Économies d`échelle et économies de taille en

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Économies d`échelle et économies de taille en
Économies d’échelle et
économies de taille en agriculture :
explication des concepts et revue de la littérature
Préparé pour
RAPPORT FINAL
MARS 2013
2014, rue Cyrille-Duquet, bureau 307, Québec (Québec) G1N 4N6
Tél. : (418) 527-4681 Téléc. : (418) 527-7101 www.groupeageco.ca
Économies d’échelle et de taille
RAPPORT PRÉSENTÉ À
La Coop fédérée
ÉQUIPE DE RÉALISATION
Catherine Brodeur, agr. M.Sc., responsable du mandat
Martine Labonté, agr., analyste agroéconomie
Groupe AGÉCO pour La Coop fédérée
i
Économies d’échelle et de taille
Groupe AGÉCO pour La Coop fédérée
ii
Économies d’échelle et de taille
TABLE DES MATIÈRES
1.
2.
3.
Introduction ........................................................................................................................ 1
Un peu de théorie… ............................................................................................................ 3
Recension de la littérature sur les économies de taille en agriculture .............................. 6
3.1
Les études nord-américaines (hors Québec) ......................................................... 6
3.2
Les études européennes ...................................................................................... 10
3.3
Les études québécoises........................................................................................ 11
4. Discussion et conclusion ................................................................................................... 15
Bibliographie ............................................................................................................................. 17
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 3.1
Sommaire des résultats des études sur les économies de taille en
production laitière ............................................................................................ 14
LISTE DES FIGURES
Figure 1.1
Figure 2.1
Figure 2.2
Évolution du nombre d’entreprises laitières avec permis de livraison
(1992-2011) ......................................................................................................... 1
Fonctions de coûts totaux moyens à court terme et courbe enveloppe ........... 4
Illustration des courbes de coûts avec économies de taille, économies
de taille constantes et déséconomies de taille ................................................... 5
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Économies d’échelle et de taille
1. INTRODUCTION
Au cours des dernières décennies, le nombre d’entreprises agricoles dans les pays
industrialisés a subi un déclin considérable. Le secteur agricole a ainsi fait l’objet d’une
consolidation avec une augmentation de la taille moyenne des entreprises, passant d’une
réalité d’entreprises de subsistance diversifiées à un modèle d’entreprises commerciales
spécialisées et, dans certains cas, à un modèle d’exploitation de type industriel.
À l’instar des autres secteurs de l’agriculture, le secteur laitier a également fait l’objet d’une
importante consolidation. Entre 1992 et 2011, le nombre d’entreprises laitières a diminué de
50 % au Québec. Bien qu’elle soit considérable, cette diminution demeure moins importante
qu’ailleurs au Canada et aux États-Unis, qui ont connu une diminution respective de 57 % et
61 % du nombre de leurs entreprises laitières sur la même période (Figure 1.1).
Figure 1.1
Évolution du nombre d’entreprises laitières avec permis de livraison (1992-2011)
Sources : Centre canadien d’information laitière et USDA, 2012. Compilation Groupe AGÉCO 2012.
Pendant ce temps, la taille moyenne des entreprises laitières a augmenté de 45 % au
Québec, passant de 40 vaches en lactation en 1992 à 58 en 2011.1 Malgré cette
augmentation de taille importante, la taille moyenne des entreprises laitières québécoises
demeure significativement en deçà des moyennes canadienne et américaine, qui sont
respectivement de 77 et 179 vaches par ferme (données de 2011).
Ces quelques résultats soulèvent un questionnement quant aux facteurs explicatifs de la
taille des entreprises et de son accroissement. La théorie économique établit un lien entre
1
Centre canadien d’information laitière, En chiffres, http://www.infolait.gc.ca/index_f.php?s1=dff-fcil, consulté le 16
novembre 2012.
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Économies d’échelle et de taille
taille et efficience en faisant intervenir les concepts d’économies d’échelle et d’économies de
taille. Or, cette corrélation ne fait pas l’unanimité parmi les économistes. De plus, ces deux
concepts d’économies de taille et d’échelle sont souvent mal compris et mal employés dans
les débats autour de la question.
Ce document a pour objectif de clarifier les concepts économiques d’économie d’échelle et
d’économie de taille et de dresser un état des lieux de la littérature économique s’y étant
intéressé, notamment dans une perspective de mesure des économies d’échelle ou de taille
dans le secteur laitier ou le secteur agricole. En effet, de nombreux travaux de recherche
réalisés au cours des dernières décennies ont tenté de déterminer si de telles économies
étaient présentes en production laitière et en agriculture. Or, ces travaux diffèrent tant par
leur méthodologie que par leurs conclusions. Nous tentons d’y apporter un éclairage et d’en
dégager des conclusions en lien avec le contexte de la production laitière québécoise.
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Économies d’échelle et de taille
2. UN PEU DE THÉORIE…
Il est, dans un premier temps, indispensable de bien définir les différents concepts associés à
l’efficience économique des entreprises. On observe d’ailleurs dans la littérature économique
une confusion dans l’utilisation des concepts d’économie de taille et d’échelle2.
Une économie de taille implique que l’entreprise devient plus efficiente en augmentant sa
taille. Une économie d’échelle est une économie de taille en soi, mais sous des conditions
spécifiques, soit lorsque l’entreprise augmente sa taille en augmentant dans une même
proportion le niveau de tous les facteurs de production utilisés (terre, équipements, travail,
etc.).3
Dans la réalité, il est peu probable que l’augmentation du niveau de production se réalise via
une augmentation des facteurs de production qui soit proportionnelle. Avec l’évolution de la
taille de l’entreprise, on observe plutôt une réorganisation des ressources dans des
proportions différentes. En tenant compte de cette limite, le concept d’économie d’échelle
est donc moins pertinent pour évaluer l’efficience économique d’entreprises de différentes
tailles.
L’économie de taille réfère à la relation entre le coût moyen de production et le niveau de
production4. Ici, la proportion des facteurs utilisés peut être modifiée au fur et à mesure que
l’entreprise croît. Dans le secteur agricole, la taille réfère à différents paramètres : recettes,
superficies en cultures, nombre de vaches, volumes de production, etc.
Selon Knutson et al (1983)5, les économies de taille proviennent d’économies monétaires et
techniques. Les économies monétaires réfèrent aux avantages des grandes entreprises qui
bénéficient d’un pouvoir d’achat supérieur résultant en un prix des facteurs de production
plus faible (escomptes de volume). Les économies techniques réfèrent aux éléments
suivants6 :
2
3
4
5
6

