le droit pénal de la consommation
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le droit pénal de la consommation
UNIVERSITÉ DE MONTPELLIER I CENTRE DU DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHÉ Master 2 Professionnel Consommation et Concurrence LE DROIT PÉNAL DE LA CONSOMMATION Anne NACHBAR Directeur de recherche Monsieur Malo DEPINCÉ Année universitaire : 2010 – 2011 UNIVERSITÉ DE MONTPELLIER I CENTRE DU DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHÉ Master 2 Professionnel Consommation et Concurrence LE DROIT PÉNAL DE LA CONSOMMATION Anne NACHBAR Directeur de recherche Monsieur Malo DEPINCÉ Année universitaire : 2010 – 2011 « Un œil suffit au marchand, Cent yeux ne suffisent pas à l’acheteur ». Proverbe africain SOMMAIRE INTRODUCTION.............................................................................................................................................2 PREMIÈRE PARTIE : UN DROIT PÉNAL VOLONTAIREMENT PROTECTEUR TOUT AU LONG DE L’ACTE DE CONSOMMATION..............................................................14 Titre 1 : La protection du consommateur au moment de la formation du contrat, ou la recherche d’un consentement éclairé..................................................................................................14 CHAPITRE 1 : L’INFORMATION DU CONSOMMATEUR.....................................................................14 CHAPITRE 2 : LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR FACE AUX STRATÉGIES DE DISTRIBUTION DES PROFESSIONNELS...........................................................................................45 CHAPITRE 3 : LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR FACE AUX PROCÉDÉS INCITATIFS DES PROFESSIONNELS.......................................................................................................80 Titre 2 : La protection du consommateur au moment de l’exécution du contrat, ou la recherche d’une satisfaction de l’acheteur......................................................................................103 CHAPITRE 1 : LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR EN CAS DE NON CONFORMITÉ DU BIEN OU DU SERVICE............................................................................................103 CHAPITRE 2 : LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR LORS DU FINANCEMENT DE SON ACHAT PAR LA REGLEMENTATION DU CRÉDIT À LA CONSOMMATION...........................................................................................................................127 DEUXIÈME PARTIE : UN DROIT PÉNAL DE LA CONSOMMATION SE VOULANT DISSUASIF MAIS SE RÉVÉLANT PARFOIS INSUFFISANT.....................142 Titre 1 : La recherche d’une certaine efficacité répressive.............................................................142 CHAPITRE 1 : LA CONSTATATION DES INFRACTIONS : DES SERVICES D’ENQUÊTE SPÉCIALISÉS ET DOTÉS DE POUVOIRS IMPORTANTS.............................................142 CHAPITRE 2 : DES QUALIFICATIONS LÉGALES DE L’INFRACTION SIMPLIFIÉES, COMPLÉTÉES PAR DES INTERPRÉTATIONS JURISPRUDENTIELLES PROTECTRICES..............................................................................................152 CHAPITRE 3 : L’APPLICATION ET LE CHOIX DE LA SANCTION...................................................163 Titre 2 : Des résultats parfois en deçà des objectifs poursuivis......................................................171 CHAPITRE 1 : UNE RÉALITÉ JUDICIAIRE PARFOIS DÉCEVANTE POUR LE CONSOMMATEUR...............................................................................................................................172 CHAPITRE 2 : LES MODES ALTERNATIFS DE RÈGLEMENT DES CONFLITS INSUFFISAMMENTS DÉVELOPPÉS EN FRANCE...................................................199 CHAPITRE 3 : DES STRUCTURES ASSOCIATIVES NOMBREUSES MAIS DÉPOURVUES DE POUVOIRS RÉELLEMENT EFFECTIFS............................................................................................209 CONCLUSION..............................................................................................................................................223 Annexes............................................................................................................................................................225 Bibliographie..................................................................................................................................................226 PRÉAMBULE « Qui dit contractuel dit juste », cette citation d’Alfred Fouillé est restée longtemps un principe juridique du droit des contrats. La formule signifie une chose très simple : une personne n’est jamais obligée de contracter, et, si elle le fait, c’est qu’elle trouve dans la relation contractuelle un avantage, et cela d’autant plus qu’elle a eu la possibilité d’en discuter. Ce principe dérive à la fois du consensualisme et de la liberté contractuelle. En effet, à l’origine du droit des contrats, il paraissait inconcevable qu’une personne, libre et égale à toute autre, non contrainte, contracte à l’encontre de ses propres intérêts. Cette vision du rapport contractuel imprègne encore beaucoup le Droit civil et ce Droit n’a pas pour objet de protéger la partie la plus faible du contrat, mais plutôt de respecter le contrat tel qu’il a été voulu par les parties. Ainsi, le Code civil ne prend absolument pas en considération la possibilité que le contrat soit formé d’une personne sans compétence ni connaissance particulière, un profane , et d’un « homme de métier », un homme spécialisé dans le domaine, objet du contrat. Dans ce cas, le client, consommateur, est demandeur du bien ou du service, mais il n’a aucune maitrise sur la convention qu’il s’apprête à conclure. La relation qui se noue est donc par nature déséquilibrée et dans le cas où le profane est trompé, le Code civil ne permet de remettre en cause la convention que de manière exceptionnelle. Il en résulte que la protection du consommateur se voit particulièrement réduite par l’application des seules règles civiles. C’est essentiellement la raison pour laquelle s’est structuré, à peu près à partir des années 1960, un nouveau Droit, une branche dérivée du droit commun pour certains : le Droit de la consommation. 1 INTRODUCTION Le Droit de la consommation est récent, le législateur s’étant aperçu assez tard de sa réelle nécessité. A travers l’historique du droit de la consommation, il apparaît que ce Droit, certes jeune, se révèle dense et relativement complet (Section 1). Cependant, son champ d’application manque de clarté et de cohérence, créant certaines lacunes au sein même de ces dispositions (Section 2). En dépit de ces imperfections, le Droit de la consommation doit nécessairement comporter des sanctions pénales pour être respecté par le plus grand nombre (Section 3). Section 1 : le Droit de la consommation, un Droit jeune, dense et complet Un bref historique révèle tout à la fois la jeunesse de ce droit, au contenu abondant et riche (§1), issu de sources d’origine et d’inspirations variées (§2) §1. Historique du droit de la consommation En raison d’une protection du consommateur réduite, un nouveau Droit s’est structuré, à partir des années 1960, que certains considèrent comme une branche dérivée du droit commun : le Droit de la consommation. L’existence même de ce Droit de la consommation se justifie par le droit à la consommation, c’est à dire le droit de se procurer ce qui est nécessaire pour se vêtir, se loger, se soigner, etc. De nos jours, ce droit à la consommation va évidemment plus loin que répondre aux seuls besoins élémentaires de l’homme puisque l’on peut considérer qu’il est aussi le droit donné à tout homme d’accéder aux richesses produites par notre société1. En réalité, la première grande loi consumériste fut plus ancienne : ce fut la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes dans la vente de marchandises et des falsifications des denrées alimentaires et produits agricoles. Ainsi, le Droit de la consommation fut avant tout un Droit pénal de la consommation. 1. « Droit de la consommation, G. Raymond, Litec 2ème édition 2 Par la suite, dans la période de l’après-guerre, et particulièrement à la fin des années 1950, se sont développés en France des circuits de distribution de plus en plus importants, l’économie a commencé à se complexifier, les produits et services se sont multipliés et le consommateur est devenu le dernier maillon d’une chaine ayant fait intervenir de nombreux agents (producteur, importateur, grossiste, distributeur, revendeur, détaillant, etc.). Ce dernier maillon que constitue le consommateur et assurément la partie la plus faible de la chaîne, d’où la nécessité de le protéger bien au delà des seules dispositions du Code civil. Il fallut attendre les années 1970 pour que le législateur intervienne de manière très significative et commence à s’intéresser de près à la protection du consommateur. Depuis cette période, les textes adoptés sont nombreux, qui ont représenté un véritable travail de création juridique. Ainsi, il a été légiféré sur la vente à domicile, la sécurité des consommateurs, le crédit à la consommation et bien d’autres domaines. Tous ces textes furent codifiés en deux temps. En effet, la partie législative du Code de la consommation fut adoptée par la loi du 26 juillet 1993 et sa partie règlementaire par un décret du 27 mars 1997. §2. Les sources du Droit de la consommation Les sources du Droit de la consommation sont diverses et l’inspiration est à la fois nationale et communautaire. S’agissant du droit interne, le Code de la consommation et les innombrables textes spécifiques forment un ensemble assez complexe, parfois difficile à maîtriser. Le Droit de la consommation est un Droit fondamentalement pluridisciplinaire, qui s’est construit sur le Droit des obligations et le Droit pénal, mais aussi le Droit commercial, le Droit administratif, le Droit judicaire privé, le Droit rural, ... Dans le domaine du Droit de la consommation, il y a une véritable prolifération de textes et les réformes se sont succédées à un rythme très rapide. En effet, le nombre de décrets et d’arrêtés régissant la matière est impressionnant et le législateur s’est montré soucieux de la protection des consommateurs. Ainsi, de grandes lois concernent directement le consommateur comme la loi n°2008-3 du 4 août 2008 pour le développement de la 3 concurrence au profit du consommateur ou encore la loi n° 2008-776 du 4 aout 2008 de modernisation de l’économie. S’agissant des sources supranationales, le droit communautaire occupe également une place importante2. Dès 1975, le Conseil des Ministres de la Communauté définissait un « programme préliminaire de la CEE pour une politique de protection et d’information des consommateurs », qui énonçait les cinq droits fondamentaux du consommateur : le droit à la protection de sa santé et sa sécurité, le droit à la protection des ses intérêts économiques, le droit à la réparation des dommages, le droit à l’information et à l’éducation, le droit à la représentation3. Par la suite, à l’occasion de l’ouverture du marché unique, la Commission est intervenue pour tenter d’harmoniser les législations en matière de droit de la consommation, afin de limiter le plus possible les entraves à la libre circulation des marchandises. Ainsi, les Traités de Maastricht du 7 février 1992 et d’Amsterdam du 2 octobre 1997 sont venus introduire dans le Traité de la Communauté Européenne un article relatif à la protection du consommateur ; « afin de promouvoir les intérêts des consommateurs et d’assurer un niveau élevée de protection des consommateurs, la Communauté contribue à la protection de la santé, de la sécurité et des intérêts économiques des consommateurs ainsi que la promotion de leur droit à l’information, à l’éducation et à s’organiser afin de préserver leurs intérêts ». Aujourd’hui, l’Union Européenne possède un marché libre regroupant 27 pays et comportant plus de 490 millions de consommateurs. Leur protection est donc devenu l’une des missions du droit communautaire. En outre, de nombreuses directives intéressent également la protection du consommateur et, en 2007, la Commission Européenne à d’ailleurs présenté un Livre Vert sur la révision de l’acquis communautaire en matière de protection des consommateurs, avec pour objectif de réviser huit directives, et ce afin de les moderniser Ainsi, depuis la loi de 1905 sur les fraudes et falsifications et l’amorce législative de 1960, le Droit de la consommation est devenu un réel outil juridique, appliqué par les autorités 2. Le Droit international prend également en compte le droit de la consommation puisque le département des affaires économiques et sociales des Nations Unies a élaboré des principes directeurs pour la protection du consommateur. 3. « Droit de la consommation » Jean-Calais Auloy et Henri Temple, Précis Dalloz, 8ème édition, n°40 4 nationales et supranationales. Mais la mise en œuvre des dispositions consuméristes comporte encore des lacunes, notamment quant au champ d’application du Code de la consommation, parfois très complexe à appréhender. Section 2 : Un champ d’application néanmoins complexe, voire parfois incohérent La codification de 1993 fut une codification à droit constant, ce qui signifie que le législateur n’a pas fait preuve de création mais de compilation, en regroupant un ensemble de dispositions, autrefois éparses, autour d’un plan. Or, ce système de codification a des conséquences plutôt négatives sur l’application des dispositions consuméristes manquant bien souvent de clarté, de logique et de cohérence. Par cette codification, d’autres défauts sont apparus puisque pour certaines dispositions, le Code de la consommation s’est contenté d’être un Code suiveur, reproduisant ainsi des articles provenant d’autres Codes. Ainsi, jusqu’à la réforme opérée par l’ordonnance du 17 février 2005 relative à la conformité des produits et services, l’ancien article L211-1 reproduisait in extenso les articles 1614 et suivants du Code civil, sur la garantie des vices cachés. La codification ayant été faite à droit constant, le champ d’application paraît imprécis et quelques fois même contradictoire, à travers notamment, les contrats en questions (§1), la définition du professionnel (§2) et du consommateur (§3) §1. Les contrats visés Contrairement au Droit civil, le Code de la consommation ne vise pas tous les contrats et les dispositions s’attachent plus à la qualité des contractants qu’au contrat lui même. En effet, ayant pour objet de réparer un déséquilibre contractuel, le Code de la consommation vise un type particulier de relation, celles qui unissent le consommateur et le professionnel. Ce type de contrat étant propice aux déséquilibres, en raison de la présence d’une partie réputée faible (le consommateur) et d’une autre réputée forte (le professionnel), il en résulte que tout contrat passé entre ces personnes se voit appliquer les règles particulières du Droit de la consommation. A contrario, tout contrat qui n’est pas conclu entre ces deux catégories de contractants y échappera. Tel sera le cas d’un contrat conclu entre deux professionnels ou deux consommateurs. 5 Ainsi, le législateur a fait le choix de considérer que la faiblesse, cause du déséquilibre contractuel, et qui justifie une protection particulière, est liée non pas au type de convention mais à la qualité des personnes. En effet, la faiblesse est une notion subjective et ne découle absolument pas du type de prestation en question, même si certains éléments objectifs du contrat seront également pris en compte. Ainsi, si par exemple le contrat porte sur un bien simple et ordinaire, l’obligation d’information sera moins poussée que s’il s’agit d’un bien technique et complexe. En outre, s’il est évident qu’un contrat entre consommateurs et professionnels est sans aucun doute déséquilibré, pourquoi les contrats conclus entre professionnels ne le seraient-ils pas ? En effet, tous les professionnels n’ayant pas le même poids (surtout économique), certains sont en position de force alors que d’autres subissent le contrat. Ainsi, les contrats entre professionnels peuvent, eux aussi, être source de déséquilibre et un professionnel pourrait tout à fait bénéficier d’une protection particulière, au même titre qu’un consommateur. Pourtant le Code de la consommation n’est pas invocable pour ce genre de contrats, ces derniers devant sans remettre essentiellement au Code de commerce. Le principe de base est donc le suivant : afin de bénéficier des dispositions du Code de la consommation, la relation doit être constituée d’un professionnel d’une part et d’un consommateur (ou non professionnel) d’autre part. Cette distinction est la plus importante du Code de la consommation et, pourtant, aucune définition n’est donnée du professionnel et du consommateur. Certains textes évoquent parfois le consommateur, parfois le nonprofessionnel et les textes eux même n’ont pas le même champ d’application. En effet, pour appréhender ces notions, il faudrait examiner chaque disposition du Code et réaliser un inventaire exhaustif des conditions propres à chacune d’elles. Dans notre étude sur les aspects pénaux de ce Droit de la consommation, nous tenterons tout de même d’apprécier ces notions de professionnel et de consommateur, en sachant qu’il faudra néanmoins l’adapter à chaque disposition en raison de certaines incohérences. 6 §2. La notion de professionnel Le professionnel est la personne physique ou morale qui agit dans le cadre d’une activité habituelle et organisée de production, de distribution ou de prestation de service4. Ainsi, c’est le caractère habituel et organisé de l’activité qui donne la définition du professionnel5. Bien que la notion soit générique, elle présente l’avantage d’être immédiatement perceptible. Le terme de professionnel est pris dans son sens le plus étendu, peu importe la taille de l’entreprise, que ce soit une personne physique ou morale. Un auteur, Philipe Le Tourneau, a identifié sept critères interdépendants du professionnel : le professionnel s’affiche comme tel ; il exerce une activité de production, de distribution, de biens ou de prestations de services ; il accomplit une activité à titre habituel ; cette activité est rémunérée ; l’activité s’exerce au sein d’une organisation fonctionnelle, même très rudimentaire ; il a la maitrise professionnelle de son activité et enfin ; il a autorité sur les personnes qu’il introduit dans l’exécution du contrat6. Une question assez récurrente est de savoir si les services publics peuvent se voir appliquer les règles du droit de la consommation. Autrement dit, un service public est-il un professionnel au sens du Code de la consommation ? En présence d’un service public industriel et commercial, il ne fait pas de doute que les règles du Droit de la consommation s’appliquent. En effet, selon la jurisprudence du Bac d’Eloka7, l’établissement public industriel et commercial « relève, sans ses rapports avec les usagers, du droit privé et donc du droit de la consommation ». En revanche, pour les services publics administratifs, la question est bien plus délicate. En effet, les établissement publics administratifs relèvent du Droit public et non du Droit privé, ce qui semble évidemment exclure l’application du Code de la consommation. Pourtant des textes visent à protéger les usagers de ces services, par exemple, la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 sur les droits des citoyens dans leur relation avec les Administrations. 4. « Droit de la consommation », Jean Calais-Auloy et Henri Temple, Précis Dalloz, 8ème édition, n°3 5. Un artiste lyrique qui pratique l’élevage d’une race particulière de chats, uniquement à titre de passion, ne peut être considéré comme un professionnel. CA Versailles 4 oct. 2002, Revue trimestrielle de Droit civil 2003.292 6. « Les critères de la qualité du professionnel » Ph. Le Tourneau, Les Petites Affiches 2005, n°181 7. Tribunal des conflits, 22 janv. 1921, Recueil Dalloz 7 Pour le moment, on ignore encore si la notion d’usager de l’Administration pourrait être rapprochée de la notion de consommateur et la question reste donc posée. Si la notion de professionnel, bien que non définie par le Code de la consommation, peut être appréhendée relativement facilement, il n’en est rien de la notion de consommateur. §3. Les différentes approches de la notion de consommateur Les contours de la notion de consommateur restent assez flous, même si la jurisprudence permet d’en faciliter quelque peu la compréhension. Plusieurs approches8 peuvent expliquer cette notion, l’une résidant dans la distinction sphère privée/sphère professionnelle (I), l’autre étant plus attaché à la notion même de déséquilibre (II) sans oublier la notion de consommateur « moyen » souvent retenu par les directives communautaires (III). I. Première approche Dans un premier temps, il paraît évident de dire que le consommateur n’est pas un professionnel. La définition peut donc se faire par exclusion : est consommateur celui qui contracte pour des raisons privées et non professionnelles. En étudiant la notion de professionnel, il est apparu que ce dernier pouvait être une personne morale ou une personne physique. Ce raisonnement est-il aussi valable pour les consommateurs ? Il semble assez difficile de considérer qu’une personne morale puisse contracter pour les besoins de sa vie privée. Certains textes du Code de la consommation ne visent que les personnes physiques (comme l’article L121-1 relatif au démarchage) alors que d’autres textes restent muets mais il paraît plutôt évident que le champ d’application se restreint aux personnes physiques. Il s’agit ici plutôt d’un manque de clarté plutôt qu’une volonté du législateur d’intégrer les personnes morales dans la protection. Pourtant, sur ce point, les juridictions nationales et communautaires semblent contradictoires, ce qui montre encore une fois un certain manque de cohérence du Code de la consommation. En effet, à propos de la réglementation sur les clauses abusives, la CJCE 8. « Droit de la consommation et du surendettement » Jérôme Julien, Lextenso Edition, 2009, n° 14 8 prit expressément position sur cette question dans une décision du 22 novembre 20019, en considérant que « la notion de consommateur doit être interprétée en ce sens qu’elle vise exclusivement les personnes physiques » La solution est donc claire et non équivoque en ce qui concerne le Droit communautaire. En revanche, la Cour de Cassation semble ne pas prendre complètement acte de cette décision puisque dans un arrêt du 15 mars 200510, elle reprit la solution précédemment citée de la CJCE mais ajouta que « la notion distincte de non-professionnel, utilisée par le législateur français, n’exclut pas les personnes morales de la protection des clauses abusives ». En effet, le Droit français, en plus de la notion de professionnel et de consommateur, connaît la notion de non-professionnel, contrairement au Droit communautaire, qui ajoute encore de nombreuses difficultés d’appréciation. Le but ici était d’assurer une protection à certaines personnes morales comme les associations. Cette décision, pour louable qu’elle soit, nuit cependant à la compréhension de certaines dispositions consuméristes. En outre, le Droit français de la consommation intègre certes la notion de non professionnel mais seuls quelques articles du Code en font état. Par conséquent, on peut retenir de cette approche que le consommateur est une personne physique (sous les réserves précitées de la notion de non-professionnel) qui contracte pour les besoins de sa sphère privée, quelle que soit la nature du contrat. Il en résulte nécessairement qu’un professionnel peut être un consommateur : il s’agit du professionnel qui contracte pour ses besoins non professionnels, sa qualité de professionnel n’ayant alors aucun lien avec l’opération. II. Deuxième approche La distinction entre sphère privée et sphère professionnelle ne permet pourtant pas de prendre en compte toutes les hypothèses de la matière. Si le fondement du Droit de la consommation réside dans le déséquilibre existant entre le professionnel et le consommateur, ne peut-on pas considérer que, dans certains cas, cette protection doit aussi être accordée au professionnel ? Prenons l’exemple d’un professionnel qui contracte dans un domaine qui n’est pas de sa spécialité, n’est-il pas aussi impuissant comme n’importe quel consommateur ? Ici, on ne parle plus d’un professionnel qui 9. CJCE 22 nov. 2001, Revue Contrats, Concurrence, Consommation 2002, n°18, obs. G. Raymond 10. Cass. 1ère Civ. 15 mars 2005, revue Contrats, Concurrence, Consommation 2005, n°100, obs. G ; Raymond 9 contracte dans sa sphère privée, dans ce cas, il sera un consommateur, mais d’une situation plus particulière : le professionnel qui contracte, en dehors de sa spécialité, mais pour les besoins de son activité professionnelle. Dans ce cas, le Code de la consommation doit-il s’appliquer? Deux conceptions s’affrontent. La première est plus subjective et cherche à savoir si le contrat est déséquilibré ou risque de l’être en raison de l’état d’infériorité du professionnel. Sachant que le contractant, bien que professionnel, conclut une convention qui n’est pas dans son domaine de compétence, il se trouve placé dans un état d’infériorité comparable à celui d’un simple consommateur. Ainsi, il devrait pouvoir bénéficier des dispositions du Code de la consommation, qui a pour objectif de protéger la partie faible du contrat. La seconde conception est plus objective et ne s’intéresse pas au degré de connaissance du contractant mais à la finalité du contrat. Il faut chercher à savoir si le contrat a été conclu dans un but professionnel, auquel cas le recours au Droit de la consommation sera exclu. Cette conception fut celle du Droit communautaire11, adoptée par la Cour de Cassation dans un arrêt du 24 janvier 199512 : « un contractant ne peut se prévaloir des dispositions relatives aux clauses abusives lorsque le contrat qu’il a conclu a un rapport direct avec son activité professionnelle ». Ici le critère est donc le rapport direct : dès lors que le contrat a un rapport direct avec l’activité professionnelle, le Droit de la consommation n’est pas applicable. Mais, la jurisprudence a créé finalement un critère quasiment inapplicable puisque la plupart du temps, un tel rapport est établi : location d’une friteuse pour un bar, installation d’une alarme au sein d’une entreprise, fourniture d’énergie, installation d’une climatisation, etc. La jurisprudence est très abondante en la matière. La principale difficulté pour les juges apparaît surtout quand le contrat est mixte, à la fois professionnel et non professionnel. Ainsi, il a été jugé que le contrat d’installation d’une alarme dans l’immeuble habité par un avocat (qui est à la fois son domicile et son cabinet) n’excluait pas l’application du Code de la consommation13. 11. La proposition de directive sur les droits des consommateurs donne la définition suivante du consommateur : « Toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ». 12. Cass. 1ère Civ. 24 janv. 1995 Revue Contrats, Concurrence, Consommation 1995, n°84, obs. Leveneur. 13. CA Aix-En-Provence, 26 mai 2005, Revue Contrats, Concurrence et Consommation 2006, n°54 note G. Raymond 10 A travers ces deux approches, il en résulte que la notion la plus essentielle de la matière, celle de consommateur, est pourtant la moins précise. En réalité, au sein du Code de la consommation, il y a plusieurs définitions du consommateur, variables entre elles. Par exemple, dans certains cas, le professionnel pourra bénéficier des dispositions consuméristes (nous verrons que pour les pratiques trompeuses, notamment la publicité, les professionnels peuvent être protégés contre des messages trompeurs, même si la protection sera moins forte que pour les consommateurs), alors que d’autres dispositions, en réalité la plupart, ne concerne que les consommateurs stricto sensu. III. La notion de consommateur « moyen » Le consommateur de référence à prendre en considération dans bon nombre de directives européennes, notamment la Directive du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales est le consommateur « moyen », tel que défini par la Cour de Justice de l’Union Européenne, c’est-à-dire tout consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. On ne prend donc pas comme point de repère le consommateur vulnérable ou atypique, contrairement à certaines législations nationales, comme l’infraction d’abus de faiblesse qui exige un consommateur en état de faiblesse. Ici, le critère de « moyen », expression du principe de proportionnalité, s'applique lorsqu'une directive vise ou touche la majorité des consommateurs. Cependant, ce critère peut être modulé dès lors que la réglementation vise de manière spécifique un groupe particulier (par exemple, les enfants), auquel cas le membre moyen de ce groupe devient le point de référence. Cette notion permet de clarifier la règle à appliquer par les juridictions nationales. Par exemple, pour sanctionner une publicité trompeuse, il faut prendre en considération la vision du consommateur « moyen », normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. En dépit de ces imperfections, le Code de la consommation est un outil juridique essentiel. Tout à la fois Droit de la protection des consommateurs et Droit de la régulation économique, missions qui peuvent se révéler parfois divergentes, sinon antinomiques, il s’efforce constamment de trouver un point d’équilibre entre des intérêts parfois contradictoires et souvent divergents. Pour être pleinement efficace et donc préventif, dissuasif et répressif, il se devait d’être renforcé par une dimension pénale, traduction de la 11 réponse de la société face à des comportements qu’elle juge illicites, déloyaux ou malhonnêtes. Section 3 : La nécessité d’un Droit pénal de la consommation Cet impératif pénal mis à la disposition du Droit de la consommation doit permettre une protection du consommateur la plus totale et la plus efficiente possible. En effet, l'objectif poursuivi par les règles constitutives du Droit de la consommation s'inscrit clairement dans une logique caractérisant l'existence d'un ordre public de protection, puisqu'il s'agit de remédier au déséquilibre caractérisant les relations entre professionnels et consommateurs, de protéger ces derniers contre la puissance économique des premiers et de prévenir les abus qui peuvent en découler. En outre, ces règles ont une portée collective, puisqu'elles tendent à garantir le respect d'une communauté d'intérêts et participent directement à la défense de l'intérêt collectif des consommateurs14 Certains mécanismes assurément protecteurs, comme la garantie des vices cachés, la théorie des clauses abusives ou bien encore l’obligation de renseignement, sont prévus par des dispositions civiles et régulièrement appliquées dans la pratique. Mais, parfois, le Droit civil peut se révéler impuissant à assurer une protection pleine des consommateurs en rétablissant efficacement l’équilibre avec les professionnels. Les raisons de cette relative impuissance sont bien connues : les règles de procédures civiles sont généralement moins accessibles pour les consommateurs car ils supposent des actions en justice exercées individuellement après la conclusion du contrat et souvent même après l’exécution du contrat. Qui, après avoir acheté des produits alimentaires avariés, ira réellement exercer l’action en garantie des vices cachés ? A l’inverse, le choix de la procédure pénale est souvent privilégiée, voie procédurale relativement plus simple et moins longue. Le consommateur sera de surcroît généralement « assisté » tout au long de cette procédure, tant par les services d’enquête que par les autorités de poursuites. La fonction préventive et dissuasive du Droit pénal permet en outre de se prémunir souvent 14. « Droit de la consommation, l’absence d’une véritable alternative à la voie pénale » Ph. Guillermin, AJ Pénal 2008, p. 73 12 contre la tentation et donc la commission de comportements illégaux. La fonction imminente et le rôle majeur du Droit pénal de la consommation (qui ne fait pourtant pas l’objet d’ouvrages spécialisés récents) sont indéniables, consacrés et reconnus. La société française, par sa représentation nationale et, dans une moindre mesure, par ses juges, l’a voulu assurément protecteur du consommateur. Comment ce Droit pénal protège t-il le consommateur français ? Cette protection est-elle efficace ? Assurément, ce Droit est volontairement protecteur tout au long de l’acte de consommation (Première partie). Se voulant résolument dissuasif, l’on peut s’interroger sur la présence, en réalité et dans la pratique, de certaines insuffisances (Deuxième partie). 13 PREMIERE PARTIE UN DROIT PENAL PROTECTEUR VOLONTAIREMENT PROTECTEUR TOUT AU LONG DE L’ACTE DE CONSOMMATION Cette volonté de protection du consommateur par le Droit pénal se manifeste en effet non seulement au moment de la formation du contrat (Titre 1), mais également lors son exécution (Titre 2). TITRE 1 : La protection du consommateur au moment de la formation du contrat, ou la recherche d'un consentement éclairé Avant toute conclusion d’un acte d’achat, le consommateur est protégé tant au niveau de l’information qui lui est due (Chapitre 1), que face aux stratégies de distribution des professionnels (Chapitre 2) et aux procédés incitatifs utilisés par ces derniers (Chapitre 3). CHAPITRE 1 : L’INFORMATION DES CONSOMMATEURS Cette information revêt deux formes : l’information obligatoire (Section 1) et l’information facultative (Section 2) Section 1 : L’information obligatoire « Le technicien doit éclairer le profane, la bonne foi du professionnel comporte l’obligation de mettre le profane à son niveau de connaissances pour traiter à armes égales »15. C’est sur ce principe ainsi énoncé que repose l’obligation d’information. L’information fait partie intégrante des droits reconnus au consommateur par la résolution n°39/248 adoptée le 9 avril 1985 par les Nations Unies. Cette résolution fixe les grandes 15. Th. Ivainer, De l’ordre technique à l’ordre public technologique : JCP G 1972, I, 2494 14 lignes directrices de la protection du consommateur, parmi lesquelles on note le droit à une information et à une éducation. Mais l’information du consommateur bénéficie également d’une dimension communautaire puisque l’on retrouve ce principe au sein de la Chartre du Conseil de l’Europe relative à la protection des consommateurs. Dans les deux cas, il s’agit pour les Etats de guide-lines comme l’écrit Nicole l’Heureux16, qui ne lient pas les Etats membres, mais qui servent d’axes d’actions pour les pratiques nationales dans le domaine de la protection du consommateur. L’information du consommateur peut être entendue dans un sens large ou à l’inverse dans une acception plus restreinte. Dans son sens large, cette information désigne tous les moyens de communication par lesquels les consommateurs peuvent avoir connaissance de leurs droits, des produits et des prix qui sont pratiqués dans tous les domaines qui les concernent. Ce sens ne sera pas retenu dans cette étude car cette signification est bien trop large et il s’agit d’une information bien trop lointaine par rapport à la formation du contrat. Nous retiendrons donc un sens plus restreint de l’information du consommateur : les moyens personnalisés par lesquels le professionnel informe le consommateur des éléments qui lui sont immédiatement nécessaires pour conclure un contrat en liberté et en connaissance de cause17. Cette obligation d’information donne lieu à une obligation générale née du droit commun des contrats et ensuite renforcée par le Code de la consommation (§1). Mais ce principe général est parfois apparu insuffisant aux yeux des pouvoirs publics, qui l’ont alors décliné en de multiples obligations particulières, toutes assorties de sanctions pénales (§2). §1. L’obligation générale d’information Selon la Cour d’Appel de Versailles18 « les contrats spéciaux, régis par des dispositions particulières demeurent régis par le droit commun des contrats pourvu qu’il n’y ait pas d’incompatibilité entre les dispositions générales et les dispositions particulières ». 16. N. L’Heureux, Droit de la Consommation (Québec) : Y. Blais inc. 4e éd., 1993, p.5 17. Guy Raymond, Information du consommateur, Fasc. 845, Jurisclasseur Concurrence Consommation, 15 Fév. 2006 18. CA Versailles, 8 juillet 1994 : RTD civ. 1995 15 Le Code de la consommation viendra donc renforcer l’obligation générale d’information, dégagée par la jurisprudence, puisque, textuellement, elle n’existe pas dans le Code civil. Cette obligation générale peut être décelée à deux stades de la relation contractuelle : avant et après la formation du contrat. L’obligation précontractuelle aura pour objectif de fournir au cocontractant l’information nécessaire à son consentement, alors que l’obligation contractuelle permettra au cocontractant de profiter d’une bonne exécution du contrat. Cette distinction paraît assez complexe et parfois artificielle puisqu’un consommateur ne conclura pas un contrat s’il ne sait pas comment utiliser son produit. Ainsi, il parait évident que l’obligation d’information du vendeur porte à la fois sur des éléments relatifs à la formation mais aussi à l’exécution du contrat de vente. De ce fait, nous traiterons conjointement l’obligation précontractuelle et l’obligation contractuelle. Après avoir établi l’existence de cette obligation générale (I), il convient d’envisager les conséquences de son non respect (II). I. L’existence d’une obligation générale d’information Au fur et à mesure de l’évolution du droit des contrats, la jurisprudence a défini une obligation d’information, à partir de la nécessité d’un consentement éclairé pour la conclusion d’un contrat. Cette obligation, dont la nécessité ne fait plus de doute, a été transposée en Droit de la Consommation par la loi n° 92-60 du 18 janvier 1992, intégrée aujourd’hui dans l’article L 111-1 du Code de la Consommation. En réalité, la jurisprudence a dégagé l’existence d’une obligation d’information à partir de certains articles du Code Civil. En effet, les articles 1108 et 1109 font partie des fondements de cette obligation puisqu’ils exigent l’existence d’un consentement non entaché d’erreur, de dol, ou de violence. En outre, l’article 1134 du même code, en son troisième alinéa, prévoit que les conventions doivent être « exécutées de bonne foi ». Enfin, l’article 1602 de ce Code dispose que le vendeur est tenu d’expliquer clairement ce à quoi il s’oblige. Parallèlement à ces dispositions civiles, l’article L111-1 du Code de la Consommation dispose que « tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de service doit, avant la 16 conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service ». A la lecture de ce texte, l’on pourrait légitimement penser que l’étendue de l’obligation qui naît du Code de la Consommation est moins importante que l’obligation d’information du droit commun. En effet, le texte est limité aux contrats de consommation conclus avec un vendeur ou un prestataire de services. Cela est tout à fait concevable puisque ce texte s’inscrit dans un Code de lois destiné, en majorité, aux consommateurs et il ne peut donc être étendu au-delà de ces contrats. Ce texte n’est absolument pas dérogatoire au droit commun ; en réalité, il reflète la volonté du législateur de renforcer la protection des consommateurs en intégrant une telle obligation au sein même du Code qui leur est destiné. En revanche, cette disposition manque quelque peu de clarté et de précision. En effet, doiton considérer, par l’usage des termes « avant la conclusion d’un contrat » que l’information est essentiellement précontractuelle ? En outre, l’information porte-t-elle uniquement sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service ? Comment déterminer celles-ci ? Le législateur ne précise en aucun cas ces termes et il faut donc se reporter aux obligations spéciales (que nous verrons dans un second temps) mais qui ne peuvent, en toute logique, correspondre aux multiples cas que rencontre le consommateur. Le non-respect de ces dispositions n’étant pas considéré comme une infraction, quelle qu’elle soit, nous envisagerons très brièvement le système de sanctions, ne serais-ce que pour l’opposer aux sanctions des obligations spéciales d’information. II. Le non-respect de l’obligation générale d’information L’obligation générale ne fait pas l’objet de sanctions particulières. Ce sont les sanctions générales du droit civil qui s’appliquent dès lors que le professionnel n’a pas satisfait aux dispositions légales ou règlementaires. Ainsi, les juges retiendront le plus souvent la nullité du contrat ou la responsabilité civile contractuelle, les deux pouvant bien entendu être cumulés. En revanche, des sanctions pénales ne pourront s’appliquer que dans les hypothèses d’infractions de tromperie ou de publicité trompeuse. Sachant que nous étudierons 17 ultérieurement ces infractions lors de ce mémoire, nous ne développerons pas davantage ce point. Au vu de cette brève étude, nous pouvons admettre que le droit commun a conduit la loi à imposer, en faveur du consommateur, une obligation générale d’information mais elle n’en a que peu précisé le contenu, qui reste très tributaire du droit commun et qui paraît aussi générale qu’insuffisante pour protéger de façon effective le consommateur. Ainsi, les pouvoirs publics ne se satisfaisant pas de ce principe général, ils ont utilisé la faculté que leur donne la loi pour décliner l’obligation générale en de multiples obligations particulières. §2. Les obligations spéciales d’information Ces obligations spéciales ne remplacent pas l’obligation générale de sécurité, étudiée précédemment, simplement elle demeure en arrière-plan, dans l’hypothèse où aucune obligation spéciale n’existe pour une situation donné. Mais en aucun cas elle ne dispense le professionnel de son obligation générale d’information. Ces nombreuses obligations spéciales peuvent être classées en deux catégories distinctes. En effet, certaines sont essentiellement relatives aux produits (I), d’autres concernent plus particulièrement les prix (II) mais à la différence de l’obligation générale d’information, ces dispositions spécifiques sont toutes assorties de sanctions pénales (III). I. Les obligations relatives aux produits Des décrets pris en Conseil d’Etat peuvent être pris afin d’assurer l’exécution de tous les éléments visés à l’article L 214-1 du Code de la Consommation. Ces éléments, aussi variés que divers, peuvent constituer des caractéristiques essentielles et concernent par exemple « les modes de présentations ou les inscriptions de toute nature sur les marchandises », « le mode de production », « l’espèce », etc. Ces décrets permettent de préciser les caractéristiques essentielles de tel ou tel produit. Ainsi, plus aucune discussion, débat ou interprétation n’est possible devant les Tribunaux puisqu’une telle précision est présente. 18 Au sein même des obligations relatives aux produits, il faut distinguer selon que le produit est alimentaire (A) ou non (B) puisque la règlementation est plus exigeante pour les premiers. A. L’obligation d’information pour les produits alimentaires On entend par produits alimentaires, toutes denrées, produits ou boissons destinés à l’alimentation de l’homme. La question de l’information du consommateur concernant les denrées alimentaires a pris une véritable dimension européenne depuis les années 2000. En effet, la directive n°2000/13/CE du Parlement Européen et du Conseil du 20 mars 2000 a pour objectif de rapprocher les législations des Etats membres quant à l’étiquetage des denrées alimentaires. Par la suite, des textes plus particuliers sont apparus, comme par exemple le règlement n°1829/2003 relatif aux denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés En France, le Code de la Consommation prévoit des mentions obligatoires19 pour toutes denrées alimentaires. Ainsi, doit figurer par exemple la dénomination de vente, c’est-à-dire celle fixée par la règlementation en vigueur ou, à défaut par les usages commerciaux. En l’absence de règlement ou d’usage, cette dénomination doit être suffisamment précise pour permettre à l’acheteur d’en connaître la nature réelle et de la distinguer des produits avec lesquels elle pourrait être confondue. Mais le problème se pose dès lors que la denrée alimentaire a été produite dans un autre Etat membre de la Communauté Européenne. Au nom du principe de libre circulation des marchandises, la dénomination de vente sous laquelle elle est légalement fabriquée et commercialisée dans cet Etat est admise sur tout le territoire européen. Cependant, cette problématique d’information du consommateur ayant une dimension communautaire, les autorités admettent que dans les cas où la denrée s’écarte tellement, du point de vue de sa composition ou de sa fabrication, de la denrée connue sous cette dénomination sur le 19. Articles R112-14, R112-14-1, R112-2, R112-15 à R112-18 19 territoire national, elle ne sera pas admise car elle serait insuffisante pour assurer une information complète et correcte du consommateur. Par conséquent, un fromage fabriqué sur le territoire anglais ne pourra peut-être pas bénéficier de la dénomination « fromage » en France, si par exemple, sa composition est significativement différente de la composition nationale. Cette exception permet donc aux Etats membres de garder une part de souveraineté, notamment pour ce qui concerne les règlementations nationales très strictes sur certains produits, qui d’ailleurs partie intégrante du patrimoine culinaire d’un Etat. En outre, d’autres mentions sont obligatoires pour les denrées alimentaires, comme par exemple la liste des ingrédients, la quantité nette, la date limite de consommation et l’indication du lot de fabrication. Toutes ces dispositions régissant l’information du consommateur sont à compléter par de nombreux autres textes plus particuliers à tel ou tel produit. Il s’agit surtout d’arrêtés ministériels en application de ces dispositions applicables à l’ensemble des denrées alimentaires. En revanche des décrets ou même des lois peuvent intervenir, qui concerne alors des catégories de produits. Il faut également ajouter à tout cela d’autres textes communautaires. A titre d’exemple, certains textes concernent l’information sur le chocolat20, les denrées alimentaires contenant des OGM21, ou encore les produits sous marque de distributeur22. Il y existe donc une grande abondance des textes dont l’étude n’est pas envisagée dans le cadre de ce mémoire. B. L’obligation d’information pour les produits autres qu’alimentaires Comme pour les produits alimentaires, des arrêtés ministériels peuvent imposer des mentions sur les emballages de différents produits. Il s’agit par exemple de l’identification du fabricant, la composition du produit ou les conditions d’utilisation afin que le consommateur puisse connaitre, à la seule lecture ce ces mentions, les caractéristiques essentielles du produit. Dans certains cas, l’information donnée au consommateur peut 20. Article L112-7 du Code de la Consommation issu de la loi n°2001-420 du 15 mai 2001 21. Règlement communautaire du 22 septembre 2003 22. Article L112-6 du Code de la Consommation issu de la loi n°2001-420 du 15 mai 2001 20 également concerner la sécurité ou des mises en garde quant à l’utilisation du produit. Si un produit est susceptible d’être dangereux et qu’aucune mention ne le précise, le fabricant pourra voir sa responsabilité pénale engagée pour non-respect de son obligation de sécurité. Nous développerons ce point ultérieurement. Ces obligations peuvent porter sur une multitude de produits ou de catégories de produit. Pour exemple, le Code de la santé publique, dans ses articles L5131-6 et R5131-4 impose certaines mentions obligatoires devant figurer sur le récipient et l’emballage de chaque unité de produits cosmétiques mis sur le marché, à titre gratuit ou onéreux. En outre, de nombreuses autres dispositions règlementent l’information du consommateur pour un produit ou une catégorie de produit mais, comme précédemment, il n’est pas envisageable de détailler toutes ces règlementations au sein de cette étude. En effet, cette abondance peut concerner des domaines aussi nombreux que variés, comme les produits pharmaceutiques, les objets d’ameublement, le textile, les détergents, les jouets, les appareils de bronzage, les substances dangereuses, etc. II. Les obligations d’information relatives aux prestations de services Depuis la loi 2010-853 du 23 juillet 2010, les obligations d’information à l’égard des consommateurs se sont considérablement élargies. En effet, l’article 35 de cette loi met à la charge des prestataires de services de nouvelles obligations d’informations à l’égard des destinataires de ces services, qu’il s’agisse de consommateurs ou de professionnels. En outre, ces nouvelles dispositions s’appliquent à tous les services, à l’exception des services financiers et des opérations pratiquées par les compagnies d’assurances, mutuelles et institutions de prévoyance, lesquels font l’objet d’une règlementation spécifique. Cet élargissement n’est pas d’origine française puisque ces dispositions constituent la transposition de l’article 22 de la directive 2006/123 du 12 novembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur. Une telle volonté de la part des autorités communautaires de protéger le consommateur (même si la protection des professionnels est également en jeu) est un atout considérable pour nos législations. Néanmoins, un bémol assez important demeure puisque l’article L111-3 du Code de la consommation, modifié par cette loi, prévoit que lorsque les clients sont des 21 consommateurs, cette nouvelle règlementation s’applique même s’il existe des dispositions qui leur sont plus favorables. Il parait donc regrettable de ne pas privilégier une haute protection relative à l’information du consommateur, ce dernier n’étant finalement protégé que par les dispositions communautaires applicables à tous les Etats membres, et donc des dispositions qui ne sont forcément pas adaptées à chaque pays, chaque culture et chaque contexte économique. En outre, il est assez surprenant de voir que cette disposition n’est applicable que pour les consommateurs, les professionnels restant bénéficiaires d’une règlementation plus bénéfique si elle existe au sein de l’Etat. Le but de droit pénal de la consommation n’est-il pas de protéger la partie la plus faible du contrat ? Malheureusement, le droit communautaire ne perçoit pas le déséquilibre entre professionnels et consommateurs de la même façon, puisque le législateur français a toujours considéré qu’un consommateur est forcément plus faible qu’un professionnel, même si ce dernier contracte en dehors de sa spécialité. La loi du 23 juillet 2010 a apporté quelques précisions par rapport à ces obligations d’information. Même si l’information sur les caractéristiques essentielles avant la conclusion du contrat était prévue bien avant l’entrée en vigueur de cette loi (puisque même l’obligation générale d’information le prévoit23), la loi de 2010 précise qu’en l’absence de contrat écrit, cette information doit être fournie avant l’exécution de la prestation24 En outre, la loi prévoit que le professionnel doit mettre à la disposition du client, ou lui communiquer de manière claire et non ambiguë, plusieurs informations comme le nom, statut et forme juridique de l’établissement, ses coordonnées permettant d’entrer en contact rapidement et de communiquer directement avec lui, les conditions générales, etc.25 Enfin, la loi de 2010 prévoit des informations complémentaires communiquées à la demande du client, comme par exemple une référence aux règles professionnelles dans le cas d’une profession réglementée, des informations sur les activités pluridisciplinaires et les 23. L’article L111-1 du Code de la Consommation prévoit que « tout professionnel vendeur de biens ou prestataire de service doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ou du service ». 24. Article L111-2, I du Code de la Consommation 25. Article L111-2, II al 1 à 10 du Code de la Consommation 22 partenariats directement liés au service concerné, les éventuels code de conduites auxquels le prestataire est soumis, etc.26 Outre l’information relative aux produits, il existe également des dispositions régissant l’information du consommateur quant aux prix, élément souvent déterminant de son consentement. III. Les obligations relatives aux prix L’obligation d’informer le consommateur sur le prix est assez ancienne puisqu’elle était déjà contenue au sein de l’article 33 de l’ordonnance n°45-1482 du 30 juin 1945, figurant aujourd’hui à l’article L113-3 du Code de la Consommation. Plus récemment, le texte à été complété par un arrêté du 3 décembre 1987 et une circulaire d’application du 19 juillet 1988 définissant les conditions générales de l’affichage et de l’étiquetage des prix. D’autres arrêtés viennent également fixer des règles relatives à certains produits. Cette règlementation prévoit des dispositions assez générales, applicables à différentes informations relatives aux prix des produits ou services (A) une distinction est à faire entre certaines dispositions relatives aux prix des produits (B), et d’autres relatives aux prix des prestations de service (C) A. Dispositions générales Cette obligation d’information sur les prix à une double finalité puisqu’elle trouve son origine dans des textes de protection du consommateur mais également de protection de libre jeu de la concurrence. Ainsi, en plus de l’information au consommateur, il s’agit de donner une information aux concurrents sur les prix pratiqués. Ici, nous verrons essentiellement les dispositions bénéfiques au consommateur, même si le libre jeu de la concurrence est un bienfait indéniable pour le consommateur car il permet, en théorie, une baisse des prix, ou une augmentation de la qualité, en raison de la compétition entre les entreprises. 26. Article L111.2, II al. 11 à 15 du Code de la Consommation 23 Ainsi, pour ce qui concerne le consommateur, l’obligation d’information des prix vise à le mettre à l’abri de toute surprise quant au montant de la dépense totale qu’il aura à supporter pour l’acquisition du produit ou la fourniture du service proposé. Le client doit connaitre d’emblée le prix qu’il aura réellement à débourser et non un prix qui ne serait pas significatif27. Le législateur évoque ainsi un « prix tout compris » au sein de l’article 1er de l’arrêté du 3 décembre 1987, c’est-à-dire que le prix doit comprendre l’ensemble des marges commerciales et des frais (transport jusqu’au magasin, frais d’emballages, etc.), à l’exception de ceux correspondant à des prestations supplémentaires exceptionnelles que le consommateur réclamerait expressément et qui nécessiterait un accord contractuel particulier annexé à la vente du produit principal. De plus, dès lors que le prix d’un produit ne comprend pas la fourniture d’un élément ou d’une prestation indispensable à l’utilisation d’un produit ou la finalité d’un service, cette information doit être portée à la connaissance du consommateur par tout moyen approprié, avant la conclusion du contrat. C’est le cas par exemple des piles électriques qui ne sont pas toujours fournis pour l’utilisation d’un jouet, ou encore l’intervention d’un professionnel pour le branchement d’un appareil électrique, etc.) Concernant le prix de livraison, l’article 2 de l’arrêté du 3 décembre 1987, prévoit que le consommateur doit savoir si le prix annoncé s’entend livraison comprise ou non. Pour répondre à cette exigence, le professionnel a le choix entre l’inclusion des frais de livraison dans le prix de vente ou l’inclusion en sus mais, dans ce dernier cas, le consommateur devra être informé du montant (de façon partielle dans les documents publicitaires, et de façon complète sur les lieux de vente). En outre, tous les textes relatifs à l’affichage ou à l’étiquetage des prix affirment le caractère général de l’obligation : celle-ci s’applique à tous les produits et services quel que soit leur nature ou le procédé de vente utilisé28. En revanche, cette obligation ne s’applique qu’en faveur des consommateurs (même si les professionnels concurrents en profitent pleinement) et elle s’impose seulement aux commerçants ou prestataires de services professionnels. Ainsi, on en déduit qu’un particulier 27. Un prix exprimé hors taxe ou de manière incomplète ne remplit pas l’obligation d’information du par le vendeur 28. Réponse Ministérielle n°31850, 26 octobre 1987) 24 qui réaliserait de manière exceptionnelle la vente d’un produit ou une prestation de service n’est pas concerné par cette règlementation. Cette restriction semble tout à fait logique mais quid du particulier qui revend de manière assez récurrente des objets sur un site de petites annonces ? A partir de quel seuil serait-il considéré comme un professionnel ? Faut-il se référer à la notion de commerçant du Code de commerce ? En outre, la règlementation désigne « le professionnel » et la jurisprudence, à plusieurs reprises, étend cette notion pour les professions libérales. Ainsi, un avocat se doit d’informer préalablement son client des conditions de fixation de sa rémunération29. Cette obligation préalable d’information pèse également sur une clinique réalisant des opérations de chirurgie esthétique30. Outre ces dispositions à caractère général il existe également certaines dispositions plus spécifiques destinées aux produits exposés à la vue du public. B. Information relative aux prix des produits Nous évoquerons ici les prix « des produits destinés à la vente au détail » que l’Administration désigne comme étant l’ensemble des produits identiques à celui exposé ». Le prix de tout produit destiné à la vente au détail et exposé à la vue du public doit faire l’objet d’une information du consommateur de telle manière que le client puisse connaitre ce prix sans entrer dans le lieu de vente, si le produit est à l’extérieur, et sans avoir à interroger le vendeur, si le produit est visible à l’intérieur du magasin. La jurisprudence considère que l’absence de prix sur une vitrine ou un rayon en cours de transformation peut également constituer une infraction31. Selon la jurisprudence, l’objectif de l’arrêté du 3 décembre 1987 est de permettre au consommateur d’exercer des choix éclairés et être en mesure de connaitre les prix à l’avance et compare sans difficulté des offres complètes et objectives. Il y a infraction lorsque l’éventuel client est obligé soit de faire appel à un vendeur, soit de déplacer des objets fragiles pour avoir un renseignement relatif au prix des objets exposés »32. 29. Cass., 1ère Civ.18 juillet 2000 30. Cass. Crim. 15 octobre 2001 31. Cass. Crim 15 avril 1991 : Revue Contrats, Concurrence, Consommation 1991, comm. 216. 32. CA Bordeaux, 18 décembre 1985 25 Ce principe est donc une démarche contraire à celle habituellement utilisée par le vendeur dont le but est d’entrer en contact avec le client pour le persuader d’acheter et ne pas indiquer le prix permet justement d’obliger le client à entrer en contact. En revanche, on peut légitimement s’interroger sur le respect absolu de cette obligation d’affichage de prix de la part des vendeurs. En effet, il est assez fréquent pour un client de devoir se renseigner auprès d’un vendeur ou de se rendre à une « borne de gencod » pour connaitre le prix effectif du produit. Cependant, cette négligence peut dans certains cas constituer une maladresse ou encore une inadvertance du vendeur qui ne s’apparente pas forcément à une technique de persuasion du consommateur. Dans ce cas, la qualification d’infraction est peut être légèrement disproportionné, surtout si une infime partie des produits est concernée par cette absence. En outre, dès lors qu’une erreur d’étiquetage est présente, le produit doit être vendu au prix marqué puisque le client accepte une offre de contracter à un prix déterminé. Il faut cependant réserver le cas de l’erreur manifeste dès lors qu’aucun procédé de publicité trompeuse n’est en jeu. Sur ce point, les juges du Tribunal de Grande Instance de Caen ont estimé qu’un prix sans rapport avec la valeur d’un tapis d’orient fait main, laine et soie noire ne pouvait être considéré comme une erreur de jugement sur l’appréciation de la valeur, mais une erreur purement matérielle d’étiquetage, ayant provoqué la facturation de l’objet à un prix erroné, compte tenu des modalités pratiques de vente dans ce magasin à rayons multiples33. Ce raisonnement peut en outre se justifier par le fait que ce prix n’a pas exprimé le consentement du vendeur et cette vente doit en conséquence être déclarée nulle. Nous pouvons également évoquer l’absence de cause lors d’un prix dérisoire, encore faut-il que ce prix soit disproportionné par rapport à la valeur réelle. De même que pour l’obligation d’information concernant les produits, il existe également des règles spécifiques concernant cette obligation d’information des prix. Ainsi, l’information sur les prix des produits alimentaires est régie par divers arrêtés, en fonction du produit en question (pain, lait ou encore viande de boucherie). L’information du prix des livres, du carburant, des produits emballés et bien d’autres catégories font l’objet également l’objet de dispositions particulières 33. TGI Caen, 14 novembre 1984 26 C. Information relative aux prix des prestations de service Le prix de toutes les prestations de service, quelle qu’en soit la nature, doit faire l’objet d’un affichage dans les lieux où elles sont proposées au public. Il faut entendre par affichage, l’indication, sur un document unique, la liste des prestations offertes et leur prix, toutes taxes comprises. La règlementation sera respectée si aucun doute sur la nature de la prestation fournie pour le prix indiqué ne subsiste chez le consommateur. Concernant les modalités de l’affiche, celle-ci doit être parfaitement lisible de l’endroit où se tient normalement la clientèle ou de celui où elle est habituellement reçue. Cette formulation parait très imprécise dès lors que plusieurs endroits peuvent avoir cette vocation. Le législateur a peut-être utilisé une formule quelque peu complexe, simplement pour évoquer une parfaite clarté de l’affiche, qui ne devra ni être masquée, ni être placée trop loin. Cette affiche devra comporter non seulement la totalité des prestations offertes et leur prix, mais également les éventuels suppléments ou majorations correspondants à des opérations complémentaires ou spéciales. Il est certain que les dispositions relatives aux prix des prestations de services sont nettement moins nombreuses. Cependant, il existe également, à l’instar de la règlementation sur l’information des prix des produits, des règles particulières pour certains services. Pour exemple, l’information du consommateur concernant les agences de voyages, l’assainissement et vidange, les cinémas, la coiffure, la communication téléphonique et bien d’autres domaines sont régis par des textes particuliers, notamment des décrets ou arrêtés. Contrairement à l’obligation générale de sécurité, toutes ces dispositions spécifiques font l’objet de sanctions pénales en cas de non-respect. Bien sûr, ces obligations spéciales ne sont pas exhaustives et ne peuvent recouvrer toutes les hypothèses, mais l’obligation générale se trouve alors reléguée au second plan, nettement moins invoquée par le plaignant puisque hormis la responsabilité civile du vendeur et la nullité du contrat, aucune autre sanction plus contraignante n’est en jeu. IV. Les sanctions pénales d’un manquement à une obligation spéciale d’information Aux termes de l’article R113-1 du Code de la consommation, les infractions aux arrêtés relatifs à la publicité des prix constituent des contraventions de cinquième classe, soit une 27 amende de 1500 euros au maximum. Par contre, dès lors que l’infraction constitue un manquement à un décret relatif à l’information des produits, l’infraction sera qualifiée de contravention de 3ème classe. De surcroît, l’amende peut dans de nombreux cas devenir conséquente puisqu’il y aura autant d’infractions que de produits pour lesquels l’information n’est pas présente. Le non-respect de l’obligation d’information qui pèse sur le vendeur de biens ou de services peut également être sanctionné par la mise en œuvre de plusieurs délits, parmi lesquels la tromperie ou encore le délit de publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur, cette dernière étant englobée sous la nouvelle qualification de pratique commerciale trompeuse, issue de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 Dans le corps de ce mémoire, d’autres obligations d’informations pourront également être étudiées, à travers notamment la conclusion de certaines contrats ou la pratique de certaines méthodes de vente. Outre cette information à laquelle sont tenus les professionnels, ceux-ci peuvent également délivrer une information facultative, valorisante pour leurs produits. Section 2: L’information facultative Les professionnels peuvent, en plus de respecter les obligations légales d’information, mettre à la disposition du consommateur divers signes de qualité afin de les renseigner sur la qualité des produits et leur provenance. Cette mise à disposition de ces appellations a un double avantage : non seulement elles apportent une information sérieuse au consommateur puisque les professionnels ne peuvent l’obtenir que dans le cadre de conditions plutôt strictes mais, en outre, elles concèdent au vendeur un véritable atout commercial et promotionnel puisqu’un tel signe sur un produit le valorise de manière considérable. Une multitude de signes existent (§1), nécessitant ainsi la mise en place d’une certaine protection pénale quant à leur violation ou leur usage interdit (§2) 28 §1. La multiplicité des signes de qualité La variété de ces signes est certaine, par leur origine, leur nature et leur signification. Certains sont d’origine française (I), d’autre ont une dimension communautaire (II) mais la reconnaissance de ces signes de qualité peut même avoir une importance internationale (III). I. Les signes de qualité d’origine française La loi n’évoque pas le terme « signe de qualité » mais distingue plusieurs appellations. Par exemple, l’indication géographique sert à identifier un produit comme étant originaire d’un territoire, d’une région ou d’une localité dans les cas où une qualité, réputation ou tout autre caractéristique déterminée du produit peut être attribué essentiellement à cette origine géographique. Ce signe de qualité est très général dans la mesure où il évoque à la fois des liens objectifs avec l’origine ou des relations plus subjectives comme la réputation. De ce fait, au sein même de l’indication géographique, on retrouve l’appellation d’origine (A) ; mais l’indication géographique peut également englober l’indication de provenance (B). D’autres signes de qualité d’origine française existent comme les labels et certifications des produits agro-alimentaires (C), la certification des services et des produits autres qu’alimentaires (D) et la marque NF (E) A. L’appellation d’origine Ce signe concerne la dénomination géographique d’un pays, d’une région ou d’une localité servant à désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité et les caractères sont dus essentiellement au milieu géographique. La loi du 6 mai 1919 est à l’origine de ce signe de qualité mais elle a été profondément modifiée par la loi n° 90-558 du 25 juillet 1990 qui a réorganisé toutes les procédures d’appellations d’origine. Ces dispositions ont été introduites dans le Code de la Consommation aux articles L115-1 à L115-8. On peut distinguer deux catégories d’appellations d’origines. Il existe tout d’abord l’appellation d’origine simple (AO) qui fait l’objet de la loi de 1919 et ne concerne, depuis 1990, que des produits non alimentaires et non agricoles. La protection accordée peut 29 résulter soit d’une procédure judiciaire donnant lieu à un jugement, soit d’une procédure administrative, conduisant à un décret en Conseil d’Etat. Tous deux délimitent l’aire géographique de production et déterminent les qualités ou caractère du produit. En outre, il existe aussi l’appellation d’origine contrôlée, beaucoup plus fréquente, instituée par la loi du 2 juillet 1990 à tous les produits agricoles ou alimentaires. De nombreuses sortes de fromages et de vins bénéficient d’une telle appellation et pour l’obtenir ces produits ont dû répondre à de nombreuses exigences, prévues à l’article L115-5 du Code de la consommation. Ainsi, le produit devra être agricole ou alimentaire, répondre à la définition donnée par l’article L115-1 du Code de la consommation34, posséder une notoriété dûment établie et avoir reçu un agrément. Chaque AOC est définie de manière administrative, par décret, sur proposition de l’Institut National des Appellations d’Origine (INAO) et la protection accordée par ce signe de qualité est absolue. Par exemple, aucun vin ne pourra bénéficier de l’appellation « Bordeaux » s’il ne satisfait pas les conditions précitées. Cette protection peut s’étendre aux produits similaires mais seulement si leur utilisation serait susceptible de détourner ou d’affaiblir la notoriété de l’appellation d’origine35. L’évocation d’un contrôle de ce signe de qualité recouvre un ensemble d’interventions de l’administration et d’organismes spécialisés dans la reconnaissance de l’appellation, mais aussi dans la production et la commercialisation. Ces contrôles ont été encore renforcés ces dernières années : pendant longtemps, l’agrément se bornait à des analyses au moment de la commercialisation. Désormais il faut une habilitation préalable des opérateurs, un contrôle des conditions de production et, enfin, un contrôle des produits. B. L’indication de provenance A l’inverse de l’appellation, nous n’avons pas dans notre Droit français de définition légale de l’indication de provenance. Cependant, nous savons que ce signe de qualité est à distinguer de l’appellation d’origine car il n’est finalement qu’un renseignement commercial qui permet notamment de distinguer les produits étrangers, et non un titre de qualité. Ce 34. « Constitue une appellation d’origine la dénomination d’un pays, d’une région ou d’une localité servant à désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus au milieu géographique, comprenant des facteurs naturels et des facteurs humains ». 