Phaeocystis globosa
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Phaeocystis globosa
Note scientifique n° 2 - Phaeocystis globosa De la mousse sur les plages du Nord - Pas de Calais … Depuis plusieurs décennies, les plages du Nord-Pas-deCalais sont régulièrement recouvertes, de mars à mai, d’une mousse relativement épaisse. A l’origine de ce phénomène : des blooms printaniers d’une micro-algue, du genre Phaeocystis, qui prolifère dans les eaux marines et dont la fin de floraison conduit par temps agité à des accumulations d’agrégats mucilagineux sur les côtes. A ce jour, il existerait 6 espèces du genre Phaeocystis possédant une distribution mondiale très large, allant des régions polaires aux régions tropicales 1. Parmi elles, trois espèces peuvent former de larges colonies mucilagineuses 1 et générer des blooms dans des régions riches en sels nutritifs 2 : Phaeocystis pouchetii, Phaeocystis antartica et Phaeocystis globosa, l’espèce tempérée que l’on retrouve dans les eaux côtières du sud de la Chine mais également ici en Manche orientale et au sud de la mer du Nord 3. A la fin du bloom, la détérioration des colonies mucilagineuses et la lyse des cellules de Phaeocystis conduisent un relargage massif de matière organique dissoute, riche en glucane et en mucopolysaccharide. Des conditions de vent spécifiques (direction, intensité...) et le ressac des vagues vont favoriser la formation d’une émulsion de cette matière détritique conduisant à cette mousse rapportée en bordure littorale 4, 5. (A) (B) F. ARTIGAS (A) Cellule de Phaeocystis globosa (Phylum : Haptophyta, Classe : Prymnesiophyceae, Ordre : Prymnesiales), de 3 à 9 µm de diamètre 6. (B) Colonie mucilagineuse formée par une centaine, voire des milliers, de cellules et pouvant atteindre plusieurs millimètres de diamètre 7, et parfois même 3 cm 8, 9. Quels sont les facteurs à l’origine de ces blooms massifs ? L’observation de blooms de Phaeocystis globosa depuis les années « 70 »10 laisse penser que les causes de ces proliférations printanières et récurrentes en Manche orientale seraient d’origine anthropique. L’hypothèse d’eutrophisation est en effet avancée pour expliquer les variations d’abondance, la durée et la fréquence des blooms de Phaeocystis 11. Cependant, il est à noter que des blooms de Phaeocystis peuvent se produire ailleurs dans le monde, sans que les perturbations anthropiques soient pour autant des facteurs déclencheurs et/ou stimulants 1, 12 . L’intensité des blooms dans la Manche orientale seraient dès lors reliée aux flux de sels nutritifs apportés par les fleuves et également à la NAO (Nord Atlantic Oscillation) 3, 11. Quels sont les impacts écologiques et économiques ? Bien que les proliférations de Phaeocystis constituent des événements extrêmes épisodiques, les conséquences écologiques en fin de bloom sont multiples pour l’écosystème marin : impacts sur le benthos 3, 13, 14, rôle clé dans les cycles biogéochimiques du carbone et du soufre 1… D’un point de vue économique, l’abondante mousse résultant des proliférations de Phaeocystis est une source d’inconvenances pour certains usages tels que le tourisme local ou la pêche.... De ce fait, même si Phaeocystis globosa n’est pas considérée comme étant toxique, ses blooms sont classés R. SION comme nuisibles et identifiés dès lors comme « HAB » (Harmful Algae Bloom) 3. Les études portant sur Phaeocystis globosa sont nombreuses. Un suivi national de surveillance du phytoplancton « REPHY » a été mis en place. Dernièrement, deux programmes de recherche spécifiques intitulés « CPER 2001-2006 Ecosystèmes perturbés du littoral : bloom de Phaeocystis » et « PNEC 2002-2006 - Chantier Manche Orientale et Sud Mer du Nord » ont permis d’apporter localement quelques éléments de réponse. A ce jour, un projet INTERREG « DYMAPHY » vise l’application et la standardisation de nouvelles techniques de suivi de blooms phytoplanctoniques. Malgré l’ambition de ces programmes, d’autres travaux destinés à comprendre le fonctionnement des écosystèmes dominés par des proliférations de Phaeocystis globosa méritent d’être poursuivis, les perspectives de recherche étant nombreuses 15. En terme de gestion, des scientifiques viennent récemment de proposer une méthodologie d’étude d’impact pour estimer les coûts d’une diminution de l’eutrophisation et l’efficacité écologique sur les blooms de Phaeocystis globosa 16. Références : (1) (2) (3) (4) (5) (6) (7) (8) (9) (10) (11) (12) (13) (14) (15) (16) Schoemann, V.; Becquevort, S.; Stefels, J.; Rousseau, W.; Lancelot, C. Journal of Sea Research 2005, 53, 43-66. Lancelot, C.; Keller, M. D.; Rousseau, V.; Smith Jr., W. O.; Mathot, S. 1998. Spilmont, N.; Denis, L.; Artigas, L. F.; Caloin, F.; Courcot, L.; Creach, A.; Desroy, N.; Gevaert, F.; Hacquebart, P.; Hubas, C.; Janquin, M. A.; Lemoine, Y.; Luczak, C.; Migne, A.; Rauch, M.; Davoult, D. Marine Pollution Bulletin 2009, 58, 55-63. Kesaulya, I.; Leterme, S. C.; Mitchell, J. G.; Seuront, L. Oceanologia 2008, 50, 167-182. Seuront, L.; Vincent, D.; Mitchell, J. G. Journal of Marine Systems 2006, 61, 118-133. Rousseau, V.; Vaulot, D.; Casotti, R.; Cariou, V.; Lenz, J.; Gunkel, J.; Baumann, M. Journal of Marine Systems 1994, 5, 23-39. Peperzak, L.; Colijn, F.; Vrieling, E. G.; Gieskes, W. W. C.; Peeters, J. C. H. Journal of Plankton Research 2000, 22, 2181-2203. Chen, Y. 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Relecture : Remerciements à : Felipe ARTIGAS (ULCO), Valérie GENTILHOMME (Lille1), Alain LEFEBVRE (IFREMER) et François SCHMITT (CNRS).