Irréversibilité du développement et Quasi
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Irréversibilité du développement et Quasi
SEPIO, U. Paris 1 – Mardi 9 mars 2010, 16h – MSE, salle 17, 106-112 bd de l'Hôpital, Paris 13e Irréversibilité du développement et Quasi-réversibilité du sous-développement Albert Tcheta-Bampa Résumé Ce travail examine les causes profondes du développement économique et son insuffisance. Il montre que l’ensemble d’institutions dont dispose une économie constitue la source principale des progrès économiques. Il élabore un modèle théorique qui, démontre que lorsque les pays réformes ses institutions, ils créent les possibilités du développement irréversible en revanche, lorsqu’ils sont dotés des mauvais déterminants institutionnels, les réformes ne réussiront pas et le ces pays resterons bloqués dans des pièges à sous développement lié à la défaillance institutionnelle. Schématiquement, ce modèle démontre (1) qu’à chaque design institutionnel correspond une qualité institutionnelle et à un niveau de développement économique, (2) que les pays dotés des bonnes institutions sont placés sur un sentier de dépendance qui les protège du sous-développement, (3) que les pays dotés par des mauvaises institutions sont enfermés dans un trappe à pauvreté et (4) que les réformes institutionnelles sont toujours inspirées par le design institutionnel initial. Enfin, ce travail analyse les régimes de croissance de quelques pays en développement depuis 1950 jusqu’en 2000. A partir de cette longue analyse il montre aux travers les politiques d’aide publique au développement et/ou la politique d’ajustement que les voies de sortie de la pauvreté sont souvent parsemées d’embûches institutionnelles, qui vont bien au-delà de simples défaillances dans la dotation de facteurs et dont la résolution exige bien plus que de simples apports d’aide étrangère, ou même d’augmentation de l’épargne interne. Mots clés : Institutions, réforme, irréversibilité du développement économique, quasi-réversibilité du sous-développement, politiques publiques, pays en développement. Abstract This work examines the causes of economic development and its insufficiency. It shows that the set of institutions which has an economy is the main source of economic progress. It develops a theoretical model that demonstrates that when countries reform their institutions, they create opportunities for development irreversible however, when they are ill-equipped critical institutional reforms will fail and these countries remain trapped in traps Slot development related to institutional failure. Finally, this work examines the patterns of growth of some developing countries since 1950 until 2000. From this extensive analysis shows it through the policies of official development assistance and / or policy adjustment as ways out of poverty are often interspersed with institutional obstacles that go far beyond simple failures in allocation of factors whose resolution requires more than simple transfers of foreign aid, or even increase domestic savings. INTRODUCTION L’idée que les facteurs accumulables au sens larges (démographie, épargne, capital physique et capital humain ) ne sont pas les seuls déterminants1 importants des résultats économiques et que d’autres facteurs (tels que les institutions, l'histoire, les questions de répartition, culture…)2 sont pertinents pour le développement économique à long terme, est certainement la proposition la plus importante qui ressort de la théorie économique actuelle. Ce travail formalise la façon dont l’évolution des institutions crée les conditions d’un développement irréversible et d’un sous-développement quasi-réversible. Il démontre à partir d’un modèle théorique de présentation graphique comme les pays qui réforment leurs institutions afin de sortir du sous-développement avaient des pré-requis institutionnels favorables. A l’inverse les pays qui ne réussissent pas à découvrir les bonnes institutions pour le progrès matériel de leurs populations sont caractérisés par l’absence de ces préalables. Le changement institutionnel est modelé et contraint par les processus de décision passés et détermine les trajectoires futures. Cela signifie qu’une fois les bonnes institutions découvertes il existe un processus cumulatif à la fois d’un point de vue statique ; les bonnes institutions existent, et dynamique ; les bonnes institutions réussissent à s’adapter aux situations nouvelles parce qu’elles sont bonnes. Inversement les mauvaises institutions le sont intrinséquement et qu’elles changent toujours dans la mauvaise direction. Ce travail se place donc ouvertement dans la théorie néo-institutionnaliste du développement et reprend la problématique définie par North (1991). Il accepte de différencier les institutions formelles et informelles et situe sa réflexion dans l’histoire longue. Les institutions servent dans ce contexte à réduire l’incertitude et à faciliter la coordination des agents. Elles sont définies comme un système incitatif qui favorise ou non l’activité productive des entrepreneurs. Le raisonnement est alors le suivant. La première section de ce travail montre les raisons qui conduisent à supposer que le développement est irréversible. La deuxième section explique pourquoi de manière assez similaire le sous-développement est quasi-réversible. L’originalité de l’analyse consiste alors dans une troisième section à utiliser un modèle graphique pour formaliser et expliquer les conditions d’irréversibilité et de quasiirréversibilité du développement et du sous-développement. Pour que ce modèle puisse s’appliquer empiriquement, la quatrième partie étudie la dynamique du PIB d’un sous-ensemble de pays en développement qui étaient initialement pauvres avec de faibles niveaux de développement comparables dans les années 1950, mais qui ont divergé : certains d’entre eux ont réalisés des progrès très impressionnants (par exemple les pays d’Asie, ont réussi à s’en sortir pour éventuellement atteindre des produits intérieurs bruts par personne comparables à ceux des pays industrialisés), alors que d’autres régions pauvres ont subi un échec économique tout aussi impressionnant (par exemple les pays d’Afrique au sud du Sahara, sont restées sous-développées). 