La spécialisation de la main-d’œuvre : l’augmentation de la taille
permet une division du travail impliquant une spécialisation accrue des
travailleurs (responsable du troupeau, des cultures, de
l’administration, etc.) et une amélioration de la productivité du travail

La spécialisation de l’encadrement : l’augmentation de la taille permet
de mieux utiliser et de spécialiser l’encadrement en matière de
management et de coordination.
METER, Ken. Historical Review of Research Covering Economies of Size, 30 septembre 2004, p.3.
HALLAM, Arne. “Economies of Size and Scale in Agriculture: An Interpretive Review of Empirical Measurement”, Review
of Agricultural Economics, vol. 13, no. 1, janvier 1991, pp. 155-172.
MADDEN, Patrick, Economies of size in farming, Theory, analytical procedures and review of selected studies, Economic
Research Service, United States Department of Agriculture, 1967, 83 p.
KNUTSON, R.D. PENN J.B., BOEHM, W.T. AGRICULTURAL AND FOOD POLICY, 1983, ÉDITION PRENTICE-HALL, PP. 176180.
ième
MCCONNEL et autres. L’économique, microéconomique, McGraw-Hill, 3
édition, 1988, p. 123-124.
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
L’efficacité du capital : l’augmentation de la taille permet d’amortir
l’achat d’équipements productifs sur un plus grand volume de
production (tels que hectares/tracteur) et de faciliter l’atteinte d’une
combinaison optimale maximisant la capacité d’utilisation de ces actifs.

Meilleure utilisation des sous-produits : les entreprises de grande taille
seront plus en mesure de valoriser les sous-produits en raison du
volume plus important (par exemple les équipements de traitement
des fumiers et lisier).
À court terme, les économies de taille sont issues d’une pleine utilisation des ressources de
l’entreprise. Le coût moyen unitaire est donc réduit avec l’augmentation du nombre
d’extrants produits puisque les coûts fixes sont amortis sur une plus grande quantité. C’est la
situation illustrée par le passage de la courbe de coûts CTM1 à CTM2 dans la Figure 2.1.
Toutefois, le coût moyen unitaire tendra éventuellement à augmenter puisque des
ressources variables supplémentaires devront être ajoutées dans une proportion croissante
aux ressources fixes pour augmenter le niveau d’extrants (passage de CTM2 à CTM3). Ce
phénomène de diminution puis d’augmentation des coûts moyens de court terme est
représenté par ce qu’on appelle la courbe enveloppe. La courbe enveloppe représente le
coût total moyen des entreprises de différentes tailles dans une perspective à long terme.
Ainsi, à long terme, toutes les ressources sont considérées comme variables. Selon la théorie,
les économies de taille pourront être obtenues à la suite de l’augmentation de la taille de
l’entreprise jusqu’à un niveau optimal, là où la courbe enveloppe est à son minimum. Le
modèle théorique indique donc qu’à partir d’une taille donnée, augmenter la taille de
l’entreprise aura pour effet d’augmenter le coût unitaire.
Figure 2.1
Fonctions de coûts totaux moyens à court terme et courbe enveloppe
Ce modèle théorique (la courbe enveloppe en forme de U) est toutefois mis au défi par de
nombreux travaux empiriques qui, au contraire, sous certaines conditions, démontrent que
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les coûts unitaires continuent de décroître avec l’augmentation de la taille des entreprises,
ou, à tout le moins, demeurent constants. Ces modèles proposent donc plutôt des courbes
de coûts de long terme en forme de L. Les différentes formes que peut prendre la courbe
enveloppe sont présentées à la figure 2.2.
Coût unitaire
Figure 2.2
Illustration des courbes de coûts avec économies de taille,
économies de taille constantes et déséconomies de taille
Déséconomies de taille à partir de q*
Courbe en forme de U
Économies de taille avec rendements
constants à partir de q*
Courbe en forme de L
Économies de taille
q*
Q
La prochaine section présente une recension des principaux travaux qui se sont intéressés à
mesurer les économies de taille en agriculture et plus spécifiquement dans le secteur laitier.
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Économies d’échelle et de taille
3. RECENSION DE LA LITTÉRATURE SUR LES ÉCONOMIES DE TAILLE EN AGRICULTURE
L’existence d’économies de taille en agriculture fait l’objet de débats entre les économistes
depuis de nombreuses années. Plusieurs études portant sur les économies de taille en
production laitière dans les économies développées ont été recensées. Les études recensées
diffèrent tant dans leurs conclusions que dans les approches méthodologiques retenues.
Certaines font la démonstration qu’il existe des économies de taille, même pour les grandes
entreprises, ce qui implique qu’en moyenne le coût unitaire diminue avec l’agrandissement
de l’entreprise. En général, ces études montrent que la diminution du coût unitaire devient
de moins en moins importante à mesure que l’entreprise croit (fonction de coûts en L). À
l’inverse, d’autres études identifient une taille optimale d’entreprise où le coût unitaire est le
plus faible et montrent qu’au-delà de cette taille, on observe des déséconomies de taille à un
certain point (fonction de coûts en U).
On observe également une grande diversité de méthodes pour évaluer l’existence
d’économies de taille. Or, les choix méthodologiques peuvent avoir un impact considérable
sur les résultats obtenus. Les principales différences ont trait :

