L`Homme nouveau en URSS : Stakhanov

L'Homme nouveau en URSS : Stakhanov
Leonid Kotliarov, Portrait de Stakhanov, 1938.
Timbre réalisé pour les 50 ans du record (1985)
Alexeï Grigorievitch Stakhanov (1905-1977) est un mineur soviétique. En 1927 il entre à la mine de la ville de Kadievka
(Donbass). En 1933 il y devient perforateur (utilisateur du marteau-piqueur). Le 31 août 1935, dans le cadre d'un concours
de productivité (rapport entre une production et les ressources mises en œuvre pour l'obtenir) organisé par les komsomols,
il extrait 102 tonnes de charbon en 5 heures 45 minutes de travail, soit 14 fois son quota. Le 9 septembre, il double son
record, extrayant 227 tonnes de charbon. La propagande présente ces records comme le résultat d'un travail individuel
alors que la Pravda (Journal officiel du PC) reconnaitra en 1985 qu'ils sont le fruit d'un travail collectif.
Stakhanov tirera profit de son "exploit" : il intégrera l'Académie industrielle de Moscou de 1936 à 1941, puis le ministère de
l'Industrie du charbon de l'Union soviétique entre 1943 et 1947. De 1957 à 1974, il dirigera des combinats industrialominiers. En 1936 il est admis au sein du PCUS et devient député au Soviet Suprême. Il recevra de nombreuses récompenses
(celle de Héros du travail socialiste et, par deux fois, l'Ordre de Lénine). Le dernier dimanche d'août devient la "Journée du
mineur de charbon" en son honneur. Lorsqu'il meurt en 1977, la ville de ses exploits change de nom et prend le sien
Stakhanov (en Ukraine aujourd'hui).
Suite à son "exploit", Stakhanov devient alors l'exemple à suivre et l'objet d'une intense propagande qui le montre à
l'œuvre, avec toujours à la main l'outil de sa réussite, le marteau-piqueur. Il s'agit d'inciter les ouvriers soviétiques à
intensifier leurs efforts pour augmenter la production et satisfaire les objectifs fixés par Staline dans le cadre de la
planification économique et la transformation de la société soviétique initiée par la collectivisation des terres en 1929. Cette
propagande prend la forme de tableaux, sculptures, affiches ou encore timbres (1985). Les représentations de Stakhanov
s'inscrivent dans le courant du "réalisme socialiste soviétique". Le réalisme socialiste exige de l’artiste "une représentation
véridique, historiquement concrète de la réalité dans son développement révolutionnaire. En outre, il doit contribuer à la
transformation idéologique et à l’éducation des travailleurs dans l’esprit du socialisme" selon les conclusions du premier
congrès des écrivains soviétiques qui se tient à Moscou en août 1934. Concrètement les productions artistiques relèvent de
l'académisme et le réalisme est trompeur puisque qu'il s'agit de présenter une réalité différente de la réalité vécue. La
propagande n'étant pas suffisante pour augmenter la productivité, le régime stalinien n'hésitera pas à recourir à la
répression pour parvenir à ses fins.
Le gloire de Stakhanov dépassera les frontières de l'URSS. Il sera un modèle dans l'ensemble du monde socialiste. En
décembre 1935 il fera la Une du Time magazine américain. George Orwell dans La Ferme des Animaux (1945) critique le
stalinisme : un des "personnages", le cheval ("Malabar" dans la version française de 1947 et "Boxer" dans la version
originale) est inspiré par Stakhanov présenté comme le plus loyal travailleur de la ferme.
Par la suite d'autres "modèles" représenteront la réussite du modèle soviétique comme le cosmonaute Youri Gagarine ou
certains sportifs (le footballeur Lev Yachine, ballon d'or en 1963, décoré de l'ordre de Lénine en 1967 et Héros du travail
socialiste en 1990).
Stakhanov a donné naissance au stakhanovisme, doctrine économique qui vise à accroitre la productivité des travailleurs
au-delà de la norme grâce à l'émulation et au progrès technique. Un stakhanoviste est aujourd'hui une personne qui fait les
choses avec zèle, de manière excessive.
Thématique : Arts, mythes et religions.