L`Afrique maritime s`éveille à coups de milliards
Transcription
L`Afrique maritime s`éveille à coups de milliards
Revue internationale des affaires et partenariats Nord-Sud Transfert monétaire La révolution Immeubles de luxe Marché lucratif en Afrique 51 janvier - mars 2016 Afrique du Sud Une culture qui sait se vendre L’Afrique maritime s’éveille à coups de milliards Forum Africa 2015 À guichets fermés ! Canada / 4,49$ Zone CFA / 1500F France / 3,50 € États-Unis / $3.95 Autre Pays / $4 US Sommaire 5 51 janvier - mars 2016 L’éditorial de Gerba Malam Dossier 6-7 8-9 10-11 Révolution maritime en Afrique Transport maritime Guerre portuaire pour un joyau Complexes industrialo-portuaires Changer le visage de l’Afrique Dossier spécial 6 14-15 16-17 18-19 20-21 22-23 Forum Africa 2015 À guichets fermés ! Un menu diversifié qui séduit Pays vedette Le Sénégal «open for business» B2B Nombre record de rencontres personnalisées Le Forum en images Marchés africains Des opportunités d’affaires à portée ! votre 24-25 26-27 28-29 30-31 32 24 Firme-conseil spécialisée en communication et création de partenariats entre les entreprises nord-américaines et africaines L’immobilier de luxe a la cote en Afrique Angola Le pari de la diversification économique Algérie Des milliards à investir à l’étranger Culture L’Afrique du Sud se vend et s’exporte Le Maroc, champion de la lutte anti-terroriste Perspectives 34-35 36-37 38-39 Ressources Les entreprises extractives à l’heure de la RSE Comment conjurer la malédiction des ressources naturelles ? RSE Les minières canadiennes à l‘œuvre en Afrique Marchés nord-américains 40-41 42-43 La méthode « Google », un modèle pour tous Réfugiés Le Canada prend le train de l’Allemagne Mondialisation 44-45 Conseils stratégiques • Communication • Organisation d’événements entreprise.afriqueexpansion.com 4629, rue Louis-B.-Mayer, suite 201, Laval (Québec) CANADA, H7P 6G5 Téléphone : +1 (450) 902-0527 Fax : +1 (514) 393-9024 46 Fintech Ces startups qui révolutionnent les transferts d’argent Rendez-vous d’affaires 34 AFRIQUE EXPANSION • 51 3 Éditorial Gerba Malam OMC et agriculture L’Afrique jouera-t-elle enfin à armes égales ? Au sortir de la 10e Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) le 19 décembre dernier à Nairobi, au Kenya, on a tout entendu : autre échec et impasse sur le cycle de Doha bloqué depuis 14 longues années, mais résultats « historiques » pour l’Afrique et le monde. Alors, victoire ou défaite ? Comme souvent, tout est question de point de vue et d’horizon. Après la suppression des subventions agricoles, les pays africains doivent maintenant livrer la bataille d’accès aux marchés des pays développés hautement protégés par les normes techniques, sanitaires et phytosanitaires. Depuis 2001 et la Conférence de Doha au Qatar, l’OMC vise une profonde réforme du commerce international. Elle cherche en fait une réduction significative des barrières commerciales, la révision des règles régissant le commerce mondial, le tout devant comprendre des bénéfices particuliers pour les pays en développement. Intérêts divergents de ses 162 membres obligent, l’Organisation fait du surplace depuis une décennie et demie, aucun progrès n’ayant été enregistré à la veille même de cette Conférence de Nairobi qui devait être celle de la dernière chance. Et alors qu’on parle d’un énième échec dans une longue lignée, les mots « victoire », « nouvelle ère » et « résultats historiques » se côtoient quand il est question du domaine agricole. « Il est temps que les États-Unis et l’Europe réduisent les subventions à l’agriculture. À l’heure actuelle, ces subventions sont plus élevées que la totalité de ce que reçoivent les pays d’Afrique en aide au développement. Ces subsides font baisser les prix et ferment effectivement la porte aux producteurs des pays en développement. » Cette affirmation, qui pourrait avoir été prononcée en décembre dernier à Nairobi, l’a plutôt été à Davos, en 2002, par le premier ministre canadien Jean Chrétien. Un an plus tard, à la même tribune, le dirigeant canadien, dont le pays était l’un des rares du G7 à avoir aboli ses subventions agricoles, présentaient des chiffres ahurissants, voire révoltants. Alors que 50 milliards de dollars étaient versés en aide publique au développement, 350 autres milliards allaient aux subventions américaines et européennes sur les produits agricoles exportés (source : Médias France Intercontinents). Ces subventions, qui créent un déséquilibre sur le marché international, frappent durement une multitude de produits agricoles africains, du blé au maïs, de la volaille au bœuf, sans oublier la farine, le coton ou le sucre. Concrètement, pourquoi une mère de famille africaine paierait-elle 2000 FCFA au marchand local pour un poulet, quand elle en obtient un congelé et apprêté pour la moitié du prix ? Le choix est vite fait, et à terme, c’est toute la production locale qui finit par disparaître, car elle ne peut rivaliser avec les prix scandaleusement bas des produits importés. Cette situation pénalise doublement l’Afrique : son agriculture ne se développe pas comme elle devrait, privant l’État de ressources et de moyens importants, pendant que le continent importe massivement des produits pour lesquels il devrait être autosuffisant. On comprend mieux maintenant pourquoi le directeur général de l’OMC Roberto Azevêdo a déclaré, au terme de la conférence de Nairobi annonçant la fin des subventions agricoles, que c’est le « résultat le plus important obtenu en ce qui concerne l’agriculture » au cours des 20 années d’existence de l’Organisation. Le patron de l’OMC faisait en particulier référence à une disposition du « paquet de Nairobi » : l’engagement des membres développés à supprimer immédiatement les subventions à l’exportation, sauf sur un petit nombre de produits agricoles, une échéance fixée à 2018 pour les pays en développement. Demande de longue date de l’Afrique et d’autres pays en développement, la suppression des subventions agricoles est incontestablement une victoire après des décennies de plaidoyers sans suite. Les produits agricoles africains vont enfin redevenir compétitifs. Mais cela suffira-t-il? Car l’autre grande question qui demeure est: comment avoir accès aux marchés des pays développés hautement protégés par les normes techniques, sanitaires et phytosanitaires ? À cet égard, la bataille commerciale qui a opposé le Canada aux États-Unis est édifiante. En 2008, malgré l’absence de barrières tarifaires avec les États-Unis, le Canada avait vu ses exportations de viandes porcines et bovines frappées d’un nouveau dispositif d’étiquetage exigeant l’inscription du pays d’origine des produits. Résultat, ses exportations de porcs de boucherie avaient chuté de 58 %, alors que celles de bovins à viande ont encaissé un recul de 49 %. Le Canada avait saisi l’OMC de la cause et remporté la bataille juridique en 2012, mais de multiples appels américains ont fait traîner les choses de nombreuses années avant que les États-Unis n’annoncent que récemment leur volonté de se plier au jugement. Les éleveurs canadiens, dont 40 % de la production étaient exportés chez leurs voisins du Sud, n’en ont pas moins perdu des centaines de millions de dollars. Les Américains ont à la base respecté leurs engagements, mais ont joué sur les barrières non tarifaires pour protéger leur marché intérieur. La bataille qu’a dû mener le Canada, un pays développé du G7, pour faire reconnaître ses droits, risque bien de se propager à d’autres domaines agricoles. S’il semble acquis qu’une puissance commerciale comme les ÉtatsUnis accepte l’abolition des subventions agricoles, rien ne garantit qu’elle ne trouvera pas d’autres moyens pour garder un avantage concurrentiel à l’échelle mondiale. L’OMC et ses membres ont fait un pas important en matière d’agriculture à l’occasion de cette 10e Conférence ministérielle de Nairobi. Mais la véritable portée de ce pas ne se mesurera qu’à la lumière des résultats effectifs qu’il engendrera. Et si le passé est garant de l’avenir, de nombreux désaccords et litiges légaux sont à prévoir malgré toute la bonne volonté affichée et exprimée. AFRIQUE EXPANSION • 51 5 Dossier Jean-Nicolas Saucier Révolution maritime en Afrique. 6 AFRIQUE EXPANSION • 51 Si historiquement les ports d’Alexandrie, du Cap ou de Dakar ont représenté des plaques tournantes de l’économie africaine, l’avenir se construit désormais ailleurs. Tanger Med, Lamu, Badagry, Nqura, Kribi et autres Doraleh sont autant de nouvelles places maritimes où des milliards sont injectés pour moderniser le transport maritime sur le continent. Les experts estiment que plus de 50 milliards de dollars d’investissements sont déjà prévus un peu partout sur le continent, chaque endroit ambitionnant de devenir un incontournable hub maritime et économique dans la sous-région où il se trouve. Portrait de ces nouvelles portes d’entrée sur l’Afrique qu’on connaît moins, mais qui deviendront vite des plaques tournantes du commerce continental. AFRIQUE EXPANSION • 51 7 Dossier Jean-Nicolas Saucier Transport maritime Guerre portuaire pour un joyau économique. Toujours selon la BAD, alors que 92 % des importations et exportations en provenance ou à destination de l’Afrique se font par voie maritime (environ 66 % pour l’Europe), la situation frôle l’urgence, peut-on lire dans un rapport. «Le volume de marchandises transitant par les ports africains doit passer «Sur une période de 30 ans, la part des exportations mondiales de l’Afrique sub saharienne a fondu des deux tiers. » De Tanger au Cap, de Dar es-Salaam à Lagos, du nord au sud et d’est en ouest, l’Afrique redessine sa carte maritime à grands coups de milliards. Alliant nécessaire rattrapage et modernisation digne de la réalité économique du XXIe siècle, le continent est engagé depuis quelques années dans un effort sans précédent pour se doter d’infrastructures à la fine pointe technologique qui lui permettront de doper son commerce extérieur et accompagner son formidable essor économique. Une guerre portuaire qui fera des gagnants et des laissés-pour-compte. Et cette volonté se chiffre et se quantifie. Sur une période de 10 ans, entre 2007 et 2017, c’est plus de 50 milliards de dollars qui auront été investis pour mettre l’Afrique maritime à niveau, l’équiper de terminaux modernes et automatisés, lui donner les moyens de prendre toute la place qui lui revient dans le transport maritime international. Car jusqu’ici, le portrait est plutôt sombre et dire que l’Afrique occupe une 8 AFRIQUE EXPANSION • 51 place infime, pour ne pas dire négligeable sur la carte maritime mondiale, est une triste vérité. Quelques chiffres forts révélateurs pour étayer ce propos. Dif férentes études internationales révèlent que l’Afrique, malgré son poids grandissant dans l’économie planétaire, ne pèse qu’un maigre 5-6 % du commerce maritime mondial et 2-3 % du trafic conteneurisé international. Selon la Banque africaine de développement (BAD), entre 1976 et 2006, sur une période de 30 ans, la part des exportations mondiales de l’Afrique subsaharienne a fondu des deux tiers. Aux dires de l’organisation panafricaine, «si cette part était restée constante pendant cette période, cette région enregistrerait aujourd’hui des recettes d’exportation presque 10 fois supérieures à leurs valeurs actuelles». de 265 millions de tonnes en 2009 à plus de 2 milliards de tonnes à l’horizon 2040. Or, la mauvaise qualité des infrastructures coûte chaque année deux points de croissance au continent, soit environ 40 milliards $ et entraîne une perte de productivité des entreprises africaines de l’ordre de 40 %.» Opportunités et actions Les besoins sont donc énormes, réels, connus et surtout coûteux. Alors que les pouvoirs publics africains, sauf quelques rares exceptions, ne disposent généralement pas des fonds nécessaires pour lancer ces chantiers monstres de modernisation des infrastructures, il n’est pas surprenant de voir de grandes multinationales offrir le financement colossal que commande ce rattrapage maritime qui doit s’opérer en un temps record. Des entreprises comme Bolloré, Maersk, Bouygues, Eximbank of China et autres Dubaï Port World n’hésitent pas à allonger des centaines de millions, quand ce n’est pas des milliards, pour mettre à niveau les places fortes maritimes de l’Afrique, alléchées qu’elles sont par la croissance annuelle moyenne de 7 % affichée depuis une quinzaine d’années par les transports maritimes africains en tous genres. Et ce ne sont pas les projets qui manquent, les nouveaux chantiers se multipliant à un rythme effréné depuis quelques années. Eximbank of China investira 850 millions de dollars dans la modernisation du port autonome d’Abidjan qui doit être complétée en 2019. Transnet a signé des ententes d’une valeur de 900 millions de dollars pour bonifier les quais du port de Durban, le plus achalandé du continent, et ajouter des installations neuves et modernes à Nqura. DP World a pris pour modèle son propre port de Dubaï pour ajouter le terminal de Doraleh au port de Djibouti pour quelque 300 millions de dollars. APM Terminals s’est associé à Bolloré Africa Logistics pour investir un milliard de dollars dans l’extension du port de Tema au Ghana afin de porter sa capacité de traitement à 3,5 millions de conteneurs par année. Et c’est sans compter les 4 à 5 milliards investis par le gouvernement égyptien pour doubler en un temps record de 12 mois la capacité du canal de Suez entré en service l’été dernier. Partout donc en Afrique, on s’active pour doter les grands ports du continent d’installations qui répondent aux standards des temps modernes. À Dakar, Lomé, Mombasa, Cotonou, San Pedro, Luanda, Pointe-Noire ou Alexandrie, les investissements pleuvent et chaque autorité concernée lance son projet de développement pour conserver son statut de hub dans la sous-région qu’elle alimente grâce à ses infrastructures maritimes. Car si le transport sur mer représente un joyau économique pour chaque pays ayant un accès maritime, le marché dit de l’hinterland n’en est pas moins un enjeu tout aussi important. Allez au-delà du port Si les marchandises qui débarquaient dans les ports africains ne voyaient généralement que la côte du continent avant de repartir vers d’autres coins du monde, l’essor économique et la montée en puissance de la classe moyenne africaine ont profondément changé la donne. Aujourd’hui, la mobilité des biens et la facilité de transport sont ce qui dicte le succès commercial des infrastructures maritimes. Expert des ports africains ayant fait carrière chez l’armateur danois Maersk, le Français Emmanuel de Tailly confiait en entrevue à lexpress.fr que les enjeux sont désormais multiples. «Pour les armateurs, il ne s’agit plus seulement de contrôler le fret, mais de maîtriser les flux. L’enjeu, c’est le corridor, routier ou ferré, qui relie le port au client. L’avenir appartient à celui qui propose une offre intégrée. En clair, l’acheminement de la marchandise débarquée à Limbé (Cameroun), Abidjan ou Lomé jusqu’au fin fond de l’Afrique de l’Est», expliquait de Tailly. Et toujours selon lui, pour obtenir du succès dans pareil domaine, quelques critères bien précis dicteront la dominance continentale dans les années et décennies à venir. «D’abord, à l’heure des mastodontes des mers, le tirant d’eau. Ensuite, la superficie disponible pour charger, décharger et entreposer d’énormes volumes. Puis l’ampleur du marché régional que le pays-relais est susceptible d’arroser. Enfin, la stabilité politique.» Le transport maritime en Afrique en est donc à un tournant historique de son histoire. Si la pluie de dollars permettra une modernisation optimale et des équipements de dernière génération, une panoplie d’autres facteurs, notamment l’importance du marché intérieur et les infrastructures de transport ou énergétiques, devront être considérés par les autorités publiques pour maximiser les retombées de ce joyau économique encore sous-exploité. Et c’est dans la réponse que fourniront conjointement secteur privé et public que se mesurera le succès futur de l’Afrique en la matière. AFRIQUE EXPANSION • 51 9 Dossier Jean-Nicolas Saucier Complexes industrialo-portuaires Changer le visage écon omique de l’Afrique. L’Afrique change, se dynamise, se modernise. Ce qui est une réalité