St Pier et Isaya, magnifique duo
découvert à l’occasion de la dernière édition des
Aulnes Rouges il y a six mois.
F.I.
www.festivalsrock.com/FestivalFestival_Voix_de_Femmes
MUSIQUE
Cité de la Musique - La Cave
Duo Luzi Nascimento (18/2 à 21h), 5tet à Gospel &
Gospel Time (18/3 à 21h)
AGEND’JAZZ
ARLES
Le Boatel (péniche)
ZEF quartet (4/3)
04 91 392 828 www.
citemusique-marseille.com
06 08 605 324 www.leboatel.com
Cri du Port
Ce monde autour de moi - création jeune public (20/2
à 17h30), Jean Duino trio (10/3 à 20h30), Monique
Hutter-Daniel Huck 4tet (17/3 à 20h30)
AUBAGNE
MJC L’Escale
Nightingales (17/2 à 19h), Rémi Abram 4tet (17/3)
Les Jeudis de L’Escale : Café-Jazz avec le trio LaDiMa
tous les 3e Jeudis du mois et Soirée-Bœuf tous les 2e
jeudis du mois
04 91 504 151
www.criduport.fr
Inga des Riaux
Swinging Papy’s (18/2), Claudia Meyer (24/2), Abram
Jazz4tet (25/2)
04 42 181 717 www.mjcaubagne.fr
06 07 575 558
www.inga-des-riaux.fr/music.html
AVIGNON
AJMI
Sylvia Versini-Campinchi octet(17/2 à 20h30),
Benjamin Moussay Trio (25/2 à 20h30), Kami 5tet (4/3
à 20h30), Pierre Christophe 4tet (11/3 à 20h30), Jazz
Story N°4 Le Vibraphone avec Bernard Jean (17/3 à
20h30 ou dès 19h30 pour grignoter), Sébastien
Cicorella trio (18/3 à 20h30)
Le Paradox
Daedalus Spirit Orchestra (19/2), Jamse&Lied? (20/2),
JB’s & L’Echapée Belle & Guests (24/2), Maycad (3/3),
Hofmann Family Blues Expérience (10/3)
04 91 631 465
www.leparadox.fr
Le Polygone étoilé
Musique, on tourne ! Film musicaux : Born to Lose
(19/2 à 18h), Hardtime killing floor Blues(19/2 à
21h30), Man no run (26/2 à 20h)
La Manutention 04 90 860 861 www.jazzalajmi.com
BRIANÇON
Théâtre Le Cadran
Atelier Jazz et concert avec Passport Quartet en divers
lieux de la communauté des communes du
Briançonnais(19/02 et 20/04)
04 91 24 89 71
www.peuple-et-culture.org
Théâtre de la Criée
Bernard Jean -vibraphone (11/3 à 21h30) Cabaret Jazz
04 92 255 252 www.theatre-le-cadran.eu
04 96 178 031
www.theatre-lacriee.com
HYERES
Roll’ Studio
JohnAZZ collectif 4tet (05/03 à 18h30), Elsy Flerag
(12/3 à 18h30), Divina 4tet (19/3 à 18h30)
Théâtre Denis
Ari Hoenig Trio (19/2 à 21h00), Leçon de jazz «Duke
Ellington» par Antoine Hervé (12/3 à 21h00)
04 91 644 315
www.rollstudio.fr
www.jazzaporqueroles.org 06 31 798 190
La Mesòn
Samuel Karpienia et Stéphane Galeski (18/2 à 20h),
Ablaye Cissoko et Volker Goetze (19/2 à 20h), Akosh
Szelevényi & Gildas Etevenard (4 et 5/3 à 20h)
MARSEILLE
Auditorium des ABD
2, 3, 4 Musiques - Duo de piano Oliva&Raulin (18/3 à 19h)
0491 086 100 www.biblio13.fr
www.lameson.com
Paolo Fresu est l’invité du Grand Théâtre de Provence
avec le quartet mouvant Devil 4T. Le trompettiste
–dont la renommée internationale n’est plus à faire
depuis son CD Angel et sa collaboration avec Carla Bley
pour The lost chords- était accompagné de Paolino
Dalla Porta à la contre basse, Roberto Cecchetto
à la guitare et le batteur montpelliérain Joël Allouche
pour un set fait de ballades et d’instants sonores plutôt jazz-rock, à la trompette ou au bugle, très
électronique. La mise en lumière efficace parachevait le sentiment d’une belle soirée, sage, variée et
virtuose. DAN WARZY
Ce concert a eu lieu le 8 février
Paolo Fresu © Roberto Cifarelli
Anges et Diables
Partage
De nouvelles compositions du batteur-percussioniste Ahmad Compaoré, fruits d’une résidence
de création à La Boîte à Musique à La Friche, étaient
présentées le 28 janvier à La Meson. Une ballade
démarre avec Raphaël Imbert aux saxophones.
On semble deviner My favorite things mais non !
Les thèmes sont issus de métissages complexes
et d’improvisations. Hervé Samb à la guitare apporte le caractère déjanté de ses effets sonores,
Stéphane Mondésir aux claviers et programming
élabore un équilibre harmonique pour le perturber aussitôt. Guitare basse et contrebasse sont
tenues par Sylvain Terminiello pour un bain
bouillonnant auquel se joignent d’autres musiciens, un guitariste, le trompettiste Christophe
Leloil pour un final très jazz-rock. Musique qui
expérimente assurément, dans l’échange et
l’écoute, devant un public en partage. D.W.
45
MIRAMAS
Comoedia
Dmitri Baevsky 4tet (10/3 à 21h)
04 90 500 526 www.scenesetcines.fr
OLLIOULLES
Royal Jazz Club
Rémi Abram 4tet (5/3 à 21h), Lionel Dandine 4tet
(12/3 à 21h)
www.myspace.com/royaljazzclub
SALON DE PROVENCE
Salon de Musique / IMFP
Jonathan Kreisberg (6/3 à 18h), Gérard Guérin 4tet
(8/3 à 20h), Christian Brazier 5tet (15/3 à 20h), Jam
sessions les lundis et mercredis de 19 à 23h00
04 90 531 252 [email protected]
LA SEYNE-SUR-MER
Damero Bar
Scène ouverte acoustique tous les mercredis / Soirée
Salsa les mardis
06 28 475 294 www.myspace.com/damerobar
VITROLLES
Moulin à Jazz
Masterclass de guitare avec Manu Codjia et François
Arnold (11/3), Duo Handprint & François Arnold Trio
(12/3 à 21h00)
04 42 796 360 www.charliefree.com
46
MUSIQUE
ACTUELLE
Correspondances spirituelles
Ils jouaient ce programme très émouvant, issu du projet Bach-Coltrane qui
a fait leur succès, pour la dernière fois
en concert : Michel Rossi conduit le
nouvel orgue numérique de l’église St
Michel de Cassis (finis les tuyaux !),
accompagné de Raphaël Imbert à la
clarinette basse et aux saxophones,
Jean-Luc Di Fraya aux percussions et
voix, Pierre Fenichel à la contrebasse.
Pourquoi unir Bach et Coltrane, deux
musiciens si éloignés dans le temps ?
Raphaël Imbert explique les liens, le
mysticisme des deux musiciens, leur
art des cadences si proche, leur génie
commun de l’improvisation, terreau
de leurs univers respectifs. Puis il
lance de brillants arpèges qui interrogent l’essence même du monde. Une
partita de Bach s’orchestre à l’orgue,
une rythmique de bossa se greffe, les
mondes se juxtaposent puis se fondent. Car c’est un choral luthérien du
XVIe qui scella la rencontre des musi-
chose de très aérien envahit et subjugue l’auditoire à partir de grilles
harmoniques simples qui sans cesse
s’enrichissent. La voix, le son des
vents, la basse qui s’obstine et l’orgue
qui éclate nous emmènent aux anges,
vers l’harmonie des sphères. Nous
comprenons ainsi en quoi les lignes
et les couleurs de Coltrane et de Bach
se répondent. Nouveau projet à
suivre : Mozart/Duke Ellington... le 5
avril au Grand Théâtre de Provence !
DAN WARZY ET MARYVONNE COLOMBANI
Ce concert a eu lieu
en l’Eglise Saint Michel
à Cassis le 23 janvier
CD : Bach-Coltrane
Raphaël Imbert Project ZZT080101
© Claude Riviere
ciens au Conservatoire, les amena à
mêler jazz et baroque, à faire le bœuf
autour de la basse continue de l’or-
gue… Les morceaux sont développés
en choral, contrepoint et inévitablement en improvisation. Quelque
Blind-Test
Lui avec eux
au Roll’Studio
Ce concert
a eu lieu au
Roll’Studio
le 25 janvier
www.myspace.com
/fabgenais
Fabien Genais
© Dan Warzy
DAN WARZY
Ce concert a eu lieu le22 janvier au Moulin
à Jazz de Vitrolles
CD French Suite Thomas Savy/Scott Colley
/Bill Stewart-PlusLoinMusic Harmonia-Mundi
Près de l’âme
Venue des USA où elle vit désormais, Alexandra Grimal (saxophones) nous a offert quelques heures de
grâce. Manolo Cabras (contrebasse), João Lobo (Batterie), Giavanni Di Domenico (piano) complètent
son 4tet. Dès les premiers sons émis, une atmosphère étrange envahit la salle. Un langage hors du
commun s’articule, se développe, jamais à court d’arguments. On songe aux paysages brumeux du Grand
Meaulnes ! Alexandra Grimal passe d’un saxo à l’autre pour maintenir un flux musical dense, changer
la couleur, rester en alerte, entretenir le mouvement.
Durant les moments de respiration la saxophoniste
porte son instrument amoureusement contre son
corps, et c’est son âme que l’on voit. D.W.
Ce concert a eu lieu au Moulin à Jazz le 5 février
CD Seminare Vento Free Lance / CD Ghibli Label sans
bruit²
Alexandra Grimal © Dan Warzy
D.W.
illustrations contrastées, et Stephane Kerecki à la
contrebasse, qui distille une grande émotion. Le
trio se démarque par une expressivité singulière.
Les emballements se déploient, la tension monte,
les sons cheminent du très grave aux extrêmes
aigus. D’un écoulement turbulent on tend vers
l’accalmie, en conservant toujours un très grand
lyrisme. La clarinette basse est dévoreuse d’énergie
mais Thomas Savy en a à revendre... Un concert
exceptionnel !
Thomas Savy © Dan Warzy
Les rigueurs de l’hiver n’altèrent pas le côté chaleureux du Roll’Studio qui a accueilli le Trio Tentik
composé de Fabien Genais aux saxophones, Jean
Michel Troccaz à la batterie et Renaud Matchoulian à la guitare et banjo alto, pour une soirée aux
musiques très diverses et réappropriées de façon
créative, avec brio. Standards du jazz de Manu Dibango ou Dave Brubeck, mais aussi Brel ou encore
le répertoire de musique traditionnelle d’Europe de
l’Est. Le public a même joué le jeu pour retrouver
titres et noms des compositeurs. Fabien Genais a
montré un réel talent d’improvisateur en démontant
les mécanismes mélodiques et
harmoniques de chaque pièce
jouée. Avec sa formation
Méandres, il a été lauréat
du Tremplin Jazz à
Porquerolles en 2010.
Tous nos vœux de succès
l’accompagnent !
Un événement que ce programme musical, issu du
CD French Suite de Thomas Savy ! Une grande maturité transparaît chez ce jazzman à la clarinette
basse. Deux acolytes sont avec lui pour ce concert :
Fabien Moreau, batteur au toucher fin et aux
MUSIQUE 47
Racines
À l’origine le travail d’un photographe, Thomas Heuer,
fou des arbres la nuit ; ses clichés argentiques, aux
longs temps de pose, personnifient des végétaux
nimbés de lune, inspirant à Santu Massiani et Dominique Colonna des poèmes concis, que le groupe
l’Alba ont mis en musique. Les amers de l’île sont
d’abord évoqués : I fanali (les sémaphores), chant
sobrement accompagné à la cetera, (le cistre), instrument traditionnel. Suivent les accents tziganes
d’un violon qui, avant le très dépouillé Di l’Alba,
aux mélismes teintés d’Orient, dans lequel le timbre
de la guitare, arpégée dans un style arabo-andalou,
semble celui d’une viole d’amour. Retour au cantu
sacru, avec un Libera me chanté à cinq qui permet
d’apprécier a cappella les voix d’une rare qualité
d’un jeune groupe qui ne craint pas de s’ouvrir à des
influences diverses : ainsi, dans le chant A Mane Aresu
(Matin rasant), la voix haut perchée du chanteur,
comme dans le flamenco, s’appuie sur une bassebourdon continu et un violon aux accents hispaniques.
Batelli (Navires) s’achève sur une mélopée lancinante, répétée à l’infini, qui semble vouloir emporter
les spectateurs dans son sillage… ce qui d’ailleurs
adviendra avec le superbe Sta Mane dont la voix
solo, calée sur la rythmique du Kyrie des polyphonistes, conduit à l’apothéose !
JEAN-MATHIEU COLOMBANI
© X-D.R
Le livre de Thomas Heuer est publié aux Editions
Alain Piazzola à Ajaccio
Concert donné le 21 janvier à Ventabren
CD : Radiche Suprane L’Alba
Atemporel
de l’emphase de certaines notes tenues, mais aussi
tension subtile des émotions. Monde d’échos, les
musiques se saluent, se contaminent, les instruments glissent de l’une à l’autre, téorbe ou guitare
électrique pour cet air baroque, piano ou orgue
pour ce tango ? Merveilleuse dynamique où les
volutes du baroque s’enlacent aux pulsations du
tango : même lorsque la voix raconte, simplement,
se pressentent déjà les accords futurs… Les
époques se rencontrent en des instants suspendus
d’éternité.
Monteverdi Piazzolla © Ambronay B. Pichene
Rapprocher dans un même concert Monteverdi et
Piazzolla peut sembler étrange. Plus de trois siècles
les séparent ! Mais le baroque tient une place privilégiée parmi les sources savantes du tango, et ces
deux compositeurs ont connu des cheminements
parallèles en renouvelant profondément le genre
musical dans lequel ils évoluaient.
La salle comble du théâtre de Dracénie s’emplit
d’une voix nue. Essence du tango, le phrasé à peine
voilé de Diego Flores tisse entre le quotidien et
l’art d’intimes résonances. Les instruments traditionnels du tango esquissent leur première cadence,
pulsations lentes où le corps des danseurs rêve,
hersant l’espace scénique de ces pas codifiés paradoxalement porteurs d’une étonnante liberté. Au
baryton répond le superbe soprano de Mariana
Flores. Un son ample, colonne nuancée, qui se joue
des clichés avec humour : ironie des mélismes, et
M.C.
Monteverdi/Piazzolla Angel & Demonio
s’est donné le 11 février à Draguignan
Aubagne, terre de Pagnol et des crèches, accueillait
galoubets, tambourins, la chorale l’Escolo de la
Ribo et l’incontournable André Gabriel, mestre
tambourinaire. L’Escandihado, un groupe jovial
aux costumes provençaux, proposait une marche
napoléonienne, des Noëls de Saboly, et la Chorale
entonnait chants issus de la Pastorale Maurel, sans
oublier la célébrissime Mazurka souto li pin, avec
un effectif manquant hélas de voix d’hommes.
Gabriel et ses deux jeunes compères survolaient les
difficultés d’un Air à variations de Pascal Arnaud,
et un menuet endiablé, de 1800. Les
Tambourinaires du Pays d’Aubagne interprétaient
danses de salon, rigaudons, cotillons du Roy aux
sonorités puissantes, rythmées par des tambourins
aux rythmes réguliers. Et le concert se clôturait
avec la Coupo Santo de Frédéric Mistral, coupe que
la Catalogne offrit à la Provence, sœur de langue.
Des choristes, dont certains ont quatre-vingt ans,
habitent ces chants et ces jolies mélodies, dirigés
par Jean Martin, patriarche enthousiaste. Des
fragilités vocales bien sûr, mais une musique qui a
la Provence comme capitale : pourquoi seules les
musiques traditionnelles d’ici seraient-elles
regardées comme ringardes ?
YVES BERGÉ
© Yves Bergé
Traditionnel d’ici
48
CAHIER JEUNESSE
MUSÉE ZIEM | PRIX DES LYCÉENS ET APPRENTIS
Petit amateur deviendra grand !
M.G.-G.
Chiffres-clés année 2010
+ de 2000 scolaires
+ de 200 enfants de crèches
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+ de 300 en maisons de quartier
et centres sociaux
+ de 40 en situation de handicap
Musée Ziem, Martigues,
service des publics
04 42 41 39 50
www.musees-mediterranee.org
Atelier pour enfants du musee Ziem © Delphine Wagner
été le support à un parcours de sensibilisation en deux temps : d’abord la
découverte in situ des œuvres puis la
pratique ouverte à tous les médiums.
Croquis dans les salles au crayon gris
ou au pastel aquarelable, peinture au
sol et grands formats, travail à l’encre
pour l’étude d’un détail et, hors temps
scolaire, reportage photographique. En
février, dès l’ouverture de l’exposition
patrimoniale De la réalité au rêve :
l’objet ethnographique et sa représentation, ils exploreront ce qu’il se passe
entre l’objet concret et sa représentation artistique dans un tableau. En
commençant par comprendre la notion d’ethnographie, puis en devenant
«de petits explorateurs du quotidien» qui
s’interrogeront sur leur environnement
et le compareront à celui d’autrefois.
Dans le temps scolaire, les modules
sont conçus avec le conseiller pédagogique en arts visuels attaché à l’Inspection
académique et les professeurs d’arts
plastiques : objectifs, création d’une
mallette pédagogique, élaboration de
jeux… autant de pistes exploitées de
manière ludique. La preuve avec la
«fête anniversaire au musée» qui
emporte un vif succès, mêlant art,
gourmandise et cotillon.
Atelier pour enfants du musee Ziem © Delphine Wagner
Le musée Ziem à Martigues, dès les
années 80, a intégré un service des
publics particulièrement attentif aux
jeunes. Du coup il n’est pas rare de
croiser dans les salles de jeunes enfants
qui tirent leurs parents par la manche
devant des œuvres qu’eux seuls
connaissent… C’est l’effet boomerang !
Heureux élus des ateliers, ils sont au
cœur des œuvres comme des poissons dans l’eau puisqu’ils ont appris à
nager avec Céline Laudrin (responsable), Aurélien Gonzalez (adjoint) et
Claire Malaval (médiatrice). Ils sont
venus dans le cadre scolaire (de la
crèche à la terminale pour les établissements de Martigues principalement, et
des environs), pendant leurs vacances
(stage d’une semaine), à titre individuel
(inscription annuelle qui demande
régularité et fidélité) ou à l’occasion
d’un séjour en centres de loisirs… Les
occasions ne manquent pas de former
leur regard à l’entrelacs des formes, la
superposition des couleurs, la brisure
d’une ligne, au gré des expositions
temporaires et de l’accrochage sans
cesse renouvelé des collections. Car le
service des publics colle à l’actualité du
musée pour concevoir des ateliers surmesure et porter un éclairage à
chaque fois différent. En début d’année
par exemple, les compositions monumentales et abstraites d’Olivier Debré
(expo temporaire) comme les toiles
d’Alphonse Monticelli (collection) ont
Les livres en partage
Le 2e Forum littéraire des lycéens et des apprentis
de la Région Paca a rassemblé jeunes lecteurs,
enseignants et auteurs à la Friche. Une belle rencontre à laquelle ne manquait que Lyonel Trouillot,
auteur haïtien, dont la visite est annoncée dans les
lycées en mars.
De nombreuses questions ont tourné autour de
l’adaptation des textes en BD. Alfred qui a utilisé le
roman de Guillaume Guéraud, Je mourrai pas gibier
(éd. Le Rouergue), a déclaré que l’auteur lui avait
laissé les droits de l’ouvrage et n’a pris connaissance
que du produit fini : «L’adaptation amène le texte un
peu ailleurs... il faut prendre le parti de la confiance».
Mais Alfred travaille seul alors que les auteurs de BD
sont souvent en binômes, y trouvant une stimulation,
comme le confie Antoine Bauza, scénariste de
L’encre du passé avec Maël, le dessinateur. Les auteurs
sont interrogés sur leur rapport à l’image : ils déclarent écrire en images, certains avouent qu’ils se
cachent derrière leurs dessins... C’est le cas de Michel
Rabagliati, le truculent québécois, qui a créé avec Paul,
son personnage, une série teintée d’autobiographie.
Grégoire Hervier a été l’objet de plusieurs questions
sur la réalité de l’univers qu’il décrit dans Zen City
(voir p 68). Roman d’anticipation certes, mais sur des
bases d’actualité avec l’intrusion dans la vie privée par
la surveillance à tout va, grâce à la technologie de
l’identification par radiofréquence (RFID) ; tout cela
existe déjà avec la reconnaissance des voitures aux
péages, par exemple. L’auteur déclare mettre en
garde contre les dérives, et le message est reçu.
Les questions posées à Sorj Chalandon pour La
légende de nos pères ont donné lieu à une comparaison pertinente entre ce qu’il appelle «l’écriture du
jour», c’est à dire l’écriture journalistique qui le fait
vivre, celle de l’urgence et de la rigueur, et «l’écriture
de la nuit», écriture romanesque, fictive qui laisse
place à la liberté de la création et lui permet de ne
pas s’assécher.
Les auteurs n’ont pas manqué de dire le respect qu’ils
avaient pour les échanges avec les lycéens et pour
un Prix sans magouille, ni trucage, ni soupçon. Un bel
hommage !
CHRIS BOURGUE
TOURSKY | CAVAILLON | PORT-DE-BOUC | GRASSE
Tribulations
de Casse-noisette
en Chine
Casse noisette © Michel Lidvac
On vient de fêter le nouvel an chinois,
les adeptes de mystère se nourrissent
alors de biscuits-surprises et cherchent
à décrypter au milieu des miettes les
arcanes de leur avenir… On s’étonne
encore des mœurs de ce pays lointain,
amalgamant avec une belle ignorance
révolution culturelle, pollution et cité
interdite dans un délicieux méli-mélo
où
circulent
des
contes
abracadabrants. Aussi lorsque l’on voit
annoncé le Cirque national de Chine,
on se précipite, et l’on arrache une
séance supplémentaire au théâtre,
deux soirées d’affilée, salle comble,
enthousiaste, prête à tous les
émerveillements et qui ne peut être
que transportée. Magie, humour,
acrobaties improbables, costumes
chatoyants, adresse, légèreté, le
spectacle est une pure merveille. Le
surprenant conte d’Hoffmann, Casse
noisette, devient un fil conducteur, et
orchestre les apparitions des jongleurs,
des contorsionnistes (le corps humain
SPECTACLES
LIVRES
49
se transforme en pâte à modeler), de
l’antipodiste (il y a jusqu’à 8 ombrelles
qui dessinent d’étranges fleurs
mobiles), du magicien, des acrobates,
d’incroyables forêts… Le meneur de
jeu, le mystérieux oncle Drosselmeyer,
a des allures de Karl Lagerfeld :
enveloppé dans un grand manteau
noir il guide sa jeune nièce à travers les
différents tableaux. La partition de
Tchaïkovski est complétée par de
nouveaux éléments, Cadet Rousselle
intervient dans la danse russe par
exemple. Joyeux méli-mélo on vous
disait, dont on ne peut se formaliser
tant la belle énergie de cette troupe
conquiert, jusque dans les saluts, réglés
au cordeau comme autant de
nouveaux numéros. Un savoir-faire
incomparable.
