1 UN TEMPS POUR SE TAIRE « 7 Il y a un temps pour parler et un

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1 UN TEMPS POUR SE TAIRE « 7 Il y a un temps pour parler et un
UN TEMPS POUR SE TAIRE
« 7 Il y a un temps pour parler et un temps pour se taire » dit Ecclésiaste 3, 7. Ces
paroles sont comme un rappel à l’ordre. Elles nous rendent conscients de quelque chose
d’essentiel et hélas trop rare, parce que trop négligé : Le SILENCE.
Je vous invite à méditer avec moi cette parole du vieux sage d’Israël : « Il y a un
temps pour se taire. »
On peut dire qu’il y a plusieurs degrés de silence. Plusieurs “qualités” de silence
par lesquels nous pouvons nous élever vers des cimes où Dieu nous attend.
LE SILENCE DES VAINCUS
Tous en bas de l’échelle, dans la plaine banale de nos déceptions et de nos luttes,
il y a le silence de l’impuissance, que nous connaissons tous. Le silence des vaincus.
C’est notre impuissance à tous en face de la douleur. Souvenez-vous des trois amis de Job
qui sont venus de loin pour consoler leur ami éprouvé. Quand ils l’aperçoivent, ils ont du
mal à le reconnaître tellement il est défiguré par le mal qui le ronge. La Bible nous dit
qu’ils se tinrent assis près de lui « 13 sans lui dire une parole, car ils voyaient combien sa
douleur était grande. » (Job 2, 11-13) N’est-ce pas là également notre incapacité à
consoler au jour où nous nous trouvons devant la mère qui pleure son enfant, devant
l’orphelin encore inconscient de la profondeur de sa solitude. Ce silence de l’impuissance
n’est-il pas encore dans ces pas discrets dans la chambre d’hôpital, dans cette atmosphère
grave qui entoure les lits de mort et où il semble qu’on entend s’avancer lentement, le
temps. C’est le silence de la défaite, de ceux à qui s’impose une réalité implacable; le
silence de ceux qui ne peuvent plus rien et qui, saisis de crainte respectueuse, ou de
terreur, devant l’inconnu qui vient, comprennent qu’il y a un temps pour se taire – un
temps pour interrompre la folle course de la vie pour réfléchir au sens de la vie et pour
entendre peut-être cette parole : « 24 Car toute chair est comme l’herbe, et toute sa gloire
comme la fleur de l’herbe. L’herbe sèche, et la fleur tombe; mais la Parole du Seigneur
demeure éternellement. » (1 Pierre 1, 24)
Car, voyez-vous, c’est dans l’aveu de son impuissance devant la souffrance et
devant la mort que l’homme sent à quel point il est un être infirme et dépendant et
combien est grande sa soif de bonheur et d’éternité. Les conditions sont alors réunies
pour lui permettre d’accueillir le message du Christ avec humilité.
LA LANGUE : UN GOUVERNAIL
« Il y a un temps pour se taire » – Certains ne semblent pas en être conscients,
tant ils sont bavards. Dès la plus haute antiquité ce défaut a été dénoncé. Ainsi, le livre
des Proverbes, dans l’Ancien Testament, déclare sans ambages : « 20 As-tu vu un homme
précipité dans ses paroles? Il y a plus d’espoir pour un sot que pour lui. » (Proverbes 29,
20) (Nous pouvons constater en passant que ce travers n’est pas l’apanage exclusif des
femmes!)
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La modération dans l’usage de la parole a toujours été une des caractéristiques de
la sagesse, de l’équilibre moral. Elle est un signe certain d’une maîtrise de soi. La lettre
de Jacques dans le Nouveau Testament déclare que celui qui sait contrôler ses paroles
« 2 est capable de tenir tout le corps en bride. » (Jacques 3, 2; voir aussi Jacques 1, 26)
Dans le même contexte il compare la langue au gouvernail des navires. Comparativement
à l’ensemble, le gouvernail est un objet très petit, mais c’est lui qui dirige le vaisseau que
poussent des vents violents. (Jacques 3)
Nous rencontrons tous sur l’océan de notre vie des vents violents. Les vents de
l’adversité. Comment se comporte alors le gouvernail lorsque soufflent les vents
contraires?
