Entretien avec Carmelo MESSINA
Transcription
Entretien avec Carmelo MESSINA
HISTCOM.2 Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 Entretien avec Carmelo MESSINA par Pierre Tilly à Overijse, le 23 novembre 2010 Transcription révisée par CARMELO MESSINA Coordonnateur du projet : Université catholique de Louvain (UCL, Louvain-la-Neuve), dans le cadre d’un financement de la Commission européenne. 2/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) PT : Pierre Tilly CM : Carmelo Messina CM : Dans notre conversation, on va aborder la thématique qui m’est la plus familière, à savoir la politique régionale communautaire. PT : Commençons peut-être par votre entrée à la Commission. Qu’est-ce qui vous a amené à faire carrière à la Commission européenne ? CM : J’entre à la Commission au mois de mars 1973. Dans quelles circonstances j’entre à la Commission ? Vous devez savoir que je m’occupais déjà de problèmes communautaires avant d’entrer à la Commission car j’étais, à l’époque, directeur de section d’un ministère italien, à savoir le ministère du travail et des affaires sociales. À l’intérieur de ce ministère, j’étais inséré dans une direction et une division qui s’occupaient de politiques communautaires dans le domaine des affaires sociales. Le hasard – qui guide parfois notre parcours, notre itinéraire professionnel – a voulu que j’aie un chef de division – un chef de section, comme cela s’appelait à l’époque en Italie – qui est parti très vite pour la représentation italienne auprès des Communautés, ici à Bruxelles. J’avais encore un chef de division mais, encore par hasard, ce chef de division avait été opéré à la gorge et n’arrivait pas à s’exprimer clairement, à parler. Je suis donc resté son second et, compte tenu de son handicap, c’est moi qui venais à Bruxelles. C’est la raison pour laquelle j’ai négocié, à l’époque, les règlements 3 et 4 de sécurité sociale, et les premier et deuxième règlements sur la libre circulation des travailleurs. Donc je venais à Bruxelles presque toutes les semaines. Je vous préciserai les dates ultérieurement. Chaque fois qu’on arrivait à Bruxelles, l’obligation était de passer par la représentation permanente italienne pour s’inscrire, faire des paperasses, etc. Je connaissais très bien l’ambassadeur représentant permanent italien, qui était à l’époque Monsieur Bombassei, dont le fils est plus tard aussi devenu directeur général à la Commission européenne. Monsieur Bombassei me connaissait car je venais souvent. L’année avant le premier élargissement, j’étais dans le cabinet de mon ministre au 3/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) ministère du travail et j’ai reçu un coup de fil de l’ambassadeur lui-même, M. Bombassei, qui m’a dit : « Mon cher Messina, avant que le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark n’entrent, il faut qu’on procède à un rééquilibrage des nationalités dans les différents échelons de grades des fonctionnaires car nous avons un déficit, nous les Italiens, comme les autres. » PT : Il va y avoir des changements… CM : …des changements, il y a des grades, des secteurs qui ne sont pas suffisamment couverts par telle ou telle nationalité. « Est-ce que vous voulez venir ? Je vous prie de réfléchir attentivement. ». J’ai dit : « Monsieur l’ambassadeur, donnez-moi 24 heures. ». Je venais toutes les semaines depuis quelques années. Eh bien pourquoi cette réflexion ? D’abord parce que j’étais bien installé dans mon pays, à Rome ; je venais souvent à Bruxelles et mon épouse travaillait elle aussi (parce que mon épouse était dessinatrice publicitaire, elle travaillait chez Playtex. PT : Elle travaillait à Rome. CM : Elle travaillait à Rome ; Playtex est une société américaine, une grosse société encore aujourd’hui. Nous n’avions pas…parce qu’à la question : « pourquoi vous avez décidé etc. ? », s’il y a des réponses sincères, la première des réponses est : « vive l’Europe ! » et la deuxième : « parce qu’on gagne plus. ». Ça n’a pas joué pour moi parce que, je répète, je faisais les missions tout le temps et donc je n’avais pas un problème d’argent. PT : Votre engagement européen…vous étiez impliqué dans les questions européennes, ça s’accompagnait d’un engagement. CM : Absolument, vraiment, même d’un enthousiasme, mais cet enthousiasme venait aussi du fait que mes chefs, mon Directeur Général du ministère (c’était un professeur 4/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) d’université aussi), M. Guerrieri, et mon chef de division qui avait un handicap physique, me faisaient confiance, donc ça aussi me motivait, mais me motivait aussi parce que j’avais vécu, étant étudiant encore, presque en direct avec enthousiasme, en 1957, la signature à Rome du traité. J’étais universitaire, et à l’époque les jeunes avaient une ferveur…je n’avais aucune intention de devenir fonctionnaire européen, non pas du tout, mais je me disais que c’était une belle aventure. Nous sortions (parce que j’avais quoi ? Je suis né en ’35, février ’35), donc je l’ai vécu étant un jeune homme. PT : La fin de la guerre, vous l’avez vécue d’un autre monde. CM : Oui, la guerre, je l’avais vécue d’un autre monde. Et je vous raconte une petite chose, mais très rapidement : j’avais, moi, évité que ma mère et moi, nous restions sous un bombardement américain. Nous étions, à l’époque, en Sicile chez mon grand-père qui y habitait – il n’était pas Sicilien (mon grand-père du côté de ma mère), il était Toscan, mais il était commissaire de police et il avait été transféré en Sicile. Un jour ma mère – j’avais 5 ou 6 ans – m’a emmené avec elle – parce que mon père était militaire – dans un magasin pour acheter un pain, et on faisait la file. C’était en ‘40…en ’39, enfin à ce moment-là. Mais pour moi à cinq ans, faire la file pour prendre le pain, c’est marquant. Je tirais la jaquette de ma mère parce que je ne supportais pas. Ma mère, à un certain moment, m’a dit : « ok, on revient plus tard, allons chez des amis (qui n’étaient pas trop loin de là). », et quand nous sommes arrivés à 100 ou 200 mètres de là, dès qu’on est entrés chez un coiffeur (qui était un de nos amis de famille), les avions sont arrivés : bombardement, et tous les gens qui étaient dans la file et tout le magasin y compris…boum. PT : C’est vraiment le destin. CM : Le destin. Parce qu’on aurait pu, si on restait dix minutes de plus, y rester. 