35. Article L115-6 du Code de la Consommation 30 signe concerne en réalité une question d’image plus subjective que l’appellation d’origine. Par exemple, l’eau de Javel est une indication de provenance, sa production industrielle ayant commencé dans le quartier de Javel, à Paris. Pour la doctrine, il s’agit généralement de la simple indication du lieu dont sont issus le produit ou le service offert au public, sans aucune garantie quant aux caractères ou à la qualité du produit36. En outre, des noms géographiques devenus des dénominations génériques assez large, comme moutarde de Dijon ou savon de Marseille sont des indications de provenance. C. Labels et certifications des produits agro-alimentaires La loi d’orientation agricole n°60-808 du 5 aout 1960 avait donné un rôle important aux labels destinés à signaler aux consommateurs un niveau de qualité supérieur ; les produits ainsi désignés devaient se distinguer des produits similaires de l’espèce habituellement commercialisée, notamment par leurs conditions particulières de production ou de fabrication, et le cas échéant, par leur origine géographique. Par la suite, de nombreux textes règlementaires sont intervenus pour organiser le régime de ces signes de qualité et notamment leur contrôle officiel, par le biais d’une homologation par arrêté ministériel, après avis de la Commission nationale des labels et certifications de produits agricoles et alimentaires. Le label et la certification, attestant qu’un produit possède des caractéristiques spécifiques préalablement fixées dans un cahier des charges, ne peuvent se cumuler avec une appellation d’origine et il existe entre ces deux signes, un niveau de qualité différent. En effet, le label rouge atteste d’un niveau de qualité supérieure, supposant que le produit possède un ensemble de qualité et caractéristiques spécifiques37. Quant à la certification, elle atteste seulement que le produit est conforme à des caractéristiques spécifiques portant, selon les cas, sur la production, la transformation ou le conditionnement38. Depuis la réforme du 7 décembre 2006, la certification de conformité ne peut plus être utilisée dans une perspective d’indication géographique. En effet, cette certification était initialement conçue pour les relations entre producteurs, mais elle a été largement utilisé à destination du public, en s’appuyant sur des logos attractifs comme 36. P.Mathély, Le Droit français des signes distinctifs, 1984, p.868 37. Article L115-19 du Code de la Consommation 38. Article L115-25 du Code de la Consommation 31 « Atout qualité certifié » ou « CQC – Critères Qualité Certifiés ». Cette pratique a fait l’objet de critiques des organismes de consommateurs qui dénonçaient alors les confusions apportées par la multiplication des signes. De ce fait, l’ordonnance de 2006 a établi des distinctions claires, en disposant ces certifications en dehors des signes d’identification de la qualité et de l’origine, prévoyant en outre que ces certification ne peuvent comporter de mention géographique, « à moins que celle-ci ne figure dans la dénomination devenue générique du produit »39 D. La certification des services et des produits autres qu’alimentaires La loi n°78-23 du 10 janvier 1978 avait institué la « qualification des produits industriels », modifiée par une loi du 3 juin 1994 ; elle s’intitule désormais « certification des services et des produits autres qu’alimentaires »40. Ces certifications sont applicables à tous produits ou services, à l’exception des denrées alimentaires et des produits agricoles non alimentaires et non transformés. L’article L115-27 du Code de la consommation prévoit les conditions d’obtention de cette certification : c’est un organisme totalement distinct du fabricant, de l’importateur, du vendeur ou du prestataire qui atteste qu’un produit ou un service est conforme à des caractéristiques décrites dans un référentiel et faisant l’objet de contrôles. En revanche, tout comme la certification des produits agroalimentaires, cette certification n’atteste en rien un niveau de qualité supérieure. E. La marque « NF » La marque NF est une marque collective, nationale, attestant la conformité aux normes française. Cela signifie que le produit apposant « NF » sur le contenant ou l’emballage répond aux exigences d’une norme, en générale facultative, élaborée au sein de l’Association Française de Normalisation (AFNOR). Ce signe peut être apposé sur des produits destinés aux consommateurs, mais également sur des produits destinés à des professionnels. Ici encore, cette certification atteste seulement de la conformité à une norme mais ne démontre en rien le signe d’une qualité supérieure. 39. Article L641-21, al.2 du Code Rural 40. Article L115-27 du Code de la Consommation 32 Alors qu’il existe de nombreux signes de qualité en France, certains permettant au consommateur d’être réellement informé, d’autres n’apportant finalement qu’une information assez succincte, ces signes de qualité sont également présent au niveau communautaire. II. Les signes de qualité d’origine communautaire La libéralisation des échanges, indispensable à la formation d’un marché intérieur, interdit, entre les États membres toute restriction quantitative à l’importation ou à l’exportation, ainsi que des mesures d’effet équivalent, c’est-à-dire les barrières non tarifaires. Cependant, les interdictions fondées sur certaines causes reconnues par l’article 36 (devenu art. 30) sont justifiées, et parmi celles-ci figure la protection de la propriété industrielle et commerciale, et par conséquent celle des appellations d’origine et des indications de provenance. Mais, selon le texte, « ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres ». Afin d’éviter des distorsions de concurrence et des entraves à la libre circulation, il a donc fallu arrêter des principes communs et fixer des règlements particuliers. Cependant, ces règlements ne sont pas intervenus dans le cadre de la politique de la concurrence mais dans celui de sa politique agricole commune pour les produits agro-alimentaires et les vins, les produits industriels, contrairement aux dispositions françaises, restent à l’écart de ces procédures communautaires. Ainsi, le consommateur européen peut bénéficier d’une information supplémentaire, par le biais de plusieurs signes de qualité, tel que les appellations d’origines (A), les spécialités traditionnelles garanties (B), ou encore la marque CE (C). A. Les appellations d’origine La question des appellations d’origine fut posée de manière plus précise en 1992, dans l’affaire de l’embouteillage obligatoire du vin de Rioja dont la légitimité ne fut alors pas reconnue. La CJCE indiqua que « l’appellation d’origine a pour fonction spécifique de 33 garantir que le produit qui en est revêtu provient d’une zone géographique déterminé et présente certains caractères particuliers »41. Par la suite, le règlement du 20 mars 2006, reprenant une disposition identique du règlement du 14 juillet 1992, défini deux niveaux différents de référence géographique : Les Indications Géographiques Protégées (IGP) et les Appellations d’Origine Protégées (AOP). En dépit de la volonté communautaire d’une « approche plus uniforme », le règlement ne peut pas aller jusqu’à écarter des nuances qui se retrouvent dans de nombreux Etats. Il faut comprendre par IGP le nom d’une région d’un lieu déterminé ou, dans des cas exceptionnels, d’un pays, qui sert à désigner un produit agricole ou une denrée alimentaire. Ce produit originaire de cette région, de ce lieu déterminé et dont une qualité déterminée, la réputation ou une autre caractéristique peut être attribuée à cette origine et dont la production et/ou la transformation et/ou l’élaboration ont lieu dans l’aire géographique délimitée, pourra alors bénéficier ce l’obtention de cette IGP. En revanche, l’AOP est définie comme étant le nom d’une région, d’un lieu déterminé ou, dans certains cas exceptionnels, d’un pays, qui sert à designer un produit agricole ou une denrée alimentaire. Dans ce cas, le produit originaire de cette région, de ce lieu déterminé ou de ce pays, dispose des qualités ou des caractères dus essentiellement ou exclusivement au milieu géographique. Ce milieu comprenant les facteurs naturels et humains, permet cette production, transformation et élaboration. Cependant, une dérogation à cette exclusivité territoriale est prévue au même article pour « certaines désignations géographiques dont les matières premières des produits concernés proviennent d’une aire géographique plus vaste ou différente de l’aire de transformation, à condition : que l’aire de production de la matière première soit délimitée et qu’il existe des conditions particulières pour la production des matières premières et qu’il existe un régime de contrôle assurant le respect des conditions » (§ 3). Cette dérogation à la règle de relation étroite avec une origine permet de respecter certaines situations historiques particulières comme celle du roquefort dont la matière première peut provenir d’une zone assez large, qui allait jusqu’en Corse avant d’avoir été progressivement restreinte. D’ailleurs, cette exception n’est possible que pour des appellations déjà 41. CJCE 9 Juin 1992, Delhaize le Lion, aff. C-4790, 34 consacrées, puisqu’elles devaient avoir été reconnues nationalement avant le 1er mai 2004. Ainsi, ce qui distingue ces deux appellations est le lien étroit qu’entretien le produit avec le terroir, l’AOP étant bien sur beaucoup plus subordonné au territoire, comparativement à l’IGP. Une reconnaissance de ces signes de qualité au niveau européen est un bienfait considérable pour la France puisque les produits alimentaires français de qualité sont très nombreux et il serait dommageable qu’un fromage étranger, ne respectant pas les conditions de fabrication française puisse bénéficier d’une appellation tel que « Cantal » ou « Brie ». En revanche, dès lors qu’un produit français ne peut obtenir l’AOP, il perdra le bénéfice de son appellation d’origine nationale. Par conséquent, les conditions de production, de transformation et d’élaboration sont dès lors soumises aux règlements communautaires et les Etats perdent donc un certain degré de souveraineté dans la mise en place de leur système productif, objet même de la qualité supérieure de certaines denrées alimentaires. Mais cette exigence permet d’éviter toute entrave au commerce entre Etat membre et atteste d’une certaine harmonisation entre les législations et conditions d’obtention ce ces signes de qualité. B. Les Spécialités Traditionnelles Garanties Les dénominations de Spécialités Traditionnelles Garanties (STG) avaient été prises en compte en même temps que les AOP et les IGP par le règlement n° 2082 du Conseil du 14 juillet 1992 sur les attestations de spécificités. Ce règlement a été remplacé par un nouveau texte, en 2006. Cette dénomination permet de distinguer des produits agricoles ou des denrées alimentaires qui doivent, selon l’article 4, « soit être produits à partir de composition traditionnelles, soit se caractériser par une composition traditionnelle ou par un mode de production et/ou de transformation correspondant à un type de production et/ou de transformation traditionnel. ». Ces STG on certes un lien avec une origine géographique comme les « bières belges », le « jambon serrano », la « mozzarella » mais, selon le règlement, leur spécificité ne peut résider dans la provenance ou l’origine géographique, même si un nom géographique peut 35 figurer dans la dénomination42. En réalité, l’utilisation de ce signe fait apparaître une transmission entre génération, à savoir au moins 25 ans. C. La marque « CE » Ce signe a le même objectif que la marque NF puisque son apposition sur un produit ou sur son emballage fait présumer une conformité aux dispositions de l’une des directives européennes dite « nouvelle approche ». Certains produits devant respecter des règles impératives, généralement dans le but de répondre à des questions de sécurité. Les directives « nouvelle approche » posent des exigences essentielles, permettant d’harmoniser les règles entre les Etats membres et favoriser ainsi le commerce entre les Etats. Il existe une vingtaine de directives, toutes aussi variées les unes que les autres, concernant par exemple les appareils à gaz, les chaudières à eau chaude ou encore les jouets. Toutes ces directives ont été transposées en droit français par des lois ou des décrets. Les conditions d’obtention du signe « CE » varient en fonction de la directive. Elles peuvent concerner une déclaration de conformité du fabricant assortie d’une documentation technique. Pour des produits plus dangereux, la déclaration du fabricant doit pouvoir être précédée d’une attestation de conformité délivrée par un organisme national. La volonté de renseigner le consommateur sur les qualités supérieures d’un produit se traduit également sur le plan mondial, grâce à plusieurs dispositions, et ce malgré de nombreuses différences d’appréciations entre les pays. III. Les signes de qualité d’origine mondiale Sur le plan international, la compréhension du rôle des indications géographiques n’est pas la même dans tous les pays. Par exemple, les Pays de l’Europe du Sud accordent une grande importance à une qualité enracinée dans les terroirs, tandis que les pays d’Europe du Nord ainsi que « le Nouveau Monde » s’attachent plutôt à des critères techniques et sanitaires de qualité garantis par les marques d’entreprises industrielles. 42. F.VIOLET, L’attestation de spécificité : réflexion sur un signe de qualité des produits agroalimentaires spécifiques et traditionnels, 1999 36 Ces divergences ont longtemps compliqué et ralenti les discussions en matière de protection des indications géographiques, mais beaucoup de pays prennent désormais conscience de l’intérêt de défendre leurs propres terroirs. Ainsi, les négociations commerciales bilatérales facilitent la prise en compte des appellations d’origine en contrepartie de l’ouverture des marchés43. De plus, le débat est soutenu par des organisations non gouvernementales qui revendiquent une meilleure prise en compte des indications géographiques. Ces débats sont encadrés autour de grandes organisations comme l’Organisation Mondiale de la Propriété Industrielle (OMPI), ou l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Certaines institutions plus spécifiques y participent également comme l’UNESCO, qui projette une « Chartre des terroirs »44, ou encore l’Office International du Vin, devenu depuis le 1er janvier 2004, l’Organisation International de la vigne et du vin (OIV). Le cadre international de protection des appellations géographique se retrouve au sein de l’Union de Paris (A), de l’OMC (B), de plusieurs conventions bilatérales ou multilatérales (C) ou encore au cœur du centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI (D) A. L’union de Paris L’Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle offre un cadre général pour la défense internationale des indications géographiques. En effet, selon le 2e alinéa de l’article 1er de la Convention du 20 mars 1883, complété sur ce point le 6 novembre 1925, « la protection de la propriété industrielle a pour objet les brevets d’invention, les modèles d’utilité, les dessins ou modèles industriels, les marques de fabrique ou de commerce, les marques de service, le nom commercial et les indications de provenance ou appellations d’origine, ainsi que la répression de la concurrence déloyale » Cet accord concerne davantage la répression des indications de provenance fausses ou fallacieuses sur les produits et permet ainsi une réelle protection de ces signes de qualité. 43. Norbert OLSZAK, « Appellations d’origine et Indication de provenance », Répertoire Droit Commercial Dalloz, Octobre 2008 44. L’UNESCO a abrité le 10 novembre 2005 des rencontres internationales en vue de la préparation de cette chartre. 37 B. L’Organisation Mondiale du Commerce A côté du système de l’Union de Paris, le second grand instrument mondial qui intéresse la propriété industrielle est l’accord de Marrakech instituant l’OMC, dont une annexe est consacrée à ces questions : l’Accord sur les aspects des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Accord ADPIC) du 15 avril 1994. Les indications géographiques font l’objet d’une section intitulée « normes concernant l’existence, la portée et l’exercice des droits de propriété intellectuelle ». On y trouve les articles 22 à 24 consacrés respectivement à la protection des indications géographiques, à une protection additionnelle pour les vins et spiritueux et, enfin, aux négociations internationales et aux exceptions. L’organisation Mondiale du Commerce, tout comme le cas des AOP au niveau communautaire prévoit « qu’il n’y aura pas obligation en vertu du présent accord de protéger des indications géographiques qui ne sont pas protégées dans leur pays d’origine ou qui cessent de l’être ou qui sont tombées en désuétude dans ce pays ». C. Les conventions bilatérales et multilatérales Compte tenu du caractère encore trop vague des dispositions internationales, plusieurs pays, dont la France, s’étaient engagés depuis longtemps dans la conclusion de conventions bilatérales ou multilatérales. Certaines, comme les traités de commerce, se contentent de fixer des principes généraux de protection, tandis que d’autres sont spécifiques à des produits pour lesquels les indications géographiques jouent un grand rôle. De nombreux pays sont liés par des conventions bilatérales, notamment sur la question des indications géographiques, dont la plupart sont publiées dans le Recueil des traités de l’OMPI. La France en a signé plusieurs, surtout avec des pays européens, dans les années 1960 et 1970. Actuellement, ces conventions ont souvent et partiellement perdu de leur intérêt, en raison du développement d’autres dispositifs protecteurs, notamment sur le plan communautaire. En particulier pour les États membres entre eux, il existe des dispositions propres aux produits agroalimentaires. 38 En outre, concernant les produits agroalimentaires pour lesquels les indications géographiques ont un rôle important, des pays producteurs ont éprouvé le besoin de conclure des accords multilatéraux spécifiques. Malheureusement, seuls deux produits importants de la table sont concernés par ces accords : le fromage et l’huile d’olive. Sur ces points, les parties contractantes à la convention s’engagent à prohiber et à réprimer sur leur territoire l’emploi, dans les langues du pays ou dans une langue étrangère, des appellations d’origine, dénominations et désignations de fromages ou d’huile d’olive contraires aux dispositions de la convention. D. Centre d’arbitrage et de médiation de l’Office Mondial pour la Protection Intellectuelle (OMPI) pour les noms de domaine de l’internet Les aspects les plus récents de la protection des indications géographiques concernent leur usage pour les sites Internet et spécialement les sites commerciaux. Cette évidence a favorisé très tôt, pour les noms géographiques, les pratiques de « cybersquatting » par lesquelles un spéculateur pouvait réserver un nom pour le céder ensuite à celui qui voulait l’exploiter, d’autant plus que les règles étaient très souples sur ce point. Ce phénomène n’est pas entièrement nouveau, car il concernait déjà en général les marques de commerce ou, dans le domaine des communications, les adresses télématiques du « Minitel », voire les adresses télégraphiques dès le XIXe siècle, mais il prend une proportion nouvelle en raison de la dimension mondiale de la « Toile » et de la difficulté de régler les contentieux qui pourraient surgir en cas de parasitisme, de concurrence déloyale ou d’usurpation.45 Cette difficulté procédurale a conduit l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) et l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), chargée de l’attribution des noms de domaine, à mettre au point, le 24 octobre 1999, au terme d’un premier processus de consultation, les « principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine » avec une procédure administrative « en ligne » rapide et efficace qui a déjà réglé plusieurs milliers de contentieux (www.arbiter.wipo.int ou www.icann.org). Cette procédure ne fonctionne pour l’instant que pour les conflits entre noms de domaine et marques et, si elle a eu tout de suite à s’occuper de quelques noms de domaine géographique 45. J.AUDIER, Les vins, le droit et l’internet, 1999. 39 (barcelona.com, brisbane.com, rouen.net, etc.), il s’agissait en fait de noms de lieux qui avaient aussi été enregistrés comme une marque. Cependant, dans la pratique, on peut discerner une évolution favorable quant à la prise en compte des indications géographiques. Après le rappel des signes de qualité les plus répandus, tant sur le plan national, communautaire que mondial, il convient d’analyser le système de protection de ces signes, en fonction de l’échelle géographique ce qui peut donner lieu à des interprétations de la part des autorités publiques. § 2 : Le système de protection des signes de qualité Les signes de qualité sont protégés au niveau national (I), communautaire (II) et mondial (III) I. La répression pénale au niveau national Cette répression est prévue par des dispositions légales (A) et prétoriennes (B) A. Les dispositions légales Selon l’article L. 115-16 du Code de la consommation, quiconque aura utilisé ou tenté d’utiliser frauduleusement une appellation d’origine sera puni d’un emprisonnement de deux ans et de 37 500 € d’amende. La même peine sanctionnera celui qui aura, soit apposé, soit fait apparaître, par addition, retranchement ou par une altération quelconque, sur des produits, naturels ou fabriqués, mis en vente ou destinés à être mis en vente, des appellations d’origine qu’il savait inexactes. De plus, la nouvelle rédaction de cet article par l’ordonnance n° 2006-1547 du 7 décembre 2006 ayant fait disparaître la précision « appellation d’origine contrôlée » dans l’alinéa pertinent, la même sanction peut frapper celui qui aura utilisé un mode de présentation faisant croire ou de nature à faire croire qu’un produit bénéficie d’une appellation d’origine. Le tribunal pourra en outre ordonner l’affichage et la publication du jugement. Ces peines concernent, outre les appellations d’origine, les utilisations frauduleuses des labels agricoles ou les certifications, ainsi que l’utilisation d’un mode de présentation de nature à faire croire qu’un produit bénéficie d’un label, d’une certification ou d’une 40 appellation46 Ainsi, pour mettre en œuvre une protection des plus efficaces, le législateur a érigé en délit pénal cette utilisation frauduleuse. Cette volonté forte de protection des appellations semble tout à fait évidente puisqu’il s’agit de préserver les intérêts de deux catégories d’agents économiques. D’une part le consommateur, qui serait bien sûr trompé quant aux caractéristiques du produit et n’aurait donc pas eu connaissance de toutes les informations requises du produit pour éclairer son consentement, et d’autre part, le producteur bénéficiant légitimement d’une appellation, qui s’efforce de respecter toutes les conditions et exigences pour l’obtention et la conservation de ces signes de qualité. En effet, les agissements du producteur utilisant frauduleusement une telle énonciation peut s’apparenter à une sorte de parasitisme puisque aucun effort pour l’obtenir n’a été mis en œuvre, ou alors des efforts modiques par rapport à ceux initialement prévus. En revanche, l’on peut regretter que l’utilisation frauduleuse des certifications de services et produits ne soit assortie d’aucune sanction pénale spécifique. C’est en effet le délit de tromperie (nous verrons dans une section suivante les éléments constitutifs de ce délit), qui s’applique dès lors que les conditions de mises en œuvre sont présentes. Il en est de même pour l’utilisation d’un mode de présentation de nature à faire croire qu’un produit bénéficie d’une telle certification. B. Les dispositions prétoriennes La jurisprudence est venue à plusieurs reprises compléter les dispositions légales par des décisions parfois très favorables à la protection des signes de qualité. Pour exemple, la loi prévoit, en principe, que l’apposition d’une fausse appellation d’origine est punissable seulement lorsqu’elle a été faite sur le produit lui-même. Cependant, cette apposition peut résulter d’une combinaison d’éléments. Ainsi, en relaxant un prévenu du chef d’apposition d’une fausse appellation d’origine au motif que les bouteilles en cause, dépourvues d’étiquette, ne comportaient aucun signe révélateur d’une appellation d’origine, de sorte que l’élément matériel fait défaut, une cour d’appel n’a pas justifié sa décision, dès lors qu’elle n’a pas recherché si l’utilisation de la bouteille de type « flûte d’Alsace », réservée pour les vins issus de raisins récoltés sur le territoire français à certains vins 46. Articles L115-20 et 115-26 du Code de la Consommation 41 d’appellation d’origine, dont le vin d’Alsace, accompagnée d’un bouchon estampé avec la mention «mis en bouteille en Alsace » ne suffisait pas à faire apparaître l’appellation d’origine Alsace47. Ici, le produit n’était pas encore commercialisé mais stocké de cette façon. Ainsi, dès lors qu’un produit porte une appellation d’origine sciemment inexacte, le support de la fausse appellation n’importe pas. Par exemple, a été condamné le professionnel présentant sur un catalogue publicitaire un vin blanc de table dénommé « Perle des neiges » à côté de vins d’appellation d’origine sous un titre général « Savoie », bien que l’AOC protégée soit « Vin de Savoie »48. II. Le système de protection communautaire Les dérogations aux principes de libre circulation des marchandises devant être interprétées de manière stricte, la Cour de Justice de l’Union Européenne a été saisie de nombreuses affaires concernant la propriété industrielle, soit en manquement, soit sous forme de question préjudicielle. C’est ainsi que la CJCE a du d’abord déterminer les éléments de définition des notions d’appellation d’origine ou d’indication de provenance dans une affaire connue sous le nom de « Sekt » où la Commission européenne s’opposait à une réglementation allemande qui entendait réserver les dénominations Sekt et Weinbrand respectivement à des vins mousseux et à des eaux-de-vie d’origine allemande ou de pays de langue allemande. La loi allemande fut déclarée non conforme au traité de Rome, parce que ces dénominations réservées ne répondaient pas aux critères d’une indication géographique susceptible de protection. En effet, pour la Cour, ces signes distinctifs « doivent satisfaire aux objectifs de cette protection, notamment à la nécessité d’assurer non seulement la sauvegarde des intérêts des producteurs intéressés contre la concurrence déloyale, mais aussi celle des consommateurs contre les indications susceptibles de les induire en erreur ». Ces objectifs supposent que les termes employés « désignent au moins dans tous les cas, un produit provenant d’une zone géographique déterminée ». 47. Crim. 26 avril 2000, Bull. crim. no 165, 48. Crim. 18 juin 1997, Bull. crim. no 242 42 En revanche, dès lors qu’une appellation est enregistrée au niveau communautaire, le dispositif de protection est plutôt efficace et strict. Pour exemple, la CJUE a eu l’occasion de préciser la notion du terme « gorgonzola » en indiquant que dans l’hypothèse où le terme utilisé pour désigner un produit incorpore une partie d’une dénomination protégée, le consommateur, en présence du nom du produit, est amené à avoir à l’esprit, comme image de référence, la marchandise bénéficiant de l’appellation. Ainsi, à propos de la marque autrichienne « Cambozola », le juge communautaire a ajouté que « s’agissant d’un fromage à pâte molle et à moisissures bleues, dont l’apparence extérieure n’est pas sans analogie avec celle du fromage « Gorgonzola », il semble légitime de considérer qu’il y a évocation d’une dénomination protégée lorsque le terme utilisé pour le désigner se termine par les deux mêmes syllabes que cette dénomination … »49 La question de l’évocation de l’appellation a été débattue à nouveau quand il s’est agi de savoir si l’usage de « parmesan » pouvait être admis alors que la dénomination de fromage « Parmigiano reggiano » était protégé comme AOP. Selon certains, « parmesan » était une dénomination générique, sans rapport avec un produit d’origine ; mais il ressort cependant des circonstances de son utilisation que le terme évoque clairement l’AOP italienne et qu’il ne peut donc être accepté50. Dès lors que la CJUE, par le biais d’une question préjudicielle ou d’un manquement d’un Etat membre, estime qu’une signe communautaire a été violé, copié, ou frauduleusement utilisé, c’est à l’Etat membre de l’appellation lésée de mettre en œuvre son système répressif. En France, la protection des signes communautaire est assurée au même titre que les signes d’origine nationale : deux ans d’emprisonnement et une amende de 37 500 euros51. III. Le système de protection au niveau mondial Plusieurs institutions mondiales garantissent la protection des signes de qualité. Ainsi, L’Union de Paris octroit aux appellations reconnues une protection très entendue, sans 49. CJCE 4 mars 1999, Consorzio per la tutela del formaggio Gorgonzola, aff. C-87/97, Rec. I. 1301 50. CJCE, Gr. chambre, 26 févr. 2008, Commission c/Allemagne, aff. C-132/05 51. Article L115-16 du Code de la consommation 43 limite de durée, car l’article 3 de l’Arrangement de Lisbonne52 dispose que : « la protection sera assurée contre toute usurpation ou imitation, même si l’origine véritable du produit est indiquée ou si l’appellation est employée en traduction ou accompagnée d’expressions similaires telles que « genre », « type », « façon », « imitation » ». La protection accordé par l’OMC est pour sa part mois élevée que celle consacrée par l’Union de Paris puisque, même pour des produits similaires, ou dans les cas d’homonymie, la protection ne joue que s’il y a un risque d’erreur sur l’origine ou l’existence de pratiques de concurrence déloyale, ce qui peut poser des problèmes de preuve assez délicats devant les juridictions étrangères et laisse la porte ouverte à toutes les usurpations ou usages de qualificatifs délocalisant. Cependant, pour des produits particulièrement concernés par les tromperies, des dispositions spécifiques existent. En outre, les conventions bilatérales ou multilatérales permettent de protéger les signes de qualité des pays partie à l’accord puisque les Etats contractants sont volontaires pour signer et y voient donc un intérêt conséquent à respecter les termes de l’engagement. Le volontariat permet donc une certaine efficacité quant à cette protection. Pour exemple, un modèle évolué est représenté par la Convention du 8 mars 1960 entre la République fédérale d’Allemagne et la République française concernant la protection des indications de provenance, des appellations d’origine et d’autres noms géographiques53. Les pays signataires ont échangé des listes de noms à protéger sur leur territoire et la Convention précise que les noms figurant sur la liste de l’Allemagne seront protégés en France conformément à la législation allemande et que les noms figurant sur la liste de la France seront protégés en Allemagne conformément à la législation française. Enfin, le centre de médiation et d’arbitrage de l’OMPI, en dépit de la faible prise en compte des indications ou appellations géographique, a tout de même rendu une décision54 concernant la marque viticole « Château Margaux » opposée à un marchand anglais qui avait enregistré chateaumargaux.org. Un expert suisse, le professeur F. DESSEMONTET, avait relevé, à titre subsidiaire, que cette marque était aussi une indication géographique, désignant un domaine viticole, et qu’on ne pouvait donc pas, de bonne foi, se l’accaparer 52. L’Arrangement de Lisbonne a été signé le 31 octobre 1958 et 26 pays du monde en sont membre 53. Décr. no 61-547 du 26 mai 1961, D. 1961. 189 54. Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI, case no D2001-1147, 3 déc. 2001, SCA château Margaux c/Goldman Williams Ltd 44 pour un nom de domaine. Depuis, on pourrait penser qu’il est désormais possible d’obtenir une décision favorable à une appellation d’origine sans avoir à s’appuyer sur une marque. Assurée sur le plan de l’information, la protection du consommateur l’est tout autant au regard des stratégies de distribution des professionnels. CHAPITRE 2 : LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR FACE AUX STRATEGIES DE DISTRIBUTION DES PROFESSIONNELS De nombreuses méthodes de vente sont utilisées par les entreprises dans le but de développer considérablement leurs ventes de biens ou services. Ces méthodes dépendent d’une véritable stratégie et politique commerciale du professionnel, relevant avant tout du marketing. Le principe de libre concurrence permet à chaque entité de choisir librement les méthodes de distribution qu’elle souhaite pratiquer, mais de nombreuses limites ont été apportées par le législateur français et communautaire afin d’éviter l’utilisation de procédés déloyaux et trompeurs, au détriment du consommateur mais également des concurrents. Afin d’étudier ces limites au principe de libre concurrence, nous suivrons en toute logique le plan du Code de la consommation, qui règlemente certaines méthodes de distribution (Section I) alors que d’autres sont formellement proscrites (Section II). Lors de cette démonstration, nous ne pourrons analyser toutes les stratégies de distribution qui s’offrent aux entreprises mais nous analyserons celles qui nous semble les plus fréquentes et/ou les plus dangereuses. Section 1 : Les méthodes de distribution réglementées De manière générale, il existe deux méthodes de distribution strictement encadrées par le Code de la consommation, en raison notamment des dangers potentiels qu’elles présentent. Ainsi, des dispositions particulières sont prévues dès lors que le contrat est conclu à distance (§1) ou à domicile (§2). 45 §1. Le contrat conclu à distance Avant tout développement juridique, il est primordial d’établir une analyse succincte du droit de l’Internet afin de comprendre le contexte et la teneur de cette règlementation (I), pour ensuite étudier le dispositif de protection présent à différents stades du contrat (II), puis les limites de la règlementation en raison des exclusions prévues par la loi (III). I. Le droit de l’Internet Le droit d’internet est très récent puisque c’est seulement à partir des années 1960 qu’il apparaît aux Etats-Unis, essentiellement dans un contexte militaire. Il faut attendre les années 1980 pour que son développement soit plus conséquent. Ainsi la jeunesse du droit de l’Internet est incontestable (A), ce qui ne diminue en rien sa richesse (B) A. La jeunesse du Droit de l’Internet Ce droit jeune a été pris en compte récemment par le législateur français (1) et européen (2). 1. En France Après un essor dans les années 1980, il faut attendre 1995 pour que la France légifère sur ce nouveau phénomène. A cette époque, il s’agissait plutôt d’un droit de la télématique (avec l’utilisation du fameux Minitel) et on évoquait alors « l’autoroute de l’information ». Même si Internet n’était alors connu par une très faible partie de la population, certaines difficultés juridiques apparaissaient déjà. Aucun droit n’était venu règlementer ce phénomène puisque les utilisateurs s’étaient tout naturellement tournés vers un code de bonne conduite : La nétiquette. L’année 1996 constitue un véritable tournant pour la France puisque c’est seulement à ce moment qu’Internet commence à être utilisé par le grand public. Ainsi, les premières décisions apparaissent, les premiers fournisseurs d’accès émergent et certaines questions juridiques sont abordées devant le juge des référés. Le problème récurrent sera l’absence de droit de l’Internet et le juge devra raisonner avec le droit existant, difficilement adaptable 46 aux nouvelles technologies. Il faudra alors attendre les années 2000 pour que la Cour de Cassation mette en avant l’influence de l’innovation technologique. 2. En Europe Au niveau européen, la prise en compte de l’encadrement d’Internet est également très récente puisque la première directive sur ce point date de 199755 et concerne la protection des consommateurs en matière de contrats à distance. Cette règlementation était primordiale puisque Internet constitue l’outil principal d’ouverture des frontières et il était donc nécessaire que les législations des Etats membres ne soient pas trop opposées afin que le consommateur puisse accéder aux biens et services d’un autre Etat membre dans les mêmes conditions que celles de son pays d’origine. En revanche, cette directive se contente de rapprocher les législations, sans les unifier puisqu’il s’agit d’une directive « minimale ». Les Etats ne peuvent pas prendre de dispositions moins contraignantes mais peuvent adapter des dispositions plus sévères pour la protection des consommateurs. La France ne choisira pas cette possibilité et transposera directement la directive, sans aucune modification, par l’ordonnance du 23 aout 2001, qui modifie les articles L121-16 et suivants du Code de la consommation. Nous verrons par la suite que le système de protection paraît, sur quelques points insuffisant, en raison notamment d’un manque d’adaptation et d’ajustement au contexte consumériste français. B. La richesse du Droit de l’Internet Les multiples sources du droit de l’Internet (1) mais également ses difficultés (2) démontrent une certaine richesse de ce Droit. 1. Les sources Il existe deux types de sources qui constituent la législation du Droit de l’Internet. L’une dont la « juridicité » est discutée ; la Soft Law (a) et l’autre constituant le droit positif, dont les dispositions sont formelles, la Hard Law (b) 55. Directive 97/7CE du Parlement Européen et du Conseil du 20 mai 1997 47 a. La Soft Law Au sein de la Soft Law, on retrouve dans un premier temps les codes de bonne conduite, adoptée en premier temps aux Etats Unis en 1992. Ces codes ont également été adoptés en France avec par exemple le Groupement des Editeurs de Services en ligne (le GESTE) ou le forum des droits de l’Internet. De nombreux usages existent également, des recommandations pour stigmatiser un certain nombre de clauses abusives présentes dans des contrats de fournisseurs d’accès ou encore pour créer des usages plus généraux. Par exemple, le Forum des Droits de l’Internet a adopté, le 31 aout 2007, une recommandation sur « le Droit de la Consommation appliqué au commerce électronique ». Une fois la réglementation adoptée, en général par une Autorité Administrative, les professionnels, en dépit du caractère facultatif de la norme, respectent en général ces dispositions, créant ainsi des usages qui seront eux-mêmes consacrés par le juge. Enfin, une dernière source facultative existe dans ce domaine, il s’agit des chartes, qui sont en réalité des documents élaborés par des professionnels et qui portent des engagements. C’est le cas par exemple d’une charte adoptée par une entreprise qui organise la mise à disposition du matériel informatique. La Cour de Cassation, dans un arrêt du 21 décembre 2006 estime qu’une telle charte à la valeur d’un règlement intérieur. b. La Hard Law Le Droit positif est constitué d’un bon nombre de directives, le Droit de l’Internet, ayant indéniablement une finalité internationale. Depuis la première directive de 1997 précédemment citée, de nombreuses ont suivi, comme la directive du 13 décembre 1999 qui définit la signature électronique et précise le régime de preuve applicable aux échanges en ligne. Cette directive a été transposée en droit français par la loi du 13 mars 2000 et permet de rapporter comme moyen de preuve, un écrit électronique d’une part et d’autre part, de considérer que cet écrit électronique a la même force probante que le papier. 48 De ce fait, le développement d’Internet, a procédé à une refonte totale du droit de la preuve, renouveau nécessaire pour s’adapter à ces nouvelles technologies. Le Code civil intègre ainsi un nouvel alinéa dans son article 1316-1 du Code Civil : « L’écrit sous forme électronique est admis en tant que preuve au même titre que l’écrit sur support papier ». En outre, une directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique apporte de réelles avancées pour le Droit de l’Internet. Cette directive sera transposée par la loi sur la confiance dans l’économie numérique, du 21 juin 2004. Outre la lenteur française connue dans le domaine des transpositions des directives, celle-ci a connu deux années de retard principalement dû aux oppositions virulentes des acteurs de l’Internet. La principale inquiétude concernait le régime de responsabilité des hébergeurs qui s'inquiétèrent rapidement de la rédaction du texte initial, exigeant de leur part une vérification a priori (avant la mise en ligne) de la licéité de tous les comptes hébergés par leurs soins. Mesure techniquement difficile à mettre en place, mais pourtant rendue obligatoire par la loi en préparation. Pour mieux se faire entendre, et pour souligner le caractère incongru du projet de loi, les FAI ont alors menacé de suspendre toutes les pages personnelles qu'ils hébergeaient. Finalement, ce ne sera qu’une responsabilité allégée et a postériori qui sera retenue par le législateur français. Il consacre de fait une responsabilité civile uniquement dans le cas d'une connaissance avérée par le prestataire de service de la présence d'informations illicites au regard de la loi. Ainsi, le droit de l’Internet est extrêmement riche quant à ses sources, souvent remises en cause et discutées car nous constatons ici encore certaines difficultés d’application. 2. Les difficultés Sans étudier toutes les difficultés rencontrées par le législateur ou les acteurs du Droit de l’Internet, il est possible d’affirmer que la principale source de conflit concerne les frontières du commerce électronique. En effet, le commerce électronique a créé de nouvelles frontières entre les consommateurs et les professionnels. Désormais, un consommateur moyen peut tout à fait se procurer un bien de consommation courante à l’autre bout du monde. Cela engendre des conflits entre l’appréciation de la loi applicable et le Droit International Privé se trouve alors concerné par ce nouveau domaine. 49 Il est important de connaître la loi, le Tribunal et le juge compétents dans le cas de contrat en ligne. Sur ce point, cela dépend de la relation dans laquelle nous nous trouvons. Celle qui nous intéresse est la relation « B to C », c’est-à-dire la relation consommateur/professionnel, qui est beaucoup plus profitable au consommateur puisque l’article 6.1 et 17 de la loi de Confiance en l’Economie Numérique de 2004 prévoit que la loi du domicile du consommateur sera retenue. Mais il est important de signaler que cette loi sera retenue si le critère de l’activité dirigé soit rempli, c’est-à-dire si le commerçant dirige son activité vers la France. Plusieurs indices peuvent amener à penser que l’activité est orientée vers la France, comme le nom de domaine (« .fr »), la langue employée, les publicités, etc. Le juge tiendra compte de ce faisceau d’indices pour déterminer la loi applicable. Dès lors que l’activité n’est pas tournée vers le pays du consommateur, la loi applicable sera celle prévue au contrat, c’est-à-dire la loi des parties. A défaut de choix, ce sera la loi du pays du vendeur. Bien sûr, dans les deux cas, le consommateur sera lésé puisque en cas d’action intentée, il devra se rendre en dehors de son pays, ne connaissant pas forcément la loi du pays étranger, certainement plus profitable au professionnel puisque ce sera celle choisie par le contrat. Beaucoup de difficultés rencontrées dans le Droit de l’Internet concernent ce domaine, ne sachant pas comment le consommateur doit agir dès lors qu’il subit un défaut de livraison ou un produit non conforme, acheté sur un site étranger, en langue étrangère, sans aucune activité dirigé vers son pays. Toute la légitimité du Droit de l’Internet se trouve alors remis en cause puisqu’il est évident que ce consommateur, qui ne pourra pas agir, renoncera le plus souvent à toute action. Une règlementation strictement encadrée paraît essentielle pour que les consommateurs gardent une certaine confiance en ce mode de distribution. Si le commerce en ligne ne cesse de progresser en France, les infractions et abus divers qu'il entraîne ne sont pas en reste, selon le bilan 2006 de la DGCCRF relatif aux activités liées au Centre de Surveillance du Commerce Electronique (CSCE). La DGCCRF explique avoir mené plus de 5.000 contrôles se soldant par un taux d'infraction de 31,52%, contre 27,65% en 2005. Un dispositif de protection existe, permettant d’encadrer les contrats conclus en ligne mais il reste peut être insuffisant, au regard de ces chiffres. 50 II. Le dispositif de protection du contrat conclu à distance Outre le dispositif de protection encadrant le consommateur désirant acheter en ligne, il existe également, au sein de l’article L122-3 du Code de la consommation issu de l’ordonnance du 23 aout 2001 (transposant la directive du 20 mai 1997 protégeant les consommateurs en matière de contrats à distance), une protection du consommateur n’ayant pas sollicité le vendeur. Il s’agit de l’infraction d’envoi sans commande préalable, qui est constitué dès lors que l’envoi de n’importe quel objet est forcé, sans aucune commande préalable et que le professionnel exige son paiement ou son retour. L’article R122-1 du Code de la consommation réprime cette pratique illicite comme une contravention de cinquième classe, c’est-à-dire, d’une amende de 1 500 euros. Dans cette partie, nous étudierons plus en détail le dispositif de protection au profit des consommateurs désirant acheter en ligne, par l’intermédiaire d’Internet. La règlementation concerne « toute vente d’un bien ou d’un service, sans la présence physique simultanée des parties, entre un consommateur et un professionnel qui, pour la conclusion de ce contrat, utilisent exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance »56. La règlementation est donc très large puisqu’elle concerne n’importe quel type de contrat du moment qu’il est conclu à distance entre consommateur et professionnel. Le développement de ce procédé de vente en ligne est de plus en plus fréquent car il présente des avantages indéniables pour le consommateur : aucun déplacement requis et une réflexion possible avant tout acte d’achat. En revanche, la règlementation est fondamentale puisque à côté de ces avantages, le consommateur est très faible face à des offres en ligne, se constituant de simples photographies ou images et ne reflétant pas toujours la réalité. En outre, certains problèmes peuvent survenir en raison du délai de livraison qui peut apparaître extrêmement long (particulièrement lorsque le règlement anticipée correspond à une somme importante) ou lorsque le produit ne correspond pas aux attentes du consommateur, ce dernier devant alors faire valoir ses droits à un professionnel éloigné. Pour répondre à toutes ces attentes, le législateur a mis en place une règlementation intervenant à plusieurs stades de la formation du contrat, lors de l’avant contrat (A), de la conclusion du contrat (B), de l’exécution du contrat (C) et même au niveau de l’après contrat (D). 56. Article L121-16 du Code de la Consommation 51 A. La protection lors de l’avant contrat Avant toute conclusion du contrat, le consommateur bénéficie d’un certain nombre d’informations permettant, en théorie, d’accepter l’offre en connaissance de cause. Nous retrouvons ici l’obligation d’information étudiée précédemment, adaptée au contrat en ligne. En effet, le consommateur à distance bénéficie toujours l’obligation générale d’information sur les caractéristiques essentielles du bien ou du service, sur les prix, les limitations éventuelles de la responsabilité contractuelle et sur les conditions particulières de la vente57. Concernant les informations sur les caractéristiques du produit, elles doivent être renforcées dans ce cas puisque le consommateur ne peut juger son produit que par des photographies et il peut y avoir une distance entre celles-ci et la réalité. Sur ce point, la tendance du juge est de prendre une photographie à valeur contractuelle, « au pied de la lettre ». Cependant, il peut admettre quelques différences, si elles restent minimes et non contraignantes. En outre, le consommateur dispose d’informations spécifiques sur l’offre de contrat en ligne, la directive de 1997, transposée dans l’article L121-28 du Code de la consommation imposant la présence de plusieurs mentions : l’identification du vendeur assortie de ses coordonnées téléphoniques et postales, les frais de livraison, les modalités de paiement, de livraison ou d’exécution, l’existence d’un droit de rétractation et ses limites éventuelles, la durée de validité de l’offre et le prix de celle-ci, etc. Ces informations, dont le caractère commercial doit apparaître sans équivoque, doivent être communiquées au consommateur de manière claire et compréhensible. En cas de non-respect de ces mentions, le professionnel encourt une sanction pénale puisque l’article R 121-1 du Code de la consommation qualifie cette omission de contravention de cinquième classe. B. La protection lors de la conclusion du contrat Le contrat est conclu à partir du moment où l’offre est acceptée, c’est-à-dire, dès lors que le client passe commande, via une technique de communication à distance. S’agissant des 57. Article L113-3 du Code de la Consommation 52 contrats en ligne, la commande se fera donc par Internet, par opposition à la voie postale dans le cas de la vente par correspondance, ou encore la commande par téléphone ou télécopie. Une question se pose, celle du moment où le contrat est conclu. Certains soutiennent qu’il l’est dès l’envoi de l’acceptation, d’autres estiment qu’il est conclu plus tard, dès que le professionnel reçoit l’acceptation. Cette théorie de l’émission ou de la réception a longtemps fait débat et la Cour de Cassation a éclairé cette controverse puisqu’elle tend aujourd’hui à admettre que le contrat est formé dès l’émission de l’acceptation et les parties seraient donc liées dès ce moment. En revanche, rien n’est clairement décidé et l’insécurité juridique demeure, même si cela n’affecte en rien le consentement du consommateur puisqu’il bénéficie d’un délai de rétractation, dont nous étudierons le régime dans la partie suivante et le professionnel doit de toute façon maintenir l’offre durant le temps indiqué. C. La protection lors de l’exécution du contrat Le système de protection des contrats conclus à distance intervient à différents niveaux de l’exécution du contrat, que ce soit au moment du paiement du prix (1), de la livraison de la chose (2) ou encore lors de l’exercice du droit de rétractation de l’acheteur (3). 1. Le paiement du prix Les modalités de paiement du prix font partie des mentions obligatoires que nous venons d’analyser. Ainsi, dès lors que le contrat est conclu, le consommateur connait exactement le prix et les modalités de paiement, ces éléments faisant alors partie du consentement de l’acheteur. En fonction du mode de paiement envisagé, il peut arriver que le consommateur, en raison d’un manque de sérieux et de solvabilité de l’entreprise, ne puisse obtenir ni exécution, ni remboursement de la somme précédemment payé. Ainsi, l’obligation de mentionner dans l’offre, avant toute conclusion du contrat, le nom et l’adresse de l’entreprise diminue, en quelque sorte ce danger, sans l’éviter totalement. 53 En outre, la question de la protection lors du paiement du prix renvoie également au problème d’utilisation frauduleuse de la carte bancaire, dès lors que l’acheteur utilise cette dernière pour ses achats en ligne. En France, une réponse législative a été apportée, notamment par le biais de certaines dispositions de la loi du 15 novembre 2001 : la responsabilité du titulaire de la carte n’est pas engagée si le paiement litigieux a été fait à distance, sans présentation physique de la carte. Le titulaire doit alors contester cette somme par écrit auprès de sa banque dans un délai de quinze jours, et l’établissement banquier aura alors un mois pour recréditer cette somme58. 2. La livraison de la chose ou l’exécution du service Tout comme le prix, la mention des délais et du mode de livraison fait partie de la liste obligatoire de l’article L121-28 du Code de la consommation. Généralement, une clause indique que les délais de livraison sont donnés à titre indicatif et une autre clause exonère de toute responsabilité le professionnel qui dépasse ce délai. De telles dispositions contractuelles ont été jugées comme non écrites par la Cour de Cassation car elles sont, en vertu de l’article L 132-1 du Code de la consommation, considérées comme étant des clauses abusives. En revanche, aucune disposition pénale n’est prévue en présence de telles clauses et elles demeurent toujours dans un bon nombre de contrats, le consommateur ne connaissant pas toujours l’illicéité de ces clauses et les actions en suppression exercées par les associations de consommateurs se révélant insuffisantes Le législateur français est donc intervenu, par le biais de la loi du 3 janvier 2008, afin de prévoir, au sein de l’article L121-20-3 du Code de la consommation, l’obligation d’indiquer de la part du vendeur, une date limite à laquelle il s’engage à livrer le bien ou exécuter la prestation de service. Si ce délai n’est pas respecté, le consommateur peut demander le remboursement de la chose. Si l’intervention du législateur sur ce point est opportune, l’absence de sanction pénale rend ces dispositions moins contraignantes pour le professionnel, qui risque, au maximum, une exécution forcée ou une résolution et, dans certains cas rares, le versement de dommages et intérêts. Aucune sanction punitive n’est donc prévue, rendant le vendeur plus réfractaire à 58. Article L132-4 du Code Monétaire et Financier 54 respecter ses engagements, qui sont, dans certains cas, de simples mentions publicitaires plutôt que de véritables engagements contractuels. 3. Le délai de rétractation Les dispositions relatives au délai de rétractation sont différentes selon que l’acheteur se procure un produit (a) ou un service (b) a. Le délai de rétractation relatif à l’acquisition d’un produit On retrouve la notion de délai de rétractation dans de nombreux dispositifs de protection du Droit de la consommation, notamment la règlementation du contrat à distance, issu de l’ordonnance de 2001, transposant la directive de 1997 et désormais contenu dans l’article L121-20 du Code de la consommation. Ce délai de rétractation entend protéger le consommateur qui achète un bien sur la confiance de simples images ou descriptions, risquant alors de recevoir un produit non conforme à ses attentes. Ce droit de rétractation est donc plutôt apparenté à un « droit de retour » puisque le délai de 7 jours francs ne court qu’à partir de la réception du bien vendu. Ainsi, en toute logique, le consommateur pourra juger le produit une fois qu’il l’aura entre ses mains et il s’agit plus d’une insatisfaction de l’acheteur, qu’un simple changement d’avis, puisqu’avant de passer commande, il peut bénéficier d’autant de temps que nécessaire pour réfléchir à son achat. En outre, ce droit de rétractation est tout à fait arbitraire puisque le consommateur n’aura pas à fournir de justification du retour du produit et ne paiera aucune pénalité, les frais de retour étant déjà, en règle générale, à la charge du consommateur. Dès lors que le droit de rétractation est exercé, le professionnel dispose d’un délai de trente jours pour rembourser le consommateur. Ce délai semble assez long mais il est rarement dépassé puisque l’article L121-20-1 du Code de la consommation prévoit des intérêts au taux légal, au-delà de ce délai. Le manquement à ces dispositions est prévu à l’article R121-1-1 du Code de la consommation : le professionnel qui refuse le remboursement du produit retourné par l’acheteur dans le délai fixé par la loi est puni des peines d’amende prévues pour les contraventions de cinquième classe. Ces sanctions pénales sont souvent dissuasives pour le 55 professionnel, même si l’infraction est une simple contravention, et incitent bien souvent le vendeur à respecter ces dispositions. Il est important de préciser que ce droit de rétractation était rendu impératif en France, bien avant l’ordonnance de 2001 par la loi du 6 janvier 1988. Malheureusement, les directives européennes, étant bien souvent moins protectrices pour le consommateur, les nouvelles dispositions de 2001 ont fait régresser les droits du consommateur puisque de nombreuses exceptions, que nous verrons dans un paragraphe suivant, sont désormais prévues aux articles L121-17, L121-20-2 et L121-20-4 du Code de la consommation alors que la loi de 1988 était applicable « à toutes les ventes de produits à distance » b. Le délai de rétractation relatif à l’acquisition d’une prestation de service Les directives européennes prises dans le but de protéger le consommateur sont souvent critiquées par le système français puisque ce dernier est généralement plus protecteur pour le consommateur. Néanmoins, la directive de 1997 présente un avantage indéniable pour le consommateur : avant, aucune loi française ne le protégeait en cas de prestation de service à distance. Il y a donc un véritable élargissement de la protection grâce à cette directive puisqu’elle prévoit le même droit de rétractation que celui accordé aux produits. Cependant et en toute logique, le point de départ ne court pas à compter de la réception, puisque l’on parle de service et non de produit. De ce fait, le délai court à compter de l’acceptation de l’offre, cette action étant donc plus assimilable à un réel délai de rétractation. Ce dispositif de protection est donc assez profitable au consommateur, qui lui permet de se prévaloir d’un certain cadre juridique dès lors qu’il contracte en ligne. Mais si l’objet du contrat en ligne fait partie de la liste d’exclusion prévue par la loi, le consommateur ne pourra en aucun cas invoquer cette protection. III. Les exclusions prévues par la loi Le dispositif de protection issu de l’ordonnance de 2001 prévoit un certain nombre de produits et services qui ne seront pas concernés par les dispositions précédemment étudiées. 56 Dans un premier temps, l’article L121-17 exclu du champ d’application de la règlementation les contrats conclus d’une certaine manière, comme ceux « conclus par le moyen de distributeurs automatiques ou pour des prestations fournies dans des locaux commerciaux automatisés », ou encore ceux « conclus pour la construction et la vente des biens immobiliers ou portant sur d'autres droits relatifs à des biens immobiliers, à l'exception de la location » ou les contrats conclus lors d’enchères publiques. Ensuite, l’article L121-20-2 exclut l’exercice d’un droit de rétractation, objet principal de la protection, pour certains contrats, comme ceux dont la fourniture de biens est confectionné selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ou qui, du fait de leur nature, ne peuvent être réexpédiés ou sont susceptibles de se détériorer ou de se périmer rapidement. De même, d’autres exclusions au droit de rétractation sont prévues comme par exemple pour les contrats de service de paris ou de loteries autorisés, de fourniture de journaux, périodiques ou magazines, etc. Enfin, une dernière liste d’exclusion est prévue par l’article L121-20-4 et concerne « la fourniture de biens de consommation courante réalisée au lieu d'habitation ou de travail du consommateur par des distributeurs faisant des tournées fréquentes et régulières » et « la prestation de services d'hébergement, de transport, de restauration, de loisirs qui doivent être fournis à une date ou selon une périodicité déterminée ». Certaines exclusions paraissent assez surprenantes et illogiques, notamment le fait de ne pas pouvoir bénéficier d’un délai de rétractation pour certains contrats, rendant le dispositif de protection plutôt vain puisque, sans un droit de retour, le consommateur n’est pas réellement protégé. Par exemple, un arrêt très récent de 2010 de la Cour de Cassation59, a refusé un quelconque droit de rétractation pour un client ayant réservé pour une date déterminé une chambre d’hôtel sur Internet. Dans les faits, ce particulier avait réservé par l’intermédiaire d’une agence de voyages sur internet une chambre d’hôtel à Dakar. Le lendemain de la réservation, il avait sollicité la modification de son dossier à la suite d’une erreur de saisie concernant les dates du séjour. Cette modification ou, à défaut, le remboursement des sommes versées avait été refusé par l’agence. Le 25 novembre 2010, ce refus a été rendu légitime par la Cour de cassation. En effet, en application de l’article L 121-20-4 du Code de la consommation, le droit de rétractation n’était pas applicable à cette prestation de service. 59. Cour. Cass. 1ère civ. 25 novembre 2010 n° 09-70.833, Sté Agence de voyages Go voyages c/ X. 57 Cette décision, qui confirme les exceptions légales que nous venons de préciser peut paraître inéquitable car l’acheteur est un simple particulier, achetant une prestation de service en ligne et le fait de ne pas pouvoir bénéficier d’un droit de rétractation semble injuste. Le Droit pénal de la consommation devenant de plus en plus communautaire, le législateur français doit s’adapter aux exigences européennes, parfois beaucoup moins protectrices que les dispositions françaises. En revanche, il est indéniable que la Directive de 1997 a permis d’intégrer ce dispositif de protection aux prestations de services, vide juridique français jusqu’alors. Une autre méthode de distribution est règlementée par le Code de la Consommation et constitue un des piliers du droit pénal de la consommation en France. Il s’agit du contrat conclu à domicile. § 2 : Le contrat conclu à domicile La loi fondamentale protégeant le consommateur démarché à domicile est la loi n°72-1137 du 22 décembre 1972, modifiée à plusieurs reprises, afin d'une part d'intégrer en droit français la directive communautaire n° 85/577/CEE du 20 décembre 1985 sur les ventes à domicile, et d'autre part de protéger les consommateurs contre les abus liés au développement de nouvelles formes commerciales ou para-commerciales de démarchage. La règlementation est aujourd’hui codifiée depuis 1993 aux articles L121-1 et suivants du Code de la consommation. Cette méthode de vente présente certains avantages pour le consommateur : elle lui évite tout déplacement et peut lui révéler l'existence ou l'intérêt d'un produit ou d'un service qu'il n'aurait pas acquis faute d'information à son sujet. Mais le démarchage est malheureusement plus connu pour ses inconvénients que pour ses avantages : le consommateur, pris à l'improviste, peut être amené à acquérir un bien ou un service sans réel besoin ni connaissance du marché ou du fait du discours particulièrement convaincant du démarcheur. C'est la raison pour laquelle le Code de la consommation prévoit certaines dispositions dans le but de protéger au maximum le consommateur démarché. En outre, les professionnels de la vente directe se sont regroupés dans un syndicat (Syndicat de la Vente Directe) qui a mis en place un code de déontologie visant à moraliser les pratiques de démarchage. 58 A travers l’étude du champ d’application de la règlementation (I), nous verrons que la notion de démarchage à domicile n’est pas si évidente qu’il n’y paraît, pour ensuite se pencher sur l’objet même du dispositif de protection (II). I. Le champ d’application de la règlementation Qu’est-ce qu’un démarchage à domicile et qu’est-ce qui n’en est pas ? Le problème du champ d’application de la loi est plus complexe qu’il n’y paraît dans le sens où la protection ne correspond pas à ce que la logique sémantique semble faire découler de ces mots. En effet, d’une part, tous les consommateurs démarchés chez eux ne bénéficient pas des dispositions prévues aux articles L. 121-21 et suivants, et, d’autre part, certains consommateurs qui ne sont pas démarchés physiquement à domicile (ils sont, par exemple, attirés à l’extérieur) sont inclus dans la protection instaurée par le code de la consommation. Nous évoquerons ici le démarchage lié aux personnes physiques puisque toutes personnes morales, comme dans bon nombre de règlementations consuméristes, sont expressément exclues de la protection. En revanche, les professionnels personnes physiques contractant en dehors de leur domaine de compétence peuvent se placer sous la protection consumériste60 En outre, les contrats visés par la règlementation concernent la vente, la location et la location-vente, les immeubles étant inclus dans le champ d’application de la loi depuis la réforme du 23 juin 1989 Coralie Ambroise-Castérot61, Professeur à l’Université de Nice, évoque deux types de démarchage, au regard des dispositions des articles L121-1 et suivants du Code de la consommation, le premier type correspondant à un « démarchage-intrusion » (A), tandis que le second correspond à un « démarchage-attraction » (B), tout en sachant que certains démarchages sont purement et simplement interdits par la loi (C) 60. CA Rennes, 30 mars 2000, Revue Contrats Concurrence Consommation, comm.32, obs. G. Raymond. 61. Répertoire Dalloz de Droit pénal et Procédure pénale, mai 2009, par Coralie Ambroise-Castérot 59 A. Le démarchage-intrusion Il y a démarchage au sens de la loi lorsque celui-ci est fait au domicile d’une personne physique ou sur son lieu de travail, même si la demande émane du consommateur (article L121-21, al.1er : « même à sa demande »). La protection s’applique en fonction du lieu de démarchage (1), de l’origine du démarchage (2) mais aussi en fonction de la forme du démarchage (3). 1. Le lieu du démarchage Le lieu du démarchage est au centre de la loi puisqu’il caractérise, parmi d’autres attributs, la notion de démarchage. La protection consumériste s’applique au domicile d’une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail. Concernant le domicile d’une personne physique, peu importe au domicile de quelle personne le contrat est conclu puisque la protection s’applique même lorsque le contrat est conclu au domicile d’un tiers, ne s’agissant pas, de toute évidence, d’un lieu de commercialisation. En outre, la protection légale est étendue hors du domicile du particulier, mais correspond bien à la notion habituelle de domicile telle que protégé par le droit européen ou la procédure pénale : un bureau professionnel est considéré comme un domicile par la jurisprudence relative aux perquisitions, par exemple62. 2. L’origine du démarchage La loi permet également de protéger le consommateur qui aurait lui-même pris l’initiative du déplacement du professionnel. Ainsi, il est possible d’être démarché chez soi alors qu’on a soi-même sollicité le déplacement du professionnel, l’article L121-21 le prévoyant expressément. 