Validité d`un test d`honnêteté dans la prédiction de vols parmi les
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Validité d`un test d`honnêteté dans la prédiction de vols parmi les
Gillioz Johann, [email protected] Numéro d’immatriculation: 01-419-803 Séminaire comportements dysfonctionnels au travail. Hiver 2003-2004 F. Tschan & S. Facchin Bernardin, J. H., & Cooke, P. K. (1993). Validity of an honesty test in predicting theft among convenience store employees. Academy of Management Journal, 38(5), 1097-1108. Validité d’un test d’honnêteté dans la prédiction de vols parmi les employés d’un magasin de commodités En 1990, une revue des recherches menées sur la validité des tests d’honnêteté montre que de tels tests permettent de prédire significativement les vols. Toutefois, ces études ne prennent pas en compte le vol décelé comme critère et qui plus est, ces études ne furent pas menées par des chercheurs indépendants. Préalable Le vol des employés dans les industries américaines occasionne des pertes de 6 à 200 milliards de dollars par années. Afin d’endiguer ce problème, les compagnies utilisaient principalement 2 sortes de tests lors des entretiens d’embauche, à savoir des tests polygraphes et des épreuves écrites. Pourtant, la validité des tests polygraphes fut controversée à tel point que leurs usages furent interdits pour la plupart des employeurs. Cette interdiction est d’ailleurs une des raisons de l’utilisation croissante, 20 % par année, des tests d’honnêteté/intégrité (Deutsch, 1990). Toutefois, ces tests sont également sujets à controverse quant à leurs validités, si bien que les états du Massachusetts et de Rhode Island ont interdits leurs usages comme unique critère de sélection lors des entretiens d’embauche. Bon nombre des tests d’intégrité prétendent mesurer diverses dimensions, telles que les tendances antisociales et l’honnêteté. Dans un premier temps, on pourrait penser que la désirabilité sociale biaise certaines réponses, mais en fait, se présenter soi-même comme ayant des tendances à voler peut se comprendre si on considère que ces attitudes sont perçues comme normales par les demandeurs d’emploi (American Psychology Association, 1991 ; Murphy, 1993). Ainsi, il s’agit de déterminer les attitudes qui reflètent la croyance que les comportements malhonnêtes, tel le vol, sont en fin de compte normaux (London House Press, 1987). Concernant la prédiction de vols, ces attitudes peuvent être reparties en 5 domaines distincts, à savoir : 1. Penser au vol plus souvent que la moyenne 2. Etre plus tolérant et moins punitif envers les voleurs que la moyenne 3. Croire que la plupart des gens vole régulièrement 4. Croire en une loyauté entre les voleurs 5. Justifier le vol par des assertions du type « Ma paye est insuffisante » ou « Je vole moins que les autres » 1 Arrière-fond de la recherche La faiblesse de la validité des tests d’honnêteté provient principalement du fait que les recherches ont été effectuées uniquement par des chercheurs travaillant pour les personnes publiant ces tests. Ainsi, les données récoltées ne sont en mesure ni d’affirmer, ni d’infirmer que les tests d’intégrité permettent effectivement de prédire l’émergence de comportements malhonnêtes (American Psychology association, 1991; Inwald, 1990 ; Logan, Koettel & Moore, 1986 ; Sackett, Burris & Callahan, 1989). De plus, la plupart des recherches portant sur la validité des tests d’honnêteté ne prennent pas en compte le vol décelé comme critère, préférant se rabattre sur les aveux spontanés des voleurs. Ceci s’explique par la difficulté qu’il existe, dans les faits, à détecté un vol particulier. De cette manière, si le vol décelé est pris comme critère, il s’agira d’avoir, afin de récolter des données suffisantes, soit un très grand échantillon soit d’avoir un système de détection de vols performant. Pourtant, il est hautement probable que le taux de vol détecté soit toujours inférieur le taux réel, si bien qu’il est nécessaire d’atténuer les corrélations existant entre le score des tests et les vols détectés (Sackett et al., 1989). De plus, les études prenant en compte le vol détecté comme critère ont pu être biaisées par le fait