MARYVONNE COLOMBANI
Le Casse Noisette «made in China»
a été donné les 31 janvier
et 1er février au Toursky
Cri de joie tunisien
qu’eux, dits par les artistes, par la musique aussi,
prenante, vivante, musique populaire tunisienne
mélangée à des airs soufis. Mais Sarkha c’est aussi du
cirque, même si notre conception disciplinaire est
bousculée par cette forme hybride qui mêle cirque,
danse contemporaine, théâtre et poésie : les
acrobaties d’une grande justesse, que ce soit au mât
chinois ou au trapèze, intègrent les agrès à l’histoire…
«Je ne sais pas… / Pourquoi sur cette terre maudite /
L’amour a tari / Les roses sont devenues / Epines / La
tendresse / Rancune / Et haine» dit un poème de
Chedli Zoukar. Sarkha réhabilite à coup sûr la terre
maudite, et dévoile le visage de la liberté…
DO.M.
L’effet papillon
Le Cirque precaire © Vincent d'Eaubonne
Il rentre dans l’arène pieds nus, mini-robe blanche
sous long manteau sombre, un brin hagard et plutôt
bavard. Julien Candy n’est pas candide, bien qu’il rêve
«d’amour originel», mais son drôle d’inventaire à la
Prévert souffle réellement la poésie durant 1 petite
heure. Des papillons de papier qui volent au bout
d’une faux, des bilboquets qui s’accordent avec un
métronome, des tourne-disques réinventés, des listes
de pays qui se racontent (par peur de les voir
s’envoler ?), des balles rouges qui voltigent sur des
scies géantes… Dans son Cirque précaire, tout est
prétexte au détournement inventif d’objets
saugrenus, d’utilisation des forces centrifuges,
d’observations malines sur la société de
consommation et ses publicités débilitantes. Mais le
poète-circassien-clown, outre le fait d’être
parfaitement ambidextre et subtilement drôle,
Sarkha a été joué au Sémaphore, Port-de-Bouc, le 11
février, à l’Olivier, Istres, le 13, et sera joué au théâtre de
Grasse les 17 et 18 février.
04 93 40 53 00
www.theatredegrasse.com
Sarkha © Amine Frigui
Spectacle de sortie de la deuxième promotion de
l’École de cirque de Tunis, mis en scène et
chorégraphié par Laurence Levasseur, Sarkha (le cri,
création 2009) résonne fortement aujourd’hui ! Car
dans Sarkha les arts du cirque se mêlent à la culture
tunisienne, les cris ne manquent pas, violents, hurlés
ou simplement joués, dénonciateurs, on le devine, du
mal-être, de conditions de vie déplorables, guerres,
brimades religieuses des corps, assujettissement de
la femme mais cris sublimes aussi d’amour, de rêves,
d’espoir d’une vie meilleure. Quel éclairage
aujourd’hui, et quelle force dans le jeu, parfois
maladroit mais néanmoins gracieux de ces jeunes
artistes ! Émouvant, le spectacle l’est aussi grâce aux
poèmes tunisiens de Belkassem Marzougui,
Noureddine Bettayeb et Chedli Zoukar pour ne citer
possède une autre corde à son arc, essentielle. Le
violoncelle, son premier métier, avec lequel il joue à
l’illusionniste musical, «bruitiste» jonglant habilement
avec les diverses strates mélodiques. Sous le
chapiteau, les minots gloussent de surprise et les
parents retombent en enfance, l’ordinaire devient
extraordinaire grâce à un poète visuel, derviche
tourneur de petits riens…
DE.M.
Le Cirque précaire s’est joué
au théâtre de Cavaillon, sous chapiteau,
du 28 au 30 janvier
50
SPECTACLES
PAVILLON NOIR | MASSALIA | OUEST PCE | SIMIANE | BERRE
Lorsque la peinture danse
Plic ploc !
Où va l’eau ? Judicieuse question à vrai dire, et tout
dépend du point de vue… S’agit-il de celle sur
laquelle s’ébattent les canards, celle qui coule du verre
que l’on boit en faisant de sonores gargouillis, celle
qui remplit la baignoire, celle qui permet de patauger
en se salissant gaiement, celle qui traverse le ventre et
donne envie de faire pipi… Tout est question de
cheminements naturels ! À partir d’albums de Jeanne
Ashbé, bien connue des tout-petits qui ne savent pas
encore lire, Alain Coulaud met en scène des
couleurs, des images pleines de couleurs chaudes,
douces, sans sens véritables mais poétiques, des
situations qui parlent bien aux enfants. Élément de
jeu, l’eau est bien présente sur la scène pour la joie
ébahie de celles et ceux qui n’en croient pas leurs
yeux… et n’attendent qu’une chose, aller observer
de plus près où s’enfuit vraiment celle qui procure
autant de plaisirs, visuels, sonores, tactiles !
DO.M.
Où va l’eau ? a été joué, en janvier, le 19 à Istres,
le 21 à Grans, le 26 à Miramas, le 29 à Fos
et le 2 février à Berre
© X-D.R
Galerie, Yan Giraldou © Tomek Jarolim
La danse ne cesse de forger des Pygmalion, des
statues qui s’animent, des formes immobiles qui
prennent vie, se redessinent, puisant dans leurs lignes
le sens des mouvements qui les prolongent. Les
danseurs de la Cie La Locomotive, issus de l’École
supérieure Rosella Hightower, offraient un moment
de poésie spirituel aux enfants. Leur histoire
anachronique de la peinture propose un voyage à
travers les tableaux, l’imaginaire libéré, dans une mise
en lumière d’une efficace subtilité. Yan Giraldou, en
meneur de jeu, invite les spectateurs à fermer les
yeux, à reconstituer l’image mentale d’un tableau
qu’ils aiment, et à s‘y promener, comme Mary
Poppins. Et, en revisitant ses souvenirs visuels, à se
laisser aller à ses émotions, en acceptant sa
construction personnelle. Puis on ouvre les yeux et
l’on entre dans le rêve des danseurs. Ils jouent avec
les cadres, d’où le portrait s’évade, déjouent avec
humour les contraintes des limites matérielles, de
l’immobilité évoquée. Travail en miroir, arrêts sur
image, mises en abîme, échos suggérés entre la Vénus
d’Urbino du Titien, La grande Odalisque d’Ingres et
L’Olympia de Manet, entre les Trois Grâces de Rubens
qui côtoient celles de Raphaël. Puis on en vient au
questionnement des moyens plastiques, les
mouvements s‘accélèrent en une géométrie
débridée, le cubisme éclot, avant de revenir à la
silhouette de La Femme à l’ombrelle de Monet,
«calme et langoureux vertige»… L’interprétation
enjouée des danseuses, leur expressivité, la bande son
composée par Antoine Guenet, tout concourrait au
bonheur de ce spectacle d’une belle intelligence
sensitive.
MARYVONNE COLOMBANI
Galerie, Pour une histoire anachronique dans la peinture
a été dansé du 27 au 29 janvier au Pavillon Noir, Aix
Marionnettes
d’Orients
Il est des spectacles estampillés «enfant» en Europe
qui dans le reste du monde touchent tous les âges,
prennent une allure sacrée et fondent des cultures
nationales. Ainsi les marionnettes des pays
asiatiques… Éric Meslay, voyageur impénitent,
parcourt l’Asie et s’attache aux théâtres d’ombres et
de marionnettes. Rencontres avec les derniers grands
maîtres, étude des différents procédés, recherche
d’une production vivante et authentique, sa belle
démarche lui a permis de constituer une
impressionnante collection. Marionnettes de
Birmanie, immenses et articulées jusqu’au bout des
doigts, grands cuirs de Thaïlande ou du Laos dont les
marionnettistes effectuent une danse aux gestes
codifiés, lourdes marionnettes du Sri Lanka, rares et
gracieuses marionnettes de Chine, aux vêtements de
soie savamment ornés, marionnettes aux vives
couleurs de Bali, de Java… incroyable variété de celles
de l’Inde… sans compter celles qui «marchent sur
l’eau»… Rendez-vous plutôt sur son site,
extraordinaire de précision et d’érudition.
Ces marionnettes reprennent vie en représentations.
Ainsi, l’on pouvait applaudir à Simiane La légende du
Prince Rama, d’après le poème du Ramayana, par la
Cie L’Ombre Chinoise. Entre oiseaux, insectes, bruits
de la forêt, parfums d’encens, silhouettes filiformes
d’arbres nus et de lianes, Carole Errante installe
l’histoire, relayée par les marionnettes dont les
À suivre…
Le spectacle de la Cie l’Est et l’Ouest est onirique,
porté par d’imaginatives marionnettistes : quelques
notes de ukulélé, une voix de femme racontant en
chinois une histoire d’œuf de baleine (qui n’existe
pas, comme chacun sait), l’emploi très habile d’un
rétroprojecteur pour simuler les vagues, deux
mains incarnant comme par magie des poissons-
La legende du Prince Rama (montage) © X-D.R
ombres colorées (vertu de la peau de buffle travaillée
jusqu’à devenir translucide !) dansent, se meuvent en
une pantomime délicate. Quelle finesse ! Carole
Errante joue avec une magnifique expressivité,
caractérise chaque personnage par un geste, une
attitude souvent très drôle, amenant juste ce qu’il est
nécessaire de distanciation pour le spectateur. Les
raga de l’Inde soutiennent le récit, les tambours Kodo
du Japon rythment les combats. Un enchantement !
M.C.
La légende du Prince Rama a été donnée
à Simiane le 29 janvier
L’exposition des Marionnettes d’Asie d’Eric Meslay est
visible jusqu’au 4 mars à Marseille au Parvis des Arts
clowns qui frétillent, et on y est, dans cet univers
aquatique qui préside à toutes les naissances...
G.C.
La Naissance, 1er volet d’un projet intitulé Entre
Repos et Éveils a été créé au Massalia, du 31 janvier
au 5 février
MASSALIA | PÔLEJEUNEPUBLIC | LE CARRÉ
SPECTACLES 51
Au cœur des petits riens
La scène est nue, des éclairages au ras du sol déterminent un espace de jeu qui sera
peu à peu quadrillé de lumière grâce au travail précis de Bertrand Blayo. Dans cet
espace vide Stéfanie James propose un voyage dans le souvenir et les sensations.
Tout au long de la petite heure que dure sa proposition elle parcourt le plateau avec
des mouvements lents, quasiment dansés, accompagnés de gestes enveloppés des
bras et des mains, le buste penché comme si elle berçait un enfant. Parfois, pour
séparer ses évocations elle accompagne ses gestes de sons psalmodiés, très doux.
Qu’elle s’étonne de la façon dont un flamant rose tient longuement sur une seule
patte ou des irisations diaphanes des ailes de libellule, qu’elle imagine les réflexions
d’un nouveau-né sur le monde dans lequel il surgit ou les rêves d’une enfant sur une
balançoire, elle joue avec les petits riens de la vie. Autant dire qu’elle remplit les
vides du temps car, de son propre aveu, le Vide est son sujet. Les textes sont
sensibles, parfois imprégnés d’humour, notamment lorsqu’elle s’amuse du temps
libre ou s’imagine morte, dans un tombeau. En relation étroite avec son public elle
le scrute au plus profond, cherchant le contact, inversant les rôles. Cependant si
certains moments sont lumineux, l’ensemble baigne dans une lenteur lassante. Le
spectacle gagnerait à adopter des variations de rythme plus franches.
© X-D.R
CHRIS BOURGUE
Vide, mis en scène par Didier Kowarsky, s’est joué
au Massalia les 1 et 2 février
Danse avec le bois
Des bouts de bois en guise d’agrès de
cirque et instruments de musique, des
exercices acrobatiques à la limite des
lois de l’équilibre, des objets qui tombent du ciel et s’entrechoquent, Debout
de bois est une succession de tableaux
vivants où l’homme (Sébastien Dault)
ressemble à s’y méprendre à une marionnette. Parfois c’est lui le maître du
jeu qui jongle avec le bois et lui résiste,
parfois le bois prend le dessus qui le
contraint à rouler au sol, à l’esquiver. Un
jeu de quilles dans lequel l’artiste, le
bois et la création sonore combattent
à armes inégales, car les baguettes sont
magiques et le bois contagieux… au
point que l’homme se couvre de fins
branchages et se métamorphose en
arbre vivant, pantin articulé et effarouché. Il gesticule, saute, perd l’équilibre,
tente l’impossible : prisonnier des fils
invisibles tirés en coulisses, contraint
dans ses déplacements par les
imprévisibles bouts de bois, l’hommemarionnette s’interroge sur la façon de
se tenir debout. «Comment va-t-il faire
pour s’en sortir ?» s’exclame un gamin à
voix haute, inquiet. Pas de panique ! le
duo d’artistes de la compagnie La main
d’œuvres (sa complice, tapie dans l’ombre, manipule les ficelles) dose savamment
ses effets entre les prouesses du cirque,
l’art du théâtre d’objets, les bruitages
sonores et les arts plastiques. Certains
enfants décrochent, déconcertés par
cet éloge de la lenteur et sans doute
plus familiers du zapping que de la
contemplation.
Ce qui n’est pas là
M.G.-G.
Debout de bois a été joué
les 1 et 2 février
au PôleJeunePublic au Revest
Debout de bois © Mickael Troivaux
La Cartonnerie fait le
plein pour ce spectacle
de Patrice Douchet, sur
un texte de Karin Serres.
Le public de jeunes
marseillais s’interroge à
haute voix entre les
scènes : cette histoire
d’ours que l’on ne voit
pas, ces sons venus du
froid, ces clairs-obscurs,
ce grand chasseur botté
et agressif, c’est du lard,
ou du cochon ?
Les deux ! Ici l’on parle
Louise les ours © D-Mournet-Ramel
d’ambivalence, justement. L’héroïne a onze ans, l’âge où sortir de sa carapace tente
et rebute à la fois. C’est alors rassurant d’avoir «dans le dos comme la cuirasse de
douceur d’un énorme manteau, rayonnant de chaleur comme un capot de tracteur».
Un ours.Transparent. Fidèle, jusqu’au jour où l’on ne trouve plus si dégoûtante la
perspective d’aller rouler des pelles aux garçons contre les murs du lycée, comme
sa sœur aînée.
La petite demoiselle est jouée par une jeune femme, d’où un effet renforcé
d’entre-deux âges. La grande sœur et le père encadrent Louise au propre et au
figuré, mais bizarrement on sent surtout la force d’une grande absence. Les ours
sont là ou ne sont point là, certes mais... où est la mère ?
Qui traite les poux de ses enfants, qui montre le chemin de la féminité à ses filles
en âge de songer à l’amour ? Louise en tout cas le cherche, et ce qu’elle trouve
ressemble étrangement aux ivresses adolescentes. «Il me regarde de ses yeux
brûlants. Je lui souris, la tête renversée vers lui, si grand. Si éblouissant.» Bientôt, ce
seront les yeux noirs d’un vrai jeune homme qui la raviront.
GAËLLE CLOAREC
Louise les ours a été joué du 9 au 11 février au Théâtre Massalia
et le 3 février au Carré Sainte Maxime
52
SPECTACLES
AU PROGRAMME
Bijou
Percussif
Équestre
Après Echoa et Lisa, le duo qui compose la Cie Le Théâtre du Centaure présente Flux comme un
© Agnes Libbra
Arcosm, Thomas Guerry et Camille Rocailleux,
revient avec Traverse, une comédie musicale qui joue
sur des ressorts burlesques. Quand un petit grain de
sable vient se loger dans l’esprit d’un homme affairé
mais soumis de temps en temps à de belles rêveries
qui l’emportent très très loin, c’est le règne de la
fantaisie et de la magie qui prend le dessus ! Il est
alors rejoint par une danseuse, un violoncelliste, un
percussionniste…
«recueil de poèmes vivants», un parcours fait d’images,
de musique et de sons au cours duquel Camille et
Manolo, acteurs-centaures en symbiose avec leurs
chevaux, rendent compte de flux organiques,
migratoires ou monétaires. Un monde surréaliste qui
n’est pas sans rappeler l’univers des rêves, dans lequel
la poésie n’est jamais bridée (voir p 10)… Le
parcours se fait à l’intérieur et à l’extérieur du théâtre.
Flux
18 et 19 février
Théâtre des Salins, Martigues
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
Traverse
dès 6 ans
15 février
Théâtre des Salins, Martigues
04 42 49 02 00
www.theatre-des-salins.fr
Le Voyage de Penazar est une petite merveille.
L’histoire d’un serviteur fantastique et trop fidèle qui
chemine d’un orient de légende vers notre monde
contemporain, balloté, malmené, découvrant les
absurdités des civilisations qu’il traverse comme un
Huron engoncé. Le texte de François Cervantes est
magnifique, traversé sans cesse de fulgurances
sublimes, et Catherine Germain, seule en scène sous
son masque d’homme oriental, est sidérante de
précision, d’émotion, de virtuosité.
Ils s’installent pour trois semaines à la Cartonnerie (la
Friche). Avec ou sans enfant, ne les loupez pas !
Alchimie
Dans Fragments de vie, Christine Saint-André fait
15 mars
Théâtre Le Cadran, Briançon
04 92 25 52 52
www.theatre-le-cadran.eu
parler les objets, leur histoire, leur insuffle une
nouvelle vie. D’abord dans une installation plastique
où l’on découvre des sculptures assemblages,
antichambre au spectacle qui nous transporte dans
l’univers onirique d’un cabinet de curiosités, insolite,
avec petites formes cinétiques et marionnettes sur
table.
18 mars
Théâtre La Passerelle, Gap
04 92 52 52 52
www.theatre-la-passerelle.eu
Le Voyage de Penazar
dès 11 ans
du 8 au 28 mars
Massalia, Marseille 3e
04 95 04 95 70
www.theatremassalia.com
Exclusion
© Laurence Fragnol
Attention
conte !
Entre deux Tour complet du cœur sous chapiteau
itinérant, Gilles Cailleau a eu l’heureuse idée d’écrire
pour le jeune public une histoire de conte, de fée et
de merveilleux. Pas aussi lisse et enchantée qu’elle y
paraît… Car Même pas peur, nouvelle production du
Théâtre du Jeu de Paume, entraîne le spectateur dans
un voyage au cœur des contes les plus connus, en
quête de réponses à ses éternelles questions : ça fait
vraiment peur un loup ? et un ogre, c’est pire ? Les
petits retrouveront les animaux qui parlent, les
méchantes marâtres et les petits malins, émerveillés
par l’ingéniosité du théâtre forain et l’inventivité du
cirque chères à Gilles Cailleau ; les plus grands
regretteront peut-être d’avoir déjà grandi…
>
Même pas peur
dès 7 ans
du 8 au 11 mars
Théâtre du Jeu de Paume, Aix
0 820 000 422
www.lestheatres.net
Mathieu trop court, François trop long
dès 8 ans
23 et 24 février
Théâtre Comoedia, Aubagne
04 42 18 19 88
www.aubagne.com
© X-D.R
30 mars
Salle polyvalente, Berre L’Etang
04 42 10 23 60
Histoire(s)
Quand la compagnie marseillaise 2B2B rencontre la
TanzZeit-Jugendcompany de Berlin, cela donne deux
créations en miroir. L’une composée avec cinq
danseurs amateurs de Marseille, Ce que j’attends,
autour de la thématique des murs, des chutes et des
révoltes. L’autre, Brief an LF, pièce chorégraphique qui
fouille la notion de rébellion à travers l’état physique
qu’elle provoque et les énergies qu’elle libère. Deux
manières de dire l’Histoire de chaque côté du Rhin,
de mai 68 à la chute du mur, par des jeunes qui ne
l’ont pas connue. Un travail sur la mémoire pour
regarder l’avenir, ensemble.
Ce que j’attends suivi de Brief an LF
à partir de 13 ans
du 24 au 26 février
Massalia, Marseille 3e
04 95 04 95 70
www.theatremassalia.com
>
L’un, François, vient d’emménager dans une nouvelle
ville où il ne connaît personne, l’autre, Mathieu, est
malade, d’une maladie dont on ne guérit pas. Les
deux garçons vont se trouver, apprendre à s’aimer.
Le texte de Jean-Rock Gaudreault (paru aux
éditions Lansman) s’adresse en premier lieu aux
enfants, leur racontant ce que souvent, pour ne pas
faire souffrir, on leur tait. Sur le terrible sujet de la
maladie, la Cie La Naïve concocte un spectacle sans
pathos ni clichés, au plus près de l’émotion.
Fragments de vie
dès 5 ans
du 18 au 22 février
Massalia, Marseille 3e
04 95 04 95 70
www.theatremassalia.com
© Marion Boriss
Bourru
Seul, au milieu d’une étrange forêt, Peau
Géant
La Gigantea © Eric Dell'Erba
Un enfant, sa mère, l’eau, le désert, une
plante, des sorcières, des enfants-soldats, un tyran assoiffé de pouvoir, un
peuple en guerre… Le monde fantastique de Amadou Kourouma s’anime !
Combinant marionnettes colorées,
cirque et théâtre visuel la Cie les Trois
clés donne vie au pays imaginaire du
jeune Makou dans un spectacle sans
parole, La Gigantea (la racine qui procure l’eau, «l’or bleu»), éloquent par
son silence, magnifique d’humanité et
d’une grande force poétique.
La Gigantea
dès 8 ans
11 mars
Théâtre Durance, Château-Arnoux
04 92 64 27 34
www.theatredurance.com
Aquatique
Lors d’une tempête, la petite sirène
sauve le prince de la noyade et en
tombe amoureuse, malgré tout elle ne
se mariera pas et ne vivra pas heureuse, éloignée de sa famille et de l’être
aimé. La nouvelle création d’AnneClaude Goustiaux fait revivre toute la
poésie du conte d’Andersen, sa cruauté aussi car la destinée de la petite
sirène est triste et le royaume de la mer
ressemble tant à celui des humains…
d’arbre s’est construit une vie pas très
rigolote. Un jour, dans son petit univers,
débarque un personnage différent de
tout ce qu’il a vu jusqu’ici : une femme.
Denis Athimon et Christine Le Berre
incarnent ces deux compagnons d’aventure farfelus qui invitent à les suivre
dans une forêt peuplée d’animaux
étranges, de symboles et de rêves. À
partir de 7 ans.
Peau d’arbre
dès 7 ans
23 février
Théâtre de Nîmes
04 66 36 65 10
www.theatredenimes.com
Reconstruction
Mon géant est un spectacle émouvant ;
l’histoire d’une petite fille, renversée par
une voiture, qui rêvait d’être danseuse.
Elle trouvera la force de se reconstruire grâce à une infirmière et à un
grand bonhomme en tissu, une
marionnette qu’elle nomme mon
géant. Face à un thème grave, la part
ludique et l’aspect visuel confèrent à ce
spectacle une légèreté poétique.
Mon géant
dès 6 ans
1er mars
Théâtre le Sémaphore, Port de Bouc
04 42 06 39 09
www.theatre-semaphoreportdebouc.com
La petite sirène
dès 4 ans
du 16 février au 4 mars
Badaboum théâtre, Marseille 1er
04 91 54 40 71
www.badaboum-theatre.com
Enflammé
Quel enfant n’a pas rêvé de souffler les bougies de son anniversaire ? Paolo, lui,
Joyeux anniversaire
dès 4 ans
du 16 au 24 février
PôleJeunePublic, Le Revest
04 94 98 12 10
www.polejeunepublic.com
© X-D.R
prépare un énorme gâteau, souffle sans cracher toutes les bougies pour que son
vœu se réalise. Car chaque flamme ravive la petite fée acrobate Kiféegrandir, seule
capable de l’exaucer ! Dans Joyeux anniversaire la Cie Anteprima transforme
l’ordinaire en extraordinaire, le
monde en tapis rond, rond
comme le cirque, le gâteau en
bateau…
Les
yeux
s’écarquillent émerveillés.
