Le bouturage semi-ligneux de quelques variétés d`olivier cultivées

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Le bouturage semi-ligneux de quelques variétés d`olivier cultivées
Revue Ezzaitouna 2 (1 et 2), 1996,
58-64
LE BOUTURAGE SEMI-LIGNEUX DE QUELQUES VARIETES
D'OLIVIER CULTIVEES EN TUNISIE
A. CHAARl-REKHlS*
Résumé:
L'étude du comportement des boutures semi-ligneuses de huit variétés
d'olivier cultivées en Tunisie en fonction de. la dose d'AIB utilisée sous le
système de nébulisation Fog nous a permis de constater l'efficacité de ce
mode d'humidification dans l'enracinement de ces boutures.
En effet, la majorité des boutures présentent des taux de rhizogénèse
satisfaisants au bout de 12 semaines de mise en serre. C'est ainsi qu'on a
enregistré des pourcentages d'enracinement oscillant entre 23 et 73%, avec
une moyenne pour toutes les variétés de 56%.
Toutefois les 2 doses d'AIB appliquées (2500 et 4000 ppm) n'agissent
pas toujours de la même manière sur l'enracinement des boutures. La Souri,
la Manzanille et la Souri de Liban présentent les meilleurs taux
d'enracinement qui sont respectivement de 73 et 70%, 70 et 63% et 70% et
70% pour les doses de 2500 et de 4000 ppm.
La présence des feuilles au sommet des boutures est un facteur très
important dans la réussite d'un tel bouturage. En effet leur présence est à
l'origine de l'émission des racines.
Mots clés: Oliviers, Bouturage et rhizogénèse.
------------------------------------------------------------------------------------------THE SEMI-WOOD CUTTING OF SOME OLIVE TREES V ARIETIES
CULTIVA TED lN TUNISIA
Summary
Rhizogenesis rates of semi-hard wood cuttings ta ken from eight olive-trees
varieties cultivated in Tunisia (Meski, Chemchali, Manzanille, Marsaline, Lucques,
Souri, Souri du Liban and Kalamata) are determinated. Results show the efficiency of
the Fog System on rooting ability.
ln fact, the majority of the cuttings has a good rootage rate after spending 12
weeks in a Green house.
GeneraIly, the pourcentage of rooting is beetween 23 and 73 % with an average of
56 % for aIl the varieties.
Although, the rhizogenesis depends on the dose of IBA used (2500 and 4000
ppm). Best rootage rate for the two doses of hormone, was obtained for Souri (73 % and
70 %), Manzanille (70 and 63 %) and Souri du Liban (70 % and 70 %). Results show the
importance of the leaves persistence on the semi-wood cuttings because it stimulates the
roots emission.
------------------------------------------------------------------------------------------* Attachée de recherche: Institut de l'Olivier BP 263, 3018 Sfax
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1- Introduction
Le bouturage est une technique de multiplication asexuée des plantes,
il consiste à prélever un organe ou un fragment d'organe sur un végétal,
l'aider à subsister et à former les parties nécessaires (racines) pour en faire
une plante entière (Boutherin et Bron, 1989).
Les avantages de ce mode de multiplication sont nombreux, ils se
résument en la reproduction fidèle, en un temps relativement court de
milliers d'exemplaires d'un végétal donné, qui seront tous homogènes entre
eux.
En outre, le bouturage semi-ligneux, adopté pour la propagation de
l'olivier depuis quelques décennies (Hartamann 1952 ; Breviglieri 1958 et
Caballero 1983), permet l'entrée très rapide en production des plants
obtenus (qui commencent à fructifier à partir de la première année de leur
plantation) alors que ceux issus de souchets (méthode traditionnelle de
multiplication) passent par une période de juvénilité plus ou moins longue.
L'objectif du présent travail est de déterminer les taux et la durée
d'enracinement des boutures semi-ligneuses de quelques variétés d'olivier
cultivées en Tunisie en fonction de la dose d'auxine appliquée et d'étudier
l'effet de la persistance des feuilles sur le bouturage semi-ligneux.
II - Matériels et méthodes:
1 - Matériel de multiplication
L'enracinement des boutures est réalisé sous serre (de 70 in2
de surface) sur des tablettes contenant de la perlite, leur fond est chauffé par
des résistances électriques réglées à 25°C à l'aide d'un thermostat.
L'humidification de la serre est assurée par un système de nébulisation
Fog qui consiste en l'émission de très fines gouttelettes d'eau formant un
véritable brouillard. L'humidité ambiante est maintenue à l'aide d'un
hygrostat à 90%.
2 - Matériel végétal
Le matériel végétal a été prélevé sur des oliviers âgés de
23 ans, il s'agit de six variétés étrangères (Manzanille, Marsaline, Lucque,
Souri, Souri du Liban et Kalamata) et deux tunisiennes (Meski et
Chemchali) greffées sur une variété tunisienne (Chemlali), plantées à
6
m x 6 m et conduites en irrigué. .