à la forme fonctionnelle utilisée pour décrire la fonction de production,
c’est-à-dire l’équation théorique qui modélise les coûts de l’entreprise;

à l’attribution ou non d'un coût d’opportunité pour la main-d’œuvre
non-rémunérée;

à la rémunération de l’avoir du propriétaire;

à la considération ou non des coûts associés à des coproduits (vaches
de réforme et veaux par exemple);

au coût des intrants produits sur la ferme (fourrages et grains,
notamment);

au choix de l’unité de mesure de la taille de l’entreprise (nombre de
vaches, recettes, volume de production en hl) qui peut aussi
occasionner des différences.
3.1 LES ÉTUDES NORD-AMÉRICAINES (HORS QUÉBEC)
Plusieurs études nord-américaines ont observé des économies de taille pour les élevages
laitiers (Moschini, 1990; MacDonald et al, 2007; Mosheim et Lovell, 2009; Tauer et Mishra,
2006; Kumbhakar, 1989; et Skolrud et Shumway, 2012). La plupart sont associées à une
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Économies d’échelle et de taille
fonction de coûts en forme de L impliquant de faibles économies de taille à partir d’une
certaine taille. Les niveaux à partir desquels les économies de taille faiblissent sont toutefois
en moyenne beaucoup plus élevés que la taille moyenne des entreprises laitières
canadiennes ou québécoises.
Les résultats d’une étude américaine réalisée par le USDA (MacDonald et al) en 2007
indiquent qu’il existe des économies de taille substantielles en production laitière7. Dans le
cadre de cette analyse, les auteurs ont également fait ressortir les différences fondamentales
entre les entreprises de petite et de grande taille. Les entreprises de grande taille achètent
une plus grande proportion des aliments consommés à la ferme et l’élevage des sujets de
remplacement est souvent effectué à contrat. La main-d’œuvre provient d’employés salariés
alors que le fonctionnement des entreprises de petite taille repose davantage sur le travail
des propriétaires et de la famille.
Dans leur analyse, les auteurs ont considéré un coût d’opportunité du travail, établi sur la
base de l’âge, de l’éducation et de la région d’appartenance des entreprises prenant part à
l’analyse. En moyenne, pour les entreprises de plus de 1000 vaches, on observe une
réduction de coûts par cent livres de 15 % par rapport aux fermes de 500 à 999 vaches et de
35 % par rapport aux fermes de 100 à 199 vaches.
Mosheim et Lovell (2009) ont effectué une analyse sur la base des données de 619
entreprises laitières américaines enquêtées en 2000 par le gouvernement américain8. Les
résultats de l’analyse montrent que la fonction de coûts suit une forme en L. Les économies
de taille sont substantielles jusqu’à ce que le troupeau atteigne une taille d’environ 400
vaches et diminuent de façon importante par la suite.
Plus récemment, Skolrud et Shumway (2012) ont également étudié la présence d’économies
de taille en production laitière à partir d’un échantillon de 870 entreprises provenant de 22
États américains, classées en rang centile de taille. Ils ont testé la présence d’économies de
taille à l’aide de différentes méthodes (soit différentes formes fonctionnelles pour modéliser
les coûts sur l’entreprise)9. Les résultats obtenus varient selon la méthode utilisée. Les
résultats obtenus à l’aide de la méthode préconisée par les auteurs (soit la méthode Fourier)
indiquent que l’entreprise moyenne (autour du 50ème percentile) opère dans une zone de
rendements croissants, ce qui implique que des gains peuvent toujours être réalisés. Il en est
de même pour les entreprises du 75ième percentile, mais pas pour les entreprises des 90 et
95ièmes percentiles, dont les coûts ne diffèrent plus significativement. Les auteurs n’indiquent
toutefois pas à quelle taille chacun des percentiles correspond. Les résultats obtenus par les
autres méthodes testées par les auteurs ont montré des résultats de rendements
7
8
9
MACDONALD, James M., et autres, Profits, Costs, and the Changing Structure of Dairy Farming, Economic Research
Services, United States Department of Agriculture, septembre 2007, no. 47, 35p.
MOSHEIM, Roberto; LOVELL, A. Knox. “Scale Economies and Inefficiency of U.S. Dairy Farms”, American Journal of
Agricultural Economics, vol. 91, no. 3, août 2009, pp. 777-794.
SKOLRUD Tristan D.; SHUMWAY C., Richard. “A Fourier analysis of the US dairy industry”, Applied Economics, vol.45, no
14, janvier 2012, pp. 1887-1895.
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Économies d’échelle et de taille
décroissants significatifs pour les entreprises de très grande taille, indiquant une courbe de
coûts en forme de U10.
Moschini (1990) a analysé la présence d’économies de taille dans les entreprises laitières
ontariennes11. Les résultats ont démontré la présence d’économies de taille substantielles
pour les entreprises laitières de l’échantillon étudié. Des économies de taille constantes ont
toutefois été observées pour les entreprises de très grande taille de l’échantillon. L’auteur ne
spécifie toutefois pas la taille de ces entreprises en termes de nombre de vaches ou de
production annuelle.
Matulich et Scott (1978) ont utilisé des budgets-type théoriques pour différentes
technologies données pour la traite, l’alimentation et la régie d’élevage afin de déterminer si