5/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) PT : Tout en étant fonctionnaire, est-ce que vous avez adhéré à un mouvement européen en Italie ou à un mouvement de ce type ? CM : Non, parce que j’étais étudiant, j’étais à l’université, je faisais sciences politiques, en premier, en ‘61. Peut-être il y a des erreurs dans les dates. PT : Je vois que vous avez fait sciences politiques. CM : Et après sciences économiques. J’ai un diplôme en sciences politiques d’abord, et en ’62…’63 en sciences économiques, parce que j’aimais beaucoup l’économie et j’avais un professeur en sciences politiques qui m’a encouragé à prendre un diplôme de ce genre aussi. Et d’ailleurs depuis j’ai voulu faire la carrière universitaire. PT : Vous avez été assistant. CM : Je ne sais pas si aujourd’hui on l’appelle encore comme ça : j’ai été d’abord assistant volontaire, et ensuite j’ai fait l’examen, toujours poussé par mon professeur, j’ai gagné le concours et je suis devenu assistant ordinaire. PT : Assistant au cadre. CM : Cadre, ordinaire, on l’appelait comme ça : volontaire ordinaire, qui était le premier niveau pour le parcours de carrière universitaire. J’ai commencé comme ça, et quand j’ai gagné ce concours, vous devez savoir autre chose : après le baccalauréat, je me suis inscrit à l’université, évidemment, en sciences politiques, mais j’avais un père fonctionnaire au ministère des finances, qui m’a dit : « oui, tu fais l’université, tu fais ce que tu veux, mais fais un concours » parce qu’à l’époque c’était comme ça ; « tu t’assures déjà un revenu et tu continues à faire des études, tu prends tes diplômes, tu fais ta carrière comme tu veux, mais si c’est possible mets-toi en sécurité économique. ». Pour le contenter, j’ai fait ce concours et, heureusement ou malheureusement, je l’ai gagné. Mais, 6/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) dès que j’ai gagné le concours, on m’a envoyé en Sardaigne, à Cagliari, ce qui fait que plus tard, quand j’ai pris les deux diplômes et j’ai entrepris la carrière universitaire à laquelle je me consacrais, on m’a appelé et on m’a dit : « qu’est-ce que vous faites actuellement ? ». J’ai dit : « actuellement je suis procureur des impôts en Sardaigne. ». « Très bien, nous avons besoin de quelqu’un à l’université de Cagliari. ». Ce qui fait que j’ai continué à enseigner à Cagliari, et c’est la raison pour laquelle, pour sortir de Sardaigne (parce que je venais de Rome, je voulais retourner à Rome) j’ai à nouveau fait un concours, et c’est là que je suis allé au ministère du travail. Au ministère, on m’a inséré dans une division qui s’occupait des affaires communautaires. Là, les circonstances (je vous ai raconté) m’ont très vite mis dans une situation de premier plan. PT : On vous propose d’entrer à la Commission, vous entrez par concours ? CM : Attendez. J’arrive donc à la Commission 24 heures après l’invitation de M. Bombassei, l’ambassadeur, le représentant permanent, je lui réponds : « je dis oui parce que mon épouse m’a dit oui ». Nous avions un petit enfant de deux ans et demi, et mon épouse travaillait…moi comme je travaillais aussi, j’étais absent souvent parce que je venais à Bruxelles, mon épouse m’a répondu : « oui, parce qu’au moins je peux rester avec mon fils. ». Et donc j’ai dit : « oui », et je suis arrivé ici ». Je n’ai jamais demandé à l’époque dans quelles conditions, non, on m’a dit : « vous entrez comme fonctionnaire à la Direction Générale de la concurrence ». Et j’étais administrateur principal. A l’époque les grades étaient : administrateur principal encadré au grade A5, maintenant les grades s’appellent différemment, après la révision du statut du début des années 2000. PT : Directement fonctionnaire ou avec un contrat d’essai ? CM : Non, comme fonctionnaire A5. Attention, je répète, je faisais confiance à mon ambassadeur ; il m’invite à venir ici parce qu’il y avait ce problème de rééquilibrage dans un certain nombre de grades. J’arrive confiant. C’est seulement deux, ou trois ans même après, qu’on m’a inséré dans une division à la Direction Générale de la concurrence, 7/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) division qui était dirigée par un Monsieur belge qui s’appelait Jean Jaeger, un personnage…j’ai appris, mais vraiment beaucoup. Jean Jaeger qui s’occupait des aides à finalité régionale, dans une direction dirigée par M. Pierre Mathijsen dont je vous ai parlé tout à l’heure. Nous avons commencé au Berlaymont et après, toute la Direction Générale de la concurrence s’est transférée à la Rue des Nerviens, juste à côté du parc si vous voulez ; et je disais que le directeur, M. Mathijsen, avait son bureau juste en face du mien et on se voyait tous les soirs parce qu’en sortant il venait me dire deux mots. A la Direction Générale de la concurrence, dans cette division des aides à finalité régionale, M. Jaeger m’avait confié le dossier « France » des aides aussi bien que le dossier « Irlande » (la République d’Irlande). PT : Qui était en passe d’entrer dans la Communauté. CM : Bien sûr. PT : Donc on préparait déjà les dossiers. CM : Tout à fait, les dossiers de la concurrence « Irlande » et « France ». En plus, j’étais chargé de la politique générale des aides et je contribuais, avec, bien entendu, M. Jaeger qui était mon chef à l’époque, à la rédaction de la première solution de coordination des aides à finalité régionale qui, dans les années qui suivirent, a été corrigée, perfectionnée suivant les évolutions des politiques par la deuxième, la troisième, la quatrième etc. PT : C’est la première étape du processus. CM : La première solution de coordination que nous avons longuement négociée dans le comité d’experts nationaux, naturellement des aides. Et qu’est-ce qu’il y avait dedans ? Il y avait des choses très importantes parce qu’on a créé ce