La crise du lait épargne les USA, Le Soir de Bruxelles, 5 septembre
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La crise du lait épargne les USA, Le Soir de Bruxelles, 5 septembre
Le Soir Samedi 5 et dimanche 6 septembre 2015 26 L'ÉCONOMIE Les éleveurs face à la crise A quelques jours du sommet agricole du 7 septembre, « Le Soir » s’interroge sur l’état du secteur et sur les ébauches de solutions qui sont sur la table. Jeudi 3/9 La crise porcine Vendredi 4/9 La raison de la crise laitière Aujourd’hui Pourquoi l’agriculture américaine résiste mieux MANIFESTATION Le casse-tête du trafic Si les embarras de circulation pourraient commencer dès dimanche lors d’une action citoyenne qui se déroulera dans le quartier européen à Bruxelles, c’est surtout la journée de lundi qui s’annonce chaotique. La police recommande avec insistance d’éviter d’emprunter la voiture, et de privilégier les transports en commun. 5.000 agriculteurs et plus de mille tracteurs, dont 300 en provenance d’Allemagne, sont attendus au rond-point Schuman à 11 heures. Un cortège partira de la gare du Nord en empruntant différents grands boulevards. La station de métro Schuman restera fermée toute la journée. B .DN sur lesoir.be Retrouvez sur notre site la carte interactive du parcours de la manifestation, et le suivi en direct des perturbations. La crise du lait épargne les USA AGRICULTURE Le marché américain est découplé du marché mondial La situation américaine semble moins catastrophique qu’en Europe. Une législation centenaire assure une meilleure protection du marché intérieur. lors qu’une crise mondiale frappe le secteur laitier et que les tracteurs européens envahiront Bruxelles, lundi, les producteurs américains ne déferlent pas sur Washington. En 2014, l’Europe, les Etats-Unis et l’Océanie ont produit dix milliards de litres de plus que l’année précédente. Las, le marché mondial n’en a à peine absorbé que la moitié, faisant plonger les prix, dans un marché totalement congestionné. Pourtant, s’ils subissent eux aussi cette crise, les producteurs laitiers américains ne semblent pas en souffrir aussi durement. Une partie de l’explication est à chercher dans un système qui découple de manière très pragmatique la formation des prix sur le marché intérieur américain de la jungle du marché mondial. Un résultat qui n’aurait pu être obtenu sans une législation adéquate, le « farm bill », qui définit les règles du jeu. Organisation du marché. On trouve aux Etats-Unis de grandes organisations régionales A de mise en marché qui couvrent la plus grande partie des livraisons de lait. Les usines qui fabriquent les produits paient en fonction de la destination du lait. A l’inverse de ce que l’on connaît chez nous, le produit qui a la meilleure valeur ajoutée sur le marché américain, ce n’est pas le fromage ou les produits finis, c’est le lait frais, simplement pasteurisé. C’est aussi le produit qui connaît la demande la plus inélastique. Que le prix soit à la hausse ou à la baisse, la consommation n’en est que peu affectée. Un résultat qui n’aurait pu être obtenu sans le « farm bill », qui définit les règles du jeu A cette catégorie reine s’en ajoutent trois autres, où l’on classe la crème et les produits frais, le fromage, le beurre et les autres dérivés. Chaque usine de transformation paie le prix du lait en fonction de la catégorie de destination. Mais les producteurs reçoivent tous un même prix moyen. En bref, on partage les bénéfices entre l’ensemble des fermiers. Subventions au secteur. En situation de crise, l’État doit acquérir des produits laitiers et les distribuer aux banques alimentaires. Par ailleurs, si la marge que réalise le fermier descend sous un certain seuil, l’Etat paie la différence au producteur. ■ ALAIN JENNOTTE Les producteurs laitiers américains ne semblent pas souffrir aussi durement que leurs collègues européens. © REUTERS. l’expert « Les producteurs américains ont une assurance-catastrophe » ENTRETIEN n prix protégé par des marchés régionaux bien balisés, un cadre législatif précis, le secteur laitier américain donne l’image d’un protectionnisme pragmatique, à mille lieues des clichés sur le libéralisme débridé. Économiste, professeur de politique agricole à l’université de Laval, au Québec, DanielMercier Gouin a disséqué le système de la fixation des prix du lait aux États-Unis et l’a comparé à celui en vigueur en Europe. Il jette un regard critique sur les deux systèmes. U Les paramètres de cette crise du lait sont les mêmes en Europe et aux États-Unis ? La surproduction de lait est une donnée mondiale. Dans tous