des économies de taille étaient présentes en production laitière12. Pour réaliser leur analyse,
ils ont développé des budgets théoriques d’entreprises de différentes tailles à partir de
données réelles de fermes américaines. Dans leur modèle, les coûts par vache associés à
l’alimentation du troupeau, aux animaux de remplacement, à l’utilisation de la terre et aux
frais divers sont considérés constants. Ils ne font varier que les coûts associés à la maind’œuvre, à l’utilisation des équipements et des bâtiments ainsi que les taxes et assurances.
Ces coûts sont décroissants avec l’augmentation de la taille du troupeau.
Dix entreprises-types ont ainsi été créées, d’une taille allant de 375 à 1200 vaches. Les coûts
annuels moyens calculés suivent une tendance à la baisse sur les entreprises-types de 375 à
750 vaches puis remontent sensiblement, pour redescendre pour la ferme-type de 1 200
vaches13. Les auteurs notent que plus de 60 % de la réduction du coût moyen par vache se
produit entre le modèle d’entreprise-type comportant 375 vaches et celui de 450 vaches. Ils
expliquent ces résultats par l’utilisation du retrait automatique dans le modèle de 450
vaches. Il est à noter qu’au cours des dernières décennies au Québec, l’implantation des
technologies associées à la traite et à la gestion de l’alimentation (dont notamment le retrait
automatique) s’est accentuée sur les entreprises de petite taille, soit des entreprises de taille
inférieure à la taille couverte par cette étude.
Avec l’évolution rapide des technologies en production laitière, on peut questionner la
pertinence de ces résultats qui datent de plus de 30 ans. Malgré cela, l’explication de la
source des économies de taille demeure toujours à propos. En effet, les auteurs attribuent
l’existence d’économies de taille aux avancées technologiques associées aux systèmes de
traite (salle de traite et retrait automatique) et aux systèmes d’alimentation automatisés
utilisés par les entreprises de plus grande taille, ainsi qu’à la plus grande capacité de ces
entreprises d’utiliser ces technologies de façon optimale14. Dans ce dernier cas toutefois, on
peut questionner s’il s’agit véritablement d’économies de taille. Au sens strict, les économies
10
11
12
13
14
SKOLRUD (2012), p. 1892.
MOSCHINI, Giancarlo. “Nonparametric and Semiparametric Estimation: An Analysis of Multiproduct Returns to Scale”,
American Journal of Agricultural Economics, vol. 72, no. 3, août 1990, pp. 589-596.
MATULICH, Scott C. “Efficiencies in Large-Scale Dairying: Incentives for Future Structural Change”, American Journal of
Agricultural Economics, vol. 60, no. 4, novembre 1978, pp. 642-647.
MATULICH (1978), p. 645.
MATULICH (1978), p. 646.
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Économies d’échelle et de taille
de taille sont associées aux technologies disponibles en fonction de la taille de l’entreprise et
non à l’efficience de l’utilisation des technologies disponibles par ces mêmes entreprises.
Autrement dit, ce n’est pas la taille en soi qui constitue un frein à la réduction des coûts
unitaires. Les travaux de Kumbhakar (1989) et de Tauer et Mishra (2006) ont permis de
mieux évaluer cette question.
Ainsi, Kumbhakar (1989) fait une distinction importante dans ses travaux en évaluant les
économies techniques (liées aux technologies disponibles), allocatives (liées à la quantité
d’input utilisée par output produit) et d’efficience (liées aux capacités de gestion des
dirigeants) de groupes d’entreprises laitières de l’Utah de différentes tailles à l’aide d’une
frontière de production15,16. La frontière de production représente le coût minimal de
production qu’il est théoriquement possible d’atteindre en fonction des technologies et
pratiques disponibles pour différentes tailles d’entreprise (par comparaison, les études
précédemment citées réfèrent le plus souvent aux coûts réels observés et non pas aux coûts
théoriques). La frontière de production permet donc de comparer les coûts minimums des
entreprises de différentes tailles selon les technologies disponibles pour ces entreprises.
Dans l’étude de Kumbhakar, les résultats du groupe des entreprises de taille moyenne
(72 vaches) montrent de meilleures économies techniques que ceux du groupe des grandes
entreprises. Ils montrent également des économies allocatives comparables. L’auteur a
toutefois observé des différences dans l’efficacité relative d’utilisation des technologies
disponibles (économies d’efficience), qui est inférieure pour les petites et moyennes
entreprises. Le groupe des petites entreprises performe aussi beaucoup moins bien en
termes d’économies techniques et allocatives que les entreprises de moyenne et grande
taille. Globalement, ce sont les entreprises de grande taille qui ont le coût unitaire le plus
faible.
Tauer et Mishra (2006a) utilisent une méthode semblable à celle de Kumbhakar, toujours à
l’aide de données d’entreprises laitières américaines classées selon la taille dans des sousgroupes de 50 à 1000 vaches17. L’analyse révèle que la frontière de production diminue
faiblement avec la taille du troupeau. Leur étude a également montré que les petites
entreprises efficaces (sur la frontière de production) produisaient du lait à un coût
comparable à la grande entreprise efficace. Ils observent tout de même de légères