1 La théorie traditionnelle de la croissance (Solow, 1956) explique les différences de revenues per capita en termes d’accumulation des facteurs de production. Les différences entre pays sont dues aux différences de taux d’épargne ou à des facteurs exogènes, tels que la croissance de la PTF. La nouvelle théorie de la croissance (e.g. Romer, 1986; Lucas, 1988) rendent endogène la croissance et le progrès technologique, mais les explications pour différences de revenus sont les mêmes. Un pays sera plus prospère qu’un autre s’il alloue plus de ressources à l’innovation (dû aux préférences ou à la technologie pour créer des idées). Ces théories donnent plusieurs indications sur processus de croissance, mais ne donnent pas d’explications sur les causes fondamentales du développement et de son insuffisance. 2 Le terme institution est employé souvent dans ce travail pour désigner cet ensemble de déterminants fondamentaux. 2 L’idée ici est que ces pays pauvres ont stagné parce qu’ils sont enfermés dans un équilibre bas à cause des défaillances institutionnelle et qu’une réforme en profondeur3 (considérée comme « grande impulsion ») serait nécessaire pour les sortir de la pauvreté. Enfin la conclusion de ce travail fournit quelques conclusions pour la réussite de réformes. 3 Une réforme est dite en profondeur lorsqu’elle « change la nature comportementale des agents, permettra de résoudre des obstacles au développement. Par exemple l’établissement d’une loi qui est destinée à modifier la répartition de la riche d’une société ou une régulation qui résout les problèmes de free-rider. Lorsque réformes ne se font pas «en profondeur», au sens précédemment défini, elles sont dites alors en surface, non seulement leurs effets peuvent se trouver neutralisés selon un processus de fongibilité politique, mais elles peuvent réellement être néfastes, du moins à certains égards. Et, enfin de compte, l’évolution de développement économique s’en trouve stagné (décru), puisque cette évolution est bloquée par la mauvaise qualité des institutions. 3 1 Durabilité et irréversibilité du développement économique La science économique s’est depuis longtemps enrichie de concepts issus d’autres disciplines : qu’un concept voyage d’une discipline à une autre, il n’y a là rien de très original. Les concepts d’irréversibilité et de réversibilité utilisés ici sont ainsi empruntés à la mécanique physique. Une situation est irréversible lorsqu’elle échappe à la stratégie des acteurs. Des persistances, des nouvelles mœurs, de nouvelles habitudes, de nouveaux usages, des tendances lourdes limitent et façonnent les marges de manœuvre dont disposent les agents. Une fois qu’un pays à trouver ses bonnes institutions pour le développement (bonne équilibre) il place sa population dans une tel situation. Le cadre institutionnel bloque les retours en arrière. Il incite les individus à investir dans des activités de recherche de profit et à participer à la vie économique. Il limite l’action des élites, des politiciens et des groupes d’intérêt. Il empêche les prédateurs de développer leurs activités. Il entraîne un processus de progrès économique qu’on ne peut pas renverser. L’histoire de l’Europe peut illustrer cette réalité. Elle montre, aussi, la capacité de ce continent à s’adapter, à trouver les moyens de s’entendre pour surmonter les guerres, les conflits nationalistes, etc. Il existerait, en ce sens, un processus cumulatif dans lequel le changement institution va de pair avec les normes, les mœurs, les coutumes, l’histoire, et les croyances des peuples. Dans cette conception, le développement économique est indissociable d’une transformation très largement irréversible des institutions. Le changement des institutions est donc conçu comme supérieur à l’ensemble des sources de développement, de sorte qu’il marque une étape dans un mouvement réputé irréversible. Si l’émergence et le changement des institutionnels rendent le développement économique irréversible, la défaillance institutionnelle engendre des pièges de sous développement qui empêchent développement des pays pauvres. 2 Quasi-réversibilité du sous-développement : l’existence d’une trappe à sous-développement Le même phénomène d’irréversibilité existe pour le sous-développement et le chaos. Le chaos économique et social est le fait d’une conjonction de facteurs culturels, historique, et institutionnels. La quasiréversibilité de sous développement se définit par l’opposition à une conception stricte de l’irréversibilité du développement. Un sous développement sera dit quasi-réversible ou « quasi-statique4 » si tout progrès ou toute transformation opérée pendant une période donnée, peut être annulée par l’amplification des mauvaises institutions et ses déterminants. Nous soutenons ainsi qu’un pays pauvre ne peut pas sortir de la pauvreté sans un choc qui touche l’ensemble des caractéristiques de son design institutionnel. 4 Nous préférons utiliser l’expression « quasi-statique » à la place de réversible car en physique (thermodynamique), la notion de réversibilité mélange plusieurs aspects qui sont difficilement adaptables dans le cadre du présent travail. 4 Pour soutenir cette thèse nous nous plaçons dans le cadre de la théorie de l’équilibre institutionnel et reprenons l’idée d’une trappe à sous-développement, d’un piège. Certain pays serait piégé par leur histoire ou leur dépendance du chemin suivi5. En dehors des autres facteurs l’histoire détermine aussi les résultats économiques à travers d'autres facteurs6. De l'histoire d'une société dépendent sa technologie, le savoir-faire de ses masses laborieuses et ses institutions. L'impact des événements passes ne s'amenuise pas toujours avec le temps. Parfois, ces événements conditionnent un état stable particulier de l'économie. L'histoire conditionne aussi les résultats à travers les croyances. Un exemple évident est celui des anticipations (au moins en partie) projectives: le fait de s'attendre a ce que les gens se comportent a l'avenir comme ils se sont comportés dans le passé. Cependant, même si les anticipations sont tout à fait rationnelles, l'ombre de l'histoire peut rester vivace. Ainsi, par exemple, les révélations de la corruption ou des escroqueries impliquant un certain nombre de dirigeants africains (Mobutu du Zaïre, Bokassa de la Centre Afrique, Bongo du Gabon, Eyadema du Togo,…) ont dégradé la réputation de tout le continent africain. L’idée est qu’une