qu’on appelait "l’équivalent subvention net", parce qu’une des solutions trouvées dans ce document (premier document) était d’avoir établi des taux maxima d’aide, évitant ainsi la typologie des 8/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) régions. Vous devez savoir qu’à l’époque, ni la politique régionale ni la direction de politique régionale n’existaient alors; il existait seulement une division à l’intérieur de la Direction Générale des affaires économiques qui s’occupait de la dimension régionale des politiques économiques nationales. PT : Il n’y avait pas de coordination européenne ? CM : Pas du tout. Par la suite on a eu de la coordination, mais à ce moment-là, donc de ’73 jusqu'à ’76, ’77, la politique régionale était faite, dans la mesure où on pouvait l’appeler une politique…moi, je dis que ce n’était pas une politique, c’était une préoccupation régionale. [Rires] Il faut bien faire la différence. Cette préoccupation régionale était déjà dans le traité de Rome : article 92 et suivants de la politique de la concurrence, car cette dernière interdisait des aides sectorielles ou des aides territoriales parce que, effectivement, ces aides, en principe, allaient fausser la concurrence. Ça c’était le principe. PT : Donc on s’y intéressait par ce biais-là. CM : Exactement. Ça, c’était la règle de base, générale, mais dans ces articles du traité concernant la politique de la concurrence qui était avec une partie de la politique agricole ; seule la politique de la concurrence était une véritable politique, c’est-à-dire que la Commission Européenne avait de véritables pouvoirs (c’était presque le seul cas), et elle mettait en demeure tel ou tel pays ou telle ou telle région. Donc il y avait cette préoccupation régionale car le traité, article 92 et suivants, envisageait la possibilité d’octroyer des aides, dans une mesure raisonnable, seulement là où il y avait une distance considérable entre les régions fortes et les régions faibles. L’aide devait combler le différentiel de force, seulement ça. C’était dit comme ça pratiquement, mais comment expliquer tout ça ? On l’a expliqué dans la première solution de coordination où on établissait des taux d’aides suivant la nature des régions, parce qu’il y avait des régions en reconversion et des régions en retard. Mais une fois établi un taux maximum d’aide – 9/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) pour les entreprises, je parle – encore fallait-il définir comment calculer ces aides, parce qu’il y a des aides qui sont moins calculables que d’autres. Prenez par exemple une exemption fiscale, une aide fiscale, il faut traduire cette aide en équivalent subvention, parce qu’une aide est une subvention ; or vous pouvez donner une subvention, disons, qui se définit par un montant, donc une ressource financière définie, ou vous pouvez faire une exemption fiscale, vous dites : « vous ne payez pas ceci, vous ne payez pas cela », mais comment ça se traduit en termes de subvention nette à l’investissement ? Donc, nous avons élaboré tout ça dans cette solution. PT : Vous vous occupiez des cas de la France et de l’Irlande. C’étaient deux cas complexes, difficiles ou… ? CM : Le cas de l’Irlande était difficile dans le sens où l’Irlande, par sa situation de l’époque – je parle de la première moitié des années ’70 – elle a demandé immédiatement après son entrée d’avoir un privilège fiscal qu’elle a toujours reçu. Pourquoi ? Parce que, comme je disais, sa situation économique, qui était très faible, son niveau de développement, sa situation géographique et, en plus, ses rapports relativement complexes – pour ne pas dire difficiles – avec le Royaume-Uni et avec l’Irlande du Nord, rendaient effectivement nécessaire de les traiter d’une manière différente par rapport au reste de l’Europe. PT : Ils avaient des attentes par rapport à la Commission. CM : Exactement. Ils avaient des attentes par rapport à la Commission parce qu’en matière d’aides d’Etat – on parlera de la Commission tout à l’heure parce qu’il y a un certain nombre de choses que je me permettrai, que j’ai envie de vous communiquer – effectivement la Commission était considérée comme une véritable autorité. Donc, le dossier « aide » était un dossier délicat en préparation de son entrée et, par la suite, pour l’alignement de l’Irlande aux règles de la concurrence, même avec une situation privilégiée. Mais, celle-ci n’était pas gratuite, elle était compensée d’une certaine manière 10/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) par son handicap géographique, sa situation économique et ses rapports difficiles avec le Royaume-Uni d’un côté et l’Irlande du Nord, de l’autre. PT : Pour expliquer cela je me permets de revenir un peu sur vos parcours. CM : Je vous en prie. PT : Pendant deux-trois ans vous rentrez à la Commission avec un statut définitif ? CM : Vous savez, à ce moment-là, moi je ne me posais pas de questions. On m’avait appelé, sachant que j’avais déjà un certain nombre d’années d’expérience directe, parce que je participais, pour les raisons que je vous ai expliquées, aux négociations importantes de l’époque : la libre circulation… maintenant c’est un acquis. PT : À l’époque c’était une avancée… CM : C’était une avancée majeure. PT : Après deux-trois ans, la question de votre statut se pose. CM : J’ai commencé comme ça : je ne me posais pas de problèmes. Après trois ans, M. Jaeger, mon chef de division, est venu me dire : « mon cher Carmelo, il faut que ta situation, ton statut, soit bien défini ; et comme à la Commission on entre par concours, il faut faire pour toi comme pour les autres », – parce que, attention, il y avait eu, je vous l’ai dit tout à l’heure, cette nécessité de rééquilibrage, qui a été préparée en ’72 mais qui est entrée en vigueur en ’73, je répète : pas seulement pour une nationalité, mais pour TOUTES les nationalités, pour les six. PT : On redistribuait les cartes. 