économies de taille associées aux coûts fixes, c’est-à-dire à la rémunération du capital et du
travail de l’exploitant, mais aucune économie significative associée aux coûts variables. Les
coûts plus élevés observés sur les petites entreprises seraient donc davantage liés à
l’inefficience des entreprises à utiliser de façon optimale des technologies, qu’à des
économies de taille au sens strict du terme.
15
16
17
Cette approche consiste déterminer le coût minimal pour une technologie et des pratiques associées à une taille
d’entreprise donnée.
KUMBHAKAR, Subal C; BISWAS, Basudeb; BAILEY DeeVon. “A Study of Economic Efficiency of Utah Dairy Farmers: A
System Approach”, The Review of Economics and Statistics, Vol. 71, No. 4, Nov., 1989, pp. 595-604.
TAUER, Loren W.; MISHRA, Ashok K.”Can the small dairy farm remain competitive in US agriculture ?”, Food Policy,
Volume 31, 2006, pp. 458–468.
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Économies d’échelle et de taille
Dans une autre étude, ces mêmes auteurs (Tauer et Mishra, 2006b) ont, cette fois, observé
une frontière de coût augmentant légèrement entre deux groupes d’entreprises, soit un
groupe avec une taille moyenne de 125 vaches et un avec une taille moyenne de 225
vaches18. Leurs résultats montrent que les technologies disponibles pour les entreprises de
125 vaches permettent à celles-ci d’avoir un coût unitaire plus bas que les grandes
entreprises. Toutefois, l’inefficience des entreprises laitières de plus petite taille dans
l’utilisation des technologies disponibles (économies d’efficience) entraîne dans les faits des
coûts unitaires plus élevés que pour les entreprises de 225 vaches.
Les études de Kumbhakar et de Tauer et Mishra semblent donc suggérer que les technologies
disponibles pour les entreprises de taille assez comparable aux entreprises moyennes
québécoises pourraient permettre d’obtenir un coût unitaire comparable à celui des plus
grandes entreprises. L’inefficacité dans l’utilisation des technologies disponibles semble être
l’élément qui explique les coûts unitaires moyens plus élevés des fermes de petite et de
moyenne taille.
3.2 LES ÉTUDES EUROPÉENNES
Plusieurs études européennes ont constaté des déséconomies de taille à partir d’un seuil de
production donné (Hubbart et Dawson, 1987; Alvarez et Arias, 2003; Lᴓyland et Ringstad,
2001; Boussemart et al, 2006). Les seuils optimaux identifiés varient d’une étude à l’autre
mais demeurent à des niveaux proches de ceux de l’entreprise moyenne canadienne et
québécoise, qui sont respectivement de 610 000 litres et 461 000 litres19.
Hubbard et Dawson (1987) ont effectué une analyse sur 405 entreprises laitières situées en
Angleterre et au Pays-de-Galles20. Ils ont observé des déséconomies de taille à partir d’un
niveau de production annuel de 700 000 litres.
Alvarez and Arias (2003) ont également observé une fonction de coûts en forme de U dans
leur étude portant sur 84 entreprises laitières espagnoles couvrant la période de 1987 à
199121. Dans cette étude, les auteurs visaient à évaluer si, pour des habiletés managériales
constantes, on observait des déséconomies de taille avec l’augmentation de la taille des
entreprises. Ils ont donc constitué un échantillon d’entreprises de différentes tailles
présentant une efficacité technique comparable. En fixant l’efficacité technique, ils ont
constaté des déséconomies de taille à partir d’un niveau de production annuel de 235 000
18
19
20
21
TAUER, Loren W.; MISHRA, Ashok K. “Dairy farm cost efficiency”, Journal of dairy science, vol. 89, 2006, pp. 4937-4943.
CENTRE CANADIEN D’INFORMATION LAITIÈRE, En chiffres, http://www.infolait.gc.ca/index_f.php?s1=dff-fcil, consulté le
16 novembre 2012 et compilation AGECO
HUBBARD, L; DAWNSON, R. « Ex ante and ex post long-run average cost functions », Applied Economics, vol. 19, no 10,
octobre 1987, p. 1411-1419.
ALVAREZ, Antonio; ARIAS, Carlos. “Diseconomies of Size with Fixed Managerial Ability”, American Journal of Agricultural
Economics, vol. 85, no. 1, février 2003, pp. 134-142.
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Économies d’échelle et de taille
litres. Les auteurs ajoutent toutefois qu’une amélioration des capacités de gestion de pair
avec l’augmentation de la taille pourrait réduire ou même enrayer ces déséconomies.
Lᴓyland et Ringstad (2001) ont étudié la présence d’économies de taille en production
laitière en Norvège sur la période de 1972 à 1996. Ils ont constaté qu’il existe des
déséconomies de taille en production laitière et que la taille optimale tend à s’accroître dans
le temps. D’après leurs résultats, elle serait passée d’une production de 305 000 kg en 1972 à
une production de 400 000 kg en 199622. Les auteurs attribuent cette évolution de la taille
optimale au progrès technologique.
Boussemart et al (2006) ont évalué la présence d’économies de taille à l’aide de différentes
méthodes23. Leurs analyses ont été effectuées à partir des données de 170 entreprises
laitières estoniennes. Les résultats obtenus varient selon la méthode utilisée. Ainsi, une des
méthodes a révélé des économies de taille constantes, alors que les trois autres méthodes
ont révélé une courbe de coûts en forme de U avec un seul optimal se situant entre
300 000 kg et 500 000 kg selon le cas. Les auteurs concluent que l’entreprise moyenne