telle situation a amoindri la motivation de chaque dirigeant africain à se comporter honnêtement dans l'avenir. En suivant Tirole (1996) nous suppose que la réputation d'un membre du groupe (par exemple un ministre au sein d'un gouvernement africain) dépend de son propre comportement passé, et aussi, sachant que l'on scrute son parcours avec attention, du comportement passé du groupe. Une révélation sur un comportement malhonnête, dans le passé, de la part d'un membre quelconque du gouvernement, fera que tout agent mettra davantage de temps pour gagner une réputation d'honnêteté. Ce qui réduira la motivation de l'individu à être honnête, et pourra créer un cercle vicieux de corruption dans lequel « les nouveaux membres d'un gouvernement ou d’une administration risquent de souffrir a cause du pèche originel de leurs ainés, bien après que ces derniers ne soient plus là ». Cette notion des pièges de sous développement n’est pas nouvelle, elle a émergé au tout début de la littérature sur l’économie du développement, et est associée en particulier aux contributions initiales de Young (1928), Rosenstein-Rodan (1943) et Nurkse (1953). Ensuite, cette hypothèse a été explorée par les analystes de la croissance étudiant la notion de « clubs de convergence » à la suite des contributions empiriques d’Abramovitz (1986) et de Baumol (1986). Enfin, elle est devenue à la mode, et est maintenant connue comme l’hypothèse de « trappe à pauvreté » (Kraay et Radatz, 2005). La tendance naturelle d’un pays ayant de mauvaises institutions est de toujours revenir vers la trappe de pauvreté, même si de bonnes réformes ont été menées. Cette trappe à pauvreté trouve, dans notre schéma institutionnaliste son origine dans ce qui ressemble à une trappe institutionnelle. Les institutions empêchent les bonnes réformes de se développer. Ils pervertissent toutes les actions qui sont engagées dans le pays. Elles corrompent. 5 6 L’idée est que la valeur d'une variable dans le futur dépend de sa valeur dans le passe. Si l'histoire compte, c'est aussi parce qu'elle conditionne la confrontation aux modèles culturels, laquelle façonne les préférences. Des changements intervenant dans la manière dont les membres d'une génération gagnent leur vie peuvent avoir une influence sur la génération suivante, sur sa manière d'élever les enfants, sur l'éducation scolaire, sur les règles informelles d'apprentissage telles que le conformisme, sur les modèles et sur les normes sociales. 5 L’exemple le plus étudié est l’échec des politiques de développement de la banque mondiale. Ces réformes ont été menées au début des années 1980, avec pour objectif principal la réduction des déséquilibres macro-économique et, par voie de conséquence, promouvoir la croissance et améliorer le bien-être total. Tout au début des réformes, la plupart des pays en développement aidés financièrement ont enregistré des performances, cependant, comme l’ajustement structurel prend du temps et le comportement des élites politiques qui utilisent l’Etat comme leur arène pour l’action et leur source de pouvoir, de statut, de rente et autres formes de richesses ; ces réformes se sont avérées plus mauvaises. Le principe de quasi-réversibilité du sous-développement trouve, dans ces conditions, sa source dans un manque de crédibilité de l’engagement de l’Etat. Il vient contredire l’idée que l’on peut acheter la réforme en compensant les perdants. Dans les travaux récents, toute réforme crée des gagnants et des perdants (Bardhan, 2007). Elle crée une tendance au statu-quo, la déviance par rapport aux objectifs de la réforme. En effet, les économistes ont naïvement calculé les bénéfices et les pertes d’un changement institutionnel en termes purement économiques (Stiglitz, 2003). Ils pensaient que dans une société démocratique, les processus politiques peuvent permettre certainement n'importe quelle amélioration au sens de Pareto et de ce fait, de telles réformes devraient faire l'unanimité. Des distorsions pourraient se produire si un groupe tentait de forcer le mouvement pour améliorer son bien-être aux dépens des autres, mais de telles distorsions seraient probablement neutralisées par le processus politique, qui une fois encore induirait un déplacement selon la courbe d'utilité. Il ne semble pas comme disent Hoff et Stiglitz (2004) que les choses se passent ainsi : certains changements peuvent être bloqués pour avoir impliqués essentiellement une redistribution de la rente politique et certains des acteurs les plus importants pourraient être prêts à renoncer à un gain économique pourvu qu’ils puissent conserver leur pouvoir politique. Stiglitz, (1998) démontre que « les agents qui participent au processus politique anticipent rationnellement les conséquences de toute action, et ces conséquences ne se limitent pas nécessairement aux effets immédiats : c'est à travers la dynamique politique que se font les anticipations ». Dans cette perspective, le facteur politique apparaît comme le principal obstacle à l’obtention d’éventuels bénéfices des réformes institutionnelles. Ces facteurs limitent la marge de manœuvre du gouvernement et rendent les réformes difficiles car, les agents comparent leur situation actuelle avec celle à laquelle le processus politique a des chances de les conduire. Les perdants ressentent la peur lorsqu’ils renoncent à une institution existante, dans le sens où ils peuvent perdre le locus standi nécessaire pour faire pression sur un futur gouvernement en cas de promesses non tenues (le “retrait” d’un arrangement institutionnel existant, portant ainsi atteinte à leur capacité de pression à terme dans le nouveau régime), raison pour laquelle ils se refusent maintenant à un changement qui pourrait être une amélioration Paréto efficace (dans le sens où les gagnants pourraient compenser les perdants). Notre analyse est plus générale. Elle pense que c’est l’ensemble du design institutionnel qui conduit aux blocages et aux dysfonctionnements des réformes. Elle soutient (1) qu’à chaque design institutionnel correspond une qualité institutionnelle et à un niveau de développement économique, (2) que les pays dotés des bonnes institutions sont placés sur un sentier de dépendance qui les protège du sous-développement, (3) que les pays 6 dotés par des mauvaises institutions sont enfermés dans un trappe à pauvreté et (4) que les réformes institutionnelles sont toujours inspirées par le design institutionnel initial. L’objectif de la section qui suit est alors de préciser les trajectoires de ces deux modèles de développement. 