54
LIVRES
Âmes-sœurs
Fin du cycle Ivoirien
Déjà le sixième volume des aventures de Aya
de Yopougon et toujours la même verve. Les
histoires s’enchâssent avec brio, sans
misérabilisme ni sensiblerie, avec un
ton juste et frais, une narration
resserrée et intelligente, un
graphisme d’une belle efficacité. Ce
dernier volume voit la résolution des
nombreuses intrigues mises en place
dans les cinq précédents. On rit
beaucoup, la langue est savoureuse, avec
des expressions cocasses, «la poule ne se
La littérature jeunesse sait parfois
replonger dans l’humus commun, retrouver les
mythes, les modeler, les fondre à propos, pour
façonner des récits qui emportent le jeune
lecteur tout en lui accordant la possibilité de
décrypter certaines sources… Myrihandes
évoque des personnages tout droit sortis d’un
rêve platonicien : les âmes sœurs lorsqu’elles se
retrouvent, sont capables de fusionner en un seul
être aux pouvoirs extraordinaires ! Le seigneur
Kryom les traque, et comme on s’en doute, des
héros vont devoir vaincre les forces du mal…
Par delà le caractère plus que classique du sujet,
avec des scènes et des monstres qui évoquent
certains jeux du type World of Warcraft, le récit
est vif et bien mené, l’écriture claire, efficace, la
construction des épisodes remarquablement
agencée. La fantaisy ne relève donc pas que de
la production anglo-saxonne ! Les éditions du
Diable Vauvert savent repérer de jolis talents et
ont le mérite de publier des auteurs qui vivent
dans la région. Le plaisir tactile des reliefs de la
couverture et du papier épais, légèrement
granuleux, comme celui d’un manuscrit ancien
que l’on décrypte, ajoutent
au bonheur simple de
l’intrigue…
lave pas et cependant son œuf est blanc»…
Entre Paris et Yopougon on voyage, on
s’émeut aussi, le propos se fait grave, mais
jamais pesant. La vivacité de l’ensemble
nous entraîne à la suite des différentes
histoires. Un régal, que l’on va bientôt
retrouver au cinéma.
M.C.
Aya de Yopougon
Marguerite Abouet
et Clément Oubrerie
Gallimard, Bayou, 17 €
L’art des baguettes
Les éditions Picquier cultivent le domaine
asiatique. Surprenant et drôle, un petit manuel de
cuisine chinoise, d’une esthétique plutôt vieillotte,
mais avec des baguettes en bois livrées dès la
deuxième de couverture (d’un inclassable vert
amande) ! C’est du sérieux, avec des recettes
expliquées simplement aux enfants : du chou pakchoi à la sauce d’huîtres au poulet aigre-doux en
passant par les Fourmis grimpant à l’arbre, les
enfants s’évaluent, se testent, apprennent les
proverbes chinois qui émaillent chaque recette,
lisent des légendes chinoises, comme celle du sel
ou du génie du foyer. Et si «les fantômes ont faim»,
on peut les faire patienter avec des plats très
spéciaux. Combien de plats à réussir pour obtenir
les baguettes d’or ? On se plaît à reprendre
quelques mots de mandarin, ni hao (bonjour), qing
(s’il vous plaît), on s’entraîne à jouer des
baguettes, on découpe un haricot ficelle, on
s’initie aux emplois du gingembre qui plaisait tant à
Confucius… on reproduit des idéogrammes, on
déguste le durian, «roi des fruits» au parfum de
fromage pourri ! Bref on s’exotise avec délectation
entre une tasse de thé et une sagesse toute
chinoise : «si la pierre tombe sur l’œuf, malheur à
l’œuf, si l’œuf tombe sur la pierre, malheur à
l’œuf»… Un petit ouvrage plus riche qu’il n’y
paraît !
Choc des civilisations
Leur navire stellaire s’écrase sur une planète inconnue. Ils ont fui leur
planète, Onyx, à la technologie raffinée, dominée par les intelligences
artificielles et se retrouvent sur Opale, royaume moyenâgeux, peuplé d’êtres
étranges aux pouvoirs déroutants. Le roman de Bénédicte Taffin évoque le
choc de ces civilisations qui se rencontrent. Les mondes créés prennent chair
avec une belle précision, s’animent dans toute la complexité de leurs rouages
savants. Les caractères des personnages sont fouillés, intéressants,
vraisemblables dans cette œuvre de science-fiction/fantaisy. Les intrigues se
croisent, les points de vue se multiplient, posent la question de l’appréhension
de l’autre. Des zones d’ombre sont savamment cultivées pour donner des
allures fantastiques, et apprendre au passage aux jeunes à se défier des
préjugés, à penser la liberté, le consumérisme. Ainsi, les héros d’Onyx quittent
une planète sur laquelle tous les désirs matériels, tous satisfaits, n’existent
plus ! Eh bien non, ce n’est pas forcément le rêve ! Les personnages se
découvrent des aspirations qui dépassent le cadre de leur
prison dorée… Un premier roman qui fait preuve d’une
belle maîtrise, avec un style fluide, aisé. La fin très ouverte
laisse la possibilité d’une suite…
M.C.
Les yeux d’Opale
Bénédicte Taffin
Gallimard Jeunesse, 19,50 €
MARYVONNE COLOMBANI
M.C.
Myrihandes
Le secret des âmessœurs
Guilhem Méric
Au Diable Vauvert, 18 €
Je cuisine Chinois
Maït Foulkes, Marianne
Nicolas
Picquier jeunesse, 14,50 €
Du rose et des ailes
Fille jusqu’au bout des ongles, cette série des Twini ! Étui tendu de tissu
rose pailleté, cheveux bonbon pour l’héroïne… De quoi heurter toute
sensibilité féministe ! Le livre au départ peut hérisser ! Cependant, Twini est
un personnage attachant. Montée sur sa souris Noisette, elle entre à l’école
des fées pour sa première année. Appréhensions, amitiés et inimitiés, difficultés
inavouées la rendent proches de ses jeunes lectrices. Et malgré les apparences,
le livre n’est pas du tout gnangnan ! C’est drôle, plein d’invention, et les soucis
de Twini rappellent ceux que les enfants rencontrent. Le récit comme une
fable leur montre que l’amitié, la franchise, la ténacité sont de belles qualités
qui permettent de surmonter beaucoup d’obstacles.
L’échec n’est pas insurmontable, l’erreur peut être
corrigée… Un charmant petit livre pour lecteurs
débutants.
M.C.
Twini apprend à voler
Tatiana Woods
Gallimard, Folio cadet, 4,90 €
LIVRES
55
Elle s’appelle Louise
La Cie Les Racines du vent a plus d’un tour
dans son sac ! Stéfanie James est auteure et
conteuse, Jean-Christophe Defer musicien et Lola
Pôl illustratrice : tous trois participent au voyage au
long cours de Tête de lune, spectacle de conte et
musique créé en 2006 aujourd’hui publié aux
éditions Le Bonhomme vert.
Mais qui est Tête de lune au profil délicat sur la
couverture rouge ? C’est Louise, dont la vie est
bouleversée «un matin d’automne comme tous
les autres matins d’automne» quand elle se réveille
totalement chauve ; Louise qui «avec un crâne tout
neuf, rond comme un œuf» essuie les quolibets
des copains d’école, se replie dans sa bulle et croise
sur son chemin d’étranges personnages : la sorcière
et sa pomme magique, le grand meunier du
monde et son moulin à vent miniature, la fileuse
du temps et son fil de vie… Redescendue sur terre,
c’est-à-dire dans la cour de récréation, Louise est
déconnectée de la réalité, la
tête pleine de questions
sur le temps ou
l’infiniment petit. Le texte
toujours oscille entre
histoire
contemporaine,
conte et comptines
enfantines, glisse
d’une illustration à
l’autre grâce au
dessin épuré et léger
comme une bulle, et se termine
comme au théâtre dans le clap «(Noir) Fin».
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Tête de lune
Stéfanie Janes et Lola Pôl
Le Bonhomme vert, 14 €
Superstitions et carabistouilles
Petit Pierrot et Monsieur l’Escargot sont
inséparables. Leur vie en couple a démarré sur un
blog avant d’être un album publié dans des tons
sépia monochromes. Nées sous la plume du
dessinateur et scénariste portugais Alberto
Varanda, les aventures des deux compères sont
toujours tendrement drôles ! Surtout quand le
gastéropode le rappelle à l’ordre («n’en fais pas trop
tout de même !»), lui souffle à l’oreille des mots tout
distordus («superstitions et carabistouilles, tout ça»)
ou le suit jusque dans ses rêves les plus fous et ses
pires cauchemars. C’est que Monsieur l’Escargot a
du mal à faire redescendre sur terre ce petit garçon
rêveur qui préfère les chimères et les livres à la
dure réalité, et se demande comment devenir
immortel… Alors, quand l’auteur croise Jules Verne,
Méliès et Hergé avec les lois de la physique, le
désarroi d’un jeune pubère interdit de séjour au
7ème ciel !
Nous voilà au cirque sous un grand chapiteau.
Un Monsieur Loyal à la belle moustache annonce
un saltimbanque exceptionnel, Jim Pop. On
l’applaudit bien fort. Son numéro est unique au
monde : il s’enferme dans un canon et
va être propulsé dans un filet à 100
mètres comme un gros ballon de
foot. 3, 2, 1... Pop ! C’est parti ! Les
grandes pages du livre s’emplissent
de confettis multicolores. Mais voilà
que Jim change sa direction et
s’envole dans le ciel pour un super
voyage au-dessus des océans et des
montagnes, voilà qu’il fait le tour du
globe terrestre ! Monsieur Loyal
imagine son périple et les dessins
survolent les paysages… Enfin Jim
cabaret La lune friponne avec des
considérations d’actualité («dis ! c’est quoi
l’émigration ? c’est un arbre déraciné ! et l’immigration ?
c’est une bouture !»), on n’hésite pas une seconde à
vouloir nous aussi décrocher la lune.
M.G.-G
Petit Pierrot, Décrocher la lune
Alberto Varanda
Soleil productions, 17,50 €
revient en plein dans le mille, dans le filet ! A-til vraiment fait le tour du monde ? Le public est aux
anges... L’auteur-illustrateur Tom Henni signe ici son
1er album pour la jeunesse. Ses dessins
très simples et très colorés jouent
sur les couleurs primaires et le vert.
Les pages de garde offrent de
grandes images éclatantes, idéales
pour apprendre et reconnaître les
nuances et les confrontations. Un
album très attractif.
CHRIS BOURGUE
Jim Pop, l’incroyable numéro du
célèbre homme-canon
Tom Henni
Le Rouergue, 14,90 €
Sans bulles !
Les 2 BD de la sélection du Prix
littéraire de la Région Paca sont
de styles extrêmement différents
mais d’un égal attrait
La saison des flèches est un récit d’une grande
inventivité. Les dessins aquarellés de Guillaume
Trouillard et le scénario imaginé en commun
avec Samuel Stento projettent le lecteur dans un
univers fou. Imaginez un peu : vous pouvez
acheter des indiens en conserve ! Vous ouvrez la
boîte : une famille s’installe chez vous sous son
tipi et démonte vos meubles pour construire son
canoë... Présenté comme le journal manuscrit de
la famille d’accueil, l’album regorge de trouvailles:
livre sur la conserve d’indien avec rappel du rôle
des cow-boys, arbre à flèches, élevage... Ça se
gâte quand débarquent les chercheurs d’or et
que l’appartement est déclaré «réserve
naturelle» !... On plonge avec délices dans ces
loufoqueries. De jeunes auteurs-artistes-éditeurs
dont on attend impatiemment la prochaine
publication !
Sans texte ni bulles Fabrica est un récit muet et
sombre, en noir et blanc, sous une éclatante
jaquette rouge. De son graphisme très personnel
Nicolas Presl dessine une société qui hait les
artistes et préfère les canons : on y arrête les
musiciens, on brûle leurs instruments et les livres
ceux qui ne sont pas dans le droit-chemin, qui
ont 6 doigts à leurs mains. Un ouvrier
cache dans son usine un
petit pianiste, enfant à 6
doigts, et vole pour lui
des livres. Sans texte on
comprend tout. Un récit
poignant, troisième tome
d’une œuvre à découvrir
absolument.
CHRIS BOURGUE
La saison des flèches
Stento et Trouillard
La Cerise (Bordeaux),
20 €
Fabrica
Nicolas Presl
Atrabile, 21 €
56
ARTS VISUELS
ARLES | AIX-EN-PROVENCE
L’homme de fer
Vladimir Skoda, Une seule direction, 2004-2009, dans la cour du musee. © ADAGP 2011 © Franta Barton
Avec Sur Mesures, le musée Réattu
confirme une approche originale de
ses collections. Les sculptures de
Vladimir Skoda assurent le premier
temps de l’ouverture 2011…
Par cette forme muséographique inaugurée en
2008 avec Christian Lacroix, puis Chambres d’écho
et ensuite À pied d’œuvre, le visiteur est convié à
découvrir, libre d’inventer aussi les correspondances en germe dans la co-présence d’œuvres
anciennes et contemporaines. Celles-ci peuvent
apparaître dans des similitudes formelles, thématiques, les démarches mises en œuvre ou bien
encore à travers le paradoxe de leurs différences.
Cette attente de l’apparition du sens présuppose
la confiance des organisateurs en la capacité du
public, qui doit investir de manière cultivée et
patiente le parcours, dans un effort intellectuel et
physique ! Pour la partie corporelle, on regrettera
comme dans bien des musées le manque d’opportunités de se poser… Pourtant dès la cour
d’entrée, les trois pointes de métal poli et rouillé
en leur extrémité (Une seule direction) qui outrepassent la taille du visiteur et jalonnent le passage
ne peuvent que retenir l’attention. Jeux d’intégration par reflets inversés (visiteur, architecture,
arbre, ciel, cosmos), similitude formelle et gigantisme avec les épines du gleditsia triacanthos
proche (l’énergie, le piquant), l’émergence (la vie),
la condensation (sculpture/socle/objet/magie).
À l’intérieur Vladimir Skoda a déployé un coruscant parterre de billes d’acier (Entropia grande)
en concordance avec le Rhône et La mort d’Alcibiade peint par Réattu, correspondance inachevée
à la fluidité, comme à l’antiquité retrouvée. La
suite de l’exposition se nourrit des œuvres du
maître et sa collection (Vouet, Raspal, Rosa…) en
écho à d’autres artistes contemporains du musée
(Bailly-Maître-Grand, Sterbak, Dejonghe…) et des
acquisitions récentes (Barroco, stupéfiante vidéo
de Mélina Jaouen) ou empruntées (Skoda, V.
Barré, Ixion de Toni Grand…). Au visiteur de cultiver ses intuitions. Sur mesures.
CLAUDE LORIN
Sur mesures
jusqu’au 31 décembre
Musée Réattu, Arles
04 90 49 35 23
www.museereattu.arles.fr
Double Saltiel
Réputée pour son patrimoine et ses grands évènements culturels Aix serait-elle tentée par l’art contemporain ?
Dédoublant la maison-mère sise au Castellet, la galerie Saltiel y ouvre un second lieu…
Le développement culturel de la ville d’eaux constitue un pôle d’attractivité incontestable à l’échelle
régionale jusqu’à l’international. Pour l’art contemporain, si localement le marché est encore restreint
et les collectionneurs réputés plutôt rares et
frileux, des initiatives montrent pourtant que la
tentation est grande de continuer à relever le défi.
Quelques cranes de Bastien Cuenot, techniques mixtes © C.Lorin/Zibeline
Ce n’est pas un nouveau lieu qui s’est installé
récemment dans le cercle encore restreint (mais
qui s’agrandit) des galeries d’art dans la bonne
ville du roi René : à deux pas de l’hôtel de ville la
galerie Saltiel reprend le vaste espace laissé par
l’ex galerie Petitjean (on retrouve des artistes
communs) celle-ci tentée par l’eldorado azuréen.
Pour Maxime Fitoussi, son jeune directeur, ce
projet est une affaire de famille et une aventure
personnelle «j’ai été sensibilisé à l’art dans la
galerie que tient mon père depuis de nombreuses
années au Castellet. Il y présente toujours des
artistes contemporains mais plus classiques
aussi. Je voulais développer la partie contemporaine et ce lieu se libérait». Comme souvent le
commerce de l’art propose, par nécessité, des œuvres de personnalités reconnues. Erro, Velickovic,
Combas en particulier sont au portefeuille mais
il s’agit aussi d’aider des artistes émergents comme
Philippe Pasqua ou de jeunes créateurs régionaux. À voir actuellement, une série de crânes de
Bastien Cuenot entre design d’objet et tradition
des vanités (une nouvelle série thématique est en
projet pour avril). Orientée vers la figuration,
peinture et sculpture principalement, la galerie
souhaite proposer des œuvres à prix de départ
raisonnables (900 euros pour une pièce unique de
Bastien Cuenot) tout en «…faisant un travail sérieux et crédible en prenant le temps si on veut
durer». Quitte à resserrer un choix qui, à trop vouloir assurer, se disperse un peu par éclectisme ?
C.L.
Galerie Saltiel, Aix
04 94 32 72 01
www.galerie-saltiel.fr
TOULON | AUBAGNE
ARTS VISUELS57
Suites en paysages
L’Hôtel des arts à Toulon a une prédilection pour l’art
abstrait. Mais Jérémy Liron, peintre en bâtiments,
aime à se confronter au réel.
C’est un bâtisseur d’utopies, un architecte du paysage. Il fait partie de
cette nouvelle génération de peintres qui se réapproprient le paysage,
particulièrement les ensembles
urbains, avec une grande liberté.
Selon un point de vue distancié : cadrage photographique, format carré
123 x 123 de préférence, pellicule de
Plexiglas, références cinématographiques (Wenders, Godard…) et
philosophiques (Deleuze, Schopenhauer). Des «images peintes» qui
jouent un double jeu simultané,
celui de l’illusion de la perspective et
de l’espace menteur et celui de la
surface plane délimitée par la combinaison de matières (liquides, ici
pas d’empâtement), de formes (architecturées) et de couleurs (palette
de tons sourds). De fait la frontière
entre figuration et abstraction paraît
subjective : «C’est une distinction
que je ne fais pas de manière radicale, convient-il, car toute image
prélevée du monde en est abstraite».
Héritier d’une tradition de peintres
qu’il nomme volontiers (de la technique de Rembrandt à la froideur de
Hockney), Jérémy Liron s’attache à
représenter une réalité architecturale contemporaine exempte de
présence humaine - des barres d’immeubles aux icônes avant-gardistes
- dont il gomme les anecdotes pour
en retenir non un témoignage social
mais une oeuvre plastique. Qui
inviterait à la contemplation par le
seul agencement de couleurs et «de
formes suffisamment habitées».
Dès 15 ans, il a composé «des
images gentilles, des aquarelles et
des paysages provençaux» avant
d’entrer à l’École nationale des
beaux-arts de Paris ; il s’autorise
alors une immersion sauvage dans
l’art, la vidéo, le cinéma, sans
oublier la leçon des maîtres, allant
jusqu’à broyer ses pigments,
travailler le lavis et les glacis. C’est
sans doute dans cette parfaite
LIRON paysage
LIRON paysage
absorption du passé
qu’il a gagné sa liberté.
Celle de repenser le
monde à sa manière,
dans un détachement
feint, l’esprit et le regard
modelés par la photographie qui modifie son
appréhension de l’espace.
Le
paysage
devient-il un objet ?
serait-il
totalement
désincarné ? Ses séries numérotées
et sans titre pourraient le laisser
croire…
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Jérémy Liron, peintre en bâtiments
jusqu’au 13 mars
Hôtel des arts, Toulon
04 94 91 69 18
www.hdatoulon.fr
Zone de turbulences
Dans l’abécédaire de Laurent Dessupoiu on peut
lire en vrac A comme Afrique où il a passé son
enfance, Z comme Zanzibar où il rêve de voyager,
I comme identité, D comme Di Rosa son ami et Y
comme yuan, «monnaie sous évaluée qui fait
trembler le monde». Un inventaire
éclectique et exotique à l’image de
ses toiles expressives et colorées,
qui cache des thématiques souvent
douloureuses : l’excision des femmes (polyptique La journée de la
femme à Bamako), l’exil et la perte
d’identité (Les sans papiers de la
République), la soif de vivre (Sur les
traces de la liberté, collection Éric
Cantona). Avec sa palette de couleurs primaires, son sens de l’image
explosive et son goût de la récup’,
son œuvre s’inscrit dans le sillage
de la Figuration libre : les figures
totémiques mangent les fonds
monochromes et bayadères sans
complexe, les corps se parent de rouge ou de vert
acidulés et les titres battent les esprits ! En
veilleur du monde, Laurent Dessupoiu brode sur
le réel et les faits-divers des histoires universelles
à travers la représentation de personnages
fétiches immédiatement identifiables - bouche
démesurée, chevelure-fleur, cou sans fin. Un
vocabulaire personnel qui est à la fois une marque
de fabrique et un style poétique, entre art brut et
nouvelle figuration. Plus libre encore, sa galerie
de gueules cassées de la vie GlaLaurent Dessupoiu © Patrick Massaia
diateurs des temps modernes est
une suite de tableaux en 2D, de
tableaux-masques, voire de trophées
de chasse. Iconoclaste dans sa forme et tendre dans le regard qu’il
porte aux autres… son œuvre est
aussi directe qu’un coup de poing
dans un gant de velours.
M.G.-G.
jusqu’au 20 février
Chapelle des Pénitents noirs, Aubagne
04 42 18 17 26
www.aubagne.fr
58
ARTS VISUELS
AU PROGRAMME
Silencieux
«Le chantier est un lieu paradoxal où s’articulent la construction
et le désordre le chaos et l’organisation, le faire et le défaire»,
note Jean Christofol… On ajouterait le bruit et certaines fureurs.
Or les photographies de Driss Aroussi traduisent plutôt une suspension
des choses, des gens et des gestes, l’isolement des objets comme si
l’auteur inventait une archéologie silencieuse. Il impose des pauses
à un univers de tâches laborieuses attribuant à un parpaing ou
une brouette immobilisée un statut de sculpture, à l’ouvrier peintre
un portrait humble et noble, l’espace d’un instant.
C.L.
En chantier
Driss Aroussi
jusqu’au 21 mai
ABD Gaston Defferre, Marseille
04 91 08 61 00
www.biblio13.fr
Ouverture © Driss Aroussi
Bric à brac
«En avant vers un monde plus adapté à nos besoins !» écrit David Perrin dans l’une
de ses peintures, exclamation accrochée aux ailes en feu d’un homme-fusée propulsé entre ciel
et terre. Cela n’a l’air de rien mais la façon particulière qu’il a de mixer sur la toile de petits mots,
des silhouettes et des objets touche immédiatement : avec humour et poésie il nous signale
que La dépression se déplace à l’ouest, et qu’il est peut-être temps de filer à l’est…
M.G.-G.
La dépression se déplace à l’ouest
David Perrin
jusqu’au 9 avril
Galerie Territoires partagés, Marseille
09 51 21 61 85
http://artccessible-territoires-partages.com
David Perrin, La depression se deplace a l'ouest © David Perrin
Rendez-vous de printemps
170 artistes, 19 nationalités, 3000 m2, 4 jours : le 11e Salon international de l’art fera les beaux jours
des collectionneurs et des amateurs invités à découvrir une palette de styles, d’univers
et de techniques. Des toiles de Roger Abate (Marseille) aux sculptures en métal d’Olivier Torchet
(Montpezat), des céramiques d’Emili Biarnès Raber (Catalogne) aux matériaux de récupération
de Fernando Cosra (Gignac), le choix est vaste.