estonienne performerait mieux que la grande entreprise24.
3.3 LES ÉTUDES QUÉBÉCOISES
Au Québec, la Fédération des groupes conseils agricoles du Québec (FGCAQ) a étudié les
résultats de l’année 2009 de 83 entreprises laitières de grande taille situées au Québec et en
Ontario dans l’objectif d’établir des bases comparatives pour évaluer les performances de ces
entreprises25. Une portion de l’analyse visait également à comparer les résultats des
entreprises de grande taille par rapport à un groupe de référence toutes tailles confondues
de 283 entreprises26.
L’analyse des résultats révèle qu’en moyenne, les entreprises comportant entre 100 et 150
vaches sont plus efficaces que les entreprises de plus petite taille (moins de 100 vaches) et de
plus grande taille (150 vaches et plus). Elles ont un taux de charges plus bas et une marge de
profit par vache plus élevée. Les auteurs observent par ailleurs des coûts d’aliments par
hectolitre ou par tonne plus élevés pour les entreprises de plus de 100 vaches. Les
entreprises de plus grande taille se démarquent toutefois par une efficacité du travail
supérieure.
22
23
24
25
26
Lᴓyland Knut; Ringstad, Vidar. “Gains and structural effects of exploiting scale-economies in Norwegian dairy
production”, Agricultural Economics, vol. 24, 2001, pp. 149-166.
BOUSSEMART et al. « Economies of scale and optimal farm size in the Estonian dairy sector”, XXIII èmes Journées de
microéconomie appliquée, Université de Nantes, juin 2006.
BOUSSEMART(2006), p.10.
FÉDÉRATION DES GROUPES CONSEILS AGRICOLES DU QUÉBEC, Faire du lait en grand, Étude de performances technicoéconomiques et financières d’entreprises laitières de grande taille (100 vaches et plus) du Québec et de l’Ontario, 2010,
46 p.
Fédération des groupe-conseils agricoles du Québec (2010), p. 37.
Groupe AGÉCO pour La Coop fédérée
11
Économies d’échelle et de taille
Une analyse réalisée par Mbaga et al en 2002, va dans le même sens que Tauer et Mishra et
Kumbhakar, à l’effet que les entreprises de petite et moyenne tailles présentent une
efficacité élevée. Leur analyse des résultats techniques (hl/vache, poids/vache, UTP/vache,
concentrés/vache) des fermes laitières québécoises les amène à conclure que celles-ci sont
efficaces techniquement27. En effet, les auteurs indiquent que :
« (…) un niveau moyen élevé d’efficacité et un faible écart-type
confirment que les entreprises laitières du Québec sont très
homogènes en ce qui a trait à l’utilisation maximale de leurs intrants.
Ce résultat n’est pas surprenant puisque la politique laitière a été très
stable depuis une trentaine d’années et la croissance de la taille des
entreprises a été difficile. »28
Ces résultats indiquent que les producteurs produisent près de leur frontière de production,
allouant leurs ressources de façon efficace.
Levallois (2003) a étudié les économies de taille en production laitière à l’aide de la banque
de données Agritel29 des Syndicats de gestion agricole. L’échantillon, qui comportait plus de
2000 entreprises québécoises, a été divisé en huit groupes en fonction de la taille. Les
résultats révèlent la présence d’économies de taille associées exclusivement à l’utilisation du
travail. L’auteur associe ces résultats aux possibilités de spécialisation plus grandes pour les
entreprises de grande taille et à une utilisation plus efficiente des ressources travail
disponibles sur l’entreprise.
Perrier a également utilisé la base de données Agritel pour effectuer un exercice semblable à
celui de Levallois, mais cette fois avec des données de l’année 200930. Au contraire de
Levallois, l’analyse ne prend toutefois pas en compte le coût du travail non rémunéré.
L’auteur observe qu’il n’y a pas d’économies monétaires (escomptes de volume) avec
l’augmentation de la taille des entreprises. Les résultats obtenus indiquent également que les
charges variables et fixes sont stables selon la taille du troupeau. Toutefois, si le coût du
travail par vache est stable (grâce au travail familial non rémunéré), l’efficacité technique du
travail (hl/UTP) augmente de façon importante avec la taille des entreprises.
Une analyse comparée de différents systèmes de production dans le secteur laitier nordaméricain réalisée par Leblanc (2012) a révélé des performances différentes selon les
structures de production31. L’auteur a utilisé une base de données sur des entreprises
27
28
29
30
31
MBAGA, Msafiri D.; ROMAIN, Robert; LARUE, Bruno; LEBEL, Luc. “Assessing Technical Efficiency of Québec Dairy Farms”,
Canadian Journal of Agricultural Economics, Volume 51, 2003, pp. 121–137.
MBAGA (2003), p.121
.
LEVALLOIS, Raymond. L’expansion en agriculture un choix incontournable, Série Conférence, Trajet Laval, juin 2003, 18 p.
PERRIER, Jean-Philippe. Il faut grossir, taille d’entreprise et compétitivité. Économies d’échelle, document de travail, non
daté.
LEBLANC, Benoît. Analyse comparée des performances des systèmes de production des fermes laitières au Canada et aux
États-Unis, Mémoire de maitrise en agroéconomie, Département d’économie agroalimentaire et science de la
consommation, Université Laval, 2012, 124 p.
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12
Économies d’échelle et de taille
laitières québécoises, ontariennes, de l’État de New York et de l’État du Wisconsin. Cinq
groupes ont été créés32 :