les grands pays producteurs, la consommation intérieure ne progresse plus de manière sensible. La croissance de la production ne peut donc que se retrouver sur le marché international. Il faut cependant nuancer les situations européenne et américaine. En Europe, on exporte environ 15 % de la production dans le monde. On n’en est encore qu’à 8 % aux États-Unis. Ils ont donc une moindre exposition au marché international. L’industrie de la transformation et de nombreux responsables politiques insistent sur les nouvelles opportunités que représente l’Asie… C’est un air connu. On ne cesse de servir aux producteurs le même discours sur la Chine. On oublie que le long terme n’est pas le garant du court terme. On vient de s’en rendre compte avec la chute des exportations vers l’Asie. De plus, la Chine n’est pas un mar- ché à valeur ajoutée de Comté ou de Reblochon ! rope, de tels mécanismes n’existent pas. Les producteurs sont donc dans un rapport de force très défavorable face à l’industrie de transformation et la grande distribution puisque ce sont les produits les moins rentables qui fixent le prix. Comment les États-Unis ont-ils organisé leur marché pour mieux protéger leurs producteurs ? La structure de formation des prix permet à ces fermiers de capter une partie de la marge sur les produits à valeur ajoutée sur le Comment réinstaurer ce rapport marché intérieur américain. En de forces ? revanche, sur le marché libre L’une des possibilités serait de fédérer les organisadont dépendent totaletions de producteurs ment les producteurs qui collectent le lait. européens, c’est le prix Trop dispersées, elles du dernier litre le se concurrencent et moins valorisé qui ne font pas le poids donne le prix du marface à l’industrie. ché. Et quand ce prix s’écrase, c’est tout le prix Est-ce qu’en pradu lait européen qui est tique, ce système de tiré vers le bas. Avec Daniel-Mercier protection apporte quelques exceptions, Gouin, une garantie satistout de même : les pro- économiste. © D.R. faisante ? ducteurs de fromage des zones d’appellations contrôlées Je qualifierais la couverture de base qui protège la marge du pros’en sortent un peu mieux. ducteur d’assurance-catastrophe. Mais attention tout de même, ce C’est une organisation qui a de n’est pas le pactole. quoi étonner les Européens. Ils ont souvent des États-Unis une Pourrait-on transposer un tel image toute différente… Et en plus, ce n’est pas nouveau. système en Europe ? Les premiers « farm bills » ont Une loi qui autoriserait les proété adoptés vers 1930. Histori- ducteurs à s’organiser lors des quement, l’objectif était de s’assu- négociations collectives sur les rer que chaque citoyen américain prix du lait ou d’autres producavait la possibilité de se fournir tions agricoles serait une piste de en lait frais à un prix abordable. solution. Mais il ne faudrait pas qu’un tel système vienne détraquer celui des appellations Que prévoit cette loi ? Une entreprise qui utilise du lait contrôlées européennes et rabote classé en catégorie supérieure la valeur ajoutée qu’elles dégadoit débourser plus que celle qui gent. ■ traite le lait des catégories moins Propos recueillis par valorisées. Mais elle ne verse A.Je. qu’un prix moyen au producteur. Le solde passe dans une chambre sur lesoir.be de compensation qui permet de rémunérer l’ensemble des pro- Retrouver l’intégralité de l’interview de ducteurs à ce prix moyen. En Eu- Daniel-Mercier Gouin sur notre site. LESBRÈVES Crelan aidera les agriculteurs vec la crise que traverse le monde agricole, la banque spécialisée Crelan s’attend à ce que les agriculteurs soient confrontés à des difficultés de paiement. Elle compte leur proposer des financements-relais pour faciliter quelque peu leur situation. « Aujourd’hui, nous nous trouvons dans une situation où toutes les entreprises actives dans la chaîne du porc connaissent des problèmes de liquidités », explique Wim Vranken, un porte-parole de Crelan. Les prix extrêmement bas du porc, résultat notamment de l’embargo russe, ne couvrent plus les coûts de production, précise-t-il. « Le producteur lambda gagne 25 % de moins que l’an dernier, alors que la situation n’était déjà pas brillante. » (b) A AÉRIEN Korongo : la fin Les actionnaires de Korongo Airlines ont décidé de cesser les opérations de la compagnie aérienne et de liquider la société. Créée par Brussels Airlines et l’homme d’affaires Georges Forrest, Korongo Airlines avait commencé ses opérations en 2012, principalement entre Lubumbashi, Kinshasa et Johannesburg. La compagnie n’a jamais atteint le seuil de rentabilité. (É.R.) 26