3 Modélisation graphique de l’irréversibilité et de la quasi-reversibilité La théorie de l’irréversibilité du développement et de la quasi-réversibilité du sous-développement se distingue des modèles de croissance (exogène et endogène) et pose les bases d’une réflexion approfondie sur le notion de choc. Le choc est en effet la seule figure capable de sortir un pays de l’irréversibilité. Il ne suffit pas de donner un coup de pied dans la fourmilière, car cette dernière va se reconstituer. C’est la figure de la réforme classique. Il faut trouver des moyens différents pour susciter la découverte des bonnes institutions dans un pays qui est institutionnellement mal doté. Pour préciser notre théorie nous allons proposer une représentation graphique. Elle nous permettra de décrire différents scénarios et de progresser. Les axes horizontaux de la figure 1 montrent le niveau du développement économique, représenté ici par le DE, tandis que les axes verticaux indiquent l’évolution ou tout simplement la variation de qualité de bonnes (figure 1a) mauvaises (figure 1b) institutions à l’état stationnaire. La courbe (figure 1a) dont la pente est positive DE représente le niveau de développement à l’état stationnaire en fonction de meilleure qualité institutionnelle à l’état stationnaire. Formellement, cette courbe rend copte de l’équation de développement, selon laquelle le niveau du développement à l’état stationnaire est une fonction croissante de niveau de la qualité institutionnelle. La courbe DE (figure 1b), dont la pente est négative, représente, le développement économique à l’état stationnaire par habitant. La courbe à pente positive, QMI représente le niveau de mauvaise qualité des institutions et autres facteurs à l’état stationnaire. Intuitivement, il facile de comprendre que plus la qualité de ces facteurs est mauvaise, plus la performance économique est inefficace, et donc, moins important est le DE par personne. A l’intersession de ces deux courbes DE et QMI, se trouve le taux d’équilibre du développement à long terme de l’économie, qui dépend non seulement du taux global d’épargne, mais surtout avant toute chose, de variables institutionnelles, culturelles, historiques et sociales. Figure1 Relation entre qualité institutionnelle et développement économique 7 QBI A B Plus précisément, considérons une économie dans laquelle les variables déterminant le niveau de développement de l’économie jouent un rôle d’un vecteur M de variables d’état. Ces variables d’état sont considérés comme étant plusieurs facteurs institutionnels et culturels. La dynamique de cette économie est décrite par un système d’équations différentielles : (1) Cette fonction peut être exprimée sous forme intensive, comme suit (2) Si f(m) est une fonction monotone décroissante, il n’y a qu’un seul état stationnaire dynamiquement stable, qui définit un niveau de développement commun vers lequel toutes les économies devraient converger. Cependant, si elle n’est pas monotone, il y a potentiellement plusieurs états stationnaires, comme le montre la figure 2. Sous cette hypothèse de multiples équilibres multiples, la condition f(m) = 0, qui décrit les états stationnaires, a n . La figure 2 représente le diagramme de sous développement (décroissance, solutions, appelées stagnation)/ et de développement (croissance, progrès économique) avec une courbe en trait plein qui reflète l’évolution de la mauvaise qualité des facteurs institutionnels, culturels, historique…. Cette courbe décrit une situation dans laquelle il y a deux états stationnaires stables ( équilibres instables ( et et ), ces équilibres alternent avec deux ). Figure 2 Equilibre multiple et cycles de réforme institutionnelle 8 On suppose ensuite que l’économie ne se développe que son niveau de qualité institutionnelle est supérieur à un seuil, . C’est le seuil d’insuffisance institutionnelle ou subsistance d’une économie. En effet, lorsque les économies sont très pauvres, elles ne se développent pas pour la simple raison qu’elles s’organisent absolument en fonction de leur mauvaise qualité institutionnelle pour satisfaire l’activité économique de base. Le seul est supposé fixé. Lorsque le design (niveau) institutionnel, est inférieur à ce seul, le développement économique est nul. Le progrès économique décroit par rapport au design institutionnel requis et par conséquent, le revenu et le capital par tête décroissent au taux de l’investissement requis. Inversement, lorsque le niveau de qualité institutionnelle, est supérieur au seuil , le développement économique devient positif. Le développement économique est une fonction croissante de la qualité institutionnelle, . La fonction du développement humain est définie de la manière suivante : (3) En d’autre termes, le développement devient strictement positif si et seulement si la qualité institutionnelle, est supérieure au seul Le développement économique augmente avec une bonne qualité des institutions donc et baisse avec une mauvaise qualité des institutions, c’est-à-dire, minimal . Il existe donc un seul de design institutionnel pour que l’économie croisse à un taux positif et connaisse un développement irréversible et soutenu à long terme. Ce seuil est appelé le seuil de piège de sous développement lié à la qualité institutionnelle. L’économie est prise au piège de sous développement lorsque son design institutionnel est inférieur à ce seuil. Au-delà de , l’économie peut décoller en fonction surtout de l’efficacité d’émergence et changement institutionnels mis en œuvre par les autorités et elle ne reviendra plus à son état initial de sous développement, c’est l’irréversibilité du développement. En revanche, une économie dont le design institutionnel est compris entre et bien qu’elle ne soit pas extrêmement pauvre, est prise au piège de sous développement. Elle ne pourra pas donc décoller sans réforme et son taux de développement économique sera négatif et à terme, elle deviendra aussi extrêmement pauvre. Dans ce modèle nous considérons que tous les pays en développement étaient situés dans les années 1950 entre ces deux niveaux de qualité institutionnelle, c’est-à-dire ils