Irréversibilité du développement et Quasi

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Irréversibilité du développement et Quasi
SEPIO, U. Paris 1 – Mardi 9 mars 2010, 16h – MSE, salle 17, 106-112 bd de l'Hôpital, Paris 13e
Irréversibilité du développement et Quasi-réversibilité du sous-développement
Albert Tcheta-Bampa
Résumé
Ce travail examine les causes profondes du développement économique et son insuffisance. Il montre que l’ensemble d’institutions dont
dispose une économie constitue la source principale des progrès économiques. Il élabore un modèle théorique qui, démontre que lorsque les
pays réformes ses institutions, ils créent les possibilités du développement irréversible en revanche, lorsqu’ils sont dotés des mauvais
déterminants institutionnels, les réformes ne réussiront pas et le ces pays resterons bloqués dans des pièges à sous développement lié à la
défaillance institutionnelle. Schématiquement, ce modèle démontre (1) qu’à chaque design institutionnel correspond une qualité
institutionnelle et à un niveau de développement économique, (2) que les pays dotés des bonnes institutions sont placés sur un sentier de
dépendance qui les protège du sous-développement, (3) que les pays dotés par des mauvaises institutions sont enfermés dans un trappe à
pauvreté et (4) que les réformes institutionnelles sont toujours inspirées par le design institutionnel initial. Enfin, ce travail analyse les
régimes de croissance de quelques pays en développement depuis 1950 jusqu’en 2000. A partir de cette longue analyse il montre aux travers
les politiques d’aide publique au développement et/ou la politique d’ajustement que les voies de sortie de la pauvreté sont souvent parsemées
d’embûches institutionnelles, qui vont bien au-delà de simples défaillances dans la dotation de facteurs et dont la résolution exige bien plus
que de simples apports d’aide étrangère, ou même d’augmentation de l’épargne interne.
Mots clés : Institutions, réforme, irréversibilité du développement économique, quasi-réversibilité du sous-développement, politiques
publiques, pays en développement.
Abstract
This work examines the causes of economic development and its insufficiency. It shows that the set of institutions which has an economy is
the main source of economic progress. It develops a theoretical model that demonstrates that when countries reform their institutions, they
create opportunities for development irreversible however, when they are ill-equipped critical institutional reforms will fail and these
countries remain trapped in traps Slot development related to institutional failure. Finally, this work examines the patterns of growth of some
developing countries since 1950 until 2000. From this extensive analysis shows it through the policies of official development assistance and
/ or policy adjustment as ways out of poverty are often interspersed with institutional obstacles that go far beyond simple failures in
allocation of factors whose resolution requires more than simple transfers of foreign aid, or even increase domestic savings.
INTRODUCTION
L’idée que les facteurs accumulables au sens larges (démographie, épargne, capital physique et capital
humain ) ne sont pas les seuls déterminants1 importants des résultats économiques et que d’autres facteurs (tels
que les institutions, l'histoire, les questions de répartition, culture…)2 sont pertinents pour le développement
économique à long terme, est certainement la proposition la plus importante qui ressort de la théorie économique
actuelle.
Ce travail formalise la façon dont l’évolution des institutions crée les conditions d’un développement
irréversible et d’un sous-développement quasi-réversible. Il démontre à partir d’un modèle théorique de
présentation graphique comme les pays qui réforment leurs institutions afin de sortir du sous-développement
avaient des pré-requis institutionnels favorables. A l’inverse les pays qui ne réussissent pas à découvrir les
bonnes institutions pour le progrès matériel de leurs populations sont caractérisés par l’absence de ces préalables.
Le changement institutionnel est modelé et contraint par les processus de décision passés et détermine les
trajectoires futures. Cela signifie qu’une fois les bonnes institutions découvertes il existe un processus cumulatif
à la fois d’un point de vue statique ; les bonnes institutions existent, et dynamique ; les bonnes institutions
réussissent à s’adapter aux situations nouvelles parce qu’elles sont bonnes. Inversement les mauvaises
institutions le sont intrinséquement et qu’elles changent toujours dans la mauvaise direction.
Ce travail se place donc ouvertement dans la théorie néo-institutionnaliste du développement et reprend
la problématique définie par North (1991). Il accepte de différencier les institutions formelles et informelles et
situe sa réflexion dans l’histoire longue. Les institutions servent dans ce contexte à réduire l’incertitude et à
faciliter la coordination des agents. Elles sont définies comme un système incitatif qui favorise ou non l’activité
productive des entrepreneurs.
Le raisonnement est alors le suivant. La première section de ce travail montre les raisons qui conduisent
à supposer que le développement est irréversible. La deuxième section explique pourquoi de manière assez
similaire le sous-développement est quasi-réversible. L’originalité de l’analyse consiste alors dans une troisième
section à utiliser un modèle graphique pour formaliser et expliquer les conditions d’irréversibilité et de quasiirréversibilité du développement et du sous-développement. Pour que ce modèle puisse s’appliquer
empiriquement, la quatrième partie étudie la dynamique du PIB d’un sous-ensemble de pays en développement
qui étaient initialement pauvres avec de faibles niveaux de développement comparables dans les années 1950,
mais qui ont divergé : certains d’entre eux ont réalisés des progrès très impressionnants (par exemple les pays
d’Asie, ont réussi à s’en sortir pour éventuellement atteindre des produits intérieurs bruts par personne
comparables à ceux des pays industrialisés), alors que d’autres régions pauvres ont subi un échec économique
tout aussi impressionnant (par exemple les pays d’Afrique au sud du Sahara, sont restées sous-développées).
1 La théorie traditionnelle de la croissance (Solow, 1956) explique les différences de revenues per capita en termes d’accumulation des
facteurs de production. Les différences entre pays sont dues aux différences de taux d’épargne ou à des facteurs exogènes, tels que la
croissance de la PTF. La nouvelle théorie de la croissance (e.g. Romer, 1986; Lucas, 1988) rendent endogène la croissance et le progrès
technologique, mais les explications pour différences de revenus sont les mêmes. Un pays sera plus prospère qu’un autre s’il alloue plus de
ressources à l’innovation (dû aux préférences ou à la technologie pour créer des idées). Ces théories donnent plusieurs indications sur
processus de croissance, mais ne donnent pas d’explications sur les causes fondamentales du développement et de son insuffisance.
