Cass. soc, 13 mai 2015, n°13-21026
Transcription
Cass. soc, 13 mai 2015, n°13-21026
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 883 du 13 mai 2015, Pourvoi nº 13-21.026 Nº de Arrêt: 883 Nº de Pourvoi: 13-21.026 Juridiction: Judiciaire TEXTE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant : Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 4 janvier 1989 en qualité d'inspecteur par la société Auxiga a été en arrêt maladie à compter du 24 avril 2008 ; qu'il a été licencié le 17 mars 2009 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ; Sur le premier moyen : Vu les articles L. 1232-6 et L. 1132-1 du code du travail ; Attendu qu'en vertu du premier de ces textes, l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement ; que le second, faisant interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap ne s'oppose pas au licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié ; qu'il en résulte que la lettre de licenciement doit énoncer expressément la perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise et la nécessité de pourvoir au remplacement du salarié absent, dont le caractère définitif doit être vérifié par les juges du fond ; Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts relatifs à la rupture du contrat, l'arrêt retient que « la lettre de licenciement vise l'absence prolongée de près de douze mois du salarié préjudiciable au fonctionnement de son secteur d'activité ayant rendu nécessaire son remplacement définitif afin d'assurer la pérennité de l'activité qui lui était dévolue » et que les absences du salarié ont généré une perturbation dans la marche de l'entreprise du fait de la nécessité de son remplacement sur un secteur spécifique par des salariés eux-mêmes expérimentés, au détriment cependant de la propre activité ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la lettre de licenciement visait une perturbation du secteur d'activité du salarié et non de l'entreprise, ce dont il résultait que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; Et sur le second moyen : Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ; Attendu qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; Attendu que pour rejeter la demande de paiement d'heures supplémentaires du salarié, l'arrêt retient qu'il ne fournit pas de tableau ou de listing exploitable sur le décompte hebdomadaire des heures effectuées ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le salarié avait versé aux débats les tableaux mensuels d'activité sur la période s'étendant de janvier 2004 à février 2008, reprenant pour chaque jour travaillé le nombre de sites visités et le temps passé en déplacements pour se rendre d'un site à l'autre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ; Condamne la société Auxiga aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Auxiga et la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille quinze et signé par M. Chollet, président, et Mme Piquot, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de la décision. MOYENS ANNEXES au présent arrêt Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. X.... PREMIER MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté les demandes de Monsieur X... tendant à voir dire et juger son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de dommages et intérêts ; AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement vise l'absence prolongée durant près de douze mois de M. X... préjudiciable au fonctionnement de son secteur d'activité ayant rendu nécessaire son remplacement définitif afin d'assurer la pérennité de l'activité qui lui était dévolue ; si l'article L.122-45 du Code du travail prohibe le licenciement d'un salarié en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, ce texte ne s'oppose pas à un licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par les absence répétées du salarié, dès lors que ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif ; la société Auxiga invoque l'absence prolongée de M. X... ayant entraîné une perturbation de son secteur de prospection composé de départements situés en Alsace, en Franche-Comté et sur une partie des Vosges du fait de son remplacement provisoire par deux autres inspecteurs régionaux, eux-mêmes en charge d'autres fonctions, ce qui a contraint l'employeur à recourir à son remplacement définitif ; M. X... réfute l'ensemble de ces arguments aux motifs qu'il était possible de pallier à son absence par une nouvelle répartition de son travail, soit par une extension des horaires de salariés engagés à temps partiel, soit par le recours à un contrat à durée déterminée du fait de l'absence de technicité de son poste ; il n'est pas contesté que les tâches dévolues aux inspecteurs étaient réparties par secteur géographique, le secteur attribué à M. X... concernant les départements 67,68,88,25,70,90 et 39 ; la société Auxiga verse aux débats les tableaux de remplacements effectués par MM. Y... et Z..., respectivement