LE FRAC BASSE-NORMANDIE ET LA MAISON DE L`ÉTUDIANT

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LE FRAC BASSE-NORMANDIE ET LA MAISON DE L`ÉTUDIANT
LE FRAC BASSE-NORMANDIE ET LA MAISON DE L’ÉTUDIANT
PRÉSENTENT
URBANITÉS
Robin Collyer, Philip-Lorca diCorcia, Philippe Durand,
Valérie Jouve, Éric Madeleine, Bruno Serralongue
Collection Frac Basse-Normandie
Exposition du 4 au 24 novembre 2006 à la Maison de l’Étudiant, Université de Caen
Conférence par Alice Laguarda,
philosophe et architecte, professeur d’esthétique à l’Ecole des Beaux-Arts de Caen-la-Mer
mardi 14 novembre à 18h à la Maison de l’Étudiant
«La ville contemporaine est souvent qualifiée de complexe, génératrice de problèmes sociaux,
techniques et politiques. Elle incarne un espace hostile, au sein duquel la sphère publique ne cesse
d'être envahie par l'espace privé. Face à cette complexité - où différentes valeurs, différents mondes
coexistent et s'affrontent - , des artistes mettent en avant des pratiques, des comportements, élaborent
des images révélatrices d'un nouvel investissement de l'espace urbain.» Alice Laguarda
Robin Collyer dans son travail photographique aborde une expérimentation du réel par des opérations
d’effacements, de reconstitutions, propres à mettre en doute, à déstabiliser le sens de ce qui constitue
un contexte familier. Ainsi pour les photographies de paysage urbain Temperence Street et Adelaïde
Street, 1993, l’image est retouchée à l’ordinateur pour faire disparaître toutes traces d’écrits. Cette
manipulation dénature de la ville dont l’existence se fonde autant sur les mots et le discours que sur
ses constructions ; l’absence des signes est perçue comme une perte de repères, une non-ville.
Avec Tokyo, 1994, le photographe Philip-Lorca diCorcia théâtralise l’univers de la ville, dans une
série intitulée Street works - que l’on peut traduire par Travaux de rue ou œuvres de rue- il capte
l’instantanéité des mouvements de la foule qu’il éclaire d’un flash au moment de la prise de vue. La
mise en lumière isole et souligne l’anonymat d’un individu et fait basculer la réalité dans une sorte de
fiction généralisée dont les passants seraient les figurants. Philip-Lorca diCorcia tire parti du caractère
hybride de la photographie entre document et représentation construite, entre réalité et fiction. Ses
photographies de situations de vie urbaine qui se transforment en portraits révèlent et condensent de
manière sensible un état de la société.
« Philippe Durand réunit au gré du hasard ou du jeu, les signes et les objets familiers du décor urbain,
comme autant de collages. Il ne prétend nullement décoder le réel, mais plutôt le re-encoder en le
faisant passer par cette perception singulière. Photographiés, des graffitis tracés dans la poussière
d’une vitrine ne peuvent dire que l’énigme offerte au passant par leur auteur anonyme. Il ne s’agit
alors pas pour l’artiste de prétendre en dégager une vérité monolithique mais au contraire d’amplifier
cette illisibilité » (Pascal Beausse, extraits de Philippe Durand, Dérives, Société française de Photographie,
Paris, 2001).
L’œuvre de Valérie Jouve interroge les relations de l’individu avec l’environnement bâti,
essentiellement les zones périphériques des métropoles urbaines. Pour Sans titre n°10, diptyque
photographique, elle superpose des vues de balcon d’immeubles à Marseille sur deux panneaux
distincts saturant ainsi l’image d’un quadrillage qui semble déborder du cadre. À l’absence physique
des habitants se substituent les traces modestes de leur vie quotidienne, personnalisant chaque balcon
de vêtements, de pinces à linge, de draps, serviettes, pots de fleurs comme une manière de résister à
l’uniformisation. « L’architecture entretient le même rapport à l’espace que le signe, un repère
générique et vite identifiable. On a peut-être besoin de revenir à un particularisme des choses, à une
micro-histoire ». (Valérie Jouve, 1996).
Dans les années 1990, Eric Madeleine connu sous le pseudonyme de « Made in Eric »
instrumentalise son propre corps dans une pratique qu’il nomme « corps-objet ». Ainsi a-t-il été tour à
tour pied de table, balançoire, oreiller, slip, marche d’escalier ou encore charrue, chaise, cendrier…
Par cette posture qui lie l’Art corporel et le ready-made, Made in Eric reconsidère la conscience du
corps et le rapport aux objets dans la société de consommation. Après un séjour à la Villa Médicis en
2000, il reprend son nom d’état civil tout en faisant évoluer sa pratique initiale. Toujours tout droit,
2000, perpétue la fusion du corps et de l’objet : un plan de ville prend place au creux de la main. À la
symbolique des lignes de la main, censées définir les axes de la vie, fait place à la difficulté de
l’orientation dans la ville et le besoin d’être orienté par d’autres. Le corps-objet est par ailleurs déplacé
dans un espace bidimensionnel, celui de la photographie, de l’image.
La chronique de l’univers urbain est envisagée d’une toute autre façon par Bruno Serralongue qui
explore un versant documentaire particulier de l’image photographique. En se plaçant dans la situation
d’être lui-même engagé comme photo reporter ici pour le Jornal do Brasil, il intègre les contraintes
propres au monde de l’information quotidienne ; les photographies relèvent de la commande, le choix
final de l’image n’est pas de son fait puisqu’il est subordonné à la finalité rédactionnelle du journal. En
présentant la collection d’instantanés hors de son support d’origine, Bruno Serralongue lui confère un
statut nouveau : les images composent alors le kaléidoscope d’un moment de réalité dont le spectateur
peut librement organiser la lecture et en faire son propre commentaire.