2
Le terme institution est employé souvent dans ce travail pour désigner cet ensemble de déterminants fondamentaux.
2
L’idée ici est que ces pays pauvres ont stagné parce qu’ils sont enfermés dans un équilibre bas à cause des
défaillances institutionnelle et qu’une réforme en profondeur3 (considérée comme « grande impulsion ») serait
nécessaire pour les sortir de la pauvreté. Enfin la conclusion de ce travail fournit quelques conclusions pour la
réussite de réformes.
3
Une réforme est dite en profondeur lorsqu’elle « change la nature comportementale des agents, permettra de résoudre des obstacles
au développement. Par exemple l’établissement d’une loi qui est destinée à modifier la répartition de la riche d’une société ou une régulation
qui résout les problèmes de free-rider. Lorsque réformes ne se font pas «en profondeur», au sens précédemment défini, elles sont dites alors
en surface, non seulement leurs effets peuvent se trouver neutralisés selon un processus de fongibilité politique, mais elles peuvent
réellement être néfastes, du moins à certains égards. Et, enfin de compte, l’évolution de développement économique s’en trouve stagné
(décru), puisque cette évolution est bloquée par la mauvaise qualité des institutions.
3
1 Durabilité et irréversibilité du développement économique
La science économique s’est depuis longtemps enrichie de concepts issus d’autres disciplines : qu’un
concept voyage d’une discipline à une autre, il n’y a là rien de très original. Les concepts d’irréversibilité et de
réversibilité utilisés ici sont ainsi empruntés à la mécanique physique.
Une situation est irréversible lorsqu’elle échappe à la stratégie des acteurs. Des persistances, des
nouvelles mœurs, de nouvelles habitudes, de nouveaux usages, des tendances lourdes limitent et façonnent les
marges de manœuvre dont disposent les agents. Une fois qu’un pays à trouver ses bonnes institutions pour le
développement (bonne équilibre) il place sa population dans une tel situation. Le cadre institutionnel bloque les
retours en arrière. Il incite les individus à investir dans des activités de recherche de profit et à participer à la vie
économique. Il limite l’action des élites, des politiciens et des groupes d’intérêt. Il empêche les prédateurs de
développer leurs activités. Il entraîne un processus de progrès économique qu’on ne peut pas renverser.
L’histoire de l’Europe peut illustrer cette réalité. Elle montre, aussi, la capacité de ce continent à s’adapter, à
trouver les moyens de s’entendre pour surmonter les guerres, les conflits nationalistes, etc. Il existerait, en ce
sens, un processus cumulatif dans lequel le changement institution va de pair avec les normes, les mœurs, les
coutumes, l’histoire, et les croyances des peuples.
Dans cette conception, le développement économique est indissociable d’une transformation très
largement irréversible des institutions. Le changement des institutions est donc conçu comme supérieur à
l’ensemble des sources de développement, de sorte qu’il marque une étape dans un mouvement réputé
irréversible.
Si l’émergence et le changement des institutionnels rendent le développement économique irréversible,
la défaillance institutionnelle engendre des pièges de sous développement qui empêchent développement des
pays pauvres.
2 Quasi-réversibilité du sous-développement : l’existence d’une trappe à sous-développement
Le même phénomène d’irréversibilité existe pour le sous-développement et le chaos. Le chaos
économique et social est le fait d’une conjonction de facteurs culturels, historique, et institutionnels. La quasiréversibilité de sous développement se définit par l’opposition à une conception stricte de l’irréversibilité du
développement. Un sous développement sera dit quasi-réversible ou « quasi-statique4 » si tout progrès ou toute
transformation opérée pendant une période donnée, peut être annulée par l’amplification des mauvaises
institutions et ses déterminants. Nous soutenons ainsi qu’un pays pauvre ne peut pas sortir de la pauvreté sans
un choc qui touche l’ensemble des caractéristiques de son design institutionnel.
4
Nous préférons utiliser l’expression « quasi-statique » à la place de réversible car en physique (thermodynamique), la notion de
réversibilité mélange plusieurs aspects qui sont difficilement adaptables dans le cadre du présent travail.
4
Pour soutenir cette thèse nous nous plaçons dans le cadre de la théorie de l’équilibre institutionnel et
reprenons l’idée d’une trappe à sous-développement, d’un piège. Certain pays serait piégé par leur histoire ou
leur dépendance du chemin suivi5.
En dehors des autres facteurs l’histoire détermine aussi les résultats économiques à travers d'autres
facteurs6. De l'histoire d'une société dépendent sa technologie, le savoir-faire de ses masses laborieuses et ses
institutions. L'impact des événements passes ne s'amenuise pas toujours avec le temps. Parfois, ces événements
conditionnent un état stable particulier de l'économie.
L'histoire conditionne aussi les résultats à travers les croyances. Un exemple évident est celui des
anticipations (au moins en partie) projectives: le fait de s'attendre a ce que les gens se comportent a l'avenir
comme ils se sont comportés dans le passé. Cependant, même si les anticipations sont tout à fait rationnelles,
l'ombre de l'histoire peut rester vivace. Ainsi, par exemple, les révélations de la corruption ou des escroqueries
impliquant un certain nombre de dirigeants africains (Mobutu du Zaïre, Bokassa de la Centre Afrique, Bongo du
Gabon, Eyadema du Togo,…) ont dégradé la réputation de tout le continent africain. L’idée est qu’une telle
situation a amoindri la motivation de chaque dirigeant africain à se comporter honnêtement dans l'avenir. En
suivant Tirole (1996) nous suppose que la réputation d'un membre du groupe (par exemple un ministre au sein
d'un gouvernement africain) dépend de son propre comportement passé, et aussi, sachant que l'on scrute son
parcours avec attention, du comportement passé du groupe. Une révélation sur un comportement malhonnête,
dans le passé, de la part d'un membre quelconque du gouvernement, fera que tout agent mettra davantage de
temps pour gagner une réputation d'honnêteté. Ce qui réduira la motivation de l'individu à être honnête, et pourra
créer un cercle vicieux de corruption dans lequel « les nouveaux membres d'un gouvernement ou d’une
administration risquent de souffrir a cause du pèche originel de leurs ainés, bien après que ces derniers ne soient
plus là ».
