Val d`Europe, cité de l`imaginaire et ville réelle
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Val d`Europe, cité de l`imaginaire et ville réelle
Val d’Europe, cité de l’imaginaire et ville réelle INTERVIEW(*) DE DOMINIQUE COCQUET directeur général adjoint (développement et relations extérieures) d’Euro Disney SCA ([email protected]) PEU DE GENS SAVENT QUE Ce sont près de 5 000 lits touristiques qui vont D ISNEY “ CONSTRUIT UNE V I L L E ” À M A R N E - L A -V A L L É E . être inaugurés à Disneyland Resort en quelques POUVEZ-VOUS NOUS RAPPELER LE CONTEXTE DANS LEQUEL S’INSCRIT mois, d’avril à juin. Ce programme d’hébergement CET AMÉNAGEMENT ? Le site de Disneyland Resort Paris s’inscrit dans le cadre plus général du dévelopest situé sur Val d’Europe, quatrième secteur de la ville nouvelle pement de la dernière ville nouvelle d’Île-dede Marne-la-Vallée, dont je vous rappelle qu’elle a été pensée, dès 1965, France, Val d’Europe. Interview du “dévelopcomme moyen de rééquilibrer l’est francilien. La convention signée peur” d’Euro Disney, Dominique Cocquet. entre l’ÉpaMarne (établissement public d’aménagement de Marne-la-Vallée) et Euro Diségalement les installations de type ney en 1987 prévoit qu’une ville doit être construite sur primaire (TGV, RER, échangeurs ce site, avec des habitants permanents (40 000 à terme), routiers, VRD…) que les parties une population touristique et des emplois sur place. Cette publiques compétentes se sont engaconvention établit un programme de développement qui gées à réaliser sur le site durant définit le type et la taille des installations que la société cette même période. Euro Disney SCA a le droit de réaliser sur le site au cours (*) Propos recueillis par Claudine Chaspoul. d’une période de trente ans (jusqu’en 2017). Elle prévoit 10 E S PA C E S 2 0 4 • M A I 2 0 0 3 TRIBUNE D.R. PORTRAIT Toujours dans le cadre de cette convention, il est à noter qu’Euro Disney SCA supporte l’intégralité du coût du portage financier des terrains non encore développés (environ 800 000 euros par an). Concrètement, Euro Disney dispose d’un droit de préférence sur les terrains inscrits sur le programme de développement. Elle acquiert ces terrains au fur et à mesure de la mise en œuvre des phases d’aménagement. Selon les cas, Euro Disney SCA construit ellemême – c’est le cas par exemple pour les deux parcs à thème et pour les hôtels Disney – ou elle cède ou loue à long terme (baux à construction) les terrains à des promoteurs (par exemple, la Ségécé pour le centre commercial Val d’Europe ; Meunier Promotion, les Nouveaux Constructeurs… pour les logements ; la Cogedim et la Sari pour des programmes de bureaux…). Une fois les programmes immobiliers réalisés, les espaces publics aménagés (voirie, jardins…) sont “rendus” à la collectivité, en l’occurrence le San (Syndicat d’agglomération nouvelle des Portes de la Brie). C’est également le San qui est chargé de réaliser et de gérer les équipements et infrastructures publiques ; il est financé par les recettes fiscales de la zone À 56 ans, Dominique Cocquet fait figure d’“ancien” dans le petit monde du montage de projets touristiques, où il s’investit depuis plus de vingt ans. Après une maîtrise d’économie et sciences sociales et un diplôme d’expert démographe, il débute sa carrière à la Direction régionale de l’Équipement de Picardie. En 1980, à 33 ans, il prend la direction du Smacopi (syndicat mixte d’aménagement de la côte Picarde). Il y reste six ans et c’est là qu’il fait ses premières armes dans le tourisme, avant de prendre la direction générale de Forest-Hill Développement et d’Urba Club Développement. À ce titre, il dirige le projet Aquaboulevard et conduit plusieurs réalisations hôtelières parisiennes. En 1989, il rejoint