62. Crim. 4 Oct. 1995, Revue Droit Pénal 1996, comm. 10 Obs. J-H Robert. 60 De ce fait, la protection étant d’application large, tous les dépannages à domicile sont naturellement soumis à cette règlementation sauf éventuellement, dans le cas où l’activité de dépannage à domicile est effectuée dans l’urgence et strictement nécessaire à la cessation du trouble63. En revanche, si le consommateur invite un professionnel chez lui afin qu’il établisse un devis gratuit, le contrat éventuel qui pourrait en résulter n’est pas soumis à la règlementation si ce dernier est conclu à l’extérieur du domicile du consommateur. Sur ce point, un célèbre arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, en date du 27 juin 200664 confirme ce point de vue. En effet, un client prenant contact avec une entreprise de chauffage en invitant le professionnel à établir un devis gratuit à son domicile, se décidant par la suite de se rendre à un salon de l’Habitat pour y rencontrer un professionnel de la même société avec lequel il négocia de nouvelles prestations, formant ainsi le contrat en lieu et place de la foire mais signant le bon de commande à son domicile ne peut se prévaloir des dispositions sur le démarchage à domicile. En effet, la Cour de Cassation dégage le critère qui permet de distingue ce qui relève d’un démarchage à domicile ou non, il s’agit de l’engagement du destinataire. Ici, dans les faits, le client ayant seulement sollicité et obtenu un devis gratuit, document non contraignant et qui n’entrainait en soi aucune conséquence, il n’avait pas été démarché au sens de la loi. Il en aurait été autrement s’il avait apposé sa signature sur un document contractuel qui aurait formé la vente. De ce fait, le contrat ayant été formé lors du salon de l’habitat, la Chambre Criminelle applique sa jurisprudence relative aux salons et foires, lieux qu’elle a toujours considérés comme étant destinés à la commercialisation des biens et services et ne permettant donc pas l’application de la législation relative au démarchage. Ainsi, le principe et les conditions essentielles du contrat ont été, selon l’appréciation souveraine des juges, arrêtés lors de ce salon, même si le contrat fut définitivement conclu ultérieurement, au domicile du client, aucun démarchage n’est qualifié. Le critère déterminant dégagé par la jurisprudence concerne donc « le principe et les conditions essentielles du contrat arrêtées » alors que la conclusion formelle ultérieure n’a qu’une incidence secondaire. 63. CA Paris, 11 mars 2002, RJDA 8-9/2002, n°948 64. Cass. Crim. 27 juin 2006, n°05-86.956, Revue Contrats Concurrence Consommation 2006, comm. 211, Obs. Guy Raymond 61 3. La forme du démarchage Le démarchage peut être effectué par le déplacement physique du professionnel, comme nous venons de le voir, mais il peut aussi résulter d’autres méthodes qui peuvent entraîner des confusions juridiques quant à la législation à appliquer. Cela peut être notamment le cas du démarchage téléphonique. Ainsi, selon l’article L121-27 du Code de la consommation, le démarchage effectué par téléphone, ou par moyens techniques assimilables, n’est pas soumis à la règlementation du démarchage à domicile, mais à celui de la vente à distance (notamment la vente en ligne, par le biais de l’Internet, que nous avons étudiée lors de la section précédente). Néanmoins, dès lors que le démarchage par téléphone n’est suivi d’aucun envoi de confirmation de l’offre par le professionnel, la règlementation de la vente à distance est écartée au profit de la loi, beaucoup plus sévère, relative au démarchage à domicile. En effet, un professionnel prenant contact par téléphone avec des clients potentiels afin de recueillir leurs commandes verbales et procéder à la livraison de la marchandise au domicile des intéressés tout en transmettant en même temps le bon de commande, sans même qu’un contrat ait été signé par l’acheteur, ne constitue pas une vente à distance. Pour les juges, peu importe que le vendeur ait adressé un exemplaire du bon de commande auquel été joint un formulaire de renonciation, dès lors qu’il est démontré une absence de signature de la commande par le client. La Cour de Cassation retiendra alors que de tels comportements correspondent non à un démarchage par téléphone, prévu par l’article L121.27 du Code de la consommation, mais à un démarchage à domicile65. Ainsi, la réglementation du démarchage à domicile s’applique dans le cas où le consommateur reçoit des propositions commerciales chez lui. Mais le champ d’application peut également intégrer la situation où le consommateur est incité à se déplacer pour en bénéficier. Dans ce dernier cas, Coralie Ambroise-Castérot évoque alors le terme de « démarchage-attraction ». 65. Cass. Crim. 12 Oct. 1999, Revue Contras Concurrence Consommation 2000, comm. 104, Obs. Guy Raymond 62 B. Le démarchage attraction L’alinéa 2 de l’article L212-21 du Code de la consommation dispose que le démarchage dans les lieux non destinés à la commercialisation du bien ou du service proposé est soumis à la règlementation du démarchage à domicile. Cela comprend également l’organisation par un commerçant de réunions ou d’excursions afin de réaliser les opérations de démarchage définies par la loi. Il s’agit ici d’une attraction, qui va conduire le consommateur à sortir de chez lui, grâce à l’opération du professionnel. Le texte étend la protection légale à une situation clairement identifiée : le cas du particulier qui est attiré hors de chez lui, mais seulement dans des lieux non habituellement destinés à la commercialisation. Ainsi, lorsque des particuliers reçoivent des courriers les invitant à se rendre à une opération commerciale constituée par une vente au déballage (autorisée) qui se tient sur une place publique « en un lieu éloigné et dépourvu d’autres commerces », la protection s’applique. Sur ce point, les juges de la Chambre Criminelle, le 4 octobre 2005 ont jugés que des courriers donnant un rendez-vous très précis, durant un créneau horaire assez réduit, la vente étant elle-même conclue aussitôt après remise d’un cadeau (dans le but de tenter le consommateur et l’attirer hors de chez lui) n’est pas illicite mais doit respecter les dispositions des textes relatifs au démarchage à domicile. En revanche, dès lors que le consommateur est invité à se rendre dans un magasin ou dans un lieu affecté habituellement au commerce, tel est le cas des foires ou salons, la règlementation du démarchage à domicile ne s’applique pas. Il en est de même pour le stand d’un professionnel installé dans la galerie marchande d’une grande surface puisqu’il s’agit bien d’un lieu habituel de commerce66. La jurisprudence semble cependant assez incertaine sur les conditions nécessaires à l’application de la règlementation du démarchage à domicile puisque la Cour de Cassation a déjà admis, à plusieurs reprises, l’application de cette législation à des invitations, faites par téléphone ou par courrier, à se rendre dans un magasin (lieu destiné à la commercialisation). Deux conditions semblent toutefois se dégager de ces décisions : il faut d’une part que l’invitation soit personnalisée et nominative et, d’autre part, qu’elle soit accompagné de 66. CA Paris, 5 mai 1998, Dalloz Affaires 1998.1042 63 l’offre d’un cadeau ou d’une remise67. Ainsi, la condition d’un rendez-vous en dehors de tout lieu habituel de commercialisation semble parfois remise en cause par les juges. Ainsi, le champ d’application du démarchage à domicile est très large, et la jurisprudence peut même être amenée à aller au-delà des dispositions légales. En revanche, certains démarchages sont expressément interdits par la loi. C. Le démarchage interdit Certains biens et services ne peuvent pas faire l’objet d’un démarchage. Cette prohibition étant totale, effectuer un démarchage dans certains domaines est en soi une infraction. La Cour de Justice de l’Union Européenne a d’ailleurs tout récemment confirmé la possibilité pour les Etats de procéder à des restrictions dans le domaine du démarchage lorsque deux conditions sont remplies : d’une part « la mesure doit être justifiée par un objectif d’intérêt général ou par l’un des objectifs mentionnés à l’article 30 du traité », ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre Etats membres. D’autre part, la limitation n’est licite qu’à la condition que cette mesure soit « proportionnée à cet objectif » précité68. En France, le législateur a souhaité interdire le démarchage à domicile dans de nombreux domaines. Par exemple, les articles L471-4 et L471-5 du Code de l’éducation répriment le démarchage de contrats d’enseignements, sauf en ce qui concerne les supports matériels de connaissances des langues étrangères ou régionales destinés à leur libre apprentissage. En outre, l’article 66-4 de la loi n°71-1259 du 31 décembre 1971 réprime le démarchage effectué par certaines professions judiciaires et juridiques. Ainsi, quiconque se livre au démarchage en vue de donner des consultations ou de rédiger des actes en matières juridiques encourt une peine d’amende de 4 500 euros, voir 9 000 euros en cas de récidive69. De telles restrictions sont bien évidemment compatibles avec le Droit communautaire puisque ces mesures sont nécessaires pour garantir l’autorité et l’impartialité de l’institution judiciaire. 67. Cass. Crim. 10 janv. 1996, Dalloz Affaires 1996. 577) et Cass. Crim 12 déc. 2000 68. CJCE 23 Fév. 2006, aff. C-441/04, Revue Contras Concurrence Consommation 2006, comm. 120, Obs. Guy Raymond 69. Décret n°72-785 du 25 aout 1972 64 Bien d’autres domaines comme le courtage matrimonial, les produits pharmaceutiques ou encore les fournitures et prestations liées à des obsèques sont visés par l’interdiction de démarchage à domicile. Dès lors que le consommateur se trouve dans une situation de démarchage prévue par loi, il peut alors bénéficier de dispositions protectrices afin de protéger son consentement et rendre ce dernier plus clair. II. Le dispositif de protection du contrat conclu à domicile Depuis la codification des dispositions relatives à la vente à domicile, en 1993, aucune modification radicale n’a été mise en œuvre, ce qui nous amène à étudier le dispositif initial mais toujours actuel (A) tout en évoquant quelques modifications substantielles possibles concernant ce dispositif de protection (B). A. Le dispositif de protection initial, toujours d’actualité Le système de protection met à la charge du professionnel un certain nombre d’obligations relatives aux mentions obligatoires devant être contenues dans le contrat (1), une possibilité de rétractation (2) et une impossibilité de collecter les paiements de façon immédiate (3). 1. Les mentions contractuelles obligatoires Tout d’abord, l’existence de mentions obligatoires sous-entend évidemment la rédaction obligatoire d’un contrat écrit, devant être remis au client et cette absence caractérise également l’infraction. Le Code de la consommation met à la charge du professionnel le respect de sept mentions devant figurer au sein du contrat écrit. Il s’agit du nom du fournisseur et du démarcheur, l’adresse du fournisseur, l’adresse du lieu de conclusion du contrat, la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés, les conditions d’exécution du contrat (modalités et délai de livraison), le prix à payer et les modalités de paiement, la mention de la faculté de renonciation ainsi que les conditions d’exercice de 65 cette faculté, et le texte intégrale des articles L121-23, L121-24, L121-25 et L121-26 du Code de la consommation, ces textes devant en outre être écrits lisiblement dans le contrat. 2. La possibilité de rétractation La possibilité de rétractation est l’élément principal du dispositif de protection, pièce maîtresse de la loi de 1972. Afin de faciliter cette possibilité de rétractation, la loi70 impose un contrat ou bon de commande assorti d’un formulaire détachable. En outre, ce droit de rétractation s’exerce dans un délai de sept jours, ce délai commençant à courir le lendemain du jour où à été signé la commande, selon la règle du dies ad quo. Ce défaut de remise d’un formulaire détachable est sanctionné sur le plan pénal puisque cette infraction est un délit. 3. L’impossibilité de collecter les paiements de façon immédiate Il est strictement prohibé, pour le démarcheur, de recevoir un quelconque paiement avant l’expiration du délai, selon l’article L121-26 du Code de la consommation (Annexe 1). Cette interdiction permet de laisser au client une entière liberté de renonciation puisqu’un client ayant déjà payé ne se sentira pas libre de renoncer, craignant de perdre la somme versée. Le législateur s’est montré très strict sur ces dispositions, la réglementation s’appliquant à toute contrepartie, sollicitée ou non. Ainsi, le vendeur ne peut pas, avant que les sept jours ne soient écoulés, obtenir du client une autorisation de prélèvement et sur ce point la jurisprudence est d’ailleurs abondante et l’interprétation des juges constantes depuis des années.71 En outre, peu importe que le démarcheur ait sollicité ou non le paiement, le seul fait qu’il l’ait reçu étant constitutif de l’infraction. Cette protection nationale est en outre susceptible d’être renforcée par certains projets communautaires. 70. Article L121-24 du Code de la Consommation 71. Cass. Crim. 6 mars 1984, Cass. Crim. 7 dèc. 1999, Cass. Crim. 17 sept. 2002 66 B. Des projets communautaires tendant à renforcer la protection du consommateur Une proposition de directive du Parlement Européen et du Conseil du 8 octobre 2008 relative aux droits des consommateurs, prévoit une disposition spécifique à la vente à domicile, largement bénéfique pour le consommateur. En effet, la nouvelle proposition de directive fixe, dans son article 9, les obligations d’information concernant les contrats à distance et les contrats hors établissement que le professionnel doit fournir au consommateur, de façon claire et compréhensible. Cette liste, très complète, comprend : les principales caractéristiques du bien ou du service, l’identité du professionnel, sa raison sociale, son adresse et les renseignements permettant au consommateur de le contacter, l’adresse du siège commercial du professionnel, les indications relatives au prix, le coût d’utilisation des techniques de communication à distance, les modalités de paiement et de livraison, les conditions du droit de rétractation lorsque celui-ci est applicable et la mention de sa non-applicabilité le cas échéant, la durée du contrat et des obligations incombant au consommateur, l’existence d’une garantie légale, d’une caution ou autres garanties financières à payer, d’une assistance après-vente, et enfin la possibilité d’une résolution extrajudiciaire des litiges le cas échéant. Ces nombreuses mentions obligatoires feraient partie intégrante du contrat et vont dans le sens d’une plus grande protection du consommateur, afin qu’il puisse s’engager de façon suffisamment éclairée. En outre, l’article 10 de ladite proposition prévoit que ces informations obligatoires devront être fournies au consommateur sur un « support durable, de manière lisible et dans un langage clair et compréhensible ». Cette même proposition de directive prévoit un nouveau délai de rétractation, bénéfique au consommateur. En effet, le consommateur dispose de ce droit de rétractation durant un délai de quatorze jours, ce qui constitue une réelle avancée pour notre droit interne, le délai actuel étant de sept jours. Le point de départ de ce délai diffère selon le type de contrat concerné : pour les contrats de services, le délai court à compter de la conclusion du contrat, et pour les contrats de vente, le délai court à compter du jour de la livraison du bien. Ce projet entend fixer un réel délai de rétractation afin de permettre au consommateur de s’assurer du bon fonctionnement du bien et de pouvoir exercer son libre arbitre sans pression psychologique dans le cadre d’un contrat hors établissement. 67 Ce principe est fixé par l’article 12 du nouveau texte qui prévoit que « le consommateur a le droit de se rétracter d’un contrat à distance ou d’un contrat hors établissement sans avoir à motiver sa décision et sans autres coûts que ceux visés à l’article 17 ». En outre, la directive est d’harmonisation maximale mais le législateur européen prévoit l’introduction de certaines clauses minimale, dérogeant ainsi à ce principe. De ce fait, la clause prévue au 4 de l’article 12 permet aux Etats membres d’interdire tout paiement durant le délai de rétractation. La France pourrait donc, a priori, conserver cette interdiction permettant de faciliter l’exercice du droit de rétractation par le consommateur. Ce projet communautaire s’entend accorder une protection plus élevée aux consommateurs européens. Cependant, nous constaterons dans la seconde partie de ce mémoire que d’autre projets communautaires sont en totale contradiction avec ces dispositions puisqu’ils engendrent incontestablement, un net recul de la protection du consommateur. Alors que certaines pratiques sont simplement règlementées, d’autres sont expressément interdites par le Code de la consommation, puisque le chapitre II dudit Code est intitulé « Pratiques commerciales illicites ». Section 2 : Les méthodes de distribution interdites Toutes les méthodes de distribution illicites ne sont pas regroupées au sein de la même section du Code de la consommation et cela crée un certain désordre au sein du régime de ces pratiques prohibées. Dans un premier temps, nous nous pencherons sur le refus de vente et les ventes subordonnées (§1), puis les ventes pyramidales, dite « à la boule de neige » (§2) et enfin, l’infraction d’abus de faiblesse, commun à toutes les pratiques commerciales illicites (§3). § 1 : Le refus de vente et les ventes subordonnées L’article L122-1 du Code de la consommation envisage à la fois le refus de vente (I) et la prohibition des ventes subordonnées (II) 68 I. Le refus de vente Le début de l’article L122-1 du Code de la consommation prévoit « qu’il est interdit de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime … ». Ce texte contient peu d’informations sur les éléments constitutifs de l’infraction mais l’on peut déjà prétendre qu’il faut, en toute logique, un refus de la part du professionnel. Cette infraction est donc intentionnelle puisqu’il parait illusoire de dire « non » par imprudence ou négligence. Ainsi, le refus est forcément volontaire. En outre, ce refus devra être opposé sans motif légitime mais le Code de la consommation ne définit pas cette expression. Il faut donc analyser les interprétations des juges pour essayer de cerner ce qu’est, un « motif légitime ». Ainsi, un pharmacien qui refuse de vendre des contraceptifs à cause de ses convictions religieuses, commet une infraction pénale puisque cela n’est absolument pas un motif légitime72. En revanche, il a été jugé que pour un produit non disponible, un hôtel complet, un stock vide, le motif est tout à fait légitime. Cependant, dès lors que le refus de vente est fondé sur une discrimination, comme du racisme ou de l’homophobie, l’article L122-1 du Code de la consommation ne vient plus s’appliquer puisque les articles 225-1 et 225-2 du Code pénal traitent spécifiquement de ces discriminations. La sanction du refus de vente est prévu à l’article R121-12, 2° du Code de la consommation et l’infraction constitue une contravention de la cinquième classe. On peut cependant noter qu’ici encore, il existe un réel désordre au sein de ce chapitre puisque cette sanction est curieusement placée dans une section relative aux loteries publicitaires. En revanche, dès lors que le refus de vente est fondé sur une discrimination, les textes du Code pénal précités sont beaucoup plus sévères puisque le professionnel encourt une peine de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Le refus de vente constitue la première partie de l’article L122-1 du Code de la consommation, alors que sa deuxième partie est consacrée à la prohibition des ventes subordonnées 72. Cass. Crim. 21 Oct. 1998, Revue Contrats, Concurrence, Consommation 1999, comm. 33, Obs. Guy Raymond 69 II. Les ventes subordonnées Le Code de la consommation prévoit « qu’il est interdit de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit ». Le droit français prohibe ainsi le lien entre deux produits ou services. Ainsi, il a été jugé qu’il est interdit de lier la location d’une chambre d’hôtel à la prise d’un petit déjeuner, les deux devant être dissociés73. De même un commerçant ne saurait imposer à un consommateur d’acheter une quantité importante de tissus au prétexte que le bout qu’il va lui rester sera invendable74. Aujourd’hui la question se pose de plus en plus souvent à propos des ordinateurs puisque la pratique commerciale de vendre un PC avec des logiciels d’exploitation (par exemple, Windows) et des logiciels utilitaires préinstallés (par exemple, Microsoft Word pour le traitement de texte) est très fréquente. La question a été traitée sous l’aspect du droit de la concurrence et des abus de position dominante mais elle est actuellement aussi envisagée sous l’angle de la protection du consommateur avec l’application de l’article L122-1 du Code de la consommation, ce sujet ayant d’ailleurs fait l’objet d’une réponse ministérielle75. En effet, le Ministre en charge de la consommation, à cette époque, Monsieur Christian Jacob, a apporté quelques précisions quant aux logiciels préinstallés des ordinateurs. Pour lui, « le matériel informatique et les logiciels étant des éléments distincts, l’article L122-1 du Code de la consommation (…) s’applique en matière de commercialisation de micro-ordinateurs et de logiciels ». Cependant, la réponse ministérielle tempère ce principe puisqu’il a été admis qu’une « offre commerciale regroupant des produits distincts était licite lorsqu’elle venait s’ajouter à la faculté de se procurer les composants séparément sur le même lieu de vente ». Or Selon Benoît Tabaka76, dans la grande distribution par exemple, une telle situation est peu fréquente car il est rare de voir des hypermarchés proposant des composants séparés, les 73. Tribunal de Police Paris, 2 juillet 1993 74. CA Paris, 6 mai 1997, Revue Contrats Concurrence Consommation, 1998, comm. 16, Obs. Guy Raymond 75. Rép. min. Tourtelier n° 53733, JOAN Q 22 févr. 2005, p. 1968 ; Rép. min. Marchal-Tarnus n° 57099, JOAN Q 8 mars 2005, p. 2544 76. Recueil Dalloz 2005, p.1218, « Ordinateurs et logiciels pré-installés : Le spectre de la vente liée », par Benoît Tabaka, Chargé d’enseignement à l’Université de Paris V – René Descartes 70 offres prêtes à l’emploi étant très fréquentes et les connaisseurs devant alors s’adresser à des magasins spécialisés. Dans ce cas, l’infraction pourrait donc être constatée à de nombreuses reprises. En outre, une autre exception peut être soulevée puisque la prohibition de la subordination de la vente à déjà été admise dès lors que « la pratique commerciale peut être considéré comme présentant un intérêt pour le consommateur »77. Ici, le fait de proposer des ordinateurs équipés et de ne proposer ce matériel que sous cette forme présente-t-il un intérêt pour l’acheteur ? Pour Benoît Tabaka, cela ne fait aucun doute, « qu’un ménage s’équipant pour la première fois d’un ordinateur, et découvrant par là même les produits informatiques, aura vocation à s’orienter vers un ordinateur équipé par défaut de logiciels basiques » Nous comprenons aisément cette interprétation puisque dans ce cas, la vente liée peut présenter un intérêt en terme de temps, de connaissances techniques et de facilités pour le consommateur. En revanche, l’évolution des connaissances informatiques des consommateurs de plus en plus poussées est prise en compte par le Ministère puisqu’il indique que « l’élargissement rapide de ce marché et l’information croissante des consommateurs pour tout ce qui concerne les technologies informatiques infléchissent désormais la demande dans le sens d’une diversification de l’offre dans toutes les formes de distribution ». Ainsi, la commercialisation d’ordinateurs avec des logiciels pré-installés ne présenterait plus progressivement d’intérêt pour le consommateur et relèverait donc, comme l’indique la réponse ministérielle, de l’incrimination de vente subordonnée. Par conséquent, les professionnels de la vente de produits informatiques sont ainsi tenus soit de commercialiser des produits nus (ordinateur sans logiciels pré-installés, logiciels séparés), soit de proposer à leurs acheteurs des procédures permettant la désactivation ou la désinstallation des logiciels et surtout le remboursement des licences acquises lors de l'achat de l'ordinateur. La répression de l’infraction des ventes subordonnées se retrouve dans la partie règlementaire du Code de la consommation, à l’article R121-13, 2°, s’agissant également d’une contravention de cinquième classe. Toutefois, la prohibition des ventes liées ainsi que son système répressif tend à disparaitre puisque cette prohibition est contraire au droit communautaire. En effet, la Cour de Justice a 77. Cass. Crim. 29 Oct. 1984 71 rappelé, par un arrêt du 23 avril 2009, que sauf exception (pratique déloyale), les règlementations nationales ne peuvent pas interdire les offres conjointes faite par un vendeur à un consommateur. Notre législation n’étant donc pas en conformité avec le droit supranational, le législateur français se verra contraint, dans un avenir plus ou moins proche, de modifier cette disposition, en ajoutant très probablement une condition à l’interdiction des ventes liées : le caractère déloyal de la pratique, qui ajoutera une certaine complexité tant par rapport à l’appréciation des juges, qu’à la qualification même de l’infraction. §2. Les ventes pyramidales, dites « à la boule de neige » La distribution multiniveaux est une méthode de vente qui consiste dans l’organisation d’un réseau de vente fondé sur le parrainage successif de distributeurs indépendants. Cette méthode de vente est licite dès lors qu’elle consiste en la vente régulière de produits aux consommateurs par la création progressive d’un réseau réel de commercialisation. Ainsi, la prohibition ne veut absolument pas dire que toute vente à travers un réseau, qui octroie des avantages et prix réduits, est interdite puisqu’il est tout à fait possible, par exemple, de faire partie d’un club d’adhérents et de procéder à des parrainages . En revanche, la méthode de vente dite multiniveaux ne doit pas prendre la forme d’une vente « à la boule de neige » ou d’une vente pyramidale, lesquelles sont expressément interdites. Mais pour que l’infraction soit constituée, plusieurs conditions doivent être réunis (I), permettant alors la mise en œuvre des sanctions prévues par le législateur (II) I. La constitution de l’infraction de la vente « à la boule de neige » La vente à la boule de neige consiste à offrir des marchandises au public en lui faisant espérer l’obtention de marchandises à titre gratuit ou contre remise d’une somme inférieur à leur valeur réelle et en subordonnant les ventes au placement de bons ou tickets à des tiers ou à la collecte d’adhésion ou d’inscription. Par exemple, il y a vente à la boule de neige dès lors que les distributeurs se recrutent par parrainage, ceux-ci ayant la particularité d’être des consommateurs qui peuvent devenir eux-mêmes de nouveaux distributeurs78. 78. CA Montpellier, 12 Janvier 2006 72 Cette pratique de parrainage est interdite depuis une loi du 5 novembre 1953 car il s’agit de faire croire à des consommateurs crédules qu’en plaçant des bons remis par le professionnel auprès des tiers, ils obtiendront des produits gratuits ou bon marché. Ce placement de bons s’inscrit dans une chaîne d’adhésions qui va contraindre tous les consommateurs qui y entrent. L’article L 122-6 du Code de la consommation prohibe cette méthode de distribution en réservant un alinéa pour chaque type de vente « à la boule de neige », traitant ainsi respectivement de la vente des marchandises (A), de la constitution de certains réseaux (B) et des pratiques à l’intérieur même de ces réseaux (C). A. La vente de marchandises Pour que le délit de vente « à la boule de neige » soit constitué, il faut tout d’abord la présence d’une offre de marchandise. Ensuite, il faut l’espoir pour l’acheteur d’obtenir gratuitement ou à un prix réduit la marchandise. En outre, en théorie, l’article L122-6 alinéa 1 exige également la collecte d’adhésions mais le juge, extrêmement strict dans ce domaine, estime que le délit sera constitué même si le choix est laissé au consommateur entre trouver de nouveaux adhérents et acheter à prix réduit, ou acheter à prix élevé, sans collecte d’adhésion79, le consommateur étant dans la plupart des cas, tente de trouver de futures adhésions, le plus souvent imaginaires. B. La constitution de certains réseaux Pour que l’alinéa 2 de l’article L122-6 du Code de la consommation trouve à s’appliquer, il faut la constitution d’adhérents moyennant deux conditions : le versement d’une contrepartie au consommateur participant à la constitution du réseau et l’espoir, pour ce même consommateur, de gains financiers résultant d’une progression du nombre de personnes recrutées ou inscrites. Dans ce cas, l’infraction sera constituée, même en l’absence d’offre de marchandise (Article L122-6 alinéa 1, cf. 1. La vente de marchandises). 79. Cass. Crim 27 janvier 1996 73 Ainsi, la simple augmentation du nombre d’adhérents versant une contrepartie dans le cadre de la constitution d’un réseau est prohibée et c’est sur cette base juridique que le parrainage sur internet a été interdit car assimilé à une vente « à la boule de neige ». Ce fut le cas, par exemple, pour les visiteurs d’un site qui se sont vus rémunérés pour lire des courriels et parrainer des amis à recevoir ces courriels, ces amis devant à leur tour recruter d’autres filleuls. Dans ce cas le juge a considéré que cette méthode est « manifestement un procédé illicite, prohibé par l’article L122-6, 2° du Code de la consommation »80 C. Les pratiques à l’intérieur même du réseau L’article L122-6 alinéa 3 du Code de la consommation interdit, lors de réunions chez les particuliers, que ces fameux « parrains » proposent la vente de produits à leurs adhérents dits « filleuls » et se rémunèrent par des commissions sur les ventes réalisées par leurs filleuls. La loi interdit donc le versement de toute somme d’argent ou avantage du filleul, adhérent, à son parrain81. Dès lors que l’une de ces infractions est constituée par ces éléments, le système répressif peut alors s’appliquer grâce à des sanctions plutôt lourdes, relativement aux autres infractions du droit pénal de la consommation II) Les sanctions de l’infraction de la vente « à la boule de neige » Ce délit est très proche du délit d’escroquerie, car très vite, le consommateur ne trouve plus personne à prospecter. D’ailleurs, la seule sanction possible, auparavant, était le délit d’escroquerie82 Depuis la loi du 5 novembre 1953, le législateur en a fait un délit particulier, intégré désormais dans le Code de la consommation. Cette méthode de distribution est considérée comme étant la plus grave et le législateur s’est donc montré beaucoup plus sévère que pour les autres pratiques puisque l’infraction est délictuelle et non contraventionnelle. Ainsi le professionnel pratiquant la vente « à la boule de neige » encourt une amende de 4 500 euros et une peine d’emprisonnement d’un an. 80. CA Paris, 15 juin 2001, Sté Poitop.com c/ Sté Free et Sté Netpartage, Revue Contrats, Concurrence, Consommation 2002, comm. 19 81. CA Montpellier, 12 janv. 2006, Revue Contrats Concurrence Consommation 2006, n°135, p.24 82. Cass. Crim 7 mai 1951 74 Cependant, dans certains cas, ces pratiques sont encore poursuivies devant les tribunaux, sous la qualification d’escroquerie83. Une autre infraction, consacré à la fois par le Code pénal et le Code de la consommation permet de sanctionner le professionnel qui profiterait d’un consommateur en situation de faiblesse, exploitant ainsi l’infirmité de son consentement. § 3. L’abus de faiblesse A l’origine, le Code pénal de 1810 réprimait une sorte d’abus de faiblesse à l’égard des mineurs qui s’apparente plutôt à un abus de confiance. Le Code pénal entré en vigueur de 1992 modernisa cette infraction afin de protéger toute personne vulnérable. Mais le champ d’application de cette infraction (présent dans l’ancien article 313-4 du Code pénal) parut encore trop limité et le législateur souhaita l’étendre dans le but de lutter contre des mouvements sectaires. Il ne s’agissait plus de réprimer des infractions contre les biens (ce que sont l’abus de confiance et l’escroquerie), mais des infractions contre les personnes, des infractions de mises en danger. De ce fait, la loi n°2001-504 du 12 juin 2001 abrogea l’article 313-4 et créa l’article 223-15-2, inséré dans la partie du Code consacré à la mise en danger des personnes. Une deuxième série de textes, en dehors du Code pénal, incrimine également un tel comportement : ce sont les articles L12-8 à L122-10 du Code de la Consommation. Dans ce chapitre consacré aux « pratiques commerciales illicites », une section sanctionne l’abus de faiblesse. Il s’agit ici de sanctionner les auteurs de pratiques commerciales agressives et d’en protéger les victimes. Mais cette infraction possède une autre caractéristique particulière : elle est constituée dans le cadre du démarchage à domicile ou des pratiques assimilées à celui-ci. La pratique des visites à domicile et des engagements pris dans des conditions de pression constituent en quelque sorte l’élément préalable permettant l’application de ces dispositions. Si l’abus de faiblesse est réalisé en dehors de ce type de pratiques commerciales illicites, le droit commun du Code pénal viendra s’appliquer. 83. TGI Angers, 2 mai 1991, Revue Contrats Concurrence Consommation 1992, comm. 191, Obs. Guy Raymond 75 L’étude portant sur le Droit pénal de la consommation, nous nous attacherons à traiter essentiellement de l’abus de faiblesse prévue par le Code de la consommation, infraction spécifique relative à la protection des consommateurs Cette infraction s’analyse en déterminant l’acte d’abus (I), ce dernier étant relatif en fonction de la victime (II), et par rapport à l’auteur de l’infraction (III), afin d’en déterminer ensuite les sanctions applicables (IV) I. L’acte d’abus Pour savoir ce qu’est exactement un abus, il faut s’en remettre à la doctrine, qui est la seule à définir cette notion, pourtant souvent utilisée par le législateur. Philippe Salvage84 définit l’abus comme étant « un acte à la fois excessif et mauvais ». Ainsi, être abusé, c’est être trompé, c’est-à-dire avoir été utilisé, instrumentalisé, pour les intérêts exclusifs de l’auteur de l’infraction. Deux situations favorisant l’acte d’abus sont prévues par les textes. L’abus de faiblesse est réprimé s’il a lieu, soit à domicile, soit lorsque la personne est attirée vers l’extérieur de chez elle dans des situations prévues par la loi. Pour ce qui concerne l’abus à domicile, le Code de la consommation réprime les cas d’abus de faiblesse commis soit lors d’une visite à domicile, soit lors d’un démarchage, y compris téléphonique. En revanche, ici et contrairement à l’article L121-21 du même Code, le démarchage sur le lieu de travail n’est pas prévu. Pour l’abus hors domicile, la protection pénale s’étend à plusieurs situations. Soit, lorsque la victime est attirée à l’extérieure de chez elle pour subir ensuite des pressions, soit lorsque la victime est dans une situation d’urgence. L’article L122-9 prévoit de nombreuses situations. Par exemple, le fait de harceler des personnes âgées, que l’on fait sortir de chez elles au prétexte d’excursions touristiques ou gastronomiques, puis que l’on soumet à de fortes pressions jusqu’à ce qu’elles achètent le produit présenté, est constitutif d’abus de faiblesse85. 84. P. SALVAGE, Abus frauduleux de l’état de l’ignorance ou de faiblesse, 2006 85. Cass. Crim. 1er fev. 2000, n°99-84.378, Bull. Crim. n°52 76 En outre, d’autre cas peuvent caractériser l’abus de faiblesse, dès lors que l’engagement est obtenu lors de transactions faites dans des lieux non destinés à la commercialisation du bien ou du service, ou dans le cadre de foires ou de salons. On remarquera ici que le champ d’application s’étend au foires ou salons, pourtant considérés comme étant des lieux de commercialisation par la jurisprudence relative au démarchage à domicile. L’abus de faiblesse pourra également être caractérisé lorsque la transaction a été conclue dans une situation d’urgence ayant mis la victime de l’infraction dans l’impossibilité de consulter un ou plusieurs professionnels qualifiés, tiers au contrat. Ça sera par exemple le cas d’une personne se trouvant enfermée à l’extérieur de chez elle, ayant un besoin immédiat de faire appel à un serrurier. Ces situations décrites sont propices à abuser de la faiblesse de la victime, le but même de l’abus étant pour le professionnel de contraindre la victime à adopter un certain comportement afin d’acheter le bien ou le service. Mais outre la situation dans laquelle se trouve les parties, l’abus doit s’analyser en fonction de la victime elle-même. II. L’appréciation relative de l’abus en fonction de la victime Afin de caractériser l’abus, il faut une victime en état de faiblesse ou d’ignorance. Le texte n’est pas plus disert, puisque le Code de la consommation exige seulement une victime en état de vulnérabilité. Afin d’avoir plus de précisions, il faut examiner la jurisprudence, dont la lecture nous enseigne que cette vulnérabilité peut résulter, à l’instar de l’infraction du Code pénal, de l’âge de la victime, de sa maladie, d’une informité, d’une déficience physique ou psychique, ou de son état de grossesse. Il faut tout de même nuancer ces propos car ces critères ne conduisent pas à eux seuls à constituer l’infraction, et la jurisprudence parait d’ailleurs restrictive quant à l’appréciation de cette condition. Pour exemple, un handicap, même important n’est pas suffisant pour permettre d’établir l’abus de faiblesse si handicap n’altère 77 en rien les facultés intellectuelles de la personne86. Il en est de même pour une personne sourde, âgée et atteinte de perte de mémoire87. La jurisprudence se montre donc relativement stricte sur l’appréciation du caractère de faiblesse et nous pouvons alors nous demander dans quelle condition la personne peut être caractérisée de « faible ». Pour les juges, le fait d’être âgée et illettré par exemple constitue un état de faiblesse88 ou le fait d’être âgée et atteint d’une altération de ses facultés mentales (comme la maladie d’Alzheimer)89. Il semblerait que la Cour de Cassation exige implicitement la combinaison de deux critères, l’âge s’ajoutant à une seconde source de vulnérabilité La loi LME du 4 aout 2008 est venue apporter quelques précisions par rapport à l’appréciation de cette vulnérabilité. En effet, l’alinéa 2 de l’article L120-1 constitue en quelque sorte un guide pour l’interprète, c’est-à-dire, le juge. Selon cette disposition, «le caractère déloyal d'une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s'apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe. » Le législateur a donc voulu imposer aux magistrats une appréciation in abstracto tout en analysant une sorte de « standard de vulnérabilité », le « bon père de famille » n’étant bien sûr pas pris en compte pour ce genre d’appréciation. La qualification de l’abus de faiblesse est assez relative et s’apprécie en fonction de la victime mais également en fonction du professionnel. III. L’appréciation relative de l’abus en fonction de l’auteur de l’infraction L’appréciation de l’abus par rapport à l’auteur de l’infraction s’effectue en une double analyse : la première étant afférente à son comportement (A) et la seconde à sa volonté (B) 86. CA Douai 7 déc. 2006 ; Revue Contrats, Concurrence, Consommation 2007, comm. 136, obs. Guy Raymond 87. CA Angers, 11 mars 1999, Revue Contrats, Concurrence, Consommation 2000, comm. 15, obs. Guy Raymond 88. Cass. Crim 23 avril 2003, RJDA 8-9/2003, n°887 89. CA Riom, 11 juin 2003, Revue Contrats, Concurrence, Consommation 2004, comm. 48, obs. Guy Raymond 78 A. Le comportement de l’auteur Les articles L122-8 et L122-9 du Code de la consommation diffèrent dans l’établissement de l’élément matériel de l’infraction. En effet, le premier de ces textes met au pluriel le terme de « visites », évoquant alors la nécessité pour le consommateur d’avoir subi au moins deux fois la visite du démarcheur pour pouvoir prétendre au titre de victime. En revanche, l’article L122-9 n’impose nullement la réitération du comportement puisque, selon l’orthographe même, la quasi-totalité des comportements décrits est au singulier. Une autre explication, certes plus convaincante peut être avancée : il paraitrait difficile de faire découler de la protection consumériste une multiplication d’excursions subies par les victimes, le législateur préférant surement éviter de telles situations, voulant donc rendre punissable dès le départ un comportement illicite, sans qu’il soit utile de répéter plusieurs fois ces agissements. B. La volonté de l’auteur L’infraction est intentionnelle, il faut donc prouver la volonté d’abuser d’une personne faible, et surtout la connaissance de cette vulnérabilité. Le Code de la consommation ne précise pas plus les conditions de l’élément moral. A l’inverse le Code pénal en précise les modalités et depuis la loi de simplification du droit du 12 mai 2009, ayant modifié l’article 223-15-2 du Code pénal relatif à l’abus de faiblesse, les conditions sont alternatives et non plus cumulatives. Désormais, l’état de faiblesse doit être apparent ou connu de l’auteur. Avant cette réforme, les conditions cumulatives paraissaient peu rationnels puisqu’il parait assez inimaginable qu’un état de faiblesse apparent ne puisse être connu de l’auteur. Ainsi, pour que l’infraction d’abus de faiblesse soit constituée, il est nécessaire que « l’état de faiblesse psychologiques soit apparent et que le vendeur ait conscience du préjudice occasionné »90. 90. CA Paris, 10 janv. 2005, Revue Contrats, Concurrence, Consommation 2005, comm. 195, obs. Guy Raymond 79 IV. Les sanctions applicables à l’abus de faiblesse Le Code de la consommation prévoit une peine d’emprisonnement de cinq ans et 9 000 euros d’amende. Cette sanction parait plutôt en adéquation et proportionnée à l’infraction. En outre, le Code pénal prévoit une sanction différente, bien, plus contraignante sur le plan financier puisque l’amende est de 375 000 euros mais la peine d’emprisonnement n’est que de trois ans. La sanction du Code pénal est surement plus dissuasive pour le professionnel, surtout quand l’on sait, et nous le verrons plus tard, que les peines d’emprisonnement sont rarement appliquées. Mais dès lors que la victime sera un consommateur, la sanction sera celle prévue au Code de la consommation, au nom du principe « generalia specialibus derogant ». Le Code pénal quant à lui, protège une catégorie beaucoup plus large ; il s’agit de toutes les victimes en situation de faiblesse ou d’ignorance, comme un mineur ou une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, d’une maladie ou d’une infirmité. Dans ce chapitre, nous venons d’indiquer l’existence de nombreuses méthodes de distribution favorisant l’achat du bien ou du service. Certaines sont règlementées afin d’encadrer ce procédé alors que d’autres sont strictement prohibées, car trop dangereuses pour le consentement du consommateur. Mais il existe une autre méthode de procédés incitatifs qui est omniprésente dans notre société et qui peut, dans certains cas, vicier le consentement de l’acheteur. Il s’agit de la publicité, aujourd’hui regroupé au sein du Code de la consommation sous la dénomination de « pratiques commerciales trompeuses ». CHAPITRE 3 : LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR FACE AUX PROCEDES INCITATIFS DES PROFESSIONNELS Cette protection se traduit à deux niveaux, d’une part dans le cadre de la réglementation de la publicité (Section 1) et d’autre part pour tous les autres procédés incitatifs (Section 2) 80 Section 1: La réglementation de la publicité Cette réglementation prohibe les pratiques commerciales trompeuses (§1) et règlemente certaines publicités spécifiques (§2) §1. La réglementation de la publicité par la prohibition des pratiques commerciales trompeuses Pour que le consommateur soit éclairé, il doit être correctement informé. A cette fin, le législateur est venu réglementer tous les modes d’information, et surtout la première d’entre elle : la publicité. La pratique du commerce doit être loyale et s’il est possible de chercher à séduire le consommateur, en présentant les produits et services vendus sous le meilleur jour, la publicité ne doit pas pour autant induire le consommateur en erreur. Ainsi, le professionnel ne dois pas franchir la « ligne juridique qui sépare le dynamisme commercial du comportement déloyal, voir malhonnête »91. L’ancien article L121-1 du Code de la consommation était relatif à la publicité de nature à induire en erreur. Cette incrimination était à l’origine connue sous le nom de publicité mensongère92. A l’occasion de la transposition de la directive du 11 mai 200593, le législateur a totalement réécrit cet article qui n’est plus strictement relatif à la publicité de nature à induire en erreur, mais concerne les pratiques commerciales trompeuses. Cependant, la publicité trompeuse semble bien demeurer au cœur du texte et même si l’ancienne « publicité de nature à induire en erreur » ne constitue plus que l’une des formes de la pratique commerciale trompeuse, elle reste certainement la plus importante d’entre elles. Pour cette raison, en examinant les pratiques commerciales trompeuses, nous étudierons seulement la publicité, notamment la prohibition de la publicité trompeuse, objet même de la protection du consommateur face aux procédés incitatifs. 91. « Droit de la consommation et du surendettement » Jérôme Julien, Lextenso Edition, 2009, n°65 92. A cette époque, la preuve de l’élément intentionnel était requise. Depuis 1963, on parle de publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur et l’intention de tromper n’est donc plus exigée pour sanctionner le professionnel 93. Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques déloyales des entreprises 81 Le nouvel article L121-1 du Code de la consommation traite consécutivement des pratiques commerciales trompeuses par action (I) et des pratiques commerciales trompeuses par omission (II). I. Les pratiques commerciales par action Le nouveau texte relatif aux pratiques commerciales trompeuses reprend de nombreuses dispositions anciennes régissant la publicité de nature à induire en erreur (A) ; il apporte néanmoins quelques modifications (B) A. Les dispositions du Code de la consommation inchangées Le nouvel article L121-1 du Code de la consommation distingue trois circonstances dans lesquelles la pratique pourra être qualifiée de trompeuse, par action. Il en sera ainsi, tout d’abord, lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d’un concurrent. Ensuite, la pratique est trompeuse si elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur (Annexe 2). Le texte va plus loin dans la précision en donnant une liste qui semble d’ailleurs limitative, des points sur lesquels doit porter la tromperie, comme le prix, les caractéristiques essentielles, etc. Enfin, la pratique est trompeuse par action lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n’est pas clairement identifiable. Rapportée à la publicité, ce nouveau texte présente de nombreuses similitudes avec l’ancien, ce qui est naturel puisque la publicité trompeuse forme l’hypothèse essentielle de ce type de pratique. Ainsi, peu importe que la publicité soit ou non suivie de la conclusion d’un contrat : la condamnation porte sur le fait même d’induire en erreur, de créer une confusion ou de ne pas identifier clairement l’annonceur. De même, peu importe que le consommateur ait été effectivement trompé, il suffit que la publicité soit susceptible d’induire en erreur. Concernant le support de la publicité, tout comme l’ancien texte, la réglementation nouvelle ne semble pas distinguer selon le support, tous entrant dans le champ d’application. La difficulté principale de ce texte réside peut être dans la perception de l’allégation fausse ou de nature à induire en erreur, notamment la distinction entre l’exagération commerciale 82 et la véritable tromperie. En effet, il arrive que les publicités soient souvent volontairement exagérées, hyperboliques ; comment déterminer alors « un seuil de tromperie » ? La Chambre Criminelle, lors de l’affaire « Samsonite »94 avait dégagé un critère : « la publicité hyperbolique qui se traduit par la parodie ou l’emphase, dès lors qu’il est établi, par référence à l’optique du consommateur moyen, et en tenant compte du degré de discernement et du sens critique de la moyenne des consommateurs, que l’outrance ou l’exagération de l’image publicitaire ne peut finalement tromper personne95. Au delà, la publicité devient donc trompeuse et sur ce point le jurisprudence est très abondante ; qu’il s’agisse de jus de fruits qualifiés de « pur jus » alors qu’ils contiennent de l’eau, de foie gras alors qu’il s’agit de « purée de foie », de saucisse fabriquées comme « autrefois » alors qu’il s’agit d’un procédé industriel, de la vente d’un appartement de 18 m2 dans le XIème alors qu’il s’agit d’un appartement de 14 m2 dans le XXème. La liste est extrêmement abondante et tous les domaines sont concernés, qu’il s’agisse de distribution de produits ou de service. B. Les nouvelles dispositions du Code de la consommation Plusieurs différences entre le nouveau texte et l’ancien doivent être notées. D’une part, le 1° du texte prévoit l’hypothèse d’un risque de confusion avec un autre bien ou un service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d’un concurrent. On constate donc ici une introduction du droit de la concurrence au sein des dispositions du Code de la consommation. En effet, la confusion est une hypothèse classique de concurrence déloyale. Le fait de s’approprier un signe distinctif permet de capter une partie de la clientèle du concurrent en le laissant croire à de fausses informations. Ainsi, l’article L121-1 du Code de la consommation admet que la concurrence déloyale est non seulement néfaste aux concurrents mais également aux consommateurs. Une autre différence textuelle tient aux personnes concernées par le texte. La Chambre Criminelle admettait sous l’empire des anciens textes que l’incrimination de publicité de nature à induire en erreur pouvait également s’appliquer à des auteurs non professionnels96. Mais la nouvelle rédaction semble désormais exclure cette possibilité, puisqu’elle vise « la 94. Cass. Crim. 21 mai 1984 95. En l’espèce, la publicité mettait en scène une partie de football, avec des engins de chantiers pour représenter les joueurs et les valises « Samsonite » pour le ballon de football. 96. Cass. Crim. 27 mars 1996 : cas d’un particulier qui désire vendre un bien et qui fait passer une annonce sur un site internet de petites annonces. 83 pratique commerciale ». En revanche, concernant la victime de l’infraction, la jurisprudence admettait la possibilité pour un professionnel de bénéficier de la réglementation et le nouveau texte en a également consacré un alinéa. En effet, L’article L121-1 III prévoit que « le I est applicable aux pratiques qui visent les professionnels ». Cela est une véritable avancée pour le droit de la publicité qui permet une protection supplémentaire des consommateurs puisque dès lors que le professionnel est mal informé du fait d’une publicité trompeuse, il véhicule une mauvaise information à ses clients, patients ou adhérents. En revanche, il est possible que les juges requièrent plus de zèle de la part du professionnel, ce dernier pouvant plus facilement déceler « le vrai du faux », bénéficier de conseils et avis, ce qui ne sera pas souvent le cas d’un consommateur moyen. Le texte prévoit une autre catégorie de pratique commerciale, il s’agit du cas de l’omission. II. Les pratiques commerciales trompeuses par omission La deuxième partie de l’article L121-1 du Code de la consommation est relative à ce que la directive nomme les pratiques trompeuses par omission. Il y a tromperie lorsqu’il y a omission, dissimulation ou information inintelligible, ambiguë ou donnée à contretemps portant sur une donnée essentielle. Le texte ajoute que la pratique est également trompeuse lorsque l’intention commerciale n’est pas clairement indiquée, dès lors qu’elle ne ressort pas du contexte. Le texte précise ce qu’il faut entendre par « information substantielle », en dressant une liste de données comme le prix, les caractéristiques du bien, l’adresse du professionnel, etc. Il s’agit ici encore d’une nouveauté qui découle de l’application de la directive, tout en se référant au droit existant. En effet, cette pratique renvoie au dol civil, lequel peut lui aussi être constitué par une manœuvre (ici la dissimulation), un mensonge ou encore le silence gardé. Ce texte est dont apparenté à la réticence dolosive, mais auquel il faut ajouter le caractère répressif puisque ces dispositions consuméristes sont bien sur accompagnées de sanctions pénales plutôt dissuasives. Quelque soit l’action de la pratique, par action ou par omission, les sanctions sont identiques. En effet, l’article L121-6 du Code de la consommation renvoie à l’article L2131, en matière de tromperie, puni de deux ans d’emprisonnement et/ou de 37 500 euros d’amende. 84 §2. La règlementation spécifique de certaines publicités La directive du 11 mai 2005 règlemente les pratiques commerciales, regroupant les pratiques trompeuses analysées précédemment, ainsi que certaines pratiques agressives. En revanche, elle ne traite pas de certains points spécifiques, laissant alors le législateur national règlementer plusieurs procédés incitatifs tels que la publicité comparative (I) et la publicité pour les produits dangereux (II). I. La réglementation de la publicité comparative La publicité comparative consiste à donner des informations aux consommateurs, vantant une marque ou une entreprise, et en se référant à un ou plusieurs concurrents qui sont présentés comme moins performant. Il a toujours été possible pour un annonceur de prétendre « être le meilleur du marché », la comparaison des prix ayant été validé par un célèbre arrêt de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation97, bien avant toute législation relative à la publicité comparative. En revanche prétendre être meilleur, plus efficace ou plus rapide qu’un concurrent fut longtemps interdit comme constituant un acte de concurrence déloyale. Par la suite, la loi n° 92-60 du 18 janvier 1992 a autorisé la publicité comparative tout en encadrant pénalement son régime par les articles L121-8 et suivants du Code de la consommation. En revanche, les conditions de mise en œuvre d’une telle publicité sont si strictes (un peu moins aujourd’hui en raison d’un assouplissement législatif qui sera analysé par la suite) et les risques encourus tellement importants que les marques et enseignes ne se livrent que très rarement à ce genre de publicité. En outre, un tel procédé n’est pas encore ancré dans les mœurs françaises, à la différence des pays anglo-saxons, où la publicité comparative est abondante. Cette publicité s’est développée en France, même si elle demeure toujours rare, depuis une directive communautaire du 6 octobre 1997, d’application totale, qui a harmonisé les conditions de la publicité comparative entre les Etats membres. Sa transposition en Droit 97. Cass. Comm. 22 juillet 1986 85 français n’a pas apporté d’avancées considérables. Cependant quelques changements sont néanmoins intervenus, comme l’extension du champ d’application, puisque même une citation implicite d’un concurrent entre dans la réglementation de la publicité comparative. En outre, et ce sera l’avancé la plus importante, l’annonceur n’est plus tenu à une notification préalable au concurrent mais doit seulement être en mesure de répondre dans un bref délai à toute demande d’explication sur la véracité de la comparaison. Avant 2001, l’annonceur devait avertir préalablement le concurrence, ce qui rendait bien évidemment ce type de publicité très contraignante en raison de l’anticipation rapide du concurrent pour contrer cette publicité. Ces évolutions ont donc permis le développer un peu plus ce type de publicité, même s’il elle est généralement réservé à certains type de secteurs tels que la téléphonie mobile ou la grande distribution. Le champ d’application de la publicité comparative a beaucoup évolué au fur et a mesure des interprétations jurisprudentielles (A) et l’étude de la réglementation permet l’exposé de plusieurs conditions de licéité (B) ; à défaut de respect de ces exigences, le contrevenant s’exposant à des sanctions pénales (C) A. Le champ d’application de la réglementation Il est important de savoir quel destinataire est visé par cette réglementation (1) mais également quel message est considéré (2) 1. Le destinataire de la publicité comparative De nombreux revirements de jurisprudence ont eu lieu dans les années 1990 sur la question du destinataire. En effet, la jurisprudence des années 1990 avait tendance à exclure du champ d’application de la réglementation le professionnel. En revanche, aujourd’hui on considère que le Code de la consommation est fait pour protéger le consommateur mais peut aussi être un outil pour les professionnels, certaines autres dispositions présentes dans ce code les concernant également. En outre, l’article L121-8 du Code de la consommation provenant d’une directive, le droit national doit être interprété à la lumière du droit communautaire et cette dernière a des considérations et des objectifs tenant non seulement à la protection du consommateur mais 86 également à la protection des concurrents. Ainsi, si aucune disposition expresse ne limite le champ d’application, il est tout à fait légitime de considérer que celui-ci peut s’étendre aux professionnels. Il paraît en outre opportun de protéger le professionnel pour ce genre de dispositions puisque ce faisant, le législateur protège également le consommateur. En effet, si l’on prend par exemple le cas d’un médecin, dès lors qu’il est mal informé en raison d’une publicité comparative illicite, comment peut-il transmettre à son patients des préconisations ou informations crédibles ? Ainsi, le législateur français considère que le professionnel entre dans le champ d’application de cette réglementation même si on lui demandera surement plus de diligence. En effet, étant professionnel, on considère qu’il a plus de possibilités que le consommateur moyen de rechercher les informations exactes. 2. Le contenu du message Pour être qualifié de publicité comparative, la publicité doit évidemment faire référence à un concurrent, une marque ou une entreprise. La référence peut être soit explicite ou implicite. En effet, même si les produits ne sont pas visés par des références exactes mais que le consommateur peut tout de même identifier le concurrent, la publicité sera alors considéré comme comparative. À l’inverse, ne sont pas visés par la réglementation, les publicités qui consistent en des mises en perspectives trop générales où aucun concurrent ne pourrait être identifié ou indentifiable. En revanche, dès lors qu’il n’existe que deux concurrents sur le marché, même un message à caractère général entrera dans le champ d’application de la réglementation puisque le message visera forcément l’autre opérateur du marché98. En outre, le message de comparaison doit être fait dans le but d’une promotion des ventes. Par exemple, une pure information comparative n’entre pas dans le champ d’application puisqu’il s’agit d’un comparatif sans objectif de promotion des ventes. C’est le cas par 98. Chauffage de Paris, TGI Paris du 18 Décembre 1992 87 exemple d’un comparatif réalisé par les industries pharmaceutiques, dès lors qu’aucun but de promotion des ventes n’est présent. En outre, existe également l’étude comparative réalisée par un organisme indépendant des entreprises dont les produits et services sont comparés, qui n’est pas non plus une publicité comparative. Ca sera le cas par exemple des essais comparatifs fait par le magasine « 60 millions de consommateurs » sur un produit, en fonction de caractéristique objectives et subjectives (le prix, le goût ou autres critères). Ce genre de débat est impossible dans une publicité puisqu’il faut évidemment un caractère objectif. Par contre, le « gagnant » de l’étude pourra être tenté de la faire figurer au sein de son message publicitaire. Dans ce cas, il faudra que l’étude comparative respecte les conditions de licéité de la publicité comparative. Ainsi, toute publicité comparant, de manière explicite ou implicite, un concurrent ou sa marque est considérée comme une publicité comparative et plusieurs exigences doivent être respectée pour qu’elle soit licite. B. Les conditions de la publicité comparative L’article L121-8 du Code de la consommation émet des conditions à la fois positives (1) alors que les articles L121-9 et suivants posent des conditions négatives (2) 1. Les conditions positives Dans un premier temps, la publicité comparative, comme toute publicité, ne doit pas être trompeuse ou de nature à induire en erreur. Elle doit donc être loyale. En outre, la publicité doit être claire et cela implique qu’elle doit permettre au consommateur de se faire son propre jugement, la comparaison se devant d’être intéressante pour lui. Pr exemple, un opérateur de téléphonie mobile qui compare des tarifs « temps passé » et des tarifs forfait n’est pas une publicité comparative licite puisqu’elle manque de clarté, le consommateur n’étant pas en mesure de savoir ce qui est préférable pour lui99. 1. TGI paris 7 mai 2003 88 Ensuite, la publicité comparative doit porter sur des biens et des services répondant au même besoin ou ayant le même objectif. Depuis la réforme issue de l’ordonnance n° 2001741 du 23 aout 2001, adoptée sous une certaine pression de l’Union Européenne, elle-même favorable à cette pratique reconnue comme favorisant la concurrence100, la loi n’exige plus que les produits comparés soient identiques, mais seulement similaires. Enfin, il faut que la publicité compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services. Les critères doivent être objectifs, portant sur des critères vérifiables et mesurables et ne pas porter sur ces critères subjectifs comme le gout. Par contre, il n’est pas besoin de comparer des produits strictement identiques, dès lors qu’ils représentent les mêmes caractéristiques essentielles, le prix en faisant très fréquemment partie. Toutefois, les juges semblent, arrêt après arrêt, assez hostiles à ces pratiques et les condamnations pour publicité comparatives illicites sont nombreuses. Par exemple, tombe sous le coup de la loi pénale, le magasin Leclerc qui comparait ses propres prix à ceux de certains de ces concurrents, mais sur des produits non clairement identifiés101. De même, commet le délit de l’article L121-8, le supermarché qui compare deux chariots type en ne reproduisant que les tickets de caisse, ce qui ne permet pas au consommateur de s’assurer de l’objectivité de la comparaison, surtout quand les produits comparés différent en qualité, poids ou contenance102. En réalité, la Cour de Cassation, par cette jurisprudence restrictive, semble faire revivre l’ancienne condition d’identité des produits comparés, bien que le texte n’exige plus qu’une simple similarité des marchandises103 (c’est-à-dire une sorte d’interchangeabilité ou substituabilité). Mais une telle interprétation restrictive des magistrats, conduisant à condamner presque systématiquement les auteurs des comparaisons, peut être approuvée au regard d’une protection rigoureuse du consommateur : en effet, comparer une boite de dix œuf avec une boite de douze, ou comparer des biscuits au beurre et des biscuit à la composition différente n’est pas objective dans le sens où elle trompe le consommateur puisque les produits comparés sont en réalité différents en qualité ou quantité, ce qui justifie alors la différence de prix. 100. Directive. n° 1997/55/CE du 6 oct. 1997 101. Cass. Crim. 16 oct. 1996 102. Cass. Crim. 4 mars 2008 103. Commentaire de Coralie Ambroise-Castérot, Recueil Resp. Pénale et Droit Pénal, Dalloz mai 2009, p. 13 89 Cette interprétation française paraît contraire au droit communautaire, ce dernier étant très favorable aux comparaisons de toutes sortes, même si les produits n’ont que peu de choses à voir les uns avec les autres. La CJUE est même allée jusqu’à autoriser la comparaison entre produits d’appellation d’origine protégée avec un produit industriel standard)104. En outre, contrairement à la Cour de Cassation, la CJUE valide systématiquement la pratique des charriots, paniers ou caddies comparatifs. L’interprétation, peut être trop excessive mais justifiée des juges français, prouve une nouvelle fois, la volonté nationale de protéger le consommateur contre les dérives des publicitaires, parfois auteurs de messages trompeurs, confus, ou pauvres en information. Enfin, comme nous l’avons vu précédemment, depuis 2001, la notification préalable au concurrent visé par la publicité comparative n’est plus exigée. Toutefois, l’annonceur doit être en mesure d’apporter la preuve de l’exactitude matérielle de sa comparaison. Il existe donc un renversement de la charge de la preuve puisque si il y a une contestation, ce n’est pas au demandeur de rapporter la preuve mais cela incombera à l’annonceur. Le législateur semble imprécis concernant le délai pour apporter ces preuves puisqu’il parle de « bref délai ». La jurisprudence estime souvent qu’un mois est un délai raisonnable. 2. Les conditions négatives Selon l’article L121-9, la publicité comparative ne doit pas tirer indûment profit de la notoriété d’une marque, d’un nom commercial, d’une appellation d’origine ou indication géographique protégée. En outre, la publicité ne doit pas entraîner le discrédit ou le dénigrement des marques et noms commerciaux des biens et services des concurrents. Le Code de la consommation interdit également à toute publicité comparative de présenter des biens et services comme une imitation ou une reproduction d’un bien ou d’un service ou encore engendrer une confusion entre l’annonceur et le concurrent. Sur ce point, les juges communautaires ont sanctionné un annonceur qui comparait ses pièces automobiles à celles de ses concurrents tout en mettant en évidences le logo de la marque Renault sans mettre en 104. CJCE 19 avril 2007, aff. C-381-05, Revue Contrats, Concurrence, Consommation 2007, comm. 161, obs. Guy Raymond 90 relief la marque, laissant croire au consommateur que ces pièces sont validés, attachés et agrées par ce constructeur105. En outre, l’article L121-11 du Code de la consommation précise qu’il est interdit de faire figurer des annonces comparatives sur des emballages, des factures, des titres de transport, des moyens de paiement ou des billets d’accès à des spectacles ou à des lieux ouverts au public. C. Les sanctions prévues en cas de publicité comparative illicite Dès lors qu’une condition énumérée précédemment n’est pas respectée, la publicité comparative sera illicite et l’infraction constituée. En revanche, aucune sanction spécifique n’est prévue pour la publicité comparative illicite puisque le législateur opère un renvoi à l’article L121-24, en prévoyant alors les peines prévues pour les pratiques commerciales trompeuses, c’est à dire deux ans d’emprisonnement et 37 500 euros d’amende, avec, comme en matière de publicité trompeuse, la possibilité d’accroître l’amende à 50% des dépenses de la publicité constituant le délit. Les juridictions peuvent également assortir ces peines principales de peines complémentaires (publication obligatoire du jugement, diffusion d’annonces rectificatives). En outre, des sanctions sont également prévues pour les personnes morales, puisqu’elles encourent le quintuple de la peine d’amende ou 50% des dépenses de publicité engagées ainsi que des peines complémentaires (interdiction temporaire ou définitive, placement sous surveillance judiciaire, confiscation ou encore affichage de la décision, par exemple). La protection du consommateur est donc encadrée par cette règlementation, lui permettant de s’assurer de la loyauté, de la véracité et de la pertinence d’une publicité comparative. Ainsi, il dispose d’informations pertinentes, l’aidant à opérer ses choix en connaissance de cause. Cette protection pénale du consommateur se manifeste également pour des impératifs de santé publique, le législateur ayant ainsi encadré certaines publicités par un dispositif pénal extrêmement strict. 