Cette notion des pièges de sous développement n’est pas nouvelle, elle a émergé au tout début de la
littérature sur l’économie du développement, et est associée en particulier aux contributions initiales de Young
(1928), Rosenstein-Rodan (1943) et Nurkse (1953). Ensuite, cette hypothèse a été explorée par les analystes de
la croissance étudiant la notion de « clubs de convergence » à la suite des contributions empiriques
d’Abramovitz (1986) et de Baumol (1986). Enfin, elle est devenue à la mode, et est maintenant connue comme
l’hypothèse de « trappe à pauvreté » (Kraay et Radatz, 2005).
La tendance naturelle d’un pays ayant de mauvaises institutions est de toujours revenir vers la trappe de
pauvreté, même si de bonnes réformes ont été menées. Cette trappe à pauvreté trouve, dans notre schéma
institutionnaliste son origine dans ce qui ressemble à une trappe institutionnelle. Les institutions empêchent les
bonnes réformes de se développer. Ils pervertissent toutes les actions qui sont engagées dans le pays. Elles
corrompent.
5
6
L’idée est que la valeur d'une variable dans le futur dépend de sa valeur dans le passe.
Si l'histoire compte, c'est aussi parce qu'elle conditionne la confrontation aux modèles culturels, laquelle façonne les préférences. Des
changements intervenant dans la manière dont les membres d'une génération gagnent leur vie peuvent avoir une influence sur la génération
suivante, sur sa manière d'élever les enfants, sur l'éducation scolaire, sur les règles informelles d'apprentissage telles que le conformisme, sur
les modèles et sur les normes sociales.
5
L’exemple le plus étudié est l’échec des politiques de développement de la banque mondiale. Ces
réformes ont été menées au début des années 1980, avec pour objectif principal la réduction des déséquilibres
macro-économique et, par voie de conséquence, promouvoir la croissance et améliorer le bien-être total. Tout au
début des réformes, la plupart des pays en développement aidés financièrement ont enregistré des performances,
cependant, comme l’ajustement structurel prend du temps et le comportement des élites politiques qui utilisent
l’Etat comme leur arène pour l’action et leur source de pouvoir, de statut, de rente et autres formes de richesses ;
ces réformes se sont avérées plus mauvaises.
Le principe de quasi-réversibilité du sous-développement trouve, dans ces conditions, sa source dans un
manque de crédibilité de l’engagement de l’Etat. Il vient contredire l’idée que l’on peut acheter la réforme en
compensant les perdants.
Dans les travaux récents, toute réforme crée des gagnants et des perdants (Bardhan, 2007). Elle crée une
tendance au statu-quo, la déviance par rapport aux objectifs de la réforme. En effet, les économistes ont
naïvement calculé les bénéfices et les pertes d’un changement institutionnel en termes purement économiques
(Stiglitz, 2003). Ils pensaient que dans une société démocratique, les processus politiques peuvent permettre
certainement n'importe quelle amélioration au sens de Pareto et de ce fait, de telles réformes devraient faire
l'unanimité. Des distorsions pourraient se produire si un groupe tentait de forcer le mouvement pour améliorer
son bien-être aux dépens des autres, mais de telles distorsions seraient probablement neutralisées par le
processus politique, qui une fois encore induirait un déplacement selon la courbe d'utilité. Il ne semble pas
comme disent Hoff et Stiglitz (2004) que les choses se passent ainsi : certains changements peuvent être bloqués
pour avoir impliqués essentiellement une redistribution de la rente politique et certains des acteurs les plus
importants pourraient être prêts à renoncer à un gain économique pourvu qu’ils puissent conserver leur pouvoir
politique. Stiglitz, (1998) démontre que « les agents qui participent au processus politique anticipent
rationnellement les conséquences de toute action, et ces conséquences ne se limitent pas nécessairement aux
effets immédiats : c'est à travers la dynamique politique que se font les anticipations ». Dans cette perspective, le
facteur politique apparaît comme le principal obstacle à l’obtention d’éventuels bénéfices des réformes
institutionnelles. Ces facteurs limitent la marge de manœuvre du gouvernement et rendent les réformes difficiles
car, les agents comparent leur situation actuelle avec celle à laquelle le processus politique a des chances de les
conduire. Les perdants ressentent la peur lorsqu’ils renoncent à une institution existante, dans le sens où ils
peuvent perdre le locus standi nécessaire pour faire pression sur un futur gouvernement en cas de promesses non
tenues (le “retrait” d’un arrangement institutionnel existant, portant ainsi atteinte à leur capacité de pression à
terme dans le nouveau régime), raison pour laquelle ils se refusent maintenant à un changement qui pourrait être
une amélioration Paréto efficace (dans le sens où les gagnants pourraient compenser les perdants).
Notre analyse est plus générale. Elle pense que c’est l’ensemble du design institutionnel qui conduit aux
blocages et aux dysfonctionnements des réformes. Elle soutient (1) qu’à chaque design institutionnel correspond
une qualité institutionnelle et à un niveau de développement économique, (2) que les pays dotés des bonnes
institutions sont placés sur un sentier de dépendance qui les protège du sous-développement, (3) que les pays
6
dotés par des mauvaises institutions sont enfermés dans un trappe à pauvreté et (4) que les réformes
institutionnelles sont toujours inspirées par le design institutionnel initial. L’objectif de la section qui suit est
alors de préciser les trajectoires de ces deux modèles de développement.
3 Modélisation graphique de l’irréversibilité et de la quasi-reversibilité
La théorie de l’irréversibilité du développement et de la quasi-réversibilité du sous-développement se
distingue des modèles de croissance (exogène et endogène) et pose les bases d’une réflexion approfondie sur le
notion de choc. Le choc est en effet la seule figure capable de sortir un pays de l’irréversibilité. Il ne suffit pas de
donner un coup de pied dans la fourmilière, car cette dernière va se reconstituer. C’est la figure de la réforme
classique. Il faut trouver des moyens différents pour susciter la découverte des bonnes institutions dans un pays
qui est institutionnellement mal doté.
Pour préciser notre théorie nous allons proposer une représentation graphique. Elle nous permettra de
décrire différents scénarios et de progresser.