M.G.-G.
Torchet © X-D.R
Salon international de l’art
du 25 au 28 mars
Parc Chanot, Hall1, Marseille
www.siac-marseille.fr
Renaud Vincent-Roux, Les Passants, installation pour La Bergerie, Marseille, 2011 © Patrice Terraz
Tempus fugit
Le projet est né d’une résidence dans les Alpes puis est descendu par
Budapest, les bords de la Durance, le lac de Sainte Croix…
Les personnages marchant de Renaud Vincent-Roux (on pense plutôt aux
affiches d’Ernest Pignon-Ernest qu’aux séquences de Muybridge) se sont
frottés à la foule, usés, froissés, déchirés pour s’imprimer des traces du
temps. Images incertaines de ceux que nous n’aurions qu’imparfaitement
gardés en mémoire. Quinze nouveaux Passants peints pour l’évènement
viendront rajeunir les souvenirs.
C.L.
Les Passants
Renaud Vincent-Roux
jusqu’au 8 mars
La Bergerie, Marseille
06 20 65 07 59
ARTS VISUELS
59
Étonnant voyageur
Fou de photographie et d’architecture, Iwan Baan (Prix Julius Shulman
2010) parcourt la planète pour observer et capturer l’architecture
d’aujourd’hui, écouter ses battements de cœur car la vie s’organise,
toujours, autour d’elle. Stade olympique à Pékin, musée Knut Hamsun
à Hamaroy… ces nouveaux espaces, ces «interstices» de lumière entre
corps et béton qu’il saisit dans des clichés réalisés en 35 mm numérique
trouvent à la Villa Noailles une juste résonance.
M.G.-G.
2010 autour du monde
Iwan Baan
du 20 février au 27 mars
Villa Noailles, Hyères
04 98 08 01 98
www.villanoailles-hyeres.com
Stade olympique de Pekin, Jacques Herzog et Philippe De Meuron © Iwan Baan
Utopies du bonheur
Popularisé par ses peintures géométriques et l’art cinétique, Vasarely
est moins connu pour ses ambitieux projets urbanistiques. «L’idée de
Folklore Planétaire doit être maintenant plus explicite : à une civilisation
mondiale doit correspondre un langage plastique mondial, simple, beau
et acceptable par tous». C’est qu’illustre une série d’études originales
exposées dans des présentoirs à déroulement conçus spécialement
à l’époque et en partie restaurés aujourd’hui. Venant du musée didactique
de Gordes où elles furent exposées de 1970 à 1996, sept tapisseries
monumentales réalisées par la manufacture d’Aubusson complètent
l’exposition. C.L.
L’art et la cité
Tapisseries d’Aubusson
Fondation Vasarely, Aix
jusqu’au 27 mars
0 442 200 109
www.fondationvasarely.org
Victor Vasarely,
Etude originale pour les projets
de la Cite polychrome
© X-D.R
Dialogue imagé
On ne présente plus Éric Bourret qui, depuis ses ports d’attache de Marseille et La Ciotat n’en finit
pas de marcher - au sens propre du terme - avec son appareil en bandoulière, restituant sa vision du
monde en noir et blanc. Ni Gautier Deblonde dont les photos sont à la une de tous les médias
internationaux : paysages, portraits, haute couture, ateliers d’artistes…
Le réseau Lalan nous avait habitués à confronter les regards : son 3e rendez-vous photographique ne
déroge pas à la règle et c’est tant mieux !
M.G.-G.
Déambulations photographiques 3
Éric Bourret et Gautier Deblonde
du 5 au 27 mars
Espace culturel du Lavandou
06 09 58 45 02
Svalbard 2007 © Gautier Deblonde
Perception
L’artiste avait conçu en 2002 une troublante Time Machine. L’exposition du
Carré d’Art propose de remonter le temps de la carrière de Larry Bell, de
1959 à nos jours, avec 300 pièces d’une œuvre «davantage au sujet de la
lumière et de la surface qu’au sujet du poids et de la masse».
Ses fameuses boîtes et cubes translucides, dessins de vapeur et autres
dispositifs subtils interrogent avec constance les portes de la perception.
Sera présentée pour la première fois une série des Pink Ladies grâce
à des tirages réalisés pour l’exposition.
C.L.
En perspective
Larry Bell
jusqu’au 22 mai
Carré d’Art - Musée d’art contemporain, Nîmes
04 66 76 35 77
Pink Ladies, 1968, « 3H » photographie, 18,4 x 43,5 cm. Collection de l artiste © Larry Bell
60
CINÉMA
RENDEZ-VOUS D’ANNIE
Le 17 février à 18h15, au cinéma Variétés, le CE
des Cheminots PACA et le Collectif 13 – Un bateau
français pour Gaza présentent en avant-première
Gaza-strophe, Palestine en présence du coréalisateur du film, Samir Abdallah.
Les Variétés
04 96 11 61 61
Le 18 février à 20h30, Le cinéma 3 Casinos à
Gardanne propose un film surprise en avantpremière, suivi d’un verre de l’amitié.
Le 24 février à 20h, en partenariat avec le cinéma
Prado, l’association Cinépage propose Grizzly
Man de Werner Herzog : durant des années, un
sympathique illuminé, Timothy Treadwell, filme
sa vie quotidienne au beau milieu des grands ours
et des renards, au fin fond de l’Alaska. Jusqu’au
jour d’octobre 2003 où il est dévoré tout cru…
Cinépage, Marseille
04 91 85 07 17
www.cinepage.com
Grizzly man de Werner Herzog
Cinéma 3 Casinos
04 42 51 44 93
www.cinema-gardanne.fr
Le 22 février à 18h30, en salle de conférence, dans
le cadre du cycle Au nom des femmes : Des femmes d’exception, l’Alcazar propose en partenariat
avec Films Femmes Méditerranée un film iranien
de Shirin Neshat, Women without men, librement
inspiré du roman de Shahrnush Parsipur : le destin de quatre femmes converge vers un magnifique
verger synonyme pour elles d’indépendance, de
réconfort et d’amitié. Michèle Sylvander, plasticienne, interviendra après la projection.
Le 23 février à 17h, en partenariat avec le Centre
Méditerranéen de Communication Audiovisuelle,
projection d’un documentaire de Pelin Esmer,
Oyun, la création par neuf paysannes vivant au
sud de la Turquie d’une pièce de théâtre qu’elles
intituleront Le Cri des Femmes !
Le 23 février à 18h30, Shadi de Maryam Khakipour : à Téhéran, la tradition de la Commedia
dell’Arte, critiquant les institutions, n’est pas du
goût des autorités. La Compagnie Siâ Bâzi, expulsée de son théâtre, est invitée à Paris par
Ariane Mnouchkine afin de monter un spectacle
au Théâtre du Soleil. Une jeune actrice, Shadi, fait
imploser les conventions tacites de la société
iranienne en revendiquant un statut d’artiste et de
femme libre...
Azita Hempartian, journaliste, traductrice-interprète interviendra après la projection.
Alcazar, Marseille
04 91 55 90 00
www.bmvr.marseille.fr
Les Mardis de la Cinémathèque proposent, le 22
février à 19 h, au CRDP, Intimité de Patrice Chéreau. Le 1er mars, ce sera Belle de Jour de Luis
Buñuel avec Catherine Deneuve, Jean Sorel Michel
Piccoli, Geneviève Page : épouse d’un jeune interne des hôpitaux, Séverine n’a jamais trouvé un
véritable plaisir auprès de lui. Un des amis du
ménage, amateur de call-girls, lui glisse un jour
l’adresse d’une maison clandestine…
Le 8 mars : L’Equipée sauvage de Laszlo Benedek avec Marlon Brando, Lee Marvin (drôle de
choix pour le jour de la femme !), et le 15 mars :
La vie est à nous de Jean Renoir : un vieil ouvrier
est menacé de licenciement parce qu’il n’est plus
assez rapide ; une famille campagnarde dont les
biens sont saisis réussit à détourner à son profit
la vente aux enchères ; un jeune ingénieur au
chômage s’épuise en vain à trouver un emploi.
La Cinémathèque de Marseille
04 91 50 64 48
Le 8 mars à 18h30, le cinéma Renoir à Martigues,
dans le cadre de Rebelles en cinéma, en partenariat avec la MJC et la Médiathèque de Martigues,
propose une soirée Philo/Bistro/Ciné, animée par
le philosophe Benoit Spinosa. Projection de Gloria
de John Cassavetes.
Et le 11 mars, dans le cadre du Festival Regard de
Femmes, Samia de Philipe Faucon. Samia, une
jeune adolescente d’origine maghrébine, décide
de s’occuper de sa condition de femme dans la
religion musulmane. Soirée animée par Gabrielle
Sébire de La Cinémathèque française.
Cinéma Renoir
04 42 44 32 21
http://cinemajeanrenoir.blogspot.com
Women without men de Shirin Neshat
Le 22 février à 18h, L’Institut Culturel Italien
propose Il Gattopardo de Luchino Visconti. Avec
Burt Lancaster, Alain Delon, Claudia Cardinale…
adapté du livre de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Palme d’Or au Festival de Cannes 1963.
Les 1er, 8 et 15 mars à 18h, rétrospective Pupi Avati,
1998-2010 : Il testimone dello sposo ; Il cuore altrove ; La seconda notte di nozze.
Institut Culturel Italien, Marseille
04 91 48 51 94
www.iicmarsiglia.esteri.it
Le guepard de Luchino Visconti
Du 9 au 22 mars, l’Institut de l’Image à Aix propose une programmation de Rebelles au cinéma :
À l’est d’Eden d’Elia Kazan, d’après le roman de
John Steinbeck, avec James Dean, l’éternel rebelle ;
Zazie dans le métro de Louis Malle, d’après Raymond Queneau ; Gloria de John Cassavetes : une
femme hérite d’un jeune garçon que son père,
traqué par la mafia, lui confie. D’abord réticente,
elle fera tout pour sauver l’enfant pourchassé…
De Bruit et de fureur de Jean-Claude Brisseau ;
À Bout de course de Sidney Lumet : la cavale de
deux militants opposés à la guerre du Vietnam,
poursuivis pour avoir dynamité une fabrique de
napalm et Samia de Philippe Faucon.
Le 12 mars à 18h30, conférence de Sébastien Ronceray de la Cinémathèque Française sur Wassup
Rockers de Larry Clark : pour sortir du quotidien
de leur ghetto du centre de Los Angeles, un groupe de jeunes latinos, fans de culture punk, part en
virée à Beverly Hill où ils se lient à des jeunes filles
de familles riches. Leur présence détonne très
vite dans le paysage local…
Institut de l’Image
04 42 26 81 82
www.institut-image.org
Le 3 mars à 20h, en partenariat avec Zinc, l’Espace
Multimédia de la Friche Belle-de-Mai, l’Alhambra propose l’Immeuble Yacoubian de Marwan
Hamed, précédé de courts métrages de jeunes réalisateurs égyptiens : Mayye Zayed, Karim Shaaban,
Hadil Nazmy, Islam Kamel.
Le 8 mars à 20h30, Films-femmes-Méditerranée
et l’Association des Femmes Chefs d’Entreprise
présentent Café transit, un film de Kambozia Partovi sélectionné aux Oscars 2006 : à la mort de son
époux, qui tenait un relais routier, à la frontière irano-turque, Reyhan doit, selon la tradition locale,
épouser son beau-frère. Mais voulant elle-même
décider de sa vie, elle refuse le mariage et rouvre
le restaurant.
Le 10 mars à 19h, l’Alhambra accueille Festi’Femmes qui propose de découvrir les Jeunes talents
2011 des femmes humoristes, puis de voir un film
de Jacques Monnet, Clara et les chics types avec
Daniel Auteuil, Isabelle Adjani, Josiane Balasko,
Christian Clavier, Thierry Lhermitte, Marianne
Sergent… La projection sera suivie d’une rencontre
avec Sylvie Flepp, comédienne, marraine de l’édition 2011 de Festi’Femmes.
04 91 03 84 66
www.alhambracine.com
Le 11 mars au cinéma Variétés, Cooksound Party
7 Spéciale Asie : musique, gastronomie et cinéma avec le film de Coréen Jeon Yun-su, Le grand
chef, adapté de la BD SIK-GAEK et consacrée à
la rivalité entre deux cuisiniers.
Cuisinier naturellement doué, Sung-Chan participe
à une prestigieuse compétition de cuisine, l’opposant au très ambitieux Bong-Joo. Le concours touche
à sa fin et les deux chefs en sont à la dernière
épreuve qui les départagera : la préparation du poisson lune, le fugu, un met extrêmement toxique s’il
n’est pas préparé avec la plus grande attention.
Un menu spécial Cooksound est proposé par Kyo
Suhi, disponible en prévente. Il est prudent de
réserver.
www.cooksound.com
LES VARIÉTÉS | MANOSQUE
Sublime
rétrospective
à Manosque
Destination Himalaya de Jeon Soo-il
Dans la riche diversité de leur
programmation, les 24e rencontres
de Manosque ont proposé une
rétrospective très remarquée de
Jeon Soo-il. De la même génération
que
Park Chan-Wook,
ce
réalisateur né en 1959 au nord de la
Corée du sud, étudiant à Paris VII
dans les années 90, enseignant
aujourd’hui à l’université de
Kyungsung, a choisi la voie difficile
d’un cinéma indépendant. Brouillant
l’ordre chronologique de leur
production, Pascal Privet a
présenté les sept films de JeonSoo-il (dont deux seulement sont
distribués en France à ce jour)
mettant en évidence la cohérence
d’une
œuvre
de
première
importance dont chaque partie
éclaire le tout. Les sujets en sont
graves, existentiels, universels : le
sens de la vie, celui de la mort, la
recherche d’une identité. La société,
dure à l’homme, aiguise son mal
être : condition des mineurs et
mutations économiques du pays
dans La petite fille de la terre noire,
abandon des enfants, violence d’une
jeunesse désœuvrée, indifférente
aux autres dans Je viens de Pusan,
scission d’un pays Entre chien et
loup. L’arrière-plan politico-social
des scénarios s’y lit sans discours
superflus : Jeon Soo-il n’aime pas
l’explication. Des mots, il ne retient
que la poésie que lui inspirent les
lieux repérés pour ses tournages.
Les images suffisent et quelles
images! Qualité exceptionnelle de la
photo, maîtrise de la lumière, du
cadrage, de la composition, le
cinéaste
appréhende
ses
personnages dans leur espace
propre, les construit dans leurs
déplacements incessants à travers
les quartiers portuaires de Pusan,
les suit jusqu’au sommet du monde
pour Destination Himalaya, les
accompagne dans des espaces
détruits ou en passe de l’être dont le
CINÉMA
61
film devient par anticipation la trace.
Fuyant toute psychologie réductrice,
évitant gros plans et contrechamps, il dit «structurer ses films
comme des roadmovies», vouloir
faire couler le temps dans une
image qu’il colore en virtuose.
L’écho du vent en moi associe aux
trois âges de la vie une teinte
différente : le doré merveilleux de
l’enfance, le noir et blanc d’une
jeunesse insatisfaite, le bleuté de la
vieillesse glissant vers la mort. Les
interrogations
du
réalisateur
résonnent d’un film à l’autre.
Certains mettent en scène
directement des doubles de
l’artiste: le professeur de cinéma
dans L’oiseau qui suspend son vol,
le photographe dans le bouleversant
Mise à nu, ou encore (qui sait ?) dans
ce même film qui n’en finit plus de
mettre en abyme l‘acte créatif de
l’homme en noir qui organise le
suicide des autres comme un
scénariste scrupuleux.
Un cinéma sans concession, d’une
sensibilité et d’une force telles qu’il
mériterait d’être diffusé au-delà des
very happy few de Manosque !
ÉLISE PADOVANI
Accidents, accidents…
Invité par la région PACA, Thierry
Frémaux, le Délégué Général du
Festival de Cannes est venu le 1er
février présenter en avant-première
aux Variétés le film de Pablo
Trapero qu’il avait sélectionné à
Cannes dans Un certain regard, en
2010. Thierry Frémaux a profité de
sa «tournée» à Marseille pour
expliquer avec simplicité et
générosité sa manière de travailler,
ses critères de sélection, les
coulisses de Cannes : «Un bon film,
c’est un bon scénario, de bons
acteurs, des scènes bien éclairées et
surtout une vraie mise en scène
qu’elle soit novatrice ou classique.»
Carancho, construit comme un
thriller, en est un bon exemple…
Dès l’apparition du titre sur l’écran,
CARANCHO, écrit en lettres banches
éclaboussées de sang, on sait qu’on
ne fera pas dans le mièvre ! Le
«Carancho», c’est Sosa (Ricardo
Darin), un avocat spécialisé dans les
accidents de circulation à Buenos
Aires ; il profite, sans scrupules
semble-t-il,
des
nombreuses
victimes de la route qui enrichissent
une poignée d’avocats mafieux,
grâce aux assurances et à la
corruption. C’est sur son «lieu de
travail» qu’il rencontre Luján,
(Martina Gusman) une jeune
urgentiste qui se drogue pour tenir le
coup. C’est le coup de foudre mais
l’amour ne sauve pas toujours,
malgré leurs efforts pour se sortir de
la corruption et de la mafia. Une
dernière chance qui n’apportera pas
la rédemption. Si le thème de la
corruption est un classique, celui de
l’arnaque à l’assurance pour les
Carancho de Pablo Trapero
accidents de la route, très nombreux
en Argentine, est inédit et traité avec
beaucoup d’énergie par Pablo
Trapero : plans serrés, montage
nerveux. Certes, on se serait passé
de quelques gros plans pleins
d’hémoglobine mais le spectateur
est tenu en alerte jusqu’au bout,
espérant que ces deux solitaires
paumés vont s’en sortir, bien qu’il les
sache condamnés.
Le film, immense succès en
Argentine,
a
provoqué
un
changement de la loi règlementant
le paiement des indemnités des
victimes des accidents de la route.
Qui a dit que le cinéma ne pouvait
rien ?
ANNIE GAVA
62
CINÉMA
ICI | SEMAINE DU SON | INSTITUT DE L’IMAGE
Les séquestrés de Meina
Le 27 janvier 1945, Auschwitz est
«libéré». Longtemps murés dans
l’indicible, confrontés au fil des ans à
l’ignorance
des
nouvelles
générations ou à l’ignoble
négationnisme de quelques-uns, les
derniers survivants inlassablement
témoignent. Devenu depuis 2002
Jour de mémoire et de prévention
des crimes contre l’humanité en
Europe, le 27 janvier multiplie les
événements culturels. L’Institut
Culturel Italien a projeté cette année
le film de Carlo Lizzani, Hôtel Meina
(2009), adapté d’un roman
homonyme de Nozza. 8 sept. 1943 :
grecs et italiens, naufragés de la
guerre, partagent la douceur d’une
fin d’été près du lac Majeur. À frôler
la mort, la vie s’exacerbe. L’espoir
fêté au champagne, à l’annonce de
Hotel Meina de Carlo Lizzani
l’armistice de Badoglio, s’éteint
avec l’irruption d’une division SS.
Réquisition de l’hôtel, tri des hôtes :
les juifs seront confinés puis
C’est son son
exécutés quelques semaines plus
tard malgré l’héroïsme du directeur,
de sa fille Noa et d’une résistante
allemande. Huis clos dans l’écrin
des montagnes devenu étau, Hôtel
Meina est un film oppressant.
Condamnés
et
bourreaux
partageant le même espace,
l’horreur se distille à chaque plan,
sur le visage lisse du beau
commandant Krassler, dans les jeux
bonhommes de ses soldats. Si
Lizzani, qui a travaillé avec les plus
grands -De Santis, Rossellini,
Vergano- réussit quelques scènes
fortes comme le ballet macabre des
cadavres enchaînés au fond du lac, il
n’évite pas l’écueil illustratif. Un film
de plus, dira-t-on et pas un chefd’œuvre, mais raconter encore et
encore sauve les victimes de la
seconde mort dont parle Wiesel,
celle de l’oubli.
ELISE PADOVANI
L’Idéaliste
Le 29 janvier, c’était la clôture de la troisième Semaine du Son qui veut
«amener à prendre conscience de l’importance de la qualité de
l’environnement sonore», comme l’a rappelé son fondateur Christian
Hugonnet, ingénieur en acoustique et techniques de prise du son. Alors que
le son est un élément fondamental de l’équilibre, seuls 2% des Français
jouent d’un instrument… contre 65% des Américains ! Cinquante villes en
France ont donc monté des Semaines du son, et à Marseille c’est le SATIS,
Films-Flamme et le FIFA qui l’ont organisée, nous proposant d’apprendre à
ÉCOUTER un film. Cela a donné une rencontre de six heures, au CRDP,
autour des films de Robert Guédigian.
Après avoir revu Lady Jane, les différents intervenants de la «chaîne» du son,
Laurent Lafran sur le tournage, Bernard Sasia et Valérie Meffre pour le
montage, Gérard Lamps pour le mixage ont expliqué avec clarté et précision
leur travail respectif. Ils ont fait écouter à un auditoire attentif, les différentes
pistes sonores, explicitant leurs choix sur certaines séquences. Puis un
parcours chronologique des films de Guedigian a éclairci l’évolution du
traitement du son, aussi bien du point de vue technique qu’esthétique, du
premier film Dernier été, qui date de 1980, jusqu’à son 17e film, en cours de
montage, Les pauvres gens.
Même si Robert Guédigian, qui présidait le Jury des longs métrages du
Festival Premiers Plans d’Angers, n’était pas présent à la rencontre, il était
bien là, avec ses films et ses fidèles collaborateurs.
ANNIE GAVA
© A.G
Ordet de Carl Dreyer
L’Institut de l’Image met à l’honneur jusqu’au 22 février le réalisateur Danois
Carl Theodor Dreyer. Journaliste et cinéaste, homme de foi et de rigueur,
Dreyer laisse une filmographie des plus personnelles et envoûtantes, et ce
malgré un parcours atypique : il tournait peu, peaufinait ses projets à
l’extrême, inquiétait les producteurs.
Passé à la postérité grâce à la Passion de Jeanne d’Arc, film muet de 1928,
puis à Vampyr (1931) et Ordet (1954) qui lui valut un Lion d’or à Venise, il n’a
eu de cesse de chercher l’Idéal, celui avec majuscule, au travers de
personnages en quête. Jeanne d’Arc bien sûr, le personnage principal
d’Ordet aussi, et leurs chemins de croix vers le Divin. Jour de colère (1943)
et Gertrud, son dernier film tourné en 1964 et sous-estimé à sa sortie, où ses
protagonistes sont prêts à tout perdre pour entrevoir, ne serait-ce qu’un court
instant, l’Amour. Ces êtres, dans la folie et la beauté de leurs parcours
spirituels, sont le cœur du travail esthétique de Dreyer.
Incroyable faiseur d’images, de gros plans aux émotions palpables, il
sublimait l’interprétation de ses actrices, à l’affut du moindre tressaillement,
de la moindre hésitation. Dans l’absolue précision de ses cadrages, de ses
noirs, de ses blancs, des tons et demi-tons qui les séparent, le réalisateur
danois impressionne d’Expressionnisme. Encore et toujours avec majuscule,
à l’image d’une œuvre qu’il faut décidément redécouvrir.