que la personne qui décèle un vol d’un employé soit également au courant du score de cet employé au test d’honnêteté. Ainsi, en connaissant de tels scores, le manager aura tendance à contrôler préférentiellement les personnes ayant un score faible aux tests d’honnêteté, et de ce fait, la validité de ces tests devient grandement discutable, puisque le contrôle est « contaminé » par les résultats du test. Le but de l’étude qui suit est donc d’éliminer ces différents biais. Pour ce faire, il s’agit de mener une recherche indépendante qui prend en compte le vol détecté comme critère, le tout en s’assurant que les résultats des tests ne contaminent pas la détection des vols. Pour mener cette enquête à bien, c’est la validité prédictive du test développé par London House, Inc. Of Park Ridge, Illinois qui fut étudiée. Méthodes Echantillon Les données de cette étude proviennent de 111 employés engagés par un magasin de vente de commodités au détail entre 1987 et 1989. L’échantillon comprend 55 hommes et 56 femmes. 74 d’entre eux étaient blancs, 34 noirs et 3 de type hispanique. Les magasins de commodités estiment que leur stocke subit chaque année une diminution de 3 %, dont la cause principale est perçue comme étant le vol interne des employés. En 1986, des mesures de prévention et de détection ont été prises par les compagnies afin d’enrayer ce fléau, parmi lesquelles on retrouve des épreuves écrites lors du recrutement, des systèmes de surveillance tels des vidéos ou encore, des ouvriers « clandestins ». De 1987 à 1989, les candidats ont passé 2 tests distincts, à savoir la 3ème forme du test PSI (Personnal Selection Inventory) et le test SEAI (Station Employee Application Inventory). Les données concernent 55 employés qui ont été engagés dans un point de vente du district de Floride entre 1987 et 1989, et qui ont été mis à la porte pour vol. Dans ce cas, le vol était défini sur la base de 3 comportements différents : 1. malmener la marchandise ou faire peu de cas de l’argent 2 2. prendre de la marchandise à la maison sans permission 3. falsification des comptes Les données proviennent également d’un groupe de 57 employés, dont aucun ne fut mis à la porte pour vol, présentant des caractéristiques similaires au groupe des « voleurs ». La constitution de 2 groupes donne la possibilité de contrôler les variables qui pourraient influer sur les opportunités de vol. Ainsi, en comparant les 2 groupes, il en ressort que les hommes ont tendance à voler plus souvent que les femmes de même qu'ils sont plus enclins à admettre avoir volé. D’autre part, les travailleurs plus âgés ont moins tendance à voler que les plus jeunes. Par contre, les différences ethniques ne semblent pas liées à la prédisposition au vol. Le taux de vols détectés dans cette enquête est approximativement le même que celui des vols admis dans plusieurs enquêtes précédentes, à savoir qu’environ 45% des employés admettent avoir volé de l’argent ou de la marchandise (Food Marketing Institute, 1992). De plus, ces employés évaluent le montant de leur vol à 168 $ par année alors qu'ils estiment que leurs collègues volent pour 1040 $ par année. Instruments Le 1er test utilisé (3ème forme du PSI) a été développé par London House afin d’identifier les comportements contre-productifs. Le test est constitué d’un questionnaire de 108 items, sans limite de temps pour y répondre. Une sous-échelle de ce test mesure l’honnêteté en évaluant l’attitude des employés envers le vol. Un score élevé pour cette sous-échelle signifie que la personne : 1. pense souvent au vol 2. a tendance à croire que tout le monde vole 3. rationalise le vol 4. a moins d’attitude punitive envers le vol 5. a une loyauté envers les autres voleurs Le degré de confiance pour la sous-échelle mesurant l’honnêteté est de .95 (Terris & Jones, 1982). Quant au taux de référence des vols utilisé par le PSI, il est basé sur les études menées par les chercheurs de London House sur le vol des employés et sur les comportements contre-productifs. Ainsi, pour le vol, le taux varie entre 12 et 62 %, alors que pour les comportements contre-productifs, le taux s’échelonne de 65 à 84 %. Toutefois, l’utilisation de ces