directeur du département audit et inspecteur régional, sur son secteur d'intervention, et ce, sans discontinuité de mai 2008 à mars 2009 ; bien que M. X... affirme que de tels remplacements n'entraînaient pas de perturbations pour la société, il ressort des attestations circonstanciées de MM. Y... et Z... que ce remplacement continu a engendré d'importantes difficultés dans l'organisation de l'entreprise, M. Y... précisant avoir dû réaliser de tels remplacements au détriment de ses activités commerciales et d'organisation, sans connaissance au surplus des spécificités du secteur concerné ; dans son attestation, M. Z... souligne que le remplacement continu de M. X... de mai 2008 à juin 2009 a entraîné une surcharge de travail difficilement supportable alors que lui-même était responsable des départements 08, 21, 51, 52, 54, 55, 57 et 89 ; il ajoute que cette mission de remplacement nécessitait une connaissance approfondie de l'organisation des concessions à visiter et supposait une relation de confiance à créer au fur et à mesure du temps, lui-même n'ayant pu appréhender ce secteur qu'après y être intervenu durant plusieurs mois ; il apparaît ainsi que, contrairement à ce que soutient M. X..., ses absences ont généré une perturbation dans la marche de l'entreprise du fait de la nécessité de son remplacement sur un secteur spécifique par des salariés eux-mêmes expérimentés, au détriment cependant de leur propre activité ; les attestations détaillées de MM. Y... et Z... mentionnent l'exigence de technicité et de connaissance sur une période de plusieurs mois avant d'être opérationnel sur ce type de secteur ; il est donc acquis que le remplacement de M. X... ne pouvait intervenir que par le biais d'une embauche pérenne ; M. X... ne conteste pas la réalité de son remplacement définitif par glissement de poste et l'embauche le 7 juillet 2009 de M. A... sur le poste de M. B..., lui-même affecté en partie avec M. Z... sur le secteur de M. X..., comme établi par le courrier adressé le 5 juin 2009 par la société Auxiga à M. B... appelé à intervenir sur le secteur Est décrit comme désorganisé depuis plusieurs mois du fait de l'absence de son inspecteur ; il s'en déduit que le licenciement de M. X... est fondé sur une cause réelle et sérieuse ; ALORS QUE d'une part, l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement, que d'autre part, l'article L 1132-1 du code du travail faisant interdiction de licencier un salarié notamment en raison de son état de santé ou de son handicap ne s'oppose pas au licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié ; qu'il en résulte que la lettre de licenciement doit énoncer expressément la perturbation dans le fonctionnement de l'entreprise et la nécessité de pourvoir au remplacement du salarié absent ; qu'en l'espèce, la lettre de licenciement se borne à faire état d'une désorganisation du service auquel appartient le salarié et d'une perturbation pour les contrôles à effectuer sur son secteur d'activité, sans faire état d'une perturbation de l'entreprise ; qu'en considérant néanmoins que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1132-1 du code du travail ; ALORS subsidiairement QUE la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, ne fait pas état d'une « perturbation dans la marche de l'entreprise » ; que pour considérer que le licenciement de Monsieur X... était justifié, la cour d'appel a retenu que ses absences avaient généré une perturbation dans la marche de l'entreprise ; qu'en se fondant sur des motifs qui ne figuraient pas dans la lettre de ALORS subsidiairement QUE la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, licenciement, la cour d'appel a violé l'article L 1232-6 du code du travail ; ALORS en outre QUE la réalité et le sérieux du motif de licenciement s'apprécient au jour où la décision de rompre le contrat de travail est prise par l'employeur ; que la cour d'appel a constaté que Monsieur X... avait été remplacé par d'autres salariés de l'entreprise jusqu'en juin 2009 tandis que l'employeur n'avait procédé à l'embauche d'un nouveau salarié qu'en juillet 2009, ce dont il résultait que l'employeur ne justifiait pas de la nécessité de le remplacer définitivement à la date du licenciement le 17 mars 2009 ; qu'en considérant néanmoins que le licenciement de Monsieur X... était justifié, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L 1235-1 du code du travail ET ALORS enfin QUE la Cour d'appel qui a estimé que le poste de M. X... nécessitait une période de plusieurs mois avant d'être opérationnel, mais a constaté que M. X... avait été remplacé par un salarié de l'entreprise, Monsieur B..., dont le poste avait été pourvu par un recrutement externe, sans rechercher si le poste de Monsieur B... ne pouvait pas être pourvu par des salariés à temps partiel ou sous contrat à durée déterminée, en sorte que le remplacement de M. X... ne s'imposait pas n'a pas légalement justifié sa décision au regard desdites