Groupe 1 : entreprises de très grande taille (moyenne de 791 vaches)
avec robot ou salle de traite et trois traites par jour;

Groupe 2 : entreprises de grande taille (moyenne de 233 vaches) avec
robot ou salle de traite et deux traites par jour;

Groupe 3 : entreprises de taille moyenne (moyenne de 78 vaches) avec
lactoduc, faiblement spécialisées, avec coûts d’alimentation faibles;

Groupe 4 : entreprises de taille moyenne (moyenne de 77 vaches) avec
lactoduc, spécialisées;

Groupe 5 : entreprises de petite taille (moyenne 52 vaches) très
capitalisées (valeur de l’actif/vache élevé).
Bien que l’analyse ne porte pas spécifiquement sur les économies de taille, elle permet une
comparaison des critères de performance techniques, technico-économiques et financiers
d’entreprises de tailles différentes avec des technologies différentes. Au niveau des
performances technico-économiques, le groupe des entreprises de très grande taille obtient
de meilleurs résultats que les autres groupes, tant au niveau du taux de charges que des
charges par hectolitre produit33. On note toutefois qu’il n’y a pas de différence significative
entre les entreprises des groupes 2 et 3 et entre celles des groupes 3 et 4 pour ces deux
indicateurs.
Selon l’auteur, le groupe des très grandes entreprises affiche les meilleurs résultats technicoéconomiques. Il indique également que, malgré un niveau relativement bas d'achat
d'aliments par vache, le groupe des entreprises de petite taille est en dernière place pour ces
mêmes critères.
Il est toutefois important de noter que les entreprises du groupe 1 provenaient presque
exclusivement des États-Unis (99/101 entreprises) et sont donc peu représentatives de la
réalité québécoise. Par ailleurs, si on compare le groupe des entreprises de taille moyenne
(groupe 3) avec le groupe des entreprises de grande taille (groupe 2), qui comptent tous
deux une plus grande proportion d’entreprises canadiennes que le groupe d’entreprises de
très grande taille (groupe 1), on observe peu de différence entre ces deux groupes (groupe 2
et 3) en termes de charges totales.
Le Tableau 3.1 présente un sommaire des résultats des études recensées.
32
33
LEBLANC (2012), p. 64.
LEBLANC (2012), p. 89.
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13
Économies d’échelle et de taille
Tableau 3.1
Sommaire des résultats des études sur les économies de taille en production laitière
Pays
Années de prise
d'échantillon
Sklorud et
Shumway
(2012)
États-Unis
2000
Économies de taille avec la méthode « préférée »
Leblanc
(2012)
Canada,
États-Unis
2006
Légères économies de taille entre moyennes et
grandes entreprises et économies de tailles
élevées pour les très grandes entreprises
Perrier
(2012)
Québec
2009
Pas d’économies de taille
FGCAQ
(2010)
Québec,
Ontario
2009
Les entreprises entre 100 et 150 vaches sont, en
moyenne, des entreprises plus efficaces que
celles de petite taille et de 150 vaches et +
États-Unis
2000
Économies de taille substantielles jusqu'à 400
vaches
États-Unis
1996, 2001
et 2006
Économies de taille substantielles
Auteurs
Mosheim et
Lovell
(2009)
MacDonald et
autres
(2007)
Conclusions
Boussemart et al
(2006)
Estonie
2000-2003
Selon la méthode utilisée, économies de taille
constantes ou économies de taille jusqu’à un
seuil optimal à 300 000 kg ou 500 000 kg
Tauer et Mishra
(2006)
États-Unis
2000
Économies de taille substantielles (liées à
l'efficience et non à la technologie disponible)
Tauer et Mishra
(2006)
États-Unis
2000
Économies de taille entre 125 et 250 vaches
(liées à l'efficience et non à la technologie
disponible)
Alvarez et Aria
(2003)
Espagne
1987-91
Économies de taille jusqu’au seuil optimal de
235 000 litres (2350 hl)
Loyland et
Ringstad
(2001)
Norvège
1996
Économies de taille jusqu’au seuil optimal de
400 000 litres (4000 hl)
Levallois
(2001)
Canada
1999
Économies de taille associées au travail
uniquement
Moschini
(1990)
Canada
Non spécifié
États-Unis
1985
Économies de taille mais très faibles entre les
entreprises moyennes (72 vaches) et les
entreprises de grande taille (159 vaches)
GrandeBretagne
1980-1981
Économies de taille jusqu’au seuil optimal de
700 000 litres
États-Unis
Modèle
théorique
Économies de taille significatives jusqu’à 750
vaches, puis très faibles et variables par la suite
Kumbhakar
(1989)
Hubbard et
Dawnson
(1987)
Matulich et Scott
(1978)
Économies de taille
Source : Compilation Groupe AGÉCO 2012.
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14
Économies d’échelle et de taille