Les axes horizontaux de la figure 1 montrent le niveau du développement économique, représenté ici
par le DE, tandis que les axes verticaux indiquent l’évolution ou tout simplement la variation de qualité de
bonnes (figure 1a) mauvaises (figure 1b) institutions à l’état stationnaire.
La courbe (figure 1a) dont la pente est positive DE représente le niveau de développement à l’état
stationnaire en fonction de meilleure qualité institutionnelle à l’état stationnaire. Formellement, cette courbe rend
copte de l’équation de développement, selon laquelle le niveau du développement à l’état stationnaire est une
fonction croissante de niveau de la qualité institutionnelle.
La courbe DE (figure 1b), dont la pente est négative, représente, le développement économique à l’état
stationnaire par habitant. La courbe à pente positive, QMI représente le niveau de mauvaise qualité des
institutions et autres facteurs à l’état stationnaire. Intuitivement, il facile de comprendre que plus la qualité de ces
facteurs est mauvaise, plus la performance économique est inefficace, et donc, moins important est le DE par
personne. A l’intersession de ces deux courbes DE et QMI, se trouve le taux d’équilibre du développement à
long terme de l’économie, qui dépend non seulement du taux global d’épargne, mais surtout avant toute chose,
de variables institutionnelles, culturelles, historiques et sociales.
Figure1
Relation entre qualité institutionnelle et développement économique
7
QBI
A
B
Plus précisément, considérons une économie dans laquelle les variables déterminant le niveau de
développement de l’économie jouent un rôle d’un vecteur M de variables d’état. Ces variables d’état sont
considérés comme étant plusieurs facteurs institutionnels et culturels. La dynamique de cette économie est
décrite par un système d’équations différentielles :
(1)
Cette fonction peut être exprimée sous forme intensive, comme suit
(2)
Si f(m) est une fonction monotone décroissante, il n’y a qu’un seul état stationnaire dynamiquement stable, qui
définit un niveau de développement commun vers lequel toutes les économies devraient converger. Cependant,
si elle n’est pas monotone, il y a potentiellement plusieurs états stationnaires, comme le montre la figure 2. Sous
cette hypothèse de multiples équilibres multiples, la condition f(m) = 0, qui décrit les états stationnaires, a n
. La figure 2 représente le diagramme de sous développement (décroissance,
solutions, appelées
stagnation)/ et de développement (croissance, progrès économique) avec une courbe
en trait plein qui
reflète l’évolution de la mauvaise qualité des facteurs institutionnels, culturels, historique…. Cette courbe décrit
une situation dans laquelle il y a deux états stationnaires stables (
équilibres instables (
et
et
), ces équilibres alternent avec deux
).
Figure 2
Equilibre multiple et cycles de réforme institutionnelle
8
On suppose ensuite que l’économie ne se développe que son niveau de qualité institutionnelle est
supérieur à un seuil,
. C’est le seuil d’insuffisance institutionnelle ou subsistance d’une économie. En effet,
lorsque les économies sont très pauvres, elles ne se développent pas pour la simple raison qu’elles s’organisent
absolument en fonction de leur mauvaise qualité institutionnelle pour satisfaire l’activité économique de base.
Le seul
est supposé fixé. Lorsque le design (niveau) institutionnel,
est inférieur à ce seul, le
développement économique est nul. Le progrès économique décroit par rapport au design institutionnel requis et
par conséquent, le revenu et le capital par tête décroissent au taux de l’investissement requis. Inversement,
lorsque le niveau de qualité institutionnelle,
est supérieur au seuil
, le développement économique devient
positif. Le développement économique est une fonction croissante de la qualité institutionnelle,
. La fonction
du développement humain est définie de la manière suivante :
(3)
En d’autre termes, le développement devient strictement positif si et seulement si la qualité institutionnelle,
est supérieure au seul
Le développement économique augmente avec une bonne qualité des institutions donc
et baisse avec une mauvaise qualité des institutions, c’est-à-dire,
minimal
. Il existe donc un seul
de design institutionnel pour que l’économie croisse à un taux positif et connaisse un
développement irréversible et
soutenu à long terme.
Ce seuil
est appelé le seuil de piège de sous
développement lié à la qualité institutionnelle. L’économie est prise au piège de sous développement lorsque son
design institutionnel est inférieur à ce seuil. Au-delà de
, l’économie peut décoller en fonction surtout de
l’efficacité d’émergence et changement institutionnels mis en œuvre par les autorités et elle ne reviendra plus à
son état initial de sous développement, c’est l’irréversibilité du développement.
En revanche, une économie dont le design institutionnel est compris entre
et
bien qu’elle ne soit
pas extrêmement pauvre, est prise au piège de sous développement. Elle ne pourra pas donc décoller sans
réforme et son taux de développement économique sera négatif et à terme, elle deviendra aussi extrêmement
pauvre. Dans ce modèle nous considérons que tous les pays en développement étaient situés dans les années
1950 entre ces deux niveaux de qualité institutionnelle, c’est-à-dire ils étaient initialement pauvres, mais
quelques régions par exemple l’Asie, ont mis en œuvre des réformes en profondeur depuis cette date
jusqu’aujourd’hui et ont réussi à s’en sortir pour éventuellement atteindre des niveaux développement
comparables à ceux des pays industrialisés, alors que d’autres régions pauvres, par exemple l’Afrique, n’ont pas
crée des bonnes institutions ni changé les anciennes institutions coloniale et ainsi sont restées sous-développées.
Enfin, pour un niveau de design institutionnel inférieur à
l’économie reste extrêmement pauvre et ne
pourra jamais décoller parce qu’elle évolue avec les institutions totalement déficientes. L’économie peut croitre
9
jusqu’à
mais, elle retournera à son état initial de sous développement. Les deux derniers cas constituent le
caractère réversible du sous développement lié à la défaillance institutionnelle.
Nous avons supposé que le développement économique est fonction de la qualité des institutions.
Formellement on a :
(4)
C’est-à-dire, qu’il y a au moins n solutions à l’équation
(5)
La figure 3 montre une courbe en train plein qui reflète l’évolution du développement économique par
de la figure 2 mais, la variable
habitant. Elle a la même allure que la courbe de la qualité institutionnelle,
d’état m est simplement remplacée par
. Sous l’hypothèse de multiples équilibres multiples, la condition
, qui décrit les états stationnaires, a n solutions, appelées à
à
. On en déduit alors plusieurs
cycles de développement économique à la place des équilibres multiples.