tangible dans une panoplie de secteurs l’est tout autant dans le domaine maritime. Si l’histoire commerciale du continent a retenu, pour diverses raisons, les ports d’Alexandrie, Alger, Fez, Dakar ou Le Cap, le futur économique maritime de l’Afrique se dessine et s’érige ailleurs. Autrefois considérés comme de banals quais de pêche et points de villégiature, la marche économique accélérée du continent les transformera en complexes industrialo-portuaires appelés à jouer un rôle crucial dans l’essor et le développement africain. Alors que les places fortes de l’Afrique maritime investissent dans leur modernisation et mise à niveau, les choses bougent d’une autre façon ailleurs sur le continent. Armateurs, compagnies de shipping ou de logistiques, importateurs et exportateurs internationaux, multinationales minières ou pétrolières et autres grandes banques commerciales choisissent aujourd’hui d’allonger elles-mêmes les milliards de dollars nécessaires pour la construction de ce qu’on nomme aujourd’hui de gigantesques «complexes industrialo-portuaires». Tour d’horizon de ces nouveaux ports appelés à transformer le visage économique de l’Afrique. Nqura, Afrique du Sud Tanger Med, Maroc On le décrit comme la plus récente perle africaine en matière portière. Imaginé au tournant des années 2000 par le roi Mohammed VI, le port de Tanger Med est entré en activité en 2007 et s’est rapidement imposé comme LA destination incontournable sur la Méditerranée. Alors qu’il vient de ravir en 2015 la première place africaine à Durban avec 3,5 millions de conteneurs EVP (équivalent vingt pieds) par année, l’entrée en fonction récente de Tanger Med 2 augmentera sa capacité à 5 millions de conteneurs, puis à 8 millions une fois la seconde phase de ce dernier complétée. Connecté à plus de 120 ports dans 50 pays, son coût total dépasse les 2 milliards de dollars. Bagamoyo, Tanzanie La Tanzanie a lancé l’an dernier la construction de ce qu’elle entrevoit comme le plus grand port d’Afrique de l’Est dans la station touristique côtière de Bagamoyo. Au coût de 11 milliards de dollars et financé en grande partie par un cabinet d’investissement chinois appartenant au gouvernement central, le port doit pouvoir traiter 20 millions de conteneurs annuellement à l’horizon 2020. Situé à 75 kilomètres de la métropole Dar es-Salaam, il doit positionner le pays de manière enviable et incontournable dans les affaires et le commerce régional. Sa livraison est prévue pour 2017. Kribi, Cameroun Lamu, Kenya Lekki et Badagry, Nigeria Devenu l’an dernier la première économie d’Afrique, le Nigeria est appelé à devoir traiter 10 millions de conteneurs EVP à l’horizon 2025, contre 2 millions aujourd’hui, principalement autour de Lagos. Deux méga projets ont donc été lancés, les ports de Lekki et de Badagry, qui s’érigeront à environ 100 kilomètres de la mégapole et coûteront plusieurs milliards de dollars. Leur livraison n’est pas attendue avant 2018 alors que les plans initiaux prévoyaient 2016. 10 AFRIQUE EXPANSION • 51 Inauguré en 2012 après 10 ans de travaux et plus d’un milliard de dollars d’investissement, le port en eau profonde de Nqura est le dernier joyau sud-africain en matière de transport maritime. Sa capacité originelle de 1,2 million de conteneurs traités annuellement est passée à 2,8 millions avec l’ajout d’un quatrième terminal. Il profite d’une situation géographique enviable à 20 kilomètres de Port Elizabeth et à mi-chemin entre Durban et Cape Town, un emplacement qui lui assure un avenir occupé et très rentable. Ne voulant pas être en reste, le Kenya voisin a son propre projet pharaonique prévu à Lamu et dont le coût pourrait atteindre 30 milliards de dollars en intégrant l’ensemble des composantes prévues. Fer de lance du projet LAPSSET (Lamu Port Southern Sudan-Ethiopia Transport), un corridor qui doit révolutionner le transport de marchandises et de pétrole dans la région, le futur port doit compter 32 terminaux. Le vaste projet englobe de nombreuses autres infrastructures, incluant des routes, des lignes ferroviaires, des aéroports et des raffineries de pétrole, un oléoduc et des câbles de fibre optique. Après de multiples retards, les autorités kenyanes prévoient l’entrée en service du port pour 2019. Le port en eau profonde de Kribi et son complexe industriel doivent booster l’économie camerounaise et desservir les pays enclavés de la sous-région comme la Centrafrique et le Tchad. Dans son ensemble, il comprend une première composante portuaire qui comprendra une vingtaine de terminaux à l’horizon 2040, une seconde composante industrielle qui s’étendra sur 20 000 hectares et une troisième composante urbaine. Le méga projet est évalué à environ 15 milliards de dollars. Les deux premiers terminaux sont entrés en fonction l’an dernier et permettent d’accueillir des mastodontes marins de 70 000 tonnes. AFRIQUE EXPANSION • 51 11 L'information économique sur l'Afrique et l’Amérique du Nord, c’est notre affaire! Afrique Expansion Magazine se veut un outil d’information de référence pour ceux qui s’intéressent au développement des partenariats entre l’Amérique du Nord et l’Afrique. Oui, je m’abonne à Nom ____ ______ ______ _____________ _____________________ Prénom ____ ______ ______ _____________ ____________________ Entreprise ___________________________________________ Adresse ____________________________________________________ Code postal ____ __________ ___ Ville ____ _______________ _______ ______ _________ Pays _____ ____________ ________ _______ Téléphone ( )____ __________ _______ __ Fax ( Durée de l’abonnement Tarifs 1 an (4 numéros) : Canada 19,95 $ CAN États-Unis 39,95 $ US International 59,95 $ US Édition numérique 9,95 $ CAN 1 an )____ ____________ ______ __ Courriel _____ _______ __________________ __ Durée de l’abonnement Tarifs 2 ans (8 numéros) Canada 29,95 $ CAN États-Unis 59,95 $ US International 99,95 $ US Édition numérique 14,95 $ CAN Paiement par carte de crédit et Paypal sur www.afriqueexpansion.com 2 ans Afrique Expansion Magazine 4629, rue Louis-B-Mayer suite 201, Laval (Quebec) Canada H7P 6G5 Tél. : + 1 (450) 902-0527 Fax : + 1 (514) 393-9024 [email protected] www.afriqueexpansion.com Dossier spécial Jean-Nicolas Saucier Forum Afric a 20 15 À guichets fermés ! Véritable pont économique entre l’Amérique et le continent africain, le Forum Africa 2015 a rempli ses promesses et dépassé les attentes. Pour cette 7e édition tenue au Centre Sheraton de Montréal du 16 au 18 septembre derniers, l’événement affichait complet avec plus de 500 acteurs ayant à cœur le développement économique de l’Afrique et la célébration de son formidable potentiel. Politiciens de haut niveau des deux côtés de l’Atlantique, dirigeants de grandes multinationales, entrepreneurs à l’affut d’opportunités et panélistes chevronnés venus présenter une « nouvelle » Afrique aux investisseurs ; un gratin économique intéressé et intéressant. Pays vedette de ce forum biannuel, le Sénégal s’y est présenté avec une imposante délégation qui a su en quelques jours faire miroiter les perspectives propres à une des économies les plus florissantes de l’Afrique de l’Ouest. Retour sur un des événements économiques touchant l’Afrique qui compte désormais parmi les plus importants en Amérique. 14 AFRIQUE EXPANSION • 51 AFRIQUE EXPANSION • 51 15 Dossier spécial Vitraulle Mboungou Forum Africa 2015 Un menu diversifié qui séduit ! les secteurs économiques et sociaux. La Pour sa 7e édition, le Forum Africa a, une fois de plus, offert un menu éclectique en matière de sujets débattus durant des différentes discussions et panels présentés lors de ce grand rendez-vous économique organisé par Afrique Expansion. Placé sous le thème des « Investissements et opportunités d’affaires en Afrique », il a ainsi accueilli, du 16 au 18 septembre derniers, plus de 500 personnes venues discuter de « la transformation industrielle du continent », de « l’accès à l’énergie en Afrique » ou encore de « la compétitivité des entreprises africaines ». Retour sur les principaux thèmes et panels du Forum Africa 2015 ! Si l’on en croit les impressions recueillies au sortir de la 7e édition du Forum Africa, le programme proposé cette année a su combler les attentes des quelque 500 participants présents durant les trois jours qu’a duré l’événement. Et pour cause, le comité organisateur a pris soin de sélectionner les principaux sujets qui intéressent les hommes d’affaires et investisseurs des deux côtés de l’Atlantique. Ainsi, le Forum Africa 2015 a débuté avec une table ronde sous le thème de « La transformation industrielle du continent » où les acteurs en présence, dont l’économiste sénégalais Abdoulaye LY et Hazem Fahmy, dirigeant de l’Agence égyptienne de partenariats pour le développement, ont essentiellement échangé sur la croissance africaine. Une croissance en perpétuelle progression, signe d’une économie en pleine mutation qui a définitivement amorcé son virage industriel avec toutes les promesses offertes par le continent africain. Différentes approches Pour M. LY, à l›heure où les prix des matières premières ne cessent de chuter, ne pas les transformer équivaut à exporter des emplois 16 AFRIQUE EXPANSION • 51 à l’étranger, ce qui est un véritable « crime » quand on connaît les besoins en la matière de l’Afrique. Ce n’est pas tant les pays qui regorgent de ces précieuses ressources qui sauront le mieux tirer leur épingle du jeu, mais plutôt ceux qui trouveront le moyen de profiter du contexte en ajoutant les emplois à valeur ajoutée qui vont avec, a insisté l’économiste avant de poursuivre : « La Chine a lancé un plan appelé Going Global qui vise à créer 85 millions d’emplois en Afrique en 10 ans. Et pour attirer ces emplois, une mutation doit être opérée et c’est ce que le Sénégal s’emploie à faire. » Ainsi, avec les immenses gisements découverts dans les États voisins, le pays de la Teranga entend profiter des besoins en fournitures de biens et services pour propulser sa propre économie. De son côté, l’Égypte a choisi de promouvoir son savoir-faire dans divers domaines, tout en misant sur une stratégie agressive visant à faire valoir son énorme marché et les possibilités qui l’accompagnent. Quatre ans après le Printemps arabe, le pays souhaite effectuer un spectaculaire retour sur la scène africaine. « Au-delà du support que nous souhaitons offrir à nos frères africains, nous voulons aussi créer et proposer, et c’est ce que le forum économique annuel que nous planifions entend faire. Il s’agira du premier événement économique du genre complètement africain, par des Africains et pour les Africains. Nous toucherons les domaines de l’énergie, des infrastructures, du développement industriel, de la santé et des services », a expliqué M. Fahmy. Autres grands thèmes de cette 7e édition du Forum Africa, l’accès à l’énergie et « Comment faire des affaires en Afrique », deux sujets de prédilection des forums économiques consacrés au continent africain. Concernant l’accès à l’énergie, les panélistes étaient tous d’avis qu’il constitue la clé pour le développement du continent du fait d’énormes potentiels et possibilités qui se chiffrent en centaines de milliards de dollars. Et pour cause, l’énergie touche tous les domaines. « L’énergie améliore la qualité de vie en permettant l’implantation de projets porteurs de développement et prospérité, et c’est vrai dans absolument tous clé est de savoir maximiser les retombées grâce aux partenariats, avec des approches participatives qui tiennent compte des populations locales. Car il y a une synergie directe entre le développement économique et l’énergie, personne ne peut le nier », a affirmé Hamidou Mamadou Abdou, associé et vice-président international chez CIMA+, une entreprise québécoise multidisciplinaire œuvrant dans les domaines de l’ingénierie et des nouvelles technologies. Mais cela ne serait se faire sans la collaboration des gouvernements africains, a souligné Ugo Landry, directeur des opérations chez Windiga Énergie, entreprise canadienne agissant comme producteur indépendant d’énergie dans les énergies renouvelables. « Tout est question de volonté politique, de lois et de textes d’application, de lois fiscales, tous des éléments qui sont entre les mains des dirigeants gouvernementaux. Une entreprise comme Windiga a besoin de garanties gouvernementales pour assumer les risques financiers, et ça peut prendre du temps. Mais quand la volonté et les efforts en ce sens y sont, le financement suit sans problème », a-t-il insisté. En effet, depuis la fin de la colonisation en Afrique, plusieurs modèles ont été essayés en matière d’énergie, allant du monopole public au libre marché complètement privé. Aucun n’a toutefois réussi à régler durablement le problème. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui mettent tous leurs espoirs sur l’initiative Power Africa du président américain Barack Obama, qui prévoit 60 millions de connexions et 30 000 MW de puissance additionnelle avec 32 milliards $ en investissements divers. Dirigeant de Power Africa pour l’Afrique de l’Ouest, le Québécois André Larocque est venu expliquer comment ce projet pourrait changer la donne sur le continent africain. « Power Africa veut agir à titre de point focal pour galvaniser la collaboration des gouvernements, utilités publiques, investisseurs privés et institu- tions financières autour de la concrétisation la plus rapide et la plus efficace possible des transactions visant l’implantation de projets de production, transport ou distribution d’électricité. » « L’Afrique est le nouveau marché de l’énergie, très prometteur et attrayant pour les entreprises spécialisées du domaine », a ajouté Abel Didier Tella, directeur-général de l’Association des sociétés d’électricité d’Afrique. Invité très attendu de ce panel, le ministre sénégalais de l’Énergie et du Développement des énergies renouvelables, Thierno Alassane Sall, est venu présenter le plan de son gouvernement dans ce domaine. « Je pense que l’énergie générée va amener avec elle emplois et revenus, comme ce fut le cas pour les télécommunications », a-t-il souligné. Business et… business ! « Faire des affaires en Afri que », voilà un autre thème incontournable dans ce type d’événement ! En effet, si faire des affaires sur le continent est devenu chose courante pour les grandes multinationales occidentales, c’est encore un défi pour les petites et moyennes entreprises qui sont parfois hésitantes et remplies de doutes. Des doutes qu’un panel d’experts a tenté de dissiper lors du Forum Africa 2015. Ainsi, pour Jean-Baptiste Satchivi, président de la Chambre de commerce du Bénin et dirigeant du Regroupement des chambres de commerce de l’UEMOA, il faut que les gouvernements parviennent à créer un environnement favorable à l’éclosion des affaires, à la prospérité. « L’entrepreneur prend le risque et affirme sa détermination, mais les autorités doivent pouvoir lui fournir les conditions nécessaires à son succès », a ainsi conclu le dirigeant de CDPA-Agrisatch, groupe leader dans l’aviculture et le négoce alimentaire qui a su gagner d’importantes parts de marché dans toute la sous-région. Par ailleurs, l’Afrique est l’une des régions les plus dynamiques économiquement avec une croissance soutenue qui dépasse les 5 % depuis plus d’une décennie, faisant du continent un endroit attrayant pour les investissements, a rappelé Mountaga SY, directeur-général de l’Agence d’investissement du Sénégal (APIX) avant d’ajouter : « La stabilité politique est la clé, une clé qui prémunit contre la corruption potentielle. Et une fois cela conforté, l’État peut et doit jouer sur différents terrains afin de rendre l’environnement attrayant. Les taxes et l’allégement des procédures administratives sont, par exemple, des éléments importants sur lesquels il a une emprise totale. Reste ensuite à investir dans le capital humain pour s’assurer d’une main d’œuvre qualifiée en quantité suffisante. » S’il est vrai que l’Afrique peut encore faire mieux pour améliorer la compétitivité de son climat des affaires, il n’en demeure pas moins qu’elle a fait d’énormes progrès depuis une dizaine d’années. Ce qui permet le débat aujourd’hui sur la compétitivité des entreprises africaines et des moyens qui devraient être mis en œuvre pour la renforcer davantage. À ce