1. CJCE 25 Octobre 2001 91 II. La réglementation de la publicité de certains produits dangereux Toutes les infractions en Droit pénal de la consommation se retrouvent au sein du Code de la consommation puisqu’elles concernent les intérêts, souvent économiques, du consommateur. Mais certaines, réglementées plus strictement renvoient également au Code de la santé publique, puisqu’il s’agit de protéger la santé et la sécurité du consommateur contre les méfaits de certains produits, notamment le tabac (A), l’alcool (B) et les médicaments (C) A. La règlementation de la publicité en faveur du tabac C’est la loi Evin du 10 juillet 1991 qui a déterminé la nouvelle donne en la matière et la publicité sur le tabac est aujourd’hui strictement règlementée aux articles L3511-3 et suivants du Code de la santé publique. L’incrimination est très large (1), même si elle comporte quelques exceptions (2) 1. L’incrimination L’article L3511-3 du Code de la santé publique, maintes fois modifié, dispose aujourd’hui que « la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur du tabac, des produits du tabac ou des ingrédients (…) sont interdites ». L’incrimination est très stricte puisque même la publicité indirecte est interdite. Sur ce point, dans un arrêt concernant la marque de vêtement Marlboro106, la Chambre criminelle à considéré que faire de la publicité, lors d’un tournoi de tennis, pour cette marque, constituait une publicité illicite en faveur du tabac. En effet, si les affiches critiquées fournissaient en France une publicité réelle apparente pour les produits Marlboro Leisure Wear, elles constituaient également une publicité pour les cigarettes de la marque Marlboro dont le nom et le motif décoratif étaient propres à évoquer ces produits de tabac plutôt que le Leisure Wear, notamment en l’absence de traduction ou mention complémentaire en langue française. 106. Cass. Crim. 18 avr. 1991, n° 90-80.739, Bull. crim. n°118 92 Ainsi, l’article L355-11 du Code de la santé publique réprime l’incrimination à une publicité en faveur d’un produit autre que le tabac mais qui rappelle le tabac ou un produit du tabac. Autrement dit, ce texte permet de renforcer la protection à l’encontre de la publicité indirecte, l’annonceur lui même ne vendant pas directement du tabac. En revanche, une exception existe pour cette publicité indirecte, permettant alors de déroger légalement à cette drastique interdiction. En effet, les produits ayant été mis sur le marché avant le 1er janvier 1990 et qui sont issus d’une entreprise juridiquement et financièrement distincte de l’entreprise qui fabrique ou importe du tabac peuvent continuer à circuler librement. En revanche, toute création d’un lien juridique ou financier entre l’entreprise qui vend des produits rappelant le tabac et l’entreprise qui vend le tabac rend caduque cette dérogation. A propos de la marque de montre lancé par le groupe Camel, les juges ont décidé que le lien né d’un contrat de licence de marque, quelle que soit sa date, est de nature à faire obstacle à la dérogation précédemment citée107. Il existe toutefois quelques cas où la publicité pour le tabac est autorisée, ces situations se faisant extrêmement rares afin de ne pas inciter le consommateur à consommer de tels produits. 2. Les exceptions Les dispositions répressives mentionnées ne s’appliquent pas aux débits de tabac, ni aux affichettes disposées à l’intérieur de ces établissements, encore faut-ils qu’elles soient non visibles de l’extérieur et qu’elles soient conformes à des caractéristiques définies par arrêté interministériel. De même la réglementation reçoit exception concernant la diffusion télévisée des courses de F1 filmées à l’étranger dans un pays n’interdisant pas la publicité pour le tabac108. Si la publicité ne fait pas partie de ces exceptions ou de la dérogation précédemment citée, en vertu de l’article L3512-1, alinéa 1er du Code de la santé publique, la publicité est illicite et constitue un délit, puni d’une amende de 100 000 euros à l’égard des personnes 107. Cass. Crim. 22 janv. 1997 108. Article L3511-5 du Code de la Santé Publique 93 physiques. Ces peines peuvent être aggravées puisque le maximum de l’amende peut être portée à 50% des dépenses de publicités consacrée à cette opération illégale. Les personnes morales, quant à elles, encourent une amende de 500 000 euros, d’autres peines complémentaires pouvant également être applicables, à l’instar des personnes physiques, comme la publication du jugement. Ces sanctions paraissent tout à fait proportionnées et le législateur fait montre du grande sévérité en la matière, la sécurité des consommateurs étant en jeu. B. La réglementation de la publicité en faveur de l’alcool La prohibition de la publicité pour l’alcool est insérée dans le Code de la santé publique, aux articles L3323-2 et suivants. Ici, la publicité, à l’inverse du tabac, n’est pas prohibée mais strictement règlementée. Cette différence de réglementation peut s’expliquer par le fait que consommer de l’alcool en cours de repas comme du vin, ou de prendre un apéritif, est plutôt ancré dans les mœurs en France et intégré aux habitudes alimentaires. Bien sur, la protection du consommateur contre les méfaits de l’alcool est prise en compte par le législateur et si la réglementation n’est pas aussi stricte que pour le tabac elle présente cependant de nombreuses interdictions pour les annonceurs. Le Code de la santé publique règlemente cette publicité en fonction du support (1) et encadre également le contenu du message publicitaire (2) 1. La réglementation du support de la publicité En raison des impératifs de protection de santé publique, les limitations sont nombreuses et détaillées, selon le type de support, la publicité étant interdite ou strictement encadrée. S’agissant de la publicité à la télévision, ce support est expressément proscrit, en raison de la popularité de ce média et de son impact. Il en va de même du cinéma, puisque aucune publicité pour des boissons contenant plus de 1,2 degré d’alcool ne peut être diffusée dans un média visuel. En dessous de ces degrés, le législateur a autorisé une publicité au cinéma certainement en raison du faible risque d’addiction, d’ivresse ou de maladie de ces boissons. 94 Concernant les autres supports, la publicité pour l’alcool est encadrée mais autorisée. L’article L 3323-2 du Code de la santé publique détermine un cadre strict permettant une publicité licite. On retiendra donc que la publicité pour l’alcool est autorisée dans la presse écrite (sauf dans les publications destinées à la jeunesse), à la radio (mais dans des tranches horaires déterminées en Conseil d’Etat), sous forme d’affiches et enseignes ou affichettes et objets à l’intérieur de lieux de vente spécialisées (comme les bars), sous forme de documentations, catalogues ou circulaires commerciales, par inscriptions sur des véhicules de livraison, lors de fêtes et foires traditionnelles de vins (dès lors que la publicité vise l’initiation d’œnologie) ou encore sur des objets strictement réservés à la consommation (comme des verres publicitaires). Outre ces nombreuses autorisations, la Cour de Cassation a récemment rappelé le principe de limitation très stricte de la publicité109. Il s’agissait de trois étudiants de l’Ecole des Mines qui avaient décidé d’organiser une soirée, en louant une salle et obtenu une licence de catégorie II (vin, bière, cidre) pour vendre de l’alcool lors de cette soirée. Ces boissons ont étés commandées au groupe Ricard, mais cette société, en sus de la livraison prévue, leur a offert des boissons de catégorie IV, ainsi que du matériel publicitaire (petits fanions et décorations estampillés Ricard). Poursuivis pour publicité illicite, la Chambre criminelle a estimé que les jeunes organisateurs de la soirée étudiante ne pouvaient faire de publicité que pour l’alcool catégorie II. Or, le mot « Ricard » faisait bien entendu penser à l’apéritif très connu, de catégorie IV. 2. La réglementation du contenu du message publicitaire La publicité pour l’alcool est certes beaucoup plus tolérée pour le tabac, mais afin de protéger le consommateur contre d’éventuels risques de santé, le message ne doit pas en permettre l’éloge. L’alcool ne doit jamais être présenté de manière valorisante et une mention indiquant les dangers de l’alcool est obligatoire. Seuls l’origine, la composition, le degré d’alcool et le mode d’élaboration peuvent être mentionnés, mais sans apparaître sous un jour favorable. 109. Cass. Crim. 19 dèc. 2006, Revue Droit Pénal 2007, comm. 24, obs. J-H Robert 95 La Cour de cassation a d’ailleurs rappelé cette règle, s’agissant de trois publicités pour le whisky Jameson110. La société fut condamnée pour publicité illicite car « le décor des affiches publicitaires constituait une mise en scène destinée à valoriser le whisky de marque Jameson, en associant des éléments de nature à lui donner une image séduisante liée à l’Irlande et ses traditions, associée au terme du voyage et à l’ancienneté de ses méthodes de fabrication, éléments étrangers à la stricte indication de l’origine du produit, de sa composition et de son mode de fabrication. Cette jurisprudence assez stricte est constante et les juges ont toujours estimé que toute publicité en faveur d’une boisson alcoolique et présentant cette dernière sous un jour favorable devait entrainer la répression pénale. La publicité illicite en faveur de l’alcool est un délit dont la peine est prévue par l’article L3351-7 du Code de la santé publique. Ces dispositions prévoient une peine d’amende de 75000 euros, sachant que l’amende peut également être portée à 50% des dépenses consacrées à l’opération illégale. Le Code de la santé publique prévoit une dernière réglementation concernant la publicité d’un autre produit, dont l’excès ou la mauvaise utilisation peut également porter atteinte à la santé du consommateur : Il s’agit des médicaments. C. La publicité en faveur des médicaments Tout un chapitre du Code de la santé publique est relatif aux dispositions pénales et infractions sanctionnant les comportements illicites tenant à la publicité en faveur des médicaments111. Est ainsi réprimée au titre de la publicité illégale toute publicité trompeuse ou de nature à porter atteinte à la protection de la santé publique, mais également toute publicité qui ne présente pas un médicament de manière objective ou qui ne préconise pas un bon usage de ce médicament. Bien que la publicité relative aux médicaments soit réglementée par les textes du code de la santé publique, elle doit en outre respecter le droit commun en matière de publicité, résultant de l’article L. 121-1 du Code de la consommation, dont la portée est 110. Cass. Crim. 19 déc. 2006, Revue Droit pénal 2007, comm. 40, obs. J-H Robert 111. Articles L5422-1 et suivants 96 générale ; ainsi, des telles publicités ne doivent pas comporter d’allégations fausses, de nature à induire en erreur ou mensongères. En outre, en France, est aussi interdite la publicité en faveur des médicaments sur prescription médicale, ces médicaments faisant l’objet d’un remboursement partiel ou total. Ces délits sont également sévèrement punis puisque l’annonceur encourt une amende de 37500 euros, assorties d’une éventuelle peine complémentaire de saisie et de confiscation, pour les personnes physiques. Section 2: La règlementation spécifique de certaines pratiques commerciales incitatives Ces réglementations spécifiques concernent certaines pratiques commerciales relatives à des prix réduits ou à des méthodes de distribution attrayantes pour le consommateur. Notons avant tout que toute publicité annonçant des réductions de prix est régie par l’arrêté du 31 décembre 2008. En effet, ce type de publicité doit répondre à de strictes conditions et doit comporter certaines mentions obligatoires afin d’informer clairement les consommateurs et éviter tout risque de tromperie. De façon plus générale, plusieurs réglementation spécifiques concernent ce type de pratiques commerciales telles que les ventes avec primes (§1), les soldes (§2), la revente à perte (§3) et enfin les loteries (§4) §1. Les ventes avec primes Dans cette pratique, il existe un lien entre les deux produits, tout comme la vente subordonnée, mais cette fois ci, le second produit est gratuit : il s’agit de la prime. Il est apparu très tôt que cette méthode de distribution était dangereuse, à la fois pour le commerce (risque de concurrence déloyale) que pour le consommateur dont le choix est « orienté » vers le bien vendu avec prime. Ainsi, cette pratique a été interdite par la loi n°51356 du 20 mars 1951 dont le principe fut ensuite repris par l’ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et est aujourd’hui réglementé par l’article L121-35 du Code de la consommation. Entre temps, on peut constater un recul de la protection pénale puisque lors de la loi de 1951, l’infraction constituait un délit alors qu’elle n’est plus, aujourd’hui, qu’une contravention, comme bon nombre de dispositions pénales. 97 Les alinéas 1 et 2 de l’article L. 121-35 du Code de la consommation définissent et réglementent cette question. Selon l’alinéa 1er de l’article L. 121-35, « est interdite toute vente ou offre de vente de produits ou de biens ou toute prestation ou offre de prestation de services faite aux consommateurs et donnant droit, à titre gratuit, immédiatement ou à terme, à une prime consistant en produits, biens ou services sauf s’ils sont identiques à ceux qui font l’objet de la vente ou de la prestation ». L’alinéa 2 ajoute que cette disposition ne s’applique pas aux menus objets ou services de faible valeur ni aux échantillons. Est clairement visée la pratique de remise d’un cadeau quelconque en échange de l’achat d’un objet. Aujourd’hui, l’évolution, au fil des réformes, vise à éviter la répression : l’article en vigueur est actuellement le moins répressif. D’ailleurs, l’Union européenne entend, par des projets de règlement en discussion, légitimer la pratique des ventes avec prime, à la condition que le consommateur soit mieux informé. En revanche, dans le Droit positif français, l’infraction est constituée dès lors qu’une prime est proposée au consommateur ayant contracté ou ayant le but de contracter. La prime interdite peut consister soit en un produit, soit en un service. Ainsi, par exemple, est interdite l’offre d’un appareil photo jetable pour trois pellicules achetées112. Cette interdiction est justifiée par le fait que le consentement du consommateur est plus ou moins faussé, perverti par l’envie du cadeau. Le consommateur ne réfléchit pas à la nécessité même du produit acheté, ne pensant alors qu’au bénéficie du cadeau, souvent d’une valeur dérisoire à l’achat. En revanche, les remises de chèques-cadeaux ou les bons de réduction sont autorisés, créant tout de même quelquefois des achats inconsidérés pour certains consommateurs. Mais les montants des bons de réductions étant souvent assez faibles, le consommateur n’achète pas de façon aussi impulsive que pour un produit ou service gratuit (ne sachant pas la réelle valeur marchande du bien dans ce dernier cas). En outre, ce qui est interdit, c’est le caractère gratuit car la loi prohibe le fait que le contrat donne droit « à titre gratuit » à une prime. Ainsi, si nous raisonnons à contrario, dès lors que la prime est payante, elle sera autorisée, même si elle fait l’objet d’un euro symbolique. 112. CA Nancy, 15 Oct. 1996, Revue Contrats Concurrence Consommation 1997, comm. 142 Obs. Guy Raymond 98 Cette pratique «d’auto prime» fut autorisée tout d’abord par une réponse ministérielle du 16 novembre 1998 et surtout, ensuite, par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, dans un arrêt du 7 mai 2002. L’affaire portait sur l’installation d’une connexion internet combinée avec un modem pour 1 F : l’opération était valable car il ne s’agissait pas d’une prime gratuite. Mais cette interdiction connait certaines limites et toute prime n’est pas forcément interdite. En effet, l’article L121-35 du Code de la consommation exclut de l’interdiction les produits identiques (c’est le fameux « treize à la douzaine, ou le pot de yaourt gratuit dans un lot, etc.). D’autre part, l’alinéa 2 du texte indique que l’interdiction ne s’applique pas aux « menus objets ou services de faibles valeur ni aux échantillons ». Mais comment interpréter cette valeur ? Dans ce domaine, l’article R121-8 du Code de la consommation précise que la valeur de la prime ne doit pas dépasser « 7 % du prix net défini ci-dessus si celui-ci est inférieur ou égal à 80 euros ; 5 euros plus 1 % du prix net défini ci-dessus si celui-ci est supérieur à 80 euros ». On se réjouit que de telles précisions soient présentes au sein même du Code de la consommation, rendant l’incrimination assez claire et limpide. Ici, la sanction est la même que pour le refus de vente et la vente subordonnée, s’agissant également d’une contravention et l’article R121-13 du Code de la consommation vient également s’appliquer. Cela marque, une fois de plus une certaine contradiction du législateur à isoler l’incrimination des ventes avec primes alors que le régime de la sanction est lié, au même titre que l’infraction elle-même, aux ventes subordonnées. Dès lors que nous suivons le cheminement du Code de la consommation, nous pouvons voir qu’il existe un autre type de mode de distribution illicite, sa prohibition faisant l’unanimité en raison de sa dangerosité. §2. Les soldes La définition des soldes est donnée par l’article L310-3 alinéa 1 du Code de commerce et repose sur trois éléments : Il s’agit de ventes accompagnées ou précédées de publicité tendant, par le moyen d’une réduction de prix, à un écoulement accéléré des marchandises en stock. 99 Le Code de commerce régissant ce type de pratique commerciale, ce sera la pratique elle même plus que les effets sur les consommateurs qui sera mise en avant. En revanche, nous verrons que des soldes illicites peuvent bien entendu porter préjudice au consommateur. Les soldes doivent répondre à une condition temporelle puisque la loi du 1er aout 2008 est venue réformer une législation qui conduisait jusque là à des périodes de soldes très diverses. Dorénavant, une certaine unité règne, puisqu’il y a trois périodes de soldes et deux d’entre elles, d’une durée de cinq semaines, sont fixées par décret. La troisième, d’une durée maximale de deux semaines, est librement fixée par le commerçant. Si les soldes ne répondent pas à ces caractéristiques, l’infraction pénale sera constituée. Mais il faut ajouter, pour bien comprendre l’enjeu de cette législation, que le but premier des soldes est d’écouler le stock du professionnel. Ainsi, les articles soldés doivent donc être en stock depuis plus d’un mois et le réapprovisionnement est bien sur interdit. Il doit donc bien s’agir, pour le professionnel, de se débarrasser de son stock, de fin de saison moins attractif, et non d’ériger les ventes aux rabais en mécanisme normal de fonctionnement, le rabais ne devant pas servir de méthode habituelle d’attraction de la clientèle113. En outre, la réduction doit porter sur chaque article et une réduction générale, sur un montant d’achat ou sur un produit non déterminé ne constitue pas la pratique de solde. §3. La revente à perte La revente à perte est une infraction réprimée par les articles L442-2 et suivants du Code de commerce. Même si les dispositions sont prévues au sein du Code « des professionnels », elles ne relèvent pas du seul domaine du droit de la concurrence puisqu’elle porte également atteinte à l’intérêt général de tous les consommateurs, comme la d’ailleurs rappelé la Cour de Cassation114. Les éléments constitutifs de cette infraction sont simples puisqu’il suffit de constater le comportement prohibé, c’est à dire la revente ou l’annonce de revente à perte. 113. Commentaire de Coralie Ambroise-Castérot, Recueil Resp. Pénale et Droit Pénal, Dalloz mai 2009, n° 271. 114. Cass. Crim. 10 oct. 1996, Dalloz Affaires 1997.216 100 Pour déterminer la revente à perte, il faut s’en référer à l’article L442-2 du Code de commerce qui indique qu’il y a revente à perte lorsque le prix de revente (pratiqué ou annoncé) est inférieur aux prix d’achat effectif115. On peut dès lors s’interroger sur l’intérêt pour le consommateur d’interdire ce genre de pratique, la revente à perte permettant forcément de prix très bas. En réalité, ce genre de pratique est souvent faite dans le but de pratiquer un prix d’appel, c’est à dire l’intention pour le commerçant d’attirer les consommateurs en magasin, grâce à l’annonce de ce prix réduit. Les clients venus en magasin seront alors incités à acheter d’autres produits, dont les prix, pour leur part, ne serons pas réduits, voir même augmentés à l’occasion. Cette pratique de prix d’appel peut être considéré comme « une dérive des ventes »116. Ainsi, la prohibition de la revente à perte, même si elle ne permet pas d’obtenir les prix les plus bas possibles, permet de protéger les consommateurs qui risquent d’être attirés par des espoirs souvent illusoires et procéder à des achats inconsidérés. §4. Les loteries I. La prohibition des loteries par la loi de 1836 Les jeux d’argent relevant d’un monopole d’état (bien que ce monopole soit aujourd’hui remis en cause par le droit communautaire et la libéralisation des jeux d’argent en ligne). Ainsi, la répression de ceux se livrant à des loteries fait l’objet d’une loi non codifiée et très ancienne : La loi du 21 mai 1836, une des lois « ancêtres » du droit de la consommation. Cette loi interdit à tout professionnel d’utiliser le moyen de la loterie, c’est à dire la chance, le hasard, pour appâter le consommateur. Pour que l’infraction de loterie soit constituée, il faut une publicité, l’opération doit avoir été offerte au public. Ensuite, il faut faire naître dans l’esprit des victimes d’un gain, qui serait acquis par hasard. En effet, les loteries sont prohibées en raison de l’interdiction de « la voie du sort », comme l’indique l’article 2 de la loi de 1836. Enfin, il faut que le jeu soit payant, c’est à dire que la victime effectue un versement. Ainsi les opération « jeux sans obligation 115. Ce prix d’achat effectif est, depuis la loi du 3 janvier 2008, le prix unitaire net figurant sur la facture d’achat, d’une part minoré du montant de l’ensemble autres avantages financiers consentis par le vendeur et d’autre part, majoré des taxes sur le chiffre d’affaires, des taxes spécifiques afférente à cette revente et du prix du transport 116. « Droit de la consommation » Jean Calais-Auloy et Henri Temple, Précis Dalloz 8ème édition, n° 149 101 d’achat » sont autorisées. En outre, une certaine relativité par rapport au coût de cette loterie est à faire car la Cour de Cassation n’a pas sanctionné le professionnel organisant une loterie qui prévoyait des frais d’envoi de 11 francs pour la participation117. Ainsi, les juges semblent exiger un sacrifice financier pour retenir le délit. Les sanctions pénales sont déterminées à l’article 3 de la loi de 1836, modifiées par la loi Perben II du 9 mars 2004 qui a accru la répression. Ainsi, le professionnel encourt une peine de deux ans d’emprisonnement et 60 000 euros d’amende, auxquels peuvent s’ajouter diverses peines complémentaires de confiscation, interdiction, fermeture, etc. En revanche, trois types de loteries sont autorisés par la loi. Il s’agit en premier lieu des loteries de bienfaisances ou destinées à financer des activités artistiques ou sportives à but non lucratif. En second lieu, sont également autorisée, les lotos « traditionnels » ou « quines » de villages dès lors qu’ils sont organisés dans un cercle restreint, uniquement dans un but social, culturel, éducatif et lorsqu’ils se caractérisent par de mises de faibles valeur (inférieures à 20 euros). Enfin, les loteries sont autorisées dans l’enceinte des foires, pendant toute leur durée. Il existe enfin un autre type de loterie, dite loterie publicitaire, dont la réglementation est beaucoup plus récente que celle des loteries de 1836. II. La répression des loteries publicitaires Ces loteries concernent celles qui n’exigent aucune contrepartie des participants (la fameuse loterie « sans obligation d’achat »). Pour être licites, elles doivent tout de même répondre à un certain nombre d’obligations. La répression en matière de loterie publicitaire date de la loi du 23 juin 1989, devenue, avec la codification, les articles L121-36 et suivants du Code de la consommation. L’infraction n’est pas clairement définie mais le Code prévoit qu’elle sera constituée lorsque la violation d’une seule des exigences textuelles sera méconnue. Ces exigences traitent tout d’abord la publicité de la loterie, qui doit être écrite et résulte de la participation du consommateur à un tirage au sort, par l’envoi d’un bulletin écrit ; ce dernier devra d’ailleurs être distinct de tout bon de commande de bien ou de service. 117. Cass. Crim. 21 nov. 1989 102 En outre, le document écrit ne doit pas prêter à confusion, notamment avec un document bancaire ou administratif : le caractère ludique de l’opération doit apparaître très clairement et très lisiblement. De même la mention « le règlement des opérations est adressé, à titre gratuit, à toute personne en faisant la demande » est obligatoire. En outre, le règlement des opérations doit être déposé auprès d’un office ministériel, qui assure alors de leur régularité. Enfin toute loterie publicitaire ne doit, comme nous l’avons dit précédemment engagé de frais pour le participant. L’inobservation de ces règles est puni d’une amende de 37 500 euros ; lorsque le professionnel faire croire artificiellement à l’obtention d’un gain en laissant croire au participant qu’il a de grandes chances de l’obtenir alors qu’il n’en est rien, la Cour de Cassation a reconnu depuis 1990 qu’il s’agissait d’une publicité trompeuse punissable sur la base des articles L121-1 du Code de la consommation. Le consommateur bénéficie indéniablement d’une protection forte lors de la formation du contrat. Elle ne l’est pas moins lors de l’exécution de ce contrat d’achat. Titre 2 : La protection du consommateur au moment de l'exécution du contrat, ou la recherche d'une satisfaction de l'acheteur Cette protection se révèle à deux titres. Dans les hypothèses de non conformité de bien ou du service (Chapitre 1) et dans le cadre du financement de l’achat à crédit (Chapitre 2). CHAPITRE I : LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR EN CAS DE NON CONFORMITE DU BIEN OU DU SERVICE Le livre II du Code de la consommation traite de la conformité et de la sécurité des produits. Ainsi, des dispositions sont relatives à la conformité des produits (Section 1) mais d’autres, plus spécifiques, tiennent à la sécurité des produits, notamment à l’obligation de sécurité pesant sur le professionnel, découlant directement de cette obligation de conformité (Section 2). 103 Section 1 : Les infractions liées à un défaut de conformité du produit ou du service Tout professionnel est débiteur d’une obligation de conformité du bien ou de la prestation vendu, à l’égard de l’acheteur. Cette notion de conformité revêt plusieurs significations au sens de la loi. En effet, le bien ou le service doit être conforme à des règles impératives énoncées à l’article L212-1 du Code de la consommation118, mais également aux normes et usages professionnels. En outre, les produits ou services doivent également être conforme au contrat, au vu des dispositions de l’article L211-4 du Code de la consommation concernant la garantie de conformité119. Dès lors que les produits ou les services ne sont pas conformes aux « attentes légitimes des consommateurs »120, outre une protection civile basée sur le vice du consentement et donc la nullité du contrat, il existe des dispositions pénales, permettant de protéger le consommateur à travers la répression des délits de fraudes et falsifications. En effet, le Droit de la consommation, est certes récent, mais il existe certaines exceptions, notamment dans le domaine de la protection pénale du consommateur en matière de fraudes et falsifications, la loi datant du 1er aout 1905. Cette loi est aujourd’hui codifiée au sein du Code de la consommation aux articles L213-1 et suivants et le Chapitre III dudit Code est consacré intégralement au domaine de la conformité des biens et services. Le Livre II du Code de la consommation intégrant ce chapitre III traite successivement du délit de tromperie (§1) et du délit de falsification et ses délits connexes (§2), ces deux infractions constituant alors le système de protection pénale du défaut de conformité des produits et services. 118. « Dès la première mise sur le marché, les produits doivent répondre aux prescriptions en vigueur relatives à la sécurité et à la santé des personnes, à la loyauté des transactions commerciales et à la protection des consommateurs (…) » 119. « Le vendeur est tenu de livrer un bien conforme au contrat et répond des défauts de conformité existant lors de la délivrance (…) » 120. « Droit de la Consommation », Jean Calais-Auloy et Henri Temple, Précis Dalloz, 8ème édition. « L’attente légitime s’apprécie en fonction de divers facteurs dont les principaux sont : la nature du produit ou du service, son prix, sa destination (…) mais les consommateurs ne peuvent attendre que ce qu’il est raisonnable d’attendre, dans des conditions économiques et techniques données », page 249 104 §1. Le délit de tromperie Le Code de la consommation prévoit, en son article L213-1, l’incrimination de tromperie. Le texte prévoit une sanction pénale dès lors qu’une personne « trompe ou aura tenté de tromper, par quelque moyen ou procédé que ce soit ». Ici, le texte n’énumère pas les méthodes de celui qui trompe mais à l’inverse invite à une application très large, afin d’intégrer tous les comportements possibles ou probables des professionnels. Le champ d’application de ce délit est large (I), ainsi que le démontre l’étude de la jurisprudence (II). I. Le champ d’application du délit de tromperie La définition légale est longue et relativement précise puisque « sera puni d'un emprisonnement de deux ans au plus et d'une amende de 37 500 euros au plus ou de l'une de ces deux peines seulement quiconque, qu'il soit ou non partie au contrat, aura trompé ou tenté de tromper le contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers : 1° Soit sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises ; 2° Soit sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité par la livraison d'une marchandise autre que la chose déterminée qui a fait l'objet du contrat ; 3° Soit sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d'emploi ou les précautions à prendre. ». Cette définition étant assez dense, il convient d’en étudier plus précisément l’auteur et la victime de l’infraction (A), puis l’objet même du délit de tromperie (B). A. L’auteur et la victime de la tromperie Trois enseignements doivent être tirés de la lecture de l’article précédemment cité, combiné à la jurisprudence qui l’illustre. Tout d’abord, le terme « quiconque » signifie qu’il peut s’agit d’un professionnel mais également d’un particulier. Ensuite, l’article L213-1 du Code de la consommation indique que l’individu qui commet l’infraction peut être « partie ou non au contrat ». Par conséquent, si le cadre juridique de la tromperie est bien contractuel, celui qui commet 105 l’infraction peut éventuellement être un tiers au contrat, qui sera donc considéré comme auteur de l’infraction. Pour ce qui concerne la victime de l’infraction, celle-ci est désignée dans le même article par le terme « contractant ». En revanche, même si l’incrimination est insérée au sein du Code de la consommation, en raison de l’évolution législative qui tend à interpréter ce Code avant tout comme un instrument de régulation des relations commerciales121, la Chambre Criminelle a très clairement affirmé que l’infraction de tromperie était applicable aux relations contractuelles entre professionnels, y compris ceux contractant dans leur domaine de compétence.122 Cet objectif est tout à fait légitime et permet d’assurer une protection supplémentaire pour le consommateur puisqu’un professionnel trompé ou mal averti aura nécessairement un impact dommageable pour l’utilisateur final, le consommateur B. L’objet de la tromperie Le Code de la consommation précise quels biens de consommation sont soumis à la réglementation sur les tromperies (1), mais aussi tous les éléments et caractéristiques sur lesquels la tromperie peut porter (2). 1. La nature du bien Selon les dispositions de l’article L213-1, sont incluses dans la protection pénale « les marchandises », c’est à dire les biens ayant une valeur vénale. Ainsi, tous les biens mobiliers sont absorbés par ce texte, comme par exemple les voitures. En outre, le délit de tromperie s’étend également aux services en vertu de l’article L216-1 du Code de la consommation qui dispose que « le présent livre [du Code de la consommation sur la sécurité et la conformité] est applicable aux prestations de service ». Ainsi, les contrats de location d’appartements, lorsqu’ils sont le fait d’agences de voyage, sont inclus dans cette protection pénale car l’agence fournit un service123. 121. Répertoire Dalloz de Droit pénal et Procédure pénale, mai 2009, par Coralie Ambroise-Castérot 122. Cass. Crim. 4 nov. 2008, Revue Contrats, Concurrence, Consommation 2009, comm. 90, obs. Guy Raymond 123. Cass. Crim 17 mars 1993 106 En revanche, les rapports bailleurs/locataires ne peuvent faire l’objet de la tromperie en raison de l’exclusion, par la jurisprudence, des immeubles. En effet, les immeubles ne font pas partis du champ d’application du délit de tromperie, y compris lorsqu’il s’agit de contrats de location124. Il n’existe donc aucune protection pénale présente dans le Code de la consommation pour les locataires, ces derniers devant s’en remettre au Code de la construction et de l’habitat. En outre, les juges, assez curieusement, ont également exclu du champ d’application, les biens incorporels. Ainsi, pour protéger les consommateurs victime de tromperie sur les logiciels, les juges préfèrent considérer ces derniers comme des services plutôt que d’étendre la protection aux biens incorporels125. Cette interprétation rend le champ d’application assez confus et démontre un certain manque d’adaptation à notre société actuelle, les logiciels étant achetés désormais par de nombreux consommateurs, même les plus novices en informatique. 2. Les caractéristiques du bien On connaît désormais les biens sur lesquels la tromperie peut porter mais ici, la question est de savoir « sur quoi » peut porter la tromperie, autrement dit, sur quelles caractéristiques des biens et services. La réponse est donnée par l’article L213-1 du Code de la consommation, qui énonce une liste fort détaillée. Ainsi, il est possible de tromper soit sur la nature, l’espèce, l’origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises, soit sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité, soit sur l’aptitude à l’emploi, les risques inhérents à l’utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d’emploi ou les précautions à prendre. (Annexe 3) Cette liste détaillée de façon assez claire permet de prendre en considération la plupart des situations de tromperie. II. Des exemples jurisprudentiels de situations de tromperie Les tromperies les plus diverses et variées entrent dans le champ d’application du texte, ce dernier étant assez large pour intégrer un certain nombre de situations. 124. Cass. Crim. 24 janv. 1991, Bull. Crim. n°41, 1991 125. Cass. Crim. 2 nov. 2005, Bull. Crim n° 273 107 Par exemple, il y a tromperie sur l’origine des œufs lorsque l’entreprise vend des œufs dits « fermiers » de poules élevées en plein air en France, alors que les œufs viennent de l’étranger et que la société qui les emballe et les commercialise ignore complètement les conditions de production126. De même constitue une tromperie le fait de vendre des produits prétendument bio alors qu’ils ne le sont pas127, ou encore de vendre des jouets avec la mention « conforme aux normes en vigueur » alors que ces jouets ne le sont pas128 Les Tribunaux ont également jugé de nombreuses pratiques dites « de la remballe ». Cette pratique est très courante dans la grande distribution et consiste à remballer les produits périmés, en changeant la date limite de consommation, afin de commercialiser le produit périmé une semaine de plus en rayon, comme par exemple des paquets souillés de cervelles toxiques reconditionnés et bénéficiant d’un nouvel estampillage sanitaire129. Concernant l’élément moral de cette infraction, nous l’évoquerons lors de la deuxième partie, en raison de son atténuation possible. §2. Le délit de falsification Les falsifications sont des délits qui concernent la production et la fabrication des biens destinés à la consommation. Elles sont envisagées aux articles L213-3 et L213-4 du Code de la consommation. Il est parfois difficile de bien distinguer les falsifications des tromperies mais il faut savoir que si tromper c’est induire l’acheteur en erreur, falsifier suppose une modification, une altération du produit qui touche généralement à la sécurité alimentaire. Le Code de la consommation traite du délit de falsification stricto sensu (I), auquel s’ajoute des délits connexes (II) 126. Cass. Crim. 19 oct. 2004 127. CA Poitiers, 12 sept. 1996 128. CA Paris 18 mars 1992 129. Cass. Crim. 9 sept. 2003 108 I. Le délit de falsification stricto sensu L’article L213-3 du Code de la consommation détaille non pas une infraction mais quatre. Si l’objet sur lequel peut porter les falsifications est toujours le même (A), en revanche, le comportement prohibé de l’auteur varie selon plusieurs formes (B) A. L’objet de la falsification Il s’agit toujours de denrées destinées à l’alimentation humaine ou animale, de boissons, de produits agricoles ou naturels et de substances médicamenteuses. Par exemple, entrent dans la catégorie des falsifications, les compléments alimentaires qui peuvent révéler à l’usage une certaine toxicité ainsi qu’un caractère nuisible des composants130. Sur le domaine des complètements alimentaires, la Cour de Cassation, se mettant en conformité avec le Droit communautaire, a récemment décidé qu’une condamnation pénale d’un professionnel n’était possible, d’une part, que si l’utilisation des substances incriminées présente un risque pour la santé publique (démontré par l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments) et, d’autre part, qu’à la condition que la procédure d’autorisation ou celle conduisant à l’interdiction du produit présente toutes les garanties nécessaires pour préserver le droit des importateurs131. Par conséquent, le champ d’application des délits de falsification est beaucoup plus étroit que celui du délit de tromperie puisqu’ici, on protège plus sa santé et sa sécurité que l’information et le consentement du consommateur. Les biens susceptibles d’être falsifiés sont donc des biens susceptibles d’être consommés soit directement, soit indirectement (comme les falsification de denrées pour l’alimentation des bêtes destinées à la boucherie). En revanche, sont exclus par ce texte les fruits frais et les légumes frais puisque des dispositions spécifiques règlementent ce domaine132 Si l’objet des falsifications est restreint, le Code de la consommation évoque en revanche plusieurs comportements de l’auteur susceptibles d’être sanctionnés. 130. Cass. Crim. 1er avr. 2003 131. Cass. Crim. 27 mars 2007 132. Loi du 29 juin 1934 et du décret n°55-1126 du 19 aout 1955, renvoie à la sanction de l’article L214-2 du Code de la consommation. Il s’agit alors d’une contravention de troisième classe (punie d’une mande de 450 euros) 109 B. Le comportement de l’auteur Pour être sanctionné, il faut un acte de falsification mais le Code de la consommation manque de précision puisque la loi ne définit pas le terme de falsification (tout comme la tromperie). Il faut donc s’en remettre aux interprétations jurisprudentielles, notamment aux juges de la Cour de Cassation qui définit toute falsification comme étant « un recours à un traitement illicite et non conforme à la réglementation en vigueur de nature à en altérer la substance »133 Ainsi, le professionnel, à partir du moment où il modifie la denrée de manière à en altérer sa substance, par les procédés énoncés à l’article L213-3 du Code de la consommation, peut être sanctionné pour délit de falsification. Sur ce point, l’imagination et les pratiques honteuses des professionnels sont sans limites puisque la falsification peut résulter d’importation de bœuf britannique après l’embargo avec risque de contamination par la maladie de Creutzfeldt-Jacob134, de la « chaptalisation »c c’est à dire de l’enrichissement par de la saccharose de Muscat135 ou encore par l’ajout d’acide tartrique dans du Pinot Noir136. Ainsi, tout comme en matière de tromperie, il existe de nombreuses situations de falsification mais les juges doivent distinguer cette incrimination à celle de la tromperie. En effet, il convient de noter que si l’étiquette est changée ou trompeuse, ce sera le délit de tromperie qui sera constitué. Mais si c’est la substance du produit qui est modifiée, comme dans les exemples que nous venons de lister, il s’agira alors du délit de falsification. En revanche, cette distinction théorique qui peut apparaître pourtant claire, laisse parfois la place à d’obscurs contentieux où les solutions rendues par la Chambre Criminelle sont parfois difficilement compréhensibles. Par exemple, la Cour de Cassation a pu décider que le fait de « noyer » des coquilles Saint-Jacques, pratique consistant à faire gonfler le mollusque et de lui faire gagner artificiellement du poids, est une tromperie et non une falsification137. Cette interprétation paraît assez inattendue puisque le fait de « mouiller » le 133. Cass. Crim 23 janv. 2001, Revue Droit pénal 2001, comm. 89, obs. J-H Robert 134. Cass. Crim. 1er oct. 2003 135. Cass. Crim 4 nov. 2003 136. Cass. Crim. 4 mars 2003 137. Cass. Crim. 7 nov. 2006, Bull. Crim. n°274 110 vin, c’est à dire rajouter de l’eau au vin est considéré comme étant une falsification138. Cette contradiction peut faire apparaître une certaine insécurité juridique et un manque de clarté pour les professionnels, les magistrats ou même les consommateurs qui ne sauraient sur quels fondements agir. Le Code de la consommation envisage également des délits connexes au délit de falsification. II. Les délits connexes à l’infraction de falsification Le Code de la consommation envisage plusieurs délits connexes à l’infraction de falsification stricto sensu. D’une part, l’article L213-3 dudit Code incrimine les délits d’exposition et de provocation (A), et d’autre part, l’article L213-4 érige en infraction les actes de détention de produits falsifiés (B). A. Les délits d’exposition et de provocation Peu importe le comportement que l’auteur adopte, il sera toujours réprimé, que celui-ci se situe en amont de l’agissement illicite (exposition et mise en vente, c’est à dire avant toute atteinte effective), ou en aval (réalisation concrète de la vente). Ce comportement illicite, pour être pénalement réprimé, doit porter sur l’une des « choses » mentionnées du texte, à savoir les denrées servant à l’alimentation de l’homme ou des animaux, des boissons et des produits agricoles ou naturels ou des substances médicamenteuses mais également des produits, objets ou appareils propres à effectuer la falsification des denrées. Ainsi, dès lors que l’exposition, la mise en vente et la vente concerne la falsification de ces « choses », le professionnel sera sanctionné en, vertu de l’article L213-3, pour avoir « exposé, mis en vente ou vendu les produits et objets définis au texte ». En outre, la deuxième partie du 4° de l’article L213-3 réprime le fait de provoquer à l’emploi par le moyen de brochures, circulaires, prospectus, affiches, annonces ou appareils 138. « Droit pénal spécial et des affaires », V.C. Ambroise-Castérot, Gualino 2008, n°747 111 propres à effectuer des falsifications. Ainsi, toute incitation publicitaire tombe sous le coup de la loi pénale. B. Le délit de détention Ici, la différence avec l’infraction de l’article L213-3 du Code de la consommation tient au comportement de l’auteur. Est interdit, en vertu de l’article L213-4 du Code de la consommation, le fait de détenir, dans n’importe quel lieu de fabrication, de production, de dépôt, d’entrepôt, de véhicules de transport, d’abattoir, etc. des denrées, boissons, etc. qu’ils savent être falsifiées ou des produits servant à ces falsifications. Ainsi, la simple détention d’un produit falsifié relève de l’article L213-4 du Code de la consommation qui prévoit une peine tout de même moins lourde (trois mois d’emprisonnement et 4 500 euros d’amende). Un restaurateur qui détient des denrées toxiques dans ses chambres froides relève donc du délit de détention139. Cette protection liée à la conformité des produits est renforcée par une autre obligation de conformité, éminente car tenant à la sécurité des produits et donc du consommateur. Section 2 : La spécificité de l’obligation de conformité liée à la sécurité des produits et des services La sécurité, dans nos sociétés contemporaines est devenue une exigence fondamentale et la question de la sécurité des produits est la problématique la plus importante en droit de la consommation. Les accidents provoqués par l’utilisation de produits ou services ont, depuis longtemps, fait l’objet de décisions de justice. Très tôt, les tribunaux ont considéré que les règles du droit commun de la responsabilité civile pouvaient s’appliquer aux fabricants et aux distributeurs, indépendamment des sanctions pénales prévues en cas d’homicides ou de blessures involontaires. Le premier jugement, en France, à faire naître cette obligation de sécurité dans certains contrats date du 21 novembre 1911, par la Chambre Civile de la Cour de Cassation140. Il s’agissait d’un contrat de transport et la jurisprudence étendit ensuite cette obligation à de nombreux autres contrats. 139. CA Poitiers 14 janv. 1993, Revue Contrats, Concurrence, Consommation 1994, comm. 18, obs. G. Raymond 140. Cass. Civ. 21 nov. 1911, Recueil Dalloz 1913.1.249, note Sarrut 112 Aujourd’hui, il existe une obligation générale de sécurité, prévue au sein des dispositions relative à la conformité des produits. En effet, l’article L221-1 du Code de la consommation prévoit que « les produits et services doivent, dans des conditions normales d’utilisation ou dans d’autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel présenter a sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes ». L’obligation générale de sécurité est basée sur un système de mesures préventives (§1). Dans l’hypothèse où cette obligation n’est pas respectée, la mise en œuvre de la responsabilité pénale des professionnels peut être engagée (§2). §1. Les mesures préventives indispensables consacrées par le Code de la consommation Outre les mesures préventives à caractère général (I), il existe également, pour certains produits et services, des mesures préventives spécifiques (II) I. Les mesures préventives à caractère général Aujourd’hui, la multiplication des atteintes à la sécurité des consommateurs, résultant notamment de l’accroissement des risques d’erreur qu’engendrent les productions de masse, a rendu nécessaire une action préventive de la part des pouvoirs publics dont l’efficacité est souvent renforcée par la vigilance des organisations de consommateurs. L’obligation de sécurité fut consacré par la loi du 21 juillet 1983, transposée dans notre Code de la consommation à l’article L 221-1 qui prévoit : « Les produits et services doivent, dans des conditions normales d’utilisation ou dans d’autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle peut légitimement s’attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes. » Contrairement aux premières décisions de justice, l’obligation de sécurité sort du cadre contractuel afin de se préoccuper plutôt des exigences légitime de la vie en société. En outre, la définition est assez vague mais l’emploi du terme « on » permet une certaine généralisation de ce principe : la vision du consommateur moyen est mis en avant et non celle d’un spécialiste ou d’un professionnel. 113 Nous examinerons successivement le champ d’application de ces mesures (A), la nature des obligations préventives pesant sur les professionnels (B) et les modalités de l’intervention des pouvoirs publics (C) A. Champ d’application de la réglementation 1. Personnes concernées a. Débiteurs de l’obligation L’article L221-1 du Code de la consommation fait peser l’obligation générale de sécurité sur « le professionnel ». Ce terme employé est volontairement large afin de désigner à la fois le producteur mais aussi le distributeur. Concernant le producteur, le Code de la consommation précise qu’il s’agit d’une part du fabricant du produit, quand il est établi dans la Communauté Européenne et toute autre personne qui se présente comme fabricant en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif, ou celui qui procède à la remise en état du produit. En outre, il s’agit également du représentant du fabricant, quand ce dernier n’est pas établi dans la Communauté Européenne ou, en l’absence de représentant établi au sein de l’Union Européenne, l’importateur du produit. Enfin, il peut aussi s’agir des autres professionnels de la chaîne de commercialisation, dans la mesure où leurs activités peuvent affecter les caractéristiques de sécurité d’un produit. Concernant le distributeur, il s’agit de tout professionnel de la chaîne de commercialisation dont l’activité n’a pas d’incidence sur les caractéristiques de sécurité du produit. Mais il est également concerné par cette obligation puisque même s’il n’entre pas dans la fabrication du produit, il présente celui-ci aux éventuels acheteurs et il est donc tout à fait acceptable que le distributeur soit soumis à cette règlementation, même si, nous le verrons plus tard, la mise en responsabilité est moindre par rapport à celle du fabricant. 114 b. Bénéficiaires de l’obligation Ici, le terme « consommateur » n’apparaît pas et la formulation, que nous imaginons volontairement générale, « les produits et services » conduit à considérer que les bénéficiaires de la règlementation sont tous les utilisateurs de ces produits et services, qu’ils soient consommateurs ou professionnels. On pourrait même interpréter ce texte de manière plus large puisque un produit ou un service peut être source de dommage pour des personnes n’étant pas des utilisateurs : un piéton heurté par une voiture dont le système de frein est défectueux par exemple. Ainsi, cette règlementation volontairement large reflète le caractère majeur du domaine de la sécurité des personnes. En revanche, l’article L221-1-2 vise « les consommateurs » mais ce terme doit être entendu très largement pour les raisons que nous venons de voir. Il s’agirait plutôt d’une imprécision de la part du législateur qui reflète la difficulté d’établir un champ d’application précis des dispositions consuméristes. 2. Produits concernés Cette règlementation générale s’applique à titre subsidiaire, c’est-à-dire qu’elle ne concerne que les produits et services qui ne sont pas soumis à des dispositions législatives spécifiques ou à des règlements communautaires ayant pour objet la protection de la santé ou la sécurité des consommateurs. Par exemple, la règlementation générale ne s’applique pas aux denrées alimentaires puisqu’elles sont soumises aux prescriptions prévues par le règlement CE 178/2002 du 24 janvier 2002. En revanche, en cas d’urgence, les mesures prévues aux articles L221-5 et L 221-6 du Code de la consommation qui s’appliquent pour la règlementation générale peuvent être prises, même en cas de règlementations de produits ou services spécifiques. Il s’agit ici de mesures de suspension du produit ou du service, prisent par arrêté dans l’hypothèse d’un danger grave ou immédiat. Ainsi, ce domaine du Droit pénal de la consommation est assez convaincant puisqu’il prévoit une règlementation générale assez pertinente et protectrice pour les consommateurs, doublée de règlementations spécifiques, que nous verrons dans un autre point. 115 Une certaine limite est tout de même admise par le biais de l’expression de « sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre » de l’article L 221-1 du Code de la consommation, ce qui est tout à fait compréhensible pour la bonne mise en œuvre de cette obligation. En effet, les consommateurs ne peuvent pas s’attendre à une sécurité absolue et les professionnels ne seront donc pas responsables de façon systématique. Seule la sécurité compatible avec une utilisation normale du produit ou du service sera couverte. Il faut ajouter à cette exigence une utilisation anormale que le professionnel pouvait raisonnablement prévoir : cette notion paraît imprécise sans l’interprétation des juges sur ce point ; il s’agit par exemple d’un constructeur automobile qui doit prévoir que les véhicules seront utilisés à des vitesses supérieures à celles autorisées par le Code de la route. B. Les obligations préventives des professionnels Les professionnels sont soumis à des règles contraignantes afin de répondre à un impératif primordial : la sécurité des consommateurs. Ainsi, le principe de liberté du commerce et d’industrie ou le principe de libre établissement doit pouvoir s’incliner au profit de cette exigence. Ces règles impératives paraissent apparemment respectées et appliquées par les professionnels puisqu’elles seront assorties de sanctions pénales dans le cas où le professionnel commet une mise en danger d’autrui ou cause, même involontairement, un dommage corporel. Le professionnel est donc soumis à un véritable auto-contrôle afin de garantir la sécurité des produits qu’il présente au consommateur et ces règles préventives ont pour but de vérifier que les produits et services que le professionnel met sur le marché présentent la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre. 1. L’obligation quant à l’information des risques possibles L’article L 221-1-2 prévoit que le producteur doit fournir les informations utiles qui permettent au consommateur d’évaluer les risques inhérents à un produit pendant sa durée d’utilisation normale ou raisonnablement prévisible et de s’en prémunir, lorsque ces risques ne sont pas immédiatement perceptibles par le consommateur, sans un avertissement adéquat. 116 Le professionnel, afin de répondre de cette obligation, pourra par exemple indiquer sur le produit ou son emballage un mode d’emploi, l’identité et l’adresse du producteur, etc. (L 221-1-2 II du Code de la consommation) 2. L’obligation quant au suivi des produits Le producteur doit adopter des mesures qui lui permettent, d’une part, de se tenir informé des risques potentiels des produits qu’il commercialise et, d’autre part, d’engager les actions nécessaires à la maitrise de ces risques. En cas de risque, il devra par exemple procéder à une mise en garde adéquate et efficace envers les consommateurs et/ou au rappel du produit auprès de ceux-ci. L’indication d’un mode d’emploi vu précédemment, relevant de l’obligation d’information, peut également concerner l’obligation de suivi dans la mesure où cette mesure peut avoir été prise postérieurement à la première mise sur le marché, afin de mettre en garde les consommateurs contre les risques que présente un produit. 3. L’obligation quant au signalement des risques Si le producteur ou le distributeur d’un produit constate que l’obligation générale de sécurité n’est pas satisfaite, il doit en informer immédiatement les autorités administratives compétentes en indiquant les actions qu’il engage afin de prévenir les risques pour les consommateurs. En aucun cas le producteur ou le distributeur ne peut se décharger de cette obligation en soutenant qu’ils n’avaient pas eu connaissance des risques alors qu’ils ne pouvaient pas raisonnablement les ignorer (L 221-1-3 du Code de la consommation). Il parait assez difficile d’imaginer que le professionnel n’avait pas connaissance de quelque risque que ce soit puisqu’il est également soumis, comme nous l’avons vu précédemment, à une obligation de suivi des produits (cf. 2.) 4. L’obligation spécifique des distributeurs Les distributeurs s’interdisent de fournir des produits dont ils savent, sur la base des informations en leur possession et en leur qualité de professionnel, qu’ils ne satisfont pas aux obligations de sécurité définies par les articles L 221-1 du Code de la consommation. 117 Outre cette obligation de refus de vente en cas de risque de sécurité, les professionnels doivent, conformément à l’article L 221-1-4 du Code de la consommation, participer au suivi de la sécurité des produits mis sur le marché en transmettant les informations concernant ces risques et en fournissant les documents nécessaires pour assurer leur traçabilité. La collaboration avec les actions engagées par les producteurs et les autorités administratives est essentielle pour éviter tout risque. C. L’intervention des pouvoirs publics complétant le système préventif général 1. La règlementation ou l’interdiction de certains produits ou services Des décrets en Conseil d’Etat peuvent interdire ou règlementer les produits ou services qui manquent à l’obligation générale de sécurité. Ces décrets doivent être pris après avis de la Commission de la Sécurité des Consommateurs, commission qui est chargé de rassembler les informations sur les dangers présentés par les produits ou les services et d’émettre des avis afin de prévenir ces risques. Les mesures prises en Conseil d’Etat sont soumises à cet avis (également celui de l’AFSSA141 pour ce qui concerne les produits alimentaires) car elles doivent être justifiées puisqu’elles réduisent considérablement la liberté des entreprises et leur marge de manœuvre. L’article L 221-3 du Code de la consommation énumère les mesures qui peuvent être prises par décret. Elles ont un caractère impersonnel car chaque décret concerne une catégorie de produit sans viser une marque ou une entreprise. Cela peut concerner par exemple l’étiquetage des produits, l’imposition de règles d’hygiène et de salubrité, ordonner le retrait des produits sur le marché, ordonner la destruction des produits, etc. En outre, l’intervention des pouvoirs publics est renforcée par le fait que chaque décret est assorti de sanctions pénales, généralement celles prévues pour les contraventions de 5ème classe. Par ailleurs, le professionnel qui commercialise une marchandise qui ne satisfait pas aux conditions essentielles de sécurité définies par une règlementation spécifique, à laquelle les consommateurs sont légitimement en droit de s’attendre, commet un délit de tromperie. Un arrêt de la Cour de Cassation en date du 10 juin 1998 estime que le commerçant qui a mis en 141 .Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments 118 vente un lot de jouet sans avoir vérifié leur conformité aux exigences essentielles de sécurité prévues par le décret du 12 septembre 1989 réalise un délit de tromperie sur l’aptitude à l’emploi et les risques inhérents à l’utilisation de la marchandise. 2. L’interdiction temporaire par arrêté ministériel En cas de « danger grave ou imminent », l’article L 221-5 du Code de la consommation autorise le Ministre chargé de la consommation et les autre Ministres concernés de prendre, par arrêté, des mesures beaucoup plus rapides que la procédure de décret ; il s’agit de mesures d’urgences. En revanche, ces mesures ne sont que provisoires, pour une durée ne pouvant excéder un an. Cela se justifie par le fait que ce sont des mesures urgentes, prises sans contrôle et sans avis préalable et qui ne comportent donc pas pour les professionnels les mêmes garanties de justification que les décrets. Le caractère de « danger grave ou imminent » ne semble pas signifier que le danger doit être certain. En effet, le principe de précaution doit permettre de prendre un arrêté dès lors qu’un risque présente un degré suffisant de probabilité et donc en présence d’un risque possible mais pas encore certain. En revanche, ce principe de précaution dont se prévalent les pouvoirs publics doit être appliqué de façon proportionné, mesuré par rapport à la règle de probabilité du risque et à la gravité des dommages éventuels. Un excès de pouvoir de la part des autorités serait incontestablement nuisible aux entreprises et à la liberté de commerce et d’industrie. Ainsi, la mesure doit être proportionnée au danger et n’avoir pour but que d’assurer la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre. Les mesures pouvant être prises par arrêté sont, sensiblement les mêmes que celles pouvant être prises définitivement par décret à l’exception du fait que ces mesures peuvent s’appliquées à tous produits ou services, même ceux faisant l’objet de dispositions législatives spécifiques. Ainsi un arrêté peut être impersonnel et concerner une catégorie de produit, alors que d’autres peuvent être individualisés et viser un produit de marque déterminée. En cas de méconnaissance des dispositions d’un arrêté portant interdiction temporaire, il est également prévu une amende de nature contraventionnelle de 1500 euros (3000 euros en cas 119 de récidive). De telles sanctions paraissent insuffisantes par rapport au risque que le professionnel fait encourir au consommateur mais nous verrons dans une partie suivante que de lourdes sanctions pénales sont prévues dans l’hypothèse de mise en danger d’autrui. 3. Les mesures d’urgences prises par le Préfet Les arrêtés pris par les Ministres, en dépit du caractère urgent, pourraient intervenir trop tard pour éviter tous les dommages. Ainsi, la loi permet aux Préfets (à Paris, au Préfet de Police), de prendre des mesures de plus grande urgence, dans l’attente d’un arrêté ministériel. Concernant des produits présentant ou susceptibles de présenter un danger pour la santé publique ou la sécurité des consommateurs, le Préfet peut ordonner la suspension de la mise sur le marché, le retrait, le rappel ou la destruction du produit en question. Quant aux prestations de services, en cas de danger grave ou immédiat, le Préfet peut suspendre la prestation pour une durée n’excédant pas deux mois. Ces mesures concernent des produits ou des services qui ne sont pas encore soumis à une règlementation (mais qui le seront à la suite de l’action du Préfet). En revanche, dès lors qu’il existe une règlementation mais que le produit ou le service n’est pas conforme à cette dernière, le Préfet dispose de pouvoirs supplémentaires. En effet, selon l’article L 218-5 du Code de la consommation, il peut, si la mise en conformité n’est pas possible, ordonner l’utilisation à d’autres fins, la réexpédition vers le pays d’origine ou la destruction dans un délai qu’il fixe. Il peut même prononcer la fermeture de tout ou partie de l’établissement dans lequel le produit est fabriqué, détenu ou vendu ou encore l’arrêt d’une ou plusieurs de ses activités (article L218-3 du Code de la consommation). Dans ce cas, dès lors que l’intervention du Préfet a lieu, cela sous-entend que le risque est présumé grave et imminent. Ainsi, les sanctions pénales en cas de non-exécution des mesures ordonnées par le Préfet sont beaucoup plus lourdes que celles prévues en cas de méconnaissances des dispositions d’un décret ou d’un arrêté. En effet, l’article L 218-7 du Code de la consommation prévoit des sanctions de deux ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. 120 4. Les mesures d’urgence prises par les agents de l’Administration Les agents de l’Administration sont dotés de larges pouvoirs, ainsi que nous le verrons dans une seconde partie. Concernant la question de la sécurité des produits, les agents de l’Administration, notamment les agents de la DGCCRF, peuvent saisir les produits dangereux et le nonrespect de cette mesure de saisie aura des conséquences pénales très lourdes puisqu’il est prévu un emprisonnement de trois ans et 375 000 euros d’amende. En outre, si les agents de la DGCCRF n’ont qu’un soupçon et que le risque n’est pas encore avéré, ils peuvent consigner les produits dans l’attente des contrôles nécessaires. Dans ce cas, si le professionnel ne respecte pas cette mesure de consignation, il risque un emprisonnement de deux ans et une amende de 37 500 euros. Les agents de la DGCCRF peuvent également prendre d’autres mesures dès lors que les produits présentent ou sont susceptibles de présenter un danger pour la santé et la sécurité : renforcement des auto-contrôles, actions de formation du personnel, réalisation de travaux ou d’opérations de nettoyage (L 218-3 du Code de la consommation). 5. Les normes de sécurité élaborées par l’Association Française de Normalisation Les normes sont des documents de référence qui décrivent les caractéristiques de produits ou de services et sont édictées par l’Association Française de Normalisation (AFNOR). La normalisation a pour but principal la conformité des produits et des services à l’attente légitime des utilisateurs. La sécurité étant un aspect de cette conformité, il existe des produits ayant fait l’objet de normes de sécurité. Les normes sont par principe d’utilisation volontaire et l’entreprise qui se soumet à cette norme en fait souvent un argument de vente. En revanche, l’article 12 du décret n°84-74 du 26 janvier 1984 prévoit qu’une norme homologuée peut être rendue obligatoire par arrêté ministériel « si des raisons d’ordre public, de sécurité public, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation des végétaux (…) ». Ainsi, les normes de sécurité sont pour la plupart obligatoires et contribuent alors à la mise en place de la règlementation technique. En effet, bien qu’une norme soit par principe d’application volontaire, les pouvoirs publics peuvent, par exception, rendre tout ou partie d’une norme d’application obligatoire, en adoptant un texte réglementaire spécifique à cet effet. Ainsi, 121 une norme sera d’application obligatoire lorsqu’elle sera imposée, par un texte réglementaire, comme moyen unique de satisfaire aux exigences de ce texte. Ainsi, pour assurer la sécurité, la santé, la protection de l'environnement, la loyauté des transactions, l'État peut imposer le respect d'obligations spécifiques : performances, méthodes de fabrication ou d'analyse, compositions, conditions de conservation, de stockage, d'étiquetage, conditions d’élimination, etc., contenu dans les normes. Par exemple, les domaines des appareils à gaz, les jouets, les casques de moto, etc. sont soumis à des normes AFNOR d’application obligatoire. Il s’agit donc d’une véritable exigence à laquelle les professionnels sont soumis et ces normes font partie des « prescriptions en vigueur » au même titre qu’une loi, qu’un règlement ou qu’un décret, entrant donc dans l’obligation d’auto contrôle dont ils sont soumis, selon l’article L 212-1 du Code de la consommation. Le caractère obligatoire de ces normes est renforcé par des sanctions pénales en cas de non respect de la part du professionnel. A ce titre, si le produit est revêtu indûment de la marque « NF » (preuve du respect de la norme), l’article L 213-1 du Code de la consommation qualifie cet agissement de tromperie, assorti des peines correspondantes. II. Les mesures préventives spécifiques à certains produits ou services Pour certaines catégories de produits et services, la règlementation générale de l’obligation de sécurité est insuffisante et incomplète. Ainsi, les pouvoirs publics ont mis en place plusieurs séries de mesures spécifiques, toutes également basées sur les dispositions de l’article L 221-1 du Code de la consommation, à savoir, la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre. Outre l’interdiction ou la limitation de la publicité pour certains produits que nous avons étudiés précédemment, ces mesures concernent la règlementation de la fabrication et la commercialisation de certains produits ou services, en vue de la sécurité attendue. Cette règlementation forme un ensemble assez hétéroclite, en évolution continue car elle s’applique à une multitude de catégories de produits : denrées alimentaires, stupéfiants, produits chimiques, armes et munitions, etc. Dans le cadre de ce mémoire, il parait complexe d’étudier chaque règlementation spécifique, ce qui explique le faible développement de cette partie par rapport à l’obligation générale de sécurité. 