Trop souvent, lorsque l’atmosphère est tendue, lorsque des mots durs et blessants
ont été dits, on oublie qu’alors le temps est venu de se taire. « 17 Comme le fer aiguise le
fer, » dit le Proverbe, « 17 ainsi un homme excite la colère d’un homme. » (Proverbes 27,
17) Je pense à ces tragédies de l’intimité où des mots sont jetés de part et d’autre comme
autant de pierres, chacun voulant avoir le dernier mot pour infliger la dernière
blessure. Il suffirait que l’un fît l’effort de se taire… « Il y a un temps pour parler et un
temps pour se taire. »
LE SILENCE-PRIÈRE
Nous avons dit tout à l’heure que l’homme se sent vraiment infirme et dépendant
devant la réalité de la souffrance et de la mort, et qu’il est amené à mesurer combien il a
soif de bonheur et d’éternité. S’il trouve dans cette misère un motif de chercher ailleurs et
au-dessus de lui la force qui lui manque, il découvre les premiers balbutiements de la
vraie prière. Il découvre le Silence-Prière; le silence de l’attente de Dieu, de la recherche
de Dieu.
« 26 Il est bon d’attendre en silence le secours de l’Éternel. » dit le prophète
Jérémie qui pleure sur les ruines de Jérusalem. (Lamentations 3, 26) « 4 Dès le matin, je
me tourne vers toi et j’attends » dit le Psalmiste. (Psaume 5, 4) Le silence de l’attente,
c’est celui de Jésus retiré dans le désert à la veille de son ministère d’amour; c’est celui
de Jésus passant la nuit en prière avant de choisir ses douze apôtres; c’est celui de tant
d’hommes qui ont mûri dans le silence leur vocation ou quelque autre décision grave.
C’est aussi celui de l’enfant prodigue qui, seul, dans le dénuement où l’ont
conduit ses fautes, rentre en lui-même. Ce sont les silences pleins de promesses auxquels
Jésus nous convie tous en disant à chacun de nous : « 6 Mais quand tu pries, entre dans
ta chambre, ferme la porte, et prie ton Père qui est là dans le secret. » (Matthieu 6, 6)
Il y a un temps pour se taire. Se taire, c’est souvent se retrouver. Lorsque je parle,
je me communique, je me disperse, je sors de moi-même et je n’entends pas l’autre. Par
le silence, je me concentre. Je jette un regard en moi-même. Je m’examine. L’image de
mon âme que me renvoie le miroir du monde n’est jamais précise, jamais juste. Elle est
déformée, car elle est ou flattée, ou faussée, ou embellie ou caricaturée. Le silence est le
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seul miroir fidèle où j’ai quelque chance de me voir tel que je suis, tel que Dieu me voit.
C’est l’heure du regard sur le passé, regard mélancolique souvent, riche de leçons,
toujours. C’est l’heure aussi où s’élaborent des projets où se prépare le lendemain. C’est
l’heure surtout où l’on peut prêter l’oreille aux voix intérieures, car dans le silence et dans
la solitude, on n’entend plus que l’essentiel. C’est là que l’homme peut sentir s’affirmer
en lui cette soif de Dieu qui dort au fond de toute âme et qui attend, pour se manifester,
qu’il ait mesuré à quel point toutes les sources du monde sont incapables de le désaltérer.
Ce n’est pas l’Église, ce n’est pas la tradition d’hommes, ce n’est pas un livre, ce
n’est pas un pasteur, un docteur ou un prêtre qui t’invite à chercher Dieu; c’est ton cœur.
Le lieu de rendez-vous décisif avec Dieu est là dans la chambre close où il t’attend…
« 6 et prie ton Père qui est là dans le secret. » (Matthieu 6, 6)
« Garde le silence devant l’Éternel et espère en Lui » (possiblement Psaume 37,
34; 39, 8; et ou, avec Sophonie 1, 7) dit l’Écriture. Cette attitude confiante est celle de la
prière. La prière étant un appel, attend la réponse de Dieu. Certes, nul ne songe à le nier,
ce ne sont pas toujours les réponses que désirerait notre égoïsme instinctif, notre soif de
bonheur facile, notre peur de la souffrance. Trop souvent nous pensons que Dieu est
sourd lorsque nous devons gravir quelque calvaire ou accepter quelque épreuve. Nous
voudrions réserver le nom d’exaucement à ces seules réponses visibles, magnifiques,
surprenantes, par lesquelles Dieu a pu, un certain jour, nous préserver du danger, nous
guérir d’une maladie ou nous délivrer d’une situation cruelle.