propos, Pierre NDiaye, directeur général de la Planification et des politiques économiques du gouvernement sénégalais, a expliqué qu’il en va de la responsabilité de l’État qui doit garantir la bonne gouvernance, la sécurité et la paix, mais surtout des améliorations du cadre réglementaire et législatifs ou l’allègement des procédures bureaucratiques. Pour Nathalie Chinje, directrice de l’agence UpBeat Marketing en Afrique du Sud, il est primordial que soit valorisé en Afrique « un leadership de qualité, une mise en valeur des innovations et le développement accru des compétences » afin d‘endiguer le phénomène de fuite des cerveaux. Mais surtout, selon elle, les pays africains doivent permettre aux femmes de prendre plus de responsabilités et occuper plus d’espace dans le développement économique. AFRIQUE EXPANSION • 51 17 Dossier spécial Vitraulle Mboungou Forum Africa 2015 Pays vedette, le Sé négal « open for business ». de 3-4 %. Aziz Tall, ministre chargé du Suivi du Plan Sénégal Émergent a détaillé les mesures prises pour s’assurer que le pays, 2e économie de l’Union Économique Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), retrouve son niveau de 2012, lorsqu’il avait été classé comme l’un des 17 pays ayant le plus amélioré leur climat des affaires en Afrique. Son économie était alors l’une des plus compétitives de la sous-région grâce, entre autres, à la volonté du pouvoir en place de faire du Sénégal l’un des 10 pays les plus attractifs en Afrique subsaharienne d’ici 2035. Infrastructures, énergie et mines « Nous sommes venus ici à la rencontre d’investisseurs canadiens avec l’intention de leur présenter tout ce que le Sénégal a à offrir comme possibilités économiques et commerciales. Nous avons senti un vif intérêt et sommes très optimistes pour la suite des choses. » 18 Pays vedette du Forum Africa 2015, le Sénégal a été au cœur de toutes les discussions et panels présentés lors de ce grand rendez-vous économique organisé par Afrique Expansion. L’occasion pour le pays des Lions de la Teranga de présenter toutes les opportunités d’affaires qu’il a à offrir aux entreprises québécoises et canadiennes. Comme c’est le cas depuis 2007, le Forum Africa a choisi un pays vedette autour duquel s’organise un ensemble de discussions, rencontres et démarchages pour promouvoir son potentiel économique et ses attraits. Le Sénégal « joue un rôle de premier plan sur le continent et constitue un exemple de démocratie et de stabilité politique en Afrique de l’Ouest », a fait valoir Amina Gerba, présidente-directrice générale d’Afrique Expansion. Le pays s’est doté en 2014 d’un programme stratégique appelé Plan Sénégal Émergent (PSE) qui vise la mise en place d’un ensemble de projets structurants à fort contenu de valeur ajoutée pour lui permettre, comme beaucoup d’autres pays africains, d’atteindre l’émergence à l’horizon 2035. Le Sénégal a ainsi dépêché une impressionnante délégation conduite par Amadou BA, ministre de l’Économie, des Finances et du Plan du Sénégal, accom- AFRIQUE EXPANSION • 51 pagné de plusieurs ministres et dirigeants de sociétés d’État pour présenter ce vaste plan aux hommes d’affaires canadiens et québécois. « Nous sommes venus ici à la rencontre d’investisseurs canadiens avec l’intention de leur présenter tout ce que le Sénégal a à offrir comme possibilités économiques et commerciales. Nous avons senti un vif intérêt et sommes très optimistes pour la suite des choses », a expliqué Khoudia Mbaye, ministre sénégalaise de la Promotion des investissements, des Partenariats et du Développement des télé-services de l’État lors de la conférence de presse clôturant le forum. Le pays de la Teranga a de ce fait profité de l’événement pour présenter son ambitieux PSE. Ministres et autres directeurs stratégiques sénégalais ont ainsi énoncé les grandes lignes de cette stratégie qui vise à booster la croissance sénégalaise qui tourne actuellement autour Le Sénégal, à l’image de beaucoup d’autres pays africains, fait face au problème du manque d’infrastructures. Les pertes en productivité occasionnées par ce déficit se chiffrent à environ 40 % sur l’ensemble du continent, qui s’est pourtant positionné comme la deuxième zone de croissance mondiale ces dix dernières années. Les besoins de l’Afrique en infrastructures sont ainsi estimés à 93 milliards de dollars par an, mais à l’heure actuelle, elle ne parvient à mobiliser qu’environ 45 milliards de dollars annuellement. Rien de surprenant donc à ce qu’un des principaux axes du PSE soit les infrastructures, notamment routières avec 27 projets majeurs déjà en cours. Le secteur des transports sera ainsi modernisé avec l’amélioration de la mobilité urbaine dans le Grand Dakar. Cela va se traduire, entre autres, par la construction de nouvelles routes, autoroutes et des centaines de kilomètres de chemin de fer, ainsi que la mise en circulation de 300 minibus qui viendront s’ajouter aux 1300 déjà en service, en plus d’un train express entre le centre-ville de Dakar et l’aéroport international Blaise Diagne au coût de 800 millions de dollars. Par ailleurs, toujours dans le souci de développer les infrastructures, les autorités sénégalaises se concentrent également sur l’énergie en diversifiant ses sources, ce qui permettra au pays de multiplier par quatre sa production d’électricité. Géothermie, solaire et éoliennes, hydroélectricité, les chantiers sont nombreux, comme le soulignait au Forum Africa Thierno Alassane Sall, ministre de l’Énergie et du Développement des énergies renouvelables du Sénégal. « C’est un plan ambitieux, tant en volume qu’en qualité. Il y a bien sûr les hydrocarbures comme le pétrole et le gaz, mais également les énergies renouvelables comme l’hydroélectricité, le solaire et l’éolien. Le Plan Sénégal Émergent accentue grandement les besoins d’énergie et nous souhaitons voir des investisseurs possédant l’expertise nécessaire s’intéresser à ces nombreuses possibilités. » Le Sénégal, pays avec un riche potentiel minier qui souhaite se poser comme véritable hub régional en Afrique, mise également beaucoup sur les entreprises extractives. Il a ainsi signé un contrat de 700 millions de dollars pour l’exploitation de l’or avec la société québécoise Teranga. Par ailleurs, le sous-sol sénégalais renfermerait des milliers de tonnes de fer et de métaux lourds. Enfin, ce PSE, qui se veut à la fois économique et social, comprend de nombreux autres axes comme l’innovation, la technologie et la recherche, ainsi que le tourisme ou l’éducation avec la formation des jeunes. Quelle place pour le Canada ? « Le Canada possède des atouts intéressants que nous recherchons. Son expertise est reconnue de classe mondiale dans de nombreux secteurs clés comme les mines, l’industrie extractive, l’énergie ou l’agriculture. Des secteurs sur lesquels le Sénégal souhaite s’appuyer pour booster sa croissance et améliorer les conditions de vie de ses citoyens. Et en ce sens, le Canada est appelé à devenir et être un partenaire de choix, s’il le veut vraiment », a signalé Mountaga SY, Directeur-général de l’APIX. Rappelons que le Canada est un partenaire de longue date du Sénégal. Les deux pays ont d’importantes relations bilatérales qui touchent un large éventail d’activités et qui ne cessent de se développer. Selon des chiffres officiels, en 2011, leurs échanges commerciaux totalisaient 29 millions de dollars, dont 28 millions en exportations vers le Sénégal et 1 million en importations. Tandis qu’en 2014, ils s’établissaient à 44,5 millions de dollars, dont presque 41,5 millions d’exportations et 3 millions d’importations en provenance du Sénégal. Plus d’une centaine d’institutions et d’acteurs canadiens, incluant une soixantaine d’entreprises, étaient ainsi présents sur le marché sénégalais en 2014. Le Plan d’action du Canada sur les marchés mondiaux de 2013 a d’ailleurs désigné le pays de la Teranga comme étant « un marché émergent offrant des débouchés particuliers pour les entreprises canadiennes ». En 2012, l’ancien premier ministre canadien Stephen Harper a annoncé lors d’une visite officielle à Dakar, la conclusion des négociations en vue d’un accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers (APIE) entre les deux pays. Un accord signé en novembre 2014 en marge du Sommet de la Francophonie dans la capitale sénégalaise. Une fois mis en œuvre, cet accord doit faciliter le flux bilatéral des investissements en contribuant, entre autres, à la création d’emplois et à la croissance économique. Selon le ministre sénégalais de l’Économie et des Finances, Amadou BA, le Canada a accordé en 2014, dans le cadre du programme de coopération entre les deux pays, 108 milliards de FCFA au Sénégal pour la mise en œuvre du Plan Sénégal Émergent. AFRIQUE EXPANSION • 51 19 Dossier spécial Nom du Evachroniqueur Medi Forum Africa 2015 | B2B Nombre record de personnalisées. L’année 2015 a été une année record pour le Forum Africa à Montréal. Plus de 500 personnes, venant de 20 pays et représentant près d’une centaine d’entreprises y ont participé. Pour combler les attentes grandissantes d’année en année, Afrique Expansion organise des rendez-vous B2B, un volet incontournable du Forum Africa. C’est une occasion unique pour les entreprises, les institutions et les gouvernements de rencontrer des partenaires de premier plan ayant des intérêts communs. Cette année, le Forum Africa a battu tous ses records de B2B alors que près de 350 rencontres ont été organisées durant les trois jours qu’a duré l’événement. Le but était de faire le plus de «matchmaking» possible entre les entreprises canadiennes et africaines. 20 AFRIQUE EXPANSION • 51 rencontres Certains domaines économiques étaient plus en demande que d’autres. Notamment les secteurs du bois, des mines, de la construction et de l’énergie, qui ont connu le plus de succès côté canadien. Primeur de cette édition 2015, la possibilité de s’inscrire pendant une journée au lieu des trois jours que dure l’évènement. Cette nouveauté a suscité encore plus d’intérêt auprès des entreprises canadiennes, qui ont répondu présent en grand nombre, surtout la journée du 17 septembre, dédiée à l’énergie et au développement des affaires en Afrique. Côté africain, plusieurs entreprises cherchaient du financement et de l’expertise canadienne dans leurs domaines respectifs. D’autres souhaitaient plutôt identifier des partenaires d’affaires dans le domaine de l’immobilier. Le but étant de trouver un moyen d’exporter du Canada de l’immobilier et quelques articles à bon prix. Malheureusement, force est de constater qu’il y avait un manque considérable d’entreprises dans le domaine touristique. Quelques entreprises canadiennes auraient d’ailleurs souhaité connaître les débouchés de ce secteur dans plusieurs pays africains. D’après un sondage mené auprès de plusieurs participants, 80 % des compagnies ayant répondu, ont apprécié l’organisation du Forum et des B2B, mais déplorent le retard répété des entreprises africaines à leur rendez-vous. Ce même sondage nous a également permis de préciser qu’il est encore tôt pour confirmer la signature de partenariat entre des entreprises africaines et canadiennes. D’après un participant, «le partenariat est comme une demande en mariage. Il faut s’y préparer longtemps et prendre le temps d’apprivoiser la relation». Signer une entente entre deux compagnies peut donc prendre un certain temps afin de bien ficeler l’alliance, parfois même quelques années. AFRIQUE EXPANSION • 51 21 Dossier spécial Le Forum Africa 2015 a vu la participation de personnalités diverses. Voici, en images, quelques clichés et moments forts de l’événement. 10 1 2 11 4 12 3 5 13 8 14 6 7 9 15 1 Inauguration de l’Espace Sénégal par le ministre sénégalais de l’Économie, Amadou BA (au centre) 2 M. Philippe Couillard, Premier ministre du Québec 3 M. Amr Kamel, Directeur des opérations bancaires, Afreximbank 4 Une rencontre B2B 5 M. Alain Carrier, Directeur à Export Québec et M. Jean Kacou Diagou, Président du Patronat ivoirien 6 Le musicien camerounais Manu Dibango, Honoré pour sa carrière 7 M. Jean-Philippe Prosper, VP., SFI (Banque Mondiale) 8 Aldéa Landry, ex vice-première ministre, Nouveau-Brunswick; Sheila Copps, vice-première ministre fédéral 9 L’architecte ivoirien Goudiaby Atépa et l’ex PM du Québec, Jean Charest 16 10 Mme. Mélanie Joly (PLC) M. Jean-Louis Roy, Président d’honneur du Forum Africa et Mme Hélène Laverdière (NPD) 11 Dr Mima S. Nedelcovych, President&CEO, IGD 12 M. Gerba Malam, Directeur de la Publication Afrique Expansion Magazine et Mme Sheila Copps 13 Mme Amina Gerba, Présidente du Forum Africa 14 M. Philippe Couillard, PM du Québec sur le podium 15 S.E.M. Ousmane Paye, Ambassadeur du Sénégal au Canada, Mme Khoudia Mbaye, Ministre de la Promotion des Investissements, des Partenariats AFRIQUE EXPANSION • 51 et du Développement des téléservices de l’État, M. Philippe Couillard, PM du Québec et M. Jean-Louis Roy, Président d’Honneur du Forum Africa 16 Mme Leila Mokaddem, Représentante résident de la BAD en Egypte 17 M. Patrice Malacort, Directeur Ventes et Marketing Canada de Brussels Airlines, M. Hamidou Mamadou Abdou, 22 17 VP chez CIMA International et Karen A. Directrice des ventes d’Air Canada AFRIQUE EXPANSION • 51 23 Marchés Africains Vitraulle Mboungou L’immobilier de luxe a la cote en Afrique ! Une étude publiée début septembre par Lamudi, un portail immobilier allemand, nous apprend que 12 pays africains figurent dans le Top 20 des marchés où l’immobilier de luxe est le plus abordable. Cette étude cherche à pointer les endroits les plus propices à l’investissement dans ce secteur et l’Afrique prend le haut du pavé en demeurant un des endroits les plus rentables. Le nombre de millionnaires ne cesse d’augmenter en Afrique. De quoi favoriser un marché bien spécifique, celui de l’immobilier de luxe. Et malgré son nom, qui laisse présager des prix exorbitants, le luxe est plutôt abordable dans la plupart des pays africains. C’est du moins ce que nous apprend une étude du portail immobilier allemand Lamudi. Ce dernier a fait un classement réalisé sur la base des prix moyens par mètre-carré (m²) issus de plusieurs milliers d’annonces immobilières publiées sur le portail et portant sur les 32 pays émergents où il est présent. Publié en septembre dernier, ce classement révèle que 12 pays africains figurent dans le Top 20 des marchés émergents sur la propriété de luxe à l’échelle planétaire. Ainsi, une propriété immobilière de luxe coûte en moyenne 396,58 euros m² en Éthiopie, pays en tête du classement. La Côte d’Ivoire, pays en plein redécollage économique après une crise politico-militaire, se positionne quant à elle à la deuxième place avec un prix moyen de 427,65 euros/m2 tandis que la Tanzanie revendique la troisième place (486,03 euros le m²). Avec un prix moyen de 850,54 euros/m2, le Kenya arrive en 6 e position, alors que le Nigeria le talonne (856,29 euros/m2). La Tunisie (885,52 euros/m2) occupe la 9e position, juste devant le Ghana (1035,75 euros/m2) où la découverte de pétrole s’est accompagnée d’une augmentation de l’investissement immobilier pour répondre à la demande prévue de travailleurs expatriés. Le Maroc (1144,25 euros/ m2) pointe au 12e rang devant l’Île Maurice (1484,49 euros/m2). Enfin, l’Ouganda (1597,22 euros/m2) arrive en 15e position, devant l’Algérie (1766,53 v euros/m2), alors que l’Angola (3965,52 euros/m2) ferme ce Top 20. En août 2015 déjà, l’enquête annuelle du cabinet Mercer sur le «Coût de la Vie» a classé Luanda, la capitale angolaise, comme la ville la plus chère dans le monde pour les travailleurs expatriés pour la troisième année consécutive, dépassant ainsi des villes comme Londres, New York ou Singapour. Kian Moini, co-fondateur et directeur général de Lamudi, explique : «Lorsqu’il est question de propriétés de luxe, les marchés émergents de Luanda, Dubaï et Doha sont des concurrents très sérieux pour New York et Londres. Dans les marchés émergents à travers l’Asie, 24 AFRIQUE EXPANSION • 51 l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Amérique-Latine, il y a maintenant une abondance d’offres de propriétés immobilières de luxe ouvrant le marché de l’immobilier haut de gamme à la tranche à faible revenu.» Et pour cause ! Ces dernières années, les programmes immobiliers haut de gamme n’ont cessé de