RÉMY GALVAIN
Institut de l’Image
04 42 26 81 73
www.institut-image.org
LES VARIÉTÉS | CLERMONT-FERRAND
De la vie
juste avant
la mort
C’est à l’occasion de la 3e journée
Patients-Greffes de moelle organisée
par l’Institut Paoli-Calmettes qu’a
été projeté au cinéma Variétés Ma
compagne de nuit, le premier long
métrage d’Isabelle Brocard, qui était
présente, accompagnée de l’une de
ses actrices, Emmanuelle Béart.
Isabelle Brocart et Emmanuelle Beart © A.G
Écrit à quatre mains, le film est né
d’un désir de parler de la maladie, de
la mort, sans romantisme, et sans
référence à une histoire vécue. Julia,
superbement interprétée par Emmanuelle Béart, est une femme
atteinte d’un cancer incurable qui a
éloigné ses proches, sans doute pour
les protéger, et partage ses derniers
jours avec une assistante de vie,
jouée admirablement par Hafsia
Herzi.
«Avec Hélène Laurent, on a voulu
raconter l’histoire d’une rencontre,
explique la réalisatrice. Le lien entre
ces deux femmes est créé par la
maladie et il devient un lien essentiel.
Il n’y a pas de suspense dans le film :
au bout c’est la mort, mais c’est la vie
que je voulais filmer, les petits
détails. Les deux héroïnes sont bien
vivantes.»
Pendant l’écriture, scénaristes, réalisatrice et actrices ont rencontré
soignants et malades qui ont parlé
CINÉMA 63
de leurs expériences, de leurs
rencontres. Car c’est avant tout une
histoire de rencontres.
«Avant d’aller rencontrer des gens en
soins palliatifs à Villejuif, précise
Emmanuelle Béart, j’étais terrorisée ! J’ai beaucoup écouté et plus
j’étais là, moins j’avais peur ; ce qui
est important c’est la vie, les petits
détails de la vie, un rayon de soleil,
un message, et j’ai compris qu’il
fallait aller à la source énergétique
de ces détails. J’ai essayé de comprendre, à travers le regard et l’écoute,
aller au plus proche. Plus je parlais
avec les gens, plus je sentais une
espèce de lumière. Faire ce film a
changé mon regard sur la maladie.»
Il est certain qu’il faut dépasser la
peur en soi pour aller voir ce film
âpre, inconfortable mais superbement interprété et plein d’humanité
et d’énergie.
ANNIE GAVA
LA capitale du court métrage
Après DEUX séances d’ouverture dans la salle
Jean Cocteau (1400 places !) de la Maison de la
Culture, comble comme toutes les années, c’est
sur les chapeaux de roue qu’a démarré le 33e
Festival International du Court Métrage de
Clermont-Ferrand.
C’est à un véritable marathon que se livrent les
festivaliers, courant d’une salle à l’autre, slalomant
entre les compétitions internationale, nationale ou
labo, la rétrospective NouvelleZélande, la Carte Blanche à
Sacrebleu productions, Court
d’histoire, Courts de contes ou
Regards d’Afrique. Le choix est
difficile ! 400 films programmés dont
182 sélectionnés parmi les 6 753
films reçus, représentant plus d’une
centaine de pays !
Cette année, aucun film de la région
PACA n’est sélectionné… Donc nos
quelques coups de cœur vont à
d’autres ! D’abord deux films
d’animation très réussis : Les
journaux de Lipsett, du Canadien
Theodore Ushev, présenté comme
un journal intime, nous fait découvrir
la frénésie créatrice d’Arthur Lipsett,
un réalisateur canadien de films
expérimentaux mort à 49 ans et
Kamene de la Slovaque Katarina
Kerekesova : la visite dans une
carrière de la femme du
contremaître qui rêve d’avoir un
enfant, et qui constate que son mari
a changé à force de travailler dur.
Des films qui traitent avec légèreté
de sujets graves comme Casus Belli
du Grec Georges Zois dont le personnage principal
est un caddie : une métaphore originale de la Crise.
Anna et les tremblements de Solveig Anspach
raconte le calvaire d’Anne (Anne Morin) qui tente
d’attirer l’attention de la RATP sur son cas : les
vibrations, dans son appartement, font tout bouger.
Et puis aussi, La fille de l’homme de Manuel
Shapira, Promise of a spring day du Coréen YoonJae Ha, Siggil de Rémi Mazet, Le meilleur ami de
l’homme de Vincent Mariette et puis, et puis… les
regrets de tous ces films qu’on ne voit pas !
ANNIE GAVA
Le palmarès !
Parmi la trentaine de films récompensés, le Grand
Prix International est attribué au documentaire
Kawalek Lata (Un bout d’été) de la Polonaise Marta
Minorowicz. Prix Spécial du Jury : Los minutos,
las horas (Les minutes, les heures)
de Janaina Marques. Prix du
Meilleur Film d’Animation : Les
journaux de Lipsett de Theodore
Ushev. Prix du public : Suiker
(Sucre) de Jeroen Annokkeé.
Palmarès national Grand Prix :
Tremblay-en-France de Vincent
Vivioz ; Prix Spécial du Jury : La
dame au chien de Damien Manivel.
Prix du public : L’accordeur d’Olivier
Treiner.
Grand Prix Labo : Night Mayor du
Canadien Guy Maddin. Prix Spécial
du Jury labo : On the way to the sea
de Tao Gu ; Prix du public : Big Bang
Big Boom de Blu.
Kawalek Lata
de Marta Minorowicz
64
LIVRES
RENCONTRES
D’Aix à Marseille…
la rencontre déçoit tout de même en se réduisant à
quelques considérations convenues sur l’état du
monde et des media, et à diverses anecdotes
savoureuses. Reste tout de même que la soirée aura
permis, une fois n’est pas coutume, de mettre à
l’honneur Marseille en plein cœur d’Aix-en-Provence !
Edmonde Charles-Roux était l’invitée des Écritures
Croisées. La rencontre offrait l’occasion de revenir sur
une biographie haute-couture et haute en couleurs :
l’enfance d’une fille d’académicien diplomate habituée
à se déplacer avec ses «gens», l’engagement pendant la
guerre, le talent de la journaliste non conventionnelle
de Vogue qui aura réussi à introduire l’art
contemporain sur le papier glacé de la presse de mode,
le mariage avec Gaston Defferre et Marseille, les
honneurs de l’académie Goncourt. La deuxième soirée
offrait un angle d’approche double intéressant : d’une
part, le rapport de l’œuvre à l’image, à travers la forme
du récit-photo, l’adaptation cinématographique par
Dino Risi d’Oublier Palerme, et l’évocation des grands
talents dénichés par la journaliste ; d’autre part, le
regard sur le Prix Goncourt, en tant que lauréate et
membre de l’académie du même nom, comme Didier
Decoin. Si c’est avec malice que la dame cultive son
personnage de grande bourgeoise de gauche, et Didier
Decoin celui de bon vivant amateur de bonne chère,
A. FA.
Edmonde Charles-Roux : sa vie, son œuvre, ses passions
les 27 et 28 janvier à la Cité du Livre avec Antoine
Boussin, Didier Decoin, Michel Guerrin
E. Charles-Roux © X-D.R
Lumières noires
Le 8 février s’ouvrait à Vitrolles la 2ème
édition du festival Polar en lumières,
une semaine consacrée au genre policier
sous toutes ses formes. Accueilli par des
organisateurs coiffés de panamas blancs
à rubans noirs siglés du nom du festival,
un public nombreux a rapidement
rempli le hall puis la salle du cinéma
Les Lumières. Cette soirée d’ouverture
proposait une affiche alléchante : une
table ronde sur le polar algérien, puis la
projection du film Morituri, en
compagnie du parrain de la
manifestation, Yasmina Khadra.
L’émotion a dominé les discours
d’inauguration, car la venue à Vitrolles
du célèbre romancier algérien est un
symbole fort de l’évolution politique de
la ville et de l’importance croissante de
ce jeune festival ! Au maire qui lui
remettait la médaille de la ville,
l’écrivain a d’ailleurs rappelé son
engagement et son plaisir de revenir en
Provence.
Hélas, après ces congratulations la
soirée n’a pas tenu toutes ses promesses.
Le journaliste Adlène Meddi, qu’on
avait hâte de rencontrer, a été retenu à
Serge Scotto avec son inséparable chien Saucisse et Yasmina Khadra © Annie Galva/Zibeline
Alger, actualité oblige. La table ronde
menée par Serge Scotto s’est limitée à
des généralités sur la vie et l’œuvre de
Khadra, que ses lecteurs fidèles
connaissent bien. On a tout de même
appris la genèse du roman Morituri,
écrit en un mois, dans une sorte de
transe dont l’écrivain dit n’avoir aucun
souvenir, à la suite d’un terrible attentat
dont il avait été témoin. Première
apparition du commissaire Llob, le
double fictionnel de l’auteur, et satire
violente de la corruption politico
financière, cette œuvre âpre et sans
illusions a été adaptée à l’écran par
Ochaka Touita, qui était également
invité. Le réalisateur de Les Sacrifiés,
sorti en 1982 et évoquant les luttes
fratricides des Algériens à Paris de 1955
à 1962, a choisi d’adapter en un seul
film la trilogie de Khadra, trouvant que
Morituri n’offrait pas assez de matière
pour un bon scénario; cela a fort déplu
à l’auteur et le public a assisté à un vrai
règlement de comptes ! Ceci a été
d’autant plus frustrant que la
problématique
de
l’adaptation
cinématographique d’une œuvre
littéraire est une question passionnante !
Reste à espérer que les séances suivantes
ont été plus éclairantes !
ANNIE GAVA ET FRED ROBERT
Polar en lumières s’est déroulé
à Vitrolles du 8 au 13 février
À quoi rêve
Khadra ?
Et que lui arrive-t-il dans cet Olympe des
infortunes, où il semble s’être égaré ?
Dans ce tout dernier opus, déjà édité en
collection de poche, où est la force de
L’attentat, où sont passées les émotions
de Ce que le jour doit à la nuit ? Khadra
déclare avoir écrit un roman. Ce court
texte ressemble pourtant plus à une
sorte de conte philosophique (mais où
est la philosophie ?), à une espèce de
fable allégorique (allégorie de quoi au
juste ?). Pétrie de maximes et de grandes
phrases, cette chronique du royaume
des laissés-pour-compte se lit du bout
des yeux et se referme sans états d’âme.
Mais avec l’espoir sincère que Khadra
retrouve bientôt le souffle…
romanesque. F.R.
LIVRES 65
Contre vous !
Rene De Ceccatty © Jean Marc de Samie
Bien malgré elle, la mairie de Marseille aura fait un
beau cadeau à Jean Genet pour son centenaire. Celuici devait se fêter aux Beaux-arts à Luminy, en
compagnie de Leïla Shahid, amie des dernières
années de l’auteur, et de deux de ses meilleurs lecteurs,
René de Ceccaty et Albert Dichy. Rebondissement :
la mairie interdit la manifestation à l’École des Beauxarts, invoquant que la sécurité de Leïla Shahid ne peut
être assurée. Le motif déconcerte, la présence de la
déléguée de la Palestine auprès de l’Europe étant pour
cette fois apolitique, et fait polémique, dans un
contexte particulièrement tendu, quelques jours après
l’annulation de la conférence de Stéphane Hessel à
l’École Normale, en compagnie de Leïla Shahid. … .
Qu’importe ! la manifestation se sera finalement tenue
à la Maison de la Région ouverte par Michel
Vauzelle, où on aura refusé du monde toute la
journée : un succès polémique, loin du ton compassé
des commémorations institutionnelles, qui aurait plu
à Genet !
Les libraires de La réserve à bulles ont eu du flair en
invitant Ulli Lust. L’artiste, née à Vienne, installée
depuis 1995 à Berlin, n’a pas fini de faire parler : son
volumineux Trop n’est pas assez (460 pages !) vient de
recevoir le prix Artémisia et celui de la Révélation
2011 du festival d’Angoulême. Interrogée par Boris
Henry, elle est revenue sur ce succès, son travail et ses
projets. Pour cette quadragénaire qui se définit avant
tout comme une professionnelle de l’art, la BD
permet d’abord de «raconter des histoires». Ainsi, dans
ce
roman
graphique
fortement
teinté
d’autobiographie, Ulli Lust relate une période assez
dure de son adolescence punk et entraîne le lecteur
dans un road novel dont elle a très vite fixé la trame
mais dont le dessin a demandé quatre ans de travail.
Ce récit documentaire refuse les facilités du porno ou
du sensationnel mais fait des clins d’œil au conte, à la
mythologie, au tarot même, donnant à cette
expérience individuelle une dimension d’apprentissage
qu’Ulli Lust tenait à transmettre. Dessiner lui a
d’ailleurs permis, a-t-elle confié, de saisir a posteriori
la portée de certains épisodes de sa vie. Mais si on lui
parle de thérapie à propos de cet ouvrage, elle voit
rouge ! Non, Trop n’est pas assez n’est pas un ersatz
thérapeutique, c’est un récit qu’elle voudrait que le
avec les Palestiniens dans ses deux dernières œuvres:
Quatre heures à Chatila et le Captif amoureux. Un
parcours possible se dessine : si l’écriture, comme le
désir, est d’abord un moyen d’échapper à la réalité
claustrale et coercitive d’une société occidentale
abhorrée, elle en est venue, par un curieux
renversement, à donner corps et mots à la réalité
déniée des camps. Et c’est finalement la formule du
«Contre vous !», invoquée par André de Ceccaty, qui
résume au mieux à la fois l’ambiguïté de l’œuvre et la
cohérence de la soirée : elle suggère, sur le plan de la
sexualité, l’exacerbation et la mise à distance
simultanées du désir ; et elle est le cri de défi que
l’œuvre de Genet, sur les plans politique et moral, jette
au visage des lecteurs, par refus de s’enfermer dans
toute forme de consensus, fût-il louable.
AUDE FANLO
Sans Jean Genet a eu lieu
les 20 et 21 janvier à Marseille
Ulli Lust © Agnes Mellon
Bulles d’histoires
Leila Shahid © Jean Marc de Samie
Albert Dichy © Jean Marc de Samie
«On aura évité le pire, que tout se passe bien ! » souligne
avec humour Albert Dichy le lendemain, pour la suite
de la manifestation au CIPM, qui fait de nouveau salle
comble, dans une ambiance électrique. En ouverture,
la projection du film Un chant d’amour (1950) est une
entrée saisissante dans l’œuvre de Genet par l’un de
ses motifs nucléaires, le lien entre la sexualité et la
dénonciation de l’enfermement. Exemple d’un
académisme formel qui contient en lui-même les
germes de sa propre subversion, le film est à la fois
pornographique et presque sentimental, l’exhibition
des corps ripe sur les murs d’une prison, et
l’exaspération carcérale du fantasme oscille entre
brutalité, suggestion et stylisation lissée.
La discussion qui suit entrecroise l’analyse précise de
deux spécialistes et la force émouvante d’un
témoignage d’amitié. Elle permet de balayer
l’ensemble de l’œuvre, tout en se concentrant sur la
dernière période, lorsque Genet sort de 25 ans de
silence pour témoigner singulièrement de sa rencontre
lecteur prenne comme un train d’où on ne peut plus
descendre une fois qu’il est lancé. Elle-même s’est
d’ailleurs lancée, à la demande d’une grosse maison
d’édition allemande, dans une nouvelle expérience,
qu’elle juge passionnante mais risquée, l’adaptation
d’un roman mettant en scène les enfants de Goebbels.
Toute une Histoire…
FRED ROBERT
Ulli Lust était invitée en février à la librairie Goulard
à Aix, puis à La réserve à bulles à Marseille, dans le
cadre des Escales en librairies proposées par
l’association Libraires à Marseille.
Ulli Lust est également l’éditrice d’un site de BD et
romans graphiques à télécharger et à lire en ligne :
www.electrocomics.com
À lire
Trop n’est pas assez, aux éditions Çà et là, 26 €
Chronique à venir dans Zib’39
66
LIVRES
RENCONTRES
Hommes à histoires
Jacques Jouet © Isabelle Raviolo
Fatos Kongoli © JohnFoley
à une réalité africaine très complexe ? Riposte immédiate : ce roman n’est ni celui d’un amoureux, ni celui
d’un spécialiste, il est simplement le fruit d’une vieille
culpabilité de pays colon et d’ailleurs l’œuvre de Fatos
Kongoli est elle aussi construite sur le concret des situations, mêlant intime et politique ; suit une liste pittoresque
de thèmes récurrents : les poux, l’alcool, le sexe, la
famille... Éclats de rire prolongés par la lecture d’extraits
de La vie dans une boîte d’allumettes (voir Zib’ 37) marqués par la cruauté et l’émotion. C’est que Fatos
Kongoli assume fort bien la part autobiographique
de ses récits, jusqu’à intégrer, non sans humour, des
figures d’écrivains, ratés le plus souvent, dont l’un a
même le dérisoire privilège de se nommer... Balzac
(«Balzac, c’est moi!»).
Se faisant traiter de romancier «pur» («ce n’est pas une
injure n’est-ce pas ?», l’Albanais se revendique alors
Deux écrivains se rencontrent dans un train, échangent des mots et pas des moindres «Pain, amour, liberté,
ça se dit comment en albanais ?» demande le Français ;
émerveillé par la réponse, il en fait tout un poème et
la conversation se poursuit à Marseille... Fatos Kongoli et Jacques Jouet se sourient finement et n’ont de
cesse de se faufiler dans la singularité de l’autre, manifestement ravis de se retrouver sur le terrain de la différence ;
par exemple le premier, celui de Tirana, croit au «style...
qui fait l’homme» ; l’autre, l’Oulipien, n’y croit pas et
veut les avoir tous! Lecture d’une page de Bodo, dernier roman de Jacques Jouet (voir Zib’ 37) qui déploie
fastes et vicissitudes de l’Afrique de la décolonisation,
commentée malicieusement par l’ami dans un français
raffiné : on ne comprend pas grand chose à ce livre magnifique mais difficile à absorber, reste la beauté de la
langue qui serait alors le signe d’une relation spirituelle
«Ça pleut direct !»
Front couronné d’étoiles… comme un vrai poète à
l’ancienne, Bernard Noël porte les stigmates nobles
de sa fonction : front large et haut, gloire de cheveux
blancs et regard dévoreur d’espace. Invité de marque
au «cabanon des auteurs» du Théâtre du Petit Matin,
l’homme amène avec lui la paix des profondeurs et
l’inquiétude fervente d’un présent qui va vite. L’œuvre
est célébrée, connue pour de bonnes ou de mauvaises
raisons : l’auteur rappelle, sourire en coin, après lecture
d’un extrait de l’Outrage aux mots, les circonstances de
la condamnation du Château de Cène pour «outrage
aux mœurs» et sa réaction contre son propre avocat
Bernard Noel © X-D.R
Robert Badinter plaidant son caractère inoffensif !
La voix vient de loin, traine un peu, remonte dans la
tête et fait de la place au silence et à l’autre ; lectures
choisies, plutôt politiques (La Peur de l’autre ou Le
Grand massacre) et plutôt de la prose respirée, vibrante
et mesurée («il est juste et raisonnable d’en finir avec la
servilité») en écho à l’actualité immédiate. Suivant la
règle du lieu, l’auteur s’est présenté comme un
chantier de fouilles, corps et langue stockant du
«passage», du temps, des gens... «Écrire, c’est poser des
traces d’où se lèveront des ombres». Le livre est la
tombe de la belle au bois dormant qui attend d’être
réveillée par le lecteur. Ils sont là les lecteurs, tout près
et le dialogue, doux et patient, construit par petites
touches le portrait d’un homme-poème, sa quête de
sens «interminable», son désir jamais arrêté, son attente
de l’événement verbal, de la «précipitation de mots»,
son accueil respectueux de ce qui vient. Le travail en
cours scelle la fidélité au «nous» impossible et toujours
à l’horizon espéré : 7 monologues nés des 7 pronoms
personnels ! En guise d’au revoir généreux, le poète
lance une invitation à la rencontre et... au silence «La
civilisation peut recommencer dans les couvents».
MARIE-JO DHÔ
Le Théâtre du Petit Matin a invité Bernard Noël
le 11 février. La rencontre a été suivie le 12 février
de la présentation de la Langue d’Anna dit
par Agnès Sourdillon.
comme écrivain «d’un petit pays» et qualifie l’ami
français, à l’aune de son territoire natal, d’écrivain «large»,
ce qui n’est pas pour déplaire à Jacques Jouet qui se
lance alors dans un éloge vibrant de la diversité, et
ranime pour l’occasion le manifeste Oulipien : refus de
l’essence ou de l’être «qui fait le style», mise à distance
par la multiplication des attaques et points de vue,
travail collectif pour désamorcer le singulier, réconciliation du conceptuel et de l’artisanat et méfiance
permanente contre le ludique. Surtout quand on se nomme comme il se nomme !
Après quelques élégantes considérations sur la langue
française, héritage paternel et espace de liberté dans l’espace clos de Tirana, Fatos Kongoli reconnaissant son
attachement à des thèmes personnels comme celui du
pays meurtri lance un «je ne peux pas écrire autre chose»
qui sonne comme un bel aveu de puissance littéraire !
MARIE JO DHO
La rencontre du 25 janvier aux ABD, Marseille,
était présentée par Pascal Jourdana
dans le cadre d’Écrivains en dialogue
Libre et laïque
L’écrivain Ahmed Kalouaz, inaugurait le 8 février une
nouvelle formule de rencontres intimistes à la Bibliothèque départementale de Marseille. Il a rappelé ses
débuts dans l’écriture avec des pièces de théâtre
commandées et diffusées sur France-Culture, puis de
nombreuses nouvelles, avant d’aborder le roman. Celui
sur son père (Avec tes mains, Le Rouergue, voir Zib’37)
s’est imposé un jour ; il l’a écrit très vite, en deux mois.
Portrait d’un père mutique, ignorant les caresses. Mais
partageant des gestes, ceux du labeur. Encore aujourd’hui quand il bricole, fait du ciment, Ahmed
Kalouaz est avec son père, ces gestes lui appartiennent
et sont les mots de leur dialogue. Le livre est aussi le
portrait d’une génération, celle de la guerre d’Algérie,
celle qui donnait «l’impôt révolutionnaire» au FLN
sous peine de mort. Selon l’écrivain le danger aujourd’hui c’est l’islamisme politique, ceux qui veulent
imposer des lois religieuses, voilent les femmes et
cloitrent les filles. Ahmed Kalouaz, algérien français et
laïque, se bat pour la liberté des corps et des esprits
avec des romans qui traitent des femmes battues, de la
drogue, de l’enfermement.
CHRIS BOURGUE
Ahmed Kalouaz aux ABD © X-D.R
LITTÉRATURE
LIVRES 67
Canal historique
Le nouveau roman de Juan Gabriel Vásquez nous
entraîne à nouveau dans l’histoire Colombienne, et
Panaméenne. Mais il remonte plus loin que Les
Dénonciateurs (Actes Sud), un magnifique petit roman
centré sur un père et un fils, la délation, et le
comportement criminel du gouvernement colombien
envers les réfugiés juifs allemands pendant la 2nde
guerre mondiale. Histoire secrète du Costaguana est plus
ambitieux, et un brin moins réussi. Plus épais,
embrassant une période nettement plus large,
plusieurs événements historiques qui sont autant de
péripéties nécessaires à l’avancement de la narration, il
a quelque chose des grandes fresques de Gabriel
Garcia Marquez. Avec même parfois une tentation
pour le fantastique, volontairement inassumée, il est
fondé sur l’histoire des vaincus, les racines de la main
mise américaine sur le Canal panaméen, les fausses
révolutions fomentées par les capitalistes, les utopies
La vie des bêtes
Olivia Rosenthal n’est pas à proprement parler une
amie des animaux, même si Les Félins m’aiment bien,
monté au théâtre Gérard Philipe de Saint Denis en
2005, a permis à un public élargi d’entendre cette
parole à fictions singulières, traversée, façonnée par la
part animale de tout un chacun ; l’œuvre passée et
présente carbure au «vivant», dans sa version collective
et partagée : son précédent roman On n’est pas là pour
disparaître mettait en scène la douleur de connaître
une vie en pointillés en compagnie de la maladie d’A...