Euro Disney SCA en tant que directeur de l’aménagement. Aujourd’hui, il est directeur général adjoint, chargé du développement et des relations extérieures. Il a la responsabilité de l’ensemble des développements de la société, tant en matière d’expansion de la destination touristique que des développements immobiliers liés au pôle urbain de Val d’Europe. Membre du CA d’Euro Disney SA et du comité de direction générale d’Euro Disney SCA, il est également en charge des relations extérieures de la société, et notamment de l’interface avec les pouvoirs publics (État, collectivités locales…). Cette réussite exemplaire ne lui a pas tourné la tête, et l’homme est resté simple. Il est aimable et a gardé un je-ne-sais-quoi de “provincial”, à l’écart des mondanités parisiennes. Car il habite toujours dans le Marquenterre, en Picardie, où il s’adonne à sa passion, le cheval. Avec l’association des Cavaliers de la Baie de Somme, il participe à l’aventure du développement d’une nouvelle race de chevaux, le Henson. Née en 1982, cette race issue d’un croisement est particulièrement adaptée aux conditions de la Baie de Somme ; le cheval Henson a le pied sûr et se joue des terrains difficiles et variés. Faire du neuf avec du vieux, construire l’avenir en s’appuyant le passé : tel semble être le destin de Dominique Cocquet, que ce soit à Val d’Europe ou en Baie de Somme. M A I 2 0 0 3 • E S PA C E S 2 0 4 11 (plus de vingt millions d’euros de taxe professionnelle versée par Euro Disney SCA chaque année). (l’un dans l’hôtel New York, l’autre dans l’hôtel Newport Bay, plus quatre salles de réunion au Disneyland Hotel et au Disney’s Sequoia Lodge, soit une capacité totale de 6 600 personnes), un golf de 27 trous, Disney Village (bars, restaurants, boutiques un cineplex Gaumont de 15 salles…) ; QUEL EST LE PROGRAMME GÉNÉRAL DE VAL D’EUROPE ? ET OÙ EN ÊTES-VOUS DE SA RÉALISATION ? Le programme général de Val d’Europe comprend trois phases. LA PREMIÈRE PHASE, achevée en 1992, a consisté, sur environ 600 hectares, à : – créer le pôle touristique : le parc Disneyland, les sept hôtels Disney (5 800 chambres), deux centres de congrès – construire les infrastructures de transport : échangeur auto- routier, gares RER et TGV… ; – ébaucher le pôle urbain : environ 800 logements ont été construits, pour l’essentiel en appui des villages existants (Chessy, Coupvray, Magny-le-Hongre, Bailly-Romainvilliers, Serris). LA DEUXIÈME PHASE, qui s’achève en 2003, est celle que nous sommes en train de vivre. Elle s’articule autour des objectifs suivants : – créer le centre urbain : le centre commercial Val d’Europe (ouverture 2000) ; les logements et les commerces du centre-ville de Val d’Europe ; un quartier d’affaires urbain (promoteurs : Cogedim et Sari) ; Val d’Europe s’étend sur 3 000 hectares parcs à thème (gare RER Chessy) – renforcer le pôle touristique : hôtels Disney Disney Village quartier hôtelier Val de France centre-ville (gare RER Val d’Europe, centre commercial) golf 27 trous D.R. résidence Marriott 12 E S PA C E S 2 0 4 • M A I 2 0 0 3 le parc Walt Disney Studios (qui a ouvert en 2002) ; • le quartier hôtelier Val de France, avec plus de 1 150 chambres : Kyriad (2✩, 300 chambres, groupe Envergure, ouverture 2003) ; Holiday Inn (4✩, groupe américain Six Continents, 400 chambres, ouverture 2003) ; MyTravel’s Explorers Hotel (3✩, 400 chambres modulables jusqu’à 10 personnes, développé par le britannique MyTravel, ouverture 2003) ; Movenpick’s Dream Castle Hotel (4 ✩ , 405 chambres, développé par les TO allemands Thomas Cook et Dertour, ouverture 2004) ; • des hébergements touristiques dans le centre urbain : l’hôtel Élysée Val d’Europe (3✩, 150 chambres) ; la résidence Pierre & Vacances • Val d’Europe (3✩, 291 