fleurir sur le continent africain. Ainsi, en République démocratique du Congo, des investisseurs privés se sont lancés il y a cinq ans dans la construction d’un quartier luxueux, sur les deux îles du fleuve Congo, près de Kinshasa. La Cité du fleuve, projet censé faire naître le quartier nec plus ultra de la capitale congolaise, claironne de belles promesses. Pour ses promoteurs, il doit faire sortir de la terre un quartier ultramoderne dans une zone marécageuse. Son emplacement est dit idéal car il est situé entre une route menant à l’aéroport international de Ndjili, le principal aéroport de la capitale congolaise, et le quartier à la fois administratif, des affaires et résidentiel de La Gombe. Ce chantier dont le coût était au départ estimé à plus d’un milliard de dollars, n’est qu’à 10 % de sa réalisation aujourd’hui. Dans sa phase finale, la Cité du fleuve comprendrait plus de 200 villas et 10 000 appartements haut de gamme, 10 000 bureaux, un port de plaisance, des parcs d’attractions, des cinémas, des restaurants, des salles de conférences et autres aménagements recherchés dans pareil endroit. Elle sera reliée au reste de Kinshasa par deux ponts et des transports Abdoulaye Wade Macky Sallelle en commun. Autosuffisante en fourniture d’eau etet d’électricité, ambitionne également de devenir un lieu touristique et une villégiature de week-end. Pays 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. Prix du mètre carré (US $) Éthiopie Côte d’Ivoire Tanzanie Mexique Colombie Kenya Nigeria Indonésie Tunisie Ghana Philippines Morocco Île Maurice Pérou Ouganda Algérie Sri Lanka Qatar Émirats arabes unis Angola 447.87 482.96 548.89 763.03 854.87 960.54 967.03 983.34 1000.04 1169.70 1218.34 1292.24 1676.48 1709.04 1803.79 1994.79 2013.04 3985.35 4109.77 4478.38 Nombreux projets « luxueux » Parmi les projets ambitieux qui voient le jour sur le continent, notamment en Afrique de l’Ouest et Centrale, celui de Waterfront, à Dakar au Sénégal, retient l’attention. Ce projet luxueux de 31 000 m2 situé sur la corniche ouest de la ville, pour plus de 623 millions de F CFA, soit un peu plus d’un million de dollars, propose 150 résidences haut de gamme avec terrasse ou jardin, vue sur la mer, piscine et jacuzzi, à 1,4 million de F CFA (2300 $US) le m2, soit 50 % plus cher que les quartiers chics de la capitale sénégalaise. De son côté, la Côte d’ivoire n’a rien à envier au pays de la Teranga, avec son projet de ville américaine imaginé par la diaspora ivoirienne basée de l’autre côté de l’Atlantique. Il s’agit de la Cité World Partner’s (45 à 50 millions de F CFA, soit un peu plus de 80 000 dollars le lot). Située en banlieue d’Abidjan, elle fait suite aux 150 résidences de la Riviera Beverly, dont le prix d’un logement avoisine les 100 millions de F CFA (165 000 $US). La Riviera Palm Beach, au bord de la lagune Ébrié, offrira de son côté des lots évalués à environ 80 millions de F CFA (131 000 $US) contre 10 à 20 millions (16 500 à 32 000$US) dans certains quartiers de la capitale ivoirienne. Par ailleurs, toujours en Côte d’ivoire, le groupe Yedcor International a annoncé en juillet dernier qu’il allait construire un grand complexe immobilier à vocation résidentielle, commerciale et touristique à Abidjan sur une superficie de 10 hectares. Baptisé Yedcor Valley Center et situé à Cocody, un quartier de la capitale ivoirienne, il accueillera un centre commercial de 350 000 m2, dont 76 000 m2 de surface commerciale avec quatre supermarchés, 200 boutiques, deux hôtels de 7 étoiles et 5 étoiles, 300 appartements de luxe et penthouses aux normes internationales. Ajoutez à cela 50 000 m2 de bureaux, un aquarium géant, six salles de cinéma, un musée des civilisations, une fontaine dansante, des restaurants et une salle de spectacles de 5000 places qui sont également prévus. Les travaux de construction devraient démarrer en mars 2016 pour s’achever en 2018. Cependant, cet immense projet laisse dubitatifs plusieurs connaisseurs et experts du secteur immobilier en Afrique. D’abord en raison de l’ampleur du projet. Le Morocco Mall de Casablanca, l’un des plus grands centres commerciaux africains, est quatre fois plus petit. Mais plus que tout, c’est la personnalité même de son promoteur, Desnos Toussaint Yed, qui intrigue. Son associé Broll Group, filiale sud-africaine du groupe immobilier américain CBRE Group et leader de la commercialisation d’espaces immobiliers en Afrique, a confirmé à Jeune Afrique par l’intermédiaire de son président Afrique, l’existence de contacts, tout en précisant que «rien n’est définitif pour l’instant». De même, ses références et ses réalisations, jusqu’aux mystérieux centres commerciaux qu’il aurait construits en Afrique du Sud, restent plus que floues selon l’hebdomadaire panafricain. Enfin, au Maroc, la Compagnie générale immobilière (CGI) a annoncé le lancement de The Park-Anfa Condominium, une résidence urbaine de luxe à Casablanca, dont la livraison des unités est prévue pour le dernier trimestre 2016. Ce projet immobilier dont l’investissement initial s’élève à 600 millions de dirhams (environ 74 millions de dollars) et qui occupera une surface de 1,5 hectares, selon un communiqué du promoteur, comprend trois résidences privées composées d’immeubles «disposés sous forme de remparts autour d’un jardin central privatif», constitué d’appartements de 2 à 6 pièces aux superficies (hors terrasses et jardins) variant entre 60 et 280 m2. Les futurs propriétaires «pourront profiter de véritables terrasses végétalisées, de jardins suspendus plantés, ainsi que de la proximité d’un parc de 50 hectares», signale le communiqué. En résumé, l’Afrique semble prête à faire face au nombre de plus en plus croissant de millionnaires africains en anticipant, entre autres, leurs besoins afin de mieux y répondre. Cela d’autant plus que selon une étude de New World Wealth publiée en juillet dernier, depuis 2000, le nombre de personnes avec des avoirs financiers équivalant au moins à un million de dollars a augmenté de 145 % sur le continent africain. Un nombre qui pourrait encore croître de 45 % durant la prochaine décennie. AFRIQUE EXPANSION • 51 25 Marchés Africains Marc Omboui / A. Naye Angola La difficile équation de la diversification économ ique. Eldorado et crise L’Angola affiche un taux de croissance 12 % de de son PIB, l’un des plus élevés du monde. 26 Longtemps dépendant du pétrole, le pays d’Eduardo Dos Santos doit se résoudre à diversifier son économie afin de faire face à la crise économique due à la baisse des cours de l’or noir. En a-t-il les moyens ? Pourra-t-il tirer son épingle du jeu là où d’autres pays ont rencontré d’énormes difficultés ? La longue guerre civile qui a secoué l’Angola de 1975 à 2002 n’a finalement pas réussi à ébranler ce pays lusophone au sein duquel plusieurs analystes prédisaient déjà le chaos. Il a en effet suffi que cessent les hostilités pour que le pays commence à engranger de sérieux points sur le plan économique. Au point de devenir en très peu de temps la 5e puissance économique d’Afrique derrière le Nigeria, l’Afrique du Sud, l’Égypte et l’Algérie. L’Angola affiche un taux de croissance de 12 % de son PIB, l’un des plus élevés du monde. Une performance tributaire de l’exploitation pétrolière. En effet, l’Angola est la deuxième puissance pétrolière d’Afrique après le Nigeria. Le pays, dont la production pétrolière s’est élevée à 1,7 million de barils/jour en 2014, AFRIQUE EXPANSION • 51 avait atteint des pics de deux millions de barils/jour en 2007. L’industrie du pétrole, d’après les chiffres publiés par la Banque mondiale, représente environ 46 % du produit intérieur brut du pays et 96 % de ses exportations. De même, 72 % des recettes de l’État angolais proviennent de la manne pétrolière. D’après les spécialistes, l’essentiel des exportations de l’Angola est constitué des produits pétroliers. Des produits qui ont pour destinations privilégiées les États-Unis et la Chine. En retour, ces pays exportent vers l’Angola des biens et services, notamment des produits chimiques, des avions et des équipements divers. Même si les ressources pétrolières sont inégalement réparties, le pays respire. Visiblement, l’Angola séduit et attire. De nombreux étrangers aussi bien africains, européens qu’asiatiques y accourent. Du Portugal, l’ancienne puissance coloniale, malmenés par la crise économique qui sévit dans leur pays, des milliers de jeunes affluent, à la recherche d’un bien-être. Le pays connaît un taux d’urbanisme poussé. Des gratte-ciels sont visibles partout et symbolisent le dynamisme et la bonne santé économique du pays. Sur le plan urbain, les villes angolaises n’ont rien à envier aux villes occidentales. Afin de désengorger Luanda la capitale, une nouvelle ville, Kilamba Kiaxi, voit le jour. Mais l’effondrement des cours du pétrole observé depuis deux ans semble durement toucher l’économie angolaise. Sans oublier la réduction temporaire de la production pétrolière du fait des arrêts pour maintenance non programmés des gisements pétroliers. D’après les spécialistes, la croissance du produit intérieur brut de l’Angola devrait ralentir pour descendre à 4 % en 2016. La presse internationale observe que la chute vertigineuse des cours du pétrole entraîne de graves difficultés financières en Angola. L’hebdomadaire portugais Expresso est quant à lui plus sentencieux. En titrant « Tsunami économique en Angola », le journal estime que la baisse du prix du pétrole ne peut que provoquer une crise économique dans ce pays. Pour Yves Vincent Mballa Atangana, enseignant camerounais de sciences économiques et de gestion, cette situation ne devrait surprendre personne. Car, soutient-il, lorsqu’on a une économie axée essentiellement sur les ressources naturelles qui sont par essence épuisables, il faut s’attendre à connaître ces difficultés. Il ne faut pas mettre ses œufs dans un seul panier », affirme-t-il. Et l’économiste d’ajouter : « lorsqu’on décide de développer un seul secteur, on se met dans une situation de dépendance vis-à-vis des partenaires ». Le pays paye ainsi le prix de sa dépendance à l’or noir et de son manque de prévisibilité. Les analystes soutiennent que pendant les années de croissance à deux chiffres, l’Angola n’a pas su investir dans l’industrie. Le pays est réduit à importer tous ses biens de consommation. L’on peut également ajouter un environnement peu propice aux affaires, la faiblesse de la gouvernance qui se manifeste par les sérieuses difficultés qu’éprouvent les pouvoirs publics à gérer rationnellement les ressources générées par le pétrole. De sérieux handicaps qui rendent difficile une éventuelle sortie de crise. État et diversification Pour faire face à cette situation, les autorités angolaises ont décidé de prendre des mesures qui visent essentiellement la réduction du train de vie de l’État. À cet effet, le président Eduardo Dos Santos a demandé au gouvernement d’interrompre temporairement les remboursements de la dette extérieure et de revoir en urgence le budget de l’État à la baisse pour 2015 de près de 17 %. Dans le même temps, le transfert des capitaux vers l’étranger et l’importation de marchandises ont été gelés jusqu’à nouvel ordre. Cette mesure concerne surtout les biens de consommation produits, notamment les produits agroalimentaires. Mais le déficit sera difficile à combler étant donné que le pays ne produit que 60 % de ses ressources alimentaires. Le gouvernement compte aussi augmenter les impôts et suspendre les recrutements dans la Fonction publique, tout comme il s’apprête à licencier dans le secteur des hydrocarbures. Mais les experts pensent que ces mesures, bien que salutaires, ne peuvent pas suffire à stabiliser le pays. Il faudrait donc inventer d’autres solutions. Notamment la diversification de l’économie pour sortir définitivement de la dépendance pétrolière. « Il est nécessaire d’accentuer les investissements dans d’autres secteurs, et je pense pour ma part prioritairement à l’agriculture qui est un point de départ pour toute économie solide », suggère Yves Vincent Mballa Atangana. L’universitaire soutient que les pays dits développés ont d’abord bâti leur économie autour d’un produit phare. Pour répondre à l’exigence de la diversification économique, l’Angola a mis de côté 80 milliards de dollars. Le défi à relever étant de transformer son économie de rente en une « économie entrepreneuriale compétitive ». Le pays compte pour cela sur les investisseurs angolais et étrangers. Ces derniers semblent d’ailleurs se bousculer aux portes. Le gouvernement les invite à procéder à plus de transfert de technologie et de savoir-faire. Il est aussi question de faciliter l’accès aux financements bancaires consacrés au développement de l’économie. Ces derniers ne représentent actuellement que 28 % du PIB et sont concentrés sur des investissements non-productifs. En clair, l’Angola veut, dans le cadre de la diversification de son économie, exploiter d’autres ressources naturelles comme l’or, le fer, la bauxite et l’uranium. Mais il espère surtout mettre à contribution ses vastes forêts, ses terres arables, ainsi que ses eaux poissonneuses. L’État compte aussi solidifier son industrie. Réussira-t-il là où certains pays tels que le Gabon et la Guinée équatoriale, eux aussi fortement dépendants du pétrole, peinent à se frayer un chemin ? Le gouvernement reste optimiste et y croit fermement. Le quotidien Jornal de Angola, proche du gouvernement, indiquait au mois de janvier dernier que l’Angola a de quoi vaincre la crise. Mais il faudra d’abord vaincre certains manquements criants que soulignent régulièrement les exégètes de l’économie. Notamment la faiblesse de la gouvernance, le manque de transparence et la qualité approximative des ressources humaines. AFRIQUE EXPANSION • 51 27 Marchés Africains Marc Omboui Algérie Des milliards de dollars à investir à l’étranger. Les compagnies algériennes qui remplissent certaines conditions fixées par la Banque d’Algérie peuvent désormais investir à l’étranger Tirant profit de ses énormes revenus pétroliers et voulant en même temps s’émanciper de sa dépendance presqu’exclusive vis-à-vis de ceux-ci, l’Algérie a décidé de s’engager dans les investissements à l’étranger. Objectif : passer de 80 millions de dollars aujourd’hui à 2 milliards de dollars de recettes d’exportations hors hydrocarbures à l’horizon 2020. Après une participation jugée réussie à une foire commerciale dédiée aux produits algériens au Cameroun il y a quelques mois, l’entreprise algérienne, Algerian for Export & Events Errowed (AFEEE), spécialisée dans les services à l’export, a récemment décidé d’ouvrir un comptoir commercial d’ici le début 2016 à Yaoundé, la capitale camerounaise. 