Les prélèvements ont été effectués le 18/2/1993. Les boutures longues
d'environ 15 cm, portent à leur sommet 2 paires de feuilles. Elles sont
trempées pendant 5 secondes dans une solution commerciale d'Acide Indol
Butyrique (Exubérone) titrant 2500 et 4000 ppm avant leur mise en serre et
faute de matériel végétal et
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sachant que sans traitement, les boutures s'enracinent très peu, on n'a pas
utilisé un témoin (non traité à l'AIB).
Trente boutures ont été utilisées par traitement en 3 répétitions.
III - Résultats et discussions:
1 - Le suivi du processus de rhizogénèse
Le suivi du déroulement de la rhizogénèse nous a permis de constater
qu'au cours des 12 semaines passées à la serre de multiplication, plusieurs
modifications, observables à l'oeil nu, apparaissent au niveau du sommet et
de la base de la petite bouture, résultats du sevrage du pied mère, de
l'application de l'auxine et des conditions physiques (chaleur de base et
humidité) auxquelles les boutures sont soumises (Chaussat et Bigot, 1980).
Au niveau du sommet, on a remarqué que certaines boutures perdent
une ou plusieurs feuilles dès leur mise en place.
Les modifications sont plus importantes au niveau de la base: c'est
ainsi qu'au terme des 4 premières semaines, on observe une multiplication
intense des cellules situées au niveau de l'emplacement des feuilles qui
engendre la formation d'un amas cellulaire plus ou moins important,
blanchâtre et cohérent: ce sont les cals.
Au bout d'un certain temps on observe l'organisation des méristèmes
racinaires (Chaussat et Bigot, 1980 ; Boutherin et Bron, 1989) à la base de
quelques boutures, d'autres restent sans modification aucune. On a pu
remarquer aussi que la chute des feuilles entraîne dans la plupart des cas la
dégénérescence des cals et des boutures (Chaari et al, 1992).
Au terme de 12 semaines, toutes les boutures ont été retirées et classées
suivant leur réponse au niveau de leur base en fonction de la dose d'AIB
(tableau 1) et du nombre de feuilles restantes au sommet (tableau II).
2 - Le comportement des variétés en fonction de la dose d'AIB Les
résultats enregistrés au cours de ces essais et rapportés dans le tableau I
montrent que les deux concentrations d'auxine appliquées n'agissent pas de
la même manière sur la rhizogénèse des boutures de la majorité des variétés
(Caballero,1983). La différence entre les taux d'enracinement de certaines
variétés est hautement significative pour la dose de 2500 (Manzanille et
Meski) alors que pour d'autres elle l'est pour la dose de 4000 ppm (Souri et
Lucque).
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Tableau 1 : Comportement des boutures de toutes les variétés en fonction
de la dose d'AIB. (résultats en pourcent des boutures mises en serre).
Doses en ppm
2500
C
4000
M
R
C
doses confondues
Etat des boutures
R
M
R
C
MANZANILLE
70,0 16,7 13,3 63,3 10,0 26,7 66,7 13,3
20,0
MESKI
23,3 33,4 43,3 56,7 26,7 16,6 40,0 30,0
30,0
LUCQUE
33,4
3,3
58,3
SOURI
73,4 13,3 13,3 70,0
6,7 23,3 71,7 10,0
18,3
KALAMATA
63,3
3,3 33,4 63,4
MARSA LINE
43,3 16,7
SOURI de LIBAN
70,0 3,2. 26,7 70,0
CHEMCHALI
63,4 13,3 23,3 60,0 10,0 30,0 61,7
11,7 26,6
Toutes Variétés
55 13,0 32,0 57,5 10,5 32,0 56,5
11,3 32,2
R : boutures racinées
C : Boutures avec cals
3,3 63,3 43,3 3,3 53,4 38,4
3,3 33,4 63,3
3,3 33,3
40 36,7 13,3 50,0 40,0 15,0
3,3 26,7 70,0
M
3,3
45,0
26,7
M: boutures mortes
Cependant, il faut remarquer que pour la Manzanille, la Souri, la
Marsaline et la Chemchali, la dose de 2500 ppm a donhé les meilleurs taux
d'enracinement.
Tandis que les boutures de Kalamata et de Souri de Liban ont réagi de
la même façon aux deux concentrations, la dose de 4000 ppm a donné par
contre les meilleurs taux d'enracinement pour la Meski et la Lucque.
Toutefois, la différence entre les taux enregistrés à 2500 et 4000 ppm
n'est significative que pour la Meski, la Lucque et la Marsaline.
Si on examine de plus près les taux enregistrés pour les différentes
variétés, détaillés dans le tableau l, on constate que la variété Souri donne
les taux d'enracinement les plus élevés pour les deux doses d'A 1 B (73 %
et 70 %) suivie de la Souri de Liban avec 70 % pour les deux
concentrations; aussi la Manzanille est une variété qui s'enracine très bien
à 2500 et 4000 ppm d'AIE respectivement à 70 % et 63 % (Caballero,
1983 ; Daoud et al, 1989). Seules la Marsaline et la Lucque donnent des
taux inférieurs à 50 %.