Figure 3
Cycles de développement économique
Sur cette figure 3 nous observons que la courbe DE croise d’abord la ligne SQI et descend jusqu’à la
valeur d’état régulier
(équilibre stable). Cet état régulier a les propriétés suivantes : la partie de la courbe
située au dessus de la ligne (à droite), SQI suppose qu’avant l’indépendance tous les PVD avaient en moyenne
des bonnes institutions et de ce fait avaient tous enregistré des progrès économiques. Par exemple, la quasitotalité les pays d’Afrique avaient une croissance positive entre 1930 et 1955 (Madison) . En suite la courbe
connaît un intervalle avec une pente négative. L’une des explications que nous proposons pour rendre compte de
ce profil de DE, est que les institutions pendant la colonisation étaient favorables au type du développement
économique de cette époque. La question pertinente est de savoir, si ces institutions étaient meilleures et
déterminantes pour la prospérité économique pourquoi la plupart de sociétés indépendantes se sont dotées-elles
de ces mêmes institutions et organisations (de la coloniales) ou se sont retrouvées-elles avec de mauvaises
institutions? De plus, pourquoi de telles institutions ont-elles persisté longtemps après que leurs conséquences
10
désastreuses sont apparentes? Est-ce un accident de l’histoire ou le résultat d’idées fausses ou d’erreurs des
sociétés ou de leurs décideurs? Ces questionnements montrent que rien ne porte à croire que les sociétés
graviteront naturellement vers de bonnes institutions.
L’absence de gravitation naturelle vers de bonnes institutions est illustrée par la pérennité des
mauvaises institutions. La constance des institutions et l’éventuel refus aux réformes ne signifient pas que les
institutions n’évoluent pas. Les institutions changent souvent de manière considérable, et même des institutions
dysfonctionnelles peuvent être métamorphosées avec succès.
Ainsi, nous supposons que des réformes sont entreprises dans notre économie. Celles-ci entraînent des
performances économiques ou des rendements croissants qui, à leur tour améliorent le développement
économique pour que la courbe DE finisse par monter jusqu’à ce qu’elle croisse à nouveau la ligne SQI, à la
valeur d’état régulier
Toutefois, cet équilibre est instable, parce qu’il y a des mauvais déterminants
institutionnels qui, empêchent l’économie à se stabiliser sur cet état régulier moyen et entraînent des rendements
décroissants qui à leur tour ramènent l’économie à son état régulier bas et stable. Ces déterminants ne favorisent
pas les réformes en profondeur susceptibles de transformer l’économie d’un équilibre bas vers un autre équilibre
haut. Nous avons cité plusieurs exemples qui montrent que le niveau des inégalités, les divisions ethniques, la
dictature prédatrice et formation de groupe d’intérêt peuvent empêcher les réformes même lorsqu’elles semblent
être des améliorations au sens de Pareto. Donc, si l’économie débute avec un niveau élevé de mauvaise qualité
institutionnelle
, qui correspond dans la figure 3 à
naturelle est de revenir vers la trappe à mauvaise institution, en
, sa tendance
correspondant en
et tant que
cette économie ne réussira pas à réformer ses pièges de défaillance institutionnelle, elle restera pauvre infiniment
(réversibilité de sous développement).
Enfin, la partie en pointillée est tracée dans l’hypothèse contraire où
tend à accroître davantage pour
atteindre la valeur positive qui excède SQI. Dans ce cas, l’économie peut connaître un développement
économique à l’état régulier (à long terme) et ne retournera plus vers les pièges de sous développement, comme
indique sur la figure 3.
A ce stade d’analyse, nous avons élaboré un cadre théorique qui peut expliquer l’irréversibilité du
développement et la quasi-irréversibilité du sous-développement en élaborant une théorie de la dépendance aux
dotations initiales. Nous souhaitons pour confirmer notre thèse dans ce travail, montrer comment il pourrait
rendre compte de la situation économique et sociale des pays qui ont souffert de faibles niveaux de
développement comparables dans les années 1950, mais qui ont divergé : certains d’entre eux ont réalisés des
progrès très impressionnants, d’autres ont subi un échec économique tout aussi impressionnant, (en particulier
les pays qui ont vue leur IDH reculer sur la période 1975 – 2002). Car l’objectif ultime de cette recherche est de
comprendre comment tant de maux (épidémie, guerre, coup d’Etat, faillite, pauvreté, exode, corruption etc.) ne
peuvent pas être limité et de s’interroger sur le degré de réversibilité du sous-développement.
4 Exemples des réussites et échecs des politiques en fonction des réformes institutionnelles
11
Nous analysons
les mouvements de croissance observée dans un certain nombre des pays en
développement en utilisant les séries temporelles annuelles construites par Maddison (2003) et de Programmes
de Nations Unies pour le Développement (2002). Dans ces séries nous utilisons une base de données de 70 pays
en développement avec des séries complètes de PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat disponibles pour
l’ensemble de la période 1950-2000. L’utilisation des séries temporelles aussi longue que possible est un
avantage dans le sens où on s’intéresse par les observations des performances économiques des pays qui avaient
initialement le même niveau de développement mais qui ont pris par la suite des trajectoires de croissance
différentes.
Les tableaux 1 en annexe recensent les régimes de croissance de ces 70 pays en développement
respectivement pour 45 pays d’Afrique, 14 d’Asie et de Moyen-Orient, et 4 d’Amérique Latine)7. Dans la
première colonne, nous reportons pour chaque pays le taux de croissance moyen calculé sur l’ensemble de la
période pour laquelle les données sont disponibles. Dans les deuxième et troisième colonnes, nous reproduisons
le PIB par habitant moyen pour les décennies 1950 et 2000 respectivement. Le PIB de chaque pays pour les
décennies 1960 et 2000 est retracé dans la quatrième colonne. Nous calculons le nombre de pics de croissance
mis en évidence sur l’ensemble de la période d’observation. Les pics de croissance sont déterminés ici par une
méthode non paramétrique simple, fondée principalement sur l’observation des élutions de croissance (courbes)
pour les différents pays. Et à la suite Berthélemy8 un pic de croissance est définie comme « un épisode où (i) la
croissance s’accélère pendant au moins 7 années consécutives ; (ii) la croissance est positive tout au long de
cette même période ; et (iii) la croissance atteint son maximum à un rythme d’au moins 3,5 points de
pourcentage ».