4. DISCUSSION ET CONCLUSION
Il n’y a pas actuellement de consensus quant à la présence d’économies de taille en
production laitière. Parmi les études réalisées aux États-Unis et au Canada, la plupart
démontrent la présence d’économies de taille pour les entreprises de grande taille. Pour la
majorité, elles font toutefois état de faibles économies de taille après un certain niveau, donc
une courbe de coûts en forme de L. Les tailles de ferme à partir desquelles les économies de
taille faiblissent sont en moyenne beaucoup plus élevées que la taille moyenne des
entreprises laitières canadiennes ou québécoises. Sur la base de ces résultats, il semble que
des économies de taille seraient à la portée des entreprises laitières québécoises ou
canadiennes.
Les études européennes recensées constatent plutôt des économies de taille jusqu’à
l’atteinte d’un niveau optimal, puis des déséconomies de taille par la suite (courbe de coûts
en forme de U). Les seuils optimaux observés dans ces études sont pour la plupart
comparables à la moyenne des entreprises laitières québécoises et canadiennes.
Du côté du Québec, les travaux de Levallois et de la Fédération des groupes conseils agricoles
du Québec révèlent des économies de taille qui proviendraient essentiellement d’une
meilleure utilisation du travail. L’étude de Leblanc indique pour sa part des différences
significatives en termes de charges totales entre les entreprises de très grande taille et les
autres groupes d’entreprises. Toutefois, ce groupe de très grandes entreprises est
presqu’entièrement constitué d’entreprises américaines.
Or, au Québec et dans plusieurs pays européens, les fourrages et les grains utilisés pour
l’alimentation du troupeau sont en grande partie produits par l’entreprise. Aux États-Unis, les
grands troupeaux achètent une plus grande proportion de leur alimentation34. Cette réalité
du système de production peut expliquer en partie les résultats observés. En effet, ce constat
correspond aux conclusions d’Hallam (1991) qui indiquait que des économies de taille pour
les entreprises produisant plusieurs extrants différents ne semblaient pas significatives35. Il
rapportait même plutôt des économies de taille pour la production végétale plus faibles,
parfois mêmes négatives. Ceci pourrait contribuer à réduire les économies de taille
potentielles pour les entreprises qui cultivent leurs fourrages et grains, voire à entraîner des
déséconomies de taille dans le cas des entreprises de très grande taille.
Les travaux de Tauer et Mishra (2006a, 2006b) et de Kumbhakar (1989) amènent également
un éclairage différent sur les structures de production des petites entreprises. Ces auteurs
ont établi que, théoriquement, les petites entreprises laitières peuvent avoir un coût unitaire
semblable à celui des grandes entreprises si elles produisent sur la frontière de production,
c’est-à-dire si elles utilisent les technologies disponibles pour leur taille de façon optimale.
Ces études ont toutefois démontré que, dans les faits, l’utilisation efficiente des technologies
34
35
MACDONALD (2007), p.8.
HALLAM (1991), p.164.
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15
Économies d’échelle et de taille
en place fait davantage défaut sur les entreprises laitières de petite taille que sur celles de
grande taille. Ces résultats rappellent l’importance de la capacité de gestion des producteurs,
notamment lorsque vient le temps de s’assurer d’utiliser les technologies et intrants
disponibles dans une perspective de minimisation des coûts. Pour ces petites entreprises peu
efficaces, l’augmentation de la taille n’entrainerait pas une réduction du coût unitaire de
production.
En somme, outre les aspects liés aux compétences en gestion, les économies de taille
peuvent être le résultat d’une amélioration de l’efficacité du travail, de l’accès à un saut
technologique ou de la possibilité de bénéficier d’escomptes de volumes. Les deux premiers
cas semblent s’observer plus fréquemment que le dernier. Bien que les résultats diffèrent
d’une étude à l’autre, la très grande majorité des auteurs s’entendent toutefois pour dire
qu’il y a des économies de taille en production laitière, au moins jusqu’à un seuil optimal.
Dans le contexte québécois, la question est alors de savoir quel est ce seuil optimal et quel
pourcentage des fermes du Québec l’atteignent.
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16
Économies d’échelle et de taille
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