11/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) CM : Oui, parce que, comme il fallait donner autant de postes de ce grade au RoyaumeUni, à l’Irlande etc., on a revu l’organigramme. PT : Le jeu des chaises musicales. CM : Exactement. Donc, il fallait régulariser en quelque sorte. On a procédé à un concours interne. Je me suis trouvé détaché – parce que, attention, j’étais sorti de mon ministère en Italie mais avec une position particulière, parce que j’avais eu la prudence (oui je venais toutes les semaines mais c’est une chose de venir de Rome et c’est une autre chose de se transférer à Bruxelles avec la famille ; j’ai dit à mon épouse on accepte parce que c’est intéressant, je continue à faire ça, j’y crois, c’est magnifique. On y va. Elle me soutenait.) de ne pas quitter définitivement mon ministère. Il y avait à l’époque (je ne sais pas si ça se fait encore) la possibilité d’être détaché, mis ce qu’on appelle "hors-rôle" : le rôle c’est d’être inséré dans la structure d’un ministère, donc on nous avançait, il y avait des promotions. J’étais chef de section à l’époque, même dans mon ministère. J’ai dit : « je sors, je me fais détaché et si je vois que ça marche, je reste mais si, par hasard, pour différentes raisons ça ne marche pas, moi, je rentre. J’avais la possibilité de rentrer dans mon ministère. PT : C’était trois ans alors. CM : C’est ça. Mais ici on m’a dit : « ah, non, il faut que vous restiez, parce qu’autrement dans l’opération…il faudra vous remplacer ; mais faisons un concours (pour moi, mais pas seulement pour moi) pour tous ceux qui étaient arrivés ici dans les mêmes conditions. Il faut faire un concours interne. ». Et ça a été un véritable concours. Donc je me suis préparé pour ce concours. PT : Ce n’était pas gagné d’avance. 12/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) CM : Non. Ce n’était pas gagné d’avance mais je me suis senti à l’époque, je dois dire, un peu trahi. Je vous explique pourquoi : je me suis dit, Monsieur l’ambassadeur qui m’invite à venir ici, en motivant cette affaire, et j’ai constaté après avec d’autres collègues ; il fallait me le dire. Je aurais pu aussi parfaitement décider de venir, mais il aurait fallu me dire : « vous êtes encadré A5, administrateur principal – parce que, vous savez à l’époque il y avait deux grades à chaque fois : A7, A6 , A5, A4 ; après il y avait A3, le chef de division, le directeur et le directeur général. Donc, il fallait me le dire : « écoutez, après deux ou trois ans, vous serez appelé à faire un concours » et j’aurais décidé en toute connaissance de cause. PT : Ca n’a pas été le cas. CM : Ça m’a gêné de ne pas l’avoir su. Mais Jaeger, mon chef de division, a joué un rôle extraordinaire parce qu’il a été aimable, il m’appréciait, on avait combattu ensemble [Rires]. Et c’est comme ça que ça s’est passé, en ’77, je crois. PT : D’après votre CV oui, c’est en ’77. Vous entrez comme assistant du directeur général à la DG régio. CM : Exactement, parce qu’en ’77, comme je vous ai dit tout à l’heure, M. Thomson, qui était le commissaire qui a précédé M. , était parti. Et est arrivé M. Giolitti, qui était chargé de la politique régionale dans un premier temps, et plus tard de la coordination des fonds structurels aussi. PT : Vous le connaissiez déjà ? CM : Personnellement, non, je ne le connaissais pas. Ni lui ni M. Perissich, son chef de cabinet, ni M. Zanni , son chef de cabinet adjoint. PT : Il devient commissaire à la politique régionale. 13/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) CM : A la politique régionale dans un premier temps. Dans un deuxième temps, deux ans après je crois, on lui a confié une nouvelle direction, qui a été dirigée par M. Jaeger (qui donc est sorti de la concurrence lui aussi), une direction qui était un service en soi, mais qui n’avait pas le rang de Direction Générale (seulement d’une direction) pour la coordination des fonds structurels. PT : Du fait de la création du FEDER. CM : Oui, mais plus tard, parce que le FEDER a été créé en ’75. PT : Fin des années ’70. CM : Exactement. Donc on a créé une direction. Pourquoi une direction et non pas une Direction Générale de coordination ? C’est un problème de jalousie. Je m’explique : parce que les Directions Générales fonds structurels, FEOGA (orientation et garantie, mais surtout, évidemment, la partie orientation, développement rural), la Direction Générale des affaires sociales, fonds social européen, et le FEDER, dernier né, en réalité ne supportaient pas l’idée d’avoir une Direction Générale, c’est-à-dire à leur même niveau, qui aurait prétendu de les coordonner. D’ailleurs c’est la même raison pour laquelle on n’a jamais (au grand jamais, et probablement on ne le fera jamais) obtenu d’unifier les fonds. M. Delors a tenté, vers les années ’90-91, quand il a commencé son deuxième mandat (je me rappelle puisque j’étais assistant, non plus avec la Direction Générale dirigée par Mathijsen, le Néerlandais, mais avec l’Espagnol Eneko Landaburu, grand directeur général). PT : Qui est arrivé en ’86-’87. CM : Oui, avec Jacques Delors. Après que Mathijsen a fait une bourde : ne connaissant pas bien le caractère de Delors, il a osé dans une réunion de directeurs généraux (présidée 14/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) évidemment par M. Delors, qui était au début de son mandat – il est arrivé en ’85)… Mathijsen qui était un homme brillant, mais qui avait une pointe de présomption, a osé le contredire à propos des PIM (programmes intégrés méditerranéens). L’intégration était un vaste problème. PT : Ça a été un véritable laboratoire pour les fonds structurels. CM : Exactement. Surtout sur le plan d’un principe, dont j’espère vous parler après : le principe de l’intégration. PT : Revenons donc à M. Mathijsen et à Jacques Delors. CM : Il a osé lui dire que les programmes intégrés étaient une bêtise. Parce qu’on avait, nous, déjà essayé de faire les projets d’intégration, mais c’était plutôt une perte de temps pour telle et telle raison. Bref, il l’a contredit. Delors ne supportait pas ça, franchement. Il a été, pour ma période, sûrement le plus grand président (c’est une personne dont je me souviens avec beaucoup de plaisir ; j’ai fait partie aussi, par après, de Notre Europe, vous connaissez ?). PT : Oui, présidée par Jacques Delors. C’était quelqu’un qui suscitait… CM : C’était quelqu’un qui avait de l’autorité reconnue par les chefs d’État et les chefs de gouvernement. Il y avait une seule personne qui était toujours contre, c’était Madame Thatcher. Mais malgré ça, elle reconnaissait sa valeur PT : Elle a quand même accepté, certaines mesures ou certaines politiques… CM : Oui, elle a accepté certaines mesures grâce à l’autorité de Delors, même si elle lui a demandé « her money back ». 