étaient initialement pauvres, mais quelques régions par exemple l’Asie, ont mis en œuvre des réformes en profondeur depuis cette date jusqu’aujourd’hui et ont réussi à s’en sortir pour éventuellement atteindre des niveaux développement comparables à ceux des pays industrialisés, alors que d’autres régions pauvres, par exemple l’Afrique, n’ont pas crée des bonnes institutions ni changé les anciennes institutions coloniale et ainsi sont restées sous-développées. Enfin, pour un niveau de design institutionnel inférieur à l’économie reste extrêmement pauvre et ne pourra jamais décoller parce qu’elle évolue avec les institutions totalement déficientes. L’économie peut croitre 9 jusqu’à mais, elle retournera à son état initial de sous développement. Les deux derniers cas constituent le caractère réversible du sous développement lié à la défaillance institutionnelle. Nous avons supposé que le développement économique est fonction de la qualité des institutions. Formellement on a : (4) C’est-à-dire, qu’il y a au moins n solutions à l’équation (5) La figure 3 montre une courbe en train plein qui reflète l’évolution du développement économique par de la figure 2 mais, la variable habitant. Elle a la même allure que la courbe de la qualité institutionnelle, d’état m est simplement remplacée par . Sous l’hypothèse de multiples équilibres multiples, la condition , qui décrit les états stationnaires, a n solutions, appelées à à . On en déduit alors plusieurs cycles de développement économique à la place des équilibres multiples. Figure 3 Cycles de développement économique Sur cette figure 3 nous observons que la courbe DE croise d’abord la ligne SQI et descend jusqu’à la valeur d’état régulier (équilibre stable). Cet état régulier a les propriétés suivantes : la partie de la courbe située au dessus de la ligne (à droite), SQI suppose qu’avant l’indépendance tous les PVD avaient en moyenne des bonnes institutions et de ce fait avaient tous enregistré des progrès économiques. Par exemple, la quasitotalité les pays d’Afrique avaient une croissance positive entre 1930 et 1955 (Madison) . En suite la courbe connaît un intervalle avec une pente négative. L’une des explications que nous proposons pour rendre compte de ce profil de DE, est que les institutions pendant la colonisation étaient favorables au type du développement économique de cette époque. La question pertinente est de savoir, si ces institutions étaient meilleures et déterminantes pour la prospérité économique pourquoi la plupart de sociétés indépendantes se sont dotées-elles de ces mêmes institutions et organisations (de la coloniales) ou se sont retrouvées-elles avec de mauvaises institutions? De plus, pourquoi de telles institutions ont-elles persisté longtemps après que leurs conséquences 10 désastreuses sont apparentes? Est-ce un accident de l’histoire ou le résultat d’idées fausses ou d’erreurs des sociétés ou de leurs décideurs? Ces questionnements montrent que rien ne porte à croire que les sociétés graviteront naturellement vers de bonnes institutions. L’absence de gravitation naturelle vers de bonnes institutions est illustrée par la pérennité des mauvaises institutions. La constance des institutions et l’éventuel refus aux réformes ne signifient pas que les institutions n’évoluent pas. Les institutions changent souvent de manière considérable, et même des institutions dysfonctionnelles peuvent être métamorphosées avec succès. Ainsi, nous supposons que des réformes sont entreprises dans notre économie. Celles-ci entraînent des performances économiques ou des rendements croissants qui, à leur tour améliorent le développement économique pour que la courbe DE finisse par monter jusqu’à ce qu’elle croisse à nouveau la ligne SQI, à la valeur d’état régulier Toutefois, cet équilibre est instable, parce qu’il y a des mauvais déterminants institutionnels qui, empêchent l’économie à se stabiliser sur cet état régulier moyen et entraînent des rendements décroissants qui à leur tour ramènent l’économie à son état régulier bas et stable. Ces déterminants ne favorisent pas les réformes en profondeur susceptibles de transformer l’économie d’un équilibre bas vers un autre équilibre haut. Nous avons cité plusieurs exemples qui montrent que le niveau des inégalités, les divisions ethniques, la dictature prédatrice et formation de groupe d’intérêt peuvent empêcher les réformes même lorsqu’elles semblent être des améliorations au sens de Pareto. Donc, si l’économie débute avec un niveau élevé de mauvaise qualité institutionnelle , qui correspond dans la figure 3 à naturelle est de revenir vers la trappe à mauvaise institution, en , sa tendance correspondant en et tant que cette économie ne réussira pas à réformer ses pièges de défaillance institutionnelle, elle restera pauvre infiniment (réversibilité de sous développement). Enfin, la partie en pointillée est tracée dans l’hypothèse contraire où tend à accroître davantage pour atteindre la valeur positive qui excède SQI. Dans ce cas, l’économie peut connaître un développement économique à l’état régulier (à long terme) et ne retournera plus vers les pièges de sous développement, comme indique sur la figure 3. A ce stade d’analyse, nous avons élaboré un cadre théorique qui peut expliquer l’irréversibilité du développement et la quasi-irréversibilité du sous-développement en élaborant une théorie de la dépendance aux dotations initiales. Nous souhaitons pour confirmer notre thèse dans ce travail, montrer comment il pourrait rendre compte de la situation économique et sociale des pays qui ont souffert de faibles niveaux de développement comparables dans les années 1950, mais qui ont divergé : certains d’entre eux ont réalisés des progrès très impressionnants, d’autres ont subi un échec économique tout aussi impressionnant, (en particulier les pays qui ont vue leur IDH reculer sur la période 1975 – 2002). Car l’objectif ultime de cette recherche est de comprendre comment tant de maux (épidémie, guerre, coup d’Etat, faillite, pauvreté, exode, corruption etc.) ne peuvent pas être limité et de s’interroger sur le degré de réversibilité du sous-développement. 