; le dernier, au titre rigolo-métaphysique Que font les
rennes après noël ?, bien plus complexe que ne le laisse
craindre la 4ème de couverture «ni les animaux ni vous,
ne savez comment faire pour vous émanciper» ne
fonctionne justement ni par simple analogie ni par
interpellation directe ; le «vous» de la narratrice est un
«je» d’écriture et un pacte de lecture scellé dès la case
départ Vous ne savez pas si vous aimez les animaux,
mais vous en voulez absolument un, vous voulez une
des français déclassés trompés par Ferdinand de
Lesseps, et les luttes fratricides de Colombiens
fanatiques de Dieu ou de la révolution. Là encore
l’auteur choisit de mettre en scène un père et un fils
narrateur, invente autour d’eux une atmosphère
épaisse, odorante et une foule de personnages
attachants. Joseph Conrad n’est pas le moins
intéressant, et Nostromo ainsi que Cœur des ténèbres
interviennent comme des matrices qui ponctuent à
l’envers la vie du narrateur… qui hélas intervient trop
systématiquement dans son récit, commentant
lourdement parfois les structures qu’il met en place
sans laisser tout à fait se dérouler le plaisir de la fable.
Comme si l’auteur avait eu peur de se laisser emporter
par les flots trop puissants et l’atmosphère délétère
d’un Canal embourbé depuis toujours dans les replis
fangeux de l’histoire.
Juan Gabriel
Vásquez était
l’un des invités
des Belles
étrangères 2010,
consacrées aux
écrivains
colombiens
(voir Zib 35)
Histoire secrète
du Costaguana
Juan Gabriel
Vásquez
Ed du Seuil, 22 €
AGNÈS FRESCHEL
bête. C’est l’une des premières manifestations de votre
désir, un désir d’autant plus puissant qu’il reste
inassouvi ». OK, c’est parti pour une traversée
implacable des steppes de la vie débutante et c’est la
mère qui conduit le traîneau. On se laisse glisser de
paragraphe en paragraphe sur une écriture rythmée
comme des stances sans trop savoir à qui ou à quoi
l’on a affaire : les «je» successifs sont les autres, des «il»
ou «elle», des voix de dompteur, soigneur, équarrisseur,
boucher même - tout le cycle jusqu’à la viande
refroidie ! - qui exposent méthodiquement leur
expérience et la croisent avec celle de la narratrice qui
se cherche une identité sexuelle entre King-Kong et la
Féline de Jacques Tourneur ! Drôle et brillant,
intellectuel et sensible, franchement sans histoire, ce
roman suggère simplement que se libérer c’est
apprendre à trahir !!
Que font les rennes
après noël ?
Olivia
Rosenthal
Verticales
16,90 €
MARIE-JO DHO
La clé des songes
Zuo Luo, Zorro chinois, est inspiré d’une réalité
sombre de la Chine : un curieux justicier libère les
femmes qui, vendues par leur famille pauvre, sont
ensuite séquestrées et battues par leurs maris. Mais il
apprend au cours de l’histoire qu’il est lui-même le
personnage du jeune chaman écrivain du précédent
roman de Christian Garcin, La Piste mongole. Des
femmes disparaissent, c’est donc d’abord un roman
policier, à la façon de Chandler ou Melville : un héros
taciturne et massif se lance sur la piste d’un yakusa
sanguinaire lié aux trois femmes disparues de sa propre
vie. Et si tous les ingrédients du genre sont réunis - du
suspens, des interrogatoires musclés, des bars enfumés
et des ruelles sombres, une intrigue qui nous emmène
de la Chine au Japon en passant par le Chinatown
new-yorkais, c’est pour mieux être déjoués : des
yakusas impotents ou réincarnés en vieux chien
fouineur, des rituels ancestraux de mort par
enfouissement, une enquête qui se transforme en
quête intérieure, le but se dissipant comme un mirage
au fur et à mesure qu’on avance, le tout sous le regard
sans âge d’animaux dubitatifs, la voix sans visage de
contes traditionnels, et le rythme exotique d’opéras
chinois… Ainsi l’œuvre de l’auteur se construit-elle
comme un labyrinthe aux bifurcations multiples, où
les personnages circulent d’un récit à l’autre, dans la
réflexion curieuse de la réalité et des fictions qui
s’engendrent en se réinventant. Et par la puissance
chamanique d’une écriture drôle et mélancolique, où
la clé de l’intrigue tient - et se dérobe - dans la
coïncidence mystérieuse de destins croisés, et dans la
convergence sans pourquoi des souvenirs, du passé et
du présent, des mondes extérieurs et intérieurs.
AUDE FANLO
Des Femmes
disparaissent
Christian
Garcin
Verdier, 16 €
68
LIVRES
LITTÉRATURE
Haletant
Abandonnant le polar marseillais Philippe Carrese
livre un livre-choc, qui met en scène la folie du
pouvoir et sa perversion. Comment un homme prend
la direction de ses compagnons prisonniers dans un
camp de travail que les SS viennent de déserter, fuyant
l’avancée des troupes soviétiques, en 1945. Dans la
neige et le froid des monts Tatras à la frontière de la
Slovaquie, sans aucun moyen de communication avec
le monde extérieur, il faut survivre. Quelques femmes
réservées au plaisir des soldats, des enfants sélectionnés
pour leur type aryen, des tchèques, des hongrois, des
italiens, et un savant polonais constituent ce peuple
perdu. Le jeune Matthias, âgé d’une douzaine d’années, est chargé de tenir le journal de l’organisation de
la survie du camp rebaptisé «République». Dankso
prend en main le destin de ses camarades, organise
travaux et repas. Mais très vite on sent que son autorité
et le pouvoir qui en découle l’enivrent, et il va jusqu’à
s’installer dans le bureau et les appartements abandonnés du chef des bourreaux. Désormais il régente,
condamne. Malgré son jeune âge, Matthias, le narrateur, est de moins en moins dupe et va écrire un cahier
secret dans lequel il relate ses observations sur la folie
de Dankso. Il ne reste qu’à tenter l’impossible : la fuite.
D’une redoutable efficacité, le récit de Carrese
fonctionne comme un feuilleton, ménageant régulièrement des rebondissements qui tiennent en haleine,
transportant le lecteur d’horreur en abomination,
jusqu’à son dénouement implacable. Un faux témoignage qui fait froid dans le dos.
Ouvrage
sélectionné pour
le Prix des lycéens
et apprentis
de la Région
Paca
CHRIS BOURGUE
Enclave
Philippe Carrese
Plon, 20 €
Confort, vraiment ?
Pour mettre en garde ses contemporains contre les
technologies nouvelles au service de la surveillance,
Grégoire Hervier les plonge dans la fiction d’un
monde super-fliqué qui, sous couvert de recherche du
bonheur et du confort, détruit les libertés individuelles. Dominique Dubois, homme ordinaire,
retrouve un emploi après 6 mois de chômage et
s’installe à Zen City, restant en contact avec ses copains
par l’intermédiaire de son blog. Il leur raconte le
confort de son nouvel univers aseptisé avec frigo
automatiquement réapprovisionné, surveillance et
sécurité. Un coup de blues ? Aussi sec un coach en
image personnelle propose nouvelle garde-robe,
nouvelle voiture, nouveau look ! Mais le vernis se
craquelle très vite et Dominique entre en résistance
sans le vouloir : à la suite du branchement de sa vieille
guitare électrique il fait sauter tout le système RFID
(identification par radiofréquence) de son immeuble.
Espionnage, découverte d’un réseau d’expérimentation de neurosciences en laboratoire, double-jeu, le
roman ménage de grands moments de suspens. Dans
la forme il alterne les dialogues enlevés, les restitutions
d’enregistrements, les échanges sur le blog, les comptes-rendus de l’éditeur du journal de Dominique.
L’ensemble est saisissant : cette fiction terrifiante
deviendra-t-elle réalité ? Nos choix les plus banals ne
sont ils pas déjà surveillés et répertoriés ?
C.B.
Zen City
Grégoire Hervier
Le Diable Vauvert, 18,50 €
Deux femmes puissantes
Parmi tous les romans primés à l’automne dernier,
beaucoup ont été chroniqués par Zibeline. Mais il
nous en manquait un, et non des moindres ! Voici cet
oubli réparé, et l’occasion de découvrir un auteur et
une œuvre remarquables. À tout juste 34 ans, Sofi
Oksanen, née en Finlande d’un père finlandais et
d’une mère grandie en Estonie durant l’occupation
soviétique, est déjà dans son pays une figure des lettres
et de l’engagement politique et social. De son énergie
à secouer la langue de bois, de sa révolte contre une
certaine fascination européenne pour les totalitarismes
de gauche, on trouve de nombreuses traces dans son
3e roman, Purge, qui accumule les prix depuis sa
parution en 2008. Prix Finlandia (l’équivalent de notre
Goncourt) dès sa sortie, prix Rutenberg en 2009 ; et
en 2010, le prix du roman Fnac, le prix du livre
européen, plus le Fémina étranger ! Impressionnant…
et mérité. Car Purge est un grand roman. De ceux qui
accrochent et ne lâchent plus ; de ceux qu’on ne peut
pas simplement refermer pour passer à autre chose.
Comme beaucoup de jeunes écrivains actuels, Oksanen s’empare de l’Histoire pour écrire son histoire,
qu’elle situe pour sa majeure partie en Estonie occidentale, et qu’on pourrait résumer à la rencontre de
deux femmes. 1992 : la vieille Aliide aperçoit dans sa
cour une fille inconnue, «boueuse, loqueteuse et
malpropre», Zara. Elle la recueille, la soigne, la cache ;
elle a senti sur elle l’odeur familière de la peur, venue
rôder à nouveau. Tandis qu’Aliide vaque à ses conserves de légumes, passés le mutisme méfiant et les
mensonges, peu à peu se dévoilent les secrets de chacune et commence un éprouvant voyage dans le temps
et la mémoire d’un pays qui a payé cher sa liberté.
Deux femmes, deux époques, mais toujours la violence, la honte et le silence. La description crue des objets
et des gestes quotidiens, le rendu minutieux des
sensations soulignent avec force ces deux caractères
que la vie a trempés. Au risque de les contraindre à
trahir, à tuer…
FRED ROBERT
Purge
Sofi Oksanen
Stock, La Cosmopolite, 21,50 €
Ouvrage
sélectionné pour
le Prix des lycéens
et apprentis
de la Région
Paca
LIVRES
Totem et papous
Dès La première empreinte, un «paléo thriller» édité en
2002 par l’Écailler du Sud, Xavier-Marie Bonnot
s’est fait une place dans la littérature policière de
qualité. Ce docteur en histoire et en sociologie,
titulaire d’un master de littérature, journaliste et
documentariste a tout de suite su concocter des
romans à déguster sans modération. Intrigues efficaces
et documentées, enchâssements subtils, style vif,
personnage récurrent attachant, tout pour accrocher
l’amateur de polar. Mais pas seulement. Comme les
précédentes, la cinquième enquête de Michel de
Palma, alias Le Baron, entraîne le commandant
atypique de la SRPJ de Marseille, ses coéquipiers, et le
lecteur à leur suite, dans une traversée au long cours,
une remontée des fleuves et du temps. À la rencontre
des sociétés traditionnelles de Nouvelle-Guinée cette
fois-ci. Car, par leur mise en scène macabre, le meurtre
augural du Dr Delorme, et les autres ensuite, ressem-
blent à tout sauf à de banals règlements de compte
entre caïds et trafiquants d’arts premiers. Le Pays oublié
du temps touche à cette dimension mercantile (c’est
tout de même un polar !) mais convie à une réflexion
plus large, étayée par des références à Freud, LéviStrauss, Mead, à des récits et des documentaires aussi.
Méditer sur les notions de civilisation et de barbarie ;
remettre en cause la suprématie occidentale et ses
modèles imposés ; visiter les maisons des hommes,
rencontrer les Big Men, entrevoir le sentier des fantômes, c’est à tout cela qu’invite ce roman ambitieux.
Ce n’est pas peu.
FRED ROBERT
Le Pays oublié du temps
Xavier-Marie Bonnot
Actes Sud, actes noirs, 21 €
Instantanés du temps
Les écorchés, les cabossés de la vie, Marie-Sabine
Roger a le don de les mettre en scène, avec tendresse,
dans des nouvelles dont la chute surprend souvent :
une vieille, tordue comme un vieux cep, dans un fauteuil
roulant, une bande de vieux cramés du bulbe comme
les définit Vince, la Castagne qui a soixante ans, n’est
pas vieux mais a de l’âge, une jeune femme qui, après
avoir accompagné dans son dernier voyage son oncle,
André qui a vécu sa vie, alors qu’elle occupe le terrain,
va avorter ; un homme toujours en manque d’elle, pour
qui vivre est un exil depuis huit ans.
Et puis il y a tous les gestes de la vie qu’elle décrit avec
justesse et sobriété : la valse de deux mariés dans un
village l’été ; la joie d’un vieux conducteur de poussepousse qui a gagné en une course de quoi manger
pour dix jours, les derniers adieux d’une femme à son
père ; le sourire d’une petite fille de quatre vingt dix ans
qui tient son premier nounours serré entre ses bras. Une
vieille paysanne qui a toujours travaillé dur et qui,
partant dans une résidence pour vieux, découvre qu’il
ne fait jamais noir en ville et qu’à présent elle va vivre…
Chacune des dix nouvelles douces-amères du dernier
recueil de Marie-Sabine Roger nous offre une
émotion, comme le souvenir d’un instant que chacun
a vécu, comme une photographie de Doisneau ou de
Sabine Weiss. À découvrir et savourer.
ANNIE GAVA
Il ne fait jamais noir en ville
Marie-Sabine Roger
Thierry Magnier, 16 €
Si vivre est difficile…
Huit petites nouvelles composent Les petits de Frédérique Clémençon dont les figures héroïques sont des
enfants. Toutes, réalistes et cruelles, relatent avec
détachement les faits de petites vies ordinaires, des
micro-événements vécus parfois comme des tragédies,
ancrés dans une banalité partagée. C’est d’autant plus
effroyable que l’auteure émaille ses récits de
minuscules détails et de longues descriptions, et se
plaît à détricoter tous les fils des relations filiales et
amoureuses. Les pères sont souvent des personnages
en creux, absents ou pensés comme tels, faibles par
incuriosité (Le bannissement de Jean) ou irresponsabilité (dans Les mains de maman Paul ne comprend
pas sa désertion) ; la vie n’est que renoncements et
ennui et les souvenirs heureux flottent comme «des
rêves mauvais» (Les pianistes) ; l’incapacité à grandir et
à être heureux écrase également les êtres (l’homophobie détruit Salim dans Deux tu l’auras). Suprême acidité
la mort rôde partout, en rêve ou pour de vrai, dans la
disparition de l’être aimé ou haï, dans l’espoir de sa
mort même, ultime délivrance. La jeune Adèle ne
souhaite-t-elle pas ardemment la mort de sa mère car
elle l’empêche de rêver (Le rêve de Lazare) ? Tous, petits
et grands, étouffent, asphyxiés par l’amour ou le
désamour, la jalousie ou l’abandon : l’amour est amer,
mesquin, réduit à son plus simple appareil, convenu,
si rarement partagé… Même l’amour maternel est
désossé jusqu’au sang de manière clinique par Frédérique Clémençon qui ose écrire l’inavouable (Les
Petits). Le recueil condense une telle souffrance que
l’on s’inquiète : si le ton était moins neutre et l’écriture
moins blanche, ces huit petites nouvelles seraient-elles
supportables ?
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Les petits
Frédérique Clémençon
L’Olivier, 18 €
69
70
LIVRES/DISQUES
L’année Liszt commence… avec quelques publications et enregistrements nouveaux,
Le Pèlerin
Les Années de Pèlerinage constituent une œuvre
monumentale que le jeune Franz Liszt entreprit de
composer lors de sa fuite amoureuse avec la pianiste et
future romancière Marie d’Agoult. De cette cavale de
cinq ans naquirent trois enfants et l’ossature de l’opus
(Album d’un voyageur), en particulier pour les deux
premières «années», Suisse et Italie, dont La vallée
d’Oberman ou Après une lecture de Dante demeurent des
têtes de programmes de récitals. C’est à l’âge mûr que
Liszt mit un point final à cette architecture pianistique
unique dans l’histoire de la musique avec son troisième
volet : Rome. Le compositeur ayant connu une autre
femme fascinante, la princesse Carolyne Wittgenstein,
ajouta Venezie e Napoliz à sa fresque, puis, l’exaltation
mystique prenant le pas sur la vie amoureuse, il reçut les
ordres mineurs.
La pianiste lituanienne Mûza Rubackyté possède
naturellement, dans son jeu flamboyant, les qualités
techniques propres à l’interprétation des morceaux de
bravoure du Hongrois. Son jeu d’une grande clarté
demeure infaillible dans les pages virtuoses. Son cantabile
est fluide, fin et profond, doublé d’une expression qui
gomme tout pathos excessif. Une belle interprétation qui
retrace, avec justesse, un voyage initiatique conduisant
un homme, ayant vaincu ses passions premières, vers les
voies de la spiritualité et du divin.
JACQUES FRESCHEL
Coffret 3CD
(SACD) Lyrinx LYR 2216
Flamboyant
Lorsqu’elle enregistre en 1996 ces Études de concert pour
la firme dirigée par les Gambini, Mûza Rubackyté est
peu connue dans l’hexagone. Débarquée en France
depuis la chute de l’Empire soviétique, la Lituanienne a
rapidement étonné le public occidental par sa fougue
exubérante au clavier. C’est que, depuis son entrée au
Conservatoire Tchaïkovski (1976) et son Grand Prix à
Budapest (1981), on l’avait surtout entendue à l’Est !
Avec à propos, la maison d’enregistrement marseillaise
pensa que les voltiges digitales et flamboyantes de Liszt lui
iraient comme un gant. De fait, quinze ans après, on
redécouvre avec bonheur les tierces et sixtes, gammes,
arpèges, trémolos et variations d’après Paganini, glisser
des noires aux blanches comme en lutinant sur un tapis
de velours.
CD Lyrinx LYR 156
J.F
Rigutto 91
Ce disque a été gravé il y a vingt ans par Bruno Rigutto,
pianiste français qui fut l’un des rares disciples de Samson
François et lauréat en son temps des concours «Marguerite Long» et «Tchaïkovski». Cet enregistrement est
une «référence» de la maison d’édition Lyrinx qui, depuis
de longues années, s’évertue à placer sous les feux de la
rampe des pianistes de talent. Le choix de pièces de Franz
Unité ?
Les mots de Robert Schumann «Sa propre vie est dans sa
musique» apportent un éclairage manifeste à l’œuvre
singulière de Franz Liszt (1811-1886). On connaît
finalement assez mal, en dehors des sentiers convenus,
l’œuvre monumentale (plus de mille partitions) de ce
musicien majeur du courant romantique. Il écrivit dans
tous les domaines, du piano virtuose, Lieder, poèmes
symphoniques, aux grandes fresques religieuses… JeanYves Clément, nommé Commissaire général de l’Année
Liszt en France, livre sa contribution à la collection
biographique de Classica. Il synthétise ce qui, dans la vie
Officiel
Cette biographie a été sélectionnée pour La Folle Journée
de Nantes 2011. Comme à son habitude la collection
Horizons (25 titres disponibles) propose des ouvrages
bien réalisés, synthétiques, comprenant des éléments
biographiques académiques, une iconographie conséquente, des analyses succinctes de partitions, tableau
synoptique, bibliographie et discographie sélectives… Le
Franz Liszt d’Isabelle Werck se structure selon trois
périodes : de l’enfance prodige à la période brillante du
pianiste nomade, les années majeures à Weimar, et celle
Liszt résonne, sous les doigts de Rigutto, avec une rare
profondeur. Son jeu ardent rayonne dans les pages de
jeunesse, lorsque le compositeur partait à la conquête de
l’Europe (Sonnets de Pétrarque), s’assombrit à souhait
dans Funérailles, La Notte ou Lugubre gondole n°1,
s’enflamme (Méphisto-Valse) ou se dépouille (Nuages gris,
En rêve)…J.F
et l’œuvre révolutionnaire du Hongrois, grand voyageur
européen, pourrait sembler dispersé, mais qui génère, en
fait, une improbable unité.
J.F
Franz Liszt
Jean-Yves Clément
Actes Sud / Classica, 18 €
de l’abbé vieillissant. Des chapitres analytiques s’intercalent avec à propos dans cette chronologie suivant trois
axes musicologiques relatifs à ses œuvres pour piano,
symphoniques et vocales.
J.F.
Franz Liszt
Isabelle Werck
Bleu minuit éditeur, 20 €
CD Lyrinx LYR 112
DISQUES71
ou réédités !
Credo
«Il faut donc bien le constater : malgré la
belle tenue des études lisztiennes, la gêne est
partout palpable en ce qui concerne la
question religieuse. Rien d’étonnant : le
sentiment religieux qui se trouvait déjà en
contradiction avec le temps de Liszt, l’est plus
encore avec le nôtre». Alain Galliari pose
en ces termes les bases d’une approche
biographique peu abordée dans la vaste
production musicologique sur le pianiste,
compositeur qui se fit abbé la
cinquantaine venue (provoquant des
commentaires sarcastiques). L’auteur
dépasse la contradiction apparente d’une
vie duelle : une jeunesse galante éloignée
de l’idée de vertu défendue par l’église, au
regard d’une vieillesse toute de contrition
charitable. De fait, l’auteur défend l’idée
que le désir qu’éprouvait Liszt de se
donner à Dieu ne l’avait jamais quitté
depuis sa jeunesse «quoique sa vie d’artiste
l’eût amené sur un chemin tout autre».
L’ouvrage chronologique est très
argumenté : il s’appuie sur des textes
historiques, témoignages, manuscrits (son
«testament» de 1860 en particulier),
revient sur une vocation précoce, avortée
à l’age de 17 ans. Il se nourrit des deux
grandes passions féminines qui influencèrent le musicien (Marie d’Agoult et
Carolyne Wittgenstein), mais aussi du
monde des idées qui ébauchèrent sa
pensée : de Saint-Simon à Lamennais ou
la franc-maçonnerie… Débordant du
cadre musical, Galliari commente certains
thèmes de la croyance de Liszt : l’amour
de la Croix, le mystère de la mort, le
péché et la sainteté, jusqu’au Bon
Larron… Éclairant !
JACQUES FRESCHEL
Franz Liszt et l’espérance du Bon Larron
Alain Galliari
Fayard, 22 €
2011, année Tomasi
Il y a quarante ans disparaissait Henri Tomasi (1901-1971).
Depuis, grâce à l’obstination de proches, musiciens, journalistes,
musicologues, son œuvre lumineuse retrouve les feux de plateaux
qu’elle n’aurait pas dû quitter. En même temps que le radicalisme
avant-gardiste de la seconde partie du 20e siècle passe de mode,
on redécouvre des factures certes plus classiques, mais nondénuées d’expression, de savoir-faire et de talent.