15/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) PT : « I want my money back ». CM : Et on l’a donné. Parce que c’est nous qui l’avons géré. Un petit fonds d’une durée limitée qui s’appelait le SMUK (Special Measures for the United Kingdom) (dont le "UK" final c’est Royaume-Uni, pour resituer) sauf que nous avons dit à l’époque : « non, il ne faut pas restituer de l’argent .Mais Pourquoi restituer de l’argent ? » Parce qu’il y avait à l’époque un principe sous-entendu que tout le monde poursuivait, mais qui n’était inscrit nulle part : le « juste retour ». Comme à ce moment-là le bilan communautaire était fait surtout de la contribution des Etats, plus une partie de la TVA, plus les entrées des douanes agricoles, mais qui était assez bien calculable. Donc chaque pays… PT : Savait identifier… CM : C’est vrai que Madame Thatcher disait : « my money back ». PT : Elle était contributeur net. CM : C’est ça, contributeur net. Mais de l’autre côté il y avait l’Allemagne qui continuait à dire : « je ne veux pas être, moi non plus, l’argentier de l’Europe. ». Elle le disait un peu à juste titre. PT : Ce sont eux qui contribuaient le plus. CM : Vous devez savoir, à ce propos, parce que ça fait partie de la période qui vous intéresse, que le Royaume-Uni…non, je vais vous dire une autre chose parce qu’il faut être complet. Nous avons dit, tout à l’heure, que dans le traité de Rome, en ’57, il y avait seulement ce que j’ai appelé une « préoccupation régionale » mais il n’y avait pas l’énoncé d’une politique régionale. Et cette préoccupation était dans la politique de la concurrence mais aussi dans la politique agricole, l’orientation etc. Lors de la négociation du fonds régional en ’73, ’74, qui est entré en vigueur en ’75 – j’y participais parce que, 16/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) comme je faisais partie de la DG concurrence, mais d’une division « aides régionales », donc intéressée par la problématique régionale, M. Jaeger m’a envoyé au Conseil suivre les groupes de questions régionales et il y avait le directeur général de la politique régionale, Renato Rüggiero, qui négociait directement. PT : C’étaient des négociations difficiles ? CM : Extrêmement difficiles. Vous savez pourquoi est né le fonds régional ? Ce n’est écrit nulle part. Mais j’ai participé à ces réunions, j’étais présent : c’est parce que le Royaume-Uni, qui déjà à l’époque avait une population active en agriculture (de presque seulement 3%) et qui avait déjà à ce moment-là une agriculture bien lancée, savait parfaitement et pertinemment que son entrée dans l’Union Européenne ne lui aurait pas permis de gagner beaucoup sur le tableau de la politique agricole – qui est l’affaire de la France, comme la politique de la concurrence de l’Allemagne. Attention, j’avais un directeur général allemand … PT : Les Allemands étaient attentifs… CM : Très attentifs. M. Schlieder, mon directeur général de l’époque. Le Royaume-Uni pensait pouvoir gagner, compte tenu de ses problématiques régionales… PT : Ses régions en retard de développement, ses régions industrielles… CM : Industrielles, de reconversion etc. ; donc il pensait pouvoir gagner sous le tableau d’une politique régionale avec un fonds intéressant et important, plus ou moins ce qu’elle aurait perdu … PT : Sur le plan de la politique agricole ? 17/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) CM : Voilà. Sauf que, plus tard, elle a réalisé que ce n’était pas le cas ou pas complètement le cas ; donc elle donnait plus, avec les mécanismes financiers, que ce qu’elle recevait. Et de là vient : « my money back ». On lui a donné satisfaction avec les SMUKs, mais en réalité c’est ça, parce que parmi les six pays d’origine qui ont précédé le premier élargissement (le traité CECA d’abord, et en ’57, le traité de Rome), le seul pays qui avait un gros problème à l’époque de disparités régionales, c’était l’Italie. Mais c’est pour ça que je vous le dis : l’Italie n’a jamais obtenu et, probablement, n’a jamais posé le problème de l’équilibre territorial, du rééquilibrage territorial, avec vigueur. C’est grâce au Royaume-Uni que le fonds régional est finalement né, mais pour la raison, non pas par la générosité du Royaume-Uni, qui d’ailleurs n’a jamais été généreux avec la Communauté européenne. PT : Si vous permettez qu’on reprenne un peu le fil : vous arrivez en ’77 au sein de la DG Regio, là vous travaillez directement avec M. Mathijsen… CM : Et j’y suis resté non seulement jusqu'à son départ mais j’ai reçu et j’ai préparé l’arrivée de M. Landaburu qui a remplacé M.Mathijsen, Le Président Delors avait en réalité promis au premier ministre espagnol (socialiste comme lui) Felipe González, de lui donner la politique régionale qui était en pleine croissance. PT : Et qui pour l’Espagne était évidemment un enjeu important CM : L’Espagne a été depuis le pays qui a reçu le plus. Donc, M. Eneko Landaburu, qui était directeur (socialiste aussi) chez Nestlé, il dirigeait le compartiment des études Neslté à Genève, était un grand ami de González et était très connu par M. Delors. Quand Delors a promis ce portefeuille à González, il l’a aussi accepté, parce qu’il le connaissait aussi, que ce soit Landaburu à venir. Et à ce moment-là M. Landaburu s’est tourné vers qui de droit pour savoir comment la Direction était structurée ? Il s’est tourné vers l’assistant du directeur général, c’est-à-dire moi-même. 18/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) PT : Vous étiez là depuis belle lurette. CM : Oui. Donc, c’est moi qui ai fait des aides mémoires, lui ai