appartements) ; • la résidence Marriott’s Village d’Île-de-France, située sur le golf (résidence en timeshare, 275 logements, ouverture en juin 2003 de 45 unités). – créer un pôle d’affaires. Les premiers immeubles du parc d’affaires Paris-Val d’Europe (660 000 m2 de locaux sur une superficie de 180 hectares), dont la promotion a été confiée à l’opérateur britannique Arlington, seront livrés à la fin de cette année. Par ailleurs, des Zac sont créées en appui des villages existants. Enfin, LA TROISIÈME PHASE, qui devrait être signée en 2003, est en cours d’élaboration. Sont notamment à l’étude la création d’un centre de congrès et d’expositions, ainsi que les extensions de Disney Village. AUX ÉTATS-UNIS, LE GROUPE DISNEY A CRÉÉ UNE CELEBRATION. EST-CE QUE VAL D’EUROPE EST PENSÉE SUR LE MÊME MODÈLE ? Celebration est une ville américaine, Val d’Europe est une ville française associant étroitement secteur public et secteur privé. On est donc, nécessairement, sur des modèles fondamentalement différents. VILLE, D.R. TRIBUNE ET QUELS SONT LES PRINCIPES La résidence Marriott QUI SOUS-TENDENT LE DÉVEa pour LOPPEMENT DE VAL D’EUROPE ? thème les Les acteurs publics qui sont engaImpressiongés à nos côtés veillent, comme nistes (architecte, nous, à ce que Val d’Europe soit une Pierre “vraie ville” d’Île-de-France. Les Diener) principes qui sous-tendent son déve- DONNÉES CLÉS – Val d’Europe s’étend sur 3 000 ha (dont 2 000 ha développés par Disney dans le cadre d’une convention signée en 1987) – population : 5 000 habitants en 1992 ; 20 000 habitants en 2003 ; 40 000 habitants en 2015 – 40 000 emplois en 2015 – Disneyland Resort Paris est la première destination touristique européenne (plus de 13 millions de visiteurs par an) – Disneyland Resort Paris est une des premières destinations françaises de tourisme d’affaires, avec 1 200 événements professionnels par an et plus de 10 5000 m2 d’espaces de congrès et salons – deux parcs à thème : . le parc Disneyland . Parc Walt Disney Studios (2 millions de visiteurs en 2001-2002, sur six mois) – capacité hôtelière : 5 800 chambres en 2002, plus de 8 000 en 2004 – 88 % de taux d’occupation hôtelière en 2001-2002 – un centre commercial international, Val d’Europe, de 98 000 m2 – un golf de 27 trous – Disney Village : . 15 salles de cinéma, de nombreux restaurants et boutiques loppement sont liés à cet objectif. Donc, pas une ville-dortoir : les créations de logements accompagnent les créations d’emplois (et pas le contraire…). À terme, il y aura 40 000 emplois à Val d’Europe (dont la moitié environ dans le secteur du tourisme et des loisirs) et 40 000 habitants. La ville comptera des commerces, des bureaux, des écoles, et même une université (Val d’Europe accueillera un campus de 8 000 étudiants de l’université de Marne-la-Vallée). Une “vraie ville”, c’est aussi une diversité : on construit à Val d’Europe des immeubles et des maisons individuelles, des villas de bon standing et des logements sociaux (Val d’Europe respecte la loi Sru). Une “vraie ville”, c’est une ville qui se construit en intégrant chaque nouveau projet, chaque nouvelle réalisation. Notre démarche est une démarche intégratrice, pas une démarche de segmentation. Il n’y a pas de zonage, même si nous respectons un plan d’urbanisme d’ensemble. Une “vraie ville”, c’est enfin une idenM A I 2 0 0 3 • E S PA C E S 2 0 4 13 tité propre et une harmonie. Nous avons voulu éviter les erreurs des villes nouvelles des années 1970, qui ont souvent privilégié une architecture contemporaine triomphante (qui parfois vieillit mal…). Val d’Europe allie modernité et tradition ; l’architecture est inspirée de l’architecture francilienne du XIXe siècle, il n’y a pas d’immeubles de plus de quatre étages. En résumé, Val d’Europe est