28 AFRIQUE EXPANSION • 51 Cette décision est symptomatique d’un changement de paradigme opéré dans la politique économique de l’Algérie, notamment en ce qui concerne les investissements à l’étranger. Jusqu’ici les rares entreprises algériennes ayant investi à l’étranger, dont notamment le géant pétrolier Sonatrach, ont obtenu des autorisations spéciales suite à de longues et laborieuses procédures administratives. Le texte législatif de la Banque d’Algérie qui vient changer la donne stipule que toutes les entreprises de droit algérien peuvent « transférer des capitaux » pour « la création de société ou de succursale ; la prise de participation dans des sociétés existantes sous formes d’apports en numéraires ou en nature ; l’ouverture de bureau de représentation ». Désormais, toutes les entreprises de droit algérien peuvent convertir des dinars afin d’investir à l’étranger. Un privilège jusque-là réservé à l’entreprise nationale d’hydrocarbures Sonatrach. Les compagnies algériennes qui remplissent certaines conditions fixées par la Banque d’Algérie peuvent désormais investir à l’étranger, selon un règlement paru en novembre 2014 dans le Journal officiel algérien. Cette décision était réclamée depuis plusieurs années par les patrons algériens. Même si d’aucuns estiment encore que l’État a « fui ses responsabilités en choisissant de laisser l’initiative au privé au lieu de créer un fonds souverain » avec une vision stratégique qui permettra d’identifier les secteurs à haute valeur ajoutée pour l’économie, la majorité soutient pour sa part que l’Algérie devrait tirer profit de la crise économique mondiale à travers l’acquisition ou des placements dans les entreprises étrangères en difficulté dans un contexte de crise économique considérée à l’époque comme une importante opportunité pour restructurer et diversifier l’économie nationale et réduire de surcroît sa dépendance aux hydrocarbures. La décision de la Banque d’Algérie devrait permettre à certaines entreprises privées comme Général Emballage, Benamor ou Cevital, de se développer à l’étranger. Elle vise à booster les exportations hors hydrocarbures dans un contexte de chute des cours. Mohamed Laid Benamor, PDG du Groupe Benamor et président de la CACI, a salué la décision de la Banque d’Algérie, estimant que celle-ci ouvre désormais la voie aux entreprises algériennes pour investir et réaliser leurs projets en dehors des frontières. L’Algérie compte particulièrement sur des domaines clés comme l’agroalimentaire, l’industrie pharmaceutique, l’électronique et les services. À la conquête du monde Selon l’agence officielle brésilienne Agencia Brazil, Cevital, le plus important groupe privé d’Algérie avec un chiffre d’affaires de 4 milliards de dollars en 2013, envisage de lancer au nord du Brésil un projet de création d’industries alimentaires. D’autres sources indiquent que Cevital s’apprête à investir également dans la sidérurgie. Une usine va bientôt être installée dans ce pays, qui compte parmi les 20 premières puissances économiques du monde. Avant le Brésil, le groupe Cevital a effectué des acquisitions en France, en Italie et au Maroc. Le dernier coup d’éclat de Cevital, la reprise de Fagor Brandt, numéro deux de l’électroménager en France. La société algérienne veut également investir au Soudan et dans d’autres pays d’Afrique. Il faut dire que l’Algérie, qui compte une cinquantaine d’entreprises exportatrices, tire 98 % de ses recettes en devises de la vente d’hydrocarbures. Craignant jusquelà de s’exposer au problème récurrent des fuites de capitaux, les pouvoirs publics étaient réticents à l’idée de permettre le rachet des actifs industriels à l’étranger par les opérateurs économiques de droit algérien. Les choses semblent donc avoir changé et le gouvernement algérien compte, en favorisant les investissements algériens à l’étranger, réenclencher la dynamique industrielle en rendant les entreprises plus performantes et plus compétitives. Il faut cependant relever que la nouvelle politique algérienne sur les investissements à l’étranger est assortie de certaines conditions, à commencer par une autorisation préalable du Conseil de la monnaie et du Crédit. Ces investissements doivent être en rapport avec « l’activité de l’opérateur économique concerné » et viser à « consolider et développer cette activité ». L’investisseur doit acquérir au moins 10 % du capital de la société non résidente. Les transferts de capitaux destinés à l’investissement à l’étranger sont soumis à un plafond et ne sauraient excéder le profil de la moyenne annuelle des recettes d’exportations, rapatriées durant les trois dernières années précédant la demande, indique le texte de la Banque d’Algérie. Il a été également stipulé dans ce règlement signé par le gouverneur de la Banque d’Algérie que l’opérateur économique de droit algérien doit veiller à ce que le transfert des fonds à opérer au titre de l’investissement à l’étranger s’effectue en fonction des besoins de financement de l’investissement projeté et en cas de désinvestissement, il doit rapatrier, sans délai, le produit de l’opération. Enfin, les opérateurs doivent déposer à la direction générale des changes de la Banque d’Algérie un rapport d’activité annuel appuyé des états financiers dûment certifiés par un commissaire aux comptes ou tout autre organe habilité à cet effet dans le pays d’accueil de l’investissement à l’étranger. L’Algérie dispose encore de richesses naturelles considérables et diversifiées. Les plus importantes d’entre elles sont constituées des hydrocarbures (pétrole et gaz naturel notamment). Véritable géant énergétique, l’Algérie, forte de 50 % des réserves, de 48 % de la production totale et de l’impressionnant taux de 94 % des exportations de gaz naturel, n’a pas de rivale dans la Méditerranée, où elle est classée premier producteur et exportateur de pétrole et de gaz. Même si l’Algérie connaît ces derniers temps des difficultés du fait de la chute des cours du pétrole, l’État et ses opérateurs économiques disposent encore d’importants revenus qui peuvent lui permettre d’investir à l’étranger, conquérir de nouveaux marchés et sortir de la forte dépendance vis-à-vis des hydrocarbures. Les entreprises algériennes se sont déjà lancées dans cette aventure et, apparemment, rien ne semble pouvoir les arrêter. AFRIQUE EXPANSION • 51 29 Marchés Africains Josianne Massé Culture L’Afrique du Sud se vend et s’exporte. Leur album $ O $, lancé en 2009, a généré 265 000 $ de chiffre d’affaires. Le groupe reçoit une proposition d’Interscope pour produire leur album Ten$Ion, mais quand l’entreprise veut adoucir la musique et les paroles de Die Antwoord, le groupe préfère le sortir avec leur propre compagnie de production, Zef Recordz. La vidéo de leur premier simple, I fink u freeky, atteint plus de 75 millions de vues. Ten$Ion leur permet ensuite de récolter 297 000 $ alors que leur plus récent album, Donker Mag, génère 465 000 $. Ce dernier se classe même en 15e position du palmarès canadien et #1 aux États-Unis dans la catégorie dance/électro. « Je ne me vante pas, mais nous sommes le plus grand groupe au monde à provenir de l’Afrique du Sud. Il y a Mandela, District 9 et Die Antwoord. Voilà l’histoire de l’Afrique du Sud », lance Ninja à ION magazine. L’Occident est de plus en plus séduit par la culture sud-africaine, et ce, de plus d’une manière. Cinéma et musique notamment, où s’entremêlent passé culturel et modernité économique, se vendent aujourd’hui à coups de millions partout sur la planète. Et ce n’est qu’un début ! Time a nommé le réalisateur Neill Blomkamp comme étant l’une des 100 personnes les plus influentes de 2009 et le magazine Forbes lui a accordé la 21e place sur sa liste des célébrités les plus puissantes en provenance d’Afrique. 30 Alors que de nombreux films à propos de l’Afrique du Sud viennent de l’extérieur, peu de productions locales sont connues à l’extérieur du pays à l’exception du film de 1980, The Gods Must Be Crazy ou du plus récent Tsotsi qui a remporté l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. Plusieurs musiciens de jazz connus sur la scène internationale proviennent de l’Afrique du Sud, dont Jonas Gwangwa et Miriam Makeba. L’Afrique du Sud a également donné naissance au style de musique Kwaito, qui intéresse plusieurs producteurs américains, dont Sony, BMG et EMI. Pensons notamment aux plus grands succès de Brenda Fassie. Mais il y a aussi des groupes innovateurs qui émergent du pays de Mandela et se taillent une place enviable à l’international comme Die Antwoord, Seether et la formation punk rock afrikaans Fokofpolisiekar. Die Antwoord, qui signifie « la réponse » en afrikaans, est sans contredit le plus populaire du moment. Le groupe de musique est originaire de la ville du Cap, AFRIQUE EXPANSION • 51 issu du mouvement zef et composé des rappeurs trash blancs Ninja (Watkin Tudor Jones) et Yolandi Visser. En février 2010, le groupe connaît un tel succès sur Internet que leur site explose avec trois millions de visiteurs en quatre jours, un trafic inattendu expliqué par l’intérêt de blogueurs américains sur Boing Boing et Dlisted. Die Antwoord doit payer 3000 rands (391,10 $) en pénalités à leur hébergeur pour suivre la cadence effrénée. « Personne ne voulait nous engager depuis longtemps. Soudain, en trois jours, on nous offre 50 000 rands pour un concert », déclare Ninja à Reuters. Avec la demande grandissante, Die Antwoord entame alors une tournée européenne et américaine. En avril 2010, ils se produisent devant 40 000 personnes au festival de musique Coachella. Ils jouent en plusieurs occasions à guichets fermés et il est encore difficile aujourd’hui de mettre la main sur une paire de billets dans certaines villes. Le 7e art District 9 est le premier long métrage du réalisateur sud-afro-canadien Neill Blomkamp qui a profité d’une association avec Peter Jackson en tant que producteur exécutif. Distribué par une compagnie américaine, le film est rentabilisé dès son premier week-end d’exploitation aux États-Unis et récolte 210 millions de dollars au box-office. Pour un film n’ayant coûté que 30 millions, on peut certainement parler d’un grand succès. Filmé dans le quartier Chiawelo de Soweto, District 9 est un long métrage adapté du court Alive in Joburg de Blomkamp. L’histoire s’inspire librement des évènements du District 6 sous le régime de l’apartheid et aborde les thématiques d’humanité, de xénophobie et de ségrégation raciale dans un univers de science-fiction à Johannesburg. District 9 a reçu un prix Saturne pour le meilleur film international, une récompense remise par l’Académie des films de science-fiction, de fantaisie et d’horreur. En 2009, le film a été retenu dans quatre catégories à la cérémonie des Oscars (autant de nominations que Star Trek), mais est reparti bredouille derrière les gagnants The Hurt Locker (Les Démineurs), Precious et Avatar. En entrevue au blogue Hero Complex du LA Times, Neil Blomkamp explique comment il arrive à faire des films à succès avec d’aussi petits budgets en comparaison des blockbusters contre lesquels il s’inscrit. «On peut faire beaucoup pour moins [d’argent] maintenant, explique-t-il. Tout revient au processus. Si vous allez de l’avant en sachant ce que vous voulez accomplir, vous pouvez économiser de l’argent. Si vous vous lancez en essayant de comprendre ce que vous voulez, ça va coûter cher. L’autre aspect est de réduire, comme pour un régime. Plutôt que d’avoir 2000 plans avec des effets spéciaux, vous pouvez probablement en avoir 1000. Ces sacrifices en valent la peine si vous arrivez à faire quelque chose qui n’est pas générique, d’aucune façon.» Time a nommé Blomkamp comme étant l’une des 100 personnes les plus influentes de 2009 et le magazine Forbes lui a accordé la 21e place sur sa liste des célébrités les plus puissantes en provenance d’Afrique. Le réalisateur sud-africain vaudrait aujourd’hui 20 millions de dollars, selon le site Celebrity Net Worth. En 2013, Neill Blomkamp a écrit et réalisé Elysium, qui a rapporté 286 millions au box-office et qui a coûté 115 millions à produire. Le film aborde les sujets d’immigration, de surpopulation, de couverture médicale, d’exploitation, de justice et de lutte des classes sociales dans un environnement futuriste mettant à l’avant-plan les acteurs américains Matt Damon et Jodie Foster. Plus récemment, en 2015, Neill Blomkamp a réalisé Chappie, un long métrage inspiré de son court métrage Tetra Vaal et pour lequel il a fait des recettes de 102 millions au box-office alors que le budget du film n’était que de 49 millions. Pour ce film, Blomkamp a donné des rôles de gangsters à Watkin Tudor Jones (Ninja) et Yolandi Visser de Die Antwoord en plus d’accorder une place importante à leur musique et à leur personnalité artistique. Le film met aussi en vedette l’actrice américaine Sigourney Weaver et l’acteur australien Hugh Jackman. L’histoire se déroule à Johannesburg, là où l’oeuvre a été filmée, et se penche sur des thématiques d’humanité, d’oppression et de violence. Blomkamp doit aussi donner vie à Alien 5 avec Sigourney Weaver qui a accepté de revenir seulement si le réalisateur sud-afro-canadien qu’elle a connu sur Chappie, le réalise. Or, le film qui en était à l’étape de préproduction, a été mis sur la glace jusqu’à ce que le tournage d’Alien : Covenant, la suite de Prometheus, soit achevé puisqu’il s’agit d’une oeuvre du réalisateur du premier Alien, Ridley Scott. Ce dernier, qui est aussi producteur d’Alien 5, a assuré aux cinéphiles que le projet a été mis en pause, mais qu’il ne sera pas annulé. Dans tous ses films, Blomkamp embauche le Sud-Africain Sharlto Copley qui est, en quelque sorte, devenu son acteur fétiche. Les deux amis se sont rencontrés alors que Blomkamp n’avait que 16 ans, à Johannesburg. Copley tient le rôle principal dans District 9 , il joue Kruger dans Elysium et il prête sa voix au robot dans Chappie. Décidément, l’Afrique du Sud séduit de plus en plus les Américains. Même l’acteur Samuel L. Jackson a dit récemment, dans une émission télévisée animée par Jimmy Kimmel, qu’il y déménagerait si Donald Trump devenait le prochain président américain. Une déclaration à laquelle Brand SA a répondu qu’il serait préférable de le faire pour la richesse culturelle du pays. AFRIQUE EXPANSION • 51 31 Marchés Africains Rudy Casbi Le Maroc, « champion » de la lutte anti-terroriste. Les services secrets marocains se sont récemment illustrés pour livrer rapidement aux autorités françaises de précieux éléments qui ont permis d’interpeller des djihadistes s’apprêtant à commettre un attentat en France, le tout une semaine après les fusillades du 13 novembre dernier qui ont fait 130 morts dans la capitale française. La lutte contre le terrorisme, le Maroc en a fait l’une de ses prérogatives dans la perspective de son développement économique. Si le Maroc peut s’enorgueillir de la qualité de ses services de renseignements, c’est également parce que la politique du royaume chérifien s’appuie sur un réseau d’informateurs fiables sur le terrain. Une spécificité qui a, une fois n’est pas coutume, fait ses preuves le 24 novembre dernier. Un groupe de terroristes avait été localisé à St-Denis, quelques jours après les attaques de Paris. Ce groupe de djihadistes devait par la suite se rendre dans un centre commercial de la région parisienne pour y effectuer un carnage. Mais le projet a échoué grâce à la collaboration des services marocains. Même s’il n’est pas aisé de donner davantage de précisions sur le recrutement de ces femmes / hommes. Raison de confidentialité oblige. Cependant, au-delà de la question des effectifs, il n’en demeure pas mois qu’il s’agit là d’un savoir-faire en la matière qui ne souffre d’aucune contestation. Un élément par ailleurs indispensable pour assurer la sûreté de l’État qui n’a plus été victime d’un attentat terroriste depuis cinq ans, dans une région du monde toujours plus en crise. La défense nationale, un budget prioritaire Même s’il est impossible de donner un chiffre exact sur les investissements entrepris en matière de politique sécuritaire, selon l’institut SIPRI (Stockholm International Peace Research Institut) dans une étude 32 AFRIQUE EXPANSION • 51 parue cette année, les dépenses en matière d’armements ont fortement grimpé : + 144 % entre 2014 et 2015. À lui seul, le Maroc a dépensé plus de 8 milliards de dollars l’année dernière, classant le pays à la 54ème place parmi les nations les plus dépensières dans le domaine de la sécurité intérieure et extérieure. Affichant toujours une volonté de lutter contre le terrorisme, le Maroc ne s’éloigne pas pour autant de son plus son grand objectif du moment. Dynamiser une économie qui se met progressivement sur les rails entraînant de vastes changements démographiques et sociaux. Une nécessité pour cet État du Maghreb qui compte devenir un pays émergent à l’horizon 2030. Et pour mieux anticiper les risques posés par le défi de la lutte contre le terrorisme, Rabat a développé un réseau de lobbyistes aux quatre coins du globe, y compris aux États-Unis. Lobbying contre terrorisme Selon une source de nos confrères du Huffington Post, les Sujets de Sa Majesté ont dépensé près de 5 milliards de dollars dans le renforcement des relations bilatérales avec Washington. Cela fait du Maroc le 6 e plus gros investisseur dans les réseaux de lobbying et de renseignements aux États-Unis. Et c’est dans un contexte où Rabat a favorisé en retour l’implantation d’entreprises étrangères grâce à des « zones d’émergences » partout dans le pays. Pariant sur un faible taux d’imposition et un coût d’implantation très avantageux, les entreprises étrangères sont déjà nombreuses à implanter leurs bureaux sur le sol marocain. C’est déjà le cas pour certains opérateurs de téléphonie mobile français comme Bouygues Télécom ou encore SFR. En retour, les services de renseignements étrangers collaborent avec les services secrets marocains pour les prévenir d’un risque éminent d’attaque majeure. Comme ce fut le cas l’an dernier quand des services étrangers ont averti les Renseignements généraux marocains du risque d’une attaque aérienne au-dessus de grandes villes du pays. La crainte de voir des avions de lignes originaires de Libye s’écraser sur des sites stratégiques au Maroc avait déclenché le déploiement de batteries anti-missiles le long du littoral pour agir rapidement en cas de menace avérée. Preuve que le Maroc ne lésine pas sur la question sécuritaire dans une région secouée par différents groupes terroristes qui ont su mener de sanglantes et meurtrières attaques ces derniers mois. Une approche autoritaire qui relève d’abord de la Défense nationale, mais qui a une incidence certaine sur la croissance économique et l’attrait du royaume chérifien pour les entreprises étrangères. Perspectives Roch Harvey Ressources naturelles L’Afrique est généreusement pourvue en ressources naturelles. Celles-ci dominent l’économie de nombreux pays du continent, représentent un important moyen de subsistance pour les populations locales et constituent souvent l’une des principales sources de recettes publiques et de richesse nationale. Leur exploitation est un puissant moteur de développement à l’image de ce qu’elle fut pour de nombreux pays développés où les industries extractives ont été à la base de la croissance économique et de la prospérité. Comme au Canada, pays devenu un acteur de premier plan de l’industrie extractive internationale. Les sociétés canadiennes se tournent d’ailleurs de plus en plus vers de nouvelles ressources situées dans les pays en développement où elles sont confrontées à des enjeux sociaux et environnementaux particuliers qui exigent la mise en œuvre d’initiatives de responsabilité sociale des entreprises (RSE). Concept en émergence, la RSE se manifeste par des activités volontaires que les entreprises réalisent au plan économique, social et environnemental selon une approche de développement durable. Ces multinationales apportent ainsi des contributions innovatrices au développement dans leurs pays hôtes et contribuent à contrer la « malédiction des ressources naturelles » dont trop de pays africains ont souffert dans le passé. Portrait de cette empreinte canadienne sur lecontinent africain et des perspectives qu’elle offre dans les territoires où elle est à l’œuvre. 