122 De façon logique, les pouvoirs publics ont mis en place une règlementation spécifique pour ce genre de produits car certains sont susceptibles de s’avérer beaucoup plus dangereux que d’autres. Une denrée alimentaire, dès lors qu’elle entre en contact avec l’organisme d’un être vivant peut s’avérer beaucoup plus dangereuse qu’un autre produit sans contact direct et sans haute technicité. Ainsi, pour ce qui concerne la sécurité des aliments pas exemple, les décrets pris en application de l’article L 214-1 du Code de la consommation sont destinés à éviter que les consommateurs ne soient trompés, mais aussi à protéger leur santé. Il est donc prévu, pour certaines denrées, une température de conservation, une date de péremption, etc. En outre, pour satisfaire à cette exigence spécifique de sécurité, notamment dans le domaine alimentaire, l’ordonnance du 23 aout 2001 a permis aux agents de la DGCCRF et d’autres ministères en lien avec le produit de disposer de pouvoirs plus accrus. Cette possibilité a ensuite été étendue à tous types de produits par l’ordonnance du 9 juillet 2004 qui a donné lieu aux articles L218-1 et suivants, cités précédemment. Le Code de la consommation pose donc en son article L221-1 une obligation générale de sécurité. Pour parvenir à cette exigence, de nombreuses mesures préventives doivent être respectées par les professionnels mais également par les pouvoirs publics. En revanche, il semble assez déconcertant qu’aucune sanction pénale ne soit prévue, à la charge du professionnel, en cas de manquement à ces mesures préventives. Fort heureusement, Le Code de la consommation prévoit des dispositions en cas de mise en danger de la vie d’autrui et certaines dispositions du Code pénal complètent le Code de la consommation dans ce domaine afin de mettre en œuvre la responsabilité pénale du professionnel. §2. La responsabilité pénale dans le domaine de la sécurité des produits et services La violation de l’obligation de sécurité des produits, telle qu’imposée par le Code de la consommation, ne permet pas, à elle seule, de constituer une infraction pénale. Bien sur, il est possible de qualifier les faits de tromperie ou falsification, ces derniers constituant les sanctions pénales prévues en cas de défaut de conformité, mais ils sanctionnent le comportement du professionnel en lui-même, indépendamment du résultat et de l’existence d’un préjudice subi par un consommateur. Les dispositions du Code de la consommation sont donc insuffisantes pour bénéficier d’un réel système répressif (I) et le 123 Code pénal, quant à lui définit des infractions pour mettre en œuvre la responsabilité pénale du professionnel (II). I. Les dispositions du Code de la consommation Nous avons cité dans la section précédente les délits de tromperie et de falsification, prévus aux articles L213-1 à L213-4 du Code de la consommation. Ces délits peuvent avoir pour résultat de rendre le produit dangereux pour la santé et être qualifié de tromperie aggravée. Dès lors que la tromperie s’accompagne de l’infraction à un texte ayant pour but de protéger la santé, la mise en responsabilité du professionnel est simplifiée puisque les juges n’ont pas a apporter la preuve d’une circonstance aggravante. Tel n’est pas le cas si aucun texte n’existe. Les juges doivent alors prouver la circonstance aggravante et la mise en responsabilité du professionnel paraît alors beaucoup plus difficile à engager. Il paraît assez étonnant qu’un Code, ayant pour objectif de protéger le consommateur, ne consacre à la mise en danger qu’une une simple circonstance aggravante d’un autre délit : celui de tromperie, falsification ou détention. Même si l’obligation de sécurité découle naturellement de la conformité des produits et services, une sanction spécifique concernant la sécurité est primordial en raison de l’enjeu et des conséquences parfois dramatique d’un non respect de cette exigence de sécurité. Malgré un large consensus sur le caractère primordial de la sécurité du consommateur, le Code de la consommation ne l’intègre pas comme un délit pénal en lui-même et le système paraît largement insuffisant. En effet, dans le cadre du Code de la consommation, la répression ne peut se faire à la condition que soient relevés les éléments constitutifs du délit de tromperie, de falsification ou de détention. Il paraît pourtant évident que la santé des consommateurs peut être mis en danger en l’absence même de tels délits. En revanche, dès lors qu’il existe des textes règlementaires comme des décrets ou des arrêtés, leur violation constituent bien souvent un délit de tromperie ou de falsification, bien que les juges devront, et la difficulté est toujours la même, établir les éléments constitutif du délit. Dans cette optique, s’il est impossible de relever ces éléments, et en dépit de la violation du texte, l’infraction ne sera donc pas un délit mais une simple contravention de troisième classe pour les décrets et de cinquième classe pour les arrêtés ministériels. 124 La peine relative à la violation d’un texte règlementaire pris en application de l’obligation de sécurité ne pourra donc jamais excéder 1500 euros si tous les éléments constitutifs du délit de tromperie ou de falsification ne sont pas relevés. Au vu de ces dispositions, le Droit pénal de la consommation, tel qu’il est prévu au sein du Code de la consommation parait insuffisant compte tenu de l’importance et de la nécessité de protection du consommateur en matière de sécurité. Même si en matière d’infraction, l’amende peut être multipliée par le nombre de produits en infraction, il paraît difficile de pouvoir dissuader réellement le professionnel avec un si faible montant. II. Les dispositions du Code pénal Deux chapitres du Code pénal peuvent venir s’appliquer dans le cadre de la sécurité du consommateur. Il s’agit de l’infraction consistant en la mise en danger d’autrui (A), qui est également prévue dans le Code de la consommation par la circonstance aggravante du délit de tromperie ou de falsification, comme nous venons de l’étudier. Le Code pénal contient également une disposition prévoyant la mise en responsabilité d’une personne dans l’hypothèse de dommages corporels involontaires (B) A. L’infraction de mise en danger de la vie d’autrui L’article 223-1 du Code pénal dispose que la mise en danger ou de risques causés à autrui est caractérisée quand une personne expose « directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessure de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ». Cet article est de portée générale, pas forcément prévue pour les consommateurs mais peut tout à fait trouver à s’appliquer dans des situations où les consommateurs ont été mis en danger par des produits ou des services, notamment pour combler les lacunes du Code de la consommation, insuffisant dans ce domaine. En outre, la peine encourue largement supérieure à celle prévue par le Code de la consommation (lorsque les éléments constitutifs de tromperie ou de falsification ne sont pas présents) car le professionnel risque un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Le délit de mise en danger prévu par le Code pénal parait facilement applicable puisqu’il est constitué même en l’absence d’un dommage corporel réellement causé. Un simple risque 125 suffit à caractériser cette infraction. Sur ce point, la jurisprudence est assez avantageuse pour la victime, dans notre cas le consommateur, puisque la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, par arrêt en date du 11 février 1998 a considéré que la faiblesse du risque n’interférait pas sur la constitution du délit. Les juges de la Chambre criminelle ont également estimé que l’article L223-1 du Code pénal n’exigeait pas que l’auteur ait eu connaissance de la nature du risque particulier. Mais nous verrons lors de la deuxième partie que l’établissement de cette infraction est en pratique assez difficile à établir, de nombreuses conditions précises étant requises. B. Les infractions d’homicide et de coups et blessures par imprudence Dans ce cas, les produits et services fournis à des consommateurs ont effectivement causé des dommages corporels. A l’inverse de l’incrimination précédente, puisque c’est ici le résultat qui est pris en compte et non le risque. En outre, nous étudions ici une infraction qui cause involontairement des dommages corporels. C’est donc une infraction par imprudence, une infraction non intentionnelle, ce qui exclut de cette étude les atteintes volontaires à la vie ou à l’intégrité de la personne. Selon le Code pénal, dès lors qu’un produit ou qu’un service provoque un dommage corporel, le producteur, le distributeur ou le prestataire de service peuvent, en tant que personnes physiques, voir leur responsabilité pénale engagée : soit en cas de décès de la victime, pour homicide involontaire, selon l’article 221-6 al.1 du Code pénal, soit dans d’autres cas, pour atteintes involontaire à l’intégrité de la personne, conformément aux articles 222-19 et 222-20 du Code pénal. Toutes ces infractions consistent à causer un dommage « par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements ». Il apparaît une certaine hiérarchie entre les peines, selon leur gravité. Les peines s’alignant d’une simple contravention assortie d’une amende de 150 euros à un délit puni de deux ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Le Code pénal prévoit en outre, une circonstance aggravante à toutes les infractions d’homicides ou de coup et blessures involontaires. Dès lors qu’il résulte « un manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements ». Ici, l’auteur a su qu’il pouvait mettre en danger la sécurité ou la vie d’autrui mais sans avoir l’intention de nuire à autrui. L’obligation générale de sécurité de l’article L221-1 du Code 126 de la consommation peut tout à fait constituer la circonstance aggravante et il sera ainsi plus aisé de qualifier des infractions concernant les accidents de consommation puisqu’il n’est pas nécessaire de viser une loi ou un règlement particulier, comme le prévoit le délit de mise en danger. Nous venons d’étudier deux aspect très importants du Droit pénal de la consommation : l’obligation de conformité et l’obligation de sécurité, qui découle de la première. Ces deux exigences permettent, dans un sens, de protéger le consommateur par rapport à l’acquisition de son produit ou de son service. Cette volonté de satisfaire l’acheteur durant l’exécution de son contrat est un objectif visé non seulement par les pouvoirs publics mais également par les professionnels, qui y voient alors un véritable atout commercial. En revanche, de nombreuses imperfections demeurent dans le dispositif juridique, qu’il s’agisse du Code de la consommation ou du Code pénal. Ainsi, l’existence même de cet outil juridique comportant des sanctions pénales peut permettre de favoriser et d’influencer le professionnel quant au respect de ses obligations. Mais dès lors que l’une d’entre elle est violé, sa responsabilité pénale est difficile à mettre en œuvre et les sanctions paraissent quelques fois plutôt dérisoires, ainsi que cela sera démontré ultérieurement. Une autre réglementation spécifique permet également de protéger le consommateur durant l’exécution de son contrat. En effet, dès lors que l’acheteur décide de contracter un crédit dans le cadre de cet achat, la réglementation, plutôt protectrice, du crédit à la consommation vient s’appliquer. En dépit des bienfaits de ce dispositif juridique, nous verrons que de nombreuses situations se révèlent complexes pour le consommateur, notamment concernant les crédits renouvelables. CHAPITRE 2: LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR LORS DU FINANCEMENT DE SON ACHAT PAR LA REGLEMENTATION DU CREDIT A LA CONSOMMATION Les marchés financiers ont vécu depuis le début des années 1980 en France un vaste processus de libéralisation et de globalisation. Cette tendance à l'ouverture ne semble cependant pas avoir affecté la réglementation stricte du crédit. Bien au contraire, le législateur français continue de réglementer le crédit de façon étroite, notamment par le biais 127 du Code monétaire et financier promulgué en décembre 2000 ou du Code de la consommation. Mais paradoxalement, la société de consommation, si souvent décriée, implique la possibilité pour le plus grand nombre d’avoir accès à la propriété mobilière ou immobilière, imposant de fait l’idée de crédit au profit des particuliers et par là même le spectre de l’endettement, voire du surendettement. Toute opération de crédit repose sur des principes contractuels de mise à disposition de fonds en l'échange d'une promesse de remboursement ou d'engagements de type cautionnement ou garantie. La loi qui encadre strictement le crédit à la consommation, en imposant des obligations pour l’établissement de crédit, mais également pour l’emprunteur peut alors être perçue comme un frein à la liberté contractuelle. En outre, le législateur prévoit des sanctions pénales en cas de non-respect de ses obligations, rendant alors la règlementation assez dissuasive. cette immixtion parait légitime, notamment lorsqu’on analyse les chiffres du surendettement en France : entre janvier et septembre 2008, 162 171 dossiers de surendettement ont été déposés à la Banque de France, ce qui représente une augmentation de 17 % par rapport aux neuf premiers mois de 2008. Pour tenter de remédier à ce que les pouvoirs publics nomment « le fléau du surendettement » la loi dite Scrinever du 10 janvier 1978 visant à protéger le consommateur emprunteur a été réformé en profondeur par la loi du 1er juillet 2010. Le champ d’application de cette règlementation est large (Section 1), permettant un dispositif de protection plutôt performant (Section 2). Section 1: Le champ d’application de la réglementation du crédit à la consommation A l’origine, le droit du crédit était règlementé en tenant compte des risques d’insolvabilité de l’emprunteur et protégeait donc le préteur. Mais il est apparu une certaine inversion des considérations et les pouvoirs publics se sont aperçus que des risques aussi importants pouvaient survenir dans la vie d’un emprunteur, plus particulièrement un consommateur, bien plus vulnérable qu’un professionnel avisé. Dans cette perspective, la loi du 10 janvier 1978 « relative à l’information et à la protection des consommateurs dans le domaine de certaines opérations de crédit » dite loi Scrinever, fut entièrement intégrée au sein du Code de la consommation. 128 En outre, dans le but de corriger certaines divergences entre Etats membres, une directive a été adoptée le 23 avril 2008 « concernant les contrats de crédit aux consommateurs », abrogeant une autre directive de 1986142. Désormais, les Etats membres doivent s’aligner sur le niveau de protection apporté par la directive puisque celle-ci est d’harmonisation complète. C’est donc la directive du 23 avril 2008 qui a donné lieu à la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation et modifie de façon assez conséquente la règlementation du crédit à la consommation143. Avant d’étudier le dispositif même de protection, il est nécessaire d’analyser le champ d’application de cette règlementation en s’attachant tout d’abord à la qualité des contractants (§1), aux contrats visés (§2) puis aux exclusions qui échappent à l’application des textes concernant le crédit à la consommation (§3). §1. La qualité des contractants I. Le préteur Avant la transposition de la directive du 23 avril 2008, la règlementation évoquait le terme de « prêteur habituel ». Cette notion permettait d’apprécier un champ d’application assez large puisque la règlementation concernait non seulement les prêteurs professionnels mais également les prêteurs habituels qui n’étaient pas forcément des établissements de crédit mais consentaient des crédits de façon habituelle. Cette notion paraissait assez vague puisque le caractère « habituel » pouvait être apprécié différemment et l’on ne savait donc pas à quelle fréquence se rapporter. La loi de 2010 a abandonné le caractère d’habitude pour donner une définition plus précise du préteur : « toute personne qui consent ou s’engage à consentir un crédit (…) dans le cadre de l’exercice de ses activités commerciales ou professionnelles »144. En revanche le champ d’application est moins large puisque le prêteur habituel mais non professionnel n’est pas concerné par ces dispositions. 142. La directive du 22 décembre 1986, comportant une harmonisation à minima n’a pas modifié de manière substantielle le droit français. 143. Articles L 311-1 à L 311-50 du Code de la Consommation 144. Article L 331-1 1° du Code de la Consommation 129 II. L’emprunteur Cette notion concerne le consommateur et la loi de 2010 s’attache, tout comme la loi Scrinever à définir l’emprunteur de façon stricte, afin que ses dispositions puissent réellement bénéficier au consommateur lui-même. Ainsi, l’emprunteur est « tout personnes physique qui est en relation avec un prêteur, dans le cadre d’une opération de crédit réalisée ou envisagée dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle »145 En revanche, certains arrêts ont fait application de cette loi à des professionnels, au motif qu’ils n’agissaient pas dans le cadre de leur compétence146. Les juges admettent donc qu’un professionnel peut se trouvait aussi ignorant que n’importe quel consommateur, dès lors que le contrat en question échappe à la compétence professionnelle du commerçant. C’est le cas par exemple d’une commerçante exploitant un commerce de vêtement contractant avec un organisme d’installation d’alarmes (voir arrêt précité), D’un certain point de vue, de tels arrêts semblent assez critiquables puisque le professionnel agissant certes en dehors de sa spécialité, n’est pas forcément aussi impuissant que le consommateur. Mais depuis 1955, la Cour de Cassation utilise le terme de « rapport direct » avec l’activité professionnelle pour savoir si le professionnel peut bénéficier des dispositions de la loi sur le crédit à la consommation. Ces dernières pourront s’appliquer dès lors que le contrat n’a qu’un rapport indirect avec la profession. Le caractère direct ou non est remis à l’appréciation souveraine des juges, qui retiennent bien souvent un rapport direct, excluant donc les dispositions de la règlementation. Mais une telle distinction fait naître une insécurité juridique puisque le résultat est toujours aléatoire, à l’appréciation souveraine des juges, qui doivent analyser chaque situation au cas d’espèce. Ainsi, pourquoi ne pas adopter une définition stricte du consommateur, abandonnant toute distinction complexe, rendant les frontières du droit de la consommation encore plus confuse ? En outre, une personne agissant pour les besoins de sa profession, en dépit du fait que le contrat n’a aucun lien avec sa spécialité, ne devrait-elle pas, en toute logique, être considérée comme un professionnel et non comme un consommateur ? 145. Article L 331-1 2° du Code de la consommation 146. Cass. Civ. 1ère, 25 mai 1992 130 §2. Les contrats de crédit visés Le Code de la consommation, pour définir l’opération de crédit, renvoie « aux opérations de crédit mentionnées au 4° de l’article L 311-1 » Ainsi, une opération de crédit est définie comme étant « une opération ou un contrat par lequel un prêteur consent ou s’engage à consentir à l’emprunteur un crédit sous la forme d’un délai de paiement, d’un prêt y compris sous forme de découvert, ou de toute autre facilité de paiement similaire (…) ». Cette définition donnée par le Code de la consommation n’est pas très claire et pour comprendre exactement ce que le législateur entend par opération de crédit, il faut supposer la présence de trois éléments : une avance, une restitution et un laps de temps entre l’avance et la restitution. Pour ce qui concerne l’avance, il peut s’agir d’une avance de fonds ou d’une avance en nature comme la livraison d’un bien. L’avance concerne donc l’exécution de la prestation du professionnel prêteur. En outre, l’opération de crédit doit forcément contenir une restitution des fonds par le consommateur. Il peut s’agir du remboursement des fonds prêtés ou le paiement de la chose livrée, cette restitution pouvant avoir lieu en plusieurs fois, comme c’est souvent le cas par le biais des « échéances de remboursement ». Enfin, l’opération de crédit doit contenir un laps de temps entre l’avance et la restitution des fonds (ou du produit/service). Pour être qualifiée d’opération de crédit, la restitution doit, de façon évidente, être postérieure à l’avance, afin que le consommateur puisse disposer des fonds. Cette notion permet de distinguer des véritables opérations de crédits, les simples facilités de paiements, lorsque que le paiement intervient au fur et à mesure mais systématiquement avant l’exécution de la prestation du professionnel147. Ainsi, le décalage dans le temps est essentiel pour définir le contrat de crédit et ceci permet au consommateur d’obtenir immédiatement la prestation, dont il paiera la valeur plus tard. §3. Les exclusions n’entrant pas dans le champ d’application de la réglementation du crédit à la consommation Le champ d’application de la règlementation du crédit à la consommation est plutôt bien délimité et il existe de ce fait quelques exclusions. 147. C’est le cas par exemple du paiement des primes d’assurances, qui ne sont en rien considérées comme un crédit. 131 En toute logique, le financement d’une activité professionnelle est bien sur exclu puisque l’on parle de crédit « à la consommation ». En outre, les crédits d’une durée inférieure à trois mois sont également en dehors du champ d’application de la règlementation. De ce fait, dès lors que le laps de temps entre l’avance et la restitution est supérieur à trois mois, nous pouvons alors parler de crédit à la consommation. Mais une distinction est apparue dans le cadre de la loi de 2010 : dès lors que les opérations sont assorties d’intérêts ou frais supplémentaires, même d’une durée inférieure à trois mois, elles seront considérées comme des crédits à la consommation. Cela peut être le cas pour les découverts en compte, remboursés avant trois mois par exemple148. La loi du 1er juillet 2010 a, par ailleurs, fixé un montant maximum pour les crédits à la consommation149. Ainsi, sont exclues du champ d’application, les opérations dont le montant total du crédit est inférieur à 200 euros ou supérieur à 75 000 euros. D’autre part, les crédits immobiliers échappent aux dispositions des articles L 311-1 et suivants du Code de la consommation puisqu’une règlementation propre leur ai appliquée150. La loi du 1er juillet 2010 apporte de nouvelles exclusions : les crédits octroyés par les entreprises qui consentent des avances sur salaires, les crédits accordés à un investisseur pour lui permettre d’effectuer une transaction sur un instrument financier, les crédits résultant d’un accord intervenu devant une juridiction et enfin, les crédits résultant d’un plan conventionnel de redressement conclu devant la Commission de surendettement. Le champ d’application de la règlementation sur le crédit à la consommation étant désormais étudié, nous pouvons examiner le dispositif de protection vis à vis du consommateur et donc apprécier son efficacité. Section 2 : Le dispositif de protection de la réglementation du crédit à la consommation Des règles tendent à protéger le consentement du consommateur (§1), d’autres visent l’exécution même de la prestation (§2) et une dernière série de dispositions viennent sensibiliser davantage le consommateur sur les dangers du crédit renouvelable (§3). 148. Toutefois, la loi du 1er juillet 2010 exclut expressément du champ d’application de la règlementation « les opérations consenties sous la forme d’une autorisation de découvert remboursable dans un délai de un mois. Ainsi, un découvert en compte sera considéré comme un crédit à la consommation dès lors qu’il sera remboursé sur une période supérieure à un mois, tout en étant assorti d’intérêts ou autres frais (ces deux conditions étant cumulatives). 149. Avant la loi du 1er juillet 2010, les montants maximums étaient fixés par des décrets d’application 150. Prévue aux articles L 312-1 et suivants du Code de la Consommation 132 §1. Les règles visant à protéger le consentement du consommateur-emprunteur Plusieurs séries de règles visent à protéger le consommateur, notamment concernant son information. Il s’agit de la réglementation de toute publicité faite pour une offre de crédit (I) mais également de l’encadrement législatif de l’offre préalable de crédit (II) et, enfin, d’un double délai au profit de l’emprunteur, lui permettant d’analyser véritablement ce à quoi il s’engage (III) I. La publicité Comme nous l’avons vu précédemment, il existe en Droit pénal de la consommation l’incrimination des pratiques trompeuses151 qui s’appliquent bien sur aux publicités relatives aux offres de crédit. En revanche, cette prohibition générale n’est pas suffisante pour protéger le consommateur désirant contracter un crédit, qui peut facilement se laisser duper par une publicité incomplète ou même trompeuse. Par conséquent, toute publicité faite, reçue ou perçue en France, quel que soit le support, portant sur un prêt, un contrat où une opération de crédit réglementé doit être loyale est informative. Pour répondre à cet objectif, la directive de 2008 a prévu des mentions obligatoires, devant figurer dans toute publicité concernant une offre de crédit. Ces mentions ont étés transposés à l’article L 311-4 du Code de la consommation. Il s’agit de l’identité du prêteur, la nature, l’objet et la durée de l’opération proposée, le coût total du crédit152, le taux effectif global153, mensuel et annuel, les perceptions forfaitaires et enfin, le montant des remboursements par échéances (ou moyen de le déterminer). En outre, la loi du 1er juillet 2010 apporte deux autres obligations majeures relatives à la publicité du crédit. Désormais, les mentions suggérant qu’un crédit améliore la situation financière de l’emprunteur sont prohibées. La réglementation va plus loin : toute publicité devra comporter la mention « Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos 151. Article L 121-1 du Code de la Consommation. 152. Lorsqu’il n’est pas possible d’indiquer le cout total du crédit, l’annonceur devra illustrer sa publicité d’un exemple chiffré. 153. Le TEG pourra ne pas figurer sur la publicité dès lors qu’il est impossible de le déterminer avec précision ; tel est le cas lorsque les modalités d’utilisation et de remboursement ne sont pas fixées à l’avance (découvert en compte, crédit utilisable par fractions au moyen d’une carte de crédit, etc.) 133 capacités de remboursement avant de vous engager ». Une telle mention sur une publicité est bien entendu contre productive pour un annonceur mais cela est destiné, selon le législateur, à empêcher toute publicité excessivement attractive. Néanmoins, pour toute réglementation relative au Droit de la consommation, il est recommandé de tenir compte de la vision du « consommateur moyen ». De ce fait, n’importe quel consommateur normalement averti, ayant bénéficié d’un minimum d’éducation et pourvu de sens logique n’est-il pas conscient qu’un crédit doit être remboursé ? Cette formule paraît excessive, d’autant plus qu’elle figure sur une publicité dont l’objet même de cette dernière est de promouvoir le produit ou la prestation, ce qui peut paraitre contradictoire. Conformément à l’article L 311-34 du Code de la consommation, toutes ces mentions sont prescrites sous peine d’une amende de 1500 euros. En outre, d’autres peines (parfois plus contraignantes, comme nous le verrons lors de la seconde partie de ce mémoire) sont prévues comme la publication du jugement et/ou la rectification de la publicité aux frais du condamné. Par ailleurs, il existe également une règlementation spécifique relative à l’annonce de crédit gratuit154. Il faut entendre par crédit gratuit, le crédit remboursable, sans paiement d’intérêts. La règlementation de la publicité du crédit gratuit à pour objectif de sensibiliser le consommateur par rapport à l’endettement. Même si ce crédit est dispensé du paiement d’intérêt, il peut pousser certaines personnes à des achats inconsidérés et dont la somme, comme n’importe quel crédit, devra être remboursée. La publicité pour le crédit gratuit, qui était interdite en dehors des lieux de vente, est autorisée depuis la loi du 28 janvier 2005155. En revanche, toute publicité pour un crédit sans frais, qu'elle soit réalisée hors des lieux de vente ou en magasin, doit préciser qui prend en charge le coût du crédit, et le montant de l'escompte éventuellement consenti au consommateur qui paie comptant156. Nous pouvons nous demander sur quelle somme porte cet escompte visé par la règlementation, puisque le crédit est supposé être gratuit. 154. La règlementation du crédit gratuit figure aux articles L 311-27 à L 311-29 du Code de la Consommation. 155. Loi du 28 janvier 2005 ayant pour objectif la « libéralisation du crédit gratuit ». 156. Article L 311-27 du Code de la Consommation 134 En outre, le commerçant annonçant pour un article, un crédit gratuit ne peut demander un prix supérieur au prix le plus bas pratiqué pour cet article, au cours des trente jours précédents157. Cette disposition permet d’éviter que le commerçant ne répercute de manière trop évidente la gratuité du crédit sur le prix du produit. II. L’offre de contrat de crédit Afin de permettre aux consommateurs d’être en possession de toutes les informations nécessaires avant de choisir entre un possible achat au comptant ou un achat à crédit et, dans le second cas, entre tel organisme financier plutôt que tel autre, le législateur a institué le mécanisme de l’offre préalable. Ainsi, le consommateur pourra, au vu des différentes propositions faites par les établissements de crédit qu’il aura consulté, retenir celle qui lui semble le mieux convenir et s’engager en toute connaissance de cause. Mais afin de répondre à cette finalité, de nombreuses règles doivent être respectées et la réforme de 2010 a permis la mise ne œuvre de dispositions plutôt protectrices pour le consommateur, permettant de créer une véritable période précontractuelle158. Cette offre devra être établie par écrit ou sur tout autre support durable et doit bien évidemment constituer un document distinct de la publicité ou d’une quelconque fiche d’information. L’offre de contrat ayant un but informatif, elle devra contenir toutes les clauses du contrat de crédit. Les mentions obligatoires sont prévues par l’article L311-18 du Code de la consommation et un décret pris en Conseil d’Etat fixe la liste des informations figurant dans le contrat ainsi que dans l’encadré inséré en début de contrat. Il s’agira par exemple de l’identité des personnes contractantes, la durée du crédit, etc. Mais la réglementation prévoit également la présence du taux annuel effectif global (TAEG), cherchant alors à lutter contre des pratiques trompeuses auxquelles le professionnel pourrait être tenté d’utiliser. Ainsi, le fait d’imposer cette mention réduit le risque de tromperie, en annonçant un taux relativement bas, en dissimulant des frais supplémentaires dus par le consommateur. Ici, le TAEG est une information exacte puisqu’il est déterminé d’après toutes les sommes effectivement dues par l’emprunteur. Cette volonté du législateur de lutter contre certaines pratiques trompeuses par l’imposition du TAEG est renforcée par 157. Article L 311-28 du Code de la consommation 158. Les règles concernant l’offre de contrat de crédit figurent aux articles L 311-6 à L 311-10 du Code de la consommation. 135 l’amende prévue, plus élevé qu’en cas de non respect des autres mentions. En effet, le défaut de mention du TAEG est puni d’une amende de 4 500 euros159 et entraine au surplus la déchéance du droit aux intérêts160. En revanche, l’article L 311-19 du Code de la consommation prévoit que dans le cas où le prêteur ne remet pas à l’emprunteur une offre de contrat satisfaisant aux conditions légales, il encourt une amende de 1 500 euros161. Une peine qui semble assez faible pour dissuader le prêteur mais le législateur prévoit, sur le plan civil, tout comme le défaut de mention du TAEG, une déchéance du droit aux intérêts. Ainsi l’emprunteur ne sera tenu qu’au remboursement du capital. Nous pouvons ainsi admettre que le droit civil révèle une certaine complémentarité avec le droit pénal, ce dernier se révélant quelque fois comme un outil insuffisant. La présentation d’une offre préalable conforme aux exigences légale ne dispense pas, par ailleurs, l’établissement de crédit de son devoir de conseil et de mise en garde à l’égard de l’emprunteur162. En outre, la loi du 1er juillet 2010 a ajouté un devoir d’explication à la charge du prêteur. Par ailleurs, la vérification de la solvabilité de l’emprunteur est également à la charge du prêteur qui devra obligatoirement consulter le Fichier des Incidents de remboursement de Crédit aux Particuliers (FICP) III. Le double délai de protection Le consommateur dispose d’un délai de réflexion (A) et d’un délai de rétractation (B). A. Le délai de réflexion A postériori, une fois l’offre de contrat de crédit établie, elle doit être remise ou adressée en autant d’exemplaires que de parties et cautions éventuelles et doit être maintenue dans un délai de quinze jours. Ainsi, avant toute signature du contrat, le consommateur peut disposer de deux semaines pour étudier l’offre ou même demander conseil. 159. Article L 313-2 du Code de la consommation 160. Article L 311-47 du Code de la consommation 161. En dehors de l’infraction du défaut de mention du TAEG, que nous venons d’étudier 162. Cass. 1ère Civ. 27/06/1995 136 En revanche, il semble parfois regrettable que ce délai de quinze jours ne s’impose pas au consommateur. En effet, libre à lui de signer et donc conclure immédiatement l’offre et c’est d’ailleurs ce qu’il fait généralement. B. Le délai de rétractation Outre l’avantage de ce délai de réflexion de quinze jours, l’emprunteur bénéficie également d’un délai de rétractation, après toute signature de l’offre. Il s’agit donc d’un dispositif de protection à double volet : avant et après la signature du contrat de crédit. Cette protection s’est accrue à partir de la loi du 1er juillet 2010 puisque le délai de rétractation est passé de sept jours à quatorze jours. En revanche, le contrat pourra recevoir commencement d’exécution sans attendre l’expiration de ce délai. En effet, pendant les sept premiers jours, tout paiement est interdit163. Durant cette période, il est assez aisé pour le consommateur d’exercer sa faculté de rétractation puisqu’aucune somme n’a été versée. En revanche, dans les sept jours qui suivent, les paiements sont autorisés, même si le consommateur peut toujours se rétracter. Cependant, il est beaucoup plus difficile pour le consommateur de se détacher du contrat après un commencement d’exécution. La protection supplémentaire apportée par la loi du 1er juillet 2010 accordant donc un délai doublé au consommateur pour se rétracter est à relativiser dans le cas où l’emprunteur a déjà effectué un règlement après les sept jours puisqu’il sera beaucoup plus difficile pour lui de renoncer à ce crédit. En dépit de ces quelques imperfections, il existe en droit du crédit à la consommation un dispositif de protection assez efficace, créant une véritable période précontractuelle permettant en théorie, un engagement en toute connaissance de cause de la part des contractants164. Il existe également plusieurs dispositions permettant de protéger le consommateur emprunteur durant l’exécution même de la prestation. 163. Article L311-14 du Code de la consommation. En outre, l’article L 311-50 prévoit une amende de 30 000 euros pour le prêteur qui réclame ou qui perçoit une somme. 164. Que ce soit le consommateur, grâce au délai de réflexion et de rétractation, mais également le prêteur puisqu’il bénéficie d’une faculté d’agrément prévue par l’article L311-14 du Code de la Consommation 137 §2. Les règles visant à protéger le consommateur-emprunteur durant l’exécution de la prestation Nous verrons que même en cas d’exécution du contrat de crédit, il est encore possible de l’annuler au regard du lien entre le contrat principal et le contrat de crédit (I). En outre, le prêteur est toujours soumis à une obligation d’information, même en cours d’exécution du contrat (II). I. Le lien entre le contrat principal et le contrat de crédit On parle de lien entre le contrat principal et le contrat de crédit dès lors que le crédit est dit affecté, c’est-à-dire, comme « le crédit servant exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou la prestation de service particuliers »165 Le législateur, depuis la loi de 1978, prévoit que ces deux contrats constituent « une opération commerciale unique ». Ainsi, dès lors que le prêt est accessoire à une vente ou à une prestation de service, le consommateur contracte d’une part avec un vendeur ou prestataire, d’autre part avec un prêteur et il ne sera engagé par l’un des contrats que si l’autre est également conclu. Par conséquent, le contrat de crédit ne prendra effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de service. De ce fait, si le contrat principal n’est pas conclu, les obligations de l’emprunteur ne prendront jamais effet, même si le contrat de prêt a été conclu. Cette subordination du prêt à la vente se retrouve au sein de l’article L311-31 : « les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation ». Mais dans ce cas, le prêteur devra mentionner dans le contrat de crédit le produit financé ainsi que son prix au comptant. Dans l’hypothèse d’un manquement à ces obligations entraine une déchéance du droit aux intérêts, prévue par l’article L311-47 du Code de la consommation. Il y a également la disposition inverse qui prévoit que la conclusion du contrat principal est soumise à l’obtention du crédit venant le financer. L’article L 311-34 permet de répondre à cette exigence, notamment par l’absence d’engagement du consommateur envers le vendeur, dès lors que l’offre de crédit n’est pas acceptée. 165. Article L311-1 du Code de la consommation 138 Ce lien entre le contrat principal et le contrat de crédit suppose que chacun des contractants soit informé de la totalité de l’opération et chacun des contrats devra donc faire référence à l’autre. II. Le maintien de l’obligation d’information à la charge du prêteur, durant l’exécution du contrat de crédit La loi du 1er juillet 2010 a ajouté une disposition au sein de l’article L311-25-1, selon laquelle le prêteur est tenu de porter à la connaissance de l’emprunteur, au moins une fois par an, le montant du capital restant à rembourser. En outre, une autre obligation d’information, contenu à l’article L 311-21 est à la charge du prêteur. Ce dernier doit informer préalablement l’emprunteur en cas de modification du taux débiteur. Cette obligation d’information n’étant assortie d’aucune sanction pénale, nous ne nous attarderons pas sur ce sujet. Il me semble cependant pertinent de soulever que l’établissement de crédit qui ne respecte pas son obligation d’information peut engager sa responsabilité civile contractuelle, conformément à l’article 1147 du Code civil. Nous pouvons remarquer une nouvelle fois que le Droit civil complète une absence de sanction pénale. Nous venons d’analyser toute une série de dispositions concernant le crédit à la consommation. Ces dispositions étant d’ordre général, il convient à présent d’étudier un système de protection beaucoup plus spécifique : celui du crédit renouvelable. §3. Des règles spécifiques pour sensibiliser le consommateur sur les dangers du crédit renouvelable Le crédit renouvelable, ou encore crédit revolving est une ouverture de crédit qui offre à l’emprunteur la possibilité de disposer de cette somme, de manière fractionnée ou non, aux dates de son choix, celui-ci se renouvelant au fur et à mesure des remboursements. Ainsi, la partie remboursée peut être immédiatement réutilisée par l’emprunteur. Ce type de crédit crée une véritable tentation pour le consommateur puisqu’il donne l’impression d’avoir à disposition une certaine somme des remboursements effectués comme bon lui semble. Le crédit renouvelable est l’une des principales causes de 139 surendettement, les emprunteurs ne se rendant pas toujours compte qu’ils contractent un véritable crédit. Par conséquent, ce type de crédit est soumis à des règles spécifiques, en plus des dispositions d’ordre général du Code de la consommation, que nous venons d’étudier. La règlementation relative au crédit renouvelable est plus stricte que celle des crédits à la consommation « standards ». Ainsi, le législateur, principalement celui de la loi de 2010, a cherché à limiter les sollicitations pour ce type de crédit (I) et à fournir une information plus complète au consommateur, afin de le sensibiliser davantage sur les dangers d’un tel emprunt (II) I. Une règlementation plus stricte La loi du 1er juillet 2010 a ajouté certaines dispositions spécifiques à la publicité du crédit renouvelable. Ce dernier devra être désigné dans la publicité comme tel, c’est-à-dire, par l’expression « crédit renouvelable » et cette appellation est exclusive, aucun autre nom ne devant être mentionné. La publicité devra en outre illustrer le cout du crédit par un exemple chiffré. Cette exigence a pour but de mettre en évidence le coût réel du crédit par un exemple concret et non par des formules et des pourcentages imprécis. En outre, l’article L311-8-1 du Code de la consommation prévoit qu’une proposition de crédit renouvelable faite dans un lieu de vente et dont la somme est supérieure à un seuil fixé par décret doit être obligatoirement assortie d’une autre proposition concernant un crédit « standard », comme ceux que nous avons cités précédemment. De plus, pour éviter des sollicitations excessives de crédits renouvelables, la loi de 2010 prévoit également que dans le cas, assez fréquent, où les grands magasins associent ce crédit à une carte donnant droit à divers réductions et avantages, ces derniers ne peuvent pas être soumis à l’utilisation du crédit de la carte166. En outre, l’utilisation du crédit de cette carte doit résulter de l’accord exprès du consommateur. II. Une information plus complète Afin d’éclairer le consentement du consommateur sur ce genre de crédit, la règlementation prévoit, outre les mentions obligatoires prévues pour tout type de crédit à la consommation, 166. Article L311-17 du Code de la consommation 140 des mentions précisant les modalités d’utilisation de la carte de crédit et les conditions de sortie du crédit renouvelable. En outre, le contrat de crédit est obligatoire lors de la mise à disposition de la somme initiale, mais également pour toute augmentation de crédit, et le consommateur bénéficiera à chaque fois du délai de rétractation de quatorze jours. En outre, le prêteur sera tenu d’adresser à l’emprunteur, mensuellement, un état actualisé avant la date de paiement. Il devra également consulter, tous les ans, le fichier FICP avant de reconduire le contrat et une information sur ce crédit, avec notamment une estimation de la durée de remboursement restant à courir qui devra être donné à l’emprunteur au moins une fois par an. Les sanctions du non-respect de cette règlementation ne sont pas des plus claires. En revanche, dès lors que l’inexécution est relative à l’offre de crédit, l’amende sera la même que pour tout type de crédit à la consommation : 1 500 euros. Pour les autres dispositions, le non-respect n’est, apparemment, assorti d’aucune sanction pénale, et l’on retrouve alors la déchéance du droit aux intérêts, sanction peut être plus dissuasive qu’une amende d’un montant assez faible. Ainsi, la loi de 2010 visant à rendre le crédit à la consommation plus responsable a apporté d’importantes évolutions, notamment en termes de crédit renouvelable. Mais il parait difficile de sensibiliser davantage le consommateur sur cette technique de crédit, qui connait d’ailleurs un grand succès ces dernières années. Les offres étant si alléchantes, le surendettement résulte bien souvent de la multiplicité de ces crédits sur la tête d’un même emprunteur. ---oOo--Le Droit pénal, ainsi mis au service des consommateurs, apparaît donc, dans les textes, particulièrement protecteur, et ce tout au long du contrat d’achat. Cependant, ce Droit pénal de la consommation, qui se veut réellement dissuasif et présente toutes les conditions d’une réelle efficacité répressive, souffre parfois, en pratique, de certaines insuffisances ou remises en cause. 141 DEUXIÈME PARTIE UN DROIT PÉNAL DE LA CONSOMMATION SE VOULANT DISSUASIF MAIS SE RÉVÉLANT PARFOIS INSUFFISANT Si l’efficacité répressive est, en effet, incontestablement recherchée (Titre 1), l’on constate parfois des résultats bien en deçà des objectifs poursuivis (Titre 2) Titre 1 : La recherche d’une certaine efficacité répressive Cette volonté d’efficacité répressive se manifeste dans la recherche et la constatation des infractions (Chapitre 1), dans la définition légale et jurisprudentielle de l’infraction (Chapitre 2) et, dernier stade, dans l’application et le choix de la sanction (Chapitre 3). CHAPITRE 1: LA CONSTATION DES INFRACTIONS : DES SERVICES D’ENQUÊTE SPÉCIALISÉS ET DOTÉS DE POUVOIS IMPORTANTS L’Administration française qui procède à la recherche et à la constations des infractions en matière de consommation est la Direction Générale de la Consommation, de la Concurrence et de la Répression des Fraudes (DGCCRF). Depuis quelques années, notamment depuis la Révision Générale des Politiques Publiques, cette Administration a connu une profonde réforme de ses structures, de ses statuts et de ses effectifs. Aujourd’hui, certes après seulement quelques années de recul, cette réforme ne semble pas avoir diminué l’efficacité des services d’enquête locaux. La présentation de la DGCCRF permet de se rendre compte de l’importance de cette Administration (Section 1), notamment pour ce qui concerne la compétence des agents en matière de fraudes (Section 2), et pour les autres infractions du Code de la consommation (Section 3). 142 Section 1 : Présentation de la DGCCRF La DGCCRF exerce, au sein du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, une mission essentielle de régulation à l’égard de l’ensemble des acteurs économiques, entreprises, consommateurs et élus locaux. À ce titre, elle veille au fonctionnement loyal et sécurisé des marchés, ce qui implique l’élaboration de règles, de contrôles et, le cas échéant, de sanctions prononcés par les Tribunaux. La DGCCRF est également une Direction de conception, d’élaboration d’un cadre d’analyse juridique et économique et de préparation à la décision ministérielle. Elle est d’autre part une Direction de contrôle sur le terrain, avec son réseau de directions départementales et régionales (au niveau régional, la DGCCRF est regroupée au sein de la DIRECCTE), qui jouent un rôle non seulement répressif mais aussi préventif et dissuasif, en veillant à la diffusion des informations et à la bonne connaissance des règlementations que doivent respecter les acteurs économiques. La DGCCRF est compétente d’une part, pour assurer la régulation des circuits économiques notamment la mise en œuvre de la politique de la concurrence et la protection économique du consommateur et d’autre part, pour contrôler le respect des règles relatives à la définition, à la qualité et à la sécurité des produits et services ainsi que celles concernant l’information du consommateur. A ce titre, la DGCCRF appréhende la vie économique sous tous ses aspects en raison de sa compétence horizontale et d’un réseau de relations avec un grand nombre d’autres départements ministériels. Pour résumer, la DGCCRF a pour mission de veiller au bon fonctionnement et à la régulation du marché. A cette fin, elle poursuit quatre objectifs : développer le libre jeu de la concurrence, assurer la sécurité des consommateur, garantir la qualité des produits et des services et la loyauté des transactions, et enfin protéger les intérêts économiques des consommateurs. Ces quatre axes convergent tous vers la même action et ne peuvent pas être considérés isolément. En effet, aucune opposition ne doit avoir lieu entre la protection des consommateurs et le libre jeu de la concurrence par exemple. Sur ce point, la recherche de la concurrence n’est pas antinomique avec le respect de la qualité et de la sécurité puisque la concurrence à justement pour objectif d’assurer au consommateur des produits et des 143 services au meilleur rapport qualité/prix. En outre, l’exercice de cette concurrence favorise nécessairement l’innovation mais également des prix stables, bien plus bas qu’en situation monopolistique. Section 2 : Les investigations menées par la DGCCRF en matière de fraudes Les investigations de la DGCCRF seront étudiées en fonction de la compétence des agents (§1) et de leurs pouvoirs (§2). §1. La compétence des agents de la DGCCRF La compétence des agents est double, une compétence fonctionnelle (I) et une compétence territoriale (II). I. La compétence fonctionnelle Selon l’article L215-1 du Code de la consommation, sont qualifiés pour procéder, dans l’exercice de leurs fonctions, à la recherche et à la constatation des infractions aux dispositions du Livre II dudit Code (la conformité et la sécurité des produits) : les agents de la DGCCRF, de la Direction Générale des Douanes ainsi que les agents de la Direction Générale des Impôts, les Inspecteurs du travail, les vétérinaires inspecteurs, les ingénieurs des travaux agricoles, les techniciens spécialisés des services du Ministère chargé de l’agriculture, etc. La liste comporte pas moins de douze alinéas, permettant d’affirmer que la sécurité et la santé du consommateur est donc l’affaire de tous, plus d’une dizaine de corps de métiers étant compétents pour investir dans la recherche des fraudes et falsifications. Mais il faut tout de même préciser que tous les agents précités doivent agir « dans l’exercice de leurs fonctions » et ne peuvent agir que dans leur domaine de spécialité. De ce fait, ce sont donc les agents de la DGCCRF qui ont le plus vocation à agir. En outre, les Officiers de Police Judiciaire sont également très présents dans la recherche des infractions. Ils agissent dans le cadre des dispositions du Code de procédure pénale. 144 II. La compétence territoriale Jusqu’à la loi n°2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, les fonctionnaires habilités agissaient soit dans leur Département où ils exerçaient leurs fonctions, soit dans le ressort territorial du service auquel ils étaient affectés. Cette restriction de compétence territoriale a désormais disparu puisque l’article L215-1-1 du Code de la consommation dispose désormais que les agents de la DGCCRF peuvent exercer leurs pouvoirs d’enquête sur toute l’étendue du territoire national. Ainsi, la protection du consommateur est largement étendue et plus aucune restriction ne demeure concernant la compétence territoriale. §2. Les pouvoirs des agents de la DGCCRF Les agents disposent de pouvoirs élargis, prévues aux articles L215-1 et suivants du Code de la consommation, qui concernent de nombreuses actions. En effet, la recherche des infractions par les agents de la DGCCRF est facilitée par l’interdiction de s’opposer à l’exercice de leurs fonctions (I), un droit d’accès important (II), un droit de communication et de saisie (III), ainsi que d’une possibilité de prélèvement et d’expertise (IV). I. L’interdiction de s’opposer à l’exercice des fonctions des agents de la DGCCRF L’opposition aux fonctions des agents de la DGCCRF est spécifiquement incriminée167 et punissable des peines énoncées aux articles L213-1 et L216-3 du Code de la consommation, à savoir, à titre de peine principal deux années d’emprisonnement et/ou 37 500 euros d’amende et, à titre de peine complémentaire la publication du jugement. Ces peines sont celles prévues pour le délit de tromperie, ce qui est logique dans la mesure où cette opposition peut cacher une infraction de fraude ou falsification. 167. Article L217-10 du Code de la consommation 145 II. Le droit d’accès des agents de la DGCCRF De jour, c’est à dire entre 8 heures et 20 heures, les agents peuvent pénétrer dans les lieux utilisés à des fins professionnelles et dans des lieux d’exécution d’une prestation d’une prestation de service, ainsi que dans les véhicules de transport de marchandises. Mais les agents peuvent également y accéder en dehors des heures prévues dès lors que ceux-ci sont ouverts au public ou que s’y déroulent des activités industrielles ou commerciales. III. Le droit de communication et de saisie des agents de la DGCCRF Les agents peuvent exiger la communication de tous documents, quelle que soit leur nature et entre quelques mains qu’ils se trouvent, documents propres à faciliter l’accomplissement de leur mission, dès lors que ces documents semblent constituer la preuve d’une infraction. Ils peuvent en outre exiger la mise à dispositions des moyens indispensables pour effectuer leurs vérifications168. En revanche, le refus de communiquer un document sera licite s’il se fonde sur le secret professionnel. En effet, ce secret peut être légitimement opposé aux enquêteurs, sauf si des mesures efficaces peuvent être prises pour permettre la communication des seuls renseignements intéressants, tout en respectant ce secret. En outre, les informations recueillies par les agents qualités peuvent être communiquées spontanément entre Directions régionales ou départementales. Elles peuvent également être transmises à la Commission Européenne ou aux autorités des autres Etats membres de l’Union Européenne. IV. Le droit de prélèvement et d’expertise des agents de la DGCCRF Les agents peuvent procéder à des prélèvements sur les marchandises contrôlées afin de vérifier la conformité de celles-ci ou de confirmer des soupçons de non conformité. En revanche, un prélèvement est inutile dès lors que la preuve de l’infraction peut être rapportée 168. Article L215-3 al. 4 du Code de la consommation 146 par des constations directes. Mais il ne faut tout de même pas omettre que cette absence de prélèvements aux fins d’analyse, si cette opération est indispensable à la recherche d’une anomalie, peut être de nature à porter atteinte aux droits de la défense169. En outre, tout prélèvement doit donner lieu à une procédure stricte d’établissement de procès verbaux, ces derniers devant comporter un certain nombre de mentions comme les coordonnées de l’agent verbalisateur, la date et l’heure du prélèvement, etc. En outre, le procès verbal doit contenir un exposé succinct des circonstances dans lesquelles le prélèvement a été effectué, ainsi qu’un certains nombres d’autres précisions jugées utiles. Mais dès lors que les agents procèdent à un prélèvement d’échantillons, outre l’exigence de dresser un procès verbal, ils doivent également remplir la procédure prévue à l’article L2154 du Code de la consommation, qui fixe les conditions à respecter pour opérer les prélèvements170. Les agents de la DGCCRF doivent respecter le formalisme de cette procédure puisque son non respect peut entrainer la nullité du procès verbal en cas d’atteinte aux droits de la défense. Les analyses, essais et expertises sont ensuite transmis au laboratoire sollicité qui dresse un rapport d’interprétation des résultats des échantillons. S’il ne ressort par des analyses une non conformité du produit par rapport aux caractéristiques auxquelles le produit doit répondre, la DGCCRF en avise sans délai le propriétaire ou détenteur du produit et le paiement de la valeur de ces échantillons sera fait. En revanche, s’il ressort des analyses que le produit n’est pas conforme, la DGCCRF, après touts actes d’enquête complémentaire utile, constitue le dossier à transmettre au Procureur de la République. Ainsi, si le Procureur de la République estime, à la suite des procès verbaux ou des rapports du laboratoires, dont il résulte une présomption de fraude ou falsification, et au besoin, après enquête préalable, qu’une poursuite doit être engagée, il saisit, le tribunal et le juge d’instruction171. Le rôle, la compétence et le pouvoir des agents de la DGCCRF s’est donc accru pour prévenir des fraudes en matière de conformité et de sécurité des produits, et, par la suite, sanctionner le professionnel dès lors que le dossier est transmis et recevable auprès du 169. Cass. Crim. 2 avr. 1974 170. Par exemple, tout prélèvement doit comporter au moins trois échantillons, identiques dans la mesure du possible. Une mise sous scellé de ces échantillons est également exigée, comportant chacun une étiquette d’identification dont plusieurs mentions sont obligatoires. 171. Article L215-10 du Code de la consommation 147 Procureur de la République. Les agents de la DGCCRF ont également pour mission de rechercher les autres infractions liées au droit de la consommation et de la concurrence. Section 3 : Les investigations menées par la DGCCRF pour les autres infractions du Droit de la consommation Ce domaine est très vaste et l’article L141-1 du Code de la consommation renvoie aux articles L450-1 et suivant du Code du commerce. Ces textes évoquent la compétence des agents de la DGCCRF (§1), ainsi que leur pouvoirs en matière d’investigation (§2). §1. La compétence des agents de la DGCCRF La compétence, comme précédemment, est double, fonctionnelle (I) et territoriale (II). I. La compétence fonctionnelle Selon l’article L450-1 alinéa 1er du Code de commerce, peuvent procéder aux enquêtes nécessaires à l’application des dispositions du livre IV dudit Code, les « fonctionnaires habilités à cet effet par le ministre chargé de l’Economie ». Il s’agit en réalité de fonctionnaires de catégorie A et B, placés sous l’autorité de la DGCCRF. Seuls les fonctionnaires de catégorie A sont habilités à procéder aux enquêtes judiciaires, les fonctionnaires de catégorie B ne pouvant que les assister172. En outre, les fonctionnaires de catégories C ne sont habilités qu’à la recherche et la constatation des infractions passibles de peines contraventionnelles. L’article L450-1 du Code de commerce donne également compétence à l’Autorité de la Concurrence mais exclusivement pour les affaires de concurrence. Même si elle concerne parfois le droit de la consommation, nous n’évoquerons pas cet organe puisque notre étude traite exclusivement du droit de la consommation. 172. Arrêté du 22 janvier 1993, art. 1er et 2. 148 II. La compétence territoriale De la même manière que pour la compétence relative aux fraudes, les agents de la DGCCRF, depuis la loi du 15 mai 2001, ont vu leur compétence territoriale considérablement élargie puisque désormais, les agents habilités peuvent exercer leur pouvoir d’enquête sur l’ensemble du territoire national. §2. Les pouvoirs des agents de la DGCCRF Les pouvoirs d’enquête des fonctionnaires habilités sont définis aux articles L450-2 à L4504 du Code de commerce. Les enquêteurs peuvent procéder d’eux mêmes et sans autorisation judiciaire à certaines opérations de contrôle dès lors qu’elles sont considérées comme étant des « enquêtes simples ». En revanche, pour les investigations coercitives, telles que les perquisitions et saisies de documents, les enquêtes sont sous contrôle judicaire car elles en peuvent être effectuées que sous de strictes conditions destinées à garantir les droits de la personne contrôlées. Ainsi, le contenu des pouvoirs des agents sera différent selon qu’il s’agit d’une enquête simple (I) ou d’une enquête sous contrôle judiciaire (II) I. Les pouvoirs des agents en cas d’enquête simple Sans autorisation judiciaire, les agents de la DGCCRF disposent tout de même de pouvoirs accrus afin de rechercher les infractions du Droit de la consommation, puisqu’ils bénéficient d’un droit d’accès (A), d’une droit de communication et de copie (B), d’une expertise (C) et de rapports et de procès verbaux (D) A. Le droit d’accès En application de l’article L450-3 alinéa 1er du Code de commerce, les enquêteurs peuvent accéder à tous locaux, terrains ou moyens de transport à usage professionnel. Mais les enquêteurs peuvent « accéder » et non perquisitionner, c’est à dire qu’ils ne peuvent en aucun cas aller et fouiller en tous lieux de leur choix. 149 En outre, cet accès est autorisé pour toutes les installations, ateliers, bureaux, réserves, parkings où s’exercent un des aspects de l’activité professionnelle, aux heures d’exercice. La présence de l’occupant n’est pas indispensable173. B. Le droit de communication et de copie En application de l’article L4250-3 alinéa 1er du Code de commerce, les enquêteurs peuvent demander la communication des livres, factures et tous autres documents professionnels. Les enquêteurs peuvent donc « demander » la communication des documents mais non rechercher de leur propre initiative, sans attendre que les pièces leur soient spécialement remises. Par ailleurs, ils ne peuvent consulter que les documents professionnels et non les documents personnels, voire mixtes. Le refus de communiquer un document, de même que le refus de fournir un renseignement ou une justification, pourra se fonder sur le secret professionnel, ce dernier pouvant être légitimement opposé aux enquêteurs. En revanche, ce secret est inopposable dès lors que des mesures efficaces peuvent être prises pour permettre la communication des seuls renseignements intéressants, dans le respect de ce secret. En outre, les enquêteurs peuvent, à défaut de saisir les pièces (cette faculté étant réservé à une enquête avec autorisation judicaire), « obtenir ou prendre copie par tous moyens et sur tous support » des documents professionnels communiqués. C. l’expertise Les enquêteurs peuvent, en application de l’article L450-3 alinéa 2 du Code de commerce, demander à l’autorité dont ils dépendent, de désigner un expert pour procéder à toute expertise contradictoire nécessaire. 173. CA Rouen 2 juin 1993 150 D. Les rapports et les procès verbaux Tout comme en matière de fraude, un procès verbal doit être établi pour chaque acte de l’enquête simple, conformément aux dispositions de l’article L450-2 du Code de Commerce. Ces procès verbaux énoncent la date, le lieux et la nature des constatations effectuées. Ils doivent également être très précis sur certains éléments comme les faits relatés, l’infraction, etc. (Annexe 1). L’inobservation de la procédure des procès verbaux emporte la nullité de ceux ci, le procès verbal sera donc écarté de la procédure, sans que cette dernière ne soit pour autant annulée. En outre, un rapport peut être rédigé qui tend à faire la synthèse de l’ensemble de l’enquête et qui n’est en réalité qu’un élément explicatif ou complémentaire des procès verbaux. De ce fait, aucune forme probante ni aucun effet juridique particulier n’y est attaché. Ces pouvoirs sont donc assez importants, permettant aux agents de remplir leur mission de protection du consommateur. Dans le cas d’une enquête sur autorisation judiciaire, leur champ d’action est encore fortement accru. II. Les pouvoirs des agents en cas d’enquête avec autorisation judiciaire Les enquêtes avec autorisation préalable concernent tout type d’infractions en Droit de la consommation, à l’exception des infractions en matière de prix et condition de vente, vente avec primes, loteries publicitaires, refus de vente, vente forcée, contrats de services de communications électroniques174. Ce type d’enquête est régie par l’article L450-4 du Code de commerce et à la différence de l’enquête sans autorisation préalable, les agents disposent de la possibilité de procéder à des visites (A) et à des saisies (B) 174. Article L141-1 II du Code de la consommation 151 A. Les visites Les enquêteurs ne peuvent procéder à des visites en tous lieux, c’est à dire celles effectuées en des lieux à usage privé comme professionnel, ainsi qu’à la saisie de documents et de tous supports d’informations, que dans les conditions posées par l’article L450-4 du Code de Commerce. Mais la régularité de telles opérations suppose la réunion des conditions posées par le texte précité. Ainsi, il faut une demande d’enquête émanant du Ministre chargé de l’Economie, une autorisation judiciaire donnée par ordonnance du Juge des Libertés et de la Détention et une notification de cette ordonnance au moment de la visite. B. Les saisies La saisie de documents et de tous supports d’information est possible, dans le cadre de visites autorisées par le Juge des Libertés et de la Détention et vise tant les documents professionnels que personnels. Seuls les enquêteurs, l’officier de Police Judicaire et l’occupant peuvent prendre connaissance de ces pièces et documents avant leur saisie. L’efficacité des enquêtes relatives aux infractions liées à la consommation résulte pour une large part de l’existence de ces services spécialisés et expérimentés, dans un domaine parfois très technique. Ceci participe largement au caractère dissuasif de ce Droit, caractère que l’on retrouve également lors du stade suivant, celui des poursuites et du jugement. CHAPITRE 2 : DES QUALIFICATIONS LÉGALES DE L’INFRACTION SIMPLIFIÉES ET COMPLÉTÉES PAR DES INTERPRÉTATIONS JURISPRUDENTIELLES PROTECTRICES. A ce stade, l’efficience de ce Droit se manifeste sous trois aspects : des incriminations dissuasives (Section 1) et simplifiées (Section 2), ainsi que des interprétations jurisprudentielles protectrices (Section 3). Section 1 : Des incriminations dissuasives par l’élément matériel rétréci Ce rétrécissement de l’élément matériel se constate dans deux types d’infractions : les infractions formelles (§1) et les délits obstacle (§2). 152 §1. Les infractions formelles I. Les critères de l’infraction formelle Certaines infractions sont réputées consommées indépendamment de la production d’un résultat : il s’agit des infractions formelles, ainsi dénommées par la doctrine afin de bien marquer que la loi se borne à incriminer un procédé. Il s’agit en quelque sorte « d’infractions de mises en péril ». Ce qui nous intéresse ici, c’est l’élément matériel qui est en général causé par un acte (action ou omission) et le résultat dommageable qu’il cause en lésant un intérêt protégé par la loi. Dans le cas des infractions formelles, cet acte suffit à lui seul, sans qu’il y ait lieu de tenir compte de son résultat effectif. Il s’agit dont d’une infraction dont l’élément matériel est rétréci, élargissant ainsi le champ d’application de cette infraction qui en devient plus répressive. En Droit pénal général, les exemples d’infractions formelles habituellement citées sont l’empoisonnement, la corruption de fonctionnaires ou l’incendie volontaire. On oppose donc à ces infractions les infractions matérielles qui ne sont effectives que si elles ont produit le résultat spécifié parmi les éléments constitutifs du fait incriminé. Ainsi, la technique des infractions formelles déroge aux principes généraux du Droit pénal et le caractère formel ne sera donc attribué qu’en vertu d’une disposition expresse et non équivoque de la loi, comme le prévoit le Code de la consommation pour certaines infractions. II. Les infractions formelles en Droit pénal de la consommation En Droit pénal de la consommation, il existe de nombreuses infractions formelles, confirmant ainsi la réelle volonté de répression de la part du législateur, et donc de protection du consommateur. Par exemple, s’agissant de la publicité trompeuse, l’élément matériel de l’infraction est établi, indépendamment des conséquences sur le comportement du consommateur, par le seul caractère trompeur ou de nature à induire en erreur. Ainsi, même si le résultat n’a aucun impact, le professionnel sera sanctionné pénalement. 153 Autre exemple, d’infraction formelle : le délit d’abus de faiblesse. En effet, la Chambre criminelle a eu l’occasion de préciser les éléments constitutifs de ce délit également prévu par le Code de la consommation. Ainsi, pour que l’infraction soit constituée, il suffit qu’un engagement, quelle qu’en soit la forme, ait été souscrit. Le résultat dommageable est donc indifférent puisque les juges ont estimé que même dans le cas où l’engagement a été ultérieurement annulé et que le client s’est vu restituer son acompte, l’infraction175. Enfin, il existe une autre catégorie d’infraction formelle en Droit de la consommation, et ce dans un domaine particulièrement important, celui de la sécurité du consommateur, notamment le délit de mise en danger de la personne. Le Code pénal incrimine, en son article 223-1, le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures pouvant entrainer une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement. Cette infraction causée à autrui sera constituée même en l’absence de tout résultat dommageable. L’originalité conceptuelle de l’infraction formelle entraine donc d’importantes conséquences pratiques et il importe peu que le délinquant, dans notre cas le professionnel, pris d’un remord tardif, ait neutralisé les suites de son activité avant que celle-ci n’ait produit son résultat : dès qu’il a mis en œuvre les moyens incriminés par la loi, il a légalement achevé son infraction et son repentir n’a donc aucune conséquence juridique. §2. Les délits obstacle I. Les critères du délit obstacle Les infractions formelles sont à rapprocher des délits obstacle avec lesquels elles présentent d’importantes analogies mais différent sur quelques points. En effet, on appelle délit obstacle l’incrimination d’une attitude ou d’un comportement dangereux, sans portée dommageable immédiate et effective. Ces deux catégories d’infractions ne sont donc pas tout à fait superposables puisque l’infraction formelle est en relation directe de causalité avec le résultat que le législateur cherche à prévenir, tandis que ce rapport de causalité fait défaut dans l’infraction obstacle. 