Mais ne soyons pas aveugles et sourds au point de ne pas reconnaître qu’il y a
aussi des réponses plus discrètes, moins spectaculaires, mystérieuses même, par
lesquelles Dieu nous dit : « 7 Ce que je fais, tu ne le comprends pas maintenant, mais tu
le comprendras dans la suite »; (Jean 13, 7) Ce sont ces réponses qui permettent au
chrétien de dire un jour : « 17 Il m’est bon d’avoir été affligé… 17 mes souffrances
mêmes sont devenues mon salut. » (Ésaïe 38, 17)
Souvenez-vous de cet homme ardent s’il en fut; travailleur infatigable, dévoré par
la soif d’agir pour Dieu, soudain freiné dans son énergie par une infirmité douloureuse. Et
cet homme, c’est l’apôtre Paul, qui vient supplier le Seigneur de le guérir. Légitime appel
dicté non pas par la peur de souffrir, mais bien par le désir de travailler davantage et
mieux pour son Maître. Par trois fois il répète sa supplication; aucune réponse ne lui est
donnée. Mais voici que dans le silence de son Gethsémané et du Golgotha : « 9 Ma grâce
te suffit, car ma puissance s’accomplit dans la faiblesse. » (II Corinthiens 12, 9)
Et, malade encore et toujours, mais victorieux quand même, l’apôtre reprend sa
tâche avec une confiance renouvelée. Dieu n’a pas guéri, mais Dieu a répondu!
LE SILENCE-ADORATION
Pour conclure, je voudrais encore parler du silence de l’adoration. Pour adorer
Dieu, il faut que tous les bruits cessent autour de nous et en nous. Nous sommes toujours
si pleins de clameurs contradictoires, si pleins de questions et d’esprit critique que la voix
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de Dieu est étouffée. Nous parlons toujours, alors nous n’entendons que le son de notre
propre voix.
Ésaïe s’exclame de la part de Dieu : « 2 Cieux, écoutez! Terre, prête l’oreille! Car
l’Éternel parle. » (Ésaïe 1, 2) Et Jérémie supplie : « 29 Terre, terre, terre, écoute la
parole de l’Éternel! » (Jérémie 22, 29)
Mes chers amis, nous nous présentons trop souvent devant Dieu avec nos
“pourquoi”, nos reproches, nos doutes, les nôtres et ceux qu’on nous jette à la figure.
Alors qu’il faudrait plutôt garder le silence devant Dieu pour sentir sa présence d’amour
qui d’un seul coup peut balayer toutes les craintes et faire frémir l’âme d’une émotion
sublime.
Souvenez-vous de la hardiesse et de la véhémence de Job à questionner Dieu et à
se justifier devant lui. Lorsque Dieu lui répond, ce n’est pas pour lui expliquer le
pourquoi de ses souffrances mais pour lui ouvrir les yeux sur toute la création
qui « 2 raconte la gloire du Créateur » sa puissance et sa sagesse (Psaumes 19, 2;
Romains 1, 19-20). Alors Job comprend qu’il a été insensé de tant parler. Il se prosterne
devant Dieu, tout disposé à l’écouter et à accepter tout ce qu’il envoie comme autant de
preuves d’amour. C’est l’attitude de Thomas devant l’évidence : « 28 Mon Seigneur et
mon Dieu! » (Jean 20, 28) … Oui, il y a un temps pour se taire et pour adorer. C’est le
temps où l’émotion du sublime nous remue. Il est des spectacles de la nature devant
lesquels les hommes les plus bavards se taisent écrasés par une beauté que rien ne peut
exprimer. Il est des harmonies dont l’impression va si loin et si profond dans l’âme
qu’après les avoir entendues, on hésite à applaudir, et l’on souffre d’entendre parler; On
s’est senti transporté par elles dans un autre monde. Il faut se taire. Il est des actes
d’héroïsme, de grandeur morale qui dépassent tellement toutes nos mesures ordinaires
qu’on ne peut que les admirer en silence. Les mots nous manquent pour traduire ce qu’ils
nous font éprouver.
Lorsque nos âmes ont saisi les réponses de Dieu, ont jeté un regard timide sur
l’insondable grandeur que recouvrent les mots trop usés de notre vieux langage biblique :
Le pardon, la grâce, l’éternité, alors, irrésistiblement, notre âme prend cette attitude
d’adoration, toute pleine d’émotion inexprimable, éperdue de reconnaissance devant cette
révélation de la Présence de Dieu.
C’est sur cette cime que le silence religieux nous conduit. Pouvoir parfois la
gravir, dans la communion du Christ, c’est respirer un instant cet air des sommets qui
nous permet de reprendre notre tâche dans les humbles vallées du devoir quotidien,
enrichis de cette certitude : « Il y a un temps pour parler, il y a un temps pour se taire. »
L’auteur : M. RICHARD ANDREJEWSKI
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