dispositions. SECOND MOYEN DE CASSATION Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes tendant à obtenir le paiement de rappels de salaires et d'une indemnité de congés payés ; AUX MOTIFS QUE M. X... réclame la somme de 11 551, 27 ¿ au titre des heures complémentaires accomplies depuis 2004 du fait des nombreux déplacements inclus dans ses journées de travail, sans que la société Auxiga puisse lui opposer de comptabilisation en termes de journées de travail ni de dispositions contractuelles restrictives alors que le temps de trajet entre deux lieux de mission constitue du temps de travail effectif ; la société Auxiga invoque l'approbation par M. X... de ses relevés mensuels calculés sur une base forfaitaire mensuelle de journées de travail que le salarié était libre d'organiser à sa guise sans référence horaire imposée ; il est constant qu'à défaut de convention forfaitaire d'horaires expressément convenue entre les parties, les dispositions légales s'appliquent en matière de durée de travail, notamment quant au décompte du temps de travail supplémentaire s'effectuant par semaine civile en vertu de l'article L.3121-10 du Code du travail ; il s'ensuit qu'en l'absence de toute convention de ce type signée entre M. X... et la société Auxiga, celle-ci ne peut valablement raisonner sur la base mensuelle forfaitaire de 84,30 heures pour 12 jours de travail dans le mois ; il appartient donc à la Cour de raisonner sur la base hebdomadaire de 19,46 heures ; s'il résulte de l'article L.3171-4 du Code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; M. X... verse aux débats les tableaux mensuels d'activité sur la période s'étendant de janvier 2004 à février 2008 reprenant certes pour chaque jour travaillé le nombre de sites visités et le temps passé en déplacements pour se rendre d'un site à l'autre, mais néanmoins dénués de toutes précisions sur les lieux de destination et de pièces telles que tickets d'autoroute ou d'essence, attestations, compte-rendu d'activités, attestant de la véracité des déplacements invoqués ; par ailleurs, le salarié ne fournit pas de tableau ou listing exploitable sur le décompte hebdomadaire des heures effectuées, dès lors qu'il ne travaillait pas chaque jour de la semaine, et permettant à la Cour de procéder à un comptage hebdomadaire au sens des dispositions légales ; enfin, le salarié ne donne aucune explication sur le volume revendiqué de 2 500 heures complémentaires (en page 6 de ses écritures) après avoir réclamé un volume de 8 512 heures en première instance, sans évoquer par ailleurs l'existence d'heures supplémentaires sur partie de ses bulletins de paye dont on ignore s'il en a été tenu compte dans ses propres calculs ; pour l'ensemble de ces raisons, il convient de considérer que les éléments fournis par M. X... ne sont pas de nature à étayer sa demande de rappel de salaire ; le jugement sera donc infirmé, M. X... devant par suite être débouté de sa demande nouvelle formée en appel de congés payés afférents sur les heures supplémentaires ; ALORS QUE les juges ne peuvent faire peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures complémentaires ou supplémentaires ; que la cour d'appel a rejeté la demande du salarié en considérant que les éléments qu'ils produisait étaient insuffisants ; qu'en statuant comme elle l'a fait alors que le salarié avait produit des tableaux mensuels mentionnant les heures effectuées jour par jour, ainsi que des tableaux récapitulant les heures payées et celles restant dues, outre ses fiches de paie, la cour d'appel a violé les articles 1315 du code civil et L. 3171-4 du code du travail ; ALORS en outre QUE le salarié a produit des tableaux faisant apparaître le cumul des heures effectuées au cours des années 2003 à 2008, ainsi que le nombre d'heures payées et celles restant dues ; que la cour d'appel a retenu que « le salarié ne donne aucune explication sur le volume revendiqué de 2 500 heures complémentaires¿, sans évoquer par ailleurs l'existence d'heures supplémentaires sur partie de ses bulletins de paye dont on ignore s'il en a été tenu compte dans ses propres calculs » ; que la cour d'appel, qui ne pouvait statuer sans examiner l'intégralité des pièces qui lui ont été soumises et qui faisaient apparaître le cumul des heures effectuées au cours des années 2003 à 2008, ainsi que le nombre d'heures payées et celles restant dues, a violé l'article 455 du code de procédure civile ; Et ALORS, subsidiairement , QUE la cour d'appel a relevé que l'employeur ne pouvait valablement rémunérer le salarié sur la base mensuelle forfaitaire de 84,30 heures pour 12 jours de travail dans le mois et qu'il appartenait à la cour d'appel de raisonner sur la base hebdomadaire de 19,46 heures ; qu'en rejetant l'intégralité des demandes de Monsieur X... sans vérifier si le salaire réellement perçu par le salarié correspondait à cette base hebdomadaire, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 3121-1 du code du travail.