2011 fournit donc l’occasion d’entendre derechef des opus du
musicien corse adopté par Marseille. Ainsi le 5 février à l’Opéra
de Marseille (voir p 36) a-t-on ouï des pièces de sa musique de
chambre. Le 6e Concours de Quintette à Vent lui est également
dédié (du 21 au 25 fév à la Cité de la Musique de Marseille).
Cette commémoration est couronnée par un concert de
l’Orchestre de Radio-France (dir. Wyung-Whun Chung) à
Paris où l’on entend son Concerto pour trompette (le 4 mars à
Pleyel) quand, à l’Opéra de Marseille, Emmanuel Rossfelder
joue son Concerto de guitare à la mémoire d’un poète assassiné,
Federico Garcia Lorca (le 14 mai)...
Comme on n’est d’ordinaire que peu prophète en son pays, c’est
en Allemagne (Trio d’anches d’Hambourg, German Strings
dirigés par Olivier Tardy) qu’on exhume ses trois magnifiques
Concertos pour hautbois (Nicolas Thiébaud), basson (Christian
Kunert) et clarinette (Rupert Wachter), ainsi que le
Divertimento Corsica. Tout un langage immédiatement
abordable, nourri par la
Méditerranée, un lyrisme sensuel
au chant naturel, à l’harmonie
opulente, la texture orchestrale
étincelante… et qui vise le cœur !
JACQUES FRESCHEL
CD Farao classics B108062
Rossini napolitain
Sur la quarantaine d’opéras composés par Rossini, seule une
poignée est couramment représentée, avec pour figure de proue
Le Barbier de Séville. Nombre d’entre eux ont disparu du
répertoire depuis la moitié du 19e siècle, peut-être à cause de la
virtuosité technique, des tessitures larges qu’ils exigent, pour les
mezzos et ténors qui ont pris le pas, à la fin du 18e siècle, sur les
voix baroques. C’est à Naples, où neuf des ses opéras ont été
montés entre 1815 et 1822, que Rossini a connu une troupe
extraordinaire de chanteurs emmenés par la Colbran. PaulAndré Demierre ouvre des perspectives historiques et
documentées sur les représentations
théâtrales au San Carlo, ainsi que sur
l’art
vocal,
orchestral,
l’interprétation et le chant rossinien.
J.F.
Aux éditions Papillon
www.editionspapillon.ch
Et maintenant le chaos
Les Monstroplantes contre DR Larsen ? Non, ce n’est pas un film
de série Z ou le retour du dessin animé Jayce et les conquérants de
la lumière (on croisait ces espèces mi-végétales mi-animales sorties
d’un laboratoire…) mais bien d’un objet sonore non identifié.
Ils ont débité comme une fanfare brûleuse de planches mais
désormais le collectif lyonnais agrège des musiciens d’univers
divers et variés, et visiblement les Monstroplantes sont imbibés
de SF, version Comics ! Au nombre de neuf si l’on compte le
préposé aux sons en tous genres d’une musique véritablement
mutante, les membres de ce groupe omnivore présentent douze
titres, un remix et un inédit live dans une ambiance funky soul
survitaminée et pleine d’énergie rythmique. Jazzy à souhait avec
une section cuivres omniprésente, mais les scratches et les boucles
ne sont pas en reste. Ils concoctent
un surprenant revival arachnéen
avec Spiderman VS les Monstroplantes funky pur et dur où le
déhanché fait office de dogme !
FRÉDÉRIC ISOLETTA
Les Monstroplantes / Épisode N°1
Check point
«Chanter dans différentes langues est un premier pas quant à
l’intégration culturelle». La charismatique chanteuse Sista K
explique tout naturellement le choix de Radio Babel, nouvel
album des cosmopolites Watcha Clan. La musique a le pouvoir
de passer à travers les frontières, et les quinze titres (+ une vidéo)
corroborent ce pouvoir du son et des mots à outrepasser les
cloisons culturelles, de l’Orient proche à l’Est européen en
passant par le sud de l’Europe, sans oublier de se ressourcer à
certains fonds électro très bien pensés (Fever is rising). Avec le
concours du génial oudiste Mehdi Haddab, le casting
multiculturel prend son envol et laisse à point nommé son
empreinte dans un registre qui a besoin de renouveau. La
présentation de ce petit joyau à l’Affranchi le 25 fév et un mois
plus tard (le 26 mars) sur la scène du bien nommé Babel Med
Music aux Docks des Suds
donnera l’opportunité de découvrir
en live son énergie effervescente.
F.I.
Radio Babel
Watcha Clan
Piranha –Free Promo Disc
72
LIVRES/ARTS
Périls en la demeure
À l’heure du formatage mondial, les Habitants
atypiques ne sont pas toujours les bienvenus. On est en
droit de s’interroger (seraient-ils les derniers
irréductibles gaulois ?), de réfléchir plus largement à la
question du droit inaliénable au logement et, plus
particulièrement, à cet habitat synonyme d’indépendance et de liberté auquel Alexa et Irène Brunet
consacrent un ouvrage. Quatre années de voyage «à la
rencontre des bâtisseurs de tous poils» et des centaines
de clichés plus tard, elles racontent l’inventivité, la
précarité, l’incompréhension des riverains, la démarche éco-responsable, la naissance d’un nouveau
patrimoine à travers des portraits à triple détente. Les
photographies d’Alexa Brunet témoignent d’un choix
architectural comme d’un mode de vie, revue de
détails et de mises en situation, intérieurs-extérieurs,
avec ou sans les auto-constructeurs. Iconographie
vivante qui trouve un écho contrasté dans les illustrations de Maude Grübel en ouverture de chaque
séquence : ses planches révèlent les lignes de force de
chaque «maison» dans ou hors de son environnement
naturel ou urbain. Oui, il existe au cœur des villes,
comme à Brest, des empêcheurs de tourner en rond
comme autant de manières différentes d’habiter le
monde… Souvent décalés, les courts textes d’Irène
Brunet saisissent l’ambiance, creusent l’intimité,
fouillent les âmes, personnalisent l’édifice, condensent
quelques bouts de vies avec humour, tendresse et
quelques saillies parfois… Bref, roulottes, maisons sur
pilotis, huttes éphémères, yourtes ou habitat
troglodyte : dis-moi où tu habites, je te dirais qui tu es !
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
Habitants atypiques
Alexa Brunet, photographies et Irène Brunet, textes
Préface de Joy Sorman, illustrations Maude Grübel
Images en Manœuvres, 25 €
Hors champ et grand écart
Deux ans après son exposition à la galerieofmarseille,
le Bureau des compétences et désirs publie Story Mapping de l’artiste vidéaste franco-marocaine Bouchra
Khalili, trip en gris-noir-rouge-blanc raconté par
Philippe Azoury (Mobiles), Pascale Cassagnau (Les
cartographies aléatoires ici et là-bas), Omar Berrada (Le
contraire de la voix-off). Leurs écrits fonctionnent sur
le même principe que les vidéos de Bouchra Khalili
où les «images et les sons taillent leur route séparément». Des voix hors champ, pas off, qui disent les
strates enfouies derrières les images, leur montage et
leur collure : signes, frontières physiques ou imaginaires, passages, clandestinité, expériences humaines. Et
la traversée toujours, épine dorsale d’une œuvre écrite
à la source d’une enfance nomade. Qu’il s’agisse des
films Anya et Straight Stories. Part 1 ou des installations
vidéos comme Circle Line, son travail naît de
l’intrication d’éléments réels et fictionnels, se construit
à partir d’un récit et d’une parole, se conceptualise,
élabore une narration, avant de donner corps à une
partition filmique subjective. Le découpage déséquilibré du livre entre textes, photos tirées de ses œuvres
et photos pleine page de ses exhibitions en France et à
l’étranger rend compte de l’impossibilité à classifier
son œuvre, à la lisière du cinéma, de la vidéo, du documentaire, du reportage… Philippe Azoury ignore quel
est le meilleur espace pour la présenter : la salle de
cinéma «qui impose la vision bloquée» ou la galerie
qui «pose la question d’une distance cultivée» ? rêvant
même d’une devanture de vitrine… En attendant
cette rencontre inopportune, ce livre est l’occasion
d’une autre traversée.
M.G.-G.
Story Mapping
Bouchra Khalili
Co-édition Bureau des compétences et désirs, Nouvelles
Donnes productions/Les objets en plus, 14 €
Post it
L’œuvre-livre de Vincent Bonnet, Pense • bête, opère
délibérément un changement de statut du livre en
posant la question de son rapport au medium photographique, transformant un recueil lambda en imagier
répétitif dans sa combinaison interne, entêtant dans
l’alternance de bandes blanches, muet par l’absence
de repères. Aucun commentaire aucune date aucune
référence. Seul un texte manifeste de Jean-Marie
Gleize court le long de la couverture et zigzague entre
les mots : lignes, polaroïd, écran, «à la recherche de
l’image nue (moins le son), de l’écran nu (moins
l’image)», graphie colorisée, chromos lavés. La liberté
est immense ! À nous de folâtrer entre les photos
opérées entre 2010 et 1995 avec la tentation d’en
repérer certaines car l’artiste est prolixe et régulièrement exposé. Extraites des séries Des conversations et
On ne vit qu’une fois vues à La Compagnie ? dans la
vitrine de la galerie Où dans le cadre d’un projet avec
Les Instants Vidéos Numériques, l’Atelier Ici et La
Maison du Chant ? à moins que ce ne soit à Puyloubier pour son exposition Liquidations avec Voyons
voir… Qu’importe, ce tout en image composite est
un pur concentré de ses théories et de ses recherches
plastiques sur l’image - Vincent Bonnet prépare une
thèse d’esthétique sur la littéralité de l’image - et un jeu
de piste entre ses multiples travaux : contributions à
des revues artistiques, éditions de cartes postales ou
d’affiches, actions dans l’espace public… Toutes d’une
hyper efficacité, comme ce livre nu (moins le mot).
M.G.-G.
Pense • bête
Vincent Bonnet
Éric Pesty éditeur, 18 €
20 par 2 mn
«Le projet de notre association est depuis
l’origine de promouvoir l’œuvre des artistes
plasticiens travaillant dans la région Paca,
de différentes pratiques, qu’ils soient
reconnus ou non» rappelait Jacqueline
Reynier de Contre Vents et Marées lors
de la présentation de leur nouveau Dvd
Instants d’Art volume 2 aux ABD de
Marseille. La série Instants d’Art a été
conçue dans cette intention avec un
premier Dvd paru en 2004 réalisé par le
cinéaste Jean-Michel Perez. Celui-ci a
reconduit le protocole minimaliste du
précédent opus : deux minutes pour
chacun des vingt artistes, filmés pour la
majorité dans leur atelier, mouvements
de caméra au minimum, sans commentaire autre que celui offert par l’artiste
lui-même, apports choisis et discrets au
montage image/son. Ce dispositif dépouillé évite toute intrusion ou
brouillage dans la compréhension des
démarches et des œuvres et renforce
l’empathie envers celles-ci et leurs créateurs. Instants d’Art s’offre ainsi comme
une succession de rencontres, une mise
en bouche incitant à découvrir plus
avant vingt esthétiques portées selon
différents médiums parfois mêlés, de la
peinture (Ceccarelli, Surian, Fabre,
Balthazar, Fages, Thébault) à la
sculpture/installation (Coadou, Agate,
Goulois, Luu, Duskova), la céramique
(Larpent), le dessin (Houssin, Gouvernet), photo et vidéo (Hetzel, Galle,
Duchatelet, Lejeune, Nahon), la poésie
visuelle (Lenzi). Cependant le budget
de fabrication réduit impose l’absence
de livret : seulement quelques renseignements d’usage en quatrième de
couverture avec la liste des vingt artistes ! Léger en mains, l’objet fait un peu
cheap et un peu chic : titre en découpe,
la couverture cartonnée souple est d’un
blanc nacré séduisant. Les meilleurs
instants sont à l’intérieur…
CLAUDE LORIN
Instants d’Art volume 2
Les films de Nemo, Contre vents
et marées, 10 €
Total manga
Le manga, et la bande dessinée japonaise font l’objet de nombreuses études.
Mode d’expression graphique protéiforme, phénomène social, objet
consumériste et industriel planétaire, le
manga révèle «les évolutions de la société et des mentalités collectives japonaises»
comme ses réceptions par les différents
groupes sociaux à l’étranger. Spécialiste
du Japon contemporain, passionné de
ce médium populaire (il est fondateur
du réseau de recherche Manga Network
auquel est renvoyé le lecteur pour certaines précisions) Jean-Marie Bouissou
nous livre une étude approfondie et
lourdement documentée. Pour ce faire
il croise les différents domaines d’analyse : esthétique et sémiologie de l’image,
linguistique, histoire et sociologie,
économie et politique, philosophie,
psychanalyse. Mais bien que redevable
à la méthode universitaire ce travail, qui
veut visiblement faire obtenir des lettres
de noblesse au genre, constitue en tous
points une plongée captivante en eaux
profondes d’un mode d’expression souvent constaté comme stéréotypé et
vecteur d’acculturation. Mais n’en était-
il pas déjà ainsi dès les années soixante
lorsque les chercheurs se sont intéressés
à la bande dessinée occidentale dans les
labos des universités ?
C.L.
Manga
Histoire et univers de la bande dessinée
japonaise
Jean-Marie Bouissou
Philippe Picquier, 19,50 €
74
RENCONTRES
Libraires du sud /Libraires à Marseille
- 04 96 12 43 42
Rencontres avec le pasteur Frédéric Keller
et le père Paul Bony sur le thème : 50
ans de traduction œcuménique de la
Bible, le 17 fév à 18h30 à la librairie
Saint Paul (Marseille)
Avec René Lenoir et son fils Frédéric
pour une conférence, suivie d’un débat,
sur le thème Quelles valeurs universelles
pour surmonter la crise mondiale, le 24
fév à 20h30 à la Manutention (Embrun)
Itinérances littéraires : rencontre avec
Anahide Ter Minassian et Houri
Varjabédian pour Nos terres d’enfance L’Arménie des souvenirs (Parenthèses,
2010), le 16 fév à 17h30 à la librairie
Prado Paradis (Marseille), le 17 fév à
18h30 la librairie La Carline (Forcalquier), le 18 fév à la librairie Masséna
(Nice) ; avec Mathias Énard pour Parleleur de batailles, de rois et d’éléphants
(Actes Sud), le 9 mars à la librairie Maupetit (Marseille), le 10 mars au Forum
Harmonia Mundi (Aix), le 11 mars à la
librairie Actes Sud (Arles).
AIX
Bibliothèque Méjanes – 04 42 91 98 88
Rencontre-débat, animée par Nathalie
Guimard de l’association Fotokino, avec
Aline Ahond, réalisatrice de courts métrages en animation, photographe,
auteur-illustrateur de livres jeunesse aux
éditions Mémo et Mango, le 2 mars à
16h.
Fondation Vasarely – 04 42 20 01 09
Ateliers d’arts plastiques pour les enfants
autour des notions de formes et de
couleurs, les 22, 24 et 25 fév de 14h30
à 16h30, et les 1er et 2 mars de 14h30 à
16h30.
Centre aixois des Archives départementales – 04 42 52 81 90
Dans le cadre de la Journée internationale des femmes, regard sur CarmenSeitas
et les femmes ouvrières : performances
autour de la pièce d’Edmonde Franchi,
Carmenseitas, avec les comédiennes, le 9
mars à 18h30 ; débat sur la femme et le
monde du travail animé par les comédiennes et les historiens Philippe Mioche
et Robert Mencherini, le 9 mars à
19h30.
ARLES
Atelier Archipel – 06 21 29 11 92
Exposition de Sarah Dorp, sculptures,
installations, du 6 au 27 mars.
Musée Arlaten – 04 90 93 58 11
Programmation hors les murs : Ethno’
balade : Sur la trace des marins dans le
quartier de la Roquette, dès 14h30 le 16 fév.
AUBAGNE
Médiathèque - 04 42 18 19 90
Du 26 fév au 12 mars, installation
participative de Marie-Pierre Florenson, photographe : médiathèque, un
espace et ses mondes. Des photogra-
AU PROGRAMME
phies de lecteurs seront présentées
sous forme de mosaïque, et les visiteurs pourront choisir une citation sur
la lecture et la placer sous l’image de
leur choix. Le 26 février de 15h à
17h, café-rencontre avec Marie-Pierre
Florenson.
GAP
Litera 05 – 04 92 51 13 96
Livres nomades, rencontrer des livres,
des lecteurs, des écrivains : rencontre
avec Denis Grozdanovitch pour son
livre Rêveurs et nageurs (éd. Points, 2007)
et son dernier ouvrage La secrète mélancolie des marionnettes (L’Olivier, 2011),
le 9 mars.
ISTRES
Centre d’art contemporain intercommunal – 04 42 55 17 10
Exposition de Bruno Peinado, Les trois
princes de Sérendip, près de la fontaine
moussue. Du 18 fév au 3 avril.
LA SEYNE
Les Chantiers de la lune – 04 94 06 49 26
Exposition de Rustha Luna, Armée de
femmes, jusqu’au 12 mars.
MARSEILLE
La Marelle/Des auteurs aux lecteurs –
04 91 05 84 72
Lieu de résidences d’auteurs, de rencontres et de productions littéraires : François
Beaune entame une résidence qui
prendra fin mi-juillet.
Dans le cadre du programme Entre les
lignes, rencontre avec Maïssa Bey, le 4
mars à la médiathèque Louis Aragon à
Martigues ; rencontre avec Maïssa Bey
le 2 mars à la librairie Le Grenier
d’abondance à Salon.
CIPM – 04 91 91 26 45
Exposition Claude Royet-Journoud,
The Time Literary Supplement, jusqu’au
19 mars.
Black Mountain College, présentation
des dernières traductions de Robert
Creeley et Charles Olson, avec J. Daive,
M. Richet, Auxemery et S. Bouquet, les
18 et 19 fév.
Import/export – Bombay-Marseille, le
retour : 2e session, à Marseille, après
Bombay en sept 2010, de l’atelier de
traduction mené par 3 poètes indiens et
3 français, Sampurna Chattarji, Mustansir Dalvi, Hermant Divate, Franck
André Jamme, Danielle Mémoire et
Caroline Sagot-Duvauroux.
Institut Culturel Italien –
04 91 48 51 94
Exposition Il Risorgimento histoire de
l’unità, personnages, batailles et allégories
de l’Italie unie organisée en collaboration
avec Le Museo Centrale del Risorgimento de Rome, du 22 fév au 31 mars.
Exposition des photos prises sur les
plateaux des films de Pupi Avati, du 1er
mars au 19 avril.
Conférence d’Angelo Vergari sur La
danse aujourd’hui en Italie et en France, le
3 mars à 18h.
Conférence de Raffaele de Ritis, historien du spectacle populaire, sur le cirque,
le plus grand spectacle du monde, le 17
fév à 18h.
Echange et diffusion des savoirs –
04 96 11 24 50
Conférences à l’Hôtel de région à
18h45 : Charles Malamoud, indianiste,
sur Vérité, fiction, connaissance : que nous
dit l’Inde ?, le 3 mars ; Henri Atlan, bilogiste et philosophe, sur La fraude,
demi-vérités et mensonge total, le 10 mars.
BMVR Alcazar – 04 91 55 90 00
Exposition de Marcel Bataillard, Narcisse, Méduse, Icare, Sisyphe, le peintre
aveugle et autres mythes, jusqu’au 26 fév.
Exposition Planète mode : modèles sur
mannequins créés par les sections Mode
des lycées d’enseignement professionnels
et par les jeunes créateurs indépendants,
jusqu’au 26 fév.
Galerie Juxtapoz – 09 51 23 10 09
Exposition de l’artiste peintre Virginie
Biondi, jusqu’au 2 mars.
Regards de Provence – 04 91 42 51 50
Retrospective Félix Ziem, jusqu’au 22
mai au Palais des arts de Marseille.
ABD Gaston Deferre - 04 91 08 61 00
Om al hikaya, la mère des histoires : spectacle littéraire proposé dans le cadre de
l’exposition Un lieu des liens, de Lamine
Diagne, comédien et musicien, inspiré
des contes de la Tunisie, accompagné du
chant des tisseuses berbères et des paysages sonores tunisiens, le 23 fév à 14h30
dans l’autorium
Dans le cadre de Marseille la Méditerranéenne, table-ronde sur Progrès
techniques et conflits d’intérêt : l’exemple des Arméniens et des Catalans, avec
Olivier Raveux et Daniel Faget, le 17 fév
à 18h30 ; conférence de Jocelyne Dakhlia,
directrice d’études à l’EHESS-CRH, sur
Langue, commerce et cosmopolitisme, le 10
mars à 18h30.
Dans le cadre de Ces étonnants archivores, balade-atelier avec Nicolas
Mémain à Saint-Mauront, quartier
marseillais extra-pur, le 26 fév de 10h à
16h30.
Dans le cadre de la Journée internationale des femmes, regard sur CarmenSeitas
et les femmes ouvrières : expo sur l’histoire d’une manufacture des tabacs de
1890 à 1990, du 1er au 7 mars ; performances autour de la pièce d’Edmonde
Franchi, Carmenseitas, avec les comédiennes, le 7 mars à 18h30 ; débat sur la
femme et le monde du travail animé par
les comédiennes et les historiens
Philippe Mioche et Robert Mencherini,
le 7 mars à 19h30.
Association pour l’Intégration des
personnes en situation de Handicap –
04 91 13 41 30
Exposition réalisée en collaboration de
Jean-Jacques Surian : Regards, gestes et
signes, jusqu’en mai.
Art-Cade – 04 91 47 87 92
Archipélique 3 : l’ESBAM présente une
sélection des travaux de la promotion
2010 des options Art et Design dans 3
galeries de la ville : Montgrand, galerie
de l’ESBAM et galerie des Grands Bains
Douches, jusqu’au 25 fév.
Alphabetville – 04 95 04 96 22
Le 8 mars à 18h30, Jean-Paul Fourmentraux présente Art et Internet (éd.
CNRS), Anne Laforest présente Le net
art au musée. Stratégies de conservation des
œuvres en ligne (éd. Questions
théoriques).
Office du tourisme et des congrès –
0826 500 500
Activités pour les enfants : jeu de piste
Entre pierre et mer : itinéraire pédestre
autour du Vieux-Port à la découverte des
sculptures de façades sur le thème de la
mer, les 10 et 23 fév et le 3 mars ; chasse
au trésor autour du Vieux-Port, les 19 et
26 fév et 12 mars ; visites du stade
vélodrome, du 28 fév au 11 mars.
MARTIGUES
Musée Ziem – 04 42 41 39 60
Exposition De la réalité au rêve, l’objet
ethnographique et sa représentation, du
jusqu’au 12 juin
ORANGE
Librairie l’Orange bleue –
04 90 51 78 59
À l’occasion de la journée de la femme,
lecture d’extraits du dernier essai de
Christine Bard, Une histoire politique du
pantalon (éd. Seuil) par la compagnie
Labo T., le 11 mars à 19h.
SAINT-VINCENT-SUR-JABRON
Association Terre d’encre –
04 92 62 08 07
Veillées d’écriture : deux ateliers d’écriture séparés et reliés par un repas, de 19h
à minuit les 25 fév et 18 mars à la salle
Gonsaud
TOULON
Compagnie Les Bijoux indiscrets –
06 42 12 32 31
Dans le cadre du 1er festival musical
Présences féminines, conférences, au
Conservatoire national, de Florence
Launay, historienne de la musique, sur
Les compositrices françaises de 1789 à
1914, le 11 mars à 18h, et de Bertrand
Porot, musicologue, sur Être femme
musicienne sous l’ancien régime, le 12
mars à 14h30.