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Le taux de callogénèse, parfois assez élevé (Meski), est peu variable
avec la concentration d'auxine pour la plupart des variétés.
En ce qui concerne la mortalité des boutures, l'examen du même
tableau l, révèle que les taux varient, pour toutes les variétés, de la même
manière mais évidemment dans le sens inverse de l'enracinement: la Souri
présente le taux le plus bas de mortalité; la Lucque et la Marsaline les
pourcentages les plus élevés.
3 - Effet de la durée
Différents auteurs préconisent un séjour d'environ 12 semaines dans la
serre de multiplication pour avoir le maximum de boutures racinées
(Caballero, 1983 ; Chaari et al, 1992). Les résultats consignés dans le
tableau I montrent que la durée de 12 semaines parait suffisante pour
permettre l'expression presque complète de l'aptitude à l'enracinement des
boutures de la majorité des variétés testées.
Sa prolongation d'une ou deux semaines pourrait être envisagée pour la
Meski et peut être aussi pour la Marsaline et la Manzanille qui présentent à
douze semaines des taux élevés de boutures avec cals (respectivemeIl~A~
30, 15 et 13,3 %).
4 - Effet de la persistance des feuilles
Les feuilles jouent un rôle essentiel dans le maintien en vie des
boutures et le déclenchement de la rhizogénèse puisqu'elles constituent leur
seule source d'alimentation pendant leur séjour dans la serre de
multiplication (Chaussat et Bigot, 1980 ; Boutherin et Bron, 1989).
En effet, pour les deux doses d'AIB confondues et comme le montre le
tableau TI, la presque totalité des boutures qui ont émis des racines ont
gardé leurs feuilles ou au minimum une, alors que celles qui ont perdu
toutes leurs feuilles sont mortes. Ceci confirme l'importance de la
persistance des feuilles pour le processus de la rhizogénèse : celles-ci sont
en fait à l'origine de la formation des racines en leur fournissant l'énergie
nécessaire (Boutherin et Bron,1989). L'examen du même tableau II
confirme cette hypothèse puisque la majorité des boutures racinées gardent
la totalité de leurs feuilles.
C'est encore la Souri qui présente les meilleurs pourcentages de
boutures gardant les 4 feuilles à la fin du cycle de la rhizogénèse (88,4%),
suivie de la Manzanille (85%) et de la Souri de Liban (83,4%).
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Tableau II: Taux des boutures racinées en fonction du nombre des feuilles
restantes, toutes doses d'AIB confondues.
feuilles
4
3
2
1
0
MANZANILLE
85,0
10,0
2,5
2,5
0
MEsKI
75,0
12,5
12,5
0
0
LUCQUE
74,0
13,0
13,0
0
0
SOURI
88,4
9,3
2,3
0
0
KALAMA T A
47,4
31,5
15,8
5,2
0
MARSA LINE
70,8
16,7
4,2
8,3
0
SOURI du LIBAN
83,4
7,1
2,4
7,1
0
CHEMCHALI
59,5
27,0
8,1
5,4
0
Variétés
IV - Conclusions:
Le processus de rhizogénèse des différents types de bouturage est un
phénomène très compliqué (Chaussat et Bigot, 1980), il se traduit
concrètement par l'obtention d'une plante entière capable de croître
indépendemment du pied-mère. Les boutures semi-ligneuses de huit
variétés d'olivier cultivées en Tunisie (Manzanille, Meski, Lucque, Souri,
Kalamata, Marsaline, Souri du Liban et Chemchali) ont montré une bonne
aptitude à l'enracinement sous le système de nébulisation Fog. En effet pour
des prélèvements printaniers, pas moins de six variétés réalisent des taux
supérieurs à 50 %.
C'est ainsi que les résultats enregistrés nous permettent de conclure que
ce système est très efficace pour l'expression de la capacité rhizogénique
des boutures semi-ligneuses de ces variétés.
Les doses d'AIB (2500 et 4000 ppm) testées donnent des taux
d'enracinement assez satisfaisants au bout de douze semaines de
.
mise en serre, toutefois la dose intermédiaire de 3000 ppm devrait
être testée pour connaitre le comportement des variétés face à une
économie d'auxines. Par ailleurs, ces taux d'enracinement pourraient être
améliorés en prenant en considération la période de prélèvement des
boutures (Chaari, 1993) et/ou en essayant d'autres produits rhizogènes. Un
séjour prolongé d'une ou deux
63
semaines permettrait probablement une augmentation des taux finaux vu le
nombre de boutures callosées, parfois assez important.
Cet essai nous a permis aussi de mettre en évidence l'importance de la
persistance des feuilles dans la réussite de ce type de bouturage.
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