expliqué [comment…même figurez-vous] les caractéristiques de chaque directeur, des fonctionnaires, les problématiques internes de la Direction Générale. Je l’ai mis par écrit. Et un beau jour effectivement Landaburu a débarqué ici à Bruxelles, et pour l’accueillir de manière digne, à l’époque j’ai pensé à le faire comme ça : je l’ai invité à déjeuner au restaurant de l’Hilton, parce que quelqu’un m’avait invité un jour et j’avais trouvé que c’était un restaurant intéressant. Je l’ai invité là et je dois dire que Eneko Landaburu en a toujours gardé le souvenir et encore aujourd’hui quand il est au Maroc (il a quitté il y a un an, il a fait une très belle carrière mais malheureusement il n’a pas réussi à devenir le secrétaire général de la Commission même s’il y tenait et il l’aurait mérité ; parce que je peux vous assurer, par l’affection que je lui porte, il a été un des meilleurs directeurs généraux de la Commission. Je crois que tout le monde l’admet.). Donc un personnage vraiment important. Il était espagnol, bien entendu, et il est arrivé quand pour l’Espagne c’était important. C’est vrai qu’il a eu un œil…sentimental… PT : Comme assistant, quels ont été vos rapports avec la hiérarchie justement durant cette période ? Comment caractériseriez-vous ces relations avec la hiérarchie ? CM : Ecoutez, quand je suis arrivé à la politique régionale, la structure de la Direction Générale était une structure assez simplifiée : il y avait dans la Direction Générale, en ’77, 135 fonctionnaires en tout ; 140 mais pas plus et il y avait seulement deux directions : la direction que j’appellerais la direction conceptuelle et la deuxième direction, l’opérationnelle, l’application si vous voulez. Pour être simple : il y en avait qui pensaient et d’autres qui appliquaient. Un directeur, celui de la partie conceptuelle, s’appelait Rencki, peut-être vous le connaissez. Il était d’origine polonaise mais naturalisé français, et l’autre était un italien, M. Rosario Solima , pour l’opérationnelle. Solima avait été le chef de division de la division « affaires régionales » de la Direction Générale des affaires économiques. Je vous disais tout à l’heure qu’il y avait seulement 19/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) une unité aux affaires économiques qui s’occupait, entre autres, des problèmes régionaux. Et donc, il est presque naturellement devenu un des deux directeurs. Maintenant je crois qu’il y a onze directions. Donc 140 fonctionnaires en tout sont devenus 400 maintenant. Ce n’est pas beaucoup, vous savez ? Par rapport au nombre de pays ce n’est pas énorme. D’autant plus que les contenus des compétences ont beaucoup changé. PT : Et peut en déduire que la logique de gestion est assez souple ? CM : A l’époque (aujourd’hui c’est différent), l’assistant des directeurs généraux en général, mais chez nous certainement, était un assistant administratif (je veux parler de la gestion du personnel, ce qu’on appellerait aujourd’hui l’unité des ressources humaines) et politique. Moi, je faisais tout, alors j’avais un directeur général en plus. PT : C’était lequel alors ? CM : Mathijsen. Ce directeur général – nous étions à Archimède 5 à l’époque – avait une passion pour les voyages, qui étaient en fait souvent des voyages professionnels dans différents pays (il y avait d’ailleurs beaucoup de raisons pour voyager puisque la politique régionale se fait avec le territoire, les États). Je devrais vous dire quels étaient nos rapports internes à nous, la direction générale de l’époque, et avec les régions. PT : Les régions et les administrations. CM : Non. PT : Des régions, parce qu’il y avait des administrations régionales… CM : En tant qu’assistant, j’avais, d’une part, le directeur général qui voyageait, et quand cela arrivait, on ne pouvait pas attendre qu’il revienne pour faire tourner la machine. Qu’est ce que je veux dire par là ? Si du côté du président, du secrétariat général, de notre 20/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) cabinet, de notre commissaire et des États, des sollicitations arrivaient pour telle ou telle chose, moi je n’hésitais pas un instant à dire aux directeurs : « vous devez faire ceci ou cela, vous devez satisfaire à ceci ou à cela, il y a ça à faire, etc. ». Pourquoi ? Parce que tout le nœud de l’affaire était la confiance absolue (parce qu’autrement c’est inutile de faire l’assistant) du directeur général par rapport à son assistant. Il y a même eu un épisode, que je vous raconte : j’avais, en accord avec mon directeur général, prévu que, tous les lundis matins [il y ait une] réunion des directeurs avec le directeur général (l’assistant est évidemment toujours présent) pour discuter de la problématique en cours, de la programmation de la semaine, de ce qui s’était passé – c’est-à-dire l’échange – et la communication ; tout le monde devait savoir. Parce qu’il y a toujours eu ce conflit un peu sous-entendu (parfois ça éclatait) entre les penseurs et les opérationnels. Les penseurs disaient : « vous, les opérationnels, vous ne faites pas remonter suffisamment d’informations sur ce qui se passe, parce que nous pensons, mais il faut penser en fonction des réalités. ». Les réalités, c’est ceux qui étaient les opérationnels qui disaient : « mais nous avons le contact avec les opérateurs, les acteurs des territoires, mais nous ne pouvons pas traduire ça en une conception, une direction, une ligne d’action etc., parce que la conception, c’est vous ; qui ne connaissez rien de la réalité. ». PT : C’est inévitable. CM : C’est partout comme ça. Alors qui devait trancher et moduler ? C’était le directeur général, surtout qu’à l’époque on était deux directions. C’est pour ça que je suggérais à M.Mathijsen : « chaque lundi, il faut réunir les directeurs », parce que comme ça passent les messages : « qu’est-ce que tu as fait, quelles sont tes difficultés, pourquoi, comment etc. et comment faire évoluer toute la machine ». PT : Au départ, ça n’existait pas ? CM : Non. Maintenant je crois que ça s’est généralisé. Vous savez, quand les choses se généralisent, c’est parce qu’elles