A partir de cette définition de pic de croissance, nous identifions trois caractéristiques des régimes de
croissance. D’abord, nous remarquons les cas où certains pays enregistrent au moins 2 pics de croissances. Ce
groupe compte 12 pays dont 8 de l’Asie et Moyen-Orient (Corée du Sud, Taiwan, Thaïlande, Myanmar,
Indonésie, Sir Lanka, Chine et Inde), 1 de l’Amérique Latine (République Dominicaine) et 3 de l’Afrique
(Botswana, Lesotho et Tunisie). Ces économies ont tous un sentier de croissance présentant des accélérations
cycliques, plutôt qu’une seule accélération de croissance. Ces performances économiques sont les résultants des
réformes institutionnelles.
Ensuite, il y a les cas où les des pays ont connu qu’un pic de croissance. Nombreux de ces pays n’ont
obtenu que des performances de croissance moyennes depuis 1950. Leurs taux de croissance ont crû à un rythme
faible que les pays développés. Cette situation implique que le retard des pays ayant connu des pics de croissance
uniques par rapport aux pays développés s’est creusé au cours du temps au lieu de diminuer.
7
Le lecteur remarquerait que dans notre base des données il n’y figure pas pour des simples raisons suivantes :
les économies en transitions d’Europe de l’Est et d’Asie Centrale ont complètement changé avec la fin du communisme et
l’évolution de l’Union européenne (pour les pays d’Europe de l’Est) ;
les données ne sont pas de bonne qualité pour quelques pays d’Afrique ;
- Hong-Kong et Singapour n’y figurent pas car ces deux économies ont bénéficiés en tant que centres d’affaires des conditions
spécifiques favorables qui
8
Berthélemy (2006), lbid.
12
Enfin, nous observons les situations où les pays n’ont connu aucun pic. Elles se caractérisent par
l’absence de progrès économique depuis 1950. La plupart de ces pays souffrent de cercle vicieux de sousdéveloppement car l’économie stagne de manière cyclique autour de son niveau initial.
Nous regroupons les deux derniers cas dans un sous ensemble de pays qui ont stagné depuis 1950. La
suite de la section consistera à comparer deux groupes de pays : un ensemble constitué des pays qui ont connu au
moins 2 pics de croissances et un autre formé des pays qu’ont enregistré aucun ou 1 pic de croissance. Enfin, la
dernière caractéristique majeure de notre base de données est que le PIB de tous les pays était en moyenne
inférieur ou égal à 1600 dollars américains dans les années 1950. Ce critère nous permet d’éviter de comparer
des pays avec des niveaux de développement initiaux différents, si nous avions reporté tous les pays en
développement dans notre base de données.
En raison d’une part, d’insuffisance des données pour la plupart pays de pays qui n’ont pas connu de
progrès significatif et d’autre part, parce que les pics de croissance initiaux ont généralement été observés, dans
les pays à pics de croissance multiples, dans les années 1960 ou au plus tard au début des années 1970 (voir le
tableau en annexe), nous traitons ici des données caractérisant le potentiel de croissance des deux groupes de
pays au début de la décennie 1960, c’est-à-dire juste avant le décollage des économies émergentes.
Selon la conception néoclassique du développement (on l’a déjà dit), le taux d’épargne est une fonction
du niveau de développement. La cause fondamentale de sous développement est l’insuffisance de l’épargne qui
contraint l’investissement et donc le revenu et le capital par tête à rester faible. Les pays pauvres ont de taux
d’épargne faible et leur économie est ainsi prise au piège de sous développement. Cette conception n’est pas
cohérente avec les expériences économiques des pays en développement. Malgré leurs faibles niveaux d’épargne
et relativement similaires dans les années 50, certains pays qui avaient initialement des faibles niveaux
d’épargne, par exemple les pays d’Asie, ont réussi à sauter les pièges de sous développement, alors que d’autres
pays à faible niveau d’épargne, par exemple ceux d’Afrique, sont resté sous-développés. Dans le tableau 3 nous
reportons les ratios d’investissement et d’épargne calculés par Berthélemy en 2006 sur les bases de données de
Maddison 2003. Ces données indiquent que la similarité de nos deux groupes de pays en 1960. En effet, les pays
dans le premier groupe, avec des pics de croissance multiples, n’ont pas eu de ratios d’investissement
impressionnants jusqu’à la fin des années 1960, et étaient comparables sur ce point aux autres pays pauvres. Le
financement externe de l’investissement, approximé ici par la différence entre la formation brute de capital fixe
et l’épargne intérieure brute, a été en moyenne plus favorable dans le premier groupe de pays que dans le second.
Cette différence est cependant due uniquement à la Corée du Sud, qui a reçu une aide externe
significative de la part des États-Unis jusqu’au début des années 1970, et au Botswana, qui avait une épargne
faible mais une aide étrangère significative ainsi que des investissements dans l’industrie minière en provenance
d’Afrique du Sud. La question la plus pertinente est de savoir pourquoi ces pays ont réussi plus d’aides que les
autres. La raison est pour nous du coté des réformes institutionnelles que ces économies ont en œuvre.
Le cas de Botswana est l’exemple remarquable qui montre que les institutions évoluent souvent de
manière notable, et même des institutions fort dysfonctionnelles peuvent être transformées avec succès. Ainsi,
13
cette ex-colonie britannique
a réussi à mettre en place des institutions politiques (liberté politique) et
économiques (liberté économique) efficaces après son indépendance et il est devenu le pays dont la croissance
est la plus rapide du monde et parmi les rares pays les plus riche d’Afrique. De plus, l’histoire nous renseigne
encore qu’à la fin de la guerre de Corée en 1953, les deux Corées étaient similaires. Ils avaient même
ressources naturelles, même niveau de capital humain, même revenu par tête, même culture issue de 1300 années
d'histoire commune. Les deux Corée se sont dotées d'institutions radicalement différentes à cette époque : une
économie de marché pour la Corée du Sud, une autre, économie planifiée pour la Corée du Nord. En 2000, le
revenu par tête de la Corée du Sud était 16 fois celui de la Corée du Nord (Madison, 2002). Enfin, il y a aucun
doute que l’émergence et le changement institutionnels étaient à l’origine des réussites spectaculaires,
majoritairement des pays d’Asie de l’Est : le premier pays a été le Japon, dont l’industrialisation a démarré au
XIXe siècle, la Corée du Sud, Singapour, la Chine et Hong Kong ayant suivi après la Seconde Guerre mondiale.