normes de référence doit être adaptée aux particularités des professions. Dans cette étude, les normes standards concernant spécifiquement les employés de magasins de commodités ont ainsi été utilisées. Le 2ème test utilisé, le SEAI, également développé par London House, comprend quant à lui 168 items, sans limite de temps pour y répondre. La sous-échelle d’honnêteté est identique à celle du PSI. La combinaison des scores de toutes les sous-échelles détermine un index d’employabilité (Orban, 1986). Procédure Les candidats passent soit le test PSI soit le test SEAI. Le score des tests ainsi que les données concernant une éventuelle mise à la porte pour vol sont fournies par le département du personnel. De plus, les compagnies s’assurent que les scores des 2 tests ne soient pas 3 disponibles aux managers ou aux superviseurs qui participent d’une façon ou d’une autre aux décisions concernant les employés qui ont été engagés suite à la passation de ces tests. Le critère d’embauche est basé sur le score total obtenu à l’un des 2 tests. Toutefois, le coefficient de validité obtenu peut être sous-estimé par le fait que le score de la sous-échelle d’honnêteté fait partie intégrante du score total qui est utilisé pour les décisions concernant l’embauche. Résultats L’âge moyen des 111 employés est de 30.59, avec un écart-type de 9.80. La moyenne totale des scores de la sous-échelle d’honnêteté s’élève à 62.54, avec un écart-type de 18.97, pour le PSI et à 65.44, avec un écart-type de 15.65 pour le SEAI. Il n’y a donc pas de différence significative entre les 2 sous-échelles d’honnêteté des 2 tests. De plus, il n’y a pas de différence significative entre la proportion de blancs et de noirs qui ont été licenciés pour vol (51% vs 47%). Vu le nombre restreint d’hispaniques (3), il n’a pas été possible de faire de comparaisons valables concernant ce groupe. Bien que 58% des hommes aient été licenciés contre seulement 39% pour les femmes, les résultats du chi-carré ne sont pas significatifs (p>.05) et donc le genre, dans cette étude, n’apparaît pas être un facteur déterminant quant à la prédiction de vols. De même, il n’y a pas de différence significative d’âge entre les personnes ayant été licenciées pour vol et celles qui ne l’ont pas été (p>.05). La validité prédicative a été déterminée en fonction de la corrélation existant entre les scores des 2 tests et le licenciement pour vol. Pour le PSI (.26) et le SEAI (.28), la validité prédicative est significative (p<.05). Etant donné que les sous-échelles d’honnêteté des 2 tests sont identiques, il a été possible de faire une analyse totale. La corrélation (.28) entre le licenciement et le score total des sous-échelles d’honnêteté est également significative (p<.01). Afin d’estimer la validité réelle de la prédiction de vols décelés, les scores des employés non-licenciés ont été utilisés 11 fois, ce qui donne au final un échantillon de 681 personnes, dont 54 ont été mises à la porte pour vol. Avec ce nouvel échantillon, la corrélation reste significative (p< .0005). Discussion Les résultats obtenus offrent un support valable à la validité des sous-échelles d’honnêteté quant à la prédiction de vol décelé. En effet, si le licenciement pour vol est utilisé comme critère, les sous-échelles d’honnêteté du PSI et du SEAI prédisent avec succès le vol décelé par les employés. De plus, la corrélation obtenue (.28) entre les scores des souséchelles d’honnêteté et les vols décelés est en adéquation avec la méta-analyse faite par les personnes publiant les tests d’honnêteté (McDaniel & Jones, 1988), en prenant en compte le vol comme critère (.33). Par contre, la corrélation de .28 est inférieure à celle obtenue par les tests d’intégrité (Ones, Viswesvaran & schmidt’s, 1991). Toutefois, ces 2 méta-analyses contiennent des résultats qui ont pu être biaisés par la contamination, ce qui a pour effet de gonfler le coefficient de validité. Le PSI est l’un des tests le plus utilisé pour mesurer l’honnêteté (500'000 tests administrés en 1992). Parmi les autres tests utilisés, il est possible de cité the Stanton Survey 4 et le Reid Report. Bien qu’il ne soit pas possible de généraliser, il semble pourtant que