sont utiles. J’ai continué, dans le temps. C’était comme 21/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) ça. D’autant plus que, à l’époque, et pendant une très longue période, il y avait un secrétaire général (je parle du secrétariat général de la Commission) qui s’appelait Emile Noël et était un super secrétaire général ; en réalité tout le monde savait que c’était le premier des commissaires, le HYPER commissaire [Rires], parce qu’il avait une connaissance absolue, était à l’origine de tout. Et c’est lui qui a inventé la figure d’abord de l’assistant et deuxièmement des directeurs généraux, et il tenait tous les vendredis matins (en fin de semaine) la réunion des assistants. Lors de ces réunions, avec nous, les assistants, Noël et ses directeurs suivant les cas, il nous racontait premièrement ce que la Commission, dans ses réunions du mercredi, avait décidé, comment, pourquoi, etc. Les contrastes éventuels entre tel et tel commissaire. Mais il nous racontait aussi ce qui s’était passé au Conseil des ministres. PT : Il faisait descendre l’information, c’est ça qu’il voulait ? CM : Exact. Et c’est de là que j’ai eu l’idée. Je me suis dit que si le vendredi il y avait la réunion des assistants avec M. Noël (qui était un monument de connaissance et d’une capacité communicative tout à fait particulière. Lui aussi était une autorité, pas autoritaire, mais une autorité véritable, d’une intelligence extraordinaire, d’une expérience et d’une connaissance totales), où il nous communiquait des choses avec ses propres commentaires… PT : Qui étaient souvent des plus importants. CM : Mais bien sûr ! Pour comprendre les positions des délégations au Conseil, pourquoi, le pour et le contre. Bref. Tout ça, ce paquet de connaissances du vendredi, les assistants le portait à leur propre directeur général, d’où aussi la nécessité de réunions du lundi avec les directeurs. Eux, à leur tour, devaient expliquer ce qu’ils avaient fait, les difficultés, les propositions, l’avis, la problématique, la dynamique et la projection pour l’avenir (le premier avenir c’était la semaine qui commençait), et donc tout ça passait. Mais j’avais dit : « attention, les directeurs ne doivent pas tenir en poche cette information, ils doivent 22/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) la communiquer aux chefs de division (aujourd’hui ils s’appellent chef d’unité), et les chefs d’unité à leur tour doivent réunir si possible tous les fonctionnaires les lundis. Dans ces différentes réunions l’information passait (pas seulement la petite information, mais TOUTES). Et ça fonctionnait. PT : C’était un processus up-down, pas bottom-up ? CM : Non, bottom-up aussi. Je vous explique… PT : Mais ça partait du haut et ça gravitait... CM : Ça partait du haut parce que, je rappelle, c’est le mécanisme qui faisait ça, mais dans la réunion des directeurs, à part qu’ils recevaient cette information (ce qui s’était passé au Conseil, ce dont la Commission avait discuté, quelles nuances apporter, le pouvoir, ce que le Vicomte Davignon faisait, ses propres états d’âme, etc.), c’était intéressant. PT : Oui, c’était une analyse politique ? CM : Une véritable analyse politique puisque c’est l’histoire des faits, mais ce qui était déterminant, c’était donc l’apport personnel et les conditionnements de cet apport. Je vous donne un exemple : quand je vous ai dit tout à l’heure que jamais on n’a obtenu de réunir les fonds structurels en un seul fond, on a cherché des coordinations souvent difficiles à obtenir, on a inventé aussi une direction qui devait coordonner. Mais on n’a jamais pu. Pourquoi ? D’abord parce que chaque Direction Générale, chaque responsable thématique, était un peu jaloux, ne voulait pas être conditionné par les autres, tellement vrai que nous, à la politique régionale – qui est une politique horizontale et non verticale –, on a dû dans les années ’80 inventer ce qu’on appelait "l’AIR" : l’appréciation de l’impact régional des différentes politiques communautaires. Et parce que cela a été approuvé et par la Commission et par le Conseil, on a pu par exemple pénétrer dans la 23/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) politique agricole, qui était une forteresse. Et on a commencé à se demander : « mais quel est l’impact de la politique agricole au niveau des territoires ? Qu’est-ce qui se passe en raison de l’application de cette politique ? » ; non seulement de la partie « orientation « mais l’application de cette politique même de la partie garantie, les prix, etc. Sans considérer que, s’il y a des répercussions – et on constate (il y a eu des études sur ça) qu’il y en a –, on justifie mieux l’action dans la politique de développement rural. PT : Oui notamment le programme leader ou des programmes de ce genre… CM : Mais vous devez savoir encore une chose que personne ne sait, ou ceux qui l’ont vécu de l’intérieur : le programme Leader, la politique agricole, le FEOGA n’en voulait pas au départ. Qui a commencé à faire ce qu’on appelait la politique de développement local ? Ça été d’abord la politique régionale – je vous l’ai dit, non pas parce que « vous étiez à la politique régionale » mais c’est l’historique. Pourquoi ? Parce que nous avions une sensibilité territoriale par définition. C’est pour cela que j’ai dit que j’avais vécu un privilège, comme je suis un adepte total de la politique de développement local,…j’ai eu la permission de la pousser de la part des deux directeurs généraux que j’ai eu, Mathijsen d’abord, Krauser est venu après, mais Mathijsen et Landaburu m’ont soutenu. La politique de développement local, je vous le dis avec orgueil, c’est devenu une thèse assez répandue même si on trouve toujours quelques difficultés : le localisme (il y a toujours quelqu’un qui dit : « c’est le localisme ») ; mais non, la politique de développement local n’est pas localisme. La politique de développement local part d’un principe fondamental : tous les territoires, sauf les territoires désertiques (mais heureusement ce n’est pas notre cas en Europe) expriment des énergies qui, malheureusement, ne sont pas, au moins en bonne partie, libérées, exprimées. Ils ne les expriment pas parce qu’ils ne trouvent pas les conditions pour les exprimer, parce qu’ils sont meurtris par des situations différentes, parce que les politiques sont insensibles, pour différentes raisons. Ou parce qu’il y a un découragement par exemple. Dans une période, prenez l’actuelle période de crise, même du point de vue de l’emploi il y a des gens qui ne se manifestent même pas parce qu’ils disent que c’est inutile. 