Dans tous ces pays excepté à Hong Kong, les institutions ont joué un rôle très actif dans le choix des décisions
des agents économiques.
Tableau 1 : Ratios d’investissement et d’épargne (moyenne par groupe, en %)
Ratio de la formation brute de
Ratio de la formation de capital fixe
capital fixe sur le PIB
moins l’épargne intérieure brute sur le
PIB
1960
1965
1970
1960
1965
1970
Groupe avec pics de croissance
11.9
17.7
20.1
0.5
5.0
6.2
multiples (à développement
(1.2)
(6.4)
(6.7)
(7.1)
(10.9)
(7.3)
Groupe avec aucun ou pic de
11.8
13.4
14.8
-0.3
-0.6
-2.0
croissance (à sous développement
(4.6)
(4.7)
(5.9)
(1.1)
(2.7)
(15.1)
irréversible)
quasi-réversible)
Source : Berthélemy et basés sur les World Development Indicators de la Banque Mondiale
Note : écart-type entre parenthèses.
Donc, il n’y a aucun signe dans les données disponibles que les performances élevées des pays qui ont
décollé dans les années 1960 étaient dues initialement à un saut hors d’un piège d’insuffisance de l’épargne :
même si dans de tels pays des taux d’épargne et d’investissement très élevés sont survenus plus tard, ce n’était
pas le cas dans les années 1960.
Depuis 1970 certains faits de base des taux d’épargne montrent les pays pauvres ont en particuliers
africains ont bénéficié des transferts de fonds considérables mais le continent africain restent toujours pauvre.
Le montant d’aides publiques que les pays africains ont bénéficié est estimé à plusieurs milliards de dollars. Par
ailleurs, selon un rapport de l’International Fund for Agriculture Development (IFAD) publié le 22 octobre 2009,
les émigrés africains transfèrent chaque année 40 milliards de dollars (soit 26,7 milliards d’euros) dans leurs
pays d’origine.
14
Si on prend en compte tous ces fonds, rien dans ces fais ne confirme donc la conception néoclassique de
la cause fondamentale de l’insuffisance de développement, c’est-à-dire la pénurie d’épargne.
Cette analyse peut être compléter par les résultats mitigés des prêts d’ajustement. Et la question qu’on
se pose ici est alors de savoir si la source fondamentale de l’insuffisance de développement ou simplement si le
« virus de la maladie », sous développement était une pénurie de capital, alors pourquoi les transferts de fonds
des pays riches vers les pays pauvres qu’on peut considérer comment le traitement de cette maladie n’ont pas
réussi à traiter celle-ci dans tous les pays pauvres avant? Pourquoi les économies émergentes ont-elles réussi
leurs programmes d’ajustement et à échapper aux pièges de défaillance institutionnelle ?
L’expérience des programmes de stabilisation économique et les effets des politiques d’aide sur les pays
en développement ont montré que la réussite et l’échec de ceux-ci dépendent de la qualité institutionnelle.
C’est ce que nous allons montrer à travers quelques exemples des réussites et des échecs tirés du livre de
William Easterly (2006) intitulé «Les pays pauvres sont-ils condamnés à le rester ? »9 et de l’article de Hoff et
Stiglizt (2003) « La théorie économique actuelle et le développement »
Au cours des années 1980, la Banque mondiale et le FMI ont octroyé en moyenne 6 prêts d’ajustement
à chaque pays africain, 5 prêts à chaque pays d’Amérique latine, 4 à chaque pays d’Asie et 3 à chaque pays
d’Europe de l’Est, d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient (Easterly, 2006). Malgré ce traitement identique pour
tous les pays en développement, la croissance n’était pas au rendez-vous. La croissance en Afrique, en Amérique
latine, en Europe de l’Est, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord fut même négatif durant les décennies 1980 et
1990. Parmi les pays pauvres du monde, seuls les pays d’Asie et quelques autres pays en développement qui
ont mit œuvre des réformes institutionnelles en profondeur, font exception à ce constant malheureux. Donc, le
bilan des politiques d’ajustement a été mitigé : elles ont été couronnées plus d’échecs que de succès dans
quelques cas.
Par exemple, le Ghana réformiste est un cas d’école pour la politique d’ajustement. La Banque
mondiale et le FMI ont accordé 19 prêts d’ajustement à ce pays entre 1980 et 1994. Après des réformes en
profondeur en 1993, le Ghana a connu une croissance de 1.4 % par habitant entre 1984 et 1994, une belle
performance après une croissance par habitant de -1.6 % de 1961 à 1983 (Easterly, 2006). Les données de
Madison et du PNUD montrent que le PIB par habitant années 1950 du Ghana était à 1200 et en 2000 il s’élevait
à plus au moins 2000 dollar. En suite, L’Île Maurice qui a bénéficié de 7 programmes d’ajustement de la
Banque mondiale et du FMI sur la période 1980-1994, était parvenu durant ces années à un taux de croissance
annuel par habitant brillant de 4.3 %. Toujours sur la même période, 5 politiques d’ajustement furent attribués à
la Thaïlande ; le taux de croissance annuel par habitant y fut encore impressionnant à 5.3 %. Le cas de la Corée
constitue un autre exemple de succès d’impact des réformes institutionnelles sur les politiques. Ce pays a
bénéficié de 7 programmes d’ajustement qui ont entraîné un taux de croissance de 6.7 %.
9
William Easterly a dû quitter la Banque mondiale alors qu’il y était économiste.