4 Exemples des réussites et échecs des politiques en fonction des réformes institutionnelles 11 Nous analysons les mouvements de croissance observée dans un certain nombre des pays en développement en utilisant les séries temporelles annuelles construites par Maddison (2003) et de Programmes de Nations Unies pour le Développement (2002). Dans ces séries nous utilisons une base de données de 70 pays en développement avec des séries complètes de PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat disponibles pour l’ensemble de la période 1950-2000. L’utilisation des séries temporelles aussi longue que possible est un avantage dans le sens où on s’intéresse par les observations des performances économiques des pays qui avaient initialement le même niveau de développement mais qui ont pris par la suite des trajectoires de croissance différentes. Les tableaux 1 en annexe recensent les régimes de croissance de ces 70 pays en développement respectivement pour 45 pays d’Afrique, 14 d’Asie et de Moyen-Orient, et 4 d’Amérique Latine)7. Dans la première colonne, nous reportons pour chaque pays le taux de croissance moyen calculé sur l’ensemble de la période pour laquelle les données sont disponibles. Dans les deuxième et troisième colonnes, nous reproduisons le PIB par habitant moyen pour les décennies 1950 et 2000 respectivement. Le PIB de chaque pays pour les décennies 1960 et 2000 est retracé dans la quatrième colonne. Nous calculons le nombre de pics de croissance mis en évidence sur l’ensemble de la période d’observation. Les pics de croissance sont déterminés ici par une méthode non paramétrique simple, fondée principalement sur l’observation des élutions de croissance (courbes) pour les différents pays. Et à la suite Berthélemy8 un pic de croissance est définie comme « un épisode où (i) la croissance s’accélère pendant au moins 7 années consécutives ; (ii) la croissance est positive tout au long de cette même période ; et (iii) la croissance atteint son maximum à un rythme d’au moins 3,5 points de pourcentage ». A partir de cette définition de pic de croissance, nous identifions trois caractéristiques des régimes de croissance. D’abord, nous remarquons les cas où certains pays enregistrent au moins 2 pics de croissances. Ce groupe compte 12 pays dont 8 de l’Asie et Moyen-Orient (Corée du Sud, Taiwan, Thaïlande, Myanmar, Indonésie, Sir Lanka, Chine et Inde), 1 de l’Amérique Latine (République Dominicaine) et 3 de l’Afrique (Botswana, Lesotho et Tunisie). Ces économies ont tous un sentier de croissance présentant des accélérations cycliques, plutôt qu’une seule accélération de croissance. Ces performances économiques sont les résultants des réformes institutionnelles. Ensuite, il y a les cas où les des pays ont connu qu’un pic de croissance. Nombreux de ces pays n’ont obtenu que des performances de croissance moyennes depuis 1950. Leurs taux de croissance ont crû à un rythme faible que les pays développés. Cette situation implique que le retard des pays ayant connu des pics de croissance uniques par rapport aux pays développés s’est creusé au cours du temps au lieu de diminuer. 7 Le lecteur remarquerait que dans notre base des données il n’y figure pas pour des simples raisons suivantes : les économies en transitions d’Europe de l’Est et d’Asie Centrale ont complètement changé avec la fin du communisme et l’évolution de l’Union européenne (pour les pays d’Europe de l’Est) ; les données ne sont pas de bonne qualité pour quelques pays d’Afrique ; - Hong-Kong et Singapour n’y figurent pas car ces deux économies ont bénéficiés en tant que centres d’affaires des conditions spécifiques favorables qui 8 Berthélemy (2006), lbid. 12 Enfin, nous observons les situations où les pays n’ont connu aucun pic. Elles se caractérisent par l’absence de progrès économique depuis 1950. La plupart de ces pays souffrent de cercle vicieux de sousdéveloppement car l’économie stagne de manière cyclique autour de son niveau initial. Nous regroupons les deux derniers cas dans un sous ensemble de pays qui ont stagné depuis 1950. La suite de la section consistera à comparer deux groupes de pays : un ensemble constitué des pays qui ont connu au moins 2 pics de croissances et un autre formé des pays qu’ont enregistré aucun ou 1 pic de croissance. Enfin, la dernière caractéristique majeure de notre base de données est que le PIB de tous les pays était en moyenne inférieur ou égal à 1600 dollars américains dans les années 1950. Ce critère nous permet d’éviter de comparer des pays avec des niveaux de développement initiaux différents, si nous avions reporté tous les pays en développement dans notre base de données. En raison d’une part, d’insuffisance des données pour la plupart pays de pays qui n’ont pas connu de progrès significatif et d’autre part, parce que les pics de croissance initiaux ont généralement été observés, dans les pays à pics de croissance multiples, dans les années 1960 ou au plus tard au début des années 1970 (voir le tableau en annexe), nous traitons ici des données caractérisant le potentiel de croissance des deux groupes de pays au début de la décennie 1960, c’est-à-dire juste avant le décollage des économies émergentes. Selon la conception néoclassique du développement (on l’a déjà dit), le taux d’épargne est une fonction du niveau de développement. La cause fondamentale de sous développement est l’insuffisance de l’épargne qui contraint l’investissement et donc le revenu et le capital par tête à rester faible. Les pays pauvres ont de taux d’épargne faible et leur économie est ainsi prise au piège de sous développement. Cette conception n’est pas cohérente avec les expériences économiques des pays en développement. Malgré leurs faibles niveaux d’épargne et relativement similaires dans les années 50, certains pays qui avaient initialement des faibles niveaux d’épargne, par exemple les pays d’Asie, ont réussi à sauter les pièges de sous développement, alors que d’autres pays à faible niveau d’épargne, par exemple ceux d’Afrique, sont resté sous-développés. Dans le tableau 3 nous reportons les ratios d’investissement et d’épargne calculés par Berthélemy en 2006 sur les bases de données de Maddison 2003. Ces données indiquent que la similarité de nos deux groupes de pays en 1960. En effet, les pays dans le premier groupe, avec des pics de croissance multiples, n’ont pas eu de ratios d’investissement impressionnants jusqu’à la fin des années 1960, et étaient comparables sur ce point aux autres pays pauvres. Le financement externe de l’investissement, approximé ici par la