les théories sur lesquelles sont fondés ces 2 tests soient similaires à celle de la sous-échelle d’honnêteté utilisée par the London House. Bien que l’étude présente soit basée uniquement sur la sous-échelle d’honnêteté du PSI et du SEAI et non sur le total des sous-échelles qui détermine un index d’employabilité, il en ressort tout de même qu’il n’y a pas de différence significative qui serait due soit à la race, soit au genre. L’estimation, à partir d’aveux, du nombre des employés ayant commis un vol s’échelonne entre 32 et 75 %. Or, pour cette étude, basée sur le vol décelé, le taux de vol a été estimé à 45 %, ce qui correspond donc avec les projections de vols basées sur l’aveu des voleurs. Pourtant, des études montrent que la majorité des vols commis ne sont pas détectés (Clark & Hollinger, 1983), ce constat mettant à mal l’effort de validation des tests d’honnêteté. Ainsi, les résultats obtenus dans cette étude n’étayent pas foncièrement la validité des sous-échelles d’honnêteté étant donné qu’il n’y a pas d’explications alternatives pour les corrélations significatives. Toutefois, cette étude montre que le test d’honnêteté reste un excellent moyen pour la prédiction de vols détectés. Bien que des précautions aient été prises, il n’est pas possible d’assurer à 100 % que les résultats de cette étude n’aient pas été sujets à la contamination. En effet, le manuel du PSI recommande aux superviseurs de prendre en compte le score des employés au test d’honnêteté, ce qui peut affecter leur comportement ultérieur vis-à-vis des employés ayant eu un faible score. Toutefois, les compagnies ayant participé à cette étude ont assuré que ces recommandations n’avaient pas été suivies, et ainsi le test a pu être correctement validé. Les publieurs des tests et leurs clients se doivent de coopérer avec les chercheurs indépendants s’ils souhaitent assurer la validité et l’utilité des tests d’honnêteté et d’intégrité. De cette manière, les prochaines études se devront d’utiliser des échantillons plus grands et de comparer la validité de plusieurs instruments censés prédire le vol par les employés. Bien que les résultats obtenus soutiennent la validité prédicative des tests d’honnêteté, d’autres études sont nécessaires pour tester la validité de construction et pour examiner d’autres approches susceptibles d’augmenter la validité de ces instruments. Références American Psychological Association (1991). Questionnaires used in the prediction of trustworthiness in pre-employement selection decisions : An A.P.A. task force report. Washington, DC: American Psychological Association. Clark, J.P., & Hollinger, F. C. (1983). Theft by employees in work organisations. Rockville, MD: National Institute of Justice. Deutsch, C.H. (1990). Pen-and-pencil integrity tests. Wall Street Journal, February 11:29. Inwald, R. (1990). Those little white lies of honesty tests vendors. Personnel, 67: 52-58. Logan, T.G., Koettel, R.C., & Moore, R.W. (1986). Personality correlates of a test of honesty. Psychological Reports, 59: 1015-1018. London House Press (1986). Station Employee Applicant Inventory. Park Ridge, IL: London House Press. London House Press (1986). Personnel selection Inventory information guide. Park Ridge, IL: London House Press. McDaniel, M.A., & Jones, J.W. (1988). Predicting employee theft: A quantitative review of the validity of a standardized measure of dishonesty. Journal of Business and Psychology, 2: 327-345. 5 Murphy, K.R. (1993). Honesty in the workplace. Belmont, CA: Brooks/Cole Ones, D.S., Viswesvaran, C., & Schmidt, F.L. (1991). Meta-analysis shows integrity tests are valid despite moderating influences. Paper presented at the 3rd Annual Conference of the American Psychological Society, Washington, DC. Orban, J.A. (1986). Development and validation of the Station Employee Applicant Questionnaire. Park Ridge, IL: London House Press. Sackett, P.R., Burris, L.R., & Callahan, C. (1989). Integrity testing for personnel selection An update. Personnel Psychology, 42: 491-529. Terris, W., & Jones, J.W. (1982). Psychological factors relating to employees’ theft in the convenience store industry. Psychological Reports, 51: 1219-1238. 6