15
Ces quelques cas de réussites ne peuvent pas cacher la réalité douloureuse de la majorité de pays en
développement, en particulier, les pays dont l’Indicateur de développement humain (IDH) a baissé de 1975 à
2002 à savoir l’Afghanistan, la Somalie, l’Irak, La Zambie, le Zimbabwe, la République Démocratique du
Congo, et le Timor Oriental (Dorling, D., Newman, M. et Barford, A. (2008, p.191). Ces pays ont bénéficié des
mêmes politiques d’ajustement mais, ils n’ont pas réussit à sauter de leur équilibre bas vers l’autre équilibre haut.
Ce contraste avec des nombreuses expériences d’échecs et de rare cas de réussites renvoie la question
la plus pertinente à savoir pourquoi les politiques d’ajustement n’ont-ils pas eu les mêmes effets dans tous les
pays ? De plus, pourquoi ont-ils mis autant de temps à apporter leur fruit dans les autres pays ? Notre intuition
issue du modèle que nous avons développé au par avant est que la raison se situe du côté des déterminants
institutionnels spécifiques à chaque société.
16
Conclusion
La théorie d’irréversibilité du développement et de la quasi-réversibilité du sous-développement
fondées des qualités institutionnelles est à notre avis intellectuellement séduisante et fournit une interprétation
plausible de la stagnation dans certain nombre de pays en développement et des progrès économiques
remarquables dans les émergents.
Elle montre que
La comparaisons des performances économiques relatives, au cours des cinquante dernières années, des
pays africains et des autres pays les moins avancés d’une part, et des pays d’Asie du Sud-Est et des autres
économies émergentes d’autre part, a montré que le premier groupe d’économies n’ont pas sauté hors de leur
piège de sous-développement, et le deuxième groupe d’économies ont reçues à sauter de leur équilibre bas vers
un équilibre plus élevé. Malgré le manque de données économiques comparatives pour la période lors de laquelle
ces économies ont commencé à diverger, au début des années 1960, nous avons montré ce n’est pas
l’insuffisance de capital qui est à l’origine de cette divergence mais ce sont les différences de qualité
institutionnelle. L’analyse des effets de la politique d’ajustement a montré que les pays qui ont enregistré des
performances économiques ce sont eux qui avaient des bonnes institutions et en revanche, les pays qui ont connu
d’échecs étaient dotés des mauvaises institutions.
Notre théorie nous a donc permis d’une part, de démontrer que les voies de sortie de la pauvreté sont
souvent parsemées d’embûches institutionnelles, qui vont bien au-delà de simples défaillances dans la dotation
de facteurs et dont la résolution exige bien plus que de simples apports d’aide étrangère, ou même
d’augmentation de l’épargne interne. Les réformes venues d’ailleurs ne peuvent pas donc suffire, il faut plus des
réformes en profondeur qui font changer les déterminants institutionnels de la société.
17
ANNEXES
Tableau 2 : Dynamique du développement de pays avec pics de croissance multiples
Botswana
Lesotho
Tunisie
Corée du Sud
Taiwan
Thaïlande
Myanmar
Indonésie
Sir Lanka
République
Dominicaine
Chine
Inde
Croissance
moyenne
depuis 1950 (%)
6.0
4.1
3.8
7.8
6.3
5.0
3.0
4.6
2.7
PIB par
habitant en 1950
($)
400
400
1200
1000
1200
900
500
1000
1300
PIB par
habitant en 2000
($)
7200
2000
6400
17400
6400
1000
3000
3500
Nombre de pics de
croissance
3.2
9.6
7.4
1200
600
700
6000
4000
2400
+2
+2
+2
+2
+2
2
+2
+2
+2
+2
2
2
Source : Calcul de l’auteur basés sur Berthelémy et basés sur les bases de données de Maddison 2003 et GGDCCB (US$ PPA 1990) et
PNUD 2002, (1) calculé avec un filtre de croissance de 3,5 %.
Tableau 2 : Dynamique du développement de pays avec aucun ou pics de croissance
18
Pays
Croissance
moyenne
depuis 1950 (%)
PIB par
habitant en 1950
($)
PIB par
habitant en 2000
($)
Swaziland
Egypte
Mauritanie
Mali
Cameroun
République du
Congo
Zimbabwe
Burundi
Rwanda
Mozambique
Côte d’Ivoire
Ouganda
Comores
Togo
Angola
Cap Vert
Guinée Bissau
Algérie
Malawi
Guinée
Maroc
Burkina Faso
Ethiopie
Kenya
Gambie
Nigeria
Tanzanie
Bénin
Ghana
Soudan
Sénégal
4.5
3.3
1.9
1.9
1.8
1.7
800
900
500
500
700
1400
4500
3600
1700
800
1700
1900
1.2
0.8
0.7
0.5
0.6
0.2
0.0
0.0
3.7
1.9
2.0
1.8
2.1
1.9
1.9
0.9
0.9
0.7
0.7
0.8
0.5
0.9
1.5
0.4
0.4
0.3
-1.4
800
400
600
1200
1100
700
600
600
1100
500
400
1500
400
300
1400
500
400
700
700
800
500
1000
1200
900
1400
800
500
1600
600
900
900
1600
800
700
700
2200
4900
800
5300
600
2000
3500
1000
700
1000
1600
1000
500
1000
2000
1800
1500
800
300
-0.9
-0.8
-0.9
-0.5
-0.6
-0.9
-1.6
-2.3
900
1100
1200
1000
1600
900
700
700
800
1100
800
800
1300
700
500
200
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
0
5.2
2.3
2.2
1.6
1.5
1.4
1.3
1.0
-0.7
2.6
1.6
1.2
800
700
700
1300
600
500
600
500
700
600
1600
1600
13400
900
2000
4000
1400
1300
1600
400
1900
4400
4500
1
1
1
0
0
0
0
0
0
1
1
0
Zambie
Tchad
République
Centrafricaine
Libéria
Somalie
Madagascar
Djibouti
Niger
Sierra Leone
Congo RDC
Oman
Yémen
Vietnam
Philippines
Cambodge
Nepal
Laos
Bangladesh
Afghanistan
Pakistan
Paraguay
19
Nombre de pics
de croissance
El Salvador
Honduras
Haïti
0.8
-0.6
1300
1100
20
2500
1000
0
0
Source : Calcul de l’auteur basés sur Berthelémy et basés sur les bases de données de Maddison 2003 et GGDCCB (US$ PPA 1990) et
PNUD 2002, (1) calculé avec un filtre de croissance de 3,5 %.
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