175. Cass. Crim. 19 fev. 1997, Bulletin n°70 154 En réalité, la répression intervient ici à titre préventif puisque le délit obstacle n’engendre pas en lui même un trouble pour l’ordre social ; il constitue une infraction, dans un but de prévention, parce qu’il potentiellement dangereux et représenter un signe avant coureur d’une criminalité. Cette infraction se situe donc au stade des actes préparatoires et tend à stopper ce cheminement criminel dès son début. Par exemple, en Droit pénal général, le port d’arme préalable à un vol avec arme ou bien le délit d’achat de poison, préalable à l’empoisonnement sont des délits obstacle. La notion de délit obstacle et son application traduisent donc une extension importante du champ d’application de la répression pénale, par un rétrécissement conséquent de l’élément matériel des infractions concernées. II. Les délits obstacle en Droit pénal de la consommation Plusieurs infractions consuméristes sont des délits obstacles, permettant de prévenir tout risque pour les consommateurs, avant même un quelconque résultat dommageable. Il s’agit des délits connexes au délit de falsification étudiés lors de la première partie. En effet, les articles L213-3, 4° et L213-4, 4° du Code de la consommation instituent des délits obstacles en incriminant des comportements antérieurs à la falsification. Le fait d’exposer, de mettre en vente ou vendre, en connaissant leur destination, « des produits, objets ou appareils propres à effectuer la falsification des denrées servant à l’alimentation de l’homme ou des animaux, des boissons ou des produits agricoles ou naturels », ainsi que le fait de provoquer à leur emploi par la moyen de brochures, circulaires, prospectus, affiches, annonces ou instructions quelconques, sont punis des peines d’amende et d’emprisonnement prévus pour la tromperie. Quant à l’article L213-4, 4°, il incrimine le fait de détenir, sans motif légitime, dans tous les lieux de fabrication, de production, de conditionnement, de stockage, de dépôt ou de vente ou encore dans les véhicules utilisés pour le transport de marchandises et dans les lieux où sont abattus les animaux dont la viande ou les produits sont destinés à l’alimentation humaine ou animale, des produits, objets ou appareils propres à effectuer la falsification des denrées. L’élément matériel rétréci que l’on rencontre dans ces deux types d’infractions permet un élargissement du champ d’application de la répression, au même titre qu’une moindre exigence de l’élément moral d’une infraction. 155 Section 2 : Des incriminations simplifiées par la moindre exigence de l’élément moral Cette simplification de l’incrimination se manifeste au travers de deux catégories d’infractions : les contraventions (§1) et les délits non intentionnels (§2) §1. L’infraction contraventionnelle L’infraction contraventionnelle est la faute pénale la moins grave (son amende ne pouvant excéder 1 500 euros pour les contraventions de cinquième classe) et résulte du simple manquement à une règle. La particularité de cette infraction tient à l’existence de l’élément moral qui est déduit des faits. En effet, dès lors que l’auteur a accompli matériellement les faits incriminés, les juges en déduisent l’intention correspondante. Afin de marquer cette corrélation entre l’intention et les faits, certains auteurs utilisent l’expression d’ « infraction matérielle ». La faute contraventionnelle correspond donc à une présomption de l’élément moral et aucune preuve de l’intention de l’agent n’est requise. En outre, il est admis que cette présomption est irréfragable, la seule exonération possible étant la force majeure. En matière contraventionnelle, la bonne foi du contrevenant est indifférente pour caractériser l’infraction. L’intérêt de la faute contraventionnelle est donc de limiter les causes d’exonération et de favoriser l’efficacité de la répression. Cette infraction est donc très utile en Droit pénal de la consommation puisqu’elle permet de sanctionner automatiquement, sans preuve de mauvaise foi, le professionnel qui ne respecte pas la réglementation. Cette présomption d’existence de l’élément moral facilite grandement la condamnation du professionnel ainsi que la procédure puisque l’élément moral est généralement le plus délicat à apporter. Outre cette multiplicité de contraventions, il existe également certains délits où l’élément moral se distingue du dol général ou spécial, notions classiques en Droit pénal général, et se confond avec la faute pénale (le comportement de l’auteur) : ce sont les délits d’imprudence ou infractions non intentionnelles. 156 §2. Les délits non intentionnels Cette faute pénale que nous venons d’indiquer consiste à ne pas prévoir les conséquences de l’acte que l’on réalise ou à ne pas prendre les précautions nécessaires pour les empêcher de survenir. Cette imprévoyance fautive, consciente ou inconsciente, caractérise les infractions non intentionnelles. L’article 121-3 alinéa 1er du Code pénal pose le principe selon lequel « il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». Cependant, la lecture du troisième alinéa de cet article introduit par la loi n°2000-647 du 10 juillet 2000, « il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s’il est établi que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait ». En Droit pénal de la consommation, il existe un délit non intentionnel prévu expressément par le Code de la consommation ; il s’agit de la publicité trompeuse. Cette infraction de publicité trompeuse a beaucoup évolué et l’élément moral a été profondément réformé en 1973. Lors de la création du délit, par la loi n°63-628 du 2 juillet 1963, l’élément moral de la publicité mensongère était constitué par l’intention : la mauvaise foi devait être caractérisée. Mais cette mention fut supprimée lors de la réforme du 27 décembre 1973 puisque les termes « mauvaise foi » disparurent. De ce fait, une simple négligence ou imprudence suffit à caractériser l’élément moral du délit. Ce choix paraît tout à fait logique : le professionnel ne doit pas pouvoir arguer de ses propres inattentions et négligences pour échapper à la répression et en tant que professionnel justement, il se doit d’être rigoureux, attentif et diligent, afin de produire des publicités qui n’induisent pas en erreur le consommateur ou professionnel (puisque nous l’avons vu précédemment, la protection de la publicité trompeuse bénéficie également aux non consommateurs). L’entrée en vigueur du nouveau Code pénal de 1994 n’a pas bouleversé la donne puisque le délit reste constitué en cas d’imprudence et de négligence. En effet, l’article 339 de la loi n°92-1336 du 16 décembre 1992 portant adaptation du nouveau Code pénal dispose que « tous les délits non intentionnels réprimés par des textes antérieurs à l’entrée en vigueur de 157 la présente loi demeurent constitués en cas d’imprudence, de négligence ou de mise en danger d’autrui, même lorsque la loi ne le prévoit pas expressément ». Ainsi, les juges conservent tout pouvoir pour décider si les infractions existantes demeurent ou non des délits d’imprudence ou de négligence, ou s’ils « mutent » en délits intentionnels. Concernant la publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur, la jurisprudence est constante : l’infraction est restée d’imprudence ou de négligence. Ainsi dans une affaire de purées vendues comme fraîches alors qu’elles étaient pasteurisées, la Chambre Criminelle a déclaré que « la mauvaise foi de l’annonceur n’était pas un élément constitutif de délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur, avant d’ajouter que « la négligence de l’annonceur, qui n’a pas vérifié la sincérité et la véracité du message publicitaire incriminé avant d’en assurer la diffusion, caractérisait l’élément moral du délit de publicité trompeuse »176. Dans le cadre même du Droit pénal général, la jurisprudence se montre parfois très extensive et, de ce fait, particulièrement sévère en n’hésitant pas à qualifier de fautes d’imprévoyance, des comportements qui n’ont même pas été des conditions du dommage. Ainsi, un fabricant de produits vitrifiants, tout en attirant, dans un prospectus vendu avec le produit, l’attention des utilisateurs sur certaines précautions à prendre, avait omis de recommander de ne pas fumer au cours de l’emploi. Un acheteur, qui avait négligé de suivre les instructions figurant sur la notice, et qui en même temps avait travaillé en fumant, a été victime d’une explosion. Le fabricant a été condamné pour homicide par imprudence177, alors qu’il n’était évidemment pas démontré que la victime, peu précautionneuse, se serait abstenue de fumer si la notice explicative l’avait mis en garde. Il paraît difficile de concevoir que l’omission de cet avertissement dans la notice puisse être considérée comme une condition du dommage. Ces incriminations dissuasives et simplifiées, prévues par les textes, permettent de renforcer la protection du consommateur. L’on peut constater que, très souvent, elles sont relayées et complétées par des interprétations jurisprudentielles. 176. Cass. Crim. 12 nov. 1997, Revue Droit pénal 1998, comm. 24, obs. J-H Robert 177. Dijon, 4 juillet 1958, Cass. Crim 12 dec 1952 et Cass. Crim. 21 mai 1974 158 Section 3 : Des interprétations jurisprudentielles protectrices du consommateur En vertu des principes du Droit pénal178, la mauvaise foi du professionnel, c’est à dire cette conscience de ne pas respecter la loi ne peut pas être présumée179. Cependant, la preuve de l’intention frauduleuse de l’agent est aisément démontrable dans certains domaines. En effet, la jurisprudence se montre parfois peu regardante à établir véritablement l’élément moral, se contentant de déductions, présomptions et d’extensions afin de caractériser l’infraction. Ce type de raisonnement extensif des juges peut se retrouver dans plusieurs catégories d’infractions, notamment les tromperies, fraudes et falsifications (§1) ou la publicité trompeuse (§2). §1. Les extensions jurisprudentielles en matière de tromperies, fraudes et falsifications Le législateur, en restant large dans la description des infractions, leur donne un champ d’application plus important, permettant ainsi aux juges d’être plus répressifs. L’infraction de tromperie de l’article L213-1 du Code de la consommation incrimine « quiconque, qu’il soit ou non partie au contrat, aura trompé ou tenter de trompé le contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l’intermédiaire d’un tiers (...) ». Cette incrimination laisse donc une marge de manœuvre considérable pour les juges. De nombreux exemples illustrent cette extension prétorienne. En effet, les juges ont assez bien adapté cette incrimination aux besoins contemporains des consommateurs puisqu’ils ont décidé d’appliquer le délit de tromperie relatif un CD musical illisible sur certains supports en raison d’un dispositif de protection des droits d’auteur. En effet, le consommateur en lisant la mention « ce disque compact contient un dispositif technique limitant les possibilités de copie » n’est pas informé que ce système anti-copie est susceptible de restreindre l’écoute de son disque sur un autoradio ou sur un autre lecteur. Certes, si l’éditeur informe l’acheteur de l’existence de ce système, il garde cependant le 178. Article 121-1, alinéa 1er du Code pénal 179. Cass. Crim. 4 janv. 1977, Recueil Dalloz 1977. 366 note J.C Fourgoux 159 silence sur la restriction d’utilisation du CD et ce silence a été jugé de nature à induire en erreur, appliquant ainsi l’incrimination de tromperie sur l’aptitude à l’emploi du produit180 Ainsi, en plus d’élargir le champ d’application de la tromperie, les juges ont opté pour la protection du consommateur au détriment de la protection de la propriété intellectuelle. Citons un autre exemple d’extension de la réglementation de la tromperie, jugée trop excessive par certains et plutôt controversée. En effet les juges ont étendu très largement le champ d’application de cette incrimination dans une affaire célèbre. L’article L213-1 du Code de la consommation prend en compte tous types de biens qui ont une valeur marchande, c’est à dire une valeur vénale et qui sont dans le commerce juridique. Pourtant, assez curieusement, les juges ont décidé que le sang était un produit entrant dans ce champ d’application. L’affaire du sang contaminé181 fut ainsi résolue non sur le terrain de l’empoisonnement, incrimination tenant au droit pénal général, mais sur celui de la tromperie de la qualité de la marchandise, incrimination purement consumériste. Certains auteurs182 ont d’ailleurs qualifié ce délit comme un « délit d’épicier ». Toujours dans le même domaine, les juges n’hésitent pas à user implicitement de la notion de présomption. C’est ainsi que la jurisprudence considère que le défaut de contrôle ou de vérification constitue nécessairement la preuve de la mauvaise foi du professionnel183. Celui-ci doit donc procéder à toutes vérifications utiles, à défaut, les juges pourront déduire de son attitude la mauvaise foi caractérisant l’élément moral de l’infraction. Cependant, le respect des normes en vigueur et la réalisation de vérifications, a priori utiles, ne sont pas toujours des opérations suffisantes dont la réalisation permet la démonstration de la bonne foi. En effet, la Cour de Cassation a pu décider à plusieurs reprises et selon une jurisprudence constante, que même si le professionnel procède à toutes les vérifications qu’impose la loi et selon les méthodes obligatoires, ces procédures peuvent parfois ne pas suffire. Ainsi, dès lors que des méthodes facultatives de contrôle existent et qu’elles sont suggérées pour tester les produits, le professionnel doit y recourir : s’il ne les emploie pas, l’élément intentionnel est, selon les juges, démontrée184. 180. TGI Nanterre, 24 juin 2003 181. Cass. Crim. 22 juin 1994, n° 93-83.900, Bull. crim. n°248 182. J-P Delmas Saint-Hilaire, L’affaire du sang contaminé : la triple ambigüité de l’arrêt de la Chambre criminelle ou encore Malabat et JC Saint-Pau, le Droit pénal général malade du sang contaminé, Revue Droit pénal 200 chronique 2 183. Cass. Crim 29 juin 1999, Revue Droit pénal 1999, comm. 133, note J-H Robert 184. Cass. Crim. 17 sept. 2002, Revue Droit pénal 2002, comm. 125, obs. J-H Robert 160 En outre, les vérifications et contrôles imposés à l’importateur sont toujours plus accrus et les derniers arrêts sur cette question sont très révélateurs : la Cour de Cassation a tendance a déduire de la constatation des composantes de l’élément matériel, l’existence de l’élément intentionnel. Les juges de la Cour de Cassation se sont récemment prononcés dans une affaire relative à des masques de déguisement venus d’Asie, importés par la société « GIFI » et vérifiés lors de l’achat et avant l’entrée sur le territoire, mais pas après, l’article L212-1 du Code de la consommation n’exigeant nullement un contrôle après l’entrée sur le territoire. Pourtant, la Cour de Cassation est très exigeante quant à la sécurité des consommateurs et déduit systématiquement l’intention de la réalisation de l’élément matériel : « compte tenu de la qualité du professionnel du prévenu, l’insuffisance du contrôle mise en œuvre caractérise l’élément intentionnel du délit de tromperie »185. Concernant le délit de falsification, l’infraction est également en principe intentionnelle : il faut que le vendeur ait opéré lui même volontairement la falsification ou qu’il connaisse cette falsification. Mais au même titre que le délit de tromperie, le professionnel, en raison de sa qualité, a un devoir de contrôle, de rigueur, de loyauté et de probité qui lui interdit la moindre négligence ou imprudence. Ainsi le fait de ne pas être à la hauteur de sa qualité de professionnel est généralement considéré comme constitutif de mauvaise foi, et donc l’intention est constituée. §2. L’extension jurisprudentielle en matière de publicité trompeuse Un exemple relatif à ce domaine permet de se rendre compte du pouvoir d’interprétation extensive des Tribunaux en matière de publicité trompeuse. En effet, concernant l’auteur de l’infraction et son activité, la jurisprudence s’est toujours entendue sur la non importance de l’objet lucratif ou non de l’activité de l’auteur. Autrement dit, même les associations sans but lucratif peuvent tout à fait être auteurs d’une publicité trompeuse. Sur ce point, le problème fut soumis à la Cour de Cassation186 dans une affaire contentieuse qui dura treize ans et fut finalement résolue par l’Assemblé Plénière. En l’espèce, un individu avait été interpellé devant un Palais de Justice alors qu’il distribuait aux passants des tracts au nom d’une association de défense des victimes. Or, au moment de cette distribution, l’association 185. Cass. Crim. 13 juin 2006, Revue Droit pénal 2006, comm. 143, obs. J-H Robert 186. Cass. Crim. 6 mai 1998, RJDA/1990 n°1165 161 n’avait plus d’existence légale, sa liquidation ayant déjà été prononcée. Ne pouvant plus rendre le service annoncé, le prévenu fut poursuivi pour publicité mensongère et condamné devant les juges du fond. Devant la Cour de Cassation, la question se posa de savoir si l’article L121-1 du Code de la consommation, réprimant la publicité mensongère, avait vocation à s’appliquer aux faits dénoncés en raison du caractère non lucratif des activités du prévenu. Les juges ont confirmé l’interprétation pré-existante en considérant que, même en l’absence de recherche de profit, l’infraction était constituée. Un dernier exemple peut être cité, relatif au support de la publicité. En effet, les allégations, indications ou présentations contenus dans un message publicitaire peuvent figurer sur n’importe quel support puisque la généralité des termes employés par la loi, notamment l’expression « sous quelque forme que ce soit », permet aux juges d’englober une multitude de support possibles : murs, journaux, ondes, prospectus, emballages, estampille figurant au verso des pièces d’un service de vaisselle187 ou même une publicité verbale faite par les vendeurs qui vantent les qualités de leurs produits sur les marchés publics188. Ces interprétations extensives des infractions sont en principe interdites en Droit pénal. Mais, considérant que la protection des consommateurs est primordiale, cet état de la jurisprudence a été approuvé par plusieurs auteurs. En effet, s’agissant de la sécurité des consommateurs, Hélène Davo et Yves Picod189 ont estimé qu’il serait souhaitable « de créer un délit spécifique sanctionnant la négligence du professionnel (défaut de vérification) à l’égard du consommateur : il s’agirait alors d’un délit non intentionnel afin d’éviter une interprétation extensive des textes relatifs aux tromperies et falsifications, déformation en principe bannie en matière pénale ». La poursuite des infractions se révèle donc facilitée par des incriminations larges, permettant ainsi de sanctionner plus aisément les auteurs. 187. Cass. Crim. 28 nov. 1983 188. Aix-en-Provence, 23 fev. 1994 189. Hélène DAVO et Yves PICOD, Droit de la consommation, 2ème édition, SIREY Université 162 CHAPITRE 3 : L’APPLICATION ET LE CHOIX DE LA SANCTION Cette volonté d’une sanction facilitée est prolongée par le législateur dans un souci de fermeté de la peine encourue. Ceci se traduit tout à la fois par la détermination de la personne responsable (Section 1) que par l’adaptation et la sévérité de la peine (Section 2). Section 1 : La détermination de la personne pénalement responsable Bien sur, la responsabilité des personnes physique peut être engagée (§1) mais une double responsabilité est possible grâce à une évolution récente, qui concerne également la responsabilité des personnes morales (§2) §1. La responsabilité des personnes physiques S’agissant du Droit pénal de la consommation, le responsable venant immédiatement à l’esprit en cas d’infraction est le dirigeant de l’entreprise. Néanmoins, il ne faut pas oublier que celui-ci a pu déléguer ses pouvoirs (I). En outre, on constate en la matière, la possibilité, relativement originale, de déclarer une multitude de personnes physiques comme pénalement responsables (II). I. Dirigeants et délégation de pouvoir En vertu du principe de la personnalité des peines, les faits délictueux ne peuvent en principe être mis qu’à la charge de celui qui les a matériellement commis. Mais en pratique dans une entreprise, la détermination de la personne à l’origine du dommage peut s’avérer délicate. Dans certains cas, le fait que l’infraction soit mise à la charge du chef d’entreprise n’exclut pas la responsabilité pénale du subordonné qui aurait lui même commis matériellement l’infraction. Cependant cette solution reste exceptionnelle et n’est admise en général qu’en matière d’homicide et de blessures par imprudence. En outre, l’équité veut qu’on ne puisse imputer au chef d’entreprise la responsabilité pénale d’actes qu’il est dans l’impossibilité matérielle de surveiller et dont l’organisation même de l’entreprise confie à d’autres le contrôle. Il s’agit alors de la délégation de pouvoir qui 163 attribue à un employé, situé à un degré intermédiaire de la hiérarchie, la responsabilité pénale de certains actes. Ainsi, comme en tout autre matière, dès lors que le préposé est investi des moyens, de la compétence et de l’autorité nécessaire, la délégation de pouvoir exonère le dirigeant de la responsabilité pénale qu’il encourt à raison de ses fonctions. En revanche, si le chef d’entreprise peut ainsi s’exonérer de sa responsabilité pénale en rapportant la preuve qu’il a délégué ses pouvoirs, il ne doit pas, cependant, avoir pris une part personnelle à la réalisation de l’infraction, auquel cas sa responsabilité pourra être recherchée cumulativement avec celle du délégataire. II. La possible multiplicité des personnes physiques pénalement responsables Deux types d’infractions peuvent illustrer cette probable multiplicité de responsabilité pénale, concernant d’une part la publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur, et d’autre part, les fraudes à la conformité du produit. Concernant la publicité trompeuse, l’article L121-5 du Code de la consommation prévoit que l’infraction doit être imputée à titre principal à l’annonceur pour le compte de qui la publicité est diffusée. Mais il peut également concerner la personne qui procède à la diffusion du message (par exemple le journal servant de support) ou celui qui donne l’ordre de diffusion, même lorsqu’il s’agit d’un mandataire qui agit pour le compte d’un tiers (comme l’agence publicitaire par exemple). En matière de fraudes, outre les fabricants ou producteurs qui ont l’obligation de vérifier la conformité du produits aux prescriptions en vigueur, les intermédiaires ou détaillants peuvent eux aussi être tenus pour pénalement responsables s’ils avaient eu connaissance de la tromperie relative à l’achat de leurs marchandises. Enfin, les importateurs peuvent également se voir imputer une responsabilité pénale, faute de pouvoir imputer une responsabilité aux fabricants étrangers. Ainsi, la seule absence de vérification de la conformité des produits avec la réglementation française, antérieurement à la mise sur le marché français, permet de caractériser la mauvaise foi de l’importateur. La responsabilité pénale concerne donc les personnes physiques et celle ci peut même être cumulée ou transférée à une autre personne en cas de délégation de pouvoir. Les règles 164 processuelles en droit de la consommation permettent également d’imputer la responsabilité pénale à une personne morale §2. La responsabilité des personnes morales La responsabilité des personnes morales a considérablement évolué depuis le 1er janvier 2006. La situation antérieure était beaucoup plus limitée et complexe (I) par rapport à cette nouvelle situation (II) I. La situation antérieure au 1er janvier 2006 Après de longues hésitations et controverses, le Code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994, a consacré le principe de la responsabilité pénale des personnes morales. En revanche, cette responsabilité restait une responsabilité spéciale puisque limitée aux cas particuliers expressément formulés par le législateur, contrairement à celle, générale, des personnes physiques. En effet, l’article 121-2 du Code pénal disposait que « les personnes morales sont responsables pénalement dans les cas prévus par la loi ». Le Droit pénal de la consommation est resté jusqu’à récemment à l’écart de la mise en œuvre de cette responsabilité pénale des personnes morales et les juges n’appliquaient que très rarement cette responsabilité spéciale. Par exemple, la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation avait rappelé que les dispositions de l’article L121-5 du Code de la consommation qui permettait d’imputer aux dirigeants de la personne morale annonceur, pour le compte de laquelle la publicité litigieuse était diffusée, n’engageaient pas la responsabilité pénale de la personne morale190. II. La situation postérieure au 1er janvier 2006 La généralisation de la responsabilité pénale des personnes morales a été introduite dans la loi n° 2004-204, du 9 mars 2004, dite Loi Perben II, notamment par une réforme de l’article 121-2 du Code pénal. 190. Cass. Crim. 30 oct. 1995 165 Sur ce point, une circulaire du Ministère de la Justice fait la synthèse des conséquences de l’élargissement de la responsabilité pénale aux personnes morales191 : elle peut être retenue pour l’ensemble des crimes, délits et contraventions existants, sous réserve que les faits aient été commis à compter du 31 décembre 2005 (date de l’entrée en vigueur de cette loi) et que les conditions de leur imputabilité à une personne morale soient satisfaites. Par ailleurs, les magistrats devront prendre en considération la nature de l’infraction : si elle est intentionnelle, devront être poursuivies à la fois la personne physique, auteur ou complice des faits, et la personne morale, dès lors que les faits ont été commis pour son compte et par l’un de ses organes ou représentants. En revanche, si l’infraction n’est pas intentionnelle, des poursuites devront être engagées contre la seule personne morale, sauf faute personnelle de la personne physique justifiant alors une condamnation pénale. La loi de 2006 a donc très largement étendu le champ d’application de la responsabilité pénale, les sanctions encourues pouvant désormais viser le dirigeant, le subordonné et la société elle même. Section 2 : L’adaptation et la sévérité des sanctions Pour la plupart des infractions, les pénalités encourues sont plutôt élevées et dissuasives pour le professionnel ayant l’intention de se livrer à des actes illicites en Droit pénal de la consommation. En outre, le terme même « sanction pénale » décourage bon nombre de professionnels, puisqu’ils ont conscience que ce genre de sanction peut aller jusqu’à un emprisonnement pour les infractions les plus graves. Bien sur, ce système répressif est loin d’être parfait et de nombreuses imperfections demeurent, mais les sanctions prévues au sein même des textes constituent peut être l’aspect le plus dissuasif. Cela s’observe à travers les peines contraventionnelles dont le cumul peut être lourd (§1) mais également à travers la mise en œuvre de certaines peines délictuelles complémentaires ou adaptées spécifiquement (§2) ainsi que certaines règles relatives à la prescription de l’action publique, qui ne sont pas sans rapport avec le prononcé éventuel d’une peine (§3). 191. Circulaire CRIM-06-03/E8, 13 fév. 2006 166 §1. Le cumul des peines contraventionnelles Les contraventions, nous l’avons évoqué, constituent les infractions les moins graves et, de ce fait, les peines les moins lourdes. C’est une des critiques que nous évoquions lors de la première partie puisqu’une peine de quelques centaines d’euros peut paraître largement insuffisante lorsque sont en jeu la santé et la sécurité du consommateur. Il faut tout de même tempérer ce point de vue puisque cette insuffisance est en partie corrigée d’une part, par la possibilité d’infliger des peines complémentaires, que nous verrons lors du paragraphe suivant concernant les peines délictuelles et, d’autre part, par le cumul des contraventions qui permet de faire peser sur le professionnel une sanction finalement beaucoup plus lourde que celle initialement prévue pour une seule infraction. Dans notre Droit pénal, si la règle du non cumul des peines est en effet le principe, contrairement à certains pays de culture juridique anglo-saxonne, il existe néanmoins des exceptions qui permettent ce cumul et notamment les infractions contraventionnelles. De ce fait et dans certains cas, la répression pécuniaire sera infiniment plus sévère pour un contrevenant que pour un délinquant. En effet, l’exemple de la sanction des fraudes démontre ce principe puisque l’article L214-2 du Code de la consommation prévoit que les infractions aux décret en Conseil d’Etat pris pour application de la loi du 1er aout 1905 sont punies de l’amende prévue pour les contravention de deuxième classe, dès lors que l’infraction ne se confond avec aucun des délits prévus aux articles L213-1 à L213-4 dudit code, auquel cas, une sanction délictuelle sera appliquée. Ainsi, l’infraction à la réglementation en matière d’étiquetage non conforme à un décret étant une contravention de deuxième classe, l’amende peut varier de 22 à 75 euros. Cependant, l’amende est prononcée par le Tribunal de Police autant de fois que le prévenu a commis d’infractions. En effet, les contraventions ne sont pas soumises à la règle du non cumul des peines et, en Droit pénal de la consommation, une contravention peut concerner des centaines voire des milliers de produits. Le montant des amendes cumulées peut vite atteindre des sommes conséquentes, qui tendent à être parfois plus dissuasives qu’une peine délictuelle. En outre, les juges se montrent encore plus sévères puisqu’ils ne prennent pas en compte la notion de lot de fabrication, qui permettrait de retenir une peine unique. Ainsi, la Chambre 167 Criminelle a approuvé la condamnation d’un producteur à 36 amendes de 500 francs pour avoir mis en vente 36 caisses de viandes comportant un étiquetage irrégulier, alors que le prévenu invoquait un lot unique et destiné dans sa totalité à un seul et même client. Les juges ont considéré que l’étiquetage irrégulier ne résultait pas d’une action coupable unique, mais de manipulations effectuées sur chaque caisse qui ont constitué autant de fautes distinctes punissables séparément192. La volonté de sévérité de cette répression se retrouve aussi dans la possibilité d’application de peines spécifiques ou complémentaires. §2. Les peines délictuelles spécifiques ou complémentaires Les peines délictuelles principales en matière de Droit pénal prévoient un emprisonnement et une amende. Concernant le domaine précis de la consommation, dans lequel les peines d’emprisonnement sont peu fréquemment prononcées, nous limiterons notre analyse aux peines d’amendes (I) et aux peines complémentaires (II). I. L’adaptation de l’amende encourue Le montant de l’amende trouve, en Droit pénal de la consommation, un rôle punitif assez important grâce à une adaptation qui en a été faite. Par exemple, les délits de tromperie ou de falsifications sont punis, selon l’article L213-1 du Code de la consommation d’une amende de 37 500 euros et d’un emprisonnement de deux ans ou de l’une de ces deux peines seulement. Cependant, le législateur a prévu que dans le cas où la fraude aura eu pour conséquence de rendre la marchandise dangereuse pour la santé de l’homme ou de l’animal, ces peines sont doublées, portant ainsi l’amende à 75 000 euros. Notons également que pour les personnes morales, un taux maximum existe mais suffisamment élevé puisqu’il est porté au quintuple, ce qui permet d’atteindre 187 500 euros et jusqu’à 375 000 euros en cas de circonstances aggravantes. 192. Cass. Crim. 3 sept. 1986 168 De même, en matière de publicité trompeuse, les peines encourues peuvent être proportionnées à l’importance économique de la campagne adoptée. En effet, l’article L1216 du Code de la consommation prévoit que « le maximum de l’amende peut être porté à 50% des dépenses de la publicité constituant le délit ». Il a ainsi été approuvé par la Cour de Cassation la condamnation à des peines de 500 000 francs et 300 000 francs contre des dirigeants de sociétés, eu égard au montant total des dépenses de publicité193. Parallèlement à ces peines principales qui s’adaptent à l’infraction en cause, le législateur a également prévu des peines complémentaires spécifiques, qui sont parfois encore plus dissuasives qu’une simple peine pécuniaire. II. Les peines complémentaires spécifiques Un principe de Droit pénal limite en quelque sorte la multiplicité des peines puisque l’article 111-3 du Code pénal prévoit que les juges ne peuvent prononcer à l’encontre d’une personne coupable d’un délit que les sanctions prévues pour cette infraction et ne peuvent donc pas prononcer les peines d’un délit voisin194. Ceci n’exclut cependant pas la possibilité de prononcer, outre une peine principale, des peines complémentaires. Ainsi, en Droit pénal de la consommation, les textes prévoient au sein même de certaines dispositions, des peines complémentaires expressément prévues pour chaque type de délit. S’agissant des délits de tromperie et falsification, au delà des peines principales, le Tribunal peut ordonner, d’une part la confiscation de la marchandise, objets ou appareils litigieux195 et d’autre part, imposer la publication et l’affichage du jugement de condamnation196, même aux portes de l’établissement. Cette situation est donc extrêmement embarrassante pour le professionnel, puisqu’une telle publication provoque très certainement une perte de clientèle mais surtout une perte d’image considérable. 193. Cass. Crim. 17 oct. 2000 194. « Nul ne peut être puni d’une peine qui n’est par prévue par la loi ». Article 111-3 du Code pénal 195. Article L216-2 du Code de la consommation 196. Article L216-3 du Code de la consommation 169 En outre, concernant les personnes morales, d’autres peines complémentaires sont également prévues, notamment l’interdiction d’exercer l’activité pour laquelle l’infraction a eu lieu197. Enfin, il existe d’autres peines complémentaires en la matière, qui ne sont prononcées qu’en cas de fraude ou falsification nuisible à la santé mais également en cas de contravention aux textes règlementaires concernant la sécurité. En effet, les juges peuvent prononcer la diffusion du message informant le public de la décision rendue, tout type de médias pouvant être utilisé198. Le Tribunal peut également interdire la commercialisation des produits et services sur lesquels a porté l’infraction, la destruction pouvant être ordonnée à la charge du condamné. Enfin, il peut être décidé de confisquer tout ou une partie du produit sur lequel a porté l’infraction. En matière de publicité trompeuse, des peines complémentaires sont également prévues199 et le juge pourra ainsi prononcer la cessation de la publicité litigieuse et/ou ordonner la publication du jugement dans les journaux ou revues (on notera que dans le cas de la publicité trompeuse, la publication aux portes de l’établissement n’est pas applicable, cette mesure étant assez difficile d’application dans ce cadre). En outre, le juge pourra ordonner la diffusion d’annonces rectificatives. Il s’agit ici d’une véritable contre publicité dont le but est de corriger dans l’esprit du public l’erreur précédemment diffusée, ces annonces étant réalisées dans les mêmes termes et selon les mêmes modalités de diffusion que la publicité incriminée, et ce aux frais du condamné. §3. Les règles spécifiques en matière de prescription A ce titre, deux exemples peuvent être cités, qui concernent le délit d’usure et celui de la publicité trompeuse. Les articles 8 et 9 du Code de procédure pénale disposent qu’en matière délictuelle, la prescription de l’action publique est de trois ans alors qu’en matière contraventionnelle elle est d’un an. Dans certaines hypothèses relativement limitées, le point de départ de ce délai est parfois reporté afin de faciliter les poursuites. Il en est ainsi du délit d’usure, qui est 197. Article 131-39, 2° à 9° du Code pénal 198. Cette sanction complémentaire est plus large que la publication du jugement qui peut être ordonnée sans atteinte à la sécurité puisqu’ici, tout type de médias peut être utilisé, rendant la sanction plus large et donc plus stricte puisqu’il est donc possible de voir un message informant de cette décision à la télévision ou la radio. 199. Articles L121-3 et L121-4 du Code de la consommation 170 constitué lorsqu’un taux d’intérêt excessif, selon un plafond fixé par la loi, est rattaché à une somme faisant l’objet d’un prêt ou d’un contrat similaire. En effet, l’article L313-4 du Code de la consommation fait courir la prescription de l’action publique à compter du jour de la dernière perception d’intérêt ou de capital. Auparavant, seule la date de la convention usuraire était déterminante. Ces dispositions permettent désormais les poursuites à compter de la dernière perception des intérêts excessifs. Ce délai de prescription reporté est assurément protecteur des victimes du délit d’usure. De même, en matière de publicité trompeuse, la Cour de Cassation prend soin d’indiquer que le délit ne peut commencer à se prescrire tant que les victimes n’ont pas été en mesure de constater le défaut de conformité entre ce qui était promis et ce qui a été effectivement réalisé200. Comme pour l’usure, la publicité trompeuse reste un délit instantané et donc une infraction unique qui ne peut être poursuivie et sanctionnée qu’une seule fois, mais réitérée lors de chaque communication au public, ce qui reporte à chaque fois le point de départ du délai de prescription de l’action publique. L’efficacité répressive est indéniablement recherchée par le législateur et souvent prolongée par le juge, dans le cadre de son pouvoir d’interprétation. Néanmoins, dans la pratique, la réalité reste parfois décevante, et ce à plusieurs titres. Titre 2 : Des résultats parfois en deçà des objectifs poursuivis Ce constat repose sur trois éléments : une réalité judiciaire et économique qui peut être décevante pour le consommateur (Chapitre 1), des modes alternatifs de règlement des conflits insuffisamment développés (Chapitre 2) et des structures associatives nombreuses mais dépourvues de pouvoirs réellement effectifs (Chapitre 3). 200. Cass. Crim. 20 fev. 1986, Bulletin crim. n°70 171 CHAPITRE 1 : UNE REALITE JUDICIAIRE ET ECONOMIQUE PARFOIS DECEVANTE POUR LE CONSOMMATEUR En dépit d’un système plutôt complet de protection pénale au profit du consommateur, la réalité judiciaire apparaît parfois décevante pour celui-ci, « partie faible » du contrat. En effet, certains facteurs créent de nombreux obstacles à la mise en pratique de cette protection pénale. En réalité, l’on peut considérer que les infractions sont rarement sanctionnées à la hauteur du préjudice subi du fait, notamment, des peines textuelles rarement appliquées, de certaines infractions complexes à caractériser mais également des difficultés pour le consommateur d’agir individuellement en justice (Section 1). Par ailleurs, la législation relative au crédit à la consommation peut engendrer des effets pervers (Section 2). En outre, la primauté du Droit communautaire est de nature, parfois, à remettre en cause la protection nationale du consommateur (Section 3). Enfin, au niveau national même, ce système consumériste pénal fait l’objet de certaines menaces, notamment par un rapport remis au Garde des Sceaux par un groupe de travail en 2008 relatif à la dépénalisation de la vie des affaires (Section 4). Section 1 : Des infractions rarement sanctionnées à la hauteur du préjudice, du fait de la rare application des peines textuelles, de la complexité de certaines infractions et de la difficulté pour le consommateur d’agir en justice individuellement Nous verrons successivement que la réalité judiciaire est parfois assez décevante pour le consommateur puisque les peines textuelles sont rarement appliquées par les juges (§1), que certaines infractions sont difficile à mettre en œuvre (§2) et que l’action en justice exercée par un consommateur seul est un véritable « casse tête » (§3). §1. Les peines textuellement prévues rarement appliquées Nous avons précédemment étudié que les peines prévues en Droit pénal de la consommation étaient assez élevées, participant ainsi au caractère dissuasif de ce Droit. Mais en règle générale, les Tribunaux sanctionnent le professionnel par des amendes nettement moins importantes, rendant alors l’application de ce Droit plus permissive et lui ôtant parfois, de ce fait, une certaine crédibilité. 172 Plusieurs exemples jurisprudentiels montre la faiblesse des condamnations parfois prononcés par les Tribunaux. Par exemple, en matière de fraudes et falsification, le prévenu Président Directeur Général d’une société qui avait commercialisé une peluche non conforme à la norme européenne relative à la sécurité des produits a été déclaré coupable. En effet, avant la mise sur le marché européen et la commercialisation en France de la peluche litigieuse, la société s’était contentée de se fier aux seules analyses d’un laboratoire chinois. Ce rapport se bornait à certifier la conformité à la norme européenne, sans indication des propriétés mécaniques et physiques du jouet ainsi que sur la nature des tests réalisés, ce qui empêchait évidemment toute comparaison utile et toute vérification de conformité avec les exigence de la réglementation. Ainsi, ce défaut de vérification s’agissant de peluches destinées aux enfants de moins de trente six mois dont les parties à risque étaient suffisamment connues des professionnels pour définir quels contrôles doivent être effectués caractérisait l’élément intentionnel de l’infraction de tromperie sur les qualité substantielles d’une marchandise. La société fut donc condamnée à ce titre mais l’amende s’élevant à 5 000 euros201 paraît absolument dérisoire par rapport aux risques envers le consommateur mais aussi aux gains escomptés de la société. Dans le même domaine, une société et son président ont été condamnés pour avoir commercialisé des cadres lumineux importés de Chine, ne respectant pas les normes de sécurité et faisant courir à l’utilisateur un risque de choc électrique. Les prévenus n’ont pas contesté cette dangerosité puisqu’ils ont été alertés par la plainte d’un consommateur victime d’un court circuit. Ils ont dont rempli leur obligation de rappel des produits. Concernant le défaut de vérification et d’obligation d’auto contrôle, ils n’ont été condamnés qu’à une amende de 3 000 euros avec sursis pour chacun des prévenus202. En outre, il existe pour les parties à un litige, une possibilité de régler un différend autrement que par la voie des Tribunaux. Il s’agit du protocole transactionnel, mode de règlement amiable à l’initiative des deux parties au litige qui permet de mettre fin au problème en trouvant un accord ou prévenir le différend203 (Annexe 4). Le consommateur accepte en général une transaction puisque ce mode de règlement lui évite d’engager une procédure devant une juridiction judiciaire, plus longue et plus couteuse. 201. CA Paris, 4 juill. 2007, Juris-Data n°2007-339941 202. CA Paris, 2 avr. 2007, Juris-Data n°2007-333201 203. Articles 2044 et suivants du Code Civil 173 L’inconvénient majeur des transactions se trouve dans l’absence d’amende punitive envers le professionnel. En effet, ce dernier dédommage la victime consommateur mais en aucun cas les sanctions prévues ne lui sont appliquées. De plus, l’indemnité proposée est souvent bien en deçà du préjudice subi par la victime et le montant est considérablement plus faible que les dommages et intérêts que le consommateur aurait pu percevoir en justice. Par exemple, une société de fabrication de moules et préparations culinaire en plastique a manqué à son obligation d’information et de sécurité puisque une cliente, se servant d’un moule à charlotte afin de réaliser une préparation culinaire, a subi de nombreuses brûlures sur ses mains et son visage en raison de l’utilisation de caramel chaud dans ce moule. En réalité, aucune mise en garde n’était mentionnée sur le descriptif du produit et aucun mode d’emploi n’était remis à l’achat de ce produit. La seule mention informative était présente sur Internet et précisait « ...idéal pour mouler des préparations froides, chaudes ou glacées ». De ce fait, l’utilisatrice ne pouvait en aucun cas savoir que le caramel chaud versé dans ce moule feraient fondre le fond du moule et lui provoquerai de telles brûlures. Cette société a donc sans aucun doute manqué à son obligation d’information, de conseil et de sécurité, provoquant des blessures involontaires à l’utilisatrice. Pourtant, cette dernière a accepté un protocole transactionnel complètement disproportionné par rapport au préjudice subi puisque l’indemnité s’est élevé à seulement 2 000 euros. Ainsi, par la mise en œuvre de cette transaction, la société s’est exonérée de toute amende pénale ou autres sanctions et le consommateur, n’ayant pas toujours conscience des enjeux et du système judiciaire n’a bénéficié que d’une faible somme, nettement inférieur au préjudice subi. Ainsi, si la volonté du législateur de protéger le consommateur est affirmée par les textes qu’il adopte et par les amendes et peines plutôt conséquentes, en revanche, l’application même de ces dispositions ne reflète pas toujours cet volonté de répression et le professionnel, auteur d’une infraction, n’est donc pas, dans ces hypothèses, puni à la hauteur de ces actes. §2. Certaines infractions parfois difficiles à caractériser Les infractions sont parfois difficilement prouvées, en raison des conditions leur mise en œuvre (I) mais également par une loi de 2000, dite loi Fauchon, qui rend la définition des délits non intentionnels plus complexe à appliquer (II) 174 I. Les conditions de mise en œuvre de certaines infractions Certaines infractions sont en pratique assez difficile à caractériser. Par exemple, l’infraction de mise en danger de la vie d’autrui est très dissuasive pour le professionnel qui manquerait à ses obligations de sécurité, mais son application est en réalité assez difficile. En effet, il faut tout d’abord prouver que la violation de la loi ou du règlement a causé un risque direct de mort ou d’infirmité grave. C’est le cas par exemple des infractions aux textes règlementaires pris en application du Code de la consommation concernant la santé et la sécurité des consommateurs. Ainsi, la violation d’un article à caractère général comme L221-1 du Code de la consommation prévoyant l’obligation générale de sécurité ne saurait établir la preuve du délit de mise en danger d’autrui. En outre, la violation d’une loi ou d’un règlement doit être faite « de manière manifestement délibérée » ; cela signifie qu’une simple imprudence ou négligence ne suffit pas à caractériser le délit et il faut donc que l’auteur ait eu connaissance de mettre en danger la santé ou la sécurité d’autrui, même s’il n’a pas forcément voulu nuire. Cela peut s’apparenter, en droit civil, au dol éventuel, qui se situe donc entre l’intention de nuire et la simple imprudence. Quant au caractère « manifestement », nous pouvons déduire que cela sous-entend un caractère évident du manquement volontaire à l’obligation. Enfin, l’incrimination de mise en danger est largement réduite par la nécessité d’entraîner une mort ou une infirmité permanente, c’est-à-dire que cette incrimination est réservée aux risques les plus graves. Le délit de mise en danger du Code pénal ne concerne donc pas le professionnel qui provoquerait, par exemple, une infirmité partielle à autrui. Nous pouvons nous interroger sur les raisons pour lesquelles le législateur a voulu réduire cette incrimination aux risques les plus graves, rendant l’application de l’article 223-1 du Code Pénal peu fréquente, surtout en Droit de la Consommation. II. La loi Fauchon rendant plus complexe la notion d’infraction non intentionnelle Depuis la loi du 10 juillet 2000 dite loi Fauchon, du nom du sénateur qui en est à l’origine, la définition des délits non intentionnels est devenue plus complexe. En effet, aux termes de l’article 121-3 alinéa 4, il faut désormais établir une distinction dès lors qu’une personne physique cause directement ou indirectement un dommage corporel. 175 Avant l’entrée en vigueur de cette loi, les Tribunaux admettaient très largement l’existence du lien de causalité entre la faute commise par le professionnel et le dommage subi. En effet, les juges estimaient qu’il n’était pas nécessaire que la faute soit la cause exclusive directe et immédiate du dommage. Pour exemple, dans le cas où une locataire ayant trouvé la mort dans l’incendie de l’immeuble qu’elle habitait, le président directeur général d’une société exerçant un commerce de tricot situé dans l’immeuble a été reconnu coupable d’homicide involontaire pour avoir laissé s’accumuler dans la cour, les couloirs, et les issues de l’immeuble, des quantités importantes d’emballages et de matières inflammables qui ont favorisé l’incendie dont l’origine n’a pu être précisée204. Désormais, lorsque le professionnel cause le dommage directement, la faute non intentionnelle sera punissable dans les conditions habituelles. Par exemple, l’infraction sera constituée du fait d’un manquement à l’obligation de sécurité de l’article L221-1 du Code de la Consommation, résultant d’une insuffisance de contrôle ou encore d’une absence d’information. En revanche, lorsque cette personne physique, sans avoir provoqué directement le dommage, aura contribué à créer le contexte de la réalisation du dommage ou encore si cette personne n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’éviter, l’infraction ne sera constituée que si la personne physique aura « soit violé de façon délibéré une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elle ne pouvait ignorer ». Par conséquent, il devient plus délicat de mettre en œuvre la responsabilité pénale d’un auteur indirect ou auteur médiat, personne physique. Ce texte semble quelque peu chargé, lourd mais absolument favorable à certains professionnels qui agiraient de façon indirecte, au détriment de certains consommateurs. En effet, un simple manquement de la personne physique à l’obligation de sécurité ne suffit plus à caractériser l’infraction car la faute doit être délibérée ou caractérisée. Il apparaît donc depuis cette loi un recul de la mise en responsabilité pénale du professionnel puisque désormais, dans le cas cité précédemment de l’incendie, le président directeur général aurait été condamné seulement si une violation délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence ou une faute caractérisée avait été prouvée. Cependant, cette condamnation, en 1974, paraît quelque peu excessive puisque l’origine de l’incendie était 204. Cass. Crim 21 mai 1974 176 inconnue et aurait donc eu lieu sans la présence des matières inflammables, avec éventuellement un moindre puissance du feu. §3. Les actions individuelles devant la justice, un véritable « casse-tête » pour le consommateur La Chartre des Droits fondamentaux de l’Union Européenne signée en 2000 prévoit en son article 47 que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un Tribunal indépendant et impartial. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter ». Ainsi, en théorie, le consommateur qui s’estime lésé à la liberté de saisir un Tribunal pour obtenir justice. Mais cette liberté est largement entravée par la réalité processuelle française. En effet, il est assez rare de voir un consommateur agir seul en justice en raison des nombreux obstacles rencontrés. Ainsi, dans l’hypothèse où sa plainte n’est pas suivie de poursuites pénales, par exemple parce que le Procureur de la République a souhaité utiliser une mesure alternative aux poursuites (rappel à la loi, ordonnance pénale, ...), la victime peut saisir directement le Tribunal correctionnel ou un juge d’instruction après avoir consigné une somme définie par un magistrat. Ce cautionnement, parfois dissuasif en raison de son montant, est enserré en outre dans un formalisme strict, en termes de délais par exemple, et nombre de plaintes ne sont ainsi pas suivies d’effets en pratique. Et, dans l’hypothèse où cette plainte serait évoquée par un Tribunal, il est à craindre, en pratique, que la victime ne soit pas soutenue à l’audience par le Ministère Public. Celui-ci risque de se rapporter le plus souvent à l’appréciation du Tribunal, c’est à dire qu’il ne prendra pas de réquisitions orales aux fins de condamnation et adoptera une position « neutre ». Lorsqu’à l’inverse la plainte d’un consommateur est suivie de poursuites pénales engagées par le Procureur de la République, les choses apparaissent plus simple et la victime moins isolée. Mais, en France, la justice est parfois décriée pour sa lenteur à traiter les affaires, en raison notamment de la faiblesse du système judiciaire et du manque de moyen des juridictions. Ainsi, le consommateur lésé sera certainement très vite découragé d’attendre plus d’un an pour un dédommagement ou un remplacement de produit défectueux. En outre, un consommateur profane, n’ayant aucune connaissance en la matière se trouvera bien souvent 177 perplexe devant la complexité de la procédure, ne comprenant pas toujours quels sont véritablement ses droits et comment agir en justice, même si depuis quelques années un effort important a été entreprise en matière d’aide aux victimes d’infraction pénale. Un autre inconvénient, peut être le plus dommageable, est le coût qu’engendre un procès. En effet, les frais d’expertise et les honoraires d’avocats trop excessifs pour un consommateur moyen, sachant que ces dépenses sont généralement bien supérieures à l’intérêt en jeu. En outre, Le rapport dit « Coulon » que nous étudierons plus en détail par la suite indique que pour un certain nombre d’infraction, la sanction pénale est inefficace du fait du long délai entre la commission de l’infraction et le prononcé de la sanction. Ce projet propose donc une sanction civile par le biais d’un référé-injonction. Mais cette voie de substitution, même si elle peut permettre une facilité et une rapidité quant à l’action en justice, retire tout caractère répressif et dissuasif de la sanction pénale, qui sera alors remplacée par une sanction civile, dont l’objet et la finalité sont toutes autres. De nombreux obstacles freinent donc le consommateur pour agir seul en justice rendant alors le Droit pénal de la consommation trop inaccessible pour les individus qu’il est supposé protéger. Cependant, il est vrai que des efforts ont été faits depuis plusieurs années afin de faciliter l’accès en justice pour les petits litiges, notamment les litiges en droit de la consommation. Par exemple, l’aide juridique a été mis en place par une loi du 10 juillet 1991 ou encore la mise en place de juridictions de proximité par la loi du 9 septembre 2002. Mais le constat n’a pas réellement changé puisque la justice française est toujours mal adaptée aux petits litiges. Il est donc plus facile pour un consommateur d’agir de façon collective, la somme des petits litiges rassemblés prenant une toute autre dimension dès lors qu’on les envisage dans leur multiplicité. Ainsi, il est plus fréquent de voir un consommateur agir par le biais d’une association de consommateurs, malgré un manque accru de pouvoirs de ces dernières, comparativement à d’autres Etats, comme nous le verrons ultérieurement. Section 2 : Les effets pervers d’une législation relative au crédit à la consommation La réglementation du crédit à la consommation analysée précédemment démontre un caractère répressif certain. Pourtant, cette protection pénale relativement complète ne permet pas d’éviter de nombreux effets négatifs, entrainant une situation de surendettement de plus 178 en plus importante en France. Le développement de ses effets pervers peut s’expliquer par une « infantilisation » excessive du consommateur, ne permettant pas de le responsabiliser sur les risques du crédit. Ainsi, en dépit du caractère souvent dissuasif des sanctions pénales, le constat du surendettement en France est alarmant (§1), principalement du à un manque de responsabilité de la part du consommateur (§2) §1. Un constat alarmant Le surendettement est une réalité juridique dans la mesure où cette notion même fait l’objet d’une définition légale, présente à l’article L330-1 du Code de la consommation. Ce qui caractérise le surendettement est l’impossibilité manifeste pour le débiteur de bonne foi de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles échues ou à échoir. Même si la prise en considération des difficultés des débiteurs n’est pas nouvelle, l’importance croissant du nombre de personnes atteintes par le surendettement semble être liée au développement des sociétés de consommation. En effet, dans un environnement économique florissant, les sollicitations de toute nature « sont autant de sirènes auxquelles il est parfois difficile de résister »205. Selon le baromètre du surendettement de la Banque de France de 2009, le nombre total de dossiers déposés auprès des secrétariats des commissions de surendettement d’avril 2004 à mars 2009 s’est élevé à près de 932 000, soit en moyenne à 186 400 par an. Sur 12 mois glissants, le nombre de dossiers déposés est en hausse de 8 %. En outre, l’endettement moyen par dossier est, à fin mars 2009, de l’ordre de 39 500 euros dont 19 900 euros concernent les crédits renouvelables. Ces derniers sont présents dans 85% des dossiers déposés. Par ailleurs, un rapport du Conseil Economique et Social206 est tout aussi significatif ; de 1992 à 2004, la proportion des ménages endettés en France est passée de 43 à 47 % pour atteindre en 2006 50.9 %. 205. « Droit de la consommation et du surendettement » Jérôme Julien, Lextenso Edition 2009, n°387 206. Avis et rapport du Conseil Economique et Social sur le surendettement des particuliers présenté par Mme Pierrette Crosemarie en 2006 179 Pour tenter d’endiguer ce phénomène, les pouvoirs publics ont mis en place un Commission de surendettement afin d’étudier les dossiers de surendettement et établir ainsi un plan conventionnel de redressement. §2. La lutte contre le surendettement, un système relativement « infantilisant » Les relations entre les banques et leurs clients sont quelques peu originales puisque la banque joue à la fois un rôle d’auteur du surendettement mais également le rôle de victime de celui-ci. La loi du 31 décembre 1989 fut la première loi à traiter le surendettement des particuliers et il y avait ici une seule notion du surendetté : le consommateur surendetté est une personne physique qui a des dettes non professionnelles et qui ne peut pas, avec l’ensemble de son actif, faire face à son passif non professionnel. Mais pour être dans une situation de surendettement, le consommateur doit également être de bonne foi. L’appréciation de ce caractère est tout à fait subjective de la part de la Commission de surendettement. Pour certains, le consommateur de bonne foi est le consommateur passif, c’est-à-dire celui qui s’endette dans des proportions tout à fait raisonnables mais qui est victime d’une catastrophe de la vie qui vient faire basculer sa situation d’endettement). Cela peut aussi concerner le cas d’un consommateur actif : celui qui s’endette trop sans être victime d’un accident de la vie mais simplement parce qu’il contracte trop d’emprunts. La doctrine est divisée sur ce point et la Cour de Cassation estime qu’un consommateur actif peut tout à fait être de bonne foi. Pourtant une vision plutôt simpliste, voir caricaturale, voudrait que le consommateur dit « actif » ne s’en prenne qu’à lui même. Victime de « la fièvre acheteuse », il aurai dépensé sans compter l’argent qu’il n’a pas, multipliant les crédits, les dépenses somptuaires, superflues et futiles. Ainsi, sa situation financière ne serait finalement due qu’à une mauvaise gestion de sa part. Cette conception même si elle paraît exagérée, peut être recevable puisqu’à la différence du consommateur « passif », ce débiteur s’expose volontairement à des dépenses excessives. Pourtant, l’appréciation étant si large, tout consommateur, quelque soit sa situation peut être qualifié de bonne foi. En ce sens, La 2ème Chambre Civile de la Cour de cassation a estimé, le 15 janvier 2009, que ne justifiait pas suffisamment sa décision de rejet, le juge qui avait qualifié de mauvaise foi des débiteurs, aux motifs qu'ils avaient souscrit en une année un 180 grand nombre de crédits, et qu'ils se trouvaient dans l’incapacité d’expliquer les causes de leur surendettement massif et soudain. Au fil des différentes lois sur le surendettement, on distingue trois types de situations : le surendettement classique, le surendettement aggravé et la situation irrémédiablement compromise avec rétablissement personnel207. Ce dernier cas concerne le consommateur qui se trouve dans l’impossibilité manifeste de mettre en œuvre les mesures de traitement. Si le consommateur est victime de l’une de ces trois situations, il dépose un dossier à la Commission de surendettement. La loi du 1er juillet 2010 a ajouté une mesure très bénéfique au consommateur surendetté : dès lors que le dossier est accepté, les poursuites des créanciers sont suspendues. En outre, quand un plan de redressement est mis en œuvre, les créanciers ne pourront être payés dans les délais initialement prévus et devront accorder au débiteur des remises et délai. Si ce plan n’allège toujours pas le débiteur, c’est qu’il se trouve en situation de surendettement aggravé et dans ce cas, il pourra bénéficier d’un moratoire (la loi de 2010 fixe le délai à deux ans). Si la situation du débiteur ne s’est toujours pas améliorée, une mesure encore plus défavorable aux créanciers aura lieu : l’effacement partiel des dettes. Ces mesures peuvent aller encore plus loin dans le cas du rétablissement personnel. Dans cette hypothèse, la Commission de surendettement recommandera au juge le rétablissement personnel avec liquidation ou, depuis 2010 et sous certaines conditions, le rétablissement personnel sans liquidation. Dans ce cas aussi extrême, les créanciers ne seront jamais payés. §3. Les effets néfastes liées à ce genre de dispositif de protection La réforme du crédit à la consommation de 2010 traduit de façon évidente un souci d’améliorer les relations entre les banques et leurs clients, et de freiner de manière significative le surendettement des particuliers. Mais le dispositif de protection révèle une « infantilisation » du consommateur trop importante, toutes les mesures préconisées par la Commission de surendettement ne le sensibilisant pas pleinement contre les méfaits du crédit à la consommation. 207. Cette procédure est née de la loi n° 2003-710 du 1er Août 2003 dite « Loi Borloo » 181 En outre, un effacement partiel des dettes, voire, dans certains cas, un effacement total paraît excessif et démesuré. En effet, les dettes proviennent pour l’essentiel d’engagements contractuels ; or la philosophie même sur laquelle repose notre Droit des obligations conduit à respecter les obligations contractuelles, dès lors que le contrat est librement et valablement souscrit. Bien sur le Droit commun ne suffit pas à protéger le débiteur-consommateur contre des déséquilibres pouvant apparaître, rôle détenu par le Droit pénal de la consommation. En effet, la réglementation pénale du crédit à la consommation permet un certain respect de la loi par les professionnels et le système de protection est donc tout à fait effectif. Pourtant, les situations de surendettement sont très nombreuses en France et, pour y remédier, la méthode d’effacement des dettes ne permet pas de protéger réellement le consommateur. En effet, même si la situation même de surendettement affecte ce dernier, il faudrait qu’il puisse lui même, avec l’aide possible d’organismes compétents (tel que la Commission de surendettement), remédier à ses dépenses excessives. Par ailleurs, si le fléau du surendettement se développe autant, outre les caractéristiques d’une société de consommation de plus en plus pesante, cela peut également être du à un système pénal se revalant lacunaire. En effet, au fil de l’étude précédente de la réglementation du crédit à la consommation, nous avons pu voir que le législateur a essentiellement adopté des mesures curatives mais s’est montré plutôt laconique quant aux sanctions pénales, même si certaines demeurent assez dissuasives (comme l’amende en cas de défaut de mention du TAEG dans toute publicité). Les banques sont certes considérées comme victimes en cas d’effacement des dettes mais elles restent tout de même maitresses du jeu selon Anne Cathelineau-Roulaud208. En effet, ces dernières proposent bien souvent des taux excessifs de crédit à la consommation à leurs clients. « Cela contribue alors fréquemment à faire plonger ces derniers dans la spirale du surendettement ». En outre, même si une obligation d’information et de conseil pèse sur le prêteur, celle-ci n’est pas toujours pleinement effective, sachant qu’aucune sanction pénale n’est prévue. En outre, concernant l’obligation de vigilance du banquier, il ne dispose malheureusement d’aucun répertoire ou tout autre document qui viendrait l’informer des crédits en cours. Ainsi, l’évaluation de la situation financière de l’emprunteur passe par une coopération et 208. Anne Cathelineau-Roulaud, Banque et surendettement, Revue Contrats Concurrence Consommation Avril 2011, n°4, étude 6 p.2 182 une relation de confiance. Mais celles-ci peuvent très fréquemment faire défaut dans la mesure où la déclaration peut être erronée ou incomplète et la banque pourra l’ignorer si elle n’entretient pas de liens réguliers avec son client. En revanche, l’outil principal mis à disposition de la banque pour répondre à son obligation de vigilance est le FICP209. Il peut cependant s’avérer insuffisant dans la mesure où ce fichier concerne essentiellement les personnes ayant saisi la Commission de surendettement. Ainsi, les consommateurs utilisant par exemple la technique du rachat de crédit, afin d’échapper au surendettement210 ne sont pas pris en compte dans ce fichier, alors qu’ils mériteraient d’être mis en garde de façon assez vigoureuse. Par conséquent, l’outil FICP est un fichier dit « négatif » ne permettant pas réellement de sensibiliser l’emprunteur, à l’inverse d’un fichier dit « positif », qui recenserait pour chaque ménage l’encours de ses crédits à la consommation. Si ce type de fichier était retenu, les consommateurs pourraient davantage prendre conscience de l’étendue de leur endettement, puisque l’intégralité de leurs prêts y serait mentionnée211. Ainsi, des mesures de prévention accrues, des sanctions pénales plus lourdes et plus fréquentes et de plus amples outils permettant de vérifier la solvabilité d’un emprunteur seraient peut-être des moyens plus adéquats de pallier au surendettement et rendre le consommateur un peu plus responsable. Un autre obstacle engendre un certain recul de la protection pénale nationale, celui qui soumet le juge français aux dispositions communautaires. Section 3: La primauté du Droit communautaire, un obstacle pour la protection pénale nationale du consommateur Le principe de primauté du Droit communautaire a été consacré par l’Arrêt Costa contre ENEL de la CJCE du 15 juillet 1964212. L’apport de cet arrêt est primordial puisque la Cour va consacrer un principe non contenu dans les traités communautaires et pourtant fondamental puisqu’il signifie que la primauté bénéficie à toutes les normes 209. Fichier des Incidents de Paiements 210. G. Raymond, Analyse critique du projet de loi portant réforme au crédit à la consommation, Revue Contrats, Concurrence, Consommation 2009 n° 6 p.10 211. A.Gourio, La réforme du crédit à la consommation : JCP E 2010, 1675 212. Aff. 6/64 183 communautaires et s’exerce à l’encontre de toutes les normes nationales. Cette primauté exige une applicabilité immédiate, c’est à dire que le droit communautaire s’intègre de plein droit et en tant que tel dans l’ordre juridique interne des Etats membres. Ces derniers ne peuvent adopter des textes internes contraires au droit communautaire. Dès lors qu’un règlement ou une directive (après transposition) régit un domaine particulier, l’Etat membre, en fonction de l’harmonisation totale ou partielle, doit adapter sa législation interne. Cela peut poser de nombreuses difficultés dès lors que des dispositions internes préexistaient. Par exemple, en France, de nombreux textes prévoyaient une protection assez élevée du consommateur, bien avant que l’Union Européenne ne lui consacre des règlements et directives. La France a donc du adapter sa législation, et ce parfois au détriment du consommateur. Afin d’illustrer les conséquences de la primauté du droit communautaire sur le droit interne, nous avons décidé de choisir des exemples concernant plusieurs catégories d’infraction. Il s’agira en premier lieu de règles européennes causant dans certain cas un recul de la protection du consommateur en matière de conformité des produits (§1), en matière de méthode de distribution, notamment la vente à domicile (§2), mais également pour ce qui concerne la réglementation de certaines promotions des ventes par les prix (§3) §1. Les conséquences de la primauté européenne sur la protection du consommateur dans le domaine de la conformité des produits Un principe régi par le Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne peut, dans certains cas, créer un recul de la protection du consommateur en matière de conformité des produits. En effet, selon les dispositions combinées des articles 36 et 42 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (dénommé ci-après « TFUE »), les restrictions à l’importation ainsi que toutes mesures d’effet équivalent sont interdites entre les Etats membres. Si certaines restrictions sont cependant admises, notamment pour des raisons tenant à la protection de la santé publique, c’est à la condition que ces interdictions ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire, ni une restriction déguisée dans le commerce entre Etats membres. Dans le cas contraire, il appartient au juge répressif d’écarter les dispositions de droit interne. 