une “vraie ville” qui se construit à partir d’un pôle touristique. On peut faire un parallèle entre son développement et celui des stations thermales ou balnéaires du XIXe siècle ; des villes dont l’urbanisme et le développement ont su intégrer de façon harmonieuse l’univers du tourisme. C’est ce que nous avons l’ambition de faire à Val d’Europe. REVENONS-EN AU PÔLE TOURISTIQUE. LE SITE PASSE EN QUELQUES MOIS DE 5 800 CHAMBRES À 8 000 CHAMBRES OU APPARTEMENTS TOURISTIQUES, SOIT UNE CROISSANCE DE PRÈS DE 40 %. N’EST-CE PAS TROP ? Le taux d’occupation des hôtels Disney est excellent. En 2001-2002, il s’est établi à 88,2 %, contre 86 % l’année précédente. Pendant près de six mois de l’année, nous refusons des clients, ce qui est préjudiciable à l’exploitation des parcs à thème. Il était donc “urgent” que la capacité hôtelière suive le développement de l’offre de parcs à thème. En outre, avec cette nouvelle capacité hôtelière, Val d’Europe change d’échelle. Alors qu’elle était une destination de court séjour (deux à trois jours, Disneyland Resort + Paris), elle devient une destination à la semaine et s’ouvre donc sur l’Île-de-France. L’impact de Disneyland sur la fréquentation des sites touristiques de la région devrait s’accroître de façon significative. La présence des résidences de tourisme de Pierre & Vacances et de Marriott, dont l’unité de séjour est la semaine, permet d’accompagner cet allongement de la durée moyenne de séjour. CES HÔTELS SONT-ILS, À L’INSTAR DES HÔTELS DISNEY, DES HÔTELS À THÈME ? Les hôtels présents sur le site sont classés en deux grandes catégories : – les hôtels conseillés. Construits dans le quartier hôtelier Val de France, ils font partie intégrante du resort, bénéficient des services intégrés du site (navettes gratuites pour les parcs, service bagages pour les arrivées en train…) et d’une communication croisée active avec les parcs Disney. Leur architecture s’inspire de l’univers Disney. Le thème qui a été choisi pour l’ensemble de ces hôtels de ce quartier est celui des châteaux, manoirs et commanderies. Chaque opérateur le décline comme il 14 E S PA C E S 2 0 4 • M A I 2 0 0 3 le souhaite, dans le cadre d’un cahier des charges précis ; – les hôtels associés. C’est le cas de la résidence Pierre & Vacances et de l’hôtel Élysée, qui se trouvent dans le futur centre-ville. Ils n’ont pas de thème majeur, ne bénéficient pas des services associés, leur partenariat commercial avec Disney est moins fort. Dans ce schéma, la résidence de tourisme Marriott est un cas particulier : elle n’est pas sur le site de Val de France, mais bénéficie d’un statut d’hôtel conseillé. Le thème retenu est celui du “village des Impressionnistes”. C’est à la fois un thème connu internationalement et un thème fort de l’Île-de-France et de la Seine-et-Marne (Barbizon, Moret-sur-Loing…) ; c’est aussi un thème cohérent avec l’architecture XIXe de Val d’Europe. EN CONCLUSION, COMMENT VOYEZ-VOUS L’AVENIR DE VAL D’EUROPE ? Val d’Europe bénéficie d’atouts que n’ont pas eus les autres villes nouvelles. Tout d’abord, c’est une ville internationale. Internationale par les touristes qui y séjournent, mais aussi par les gens qui y travaillent (20 % des employés de Disney, par exemple, sont étrangers) et par ceux qui y habitent et vont y habiter. Cela lui donne une vitalité tout à fait exceptionnelle. Ensuite, Val d’Europe ne se bâtit pas sur une utopie, mais sur une réalité économique et sociale. Cela nous oblige à beaucoup de pragmatisme pour maintenir l’équilibre optimal de son aménagement. Enfin, c’est une ville qui se construit sur une alliance du public et du privé. Pour ces trois raisons, je suis très confiant en son avenir. C’est, de plus, une aventure passionnante que de développer un tel projet. ■