différence entre la formation brute de capital fixe et l’épargne intérieure brute, a été en moyenne plus favorable dans le premier groupe de pays que dans le second. Cette différence est cependant due uniquement à la Corée du Sud, qui a reçu une aide externe significative de la part des États-Unis jusqu’au début des années 1970, et au Botswana, qui avait une épargne faible mais une aide étrangère significative ainsi que des investissements dans l’industrie minière en provenance d’Afrique du Sud. La question la plus pertinente est de savoir pourquoi ces pays ont réussi plus d’aides que les autres. La raison est pour nous du coté des réformes institutionnelles que ces économies ont en œuvre. Le cas de Botswana est l’exemple remarquable qui montre que les institutions évoluent souvent de manière notable, et même des institutions fort dysfonctionnelles peuvent être transformées avec succès. Ainsi, 13 cette ex-colonie britannique a réussi à mettre en place des institutions politiques (liberté politique) et économiques (liberté économique) efficaces après son indépendance et il est devenu le pays dont la croissance est la plus rapide du monde et parmi les rares pays les plus riche d’Afrique. De plus, l’histoire nous renseigne encore qu’à la fin de la guerre de Corée en 1953, les deux Corées étaient similaires. Ils avaient même ressources naturelles, même niveau de capital humain, même revenu par tête, même culture issue de 1300 années d'histoire commune. Les deux Corée se sont dotées d'institutions radicalement différentes à cette époque : une économie de marché pour la Corée du Sud, une autre, économie planifiée pour la Corée du Nord. En 2000, le revenu par tête de la Corée du Sud était 16 fois celui de la Corée du Nord (Madison, 2002). Enfin, il y a aucun doute que l’émergence et le changement institutionnels étaient à l’origine des réussites spectaculaires, majoritairement des pays d’Asie de l’Est : le premier pays a été le Japon, dont l’industrialisation a démarré au XIXe siècle, la Corée du Sud, Singapour, la Chine et Hong Kong ayant suivi après la Seconde Guerre mondiale. Dans tous ces pays excepté à Hong Kong, les institutions ont joué un rôle très actif dans le choix des décisions des agents économiques. Tableau 1 : Ratios d’investissement et d’épargne (moyenne par groupe, en %) Ratio de la formation brute de Ratio de la formation de capital fixe capital fixe sur le PIB moins l’épargne intérieure brute sur le PIB 1960 1965 1970 1960 1965 1970 Groupe avec pics de croissance 11.9 17.7 20.1 0.5 5.0 6.2 multiples (à développement (1.2) (6.4) (6.7) (7.1) (10.9) (7.3) Groupe avec aucun ou pic de 11.8 13.4 14.8 -0.3 -0.6 -2.0 croissance (à sous développement (4.6) (4.7) (5.9) (1.1) (2.7) (15.1) irréversible) quasi-réversible) Source : Berthélemy et basés sur les World Development Indicators de la Banque Mondiale Note : écart-type entre parenthèses. Donc, il n’y a aucun signe dans les données disponibles que les performances élevées des pays qui ont décollé dans les années 1960 étaient dues initialement à un saut hors d’un piège d’insuffisance de l’épargne : même si dans de tels pays des taux d’épargne et d’investissement très élevés sont survenus plus tard, ce n’était pas le cas dans les années 1960. Depuis 1970 certains faits de base des taux d’épargne montrent les pays pauvres ont en particuliers africains ont bénéficié des transferts de fonds considérables mais le continent africain restent toujours pauvre. Le montant d’aides publiques que les pays africains ont bénéficié est estimé à plusieurs milliards de dollars. Par ailleurs, selon un rapport de l’International Fund for Agriculture Development (IFAD) publié le 22 octobre 2009, les émigrés africains transfèrent chaque année 40 milliards de dollars (soit 26,7 milliards d’euros) dans leurs pays d’origine. 14 Si on prend en compte tous ces fonds, rien dans ces fais ne confirme donc la conception néoclassique de la cause fondamentale de l’insuffisance de développement, c’est-à-dire la pénurie d’épargne. Cette analyse peut être compléter par les résultats mitigés des prêts d’ajustement. Et la question qu’on se pose ici est alors de savoir si la source fondamentale de l’insuffisance de développement ou simplement si le « virus de la maladie », sous développement était une pénurie de capital, alors pourquoi les transferts de fonds des pays riches vers les pays pauvres qu’on peut considérer comment le traitement de cette maladie n’ont pas réussi à traiter celle-ci dans tous les pays pauvres avant? Pourquoi les économies émergentes ont-elles réussi leurs programmes d’ajustement et à échapper aux pièges de défaillance institutionnelle ? L’expérience des programmes de stabilisation économique et les effets des politiques d’aide sur les pays en développement ont montré que la réussite et l’échec de ceux-ci dépendent de la qualité institutionnelle. C’est ce que nous allons montrer à travers quelques exemples des réussites et des échecs tirés du livre de William Easterly (2006) intitulé «Les pays pauvres sont-ils condamnés à le rester ? »9 et de l’article de Hoff et Stiglizt (2003) « La théorie économique actuelle et le développement » Au cours des années 1980, la Banque mondiale et le FMI ont octroyé en moyenne 6 prêts d’ajustement à chaque pays africain, 5 prêts à chaque pays d’Amérique latine, 4 à chaque pays d’Asie et 3 à chaque pays d’Europe de l’Est, d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient (Easterly, 2006). Malgré ce traitement identique pour tous les pays en développement, la croissance n’était pas au rendez-vous. La croissance en Afrique, en Amérique latine, en Europe de l’Est, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord fut même négatif durant les décennies 1980 et 1990. Parmi les pays pauvres du monde, seuls les pays d’Asie et quelques autres pays en développement qui ont mit œuvre des réformes institutionnelles en profondeur, font exception à ce constant malheureux. Donc, le bilan des politiques d’ajustement a été mitigé : elles ont été couronnées plus d’échecs que de succès dans quelques cas. Par exemple, le Ghana réformiste est un cas d’école pour la politique d’ajustement. La Banque mondiale et le FMI ont accordé 19 prêts d’ajustement à ce pays entre 1980 et 1994. Après des réformes en profondeur en 1993, le Ghana a connu une croissance de 1.4 % par habitant entre 1984 et 1994, une belle performance après une croissance par habitant de -1.6 % de 1961 à 1983 (Easterly, 2006). Les données de Madison et du PNUD montrent que le PIB par habitant années 1950 du Ghana était à 1200 et en 2000 il s’élevait à plus au moins 2000 dollar. En suite, L’Île Maurice qui a bénéficié de 7 programmes d’ajustement de la Banque mondiale et du FMI sur la période 1980-1994, était parvenu durant ces années à un taux de croissance annuel par habitant brillant de 4.3 %. Toujours sur la même période, 5 politiques d’ajustement furent attribués à la Thaïlande ; le taux de croissance annuel par habitant y fut encore impressionnant à 5.3 %. Le cas de la Corée constitue un autre exemple de succès d’impact des réformes institutionnelles sur les politiques. Ce pays a bénéficié de 7 programmes d’ajustement qui ont entraîné un taux de croissance de 6.7 %. 