24/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) PT : Le fatalisme ? CM : Le fatalisme. Mais tout ça est créé par les milieux : le pouvoir politique central ne doit pas avoir la présomption de dire : « c’est moi qui décide ». PT : Un pouvoir qui décrète un climat ? CM : Qui décrète un climat, qui décrète comment on doit se développer, « c’est moi, Bruxelles, qui dois dire comment Liège doit faire son propre développement », même si on est à côté. Pourquoi ? Parce que les facteurs de croissance sont très différents d’une région à l’autre, du nord au sud, de l’est à l’ouest. C’est au point local [qu’il faut décider], parce que ce point est une histoire, une expérience etc. Donc, pour libérer cette énergie, il faut créer la confiance. Le centre, donc, n’importe quel centre…je me rappelle quand Giscard d’Estaing, lui qui avait été président de l’Auvergne, a dit un jour – quand il était président de la République – « la France se gouverne au centre », et il n’y a pas bêtise plus grande. Peut-être autrefois, mais pas aujourd’hui. Dans une économie mondialisée tu dis « je m’enferme, je fais de l’autarcie » - ce qui n’est même pas possible, d’ailleurs, même si on veut le faire. PT : Une méthode peu concluante ? CM : Ou alors on se confronte à la mondialisation. Moi j’ai des expériences par-ci par-là, de gens qui veulent le faire, mais je dois créer la confiance, stimuler tout ça. Je dois mettre les gens en condition de penser avec leur propre tête et non pas comme le Mezzogiorno d’Italie, où les gens disaient « oh, le gouvernement, attendez que le gouvernement… ». Ils voulaient toujours de l’assistance. Non ! Parce qu’il y a des génialités. Il faut faire une politique qui permette aux gens de s’exprimer. Et si on permet aux gens, aux acteurs locaux, à la société civile finalement, de s’exprimer, et les aider, donc, à réaliser, on peut avoir des faillites bien sûr, mais ce n’est pas grave, c’est de 25/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) l’argent bien dépensé. Moi, j’ai trouvé une difficulté à l’intérieur de la Commission, quand je trouvais des difficultés, comme je suis passionné par ce type d’arguments, je disais : « ce n’est pas le centre qui doit dire comment, ce n’est pas Londres qui doit dire à Glasgow comment il doit se développer, c’est Glasgow qui doit se déterminer. » Question : mais alors le centre… PT : C’est une perte de pouvoir ? CM : Perte de pouvoir ? Non. C’est au contraire gérer un pouvoir beaucoup plus noble, c’est-à-dire mettre les locaux en condition de pouvoir s’exprimer. Ça signifie donner tous les moyens pour le faire : technologiques, techniques, de connaissance, etc. Il y a eu de longues années où on ne nous permettait pas de contacter, de discuter avec des présidents de régions, figurez-vous. Politique régionale ! Quand j’étais assistant, vers la fin du mandat de M. Mathijsen, le président de l’époque, M. Thorn je crois, a reçu une lettre de la représentation permanente française qui signalait l’audace de certains fonctionnaires de la politique régionale, qui avaient osé discuter directement avec, non le maire de la commune, le président d’une région du sud de la France. PT : C’était un crime de lèse majesté ? CM : Oui, et rappelé avec, naturellement, des formules diplomatiques. Et cette note est naturellement descendue vers notre commissaire, le directeur général, et passée par moi, assistant, pour reprocher ça. Il ne fallait pas, à l’époque. Après, ils ont voulu, avec Maastricht, introduire le principe de la subsidiarité. Excellent principe. Mais dès le départ, c’était clair que ce principe aurait dû opérer et dans le sens descendant et dans le sens ascendant, parce que ce concept de subsidiarité signifie faire les choses là où c’est le plus utile et le plus pertinent de les faire. PT : C’est l’essence de ce principe. 26/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) CM : Voilà. Alors, si on veut faire une politique de l’environnement, il y a des choses qu’on peut faire à côté, mais la problématique de l’environnement est aussi beaucoup plus vaste. La problématique du climat, vous pouvez faire du bricolage à côté : contributions, etc., mais cette problématique est plus vaste, donc elle doit être faite au niveau et national et international (ou transnational). Le principe de subsidiarité, pour des choses de ce type-là, agit vers le haut. En d’autres mots : si toi tu ne peux pas faire, parce que tu n’as pas les moyens, les connaissances, etc., tu ne peux pas le faire compte tenu de la nature de ce qu’il faut faire. Et c’est moi qui dois le faire. En revenant sur la politique de développement territorial, c’est le multi-niveaux qui est important, ce n’est pas Paris qui doit dire à Montpellier comment il doit faire, non, c’est Montpellier qui doit être déterminé. Paris a une autre mission : de dire « fais attention, je veille parce que j’ai une politique générale macroéconomique. Ce que tu décides, c’est certes le mieux pour toi, et c’est ta responsabilité parce que si tu te trompes, c’est toi qui t’es trompé ; la chose que je prétends d’une part est que tes difficultés ne soient pas transférées à la région d’à côté. C’est à ça que je dois veiller : à ce qu’il y ait une compatibilité et une cohérence. ». C’est juste ou pas ? Mais ça c’est une mission noble, ça ne signifie pas remplacer. PT : Cette culture multi-niveaux à la Commission, elle était partagée par d’autres collègues ? CM : Elle s’est développée. J’en viens à une chose qui est d’une importance fondamentale, et qui n’est écrite nulle part. A l’intérieur de la Commission, deux écoles se sont toujours