184 Par exemple, en 1986, un importateur de gâteux et de fromages italien, un importateur de salades composées allemandes et un importateur de chocolats belges se sont vu reprocher cette mise sur le marché français car les produits contenaient de l’acide sorbique, n’entrant pas dans la liste des additifs autorisés de l’arrêté ministériel du 24 septembre 1971213. A cette époque, l’harmonisation entre les Etats membres n’étant que partielle, il était possible pour un Etat de justifier de cette interdiction au regard du dernier état de la recherche scientifique internationale et des habitudes alimentaire du pays. Il fallait également que cette interdiction ne soit pas absolue et puisse faire l’objet de dérogations éventuelles. En revanche, aujourd’hui, depuis les directives du 21 décembre 1988 et celle du 15 décembre 1994, l’harmonisation en la matière est totale. Ces directives prévoient les additifs utilisables et les denrées dans lesquelles elles peuvent être introduites. Il est donc interdit aux Etats membres de s’opposer à la circulation des produits conformes. La volonté communautaire d’éviter toute entrave à la libre circulation des marchandises est certes légitime et acceptable mais peut-elle se faire au détriment de la sécurité du consommateur ? S’il n’est pas contesté que les autorités communautaires sont soucieuses de la protection du consommateur, il est néanmoins certain que celle-ci ne peut être optimale en cas d’harmonisation totale de certaines règles, ne laissant aucune chance à l’Etat membre de pouvoir traiter de façon souveraine, la sécurité de ses consommateurs sur son territoire. Un autre exemple montre que la Chambre Criminelle n’hésite pas à écarter les textes de droit interne lorsqu’ils instituent une entrave aux échanges communautaires au sens de l’article 34 du TFUE, qui n’est justifiée par aucun des motifs de l’article 36 du TFUE. Ainsi, la Cour de Cassation a considéré qu’en réservant l’utilisation de qualité « montagne » aux seuls produits fabriqués en France à partir de matières premières françaises, la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne constitue une restriction quantitative à l’importation, prohibée par l’article 3 du TFUE214. Ainsi, les poursuites engagées pour fraude relatives à des étiquetages trompeurs sont impossibles, au nom du principe de libre circulation institué par l’Union Européenne. 213. Cass. Crim. 27 février 1995 214. Cass. Crim., 18 septembre 1997 185 §2. Les conséquences de la primauté européenne sur la protection du consommateur dans le domaine de la vente à domicile La proposition de directive du 8 octobre 2008 que nous avons précédemment citée lorsque nous évoquions les dispositions régissant la vente à domicile, malgré un certain nombre de dispositions favorables au consommateur, comporte également des dispositions bien moins protectrices que notre Droit français. En effet, la rédaction initiale de la proposition de directive remet en cause des pans entiers du Droit français de la consommation. Les dispositions relatives aux conditions de formation et d’exécution des contrats conclus en dehors des établissements commerciaux sont plus protectrices dans notre droit national. La rédaction de cette proposition induit la suppression de certains dispositifs légaux ou règlementaires nationaux, comme par exemple les règles de formation des contrats en matière de démarchage à domicile, certaines dispositions relatives aux obligations d’information précontractuelle dans le domaine de la vente à distance ou encore le dispositif relatif aux clauses illicites qui ne seraient pas reprises dans la liste « noire » figurant en annexe II de la directive. Sur ce point, la liste de douze « clauses noires » et dix « clauses grises » fixé par le décret du 18 mars 2009 est largement remis en cause par ce projet qui ne prévoit que cinq « clauses noires ». En outre, cette directive est d’harmonisation maximale, qui conduit ainsi le législateur européen à définir un niveau « plafond » de règlementation standard pour tous les Etats membres, qui ne pourrons maintenir ni définir, dans ce domaine, des règles différentes, qu’elles soient plus ou moins protectrices pour le consommateur. Ainsi, la protection des consommateurs, ayant déjà une dimension très ancrée au niveau européen, risque d’être encore moins traitée au niveau national, selon la souveraineté de chaque pays. On comprend tout à fait la nécessité d’une harmonisation entre les Etats membres, afin d’assurer une « protection européenne du consommateur » mais une harmonisation maximale de cette directive est très nettement défavorable pour notre droit de la consommation français. Mais outre cette directive, un autre obstacle pourrait intervenir prochainement, cette fois au niveau national, réduisant tout autant la protection du consommateur en matière de démarchage à domicile. En effet, un texte a été adopté en Assemblée Nationale, le 20 janvier 186 2010215, visant à « renforcer la protection des consommateurs en matière de vente à distance ». A première vue, ces dispositions ne s’inscrivent pas dans la vente à domicile mais une disposition, au sein de l’article 6 bis, prévoit que le premier alinéa de l’article L121-26 du Code de la Consommation, relatif à l’interdiction de collecter quelques paiements que ce soit avant le délai de rétractation, « ne s’applique pas à la vente de produits en réunion organisée par le vendeur à son domicile ou au domicile d’un consommateur ayant préalablement et expressément accepté que cette vente se déroule à son domicile. ». Bien sûr en cas de rétractation de la part de l’acheteur dans le délai, le vendeur est tenu de rembourser le consommateur, par tout moyen de paiement, de la totalité des sommes versées. Mais une telle disposition tend à réduire considérablement la protection du consommateur puisque l’interdiction actuelle de collecter ces paiements contribue à faciliter l’exercice du droit de rétractation pour le consommateur. En outre, un consommateur assistant à une sorte de « vente en réunion » peut facilement se laisser leurrer par un vendeur adoptant une méthode de distribution quelque peu agressive, forçant ainsi le consentement du consommateur qui achète un bien ou un service dont il n’en voit pas forcément l’utilité. Si le paiement est récolté par le professionnel, le consommateur pourrait alors se sentir nettement découragé pour faire valoir son droit de rétractation, sachant que la somme sera encaissée et qu’il devra attendre des semaines pour se la voir restituer. Comment le législateur français peut-il rédiger une telle disposition, constituant une réelle contrainte pour les consommateurs, au sein d’un texte lui-même intitulé « protection des consommateurs » ? Une telle contradiction demeure encore plus incompréhensible quand on sait que le Droit français se bat, notamment sur ce domaine, pour faire reconnaître son système consumériste très protecteur. §3. Les conséquences de la primauté européenne sur la protection du consommateur dans le domaine des promotions de vente et de certains procédés incitatifs Dans une décision du 14 janvier 2010216 la Cour de justice de l’Union Européenne a jugé que la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005, qui vise à uniformiser certains principes du 215. Proposition de loi visant à renforcer la protection des consommateurs en matière de vente à distance, Texte adopté n°395, 20 janvier 2010 216. CJCE 14 janv. 2010, aff. C-304/08 187 droit de la consommation dans l’Union Européenne, s’oppose à ce qu’une réglementation nationale puisse prévoir une interdiction de principe, sans tenir compte des circonstances spécifiques du cas d’espèce, des pratiques commerciales faisant dépendre la participation des consommateurs à un concours ou à un jeu promotionnel de l’acquisition d’un bien ou d’un service. Cet arrêt concernait les pratiques d’une entreprise allemande de vente au détail qui avait lancé une campagne promotionnelle consistant à accumuler des points grâce à l’achat de ses produits afin de pouvoir participer gratuitement à certains tirages de la loterie nationale allemande. Le juge allemand a saisi à titre préjudiciel la CJUE sur la question de la compatibilité des dispositions nationales allemandes avec la directive, dans la mesure où celles-ci prévoient une interdiction générale des concours et des jeux promotionnels avec obligation d’achat, au même titre que la législation française. Après avoir relevé que « des campagnes promotionnelles […] subordonnant la participation gratuite du consommateur à une loterie à l’achat d’une certaine quantité de biens ou de services […] constituent bien des pratiques commerciales » au sens de la directive, la CJUE énonce que « les Etats membres ne peuvent pas adopter des mesures plus restrictives que celles définies par ladite directive, même aux fins d’assurer un degré plus élevé de protection des consommateurs ». Or, l’annexe I de la directive comporte une liste exhaustive de 31 pratiques commerciales qui sont réputées déloyales « en toutes circonstances », parmi lesquelles ne figurent pas les pratiques associant l’acquisition de biens ou de services à la participation à un jeu concours. De telles pratiques ne peuvent donc pas être interdites sans qu’il soit déterminé, au cas par cas, si ce sont des pratiques trompeuses ou agressives « ne correspondant pas aux conditions d’une diligence professionnelle normale et susceptibles d’amener le consommateur moyen à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas pris autrement »217. Cet arrêt de la CJUE n’est pas isolé puisqu’il fait suite à un arrêt rendu le 23 avril 2009218, relatif aux ventes avec primes et aux ventes liées (« ventes conjointes »). Ces deux affaires concernaient, d’une part, l’offre faite par un distributeur de carburants d’offrir aux consommateurs trois semaines gratuites d’assistance au dépannage pour chaque plein d’au 217. Articles 5, 6,7, 8 et 9 de la Directive 2005/29/CE 218. Aff. C-261/07 et C-299/07 188 moins 25 litres de carburant, et d’autre part l’offre d’un hebdomadaire accompagné d’un carnet donnant droit à des remises dans certains magasins de lingerie. Saisie d’une question préjudicielle relative à la compatibilité du droit belge au regard du droit communautaire, la CJUE avait alors décidé que les dispositions de la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales s’opposaient à la prohibition par principe, sans analyse au cas par cas, des « ventes conjointes » en droit national de la consommation. La Cour y avait alors appliqué les principes selon lesquels les Etats membres ne peuvent pas adopter des mesures plus restrictives que celles définies par la directive, même aux fins d’assurer un degré plus élevé de protection. Les principes ainsi dégagés par la CJUE ont conduit la Cour d’Appel de Paris, dans un arrêt du 14 mai 2009, à remettre en cause le droit français en matière de ventes avec primes. Rappelons qu’en Droit français, la pratique des ventes avec primes est prohibée, à l’exception des ventes avec primes de faible valeur ne dépassant pas un certain seuil. La Cour d’appel de Paris était saisie d’une affaire dans laquelle il était reproché à France Telecom de subordonner l’accès à sa chaîne Orange Foot à la souscription d’un abonnement Internet haut débit Orange. La Cour a constaté que les offres subordonnées ne font pas parties de la liste exhaustive des pratiques commerciales déloyales figurant dans la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 et jugé que la pratique commerciale mise en cause n’était ni trompeuse ni agressive. Interprétant le Droit français à la lumière des prescriptions de la directive, selon lesquelles ce type de pratique doit être apprécié au cas par cas, la Cour a considéré que France Télécom n’avait pas commis d’infraction. Il est à noter que le même raisonnement a été repris par la suite dans une décision du Tribunal de Grande Instance de Bobigny du 15 mai 2009, à propos de la vente d’ordinateurs avec des logiciels préinstallés. L’application des principes dégagés par la CJUE est donc de nature à remettre en cause une partie du droit de la consommation français, en contraignant le juge à vérifier au cas par cas le caractère agressif et non diligent des campagnes de marketing litigieuses. Cette situation devrait permettre des pratiques auparavant exclues mais elle rend aussi plus subjective l’analyse des risques encourus, car l’appréciation du caractère agressif ou non d’une opération promotionnelle n’est pas nécessairement évidente. 189 Section 4 : Le rapport sur la dépénalisation de la vie des affaires, un projet menaçant la protection pénale du consommateur La garde des Sceaux, à l’époque Madame Rachida Dati avait donné mandat à Monsieur Jean-Marie Coulon, ancien premier président de la Cour d’Appel de Paris d’établir un rapport sur la dépénalisation de la vie des affaires afin « de limiter le risque pénal des entreprises et d’envisager des modes de régulation plus adaptés à la vie économique ». La Commission dite « Coulon » formée de plusieurs spécialistes de la question (magistrats, avocats, professeurs, etc.) s’est donc réunie autour de cette problématique. Mais quelles sont les véritables raisons d’une telle volonté de dépénalisation ? Pour la Garde des Sceaux, « une pénalisation excessive de la vie économique produit des effets pervers ». Il est clairement évoqué au sein même du rapport que cette dépénalisation est « une attente forte des acteurs économiques (...) du fait du caractère déstabilisant pour l’entreprise et ses dirigeants de la procédure pénale, son impact médiatique (...) » Ainsi, le but ici est plutôt de rassurer les entreprises, les dirigeants et en général tout professionnel contre les risques pénaux « excessifs ». La protection du consommateur n’a donc pas de place dans ce rapport, supplantée par les intérêts des entreprises. Le rapport souhaite donc apporter une véritable avancée au niveau pénal, notamment par une nouvelle configuration du champ pénal, nettement rétréci par ce projet (§1), amenant à la suppression de certaines infractions en Droit de la consommation (§2) §1. La volonté d’une nouvelle configuration du champ pénal Ce premier volet cherche à réduire l’espace pénal et limiter le périmètre des incriminations. Pour parvenir à cette nouvelle configuration, le groupe de travail préconise différents critères de « désincrimination » (I) ainsi que des mécanismes de substitution à la sanction pénale (II) et la mise en place d’infractions « dépénalisables » (III) I. Les critères de « désincrimination » Le rapport Coulon évoque une « désincrimination », c’est à dire une diminution de l’emprise du droit pénal sur la vie des affaires. 190 Cet objectif semble vouloir satisfaire les entreprises et sociétés françaises puisque dans le domaine du Droit de la consommation, ce caractère pénal ne gêne finalement que l’entreprise, par son caractère dissuasif et répressif. Pourquoi vouloir satisfaire ces acteurs économiques puissants et influents, plutôt que la partie faible de la vie économique, qui a davantage besoin de protection ? Le groupe de travail cherche alors à faciliter la vie des affaires, objectif certes légitime puisque les entreprises sont des acteurs économiques majeurs dans notre société et ce projet cherchera a instaurer un cadre juridique apaisant, une certaine sécurité juridique afin de « garantir les opérations des entreprises sur le marché ». Ce faisant, il semble constituer une véritable menace pour la protection pénale du consommateur. Afin de « désincriminer » les comportements, le rapport Coulon évoque deux critères. Le premier consiste à utiliser les statistiques des condamnations prononcées par les Tribunaux. En effet, « une sanction n’a de légitimité et d’efficacité que si elle est réellement appliquée par les Tribunaux. La faiblesse du nombre de condamnations ferait ainsi perdre à l’incrimination sa justification ... ». Heureusement, ce critère est remis en cause dans le rapport puisqu’il ne faut pas oublier la fonction dissuasive et préventive de certaines infractions. Les non transgressions de la loi peuvent aussi être la conséquence de l’existence même du texte incriminateur, de sa menace d’application, de son existence dissuasive. Une deuxième approche consiste à dépénaliser les infractions en concours, « c’est à dire les comportements déjà incriminés par d’autres qualifications, généralement tirées du Droit pénal commun ». Cette approche paraît cette fois plutôt légitime car elle permet de rendre le droit plus cohérent en limitant le nombre de qualifications redondantes. En outre, le comportement restera toujours incriminé, la sanction pénale toujours présente et il faudra identifier des périmètres de qualifications similaires. Le rapport Coulon évoque tout de même une difficulté pour ce mode de « désincrimination » puisqu’en général, lorsqu’il y a des redondances de qualifications, les sanctions par contre diffèrent entre elles et le principe « specialia generalibus dérogeant » n’a en outre plus vocation à s’appliquer compte tenu de la disparition de l’incrimination spéciale, sauf « dans une perspective de sécurité juridique, de poser de manière claire le principe de l’utilisation de l’infraction pénale spéciale et non de l’infraction général en cas de concours ». Mais cela présente un désavantage pour le caractère répressif de la sanction pénale puisque dans ce cas, l’utilisation de l’infraction disposant de la plus haute sanction n’est plus possible. 191 D’autres critères ont été proposés, tel que le critère de la gravité de l’intérêt protégé ou encore l’idée de seuil en dessous duquel certaines infractions pourraient être dépénalisées. En admettant que l’infraction dépénalisée, une sanction devra toujours accompagner l’acte répréhensible, qui cette fois ne sera pas pénale. Le rapport propose donc un certain nombre de mécanismes de substitution, peut être plus « pratiques » et plus rapides, mais à mon sens, faisant perdre une réelle crédibilité au droit des affaires II. Les mécanismes de substitution à la voie pénale Pour le groupe de travail, de nombreux mécanismes de substitution sont possibles : « civils ou administratifs, a priori ou a posteriori, existants ou à créer » Le rapport évoque par exemple les amendes civiles qui sont des sanctions pécuniaires prononcées par le juge civil à l’encontre d’une des parties, mais au profit du Trésor Public. On se demande ici où réside le caractère répressif d’une telle amende. Quelle serait la motivation pour un consommateur d’agir en justice (même si l’on connaît désormais les difficultés pour lui d’agir individuellement en justice) dès lors qu’aucun dommage et intérêts ne pourrait lui revenir. Le rapport évoque alors la mise en place de « dommages et intérêts punitifs, connus du Droit américain » ce qui transgresserait la frontière qui existe en France entre la sanction civile, compensatoire, et la sanction pénale, punitive. Ces dommages et intérêts auraient donc une finalité exclusivement répressive, parfaitement indifférente à la réparation d’un préjudice. Or, même si ce genre de dommages et intérêts peuvent permettre au droit (qui ne serait plus pénal), de garder une petite part de répression et de dissuasion, cette mise en œuvre paraît compromise en France, sachant que pour tout versement de dommages et intérêts, il faut un préjudice causé à la victime, qu’il appartient à l’auteur de réparer intégralement. Ainsi, ces dommages et intérêts octroyés à titre de sanction seraient donc dépourvus de cause au regard du droit positif, sauf à ce que ceux-ci soient versés à un fonds de garantie ou au Trésor Public mais dans ce cas, comme précédemment, le consommateur lésé le restera, même après le jugement. Le groupe de travail s’est également penché sur la possibilité d’instaurer des sanctions civiles contractuelles. Selon le rapport, il est plus facile de dépénaliser quand on est en 192 matière contractuelle et ce type de mode de substitution est « particulièrement approprié au droit de la consommation, essentiellement contractuel ou précontractuel. Il permet, par un mécanisme de clause pénale obligatoire, de sanctionner certaines pratiques des professionnels, dans l’intérêt du consommateur, sans recourir à une sanction pénale ». Le juge pourrait donc annuler le contrat contraire au droit de la consommation ou user d’autres mécanismes comme la déchéance du droit aux intérêts (Article L311-33 du Code de la consommation) ou l’inopposabilité d’une clause. Mais un consommateur qui, par exemple, n’a pas reçu sa marchandise commandée à distance, ne souhaite pas annuler le contrat mais la recevoir et pouvoir en jouir comme prévu et être indemnisé par rapport au préjudice subi. Comment peut on penser qu’une simple nullité ou une clause inopposable peut satisfaire les consommateurs lésés d’un comportement illicite de la part d’un professionnel ? Enfin, le rapport évoque un dernier mode de substitution aux sanctions pénales applicables au Droit de la consommation. Il s’agit des injonctions administratives, qui joueraient ici plutôt un rôle d’alerte que de sanction, « destinés à favoriser une solution négociée, à tout le moins éviter une sanction » Ainsi, dans le cadre de leur pouvoir administratif, le rapport propose que les agents de la DGCCRF puissent enjoindre au professionnel de se conformer à la réglementation du Code de la consommation « dans un délai raisonnable ou de faire cesser des agissements illicites ou abusifs » Cette possibilité existe déjà au sein de l’article L141-1 du Code de la consommation et le rapport préconise d’étendre cette procédure d’avertissement à l’ensemble des dispositions consuméristes. Cette possibilité comporte de nombreux avantages puisque les mesures de préventions, en Droit de la consommation sont sans aucun doute utiles, essentiellement lorsqu’elles sont assorties de sanctions dissuasives. En effet, comment des mesures peuvent être réellement préventives et dissuasives si le professionnel n’encourt aucun risque réel et sérieux ? Afin de mettre en œuvre ces sanctions, le groupe de travail évoque la possibilité de sanctions administratives prononcées tantôt par les services de l’Etat, tantôt par les Autorités administratives indépendantes. Mais en Droit de la consommation comme en d’autres domaines, le fait de « basculer un contentieux du juge pénal vers le juge administratif » produirait un dualisme juridictionnel trop complexe et le droit pénal est certainement plus à même de sanctionner un professionnel plutôt qu’un juge administratif. 193 Outre cette volonté de refonte du champ pénal, le rapport Coulon préconise également la suppression de certaines infractions en Droit pénal de la consommation, ce qui nous semble présenter des effets assez pervers et négatifs. §2. Les infractions « dépénalisables » en Droit de la consommation Au sein de ce rapport sont expliqués la méthode envisagée et les justifications de cette dépénalisation (I), pour ensuite faire état, sous forme de tableau, des infractions que le groupe de travail souhaite supprimer ou modifier (II) I. La méthode envisagée et les justifications de la dépénalisation de certaines infractions consuméristes Rappelons tout d’abord que le rapport précise que « dépénaliser le Droit de la consommation doit être limité d’une part par le caractère d’ordre public de certaines valeurs protégées (ordre public économique, protection des plus faibles dans les échanges économiques, santé publique) et d’autre part par la possibilité de mettre en place des mesures d’ordre public efficace » Ainsi, le groupe de travail s’est rendu compte de l’importance du Droit pénal de la consommation, notamment pour protéger « le faible contre le fort » et n’à finalement préconisé que la suppression d’un nombre restreint d’infractions. En dépit de ce nombre relativement faible, il nous semble que la protection pénale du consommateur serait compromise. En effet, même si dans les domaines touchant à la sécurité ou à la santé des consommateurs, ou bien en présence de pratiques commerciales frauduleuses agressives ou abusives, secteurs dans lesquels la suppression de la sanction pénale n’est pas envisagée, la remise en cause d’autres dispositions pénales peut être de nature à altèrer de façon significative la crédibilité du Droit pénal de la consommation. Selon le raisonnement du groupe de travail de la Commission Coulon, il est envisageable de dépénaliser certaines obligations incombant aux professionnels dès lors que l’une des conditions suivantes est satisfaite : Tout d’abord « si le respect de l’obligation est susceptible d’être assurée de manière aussi efficiente par des dispositions administratives, si la violation de l’obligation est peu poursuivie devant les juridictions répressives et si 194 l’obligation instaure un formalisme contractuel ou précontractuel pouvant être sanctionné civilement (...) » Ces critères semblent complètement hors de propos s’agissant de la protection du consommateur. Ici, contrairement aux autres domaines du rapport Coulon (comme le droit des sociétés et le droit de la concurrence), la protection du consommateur est primordiale. Il existe un déséquilibre significatif entre les parties au contrat que seul le Droit pénal de la consommation peut tenter de rétablir, notamment par son caractère dissuasif et répressif. Comment peut on envisager une sanction purement civile pour contraindre le professionnel à respecter ses obligations ? En outre, comme nous l’avons dit précédemment, la suppression des infractions « peu poursuivis devant les juridictions répressives » paraît peu pertinente puisque, rappelons-le, le but du droit pénal, outre le fait de punir, est également de prévenir. Ainsi, certaines dispositions assorties de sanctions pénales élevées permettent dans certains cas d’influer positivement le professionnel, afin qu’il respecte ses obligations. C’est d’ailleurs tout le sens des délits obstacles étudiés précédemment et pour lesquels personne ne songe à leur remise en cause. Le législateur ne peut, sous prétexte qu’on ne rencontre pas souvent ce genre de comportement devant les Tribunaux, supprimer les sanctions pénales. En outre, pourquoi dépénaliser ce genre de comportement si justement ce genre d’infractions n’encombre pas les tribunaux et la justice ? On peut donc voir par là une volonté manifeste de privilégier les exigences des entreprises, beaucoup plus influentes qu’un « petit consommateur moyen » mais ayant besoin pourtant de beaucoup plus de protection que n’importe quel acteur de la vie économique. II. La liste établie par le groupe de travail des infractions devant être dépénalisées Selon le rapport Coulon, la dépénalisation envisageable porte sur plusieurs infractions. Le tableau évoque dans un premier temps les délits (A), pour ensuite traiter des contraventions (B). A. Les délits Tout d’abord, les fraudes à l’AOC dont la sanction est de deux ans d’emprisonnement et de 37 500 euros d’amende pourraient être dépénalisées car une sanction civile permet d’agir (notamment les actions en interdiction d’usage ou de mention prévue aux articles L115-8 et L115-9 du Code de la consommation). Une sanction civile prenant la forme d’une nullité de 195 plein droit de la vente pourrait être prévue. Mais dans ce cas le professionnel ne sera absolument pas puni pour ces agissements comme le ferai le droit pénal et une suppression ou une nullité de la vente n’apparaît absolument pas comme dissuasive. En outre, le rapport prévoit que les cas les plus graves sont susceptibles d’être poursuivis sur le fondement de la tromperie mais il paraît complexe d’apprécier les cas les plus grave. Quels critères prendre en compte ? La seule violation ou fraudes à l’AOC n’est-il pas déjà « grave » en lui même ? Le rapport préconise également la dépénalisation de la publicité comparative illicite. En effet, nous avons vu précédemment qu’une telle publicité est sanctionnée sur le fondement des pratiques commerciales trompeuses, c’est à dire à hauteur de deux ans d’emprisonnement et de 37 500 euros d’amende219. La raison de ce projet de dépénalisation concerne l’existence de l’action civile en cessation d’agissement illicite ou l’action fondée sur l’article 1382 du Code civil. Ici encore, une sanction civile peut apparaitre dérisoire pour dissuader réellement le professionnel. En outre, la répression pénale de la publicité comparative illicite est essentielle, celle-ci visant non seulement les consommateurs mais également les concurrents de l’annonceur. Ainsi, la suppression d’une sanction pénale pour ce genre d’infraction risquerait de développer un genre de publicité comparative « à tout va », créant un contexte croissant de concurrence déloyale et de fausses informations pour le consommateur. En outre, le rapport évoque la possibilité de dépénaliser l’infraction de loterie publicitaire illicite. Cette infraction serait alors remplacée par les incriminations relatives à la publicité trompeuse et à l’escroquerie. Le rapport évoque également la redondance avec la sanction pénale prévue par la loi de 1836 prohibant les loteries qui exigent une contrepartie financière. Mais la réglementation des loteries publicitaires est à distinguer de ces dernières puisqu’elles prévoient des sanctions pénales relatives aux loteries publicitaires sans obligation d’achat, qui peut également se révéler trompeuses, comme étudiée lors de la première partie. Concernant l’abus de faiblesse, le rapport préconise non pas une dépénalisation mais l’instauration d’un délit général d’abus de faiblesse. En effet, nous avons vu lors de la 219. La sanction peut également être constitué de 50% des dépenses engagées pour la publicité illicite 196 première partie que cette infraction est prévue par le Code de la consommation et par le Code pénal et que les sanctions diffèrent. Ainsi, par souci de cohérence il conviendrait d’instaurer les mêmes peines, le rapport prévoyant de s’aligner sur les dispositions du Code pénal, à savoir une amende de 375 000 euros et 3 ans d’emprisonnement. Cet aménagement paraît légitime, permettant une plus grande clarté des dispositions relatives à l’abus de faiblesse. B. Les contraventions Ici, le rapport Coulon vise dans un premiers temps les ventes avec primes. Pour le groupe de travail, la sanction pénale devrait être remplacée par la création d’une sanction civile, notamment la nullité du contrat. Ce projet semble présenter certains avantages, sachant que le législateur français, comme nous l’avons évoqué est venu au fil des réformes, réduire de plus en plus les sanctions des ventes avec primes, rendant cette infraction la moins répressive du Code de la consommation. En outre, le rapport désire dépénaliser les différentes infractions relatives au respect du formalisme en matière d’offre préalable de crédit. Or, il peut paraître assez délicat de vouloir dépénaliser cette infraction car même si la sanction est assez faible (une amende de 1 500 euros), le fait de la supprimer pour ne conserver que les sanctions civiles (déchéance du droit aux intérêts et action en cessation d’agissement illicite pour les associations de consommateurs) paraît encore moins importante. Cette disposition est pourtant essentielle en matière de crédit à la consommation car elle permet au consommateur d’avoir toutes les informations précontractuelles en main et de savoir exactement ce à quoi il s’engage. Le surendettement en France est bien trop important pour négliger de telles dispositions pénales. Une dernière disposition est visée par le groupe de travail. Il s’agit des contraventions en matière de vente à distance. Cette volonté paraît difficile à comprendre quand on connaît le nombre de problèmes liés à la vente à distance. Le législateur a mis en place un dispositif pénal pour encadrer au mieux le consommateur ; or la Commission Coulon préconise de supprimer toute condamnation, se contentant des sanctions de nullité de plein droit. Ici encore nous revenons au même raisonnement, à savoir la volonté du consommateur lésé de 197 ne pas rompre le contrat mais de se voir restituer son bien commandé, accompagné d’un dédommagement, voir d’un versement de dommages et intérêts en cas de préjudice. En outre, ces choix sont contestables, dans la mesure où il s'agit de domaines où les plaintes de consommateurs sont nombreuses, malgré un nombre de condamnations relativement faible. Pour la vente à distance, il est important de sécuriser le consommateur qui a recours à ce mode de commercialisation de produits et de services. Il en va notamment de la poursuite du développement du commerce en ligne. Pour cela, le consommateur doit, avant la conclusion du contrat, être assuré de la fiabilité de l'offre commerciale qui lui est faite. Or, sur ce point, le simple renforcement du dispositif de nullité du contrat ne semble pas susceptible de garantir la bonne application des règles existantes220. Par conséquent, ce rapport sur la dépénalisation de la vie des affaires n’est absolument pas favorable à la protection du consommateur. Toujours selon Ph. Guillermin (cf. note 1.), pour qui la voie pénale reste la procédure des victimes : « elle permet en effet à ces dernières de faire valoir leurs droits en se constituant partie civile et par conséquent, d'obtenir une réparation du préjudice subi. Ce qui n'est pas le cas de la voie civile, au titre de laquelle les consommateurs ne pourront obtenir de dommages et intérêts que sur le fondement d'une décision rendue par un juge civil et après avoir intenté eux mêmes une action en justice. Or, quand bien même le préjudice subi se révèlerait conséquent, il s'agit là d'une démarche que peu de consommateurs individuels sont enclins à mener, compte tenu du sentiment de complexité qu'ils éprouvent face à la procédure civile, mais en raison, également, des coûts auxquels ils s'exposent le cas échéant ». Outre cette réalité judiciaire et économique parfois décevante et cette menace de dépénalisation projetée, l’on peut constater également une insuffisance en France des modes alternatifs de règlement des conflits. 220. « Droit de la consommation, l’absence d’une véritable alternative à la voie pénale » Ph. Guillermin, AJ Pénal 2008, p. 73 198 CHAPITRE II : LES MODES ALTERNATIFS DE RÈGLEMENT DES CONFLITS INSSUFISAMMENT DÉVELOPPÉS EN FRANCE La difficulté d’agir en justice pour le consommateur peut se résoudre dans certains cas par la saisie d’un mode alternatif de règlement des conflits. En effet, ces moyens non juridictionnels permettent de régler un différend de manière plus souple et plus rapide, même si cette solution comporte quelques inconvénients. Nous allons donc étudier les principaux modes de alternatifs de règlement des litiges, l’usage de l’adjectif « principal » n’entend pas établir une hiérarchie entre ces modes de résolution des conflits, mais doit plutôt s’entendre des modes les plus usuels, les plus connus du public, comme la conciliation (Section 1), la médiation (Section 2) et l’arbitrage (Section 3). Section 1 : La conciliation La conciliation est le mode alternatif consistant à faire intervenir un tiers, le conciliateur, qui, après avoir écouté les parties et analysé leur point de vue, propose une solution pour régler leur conflit. La conciliation laisse transparaître naturellement la liberté des parties qui peuvent l’accepter ou la refuser. Le champ d’application de la conciliation est assez restreint (§1) et la procédure assez simple (§2). §1. Le champ d’application de la conciliation La conciliation ne peut intervenir que dans les conflits portant sur les droits dont les parties ont la libre disposition. En conséquence, elle ne peut en aucune manière traiter des questions qui relèvent de l’état des personnes, notamment l’état civil, le droit de la famille etc. qui relève exclusivement de la compétence des Tribunaux. Il en est de même des litiges avec l’Administration qui ressortent de la compétence du médiateur de la République. En réalité, la conciliation a une marge de manœuvre plutôt faible puisque elle se contente de rapprocher les parties de façon à ce qu’elles trouvent elles-mêmes la solution à leur litige. Cette conciliation peut être imposée dans un contrat de consommation puisque certaines clauses prévoient, en cas de litige, le recours à un conciliateur. En revanche, il ne faut pas que cette clause présente la conciliation comme le substitut de l’action en justice, une telle 199 disposition contractuelle serait déclarée abusive aux termes de l’article L132-1 du Code de la consommation et donc nulle. §2. La procédure de conciliation Il faut désigner et saisir le conciliateur (I), avant que le déroulement de la procédure ne commence (II) I. La désignation et la saisine du conciliateur Le conciliateur peut être désigné par le juge ou par les parties. En pratique et généralement, il est nommé par le juge, avec l’accord des parties. L’ordonnance de désignation fixe également le ressort territorial dans lequel les conciliateurs doivent exercer leur fonction et la durée de leur mission. Le conciliateur peut également être désigné par les parties en dehors de toute intervention du juge. C’est le cas lorsque la conciliation est proposée et acceptée par les parties après des négociations infructueuses. Dans cette hypothèse, le conciliateur est rémunéré par les deux parties et ses honoraires sont validés par le juge. II. Le déroulement de la procédure Lorsque les parties se retrouvent devant le conciliateur, celui-ci les écoute successivement et tente par un débat organisé de les emmener à dégager elles-mêmes la solution idoine. La procédure de conciliation est respectueuse du principe du contradictoire et de celui de l’égalité. En outre, elle obéit à la confidentialité des débats. Par ailleurs, le conciliateur, agissant quasiment comme un juge ou en arbitre, se soumet au principe d’impartialité et de neutralité. Dans l’hypothèse d’une conciliation réussie, le conciliateur dresse obligatoirement ou facultativement un constat d’accord. Celui-ci est établi en autant d’exemplaires que de parties et signé par les parties et le conciliateur. Un exemplaire de cet accord est transmis au juge qui y appose obligatoirement ou facultativement la formule exécutoire. Dès lors, le constat d’accord ou protocole d’accord acquiert valeur de jugement. En cas d’échec de la conciliation, les parties peuvent choisir une autre voie alternative, ou se tourner vers le juge qui tranchera leur litige, conformément au droit. 200 Il paraît assez naïf de penser que la conciliation, ayant des compétences assez réduites puisqu’elle se contente de rapprocher les parties, puisse souvent régler un conflit. En général, elle constitue plutôt une sorte de préalable à un procès. Mais il existe un autre mode de règlement des conflits, qui présente des enjeux et des intérêts bien plus important et qui mériterait d’être beaucoup plus développé en France : il s’agit de la médiation. Section 2 : La médiation La médiation est un mode alternatif de résolution des conflits basé sur l’intervention d’un tiers neutre, le médiateur, dont le rôle est de rapprocher les parties en conflit, avec leur consentement, et de les aider à trouver une solution satisfaisante et équitable sans jamais les obliger en rien. Ainsi, les parties résolvent elles-mêmes leur différend en parvenant à un accord, avec le concours d’un tiers indépendant auquel elles se sont adressées. La principale différence avec la conciliation réside en l’analyse juridique très précise donnée par le médiateur et une proposition de solution. Autrement dit, le médiateur propose la solution la mieux adaptée alors que le conciliateur se borne à œuvrer au rapprochement des parties. Ainsi, la médiation est un moyen d’être assisté par un tiers qui promeut la liberté de décision des parties à un conflit, ce qui en fait un mode privilégié de règlement des litiges dont il convient d’étudier le champ d’application (§1), ses différents modes de recours (§2) puis le mode de désignation de l’arbitre (§3) §1. Le champ d’application de la procédure de médiation Le champ d’application de la médiation est très vaste puisqu’elle intervient quasiment dans les conflits de toute nature, dans toutes les branches du Droit. D’une manière générale, la médiation s’applique partout où il existe une relation contractuelle. Depuis un peu plus de vingt ans, il s’est développé une quantité d’organe de médiation et de conciliation dans de très nombreux secteurs : la Poste, La SNCF, les banques et assurances, l’énergie, la vente par correspondance et par internet, la vente à domicile, etc. Par exemple, la Commission de Médiation de la vente directe, mis en place en 1995 par la Fédération de la Vente Directe a permis de moraliser le monde de la vente à domicile, de distinguer les sociétés sérieuses et les « charlatans », permettant également de régler les conflits entre 201 professionnels et consommateur de manière non juridictionnelle, par un médiateur neutre et impartial. Ce mode de règlement des conflits satisfait à la fois les particuliers et les professionnels puisque le médiateur, en plus d’aider les parties à communiquer et négocier de façon plus efficace, propose une solution mutuellement satisfaisante. En outre, le médiateur n'ayant pas de pouvoir décisionnel, la solution proposée aux parties n’est pas obligatoire et chacune d’elles peut se retirer de la procédure à tout moment. Ainsi, ce mode de règlement des conflits présente de nombreux avantages puisqu’il est très flexible, son champ d’application est très large et il permet aux parties de garder une emprise sur leur décision. §2. Les différents modes de recours à la médiation On peut recourir à la médiation de deux manières : soit en anticipant le litige, par une clause de médiation (I) ; soit en réglant un litige existant, par un accord de médiation (II). En outre, il existe également une médiation judiciaire, prévue par le juge (III) I. La clause de médiation La clause de médiation est insérée dans le contrat initial des parties pour prévenir d’un litige. C’est une disposition du contrat qui stipule que les parties envisagent, au moment de la conclusion du contrat, qu’en cas de conflit né de l’exécution du présent contrat, elles choisiraient la voie de la médiation au lieu d’un recours judiciaire. Une telle stipulation qui lie la volonté des parties pour l’avenir doit être expresse et émaner du consentement mutuel des parties au contrat. Mais ce genre de clause, tout comme les clauses de conciliation, n’excluent en aucun cas l’absence de recours en justice. En effet, si le consommateur n’est pas convaincu de la solution proposée, libre à lui d’intenter une action en justice. II. L’accord de médiation Dans les situations conflictuelles, les parties qui désirent saisir un médiateur aux fins de lui soumettre leur litige peuvent conclure un accord de médiation. L’accord de médiation nécessite le libre consentement des parties qui ont la capacité de décider. La médiation vise un accord durable fondé sur l’engagement et la qualité relationnelle. Les parties prévoient 202 dans cet accord le choix du médiateur et les obligations réciproques qui les lient. Elles définissent avec précision la mission du médiateur et éventuellement la durée de la médiation. Il en est de même des responsabilités encourues par les parties dans l’hypothèse de rupture anticipée de la médiation. L’accord de médiation peut être judiciarisé, c'est-à-dire homologué par un juge ou non judiciarisé, écrit sous forme juridique. Dans tous les cas, avant de débuter toute procédure, un médiateur doit être désigné soit par les parties, soit par le juge. III. La médiation judiciaire Si la procédure de médiation peut être ouverte à l’initiative des parties, soit par une clause, soit par un accord, il est également possible que l’initiative soit prise par un juge, que ce soit au niveau civil, où le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’avis des parties, désigner une tierce personne pour procéder à une médiation221 mais également sur le plan pénal. Dans ce cas, le Procureur de la République, avant même de décider d’une possible ouverture de l’action publique, avec l’accord des parties, peut faire procéder à une action de médiation entre l’auteur des faits et la victime222. Cette possibilité offerte au juge est assez intéressante puisqu’elle permet de désengorger les Tribunaux, en offrant une alternative aux poursuites et une véritable expertise juridique aux parties puisque le médiateur est en général un expert du domaine du conflit (contrairement aux juges qui ne sont pas tous spécialisés dans des domaines parfois très techniques). §3. La désignation de l’arbitre Que ce soit dans la clause de médiation ou dans l’accord, le médiateur est librement désigné par les parties mais son mode de désignation varie selon que la médiation est contractuelle (I) ou judiciaire (II). Le rôle du médiateur reste cependant le même (III) 221. Articles 131-1 à 131-5 du Code de procédure civile 222. Article 41-1 du Code de procédure pénale 203 I. La désignation de l’arbitre lors d’une médiation contractuelle Le choix du médiateur dans la clause de médiation apparait comme générique. Il est rarement envisagé en tant que personne physique. Dans cette clause, le médiateur est presque toujours une personne morale, c’est à dire une société, une association, une chambre de commerce ou syndicale. Le médiateur peut également être désigné dans l’accord de médiation qui intervient à la naissance du conflit. Dans cet accord qui cristallise une situation de fait réelle, les parties peuvent nommément désigner une personne physique qu’elles investissent comme médiateur. II. La désignation de l’arbitre lors d’une médiation judiciaire Dans cette forme de médiation, les parties n’ont pas la maitrise du règlement de leur conflit. La médiation judiciaire suppose que les parties aient choisi la voie judiciaire et la loi offre la possibilité au juge de proposer au cours de l’instance une médiation. Si elle est acceptée par les parties, le juge rend une ordonnance de médiation et désigne un médiateur. Le médiateur judiciaire est donc nommé par le juge dans l’ordonnance de médiation qui détermine l’étendue et la durée de sa mission. Le médiateur judiciaire, bien qu’investi par le juge, exerce son activité, sa mission en toute indépendance, de manière impartiale et neutre à l’instar du médiateur conventionnel. §4. Le rôle du médiateur Le mode de désignation n’influe aucunement sur la façon d’accomplir la mission du médiateur, qu’il ait été désigné conventionnellement ou judiciairement. Ainsi, dans tous les cas, le rôle du médiateur est le même ; il tente de trouver une solution en faisant une analyse juridique mais ne juge pas les parties et ne se substitue pas aux tribunaux, la solution ne s’imposant aucunement aux parties. En effet, le but n’est pas de résoudre un litige selon les règles de droit mais d’aboutir à un accord entre les parties. Le médiateur intervient alors pour faciliter une relation ou la compréhension d’une situation conflictuelle et laisse les parties seules décisionnaires de l’accord qui résultera de leur discussion. 204 La médiation ne consiste pas à instruire, mais à offrir aux parties la possibilité de comprendre quels sont des intérêts en présence et de les concilier, en proposant une solution judicieuse et créative, adaptée à leur besoin. Dans l’accomplissement de sa mission, le médiateur encourt naturellement une responsabilité. Celle-ci ne peut être que contractuelle puisqu’il tient sa mission d’un contrat. Il pèse sur lui une obligation de moyen, c'est-à-dire qu’il doit respecter avec conscience, dans l’exercice de sa mission, les règles de l’art et l’étique de la profession. Il n’est donc pas soumis à une obligation de résultat, ce qui l’obligerait à trouver coûte que coûte la solution voulue par les parties, c’est-à-dire le règlement du litige. Lorsque les parties parviennent à trouver un accord, le litige est aussitôt résolu. En revanche, dans l’hypothèse où aucun accord n’a pu être trouvé, les parties peuvent soit se diriger vers un autre médiateur ou choisir la voie judiciaire pour la résolution du conflit qui les oppose. Elles peuvent également, au moment de s’engager dans la voie de la médiation ou par une convention préalable, prévenir que si le médiateur ne parvient pas à faire émerger une solution, celui-ci peut se transformer en arbitre pour trancher le litige. Cette pratique qui combine l’arbitrage et la médiation s’est développée aux États-Unis et prend la dénomination de Med-Arb. En France, il existe des médiateurs dans tous les domaines mais dès lors qu’ils appartiennent à une société partie au litige, la question de l’impartialité peut légitimement se poser. L’idéal pour les consommateurs est la création de centres de médiation ou organes de médiation qui sont des instances paritaires dans lesquelles coexistent des représentants de professionnels et de consommateurs. Ce type de centre de médiation est fortement recommandé par la Commission Européenne mais malheureusement, il n’en existe que deux en France. Elles concernent les voyages linguistiques et la vente directe223 ; Il serait dès lors très utile de développer ce mode de règlement des conflits par le biais d’organes paritaires, permettant alors aux consommateurs de faire valoir ses droits autrement que par le mode judiciaire, bien trop inaccessible pour lui. Outre les deux modes de règlement des litiges que nous venons d’étudier, il existe une autre forme qui diffère en de nombreux points avec la conciliation et la médiation. 223. La création de cette Commission paritaire de médiation a permis de faire progresser les ventes directes de 10% à 12% entre 2000 et 2008 205 Section 3 : L’arbitrage Ici, la différence la plus importante avec la conciliation et la médiation réside dans le caractère obligatoire de la décision de l’arbitre. En effet, l’arbitrage consiste à porter volontairement un litige, hors des tribunaux, devant des arbitres en charge de régler le litige. Mais les arbitres, en plus d’entendre les parties et d’analyser le conflit, statuent en rendant un jugement, appelée la sentence arbitrale, qui s’impose aux parties. Il ne s’agit donc plus d’un simple rapprochement de partie comme dans la procédure de conciliation, ou d’une proposition de solution comme la médiation. Ici, la sentence est obligatoire et revêt même de l’autorité de la chose jugée224. Par la suite, la sentence pourra même bénéficier de la forme exécutoire, sollicitée auprès d’un Tribunal de Grande Instance225. Il existe deux formes d’arbitrage, la clause compromissoire (§1), insérée dans un contrat pour prévenir d’un litige mais qui est strictement encadrée puisqu’elle apparaît assez dangereuse pour le consommateur et le compromis d’arbitrage dont la réglementation est beaucoup plus souple (§2) §1. La clause compromissoire Cette clause, insérée dans un contrat, sert à prévenir un litige puisqu’elle permet de porter devant un ou plusieurs arbitres les litiges qui pourraient éventuellement naître du contrat. Le système est donc le même que pour la médiation contractuelle. En revanche, du fait du caractère obligatoire de la sentence de l’arbitre, ce type de clause peut se révéler dangereux pour le consommateur et elle est donc déclarée nulle dès lors qu’elle est insérée dans un contrat entre professionnels et consommateurs226. Cette interdiction entend protéger le consommateur puisqu’une telle clause insérée dans un contrat risque d’être signée sans que le consommateur sache réellement ce à quoi il s’engage, notamment la portée exacte de cette disposition au moment de la conclusion du contrat227. D’autant plus que rares sont les acheteurs qui lisent l’intégralité de leur contrat de vente ou les conditions générales de vente d’un site internet. 224. Article 1476 du Code civil 225. Article 1477 du Code civil 226. La clause compromissoire « est valable dans les contrats conclu à raison d’une activité professionnelle » Article 2061 du Code civil. 227. Droit de la Consommation Jean Calais-Auloy et Henri Temple, Précis Dalloz, 8ème édition, page 619 206 De ce fait, la clause compromissoire est déclarée abusive par la Commission des clauses abusives et l’article L132-1 du Code de la consommation prévoit qu’une telle clause, quand elle est stipulée dans un contrat entre un professionnel et un consommateur est abusive, donc nulle228. Cependant, la Cour de Cassation a considéré que l’article 2061 du Code civil qui prévoit que seul les contrats entre professionnels peuvent contenir ce genre de clause n’était pas applicable aux litiges internationaux. Ainsi, la clause compromissoire est licite dans les contrats transfrontaliers, même si l’une des parties est un consommateur. Ce point de vue semble assez étrange puisqu’une telle clause n’est pas moins dangereuse en raison du caractère international du contrat. En outre, dès lors que le contrat en conclu dans une langue étrangère, cette clause peut paraître encore plus dommageable pour le consommateur qui peu ne pas comprendre la langue. Il existe une autre forme d’arbitrage beaucoup moins dangereuse pour le consommateur puisqu’elle n’est pas prévue à l’avance. §2. Le compromis d’arbitrage Le compromis d’arbitrage intervient dès la naissance du litige, les parties décident alors de faire trancher celui-ci par un ou plusieurs arbitres. Il faut bien évidemment l’accord des deux parties, rendant alors ce compromis moins dangereux que la clause compromissoire puisque l’engagement du consommateur ne peut pas, dans ce cas, être irréfléchi. Ainsi, ce compromis est valable quelle que soit la qualité des contractants229. Ce mode alternatif de règlement des conflits présente des avantages comme la spécialité et l’expertise de certains arbitres, la discrétion et la confidentialité du jugement. Pour les litiges transfrontaliers, l’arbitrage permet également d’éviter les conflits de loi et de juridiction. En outre, une disposition assez originale permet aux parties de demander à l’arbitre de statuer en « amiable compositeur » ce qui signifie que le tribunal arbitral n’est pas obligé de 228. Ce type de clause est inséré dans la liste grise de l’article R132-1 du Code de la consommation, qui est donc présumée abusive et donc réputée non écrite (à la différence des clauses noires, qui rendent le contrat entièrement nul). 229. Article 2059 du Code civil 207 s’appuyer sur le corpus des règles légales, il peut statuer en équité et sa sentence ne sera pas critiquable même si elle ne se fonde pas sur un texte de loi. Néanmoins, l’arbitrage présente de nombreux inconvénients, notamment pour le consommateur puisque cette procédure engendre un coût considérable et le prononcé du jugement peut s’avérer extrêmement long. En effet, si l’arbitrage est institutionnel, c’est à dire exercé auprès d’un centre d’arbitrage qui a ses propres règles, la procédure peut aller très vite. En revanche, et c’est souvent le cas, l’arbitrage peut être initié librement par les parties, c’est à dire un arbitrage ad hoc, où les parties désignent elles mêmes les arbitres. Dès lors il est assez facile de prolonger considérablement la procédure puisque chaque partie peut faire appel de la désignation de l’arbitre de la partie adverse ou celle du troisième arbitre. Il est également possible de faire appel parce qu’une des parties n’est pas d’accord avec le règlement d’arbitrage. Ainsi, une personne de mauvaise foi peut user de manœuvres déloyales et faire durer la procédure plusieurs années, entrainant, bien sur, un coût considérable et un certain découragement pour l’autre partie, surtout si c’est un consommateur. Ainsi, le compromis d’arbitrage est assez peu utilisé en France, les professionnels et les consommateurs préférant souvent une procédure plus souple, comme la médiation par exemple. Encore faudrait-il que cette dernière soit plus développée en France, afin d’éviter de recourir systématiquement aux Tribunaux pour régler de petits conflits. En revanche, il paraît assez intéressant de développer d’avantage le compromis d’arbitrage pour les litiges transfrontaliers puisque ce mode de règlement est intéressant pour le consommateur qui ne souhaite pas, en général, engager une action en justice dès lors que le conflit est international, rendant la procédure encore plus compliquée qu’elle ne l’est en droit interne. S’ajoutant à cette insuffisance de développement des modes alternatifs de règlement des conflits, force est de constater que si les structures associatives françaises sont diverses et nombreuses, elles n’en demeurent pas moins dépourvues de pouvoirs réellement effectifs. 208 CHAPITRE III : DES STRUCTURES ASSOCIATIVES NOMBREUSES MAIS DÉPOURVUES DE POUVOIRS RÉELLEMENT EFFECTIFS. Outre l’existence de nombreuses structures institutionnelles en France, telle que l’Institut National de la Consommation, le Conseil National de la Consommation ou encore le rôle accru de la DGCCRF, il existe également de nombreuses associations de consommateurs. Ces dernières, malgré un réel manque de moyens, de pouvoir et d’action, exercent une vraie influence en matière de consommation et jouent un rôle non négligeable à de nombreux points de vue. En France, il existe une grande diversité d’association (Section 1), qui peuvent agir en justice grâce à deux type d’actions (Section 2) mais ces dernières se révèlent insuffisantes pour protéger réellement le consommateur et faire valoir ses droit en justice (Section 3) Section 1 : Une grande diversité associative limitée par la procédure d’agrément L’organisation des consommateurs est une réalité assez récente, même si des revendications, plus ou moins isolés avaient pu apparaître dès la fin du 18ème siècle230. Il faudra attendre la seconde moitié du 20ème siècle pour voir l’apparition de véritables structures ayant pour objet la défense des intérêts des consommateurs. Les associations de consommateur remplissent plusieurs buts. En premier lieu, elles fournissent aux consommateurs une aide et une assistance en diffusant par exemple l’information juridique qui leur manque bien souvent. En effet, le droit de la consommation est, en théorie, fait pour le consommateur mais il est bien souvent ignoré de son principal destinataire231. En deuxième lieu, l’association permet de rendre la parole au consommateur qui devient audible, non seulement par les professionnels mais également par les pouvoirs publics puisque des associations pourront être représentées dans un certain nombre d’institutions, aux côtés de représentants des professionnels, permettant alors d’assurer un certain équilibre dans les prises de décisions232. L’écho de ces associations de consommateurs est également assurée par les médias et ces associations jouissent en général 230. « Droit de la consommation » Yves Picod et Hélène Davo, Siret Université 2ème édition, n°41 231. « Droit de la consommation et du surendettement » Jérôme Julien, Lextenso Editions, 2009, n°351 232. Les associations agrées, pourront par exemple disposer de représentants au sein de la Commission de Sécurité des Consommateurs ou au sein de l’Institut National de la Consommation et il existe de nombreuses autres institutions où l’association de consommateurs pourra être représentée 209 d’une grande écoute auprès du public, par exemple par le biais de publications (comme le magasine mensuel « Que Choisir ») ou de bref spots télévision (« Consomag ») Enfin, en dernier lieu, les associations de consommateurs permettent, dans les conditions que nous étudierons plus tard, d’agir en justice, que ce soit pour protéger l’intérêt collectif des consommateurs, ou leur intérêt individuel. Le Droit de la consommation connaît donc une grande diversité d’associations (§1) mais ces dernières, pour exercer une réelle influence, doivent être soumises à une procédure d’agrément (§2) §1. Les variétés de structures associatives Les associations de consommateurs sont nombreuses et le critère le plus apparent de distinction est leur taille et leur dimension. Ainsi, certaines associations sont purement locales et en général organisées à l’échelon départemental. Il existe également des structures de dimension régionale, sous la forme de Centres Techniques Régionaux de la Consommation (CTRC) qui apportent une aide technique et juridique aux associations locales. D’autres associations sont nationales, s’agissant par exemple de regroupement d’associations en fédérations ou unions (comme l’Union Fédérale des Consommateurs, UFC Que Choisir). Il en existe dix sept en France. En outre, des associations peuvent également avoir une dimension européenne, voir internationale ; par exemple, à l’échelon européen, il existe l’Association Européenne des Consommateurs (AEC) ou encore le Bureau Européen des Unions des Consommateurs (BEUC) ; au niveau international, il s’agit notamment de Consumers International (CI) et de l’International Consumer Research and Testing (ICRT). Le CI a été crée en 1960 et regroupe plus de 220 structures membres, provenant de 115 Etats. Elle se veut le seul porteparole des consommateurs à l’échelon mondial et ses ambitions sont grandes puisque son slogan est de « faire campagne constamment et sans peur en vue de changer le monde pour le bien de tous les consommateurs ». Mais afin de répondre aux objectifs de défense des intérêts des consommateurs, les associations doivent avant tout être soumises à une procédure d’agrément et remplir 210 plusieurs conditions. De ce fait, cette procédure réduit considérablement le nombre d’associations de consommation pouvant défendre de façon effective ses adhérents. §2. La procédure d’agrément Certaines associations disposent de prérogatives étendues, notamment du pouvoir d’ester en justice, ou d’être représentées au sein de certaines structures institutionnelles, mais à la condition qu’elles soient agréées au niveau national. L’article L412-1 du Code de la consommation fixe le principe général : les associations pouvant être agréées en raison de leur représentativité, et à condition qu’elles soient indépendantes de toutes forme d’activités professionnelles233. Les conditions de cet agrément sont fixées par l’article R411-1 du Code de la consommation. L’association doit avoir une certaine ancienneté, exercer une activité réelle et être représentative. Plus précisément, elle doit donc justifier, à la date de demande d’agrément, d’une année d’existence et d’activité effective en vue de la défense des consommateurs. Ce critère paraît assez difficile à apprécier mais le texte vient préciser que cette appréciation peut se faire au regard de la réalisation et la diffusion de publication ou la tenue de réunions d’informations. Le Code de la consommation impose également un seuil de membres cotisant de façon individuelle234. Si ces conditions sont remplies, l’association fait une demande auprès de la DGCCRF et après avis du Ministère public, l’agrément est alors accordé ou non. Cet agrément permet à l’association de consommateur de pouvoir remplir son rôle et jouir pleinement de ses prérogatives. Ces conditions, certes assez strictes permettent en réalité d’éviter le risque d’une utilisation abusive de la protection du consommateur, dissimulant en fait d’autres intérêts pas forcément avouables ou légaux. 233. A l’exception des sociétés coopératives de consommateurs qui peuvent être agrées malgré l’existence d’une activité professionnelle 234. Le seuil est de 10 000 pour les associations nationales et le texte parle de nombre suffisant par rapport au territoire dans lequel elles se trouvent. 