9 William Easterly a dû quitter la Banque mondiale alors qu’il y était économiste. 15 Ces quelques cas de réussites ne peuvent pas cacher la réalité douloureuse de la majorité de pays en développement, en particulier, les pays dont l’Indicateur de développement humain (IDH) a baissé de 1975 à 2002 à savoir l’Afghanistan, la Somalie, l’Irak, La Zambie, le Zimbabwe, la République Démocratique du Congo, et le Timor Oriental (Dorling, D., Newman, M. et Barford, A. (2008, p.191). Ces pays ont bénéficié des mêmes politiques d’ajustement mais, ils n’ont pas réussit à sauter de leur équilibre bas vers l’autre équilibre haut. Ce contraste avec des nombreuses expériences d’échecs et de rare cas de réussites renvoie la question la plus pertinente à savoir pourquoi les politiques d’ajustement n’ont-ils pas eu les mêmes effets dans tous les pays ? De plus, pourquoi ont-ils mis autant de temps à apporter leur fruit dans les autres pays ? Notre intuition issue du modèle que nous avons développé au par avant est que la raison se situe du côté des déterminants institutionnels spécifiques à chaque société. 16 Conclusion La théorie d’irréversibilité du développement et de la quasi-réversibilité du sous-développement fondées des qualités institutionnelles est à notre avis intellectuellement séduisante et fournit une interprétation plausible de la stagnation dans certain nombre de pays en développement et des progrès économiques remarquables dans les émergents. Elle montre que La comparaisons des performances économiques relatives, au cours des cinquante dernières années, des pays africains et des autres pays les moins avancés d’une part, et des pays d’Asie du Sud-Est et des autres économies émergentes d’autre part, a montré que le premier groupe d’économies n’ont pas sauté hors de leur piège de sous-développement, et le deuxième groupe d’économies ont reçues à sauter de leur équilibre bas vers un équilibre plus élevé. Malgré le manque de données économiques comparatives pour la période lors de laquelle ces économies ont commencé à diverger, au début des années 1960, nous avons montré ce n’est pas l’insuffisance de capital qui est à l’origine de cette divergence mais ce sont les différences de qualité institutionnelle. L’analyse des effets de la politique d’ajustement a montré que les pays qui ont enregistré des performances économiques ce sont eux qui avaient des bonnes institutions et en revanche, les pays qui ont connu d’échecs étaient dotés des mauvaises institutions. Notre théorie nous a donc permis d’une part, de démontrer que les voies de sortie de la pauvreté sont souvent parsemées d’embûches institutionnelles, qui vont bien au-delà de simples défaillances dans la dotation de facteurs et dont la résolution exige bien plus que de simples apports d’aide étrangère, ou même d’augmentation de l’épargne interne. Les réformes venues d’ailleurs ne peuvent pas donc suffire, il faut plus des réformes en profondeur qui font changer les déterminants institutionnels de la société. 17 ANNEXES Tableau 2 : Dynamique du développement de pays avec pics de croissance multiples Botswana Lesotho Tunisie Corée du Sud Taiwan Thaïlande Myanmar Indonésie Sir Lanka République Dominicaine Chine Inde Croissance moyenne depuis 1950 (%) 6.0 4.1 3.8 7.8 6.3 5.0 3.0 4.6 2.7 PIB par habitant en 1950 ($) 400 400 1200 1000 1200 900 500 1000 1300 PIB par habitant en 2000 ($) 7200 2000 6400 17400 6400 1000 3000 3500 Nombre de pics de croissance 3.2 9.6 7.4 1200 600 700 6000 4000 2400 +2 +2 +2 +2 +2 2 +2 +2 +2 +2 2 2 Source : Calcul de l’auteur basés sur Berthelémy et basés sur les bases de données de Maddison 2003 et GGDCCB (US$ PPA 1990) et PNUD 2002, (1) calculé avec un filtre de croissance de 3,5 %. Tableau 2 : Dynamique du développement de pays avec aucun ou pics de croissance 18 Pays Croissance moyenne depuis 1950 (%) PIB par habitant en 1950 ($) PIB par habitant en 2000 ($) Swaziland Egypte Mauritanie Mali Cameroun République du Congo Zimbabwe Burundi Rwanda Mozambique Côte d’Ivoire Ouganda Comores Togo Angola Cap Vert Guinée Bissau Algérie Malawi Guinée Maroc Burkina Faso Ethiopie Kenya Gambie Nigeria Tanzanie Bénin Ghana Soudan Sénégal 4.5 3.3 1.9 1.9 1.8 1.7 800 900 500 500 700 1400 4500 3600 1700 800 1700 1900 1.2 0.8 0.7 0.5 0.6 0.2 0.0 0.0 3.7 1.9 2.0 1.8 2.1 1.9 1.9 0.9 0.9 0.7 0.7 0.8 0.5 0.9 1.5 0.4 0.4 0.3 -1.4 800 400 600 1200 1100 700 600 600 1100 500 400 1500 400 300 1400 500 400 700 700 800 500 1000 1200 900 1400 800 500 1600 600 900 900 1600 800 700 700 2200 4900 800 5300 600 2000 3500 1000 700 1000 1600 1000 500 1000 2000 1800 1500 800 300 -0.9 -0.8 -0.9 -0.5 -0.6 -0.9 -1.6 -2.3 900 1100 1200 1000 1600 900 700 700 800 1100 800 800 1300 700 500 200 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 5.2 2.3 2.2 1.6 1.5 1.4 1.3 1.0 -0.7 2.6 1.6 1.2 800 700 700 1300 600 500 600 500 700 600 1600 1600 13400 900 2000 4000 1400 1300 1600 400 1900 4400 4500 1 1 1 0 0 0 0 0 0 1 1 0 Zambie Tchad République Centrafricaine Libéria Somalie Madagascar Djibouti Niger Sierra Leone Congo RDC Oman Yémen Vietnam Philippines Cambodge Nepal Laos Bangladesh Afghanistan Pakistan Paraguay 19 Nombre de pics de croissance El Salvador Honduras Haïti 0.8 -0.6 1300 1100 20 2500 1000 0 0 Source : Calcul de l’auteur basés sur Berthelémy et basés sur les bases de données de Maddison 2003 et GGDCCB (US$ PPA 1990) et PNUD 2002, (1) calculé avec un filtre de croissance de 3,5 %. 21 REFERENCES AGHION P. 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