TRETS
Maison de la culture et du tourisme –
04 42 61 23 75
17e journée des écrivains de Provence :
rencontres et dédicaces avec notamment
Gilles Ascaride, Henri-Frédéric Blanc,
Sylviane Reboul, Serge Scotto, Jean
Contrucci, André Fortin, Maurice
Gouiran… Le 13 mars au Château des
Remparts.
Esquisses d’exquises vacances des skis ? Février ne fait pas fièvre
de ferveurs scientifiques et techniques. Rien sur la glisse ! Ceci
permet de glisser un mot sur certaines associations sur
lesquelles parfois nous dérapons faute de blancs espaces
Levez le voile sur Petits Débrouillards
L’Association Les Petits Débrouillards a été créée il y a sept ans à Marseille sur la
conviction que la culture scientifique et technique apporte une contribution
fondamentale à l’éducation et à la formation des citoyens. Culture qui «ne peut
s’acquérir que par la pratique, l’échange, le débat et ce à tout moment de la vie et en
étroite liaison avec le quotidien». À cet effet, l’association s’emploie à favoriser auprès
de tous, et plus particulièrement des enfants et des adolescents, l’intérêt pour les
sciences et techniques. Pour faire accéder le plus grand nombre à la connaissance
et la pratique, elle fait appel à tous les moyens pédagogiques en privilégiant la
démarche participative, expérimentale et ludique. Cette association n’accueille pas
de public dans ses locaux mais intervient dans diverses structures de toute la région
pour démontrer que la science n’est pas réservée aux seuls spécialistes et qu’elle est
omniprésente dans notre vie quotidienne. En 2002, l’association a ouvert une
antenne dans le Vaucluse désormais localisée à Caumont sur Durance près
d’Avignon, puis une antenne varoise à Toulon en 2003. L’association cherche en
permanence de nouveaux «animateurs scientifiques». Sa prochaine formation se
déroulera du 23 au 28 avril en internat dans le Vaucluse. Pour tout renseignement :
www.lespetitsdebrouillardspaca.org/spip.php?page=calendrier&id_evenement=48
Siège social et Antenne Bouches du Rhône : Frais Vallon, Marseille 13e
04 91 66 12 07 / 06 16 43 01 88
Brevet supérieur ?
Dans le cadre de son cycle de conférences Horizon des savoirs qui a pour thème cette
année «peut-on faire l’économie de la science ?», Christophe Bonneuil, chargé de
recherche au CNRS au centre Alexandre Koyré de recherche en histoire des sciences
et des techniques et («sous réserve» ?!) Fabienne Orsi, économiste, chargée de
recherche à l’Institut de recherche pour le développement [IRD] exciteront nos
inquiétudes à propos de «l’appropriation» du vivant à l’échelle de l’ADN ou de la
remise en cause de l’accès des populations les plus pauvres du monde aux
médicaments. Doit-on pour autant remettre en cause les brevets qui sont devenus
des éléments incontournables de la recherche, de l’innovation et de l’industrie ?
Graves questions abordées dans la conférence : «Vers une privation de la
connaissance ? Médicaments, vivant : les brevets ont-ils tous les droits ?».
Espace Ecureuil, Marseille 6e, le 15 mars 2011 à 18h30
CONCOURS
AGGLOPOLE PROVENCE
Service culture – 04 90 44 77 41
Dans le cadre de la 6e édition de la manifestation Lire Ensemble qui aura lieu du 1er
au 16 avril, lancement des concours de nouvelles et de marque-pages, dont la date
limite d’envoi est fixée au 1er mars : concours adulte, ouvert à toute personne de plus
de 18 ans n’ayant jamais publié sur le thème Bleu(s) à l’âme ; concours jeunes sur le
thème Peur bleue(s), concours de marque-pages pour les enfants de 3 à 8 ans et de
création de poésie libre illustrée pour les enfants de 8 à 11 ans sur le thème du bleu.
MARSEILLE
Couleurs Cactus – 06 98 72 29 07
Dans le cadre du 3e Festival du livre de la Canebière qui aura lieu en juin : concours
de nouvelle sur le thème Vers d’autres rivages ouvert à tous les auteurs n’ayant jamais
publié. Date limite d’envoi, par courrier et mail) le 2 mai. Appel à candidature pour
une œuvre d’art originale, en volume, destinée à l’espace public, date limite de
réception des dossiers de candidatures le 28 fév.
FAIAR Cité des Arts de la rue – 04 91 69 74 67
Appel à candidature pour la 4e promotion, date limite de remise des dossiers fixée au
31 mars.
SIMIANE-COLLONGUE
OMC – 04 42 22 81 51
Concours de nouvelles sur le thème L’enfance, un droit ? 3 critères à développer : l’art
descriptif, l’art du dialogue et l’art de faire passer des émotions et son ressenti. Forme
libre, ouvert aux non professionnels. Exposition des textes et remise des prix le 14 mai
lors de la Fête des tout-petits. Date limite d’inscription : le 6 mars.
76
HISTOIRE
ÉCHANGE ET DIFFUSION DES SAVOIRS
Franco Farinelli, géographe
italien de son état,
était convié à s’exprimer
sur les bouleversements
actuels de la cartographie
La cosmogonie grecque pensait la distinction à
partir de trois entités originelles : Ciel, Terre, Océan
permettent de sortir du chaos où tout est
confusion. L’union du Ciel et de la Terre entraîne le
don d’un manteau qui recouvre Chton (terre) et sur
lequel on peut distinguer montagnes et fleuves,
ses formes dessinées : elle change alors de nom et
devient Gê. Dans la pensée occidentale, ce manteau
implique symboliquement que l’on ne connait pas
les choses mais seulement leur forme. Anaximandre
(VIIe s avant J.-C.), lui, construit la première carte
géographique de la terre, en bronze. Il fixe les
choses et, en contrepartie, en interdit le
changement.
État et perspective
Cette méditation sur l’espace conduit, plus tard, à
une autre construction, celle de l’État moderne.
Comme la carte, il est né de la logique géométrique, et réduit la réalité à l’espace. Il est continu,
c’est-à-dire que son territoire tient en un seul bloc.
Il est homogène, autrement dit peuplé de gens
d’une même culture. Il est isotropique, centré
La carte
et le territoire
monde est un regard spatial, un monde qui se
transcrit par la carte.
Monde sphère
Decouverte de l'Amerique Christophe Colomb debarque sur l'ile de San Salvador en 1492
autour d’une capitale. Ainsi, la notion d’espace
remplit le cadre de pensée occidental. Elle émerge
réellement à partir de la renaissance italienne. À
Florence, au XVe siècle, Brunelleschi édifie le
portique de Lo spedale degli innocenti. Il rompt
avec le passé et impose ce que nous appelons,
depuis, la perspective : le sujet, immobile, voit
instantanément ce qu’il a devant lui, et, d’un seul
coup d’œil, embrasse ce qui est visible. La relation
du sujet avec la réalité en est changée : entre l’être
et l’objet naît une distance, mesurable, qui permet
de connaître, et l’œil tient la place essentielle dans
cette appréhension. Les villes, l’urbanisme, reprennent ce modèle florentin : on construit et l’on
perçoit selon la géométrie linéaire. Lorsque
Christophe Colomb découvre l’Amérique, il décrit
sa vision comme un point qui apparaît sur l’horizon : un point de fuite, celui-là même qui règle la
perspective moderne. La découverte du nouveau
Aujourd’hui, nos conceptions sont bouleversées par
l’informatique : l’espace et le temps se confondent.
Les lieux s’inscrivent comme une série de points
indépendants. Mieux, avec le Web, tout tient dans
un seul lieu, la distance s’est anéantie dans l’immédiateté. La globalisation a fait de l’espace une
annexe dans l’explication du fonctionnement du
monde. La terre de carte est devenue sphère, et la
sphère ne peut être réduite à la carte car certains
points disparaissent. C’en est fini d’une mondialisation constituée de flux et organisés par des
points, les villes, sur la surface de la terre. Notre
fonctionnement économique crée une instantanéité des événements et supprime, de ce fait, la
distance du sujet à l’objet. Dans notre mondesphère, nous avons les objets en face de nous sans
pouvoir les reconnaître. Tous les points y sont à la
même distance, et en mouvement, en même temps,
contrairement à l’organisation de la perspective.
Comment alors se représenter et décrypter le
monde actuel ; comment alors éviter les crises ?
Même soutenu, le débat n’apporta pas de réponse.
RENÉ DIAZ
La crise de la raison cartographique,
conférence du 3 février
Un magistrat à la voix claire
Quel orateur, ce Denis Salas ! Une conférence
d’une heure et demie que l’on ne voit pas passer, un
propos lucide, nuancé et convaincant... Cette fois
encore un intervenant du cycle Échange et
Diffusion des Savoirs force le respect.
Frisson, lorsque le magistrat évoque Mama Galladou, immolée en 2006 dans un bus marseillais par
une bande de jeunes incendiaires. Une question est
alors apparue centrale : la victime demandait à
connaître la vérité, elle voulait savoir qui avait jeté
le chiffon imbibé d’essence. Or «le droit n’a pas
besoin d’aller chercher cette vérité-là», puisque tous
les jeunes étaient reconnus «co-auteurs» des faits.
La vérité judiciaire «n’est pas un fait, une donnée
accessible ; elle est toujours de l’ordre du récit, de la
représentation, du témoignage.»
C’était aussi la demande des familles lors de l’affaire
des hormones de croissance ; même sans condamnation pénale, les accusés sont confrontés aux
victimes, «et ce n’est pas rien, cette confrontation
cognitive, cathartique.» C’était le cas lors des procès
des dignitaires nazis après-guerre, lorsqu’il a fallu
identifier l’inextricable faute, car du côté de
l’accusation on attendait la réponse de la justice à
l’irréparable, une narration intelligible, la qualification des actes. «Les mots du droit se posent sur des
crimes sans nom.»
Denis Salas questionne la preuve, le passage du
temps de l’écrit, du dossier, à celui du débat contradictoire où «l’oralité des débats secoue l’écrit»,
l’intime conviction, et décrit le mécanisme de
l’erreur judiciaire «cristallisée sur une vérité emportant tous les acteurs de la justice dans son sillage.»
L’affaire Outreau a laissé des traces, et le magistrat
souligne l’articulation délicate entre l’intérêt des
victimes et celui des prévenus, autour de la notion
de vérité. Il nous dit le rôle des médias dominés
par l’émotionnel, l’importance cruciale d’avoir une
justice indépendante face aux compromissions
politiques et aux intérêts financiers. Parle de démocratie, autre frisson...
Et revient à Mama Galladou, qui a eu sa réponse
lorsque l’un des jeunes incendiaires a fini par
avouer. «Cette demande des victimes a un sens.
Jetées hors de l’humanité, avec un corps souillé,
elles espèrent une part d’humanité chez leurs agresseurs, qui leur permette de retrouver la leur. Mettre
un visage, un nom sur cette violence anonyme. Cette
demande inédite de vérité est le défi que la justice
doit relever.»
Une part d’irréparable demeure, seulement on peut
alors se dire : c’est toujours un monstre, mais il
appartient au genre humain.
GAËLLE CLOAREC
Qu’est-ce que la vérité judiciaire?,
conférence du 27 janvier
ABD GASTON DEFFERRE | LE PHARO
Tenir aux autres
La Bibliothèque Départementale des Bouches-duRhône héberge jusqu’au 16 avril une exposition
magnifique. Magnifique, parce que ce que l’on y
voit est beau : les photographies sont expressives,
bien cadrées, bien construites, et les textes,
maquettes et illustrations sont tous de grande
qualité. Mais elle est surtout magnifique par ce
qu’elle offre généreusement : un accueil et une
chaleur humaine rares.
La scénographie inventive et empreinte de sens du
détail invite au voyage tout autant qu’à s’attarder
auprès de chacune des personnes rencontrées.
Dépaysement : le «bled» est loin, on est invité à s’y
rendre via différents itinéraires, par le Sahara et les
oasis ou par la côte. De Bou Saad, petit village du
sud tunisien, on dirait que les artistes ont tiré la
substantifique moelle ; riche idée d’associer images
fixes et sons ! Quelques réglages techniques et
l’iPod gracieusement prêté à l’accueil nous
transporte à l’ombre d’un palmier. Des enfants
© S. Keller
s’ébattent, un mécanicien fait vrombir un moteur
(la 404, le dromadaire du désert), l’instituteur du
village murmure, un slammer écrit à sa mère et une
vieille dame évoque le passé en caressant son chat.
Il est aisé de s’attarder ici ou là, selon qu’un visage
soudain se met à nous parler intimement, ou qu’un
objet détourné de sa fonction première avec
ingéniosité aura retenu notre regard : ah, poésie
des coussins-millefeuilles en boîtes d’œuf, du
kanoun fait avec une jante en métal ! On est loin
de notre culture de l’abondance et du gaspillage…
Au-delà du bled
Car cette exposition nous parle aussi, par hasard
(mais les coïncidences ont souvent du sens), de la
révolution tunisienne. Conçue avant les
événements, les portraits de Ben Ali y apparaissent
au détour des images, la pauvreté s’affiche aussi,
les conditions de vie qui fleurent la misère, et puis
ce mot, «bled», et son histoire, qui d’un terme
© S. Keller
HISTOIRE 77
Arabe connotant l’attachement et l’appartenance a
fait, en Français des colonisateurs, un mot péjoratif
et méprisant…
L’exposition élargit son champ, passe les frontières.
Du récit et de la musique partout, de vieux
écouteurs en bakélite, une chanson de Pigalle, Dors
petit bled, plus loin quelques portraits en pied et la
possibilité d’entendre chaque homme et chaque
femme vous livrer son histoire dans le creux de
l’oreille. Voilà la cornemuse traditionnelle dite
«mezwed», dont le nom signifie viatique, la
provision que l’on emporte pour la route ; elle est
arrivée ici au temps des croisades. Et l’art postal,
l’atelier d’écriture, les planches de bandesdessinées... Qui eût cru que le mot «bled, évocateur
de grammaire ou de mal du pays, éveille tant
d’échos ?»
C’est qu’il y en a des choses à voir dans cette
exposition, à tel point que l’on se demande si l’on
n’a pas réellement été embarqué en voyage, le
temps d’une visite ! À l’heure du retour on a encore
en tête la voix douce d’un adolescent chantant en
arabe le dépaysement.
À l’origine de ce beau séjour, deux jeunes gens,
Samuel Keller, Michaël Zeidler, partis de la Drôme
pour découvrir le monde. Ils l’ont fait avec grâce,
pudeur et générosité, et rigueur scientifique. Sans
oublier le ludique, pour qu’à tout âge on puisse en
profiter. Ne vous en privez pas.
GAËLLE CLOAREC
Un lieu, des liens
Jusqu’au 16 avril
ABD Gaston Defferre, Marseille
04 91 08 61 00
www.biblio13.fr
Écologie
de Fos(se)
Sous l’égide du commandant de la marine de
Marseille, une conférence organisée par Jean
Boutier, infatigable animateur et chercheur renommé, a permis d’assister à l’exposé de Daniel Faget
spécialiste des relations entre les écosystèmes et
les sociétés. Dans le golfe de Fos, dès le XVIIIe, les
populations parlent de dépérissement. Dans les
archives, le mot «stérilités» traduit l’inquiétude des
pêcheurs devant la raréfaction des espèces. Il
semble que la «pêche aux bœufs», en fait un chalut,
véritable révolution sur les côtes méditerranéennes, ait fortement augmenté les prises mais aussi
dégradé les fonds. Parallèlement, seuls les plus
fortunés ont pu investir dans les nouveaux bateaux, laissant pour compte les plus modestes des
marins.
À Marseille les industriels du savon se sont installés
sur le quai de Rive Neuve, au début du XVIIIe siècle,
et génèrent des résidus acides très corrosifs, les
«cendres» ou «terres» de savonnerie. Ces déchets,
encombrants et dangereux, sont jetés dans le port.
La protestation des autorités municipales, suite à
l’obstruction générée dans le bassin, oblige les
savonniers à déverser leurs rejets dans les anses
voisines : la Réserve, le Pharo, les Catalans. Autant
de zones dévastées pour la faune et la flore !
La troisième source de dégâts provient de l’urbanisation et de tous les détritus que l’on immerge sans
précautions. L’ensemble de ces atteintes provoquent
une raréfaction des espèces comme le phoque
moine ou la datte de mer. Au XIXe siècle, une étape
est franchie dans le saccage. La surpêche entraîne
une hausse des prix du poisson, la baisse de la
consommation au profit des coquillages et, désormais, la confection de la bouillabaisse avec des
espèces venues de l’Atlantique, acheminées par le
fameux P.L.M ! Les anses se remplissent de «terres»
de savonnerie, tandis que l’extension du port vers
la Joliette aura l’heureux effet de les faire disparaître dans les nouveaux aménagements. Quant aux
eaux usées, abondantes, elles bénéficieront d’un
nouvel émissaire, à Cortiou, pour diffuser la pollu-
tion à l’Est de la ville.
Ces atteintes au milieu conduisirent la population
à une réaction paradoxale : il fallait détruire les
prédateurs marins qui menaient une concurrence
déloyale ! La Royale et les techniques de guerres
furent mobilisées pour détruire dauphins, marsouins
et autres phoques ; même la baleine prend place
dans le panorama des monstres (en 1870, on
exhibe dans les rues de Marseille un cétacé échoué
dans une crique du Château d’If) ! Fort heureusement, dans cet âge de ténèbres écologiques, des
naturalistes, comme Antoine Marion et Paul
Gourret, œuvrèrent pour établir les responsabilités.
Prise de conscience ténue mais vouée à de grands
développements…
On attend avec impatience la sortie du livre de
Daniel Faget et la suite de ses développements !
RENÉ DIAZ
Transformations de l’environnement maritime
dans le golfe de Fos depuis le XVIIIe siècle,
conférence du 20 janvier au Pharo, Marseille
78
ADHÉRENTS
Nos Partenaires vous offrent invitations, réductions et avantages ! Pour les places gratuites,
téléphonez-leur rapidement pour réserver, puis présentez votre carte de membre (1 place par carte nominative).
Pour les réductions, présentez simplement votre carte (réduction valable seulement pour l’adhérent)
Le Gyptis
2 invitations par soir
pour Roméo et Juliette
le 15 mars à 20h30
le 16 mars à 19h15
tarif réduit B (15€ au lieu de 24)
à toutes les représentations
04 91 11 00 91
La Criée
8 invitations
pour Le Récit de la servante Zerline
le 11 mars à 20h
04 91 54 70 54
La Minoterie
Tarif réduit pour toutes les
représentations
8 € au lieu de 12€
04 91 90 07 94
Les Bancs Publics
1 place offerte pour 1 place achetée
pour tous les spectacles
04 91 64 60 00
Théâtre Vitez
4 invitations par soir
pour Nina ? épilogue
le 16 fév à 19h
pour Le Verfügbar aux enfers
le 16 mars à 20h30
2 invitations par soir
Pour Le diable probablement
Du 8 au 12 mars
04 42 59 94 37
Théâtre des Ateliers (Aix)
Tarif réduit à 10€
Pour Voyage sur place
Les 10, 11, 12, 17, 18 et 19 mars à
21h
Les 13 et 20 mars à 18h
04 42 38 10 45
Pavillon Noir (Aix)
4 invitations par soir
pour Madame Plaza
Mensuel gratuit paraissant
le deuxième mercredi du mois
Edité à 30 000 exemplaires
imprimés sur papier recyclé
Edité par Zibeline SARL
76 avenue de la Panouse | n°11
13009 Marseille
Dépôt légal : janvier 2008
Directrice de publication
Agnès Freschel
Imprimé par Rotimpress
17181 Aiguaviva (Esp.)
photo couverture
Palais de la Bourse
© Agnès Mellon
Conception maquette
Max Minniti
Rédactrice en chef
Agnès Freschel
[email protected]
06 09 08 30 34
Librairie Maupetit
(Marseille 1er)
La Canebière
5% de réduction
sur tous les livres
Le 8 mars à 20h30
Le 9 mars à 20h30
pour Un cri
Le 11 mars à 20h30
Le 12 mars à 19h30
0811 020 111
Le Sémaphore (Port-de-Bouc)
Tarif préférentiel à 8€
pour Hey Mambo ! ou le métier de
vivre
le 11 mars à 20h30
04 42 06 39 09
Tamdem (Var)
5 invitations
pour le concert de The Legendary
Tiger Man
Le 18 fév à 21h au théâtre Denis
(Hyères)
pour le concert de Fredrika Stahl
le 18 mars à 21h au théâtre Denis
04 98 07 00 70
3bisf (Aix)
Entrées et visites gratuites sur
réservations
04 42 16 17 75
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d’une valeur de 32 €,
cette «carte adhérent»
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les services de l’Institut,
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Douche de la Plaine
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au bar de la galerie
04 91 47 87 92
L’histoire de l’œil
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Tendances Créatives
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Du 17 au 20 fév
Tarif préférentiel à 5€
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280 bd Michelet, 3ème étage
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L’imprimeur Magenta
10% de remise sur tous travaux
d’impression
04 91 32 64 54
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(Marseille 12e)
Centre commercial Saint Barnabé
Village
30 rue des électriciens
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Polyvolantes
Chris Bourgue
[email protected]
06 03 58 65 96
Frédéric Isoletta
[email protected]
06 03 99 40 07
Maryvonne Colombani
[email protected]
06 62 10 15 75
Dan Warzy
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Delphine Michelangeli
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06 65 79 81 10
Arts Visuels
Claude Lorin
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06 25 54 42 22
Cinéma
Annie Gava
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06 86 94 70 44
Marie-Jo Dhô
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Livres
Fred Robert
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06 82 84 88 94
Élise Padovani
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Maquettiste
Philippe Perotti
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06 19 62 03 61
Secrétaire de rédaction
Jeunesse, livres et arts visuels
Marie Godfrin-Guidicelli
[email protected]
06 64 97 51 56
Histoire et patrimoine
René Diaz
[email protected]
Philosophie
Régis Vlachos
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Sciences et techniques
Yves Berchadsky
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Librairie Au poivre d’Âne
(La Ciotat)
12 rue des frères Blanchard
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Le Greffier de Saint-Yves
(Marseille 1er)
librairie générale et juridique
10 rue Venture
5% de réduction
sur tous les livres
Musique et disques
Jacques Freschel
[email protected]
06 20 42 40 57
Secrétaire de rédaction
spectacles et magazine
Dominique Marçon
[email protected]
06 23 00 65 42
Librairie de Provence (Aix)
31 cours Mirabeau
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Auto Partage Provence
6 mois d’abonnement gratuit d’essai
vous disposez d’une voiture quand
vous le souhaitez,
à réserver par téléphone
ou Internet,
24h/24, 7j/7,
selon vos besoins
04 91 00 32 94
www.autopartage-provence.com
Ont également participé à ce numéro :
Yves Bergé, Aude Fanlo, Emilien
Moreau, Pierre-Alain Hoyet,
Christophe Floquet, Christine Rey,
Rémy Galvain, Gaëlle Cloarec,
Jean-Mathieu Colombani
Photographe
Agnès Mellon
095 095 61 70
photographeagnesmellon.blogspot.com
Directrice commerciale
Véronique Linais
[email protected]
06 63 70 64 18
Chargée de développement
Nathalie Simon
[email protected]
06 08 95 25 47