211 Une fois l’agrément obtenu, l’association peut alors agir en justice mais nous verrons que les différentes actions possibles ne permettent pas réellement et pleinement de protéger et faire valoir les intérêts des consommateurs. Section 2 : L’action en justice des associations de consommateurs en France Pour agir en justice, il faut bien entendu un intérêt propre à agir. Quid d’une association qui défend non pas ses intérêts mais ceux de ses adhérents ? Il a fallu attendre la loi dite Royer de 1973235 pour que ces associations se voient reconnaître la possibilité d’invoquer l’intérêt des consommateurs pour agir en justice. Aujourd’hui, plusieurs actions peuvent être intentées et nous pouvons les regroupées en deux grandes catégories. D’une part, l’association peut agir en justice en invoquant une atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs (§1), d’autre part, elle peut agir au nom de plusieurs consommateurs, c’est à dire défendre des intérêts individuels (§2) §1. La défense de l’intérêt collectif Afin de défendre l’intérêt collectif, l’association peut agir par le biais de l’action civile (I), l’action en cessation d’agissement illicite (II) ou encore par l’intervention (III) I. L’action civile L’action civile ouverte aux associations de consommateurs est prévue à l’article L421-1 du Code de la consommation puisque le texte prévoit que l’association agréée peut « exercer les droits reconnus à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif des consommateurs ». Pour exercer cette action, deux conditions sont exigées : d’une part l’existence d’une infraction pénale, et d’autre part, une atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs. A l’origine, la loi Royer semblait permettre aux associations d’agir quel que soit le fondement textuel invoqué, puisqu’elle visait de manière générale l’action civile portée devant toutes les juridictions236. Cependant, la Cour de Cassation, quelques années plus tard, 235. Loi n°73-1193 du 27 décembre 1973, D’orientation du commerce et de l’artisanat 236. « Les associations régulièrement déclarées ayant pour objet statutaire explicite la défense des intérêts des consommateurs peuvent, si elles ont été agréées à cette fin, exercer devant toutes les juridictions l'action 212 a largement réduit le champ d’action des association puisqu’elle eu l’occasion d’apprécier la portée de ce texte et a estimée que l’expression « action civile » ne pouvait désigner que l’action en réparation d’un dommage causé par une infraction pénale237. Désormais, l’article 46 de la loi Royer est abrogé et remplacé par l’article L421-1 du Code de la consommation qui tient alors compte de cette jurisprudence en visant « les droits de la partie civile ». En revanche, en 1995, la Cour de Cassation a considéré que l’infraction pénale pouvait se trouvait ailleurs que dans le Code de la consommation puisque « aucune infraction ayant porté un préjudice direct ou indirect à l’intérêt collectif des consommateurs n’est exclue des prévisions ». Ainsi, la volonté des juges de la Cour de Cassation est d’élargir le champ d’application à toutes les infractions, insérées ou non dans le Code de la consommation (cela comprend donc les délits d’escroquerie, de corruption, d’homicide et blessures involontaires, etc.) mais l’élargissement à toutes les juridictions a été expressément abrogé. Ainsi certains domaines ne peuvent être défendus par les associations, comme les règles relatives aux clauses abusives, et cela semble assez regrettable pour le consommateur. En outre, à la lecture des disposions de l’article L421-1 du Code de la consommation, on comprend qu’il faut une infraction ayant atteint l’intérêt collectif des consommateurs, qui ne se réduit aucunement à la somme des intérêts individuels. Ici, il ne s’agit pas non plus du préjudice personnel de l’association, ni encore de l’intérêt général, dont la protection est assurée par le Ministère Public. En réalité, cette notion d’intérêt collectif est à mi-chemin entre l’intérêt individuel et l’intérêt général. Il s’agit en fait de l’intérêt commun à un ensemble de consommateurs lésés par un acte de large diffusion238, comme une publicité trompeuse, un défaut de fabrication, etc. En revanche, même si l’action en justice invoque l’intérêt collectif, cela n’exclut pas les autres, un même fait pouvant léser les trois catégories d’intérêt. La demande de l’association peut avoir plusieurs objets. Tout d’abord, l’association peut réclamer des dommages et intérêts destinés à réparer le dommage causé à l’intérêt collectif des consommateurs. Dans ce cas, les dommages et intérêts ne seront pas versés aux victimes elles mêmes mais à l’association qui est censée « personnifier l’intérêt collectif ». La civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs. » Article 46 de la loi du 27 décembre 1973 237. Cass. 1ère Civ. 16 janv. 1985 238. « Droit de la consommation » Jean Calais-Auloy et Henri Temple, Précis Dalloz 8ème édition 213 difficulté est d’évaluer ce préjudice puisqu’il ne s’agit pas d’additionner les préjudices individuels. Ainsi, les juges prononcent le plus souvent une condamnation symbolique. En outre, l’association peut également demander la cessation des agissements illicites239. Ici, la cessation permettra d’empêcher un préjudice futur pour d’autres consommateurs240, en demandant par exemple le retrait d’un produit non conforme à la réglementation. Pour demander cette cessation, il faut donc, nous l’avons vu, une infraction pénale. Mais le législateur à également prévue une autre action en cessation que nous verrons ultérieurement. Enfin, l’association peut demander que le public soit informé du jugement rendu, aux frais du condamné241. Cette diffusion est peut être l’élément le plus punitif pour le professionnel puisque cela détériore de façon importante son image et sa réputation. Cette action civile est assez efficace de façon collective mais elle paraît très imparfaite pour le consommateur lui même puisqu’il ne sera jamais indemnisé du préjudice qu’il aura subi. Ainsi, même si les mesures « collectives » permettent de faire valoir ses droits de façon collective, le consommateur ne pourra se sentir pleinement satisfait puisqu’il ne pourra percevoir aucune réparation et le professionnel ne sera jamais vraiment sanctionné à la hauteur de ses agissements, les dommages et intérêts étant souvent symboliques. On peut donc estimé qu’une telle action ne suffit pas à dissuader réellement le professionnel. II. L’action en cessation Cette action, visée par l’article L421-6 du Code de la consommation est différente de la cessation d’agissement illicite que peut demander l’association lors de son action civile. En effet, ici, cette action permet à l’association de demander en justice, devant la juridiction civile, la fin ou l’interdiction de tout agissement illicite, au regard de la directive communautaire 98/27/CE du 18 mai 1998. Alors qu’à l’origine l’article L421-6 du Code de la consommation ne visait que l’action en suppression des clauses abusives, la nouvelle rédaction, issue de la transposition, en a élargi le champ d’application pour viser non seulement la suppression des clauses abusives mais 239. Article L421-2 du Code de la consommation 240. « Droit de la consommation » Jean Calais-Auloy et Henri Temple, Précis Dalloz 8ème édition 241. Article L421-9 du Code de la consommation 214 également la cessation d’agissements illicites. Ici, l’avantage est que l’association peut agir en justice même lorsque le comportement du professionnel n’est pas qualifiable pénalement. Ainsi, il existe deux actions de cessation d’agissement illicite, en cas d’infraction pénale, celle de l’article L421-2 du Code de la consommation (qui peut cependant se cumuler avec celle prévue à l’article L421-6) et en l’absence d’infraction pénale, uniquement celle de l’article L421-6. Cette action de l’article L421-6 présente en outre l’intérêt de ne pas exiger l’atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs. Cependant, au même titre que l’action civile, le consommateur ne sera toujours pas indemnisé dans cette hypothèse. Enfin, il existe une dernière action permettant de défendre l’intérêt collectif des consommateurs dont le champ d’application est d’ailleurs aussi réduit III. L’intervention L’article L421-7 du Code de la consommation permet aux associations de consommateurs d’intervenir à l’instance devant les juridictions civiles. Cependant, cette faculté d’intervention est limitée à de strictes conditions. Tout d’abord, il faut qu’il y ait une demande initiale, c’est à dire qu’un ou plusieurs consommateurs aient agi à l’encontre d’un professionnel. L’association ne peut donc pas être à l’origine de l’action et vient en quelque sorte se greffer sur une action déjà existante. En outre, cette demande initiale doit avoir pour objet la réparation d’un préjudice subi par des consommateurs et qui ne découle pas d’une infraction pénale. Quelque soit le type d’action engagée par l’association, elle répare l’intérêt collectif des consommateurs qui sont alors perçus comme un groupe, une unité. Chaque consommateur ne peut donc pas prétendre à réparation et ce genre d’action, outre un altruisme très poussé, n’est donc pas très intéressant pour chaque consommateur lésé. Cependant, aux côtés des ces diverses actions qui défendent l’intérêt collectif des consommateurs, il existe également un mécanisme juridique permettant de défendre cette fois l’intérêt individuel de plusieurs consommateurs. 215 §2. La défense de l’intérêt individuel du consommateur Il existe ici une seule action possible pour réparer de façon individuelle l’intérêt des consommateurs. Il s’agit de l’action en représentation conjointe prévue par l’article L422-1 du Code de la consommation, instituée par la loi du 18 janvier 1992. A la différence des précédentes, c’est la seule action des associations prévue par notre droit qui a pour objet la réparation de préjudices individuels. Cependant, elle est enserrée dans des conditions si strictes qu’elle en devient inappliquée. S’agissant de la nature du litige, celui-ci doit concerner plusieurs consommateurs, personnes physiques et identifiées, qui subissent des préjudices individuels causés par un même professionnel, et qui ont une origine commune. Il s’agit donc de permettre à l’association de représenter plusieurs consommateurs, et d’agir à l’encontre d’un professionnel dont les pratiques sont de nature à causer des préjudices à une collectivité, même réduite à seulement deux consommateurs. Autrement dit, le différend ne doit pas être exclusivement individuel. En outre, il existe également des conditions concernant l’intervention même de l’association qui est conditionnée par le respect d’un formalisme extrêmement lourd. En effet, l’association doit obtenir de chaque consommateur qu’elle va représenter un mandat. Celuici doit être écrit et exprès, dont les conditions sont précisées par les articles R422-1 et suivants du Code de la consommation. Chaque consommateur représenté doit ainsi donner mandat à l’association, ce qui exclut donc la possibilité de représenter plusieurs d’entre eux par un seul acte juridique. De plus, l’association ne peut solliciter ce mandat par voie d’appel télévisé ou radiophonique, ni par voie d’affichage, tract, ou lettre personnalisée. L’idée du législateur est que l’initiative doit venir des consommateurs eux mêmes. Encore faut-il qu’ils connaissent ce mode d’action, ignorant trop souvent les moyens d’actions s’offrant à eux. Cette action en représentation conjointe est sans aucun doute un échec. Un rapport parlementaire sur l’action de groupe, remis en 2005 au Ministre de l’Economie et des Finances, faisait état, en dix ans, de seulement cinq procédures. La raison de cet échec peut s’expliquer, entre autres, par le formalisme extrêmement lourd imposé aux associations et l’exigence d’un mandat pour représenter chaque consommateur. Cela implique une gestion importante des dossiers, laquelle entraîne nécessairement des frais importants pour l’association. 216 Ce désintérêt peut également s’expliquer par le fait que l’association étant mandant, elle répond de ses fautes et pourraient éventuellement voir sa responsabilité engagée par un consommateur mécontent. Il est assez regrettable de ne pas avoir créé une action plus accessible, puisque ici, des dommages et intérêts peuvent être alloués aux consommateurs242. L’idée est dont très intéressante mais manque cruellement d’un mécanisme beaucoup plus souple. La nécessité semble alors d’autant plus grande de doter notre droit d’un mécanisme d’action qui permettrait une réparation des préjudices individuels à grande échelle, ce à quoi tend l’action de groupe qui est présente dans de nombreux pays. Section 3 : Les actions en justice mis à la disposition des associations de consommateurs bien trop insuffisantes pour protéger le consommateur, nécessitant la mise en place d’une véritable « class action » Depuis quelques années, la question de l’introduction dans notre droit d’une action de groupe, inspirée des « class actions » que connaissent certains autres systèmes juridiques comme le Québec, les Etats-Unis, ou encore le Portugal, revient régulièrement sur le devant de la scène. Si de nombreuses discussions et débat ont lieu, rien de concret n’a encore été mis en place. L’amorce de ce mouvement de réflexion peut être daté de façon assez précise puisque le Président Jacques Chirac, lors d’un discours prononcé le 4 janvier 2005, avait clairement annoncé la volonté de créer une telle action. Malgré l’élaboration d’un projet parlementaire sur l’action de groupe et le dépôt de plusieurs propositions de lois, le projet fut abandonné assez rapidement. Un texte finalisé fut même retiré de l’ordre du jour des Assemblées au dernier moment. La Commission Européenne y est également favorable, comme l’atteste le Livre vert sur les recours collectifs pour les consommateurs, présenté à la fin de l’année 2008. Ainsi, l’Union Européenne préconise vivement ce type d’action de groupe puisque « un marché unique répondant efficacement aux demandes des consommateurs contribue aussi à la création d’une économie innovante et concurrentielle (...) en particulier, l’accès à des mécanismes 242. L’association ne perçoit pas les dommages et intérêts éventuellement demandés mais perçoit une rémunération en tant que mandataire. 217 de recours pour les consommateurs lorsque leurs droits sont violés par des professionnels améliore la confiance dans les marchés et les performances de ces derniers »243 L’action de groupe vise en fait le mécanisme juridique par lequel une personne agit en justice, non seulement en son nom propre, mais également pour le compte d’une série de personnes, d’un groupe, ayant des droits identiques. L’action en justice est donc intentée au nom du groupe en question, par exemple, les victimes d’un produit manufacturé défectueux. La décision obtenue aura alors autorité de chose jugée à l’encontre de tous les membres du groupe244. Mais au delà de cette définition générale, il convient d’aller plus loin dans l’analyse afin d’étudier en détail le mécanisme de « class action », et plus particulièrement l’action de groupe anglo-saxonne (§1) puisqu’il s’agit pour de nombreux pays d’un modèle de référence en la matière, pour ensuite examiner les conditions dans lesquelles une telle action pourrait s’insérer dans notre Droit français (§2), même s’il existe déjà un projet français mais malheureusement jamais mis en œuvre (§3) §1. Présentation de la «Class Action » Anglo-Saxonne La « class action » américaine (que le droit québécois connaît également sous l’appellation de recours collectif) permet à un ou plusieurs plaignants de former une action au nom d’un groupe de personnes, qui n’ont pas besoin d’être identifiés nommément245. A l’origine, utilisée afin de lutter contre les discriminations raciales et sexuelles, puis rencontrées en droit des sociétés, afin de régler les litiges entres actionnaires, la « class action » a par la suite trouvé un terrain d’expansion considérable avec le droit de la consommation. Des cabinets d’avocats se sont même spécialisés en la matière246, leur rémunérations sont d’ailleurs excessivement élevées puisqu’ils sont rémunérés selon le principe « contingency fees, c’est à dire par un pourcentage des dommages et intérêts alloués (généralement un tiers). 243. Livre Vert N°1 244. « Droit de la consommation et du surendettement » Jérôme Julien, Lextenso Edition, 2009, n° 367 245. « Les class actions américaines » F. Laroche-Gisserot, Les Petites Affiches, n°115 246. Les rémunérations de ces avocats sont d’ailleurs extrêmement élevées, ils sont rémunérés selon le principe « contingency fées, c’est à dire par un pourcentage des dommages et intérêts alloués (généralement un tiers) 218 Dans le système de la « class action » celui qui va agir au nom du groupe commence par déposer une demande auprès du tribunal compétent. Débute alors la phase primilary discovery, ou phase de discussion où le défendeur (le professionnel en pratique) a alors 30 jours pour présenter ses arguments. Si le juge accepte le principe de l’action, il rend une ordonnance de certification qui désigne également l’avocat qui représentera le groupe. S’il la refuse, le procès se déroulera seulement entre les parties ayant intenté le recours et le défendeur. Dès lors que l’ordonnance de certification est rendue, un délai de dix jours s’écoule et si aucun recours n’est apparu, le juge notifie alors la « class action » aux membres du groupe, individuellement ou par voie de publication ou de diffusion si tous les membres ne sont pas, à ce moment, encore connus (ce sera d’ailleurs le cas le plus fréquent)247. L’une des principales questions posée par la « class action » est de savoir qui aura la qualité de partie au procès. Le défendeur est bien entendu identifié par l’action mais la difficulté se pose pour déterminer et identifier les demandeurs. En effet, ils sont en général très nombreux puisqu’il peut s’agir des victimes effectives mais également des victimes à venir. Deux systèmes sont envisageables pour répondre à cette difficulté. En effet, il existe tout d’abord le système de « l’opt in » qui est le plus restrictif puisque dans ce cas, il faut un accord explicite de la personne pour intégrer le groupe. Le groupe ne sera donc constitué que de consommateurs ayant manifesté leur volonté de faire partie de cette « class action » et seront ainsi considérés comme étant partie à l’instance. A l’opposé est le système de « l’opt out » qui est beaucoup plus large puisque seront considérées comme membre du groupe toutes les personnes, dont la situation correspond à la définition donnée du groupe et qui n’auraient pas expressément manifesté leur volonté de ne pas en faire partie. Par conséquent, toutes les personnes qui, étant informés de l’existence de l’action et qui ont gardé le silence, de même que toutes celles qui ignoraient purement et simplement l’existence de l’action, sont censées être représentées. Elles sont donc liées par le jugement qui sera rendu. Ce système paraît excessivement extensif, c’est celui existant aux Etats-Unis mais qui paraît difficilement applicable en France. Une fois la « class action » mise en place, les conséquences sont assez intéressantes. En effet, sauf si les parties règlent leur litige à l’amiable, un jugement aura lieu. Si le défendeur 247. « Droit de la consommation et du surendettement » Jérôme Julien, Lextenso Edition, 2009, n° 367 219 est condamné à des dommages et intérêts, ceux-ci seront répartis entre les victimes. Deux hypothèses sont possible ; soit le juge condamne le défendeur à verser une somme précise, au titre des dommages et intérêts et dans ce cas, le jugement détermine le quantum à verser à chaque victime ou impose le versement global au représentant du groupe qui répartira ensuite la somme entre tous. Soit le juge se prononce seulement sur le principe de la condamnation et il appartiendra ensuite à chaque groupe d’intenter une action individuelle afin d’établir le préjudice personnel. Mais dans tous les cas, le jugement aura autorité de chose jugée sur tous les membres du groupe et si, par exemple, le jugement conduit à l’irresponsabilité du défendeur, aucun membre ne pourra engager une action individuelle à son encontre. Cette action de groupe semble présenter un intérêt certain, sous réserve de l’adapter car il a été relevé de nombreuses difficultés pratiques par le système de « l’opt out ». En effet, le système américain conduit parfois à des abus248 : demandes parfois peu fondées, « forum shopping », qui conduit les avocats à présenter leur demande systématiquement devant des juges réputés favorables à ce type d’action249, menaces permanentes sur les professionnels et les groupes financiers constituant alors un frein à la recherche et à l’innovation, hausse des primes d’assurances des producteurs. La classe action possède bien évidemment des vertus incontestables puisque c’est le seul système permettant à un nombre important de consommateurs d’obtenir satisfaction dans des litiges portant sur de faibles sommes (individuellement). En effet, comme nous l’avons vu précédemment, le consommateur isolé hésite et se décourage à se lancer dans une procédure judiciaire, laissant ainsi au professionnel la possibilité de réaliser sans crainte des profits importants et pourtant illégitimes. En France, il parait donc nécessaire d’introduire ce genre d’action, en l’adaptant afin d’en éviter les dérives constatées. §2. L’action de groupe et le droit français Un tel système est transposable en Droit français mais sans doute pas à l’identique, pour des raisons à la fois juridiques et culturelles. 248. « A propos de l’introduction de la class action en droit français » D. Mainguy, recueil Dalloz 2005 249. Désormais, le système américain a été réformé par le Class Action Fairness Act du 17 février 2005. L’action doit dorénavant être portée devant un tribunal fédéral dès lors que les membres du groupe sont répartis sur plusieurs Etats et que l’indemnisation dépasse les cinq millions de dollars. Revue Contrats, Concurrence et Consommation, 2005 220 Certains auteurs250 ont soulevé un certain nombre d’arguments afin de démontrer la contrariété du principe même de l’action de groupe avec les règles fondamentales de notre procédure civile. Par exemple, un des arguments tient à l’effet relatif de l’autorité de chose jugée. En effet, la décision de justice ne s’impose qu’aux parties à l’instance, sur un même objet et une même cause251. Il faudrait donc considérer que le jugement de l’action groupe puisse élargir cette règle en considérant que tous les consommateurs ayant subi ce préjudice sont parties à l’instance. En revanche, dès lors que le système adopté est « l’opt in » nul besoin d’élargir ce principe puisqu’il serait respecté. Les auteurs relèvent également une autre objection tenant au principe de l’interdiction de « plaider par procureur » qui impose, en Droit français, la nécessité d’un intérêt à agir pour pouvoir saisir une juridiction d’un litige. Or, l’action de groupe permet précisément une action sans que le représentant du groupe ait nécessairement un tel intérêt. Mais ici encore, une loi pourrait permettre d’attribuer une telle action à des personnes identifiées, comme les associations de consommateurs agréées, ce qui était d’ailleurs le cas dans le projet de 2006. Un dernier principe invoqué par ces auteurs, contraire à l’introduction de ces class actions en Droit français concerne le principe du contradictoire, qui doit permettre au défendeur d’apporter tous les éléments nécessaires à sa défense, et notamment d’opposer et de discuter les éléments de preuves apportés par le demandeur. Or, en pratique, ce principe paraît difficilement applicable puisque les membres du groupe de sont pas tous identifiés ni même connus. S’il paraît évident, au regard des principes de procédures civiles française, que le système anglo-saxons de « l’opt out » est inconcevable en France, le système plus restrictif de « l’opt in » est tout à fait envisageable puisque les consommateurs seraient identifiées, connus avant le jugement et seuls ces derniers seront partie à l’instance. De nombreux projets ont eu lieu en France, surtout à la suite des déclarations du Président Jacques Chirac en 2005. Ainsi, des réflexions ont été menées afin de déterminer dans quelles mesures une action de groupe « à la française » pourrait être introduite dans notre droit. Un projet abouti (ce fut d’ailleurs le plus finalisé) avait été inséré dans le projet de loi en faveur des consommateurs, déposé en 2006 à l’Assemblée Nationale, avant d’être 250. « Action de groupe et procédure civile » S. Amrani-Mekki, revue des Contrats, 2006/32 ; « Une class action à la française ? » Recueil Dalloz 2005, chronique 2180 251. Article 1351 du Code Civil 221 finalement retiré de l’ordre du jour. Cela est regrettable puisqu’il s’agissait d’une base de réflexion la plus élaborée à ce jour. A la lecture de ce projet de loi, l’action de groupe aurait eu pour objet la réparation des préjudices matériels ainsi que le trouble de jouissance subis individuellement par plusieurs consommateurs et ayant pour origine commune l’inexécution ou la mauvaise exécution par un même professionnel des obligations contractuelles nées d’un même type de contrat afférent à une vente de produit ou à une prestation de service252. Cette action aurait été strictement cantonnée au Droit de la consommation, et les atteintes à l’intégrité physique auraient été exclues de son champ d’application. En outre, seules les associations de consommateurs agréées au niveau nationale auraient eu la possibilité d’introduire l’action de groupe. En outre, le rapport sur la dépénalisation du Droit des affaires, remis le 20 février 2008 décrit l’action de groupe comme le corollaire d’une dépénalisation du droit des affaires devenue nécessaire253. Aujourd’hui, aucun projet concret n’est présenté. De nombreux acteurs économiques y sont pourtant très favorables, tels que les associations de consommateurs, les avocats ou les consommateurs eux mêmes. En revanche, les entreprises sont logiquement hostiles à ce genre d’action, même adaptée au système français, puisqu’elles risqueraient de se voir condamnées bien plus souvent et de façon plus sévère qu’à l’heure actuelle. Ces insuffisances affaiblissent un système pourtant voulu complet de protection pénale du consommateur français. Les agissements illicites des professionnels ne sont pas toujours sanctionnés à la hauteur des manquements et l’indemnisation du consommateur, trop isolé, peut se révéler difficile à mettre en œuvre ou insuffisante dans son montant. ---oOo--- 252. Article L423-1 des dispositions sur l’action de groupe dans le projet de loi en faveur des consommateurs (2006) 253. « L’action de groupe ayant vocation à permettre une nouvelle voie d’accès à la justice à la place de certaines plaintes avec constitution de partie civile » Rapport Coulon, P.89. Elle doit cependant, pour les membres du groupe de travail, se limiter au seul droit de la consommation 222 CONCLUSION Nul ne peut raisonnablement contester que les pouvoirs publics français n’ont cessé de vouloir conférer au Droit pénal de la consommation un rôle majeur de protection de la partie généralement faible de ce contrat, l’acheteur. Droit de la protection, son écriture législative et règlementaire fortement consumériste se révèle tout au long de l’acte de consommation, afin d’optimiser un consentement éclairé et rechercher in fine la satisfaction de l’acheteur. Le Droit pénal de la consommation se veut fortement dissuasif et dispose des moyens juridiques et humains qui traduisent cet aspect tout à la fois préventif et répressif. Néanmoins, la réalité judiciaire, la réalité économique et ses contraintes, peuvent parfois susciter méfiance et insatisfaction. Peut-il réellement en être autrement, s’agissant d’un Droit jeune, en perpétuelle évolution face à des mutations économiques et sociales rapides et fortes, dans un contexte d’internationalisation intense des échanges et des achats. Que de progrès accomplis en quelques décennies au nom de la protection des consommateurs ! Et combien est impérative la nécessité de remettre sans cesse l’ouvrage sur le métier ! Des avancées importantes sont attendues, qui peuvent concerner par exemple les modes alternatifs de règlement ou la mise en place de véritables « class actions ». En 2011, il paraît difficile de concevoir des progrès significatifs et réellement efficient dans un cadre strictement national. La dimension communautaire du Droit de la consommation ne cesse de s’accroître et les ambitions des Institutions de l’Europe sont affichées, ainsi qu’en atteste le « Livre vert sur la révision de l’acquis communautaire en matière de protection des consommateurs »254 ou la résolution du Parlement Européen à ce titre. Est-il illusoire, dans un moyen terme, d’imaginer l’élaboration d’un Code européen de la consommation ? Un Code européen qui ne serait pas une seule compilation de textes, exercice par ailleurs fort difficile avec 27 Etats aux cultures juridiques diverses et, parfois, aux idéologies différentes, mais apporterait une importante plus-value, un saut qualitatif par la mise en perspectives de principes directeurs destinées aux pouvoirs publics. 254. G. Raymond, Le livre vert sur le Droit communautaire de la consommation, Revue Contrats, Concurrence, Consommation Avril 2007, étude 5 223 Cette spécificité envisagée du modèle de protection européenne serait ainsi éclairée et sa philosophie précisément dégagée. Exigence de loyauté et exigence d’équilibre pourraient en être les matrices. Vaste programme ou simple utopie ? La tâche est rude et le chemin semé d’embûches. Mais « ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas que les choses sont difficiles. » Sénèque. ---oOo--- 224 ANNEXES ANNEXE 1 : Procès Verbal de la DGCCRF relatif à l’infraction aux dispositions de l’article L121-26 du Code de la consommation pour avoir accepté des paiements lors de ventes à domicile et avant l’expiration du délai de réflexion prévu par le Code de la consommation ANNEXE 2 : Jugement du Tribunal correctionnel du Havre en date du 27 septembre 2010 relatif à une publicité mensongère ou de nature à induire en erreur. ANNEXE 3 : Arrêt de la Cour d’Appel de Rouen relatif à une tromperie sur les qualités substantielles et la composition de marchandises, ainsi que sur l’aptitude à l’emploi et les risques inhérents à l’utilisation du produit. ANNEXE 4 : Protocole transactionnel relatif à un accident domestique lié à l’utilisation d’un produit 225 BIBLIOGRAPHIE Seuls sont cités ici les ouvrages et articles portant sur le Droit pénal de la consommation, les ouvrages plus spécialisés étant cités en note de fin de page, dans le corps de cette étude. I. Ouvrages généraux - J. CALAIS AULOY et H. TEMPLE, Droit de la consommation, 8ème édition, Précis Dalloz - Y. PICOD et H. DAVO, Droit de la consommation, 2ème édition, Sirey Université - J. JULIEN, Droit de la consommation et du surendettement, Lextenso Edition, 2009 - G. RAYMOND, Droit de la consommation, 2ème édition, Litec Profesionnel - R. MERLE et A. VITU, Traité de Droit criminel – Procédure pénale, 3ème édition, Cujas - R. MERLE et A. VITU, Traité de Droit criminel – Problèmes généraux de la science criminelle. Droit pénal général, 3ème édition, Cujas - T. GARÉ et C. GINESTET, Droit pénal et Procédure pénale, 6ème édition, Dalloz HyperCours II. Ouvrages spéciaux - Rapport au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, La dépénalisation de la vie des affaires, Groupe de travail présidé par Monsieur J.M COULON, collection des rapports officiels, Janvier 2008 - Sénat n°292, Rapport sur la proposition de directive relative aux droits des consommateurs, G. CORNU, 9 février 2011 - Assemblée Nationale, Projet de loi renforçant les droits, l’information et la protection des consommateurs, 1er Juin 2011 - Répertoire pénal Dalloz, Consommation, C. AMBROIE-CASTÉROT, mai 2009 III. Articles de revue - P. GUILLERMIN, Droit de la consommation : l’absence d’une véritable alternative à la voie pénale, Dalloz Actualité juridiques, 2008. - H. MATSOPOULOU, Les propositions sur « la dépénalisation de la vie des affaires », Dalloz, revue des sociétés, 2008 - G. RAYMOND, Le livre vert sur le Droit communautaire de la consommation, Revue Contrats, Concurrence, Consommation Avril 2007, étude 5 IV. Notes de jurisprudence Les jugements et arrêts utilisés dans le cadre de ce présent mémoire sont référencés en note de fin de page, dans le corps de cette étude. 226 TABLE DES MATIÈRES Préambule...............................................................................................................................................1 INTRODUCTION................................................................................................................................2 Section 1 : Le Droit de la consommation, un Droit jeune, dense et complet................................2 §1. Historique du Droit de la consommation.............................................................................2 §2. Les sources du Droit de la consommation............................................................................3 Section 2 : Un champ d’application complexe voir parfois incohérent........................................5 §1. Les contrats visés....................................................................................................................5 §2. La notion de professionnel.....................................................................................................7 §3. Les différentes approches de la notion de consommateur..................................................8 I. Première approche...............................................................................................................8 II. Deuxième approche.............................................................................................................9 III. La notion de « consommateur moyen »............................................................................11 Section 3 : La nécessité d’un Droit pénal de la consommation...................................................12 ---oOo--PREMIERE PARTIE – UN DROIT PÉNAL VOLONTAIRMENT PROTECTEUR TOUT AU LONG DE L’ACTE DE CONSOMMATION.................................14 Titre 1 : La protection du consommateur au moment de la formation du contrat, ou la recherche d’un consentement éclairé.....................................................................14 CHAPITRE 1 : L’INFORMATION DU CONSOMMATEUR.....................................................14 Section 1 : L’information obligatoire.....................................................................................14 §1. Obligation générale d’information................................................................................15 I. L’existence d’une obligation générale d’information.......................................................16 II. Le non-respect de l’obligation générale d’information....................................................17 §2. Obligations spéciales d’information..............................................................................18 I. Les obligations relatives aux produits...............................................................................18 A. Obligation d’information sur les produits alimentaires................................................19 B. Obligation d’information sur les produits autres qu’alimentaires.................................20 II. Les obligations relatives aux prestations de services.......................................................21 III. Les obligations d’information relatives aux prix............................................................23 A. Dispositions générales...................................................................................................23 B. Information relative aux prix des produits....................................................................25 C. Information relative aux prix des prestations de service...............................................27 IV. Sanctions pénales d’un manquement à une obligation spéciale.....................................27 Section 2 : L’information facultative.....................................................................................28 §1. La multiplicité des signes de qualité..............................................................................29 I. Les signes de qualité d’origine française..........................................................................29 A. L’appellation d’origine..................................................................................................29 B. L'indication de provenance............................................................................................30 C. Labels et certifications des produits agroalimentaires..................................................31 D. La certification des services et des produits autres qu’alimentaires.............................32 E. La marque « NF »..........................................................................................................32 II. Les signes de qualité d’origine communautaire...............................................................33 A. Les appellations d’origines...........................................................................................33 B. Les spécialités traditionnelles garanties........................................................................35 C. La marque « CE »..........................................................................................................36 III. Les signes de qualité d’origine mondiale.......................................................................36 A. L’union de Paris............................................................................................................37 B. L’Organisation Mondiale du Commerce.......................................................................38 C. Les conventions bilatérales et multilatérales.................................................................38 D. Centre d’arbitrage et de médiation de l’Office Mondiale de la Propriété Intellectuelle pour les noms de domaines de l’Internet......................................................39 §2. Le système de protection des signes de qualité.............................................................40 I. La répression pénale au niveau national............................................................................40 A. Les dispositions légales.................................................................................................40 B. Les dispositions prétoriennes........................................................................................41 II. Le système de protection communautaire........................................................................42 III. Le système de protection mondial..................................................................................43 CHAPITRE 2 : LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR FACE AUX STRATEGIES DE DISTRIBUTION DES PROFESSIONNELS..........................45 Section 1 : Les méthodes de distribution règlementées........................................................45 §1 : Le contrat conclu à distance..........................................................................................46 I. Le Droit de l’Internet.........................................................................................................46 A. La jeunesse du Droit de l’Internet.................................................................................46 1. En France.....................................................................................................................46 2. En Europe....................................................................................................................47 B. La richesse du Droit de l’Internet..................................................................................47 1. Les sources..................................................................................................................47 a. La « Soft Law ».........................................................................................................48 b. La « Hard Law ».......................................................................................................48 2. Les difficultés .............................................................................................................49 II. Le dispositif de protection du contrat conclu à distance..................................................51 A. La protection lors de l’avant contrat.............................................................................52 B. La protection lors de la conclusion du contrat..............................................................52 C. La protection lors de l’exécution du contrat..................................................................53 1. Le paiement du prix.....................................................................................................53 2. La livraison de la chose ou l’exécution du service......................................................54 3. Le délai de rétractation................................................................................................55 a. Le délai de rétractation relatif à l’acquisition d’un produit.......................................55 b. Le délai de rétractation relatif à l’acquisition d’une prestation de services..............56 III. Les exclusions prévues par la loi....................................................................................56 §2 : Le contrat conclu à domicile.........................................................................................58 I. Le champ d’application de la réglementation...................................................................59 A. Le « démarchage-intrusion ».........................................................................................60 1. Le lieu du démarchage.................................................................................................60 2. L’origine du démarchage.............................................................................................60 3. La forme du démarchage.............................................................................................62 B. Le « démarchage-attraction »........................................................................................63 C. Le démarchage interdit..................................................................................................64 II. Le dispositif de protection de contrat conclu à domicile.................................................65 A. Le dispositif de protection initial, toujours d’actualité.................................................65 1. Les mentions contractuelles obligatoires.....................................................................65 2. Le droit de rétractation................................................................................................66 3. L’impossibilité de collecter les paiements de façon immédiate..................................66 B. Des projets communautaires, tendant à renforcer la protection du consommateur......67 Section 2 : Les stratégies de distribution interdites..............................................................68 §1. Le refus de vente et les ventes subordonnées................................................................68 I. Le refus de vente...............................................................................................................69 II. Les ventes subordonnées..................................................................................................70 §2. Les ventes pyramidales dites « à la boule de neige »....................................................72 I. La constitution de l’infraction de vente « à la boule de neige »........................................72 A. La vente de marchandises.............................................................................................73 B. La constitution de certains réseaux...............................................................................73 C. Les pratiques à l’intérieur même du réseau...................................................................74 II. Les sanctions de l’infraction de la vente « à la boule de neige ».....................................74 §3. L’abus de faiblesse..........................................................................................................75 I. L’acte d’abus.....................................................................................................................76 II. L’appréciation relative de l’abus par rapport à la victime..............................................77 III. L’appréciation relative de l’abus par rapport à l’auteur de l’infraction..........................78 A. Le comportement de l’auteur........................................................................................79 B. La volonté de l’auteur....................................................................................................79 IV. Les sanctions applicables à l’abus de faiblesse..............................................................80 CHAPITRE III : LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR FACE AUX PROCEDES INCITATIFS DES PROFESSIONNELS...............................................................80 Section 1 : La réglementation de la publicité........................................................................81 §1. La réglementation de la publicité trompeuse par la prohibition des pratiques commerciales trompeuses....................................................................................81 I. Les pratiques commerciales par action.............................................................................82 A. Les dispositions du Code de la consommation inchangées..........................................82 B. Les dispositions du Code de la consommation nouvelles.............................................83 II. Les pratiques commerciales par omission.......................................................................84 §2. La réglementation de certaines publicités spécifiques.................................................85 I. La réglementation de la publicité comparative.................................................................85 A. Le champ d’application de la réglementation.............................................................. 86 1. Le destinataire de la publicité comparative.................................................................86 2. Le contenu du message................................................................................................87 B. Les conditions de la publicité comparative...................................................................88 1. Les conditions positives..............................................................................................88 2. Les conditions négatives.............................................................................................90 C. Les sanctions prévues en cas de publicité comparative illicite.....................................91 II. La réglementation de la publicité pour certains produits dangereux...............................92 A. La réglementation de la publicité en faveur du tabac...................................................92 1. L’incrimination............................................................................................................92 2. Les exceptions.............................................................................................................93 B. La réglementation de la publicité en faveur de l’alcool................................................94 1. La réglementation du support de la publicité..............................................................94 2. La réglementation du contenu du message publicitaire..............................................95 C. La réglementation de la publicité en faveur des médicaments......................................96 Section 2 : La réglementation des autres procédés incitatifs...............................................97 §1. La vente avec primes.......................................................................................................97 §2. Les soldes..........................................................................................................................99 §3. La revente à perte..........................................................................................................100 §4. Les loteries.....................................................................................................................101 I. La prohibition des loteries par la loi de 1836...............................................................101 II. La répression des loteries publicitaires.......................................................................102 Titre 2 : La protection du consommateur au moment de l'exécution du contrat, ou la recherche d'une satisfaction de l'acheteur........................................................103 CHAPITRE 1 : LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR EN CAS DE NON CONFORMITE DU BIEN OU DU SERVICE..........................................................103 Section 1 : Les infractions liées à un défaut de conformité du produit ou du service.....104 §1. Le délit de tromperie.....................................................................................................105 I. Le champ d’application...................................................................................................105 A. L’auteur et la victime de la tromperie.........................................................................105 B. L’objet de la tromperie................................................................................................106 1. La nature du bien.......................................................................................................106 2. Les caractéristiques du bien.......................................................................................107 II. Des exemples jurisprudentiels de situations de tromperie.............................................107 §2. Le délit de falsification..................................................................................................108 I. Le délit de falsification stricto sensu...............................................................................109 A. L’objet de la falsification............................................................................................109 B. Le comportement de l’auteur......................................................................................110 II. Les délits connexes à l’infraction stricto sensu..............................................................111 A. Les délits d’exposition et de provocation....................................................................111 B. Le délit de détention....................................................................................................112 Section 2 : La spécificité de l’obligation de conformité liée à la sécurité des produits et des services...................................................................................................112 §1. Les mesures préventives indispensables consacrées par le Code de la consommation ..................................................................................................113 I. Les mesures préventives à caractère général...................................................................113 A. Le champ d’application de la réglementation.............................................................114 1. Personnes concernées................................................................................................114 a. Débiteurs de l’obligation.........................................................................................114 b. Bénéficiaires de l’obligation...................................................................................115 2. Produits concernés.....................................................................................................115 B. Les obligations préventives pesant sur les professionnels..........................................116 1. L’obligation quant à l’information des risques possibles..........................................116 2. L’obligation quant au suivi des produits...................................................................117 3. L’obligation quant au signalement des risques.........................................................117 4. L’obligation spécifique des distributeurs .................................................................117 C. L’intervention des pouvoirs publics complétant le système préventif général...........118 1. La réglementation ou l’interdiction de certaines produits ou services......................118 2. L’interdiction temporaire par arrêté ministériel........................................................119 3. Les mesures d’urgence prises par le Préfet...............................................................120 4. Les mesures d’urgence prises par les agents de l’Administration.............................121 5. Les normes de sécurité élaborées par l’Association Française de Normalisation ....121 II. Les mesures préventives spécifiques à certains produits et services.............................122 §2. La responsabilité pénale dans le domaine de la sécurité des produits et des services...........................................................................................................................123 I. Les dispositions du Code de la consommation...............................................................124 II. Les dispositions du Code pénal......................................................................................125 A. L’infraction de mise en danger de la vie d’autrui.......................................................125 B. Les infractions d’homicide et de coups et blessures par imprudence.........................126 CHAPITRE 2 : LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR LORS DU FINANCEMENT DE SON ACHAT PAR LA REGLEMENTATION DU CREDIT A LA CONSOMMATION.........................................................................................127 Section 1 : Le champ d’application de la réglementation du crédit à la consommation. ...............................................................................................................128 §1. La qualité des contractants...........................................................................................129 I. Le prêteur........................................................................................................................129 II. L’emprunteur.................................................................................................................130 §2. Les contrats de crédit visés...........................................................................................131 §3. Les exclusions n’entrant pas dans le champ d’application de la réglementation....131 Section 2 : Le dispositif de protection de la réglementation du crédit à la consommation.................................................................................................................132 §1. Les règles visant à protéger le consentement du consommateur-emprunteur........133 I. La publicité......................................................................................................................133 II. L’offre de contrat de crédit............................................................................................135 III.Le double délai de protection........................................................................................136 A. Le délai de réflexion.................................................................................................136 B. Le délai de rétractation.............................................................................................137 §2. Les règles visant à protéger le consommateur-emprunteur durant l’exécution de la prestation.................................................................................................138 I. Le lien entre le contrat principal et le contrat de crédit...................................................138 II. Le maintien de l’obligation d’information à la charge du prêteur, durant l’exécution du contrat de crédit..........................................................................................139 §3. Des règles spécifiques pour sensibiliser le consommateur sur les dangers du crédit renouvelable........................................................................................................139 I. Une réglementation plus stricte....................................................................................140 II. Une information plus complète...................................................................................140 ---oOo--- DEUXIÈME PARTIE – UN DROIT PÉNAL DE LA CONSOMMATION SE VOULANT DISSUASIF MAIS SE RÉVÉLANT PARFOIS INSUFFISANT.....................142 Titre 1 : La recherche d’une certaine efficacité répressive.....................................................142 CHAPITRE 1 : LA CONSTATATION DES INFRACTIONS : DES SERVICES D’ENQUÊTE SPÉCIALISÉS ET DOTÉS DE POUVOIRS IMPORTANTS......................... 142 Section 1 : Présentation de la DGCCRF..............................................................................143 Section 2 : Les investigations menées par la DGCCRF en matière de fraudes...............144 §1. La compétence des agents de la DGCCRF..................................................................144 I. La compétence fonctionnelle...........................................................................................144 II. La compétence territoriale.............................................................................................145 §2. Les pouvoirs des agents de la DGCCRF..............................................................145 I. L’interdiction de s’opposer à l’exercice des fonctions des agents de la DGCCRF........145 II. Le droit d’accès des agents de la DGCCRF...................................................................146 III. Le droit de communication et de saisie des agents de la DGCCRF.............................146 IV. Le droit de prélèvement et d’expertise des agents de la DGCCRF..............................146 Section 3 : Les investigations menées par la DGCCRF pour les autres infractions du Droit de la consommation............................................................................148 §1. La compétence des agents de la DGCCRF..................................................................148 I. La compétence fonctionnelle...........................................................................................148 II. La compétence territoriale.............................................................................................149 §2. Le pouvoir des agents de la DGRRF...........................................................................149 I. Le pouvoir des agents en cas d’enquête simple..............................................................149 A. Le droit d’accès...........................................................................................................149 B. Le droit de communication et de copie.......................................................................150 C. L’expertise...................................................................................................................150 D. Les rapports et procès verbaux....................................................................................151 II. le pouvoir des agents en cas d’enquête avec autorisation judiciaire..............................151 A. Les visites....................................................................................................................152 B. les saisies.....................................................................................................................152 CHAPITRE 2 : DES QUALIFICATIONS LÉGALES DE L’INFRACTION SIMPLIFIÉES, COMPLÉTÉES PAR DES INTERPRÉTATIONS JURISPRUDENTIELLES PROTECTRICES.................................................................................152 Section 1 : Des incriminations dissuasives par l’élément moral rétréci............................152 §1. Les infractions formelles...............................................................................................153 I. Les critères de l’infraction formelle................................................................................153 II. Les infractions formelles en Droit pénal de la consommation.......................................153 §2. Les délits obstacle..........................................................................................................154 I. Les critères du délit obstacle...........................................................................................154 II. Les délits obstacle en Droit pénal de la consommation.................................................155 Section 2 : Des incriminations simplifiées par la moindre exigence de l’élément moral......................................................................................................................156 §1. L’infraction contraventionnelle..................................................................................156 §2. Les délits non intentionnels..........................................................................................157 Section 3 : Des interprétations jurisprudentielles protectrices du consommateur..........159 §1. Les extensions jurisprudentielles en matière de tromperies, fraudes et falsifications.....................................................................................................................159 §2. Les extensions jurisprudentielles en matière de publicité trompeuse......................161 CHAPITRE 3 : L’APPLICATION ET LE CHOIX DE LA SANCTION.................................163 Section 1 : La détermination de la personne pénalement responsable.............................163 §1. La responsabilité des personnes physiques.................................................................163 I. Dirigeants et délégations de pouvoir...............................................................................163 II. La possible multiplicité des personnes physiques pénalement responsables.................164 §2. La responsabilité des personnes morales....................................................................165 I. La situation antérieure au 1er janvier 2006......................................................................165 II. La situation postérieure au 1er janvier 2006...................................................................165 Section 2 : L’adaptation et la sévérité des sanctions...........................................................166 §1. Le cumul des peines contraventionnelles....................................................................167 §2. Les peines délictuelles spécifiques ou complémentaires............................................168 I. L’adaptation de l’amende encourue................................................................................168 II. Les peines complémentaires spécifiques.......................................................................169 §3. Les règles spécifiques en matière de prescription......................................................170 Titre 2 : Des résultats parfois en deçà des objectifs poursuivis...................................................171 CHAPITRE 1 : UNE RÉALITÉ JUDICIAIRE ET ÉCONOMIQUE PARFOIS DÉCEVANTE POUR LE CONSOMMATEUR.............................................................................172 Section 1 : Des infractions rarement sanctionnées à la hauteur du préjudice, du fait de la rare application des peines textuelles, de la complexité de certaines infractions et de la difficulté pour le consommateur d’agir en justice individuellement.........................................................................................................172 §1. Les peines textuellement prévues rarement appliquées..................................................172 §2. Certaines infractions parfois difficiles à caractériser.....................................................174 I. Les conditions de mise en œuvre de certaines infractions..............................................175 II. La loi Fauchon rendant plus complexe la notion d’infraction non intentionnelle.........175 §3. Les actions individuelles devant la justice, un véritable « casse tête » pour le consommateur........................................................................................................177 Section 2 : Les effets pervers d’une législation relative au crédit à la consommation..........178 §1. Un constat alarmant......................................................................................................179 §2. La lutte contre le surendettement, un système relativement « infantilisant ».........180 §3. Les effets néfastes liées à ce genre de dispositif de protection...................................181 Section 3 : la primauté du Droit communautaire, un obstacle pour la protection pénale du consommateur............................................................................................................183 §1. Les conséquences de la primauté européenne sur la protection du consommateur dans le domaine de la conformité des produits......................................184 §2. Les conséquences de la primauté européenne sur la protection du consommateur dans le domaine de la vente à domicile...................................................186 §3. Les conséquences de la primauté européenne sur la protection du consommateur dans le domaine des promotions de vente et de certains procédés incitatifs.............................................................................................187 Section4 : Le rapport sur « la dépénalisation de la vie des affaires », un projet menaçant la protection pénale du consommateur...................................................................190 §1. La volonté d’une nouvelle configuration du champ pénal.............................................190 I. Les critères de « désincrimination ».....................................................................................190 II. Les mécanismes de substitution à la voie pénale................................................................192 §3. Les infractions « dépénalisables » en Droit de la consommation...................................194 I. La méthode envisagée et les justifications de la dépénalisation de certaines infractions consuméristes.........................................................................................................194 II. La liste établie par le groupe de travail des infractions devant être dépénalisées...............195 A. Les délits...........................................................................................................................195 B. Les contraventions............................................................................................................197 CHAPITRE 2 : LES MODES ALTERNATIFS DE RÈGLEMENTS DES CONFLITS INSUFFISAMMENT DÉVELOPPÉS........................................................................199 Section 1 : La conciliation..........................................................................................................199 §1. Le champ d’application de la conciliation.......................................................................199 §2. La procédure de conciliation.............................................................................................200 I. La désignation et la saisine du conciliateur..........................................................................200 II. Le déroulement de la procédure..........................................................................................200 Section 2 : La médiation.............................................................................................................201 §1. Le champ d’application de la médiation..........................................................................201 §2. Les différents modes de recours à la médiation...............................................................202 I. La clause de médiation.........................................................................................................202 II. L’accord de médiation.........................................................................................................202 III. La médiation judiciaire......................................................................................................203 §3. La désignation du médiateur.............................................................................................203 I. La désignation du médiateur lors d’une médiation contractuelle.........................................204 II. La désignation du médiateur lors d’une médiation judiciaire.............................................204 §4. Le rôle du médiateur..........................................................................................................204 Section 3 : L’arbitrage................................................................................................................206 §1. La clause compromissoire..................................................................................................206 §2. Le compromis d’arbitrage.................................................................................................207 CHAPITRE 3 : DES STRUCTURES ASSOCIATIVES NOMBREUSES MAIS DÉPOURVUES DE POUVOIRS RÉELLEMENT EFFECTIFS...................................................209 Section 1 : Une grande diversité associative limitée par la procédure d’agrément..............209 §1. Les variétés de structures associatives..............................................................................210 §2. La procédure d’agrément..................................................................................................210 Section 2 : L’action en justice des associations de consommateur en France.......................212 §1. La défense de l’intérêt collectif..........................................................................................212 I. L’action civile.......................................................................................................................212 II. L’action en cessation...........................................................................................................214 III. L’intervention....................................................................................................................215 §2. La défense de l’intérêt individuel du consommateur......................................................216 Section 3 : Les actions en justice mises à la disposition des associations de consommateurs bien trop insuffisantes pour protéger le consommateur, nécessitant la mise en place d’une véritable « class action »...................................................217 §1. La présentation de la « class action » anglo-saxonne......................................................218 §2. L’action de groupe et le Droit français.............................................................................220 ---oOo--CONCLUSION.................................................................................................................................223 ANNEXES.........................................................................................................................................225 BIBLIOGRAPHIE...........................................................................................................................226