34 AFRIQUE EXPANSION • 51 Les entreprises extractives à l’heure de la RSE. AFRIQUE EXPANSION • 51 35 Perspectives Roch Harvey RSE Comment conjurer la malédiction des ressources naturelles ? L’industrie minière devrait théoriquement permettre à plusieurs pays africains de financer leurs efforts en matière de développement. Cependant, l’implantation de projets miniers génère trop souvent des impacts négatifs au niveau social et environnemental, des impacts qui font l’objet de dénonciations par des organisations de la société civile tant au Canada qu’à l’étranger. On associe l’exploitation minière à la misère des populations locales, à la mauvaise gouvernance et à la dégradation de l’environnement. C’est ce « mal développement » que des chercheurs et activistes ont appelé la « malédiction des ressources naturelles ». Pourtant, de nouvelles initiatives tendent à démontrer que cette malédiction peut être conjurée, des initiatives en lien avec une approche de responsabilité sociale des entreprises (RSE). « La croissance économique durable menée par le secteur privé est l’un des moyens les plus efficaces pour éliminer la pauvreté dans le monde. » 36 AFRIQUE EXPANSION • 51 Lors du récent Sommet de l’ONU en septembre dernier, les États membres ont adopté les Objectifs de développement durable (ODD) qui font suite aux Objectifs de développement du Millénaire venus à échéance en 2015. Ce nouveau programme, planifié jusqu’en 2030, comprend un ensemble de 17 objectifs mondiaux dont la finalité est de mettre fin à la pauvreté dans le monde et d’apporter des solutions durables aux changements climatiques. Dans le cadre de sa plateforme électorale, le Parti libéral du Canada, qui a récemment pris le pouvoir à Ottawa, s’est montré clairement favorable à investir dans la réalisation des ODD qui ne veulent rien de moins que de « transformer » le monde pour le rendre meilleur. Pour la communauté internationale de même que du point de vue de la majorité des Canadiens, nul doute que le Canada devrait jouer un rôle de premier plan dans la mise en œuvre des ODD. Concernant la lutte à la pauvreté dans le monde, héritage du gouvernement conservateur, le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement du Canada (MAECD) a donné au secteur privé une place prépondérante dans sa politique d’aide internationale. Pour le MAECD, « la croissance économique durable menée par le secteur privé est l’un des moyens les plus efficaces pour éliminer la pauvreté dans le monde ». Et quand on parle du secteur privé canadien sur la scène mondiale, sachant que le Canada est le pays qui compte le plus grand nombre de sociétés minières, ce sont les entreprises extractives qui dominent le paysage dans plusieurs pays en développement, particulièrement en Afrique. Pour le Canada, les bénéfices du déploiement des entreprises minières à l’international sont évidents vu la croissance importante des activités de ces sociétés et le rapatriement des profits et ce, malgré les fluctuations et le cycle baissier actuel du marché mondial des matières premières. De plus, les activités des sociétés minières, au pays comme à l’étranger, ont favorisé le démarrage au Canada de plus de 2000 entreprises de biens et services miniers. Principale source de devises étrangères et de recettes fiscales pour de nombreux pays africains, la présence de l’industrie minière canadienne est cruciale dans la mesure où ces entreprises mobilisent investissements et technologie, génèrent des revenus et créent des emplois dans des contextes nationaux où le chômage est élevé, particulièrement chez les jeunes. Cependant, malgré les retombées économiques positives de l’industrie minière, sa réputation a été ternie à l’échelle mondiale par un trop grand nombre d’impacts négatifs, de mauvaises pratiques, de sites dégradés ou d’accidents industriels désastreux. Cette situation alarmante a suscité l’élaboration de plusieurs conventions, pactes et protocoles internationaux, ainsi que l’émergence d’une multitude d’organismes de surveillance et de normalisation. Les revendications sociales prônées par la société civile, les syndicats et les ONG ont contribué à un plaidoyer qui conteste l’industrie et se porte à la défense des populations qui se considèrent lésées dans leurs droits. Les médias jouent également un rôle important dans la divulgation des impacts négatifs et la détérioration de l’image publique de l’industrie minière. Contribuer sans remplacer l’État Face à cette pression croissante, de nombreuses entreprises minières ont développé de meilleurs pratiques en intégrant les principes du développement durable et en adoptant des approches de responsabilité sociale ou sociétale (un concept plus englobant). L’approche stratégique de la RSE exige des entreprises qu’elles tiennent compte des impacts sociaux et environnementaux de leurs activités et qu’elles intègrent les enjeux du développement durable dans toutes leurs interactions avec les parties prenantes. L’objectif est d’associer étroitement logique économique, responsabilité sociale et durabilité environnementale. En 2014, le gouvernement canadien annonçait une version améliorée de la stratégie en matière de RSE qu’il avait lancée en 2009 à l’intention des sociétés extractives canadiennes présentes à l’étranger. Cette politique gouvernementale démontre clairement une préoccupation quant à l’image du Canada véhiculée sur la scène internationale par les minières canadiennes, trop souvent accusées d’être de mauvais citoyens corporatifs. Dans le cadre de cette politique, le Canada s’engage à appuyer des initiatives visant à renforcer la capacité des pays en développement à gérer l’exploitation minière afin de réduire la pauvreté. Les compagnies minières sont également incitées à participer activement à des processus de dialogue avec les communautés et les autorités locales. Le gouvernement canadien reconnaît ainsi que l’industrie extractive est confrontée à des enjeux sociaux et environnementaux déterminants et encourage les entreprises à mettre en œuvre des initiatives de RSE et ainsi contribuer au développement durable. On peut tout de même se questionner sur les impacts réels de la RSE qui agit au niveau « micro » face à un objectif aussi « macro » que le développement durable de pays qui comptent souvent parmi les moins avancés. Quel rôle peuvent jouer les entreprises minières pour accompagner ce progrès socio-économique global, sachant que ce n’est ni leur mission ni leur expertise ? Pour Claude Perras, consultant pour la Société financière internationale du Groupe de la Banque mondiale qui finance de nombreux projets miniers en Afrique, le concept de RSE peut parfois engendrer une certaine incompréhension entre les entreprises et les communautés locales qui peuvent percevoir la responsabilité de l’entreprise comme une obligation philanthropique, une sorte de « devoir de bienfaisance ». Souvent défavorisées au plan des services publics essentiels, il arrive trop souvent que ces communautés locales attendent de l’entreprise minière qu’elle fournisse toute la gamme des services de base à la population, que ce soit en matière de santé, d’éducation, d’accès à l’eau ou d’assainissement. Pour M. Perras, la responsabilité des entreprises n’est pas de jouer le rôle essentiel qui revient à l’État. Les entreprises doivent d’abord être rentables afin de générer du rendement pour les actionnaires. Elles doivent également offrir de bonnes conditions de travail à leurs employés, respecter les règles de protection de l’environnement et engendrer des retombées économiques favorables dans les communautés, par exemple en favorisant l’approvisionnement local. Dans ce sens, les entreprises minières qui intègrent une approche de développement durable et prennent en considération de manière stratégique les enjeux économiques, sociaux et environnementaux créent de la valeur pour toutes les parties prenantes, génèrent des écosystèmes en bonne santé et favorisent le développement de communautés solides au plan socioéconomique. Il s’agit alors d’une relation gagnant – gagnant entre l’entreprise et la société dans son ensemble. ISO 26000 La responsabilité sociale ou sociétale des entreprises est étroitement liée au développement durable qui couvre des objectifs économiques, sociaux et environnementaux. Publiée en 2010 au terme d’un long processus de négociation entre un très grand nombre de parties prenantes dans le monde entier, la norme ISO 26000 permet de clarifier la notion de responsabilité sociétale, d’aider les entreprises et les organisations de la société civile à traduire les principes en actes concrets et de faire connaître les meilleures pratiques dans le monde entier. Il s’agit d’une norme qui contient des lignes directrices et non des exigences. Elle ne se prête donc pas à la certification, contrairement à d’autres normes très connues de l’ISO. La norme ISO 26000 se structure autour de sept questions centrales : • la gouvernance, les droits de la personne ; • les relations et conditions de travail, l’environnement ; • la loyauté des pratiques ; • les questions relatives aux consommateurs ; • les communautés et le développement local. Elle est devenue le point de repère international de premier choix de toute entreprise soucieuse de sa responsabilité sociétale. AFRIQUE EXPANSION • 51 37 Perspectives Roch Harvey Responsabilité sociétale des entreprises Les minières canadiennes à l’œuvre en Afrique. La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) n’est pas qu’un concept théorique, ni une simple expression en vogue. C’est d’abord une orientation stratégique et un ensemble de pratiques qu’une entreprise décide d’adopter pour accomplir sa mission de manière efficace. Les entreprises extractives ont besoin du consentement des principales parties prenantes pour réaliser leurs projets et les minières canadiennes qui opèrent en Afrique ont compris qu’agirconformément aux principes de la RSE était bon pour les affaires. Il faut dire que les bénéfices sont multiples pour les entreprises qui s’y investissent sciemment. Il s’agit non seulement d’un moyen de contribuer au développement durable des pays où elles sont implantées, mais c’est aussi une manière de s’assurer une place enviable dans leur secteur économique. La conciliation entre exploitation minière et développement durable représente un grand défi pour l’ensemble des parties prenantes et exige une approche globale qui prend en compte les enjeux économiques, sociaux, environnementaux et éthiques. 38 AFRIQUE EXPANSION • 51 Face à une pression croissante, l’industrie minière s’est montrée active en matière de responsabilité sociale depuis le début des années 1990. Les initiatives desentreprises ont porté sur l’intégration des principes de développement durable et l’adoption des bonnes pratiques. Plusieurs mécanismes et démarches ont été mis en place, des fondations philanthropiques ont été créées, des efforts ont été faits dans la gestion des relations communautaires et on a davantage évalué et cherché à atténuer les impacts sur l’environnement. La Vision minière pour l’Afrique1 (VMA) a été adoptée par les chefs d’État et de gouvernement d’Afrique en 2009. Elle considère que les stratégies de responsabilité sociale des entreprises ciblent peut-être trop souvent uniquement le développement social dans les communautés. Les responsables africains croient que ces stratégies ne devraient pas se substituer aux responsabilités des États qui doivent fournir des infrastructures de base à leurs citoyens. Ils souhaiteraient plutôt que la capacité des États de réaliser par eux-mêmes leurs priorités et de s’acquitter de leurs responsabilités soit renforcée. En retour, les gouvernements devraient pouvoir s’attendre à ce que les entreprises accomplissent leurs obligations fiscales de façon juste et transparente et paient des redevances équitables. RSE et pouvoirs locaux En matière de RSE en Afrique, un exemple intéressant est le Projet de renforcement des capacités des Communes Rurales de Boké (PRCB) qui a été réalisé en République de Guinée entre 2009 et 2012, une expérience pilote de développement local durable dans une région à fort potentiel minier. Ce projet de partenariat public privé (PPP) a été mis en œuvre par une ONG canadienne, le Centre d’étude et de coopération internationale (CECI), en partenariat avec la société minière Rio Tinto Alcan (RTA). L’Agence Française de Développement (AFD) agissait à titre de bailleur de fonds du projet qui visait le renforcement des capacités des élus locaux, des services techniques et de la société civile de trois communes rurales guinéennes. Le bilan final de cette initiative démontre que les responsables locaux ont acquis de nouvelles compétences en matière de planification et de maîtrise du développement local. Ils ont également développé de meilleurs mécanismes pour mobiliser et gérer les recettes locales et ont acquis des compétences novatrices en matière de bonne gouvernance et d’administration communale. D’ailleurs, en ce qui concerne la gouvernance locale, le bilan du projet fait mention de l’émergence de certaines valeurs démocratiques dans les collectivités. Au plan de la protection de l’environnement, le projet a favorisé chez les acteurs locaux une appropriation d’outils de gestion et l’adoption de comportements environnementalistes en plus de susciter une véritable et nouvelle dynamique locale de développement durable. RSE et philanthropie En matière de RSE des entreprises minières canadiennes en Afrique, une réalisation exemplaire qui s’inspire d’un modèle de type philanthropique est celle de SEMAFO (la Société d’exploration minière en Afrique de l’Ouest), une entreprise basée à Montréal qui exploite la troisième plus grande mine d’or au Burkina Faso depuis le tournant des années 90. En 2008, cette entreprise a mis sur pied la Fondation SEMAFO dont la mission est de soutenir les communautés dans les régions où la compagnie minière est présente. Selon son cahier des charges, les objectifs de la Fondation consistent à : « assurer un leadership collectif en soutenant les valeurs locales et en favorisant la création de partenariats locaux, dans le but de satisfaire les besoins des communautés et des individus et devenir un défenseur efficace, en étant porte-parole des communautés qui ont besoin d’aide afin de leur assurer une bonne qualité de vie aujourd’hui et demain ». La Fondation SEMAFO est née de l’activité et de la vision sociale du fondateur de la compagnie, Benoît Lasalle, pour qui tout commence par le respect de l’être humain et de l’environnement. Sous sa présidence, la compagnie minière canadienne a mis un point d’honneur à conjuguer activités commerciales et humaines dans le but de contribuer au bien-être des habitants et du pays. La Fondation SEMAFO soutient financièrement de nombreuses initiatives dans le domaine de l’éducation, l’agriculture, la santé et le développement communautaire. Ce qui inclut, entre autres, la construction d’écoles, l’appui à des groupements féminins de producteurs de beurre de karité et de sésame, le forage de puits et des programmes de prévention des maladies. Selon Charity Intelligence Canada (Ci), la compagnie minière SEMAFO, principal contributeur de la Fondation du même nom, s’est engagée à donner 2 % de ses profits annuels nets. La Fondation a adopté une approche participative qui assure l’acceptabilité sociale de chacun de ses projets qui sont sélectionnés par les communautés locales, en fonction de leurs besoins et de leurs capacités, en accord avec les plans locaux de développement et en partenariat avec les services gouvernementaux et les organisations de la société civile. Cette approche de concertation adoptée par la Fondation a pour objectif de créer un réseau de développement économique dynamique et durable qui n’aurait pas vu le jour autrement et qui pourra se poursuivre après la fin des activités minières. En 2012, la Fondation aurait consacré 44 % des déboursés de son programme en éducation, 24 % à l’agriculture, 2 % à la santé, 16 % au développement communautaire et 14 % à des dons de matériel tel que des équipements médicaux et des fournitures scolaires. Depuis juillet 2014, les activités de la Fondation sont concentrées au Burkina Faso suite au transfert de ses actifs du Niger à une ONG nationale qui a été mise en place avec les employés locaux de la Fondation. RSE et reddition de compte Que ce soit selon une démarche de développement endogène basée sur le renforcement des capacités des autorités locales, ou davantage en fonction d’une approche philanthropique dirigée vers l’amélioration des conditions de vie des populations, la RSE est de plus en plus populaire et appliquée par les entreprises minières canadiennes en Afrique qui souhaitent ainsi faire la preuve de leur volonté et de leur capacité à agir en bon citoyen corporatif. Néanmoins, selon les experts en la matière, il faudrait que les pays africains eux-mêmes élaborent des cadres nationaux de RSE pour assurer la reddition de comptes des entreprises par des processus de consultation ouverts et larges, avec des indicateurs d’évaluation d’impacts mis en place par un grand nombre de parties intéressées. On peut donc encore faire mieux sur le terrain, même si le mouvement semble déjà bien enclenché. 1- http://www.africaminingvision.org/pr1-fr.html AFRIQUE EXPANSION • 51 39 Marchés nord-américains Léopold Nséké Milieu de travail La méthode « Google », un modèle pour tous ! Chez le géant américain des nouvelles technologies, on fait les choses très différemment. Car derrière les chiffres mirobolants se trouve une recette « sociale » qui fait des employés et autres collaborateurs de véritables machines à succès. Le parallèle établit avec Ford pour l’automation au début du 20e siècle en fait le modèle du 21e siècle en matière de management. Les entrepreneurs africains pourraient s’en inspirer. Il se dit et s’écrit désormais que Google n’est pas seulement l’une des entreprises les plus valorisées de la planète, mais arrive en tête des entreprises au sein desquelles il fait réellement bon travailler. Un climat assez léger règne dans ce groupe où ce sont les statistiques qui imposent ce qui convient au mieux pour les salariés. On y trouve en action de nouvelles méthodes de management qui chamboulent le marketing, les ressources humaines, l’organisation ou encore la technologie. L’optimisation trouve tout son sens dans les fameuses 12 méthodes révolutionnaires qui composent un cadre conceptuel applicable à tout type de société. La mathématique à l’œuvre Dans son best-seller sur la réussite de cette compagnie, le consultant français Bernard Girard est on ne peut plus explicite. La confiance dans les chiffres se manifeste partout : la politique tarifaire, les prises de décision, les échanges entre ingénieurs et les choix de développement des produits nouveaux. La puissance de calcul est mise au service de la gestion la plus quotidienne. Les comportements des utilisateurs sont en permanence scrutés, analysés, traités. On ne se fie plus à l’intuition, mais aux données que l’on fait parler, que l’on explore pour mieux comprendre mais aussi prédire les comportements des utilisateurs. Les volumes importants de données manipulées permettent de segmenter très finement la population, de découvrir des niches qui seraient invisibles sur des échantillons plus étroits.Google invente ainsi un nouveau modèle de management selon le chercheur qui précise que parler de révolution n’est pas excessif. On retrouve chez l’éditeur quelques-uns des traits qui font les grandes révolutions industrielles : découverte d’un marché de masse, invention de produits, techniques de commercialisation et gestion des hommes. Et comme toutes les grandes révolutions du management, celle-ci tire sa légitimité dans sa capacité d’adaptation à un environnement économique, social et culturel qui a fortement évolué. La technologie est, naturellement, au cœur de tout cela. Néanmoins, rarement une entreprise aura autant fait appel au « capital social ». Google est aussi la première entreprise à avoir su tirer parti du développement de communautés de fans, d’observateurs, critiques autant qu’évangélistes. 40 AFRIQUE EXPANSION • 51 Modèle économique Le modèle économique de Google, poursuit Girard, est bâti sur la gratuité pour l’utilisateur. On retrouve ce modèle sous diverses formes dans le monde économique. Dans tous les cas (médias, carte de crédit), les prestations sont proposées à deux types d’acteurs, annonceurs et lecteurs, clients et commerçants. Il s’agit alors de trouver le bon compromis entre le prix du produit et les ventes de prestations. Google s’est par exemple interdit de vendre la publicité à un coût élevé, appliquant le principe de la différenciation tarifaire de Jules Dupuit : « demander pour prix du service rendu non pas ce qu’il coûte à celui qui le rend, mais une somme en rapport avec l’importance qu’y attache celui à qui il est rendu ». C’est une première innovation capitale qui réduit le risque lié à l’incertitude attachée à toute campagne publicitaire et qui permet à Google de toucher de tout petits annonceurs. Chez Google, on ne recrute pas seulement les meilleurs, on fait tout pour les garder. On fait donc confiance en la motivation intrinsèque des gens (proximité avec le monde Open Source). A ainsi été réinventé le mécanisme basé sur l’organisation du temps de travail des ingénieurs et développeurs, en place dans les centres de recherche de 3M, décrit en 1998 dans Wired, un journal que Page et Brin lisaient probablement, relève Girard : Chez Google, on ne recrute pas seulement les meilleurs, on fait tout pour les garder. • 80 % du temps de travail est consacré à la mission pour laquelle ils sont payés. • 20 % du temps de travail est dédié à des recherches et initiatives personnelles. On est alors dans la logique du salaire d’efficience (George Akerlof au début des années 80) comme variante du potlatch (don contre don) analysé par Marcel Mauss : les entreprises payent leurs salariés au-dessus du prix du marché parce qu’elles savent que les salariés feront des efforts supplémentaires pour les remercier de leur générosité. Le temps que Google donne à ses salariés lui est rendu sous forme d’informations, d’innovations et de contacts (ces 20 % ne concernent pas les personnels administratifs). Le mécanisme est basé sur un contrôle des pairs : proposer ses idées à ses collègues. Il donne ainsi la priorité aux idées susceptibles d’intéresser l’entreprise qui travaillera sérieusement à leur réalisation. Cette motivation intrinsèque met en œuvre un triple levier : reconnaissance, système d’autocontrôle (si je suis bon, je peux dégager 20 % de mon temps) et enjeu en termes de réputation (convaincre des collègues respectés de la pertinence de ses idées). Dans le même esprit, le cadre de travail mis à la disposition des salariés est un moyen de les faire rester plus longtemps en leur apportant une hygiène de vie. Le management africain comme projet À un moment où le continent redevient le carrefour des mutations sociétales et le relais de la croissance mondiale, les entrepreneurs africains devraient y voir un exemple applicable. En Afrique, il est incontournable de relever l’intégration absolue du groupe à toutes les activités. Ce modèle dans le management s’apparente ainsi à une manifestation de l’essence de la société qui pousse à certaines théories. On a souvent parlé des concepts « Ubuntu » ou « Indaba » renvoyant à l’interconnexion qui régit les rapports sociaux dans la vie des individus dans la société africaine, écrivent Anderson Konan Seny Kan et Suzanne Marie Apitsa dans la Harvard Business Review. De ce concept, expliquent-ils, émerge une diversité de principes de management africain que nous résumons en trois grandes catégories. La première catégorie a trait aux rapports aux autres. Les processus décisionnels et organisationnels sont la résultante d’une solidarité collective au travers de laquelle une personne existe dans un groupe, et par extension un groupe de travail, que si elle valorise les personnes de ce groupe. La deuxième catégorie porte sur le processus décisionnel. Les interactions évoluent davantage par décisions collectives et consensuelles et non par confrontation d’idées. Ceci ne signifie pas qu’il n’y a pas de jeux de contradictions faisant émerger des idées nouvelles, mais pour être efficace, les points de vue divergents doivent être portés collectivement. Chez ces « hurluberlus » de la Silicon Valley, tout est donc collectivement optimisé et dans l’équation, on retrouve deux variables interdépendantes : le bonheur des employés et la rentabilité du groupe. L’idée étant d’organiser un environnement de travail dans lequel l’employé sera le plus productif possible. Car chez Google, tout s’évalue à l’aune du bonheur de l’employé. On optimise les lieux de sociabilité, on s’occupe du linge sale pour enlever au salarié un souci, on le teste pour savoir comment il se sent le plus récompensé. Il ne faut pas aller plus loin pour trouver les réponses à ce succès qui est appelé à traverser les décennies. AFRIQUE EXPANSION • 51 41 Marchés nord-américains Rudy Casbi Crise des réfugiés Le Canada prend le tr ain… de l’Allemagne en marche ! La crise des réfugiés semble réveiller les consciences en Occident. Qu’en est-il des conditions d’accueil de ces migrants au Canada et en Europe ? Les volontés engendrent des actions. Mais à chacun sa méthode. explique Bintou Sacko arrivée dans la région de Winnipeg il y a 20 ans. Devenue directrice de l’Accueil francophone du Manitoba, Bintou Sacko, qui a grandi au Mali, accueille dans son bureau 2000 à 3000 immigrants africains par an qui viennent s’installer au Manitoba. Des initiatives comme celles-ci, bien qu’elles commencent à émerger dans le pays, sont encore peu nombreuses. L’Allemagne ouvre ses portes 25 000 réfugiés syriens franchiront les frontières canadiennes d’ici février 2016 42 AFRIQUE EXPANSION • 51 La photo du petit Aylan Kurdi originaire de Syrie, dont le corps avait échoué sur une plage turque, a fait le tour du monde. Aylan étant parti pour fuir la guerre et rejoindre sa tante au Canada avec ses parents. Et partout, ces mêmes couvertures de magazines et journaux dans le monde entier : « Réagissons vite ! » Le Canada, lui, n’a pas tardé à prendre les premières dispositions. Le nouveau gouvernement de Justin Trudeau ayant annoncé récemment que 25 000 réfugiés syriens franchiront les frontières canadiennes d’ici février 2016. Une initiative qui a d’ailleurs valu au pays à la feuille d’érable les félicitations du Haut Commissariat pour les Réfugiés des Nations Unies. Si la légitimé des migrations moyenne-orientales ne doit pas être discutée, qu’en est-il de ceux qu’on qualifie volontairement de « migrants économiques » ? – pour ceux qui sont originaire du continent africain – pour ne pas les nommer. Si le nouveau gouvernement canadien n’a pas encore précisé les moyens qu’il allait mettre en place pour les réfugiés syriens, le flou autour de ces nouveaux arrivants originaires du continent africain n’en demeure pas moins vaste. À défaut de ne pas sentir l’émergence d’un plan gouvernemental sur cet accueil, même s’il est trop prématuré pour en juger, pour l’heure, ce sont les diasporas elles-mêmes qui tentent de s’organiser sur le terrain. « Tout n’est pas rose ici, dans le Manitoba. Il y a encore beaucoup de défis et de choses à régler », En Europe, deux sortes d’initiatives sont mises en place. Comme en France où les gouvernements successifs ont pioché parmi le potentiel de ses anciennes colonies pour reconstruire le pays après la Seconde Guerre mondiale. Répondant ainsi par la même occasion à une croissance économique qui frôlait les 5-7 % entre 1945 et 1970, la France a accueilli par vagues successives près de deux millions de personnes issues du continent africain. À l’inverse, d’autres États de l’Union européenne ont vu leur population civile amorcée un mouvement, puis prolonger par les gouvernements ensuite. L’Allemagne, désireuse de renouveler sa population en relançant son taux de natalité parmi les plus faibles du Vieux Continent (de l’ordre de 8 naissances pour 1000 habitants, selon l’agence nationale allemande Destalis), accompagne les élans de solidarité civiques en leur conférant un cadre juridique. C’est avec cette ambition que certaines associations voient leur démarche appuyée et soutenue par l’État fédéral allemand en passant par les diasporas déjà intégrées dans le pays. À l’instar de l’association Pro Afrika, dirigée par les sœurs Kissassé, originaires de Kisangani (République démocratique du Congo). Déjà incérées dans la société allemande, il leur a été davantage aisé de remplir les formalités administratives pour la réquisition d’un hôtel de cinq étages situé à Schoneberg d’ici fin 2015. Ce lieu permet- tra aux réfugiés issus du continent africain d’accéder à des formations qualifiantes pour faciliter l’accès à l’emploi. Environ 200 réfugiés y trouveront refuge, entourés de chefs d’entreprises, de professeurs et d’une trentaine de travailleurs sociaux. « Ce centre d’accueil leur permettra de s’intégrer dans la société allemande et les formera aux métiers de conducteurs de bus ou de caristes manutentionnaires », précise Irène Kissassé avant d’ajouter que « les nouveaux arrivants pourront valider leurs compétences et apprendre également la gestion d’entreprises avec de jeunes startupers afin d’obtenir des levées de fonds ou encore présenter un plan d’affaires ». Pour les accompagner dans cette aventure, une dizaine de bénévoles se relaieront au sein de l’Inter Kulturelles Aus Panafrika d’ici fin 2016, année de l’inauguration du centre d’accueil. D’ici là, le collectif Pro-Afrika espère réaliser une levée de fonds à hauteur de 10 millions d’euros avec les aides du gouvernement fédéral et des plateformes de financements participatifs. À la pointe sur ces questions, les start-ups aussi s’engagent pleinement en mettant sur pied différents projets. Des start-ups composées essentiellement de jeunes, pour qui cela représente leur premier engagement politique concret. C’est dans cet esprit que le Social Impact Lab a été l’un des précurseurs de ce mouvement à Berlin. Situé dans un quartier populaire de Berlin Ouest, ce réseau qui regroupe plusieurs entités accueille, forme et permet l’intégration de ces réfugiés. Appréciés pour leur attractivité et la diversité de leurs parcours, certaines entreprises se rapprochent dorénavant de ces starts-ups pour mieux apprécier le potentiel de ses nouveaux arrivants. « Dans mon hôtel, les meubles pourraient provenir de la structure du Cucula – du nom de la start-up – dans laquelle des Nigérians, Maliens, Nigériens ou Libyens ont officié », expliquent la direction d’un hôtel du centre de Berlin. Une insertion professionnelle née d’un élan de solidarité citoyen appuyé par l’État allemand qui cherche à assouplir davantage la réglementation sur le droit du travail pour les travailleurs immigrés. Jusqu’au mois d’octobre dernier, le candidat au titre de séjour devait percevoir un salaire supérieur à 44 000 euros brut l’année et détenir un diplôme universitaire, selon la législation allemande. Des conditions qui devraient être revues à la baisse. Mais cette politique d’accueil des migrants n’est pas sans conséquence dans le pays, une partie de la population n’hésitant pas à montrer son hostilité sur ces engagements. Le mouvement Pegida, proche des néonazis, organisant souvent des marches à Dresde pour dénoncer cette immigration en faisant le lien entre l’origine ethnique des migrants et leur appartenance religieuse. L’Islam est ici pointé du doigt par cet organisme comme une attaque contre leur « civilisation chrétienne ». La Chancelière, Angela Merkel, bien que très populaire dans le pays comme le prouve sa victoire aux dernières législatives dès le premier tour, doit également composer avec ces voix dissidentes. Mais l’extrême-droite reste pour l’instant marginale. La victoire en octobre dernier d’Henriette Reker à la course à la mairie de Cologne, la 4 e ville d’Allemagne (980 000 habitants), avec 52 % est un symbole. Henriette Reker, qui se présentait sans étiquette mais soutenue par Angela Merkel, avait été poignardée par un membre de l’extrême-droite en plein marché alors qu’elle présentait le bilan de son action pour l’accueil des immigrés en tant que maire adjointe en charge de l’accueil des réfugiés. AFRIQUE AFRIQUEEXPANSION EXPANSION••50 51 43 Dossier Mondialisation spécial Jean-Nicolas Nom du chroniqueur Saucier Dossier Nom du chroniqueur FinTech Ces startups qui révolutionnent les transferts d’argent. Longtemps la chasse gardée d’une poignée d’acteurs majeurs, le secteur des transferts d’argent internationaux vit une éclatante révolution sous l’impulsion de jeunes pousses armées des toutes dernières technologies. Ces « Fintech », qui chassent même sur le terrain des grandes banques internationales, veulent faire les choses différemment : plus accessible, moins cher et plus rapide ! Bienvenue dans le futur des services financiers mondiaux. « La start-up TransferWise basée à Londres est aujourd’hui valorisée à 1 milliard de dollars. » On connait tous aujourd’hui les TIC, medtech et autres biotech, acronymes des plus récentes technologies à s’imposer dans différents domaines, mais le prochain sur la liste promet un impact direct et planétaire appelé à forcer le changement. Les fintech (financial technologies, technologies financières) innovent et opèrent une offensive remarquée dans la finance internationale, notamment dans le très exclusif secteur des transferts d’argent. Cité par le Nouvel Obs en juin dernier alors qu’il inaugurait son incubateur Fintech dans le 8e arrondissement parisien, Bernard-Louis Roques, directeur général et co-fondateur du fonds de capital-risque Truffle Capital, est convaincu du séisme à venir. « Le monde de la finance va être bouleversé par les caractéristiques de l’économie numérique : immédiateté, traçabilité, convivialité. » Duopole sur un lucratif marché fut transigée en ligne. Côté commercial, le domaine du transfert d’argent des PME vers l’international est évalué à plus de 5000 milliards chaque année, un pactole qui attire l’intérêt de plusieurs jeunes entreprises qui s’attaquent aujourd’hui au duopole des sociétés spécialisées Western Union et MoneyGram qui cumulent ensemble 66 % des transferts mondiaux et 20 % de la valeur du marché (15 % pour le seul WU). Ces opérations ont un coût et à l’échelle mondiale, la moyenne est de 7,68 % des montants transférés, les banques prélevant 10,96 % de la somme alors que les deux géants se « limitent » à 6,59 %, toujours selon des chiffres de la Banque mondiale. En Afrique, le coût est encore plus élevé à environ 12 % des quelque 60 milliards transigés, près du double de la moyenne internationale. Et c’est précisément sur ce point que certaines startups Fintech ont choisi de s’appuyer pour investir un marché qui manquait cruellement de concurrence… et créativité ! « Les banques facturent des frais cachés sur les taux de change, entre 4 et 5 %. Nous, nous pratiquons les frais les plus bas possibles. Notre but c’est de permettre aux particuliers à travers le monde d’envoyer de l’argent à très bas coût et très rapidement, expliquait à l’ASP Taavet Selon les estimations de la Banque mondiale, environ 600 milliards de dollars ont été transférés par des particuliers d’un pays vers un autre en 2014, un montant que l’institution voit atteindre 640 milliards à l’horizon 2017. De ce marché, une part famélique de 5 % 44 AFRIQUE EXPANSION • 51 50 Hinrikus, dont la start-up TransferWise basée à Londres est aujourd’hui valorisée à 1 milliard de dollars. Nous sommes jusqu’à 9 fois moins cher qu’une banque [ sur certains marchés ] », précisait-il. Autre entrepreneur fintech, même constat dévastateur pour les géants du domaine, qualifiés d’escrocs et de voleurs du continent africain par le Dr Ismail Ahmed, PDG de WorldRemit et ancien conseiller des Nations Unies, qui appelle depuis plusieurs années à la fin de l’hégémonie des leaders historiques du domaine. « La grande escroquerie des transferts d’argent, soulignée par M. Annan et le Rapport du Panel du Progrès de l’Afrique, a assailli les communautés les plus démunies en Afrique depuis très longtemps. Western Union et MoneyGram exploitent en duopole les transferts d’argent dans de nombreux pays, en imposant des frais exorbitants qui absorbent des paiements vitaux pour les économies en voie de développement. » Avant d’ajouter : « Dans certains circuits de transferts d’argent, les prix sont très élevés à un tel point que près de 70 % du montant envoyé est perdu. Selon le rapport, un transfert de 200 dollars vers l’Afrique Sub-saharienne perd en moyenne 25 dollars soit 12 % du total de la transaction. La réalité de cette situation est que de nombreux émigrés de cette région envoient des sommes de moins de 200 dollars régulièrement et perdent ainsi un pourcentage plus élevé de l’argent envoyé. » Séduisante expansion La stratégie de ces startups est à la fois claire et simple : couper dans les marges astronomiques que se permettent les quelques acteurs du marché en se servant d’un modèle en ligne moins coûteux que celui des agences reconnues du domaine. Modèle et technologies réputés tout aussi efficaces que ce qu’offre la concurrence, mais également beaucoup plus rapides vu la quasi instantanéité du numérique. Et comme dans tous les secteurs économiquement prometteurs, les convoitises et prétendants sont nombreux et ciblent tous les marchés internationaux. La britannique TransferWise, qui connaît une croissance annuelle de 15-20 %, emploie 400 personnes et transfère chaque mois 700 millions d’euros dans 36 pays. Elle a également attiré dans son giron d’investisseurs des personnalités comme Xavier Niel et Richard Branson qui l’utilisent déjà dans leurs affaires courantes, personnelles comme professionnelles. Et il y en a d’autres, de nombreuses autres, chaque compagnie technologique importante voyant le potentiel énorme de ces fintech et les bénéfices d’ajouter pareil actif au bouquet diversifié de son empire numérique. Le spécialiste du paiement en ligne Paypal a ainsi racheté l’été dernier Xoom, entreprise américaine spécialisée dans les transferts d’argent internationaux, pour 890 millions de dollars. Autre jeune pousse britannique, Azimo, a plutôt choisi de s’allier à Facebook pour ainsi offrir le transfert d’argent via la populaire plateforme. Sa compatriote WorldRemit, qui cible les migrants, notamment ceux issus du continent africain, vient de lever 100 millions de dollars aux ÉtatsUnis pour financer l’expansion de son offre et de ses services. Le marché est si porteur, le besoin si manifeste et les possibilités d’innovations réelles et concrètes que toutes les entreprises technologiques observent désormais d’un œil attentif ce secteur de la finance. Un domaine qui se veut d’ailleurs une porte d’entrée pour éventuellement défier les grands groupes bancaires de ce monde dans des créneaux qu’ils croyaient à l’abri de toutes concurrences. C’est ce que croit Philippe Gélis de Kantox, une plateforme numérique qui gère déjà les comptes de plus de 1500 entreprises. « Étant donné que tous les ingrédients sont déjà réunis, ce n’est plus une question de «si» mais une question de «quand» les premières banques purement Fintech verront le jour. Elles seront flexibles, libres de tout héritage et vierge de toute mauvaise réputation, contrairement aux banques qui traînent un nombre incalculable de casseroles. » Dans le contexte actuel, difficile de ne pas lui donner raison sur ce point. Et à bien y penser, sur quelques autres aussi… AFRIQUE AFRIQUEEXPANSION EXPANSION••50 51 45 Rendez-vous d’affaires. • 6e Conférence sur la banque et la finance africaine 6-7 mars 2016, Accra, Ghana La 6 e Conférence sur la banque et la finance africaine doit se tenir à Accra, au Ghana, les 6-7 Mars 2016 sous le thème : « Promouvoir l’inclusion financière : Relier les gens aux services bancaires et financiers ». L’objectif de cet événement phare de 2016 est de recentrer la réflexion sur la manière dont les institutions financières peuvent se développer en mettant l’accent sur la promotion de l’inclusion financière comme un élément central de leurs stratégies commerciales, tout en fournissant aux clients des produits centrés sur le marché de masse. La conférence examinera également la technologie financière nouvelle et innovante (FINTECH), des solutions qui rendent l’inclusion financière possible et rentable. Les principaux intervenants comprendront des banques traditionnelles, des groupes spécialisés dans l’assurance, les ONG, les opérateurs télécoms, les magasins de détail, les bailleurs de fonds, les investisseurs, les décideurs, les régulateurs et les institutions financières internationales. Infos : http://aidembs.com/banking_conference/ • 1er Forum international d’investissements en Tanzanie (TIFI 2016) 9-11 Mars 2016, Dar es-Salaam, Tanzanie Le premier Forum international des investissements en Tanzanie (TIFI 2016) aura lieu du 9 au 11 Mars 2016 sous le thème « Accroître la participation du secteur privé, des partenariats public-privé et l’intégration régionale ». Le TIFI 2016 sera le plus grand rassemblement de dirigeants de l’industrie, de PME, de fonds d’investissement, de banquiers, de chefs d’établissement, de décideurs politiques et de représentants des médias internationaux, réunis autour de l’histoire de la croissance de la Tanzanie, de son potentiel et de ses ambitions de devenir un pays à revenus moyens d’ici à 2025. Les discussions porteront sur les opportunités d’affaires dans les différents secteurs de l’économie tanzanienne et l’intégration régionale. Avec la participation confirmée des investisseurs mondiaux et d’institutions de financement contrôlant plus de 200 milliards de dollars d’actifs, le Forum international des investissements en Tanzanie constituera la plus grande assemblée du genre de l’histoire du pays. Infos : http://www.tziforum.com/home • CAPE VI - 6e Congrès et Exposition du Pétrole Africain 15-17 mars 2016, Abuja, Nigeria CAPE VI, le 6 e Congrès et Exposition du Pétrole Africain, aura lieu du 15 au 17 mars 2016 à Abuja – République fédérale du Nigeria. L’événement organisé entre autres par l’Association des producteurs de pétrole africains (APPA), le ministère des Ressources pétrolières du Nigeria et le Royaume-Uni, réunira des délégations de haut rang des 18 pays membres producteurs de pétrole de l’APPA (Algérie, Angola, Bénin, Cameroun, Congo, Congo RDC, Côte d’Ivoire, Égypte, Guinée équatoriale, Gabon, Ghana, Libye, Mauritanie, Niger, Nigeria, Afrique du Sud, Soudan et Tchad). CAPE VI est une occasion pour les opérateurs du secteur investissant en Afrique de comprendre l’environnement politique et les principales questions concernant le développement de l’industrie des hydrocarbures en Afrique, et de rencontrer les principaux décideurs politiques, économiques et institutionnels du continent africain. CAPE VI sera organisé en même temps que la 33e session ordinaire de la réunion du Conseil des ministres de l’APPA, à laquelle assisteront les ministres des pays membres de l’APPA. L’événement sera également organisé simultanément avec le Forum des dirigeants de sociétés pétrolières nationales africaines. Infos : cape-africa.com • Africa CEO Forum : le forum des grandes entreprises africaines 21-22 mars 2016, Abidjan, Côte d’Ivoire Du 21 au 22 mars 2016 aura lieu le Africa CEO Forum, décrit par ses organisateurs comme le plus grand rendez-vous international des responsables les plus influents de la finance africaine et internationale, ainsi que des dirigeants des grandes entreprises africaines du secteur privé. L’événement se veut le lieu privilégié d’échanges sur les enjeux du développement économique des entreprises africaines dans un environnement de qualité, propice aux rencontres d’affaires. Spécialistes de la banque, du capital-investissement, des marchés financiers ou représentants des institutions financières internationales sont autant de personnalités qui participent chaque année à ce rendez-vous de référence. Au total, ce sont plus de 800 participants, dont plus de 500 PDG venus de l’ensemble du continent, 100 banquiers et financiers, ainsi que 200 personnalités africaines et internationales de premier plan que devrait accueillir le Africa CEO Forum à Abidjan en Côte d’Ivoire. Infos : http://www.theafricaceoforum.com/fr/ 4629, rue Louis B. Mayer, suite 201, Laval, Québec CANADA, H7P 6G5 • Téléphone : +1 (450)-902-0527 • Fax : +1 (514)-393-9024 • [email protected] • afriqueexpansion.com • Directeur de la Rédaction : Gerba Malam • Directrice générale : Amina Gerba • Rédacteur en chef : Jean-Nicolas Saucier • Rédactrice en chef adjointe : Vitraulle Mboungou • Rédaction : Josianne Massé, Jean-Frédéric Légaré-Tremblay, Aimie Eliot, Léopold Nséké, Marc-André Boivert • Correspondants / France : Rudy Casbi, Isaac Ebwélé / États-Unis : Binta Camara / Cameroun : Marc Omboui, Badjang ba Nken, Parfait N. Siki / Gabon : Antoine Lawson, Alexis Koumba / Côte d’Ivoire : Jean Samuel Kondo / Sénégal : Mapote Gaye • AFRIQUE EXPANSION MAGAZINE est édité par GERAM COMMUNICATIONS INC • Président, Directeur de la publication : Gerba Malam • Vice-Présidente : Amina Gerba • Marketing et Ventes : Jonathan Behem • Communications et événements spéciaux : Eva Medi • Abonnements / Service à la clientèle : Josée Campbell • Design graphique : Luc Girouard (lucgirouard.com) Impression : Beloin Graphique • Administrateur Web : Khadim Ndiaye • Distributeur : Messageries Dynamiques • Photos : Shutterstock, Luc Girouard et DR • AFRIQUE EXPANSION MAGAZINE • Dépôt légal / Bibliothèque nationale du Québec / 2016 Bibliothèque nationale du Canada 2016 • ISSN 1488-0504 • Postes Canada Convention no. 40033111 • AFRIQUE EXPANSION MAGAZINE est indexé dans le CANADIAN ADVERTISING RATES AND DATA CARD • Tous droits de reproduction réservés pour tous pays. Reproduction interdite de tous articles sauf accord écrit de la Direction. 46 AFRIQUE EXPANSION • 51 DÉCOUVREZ LA MAGIE DE L’AFRIQUE. En collaboration avec Air Canada, Brussels Airlines offre d’excellentes correspondances du Canada via Bruxelles vers 17 destinations africaines : Abidjan, Banjul, Bujumbura, Conakry, Cotonou, Dakar, Douala, Entebbe, Freetown, Kigali, Kinshasa, Lomé, Luanda, Monrovia, Nairobi, Ouagadougou et Yaoundé. Contactez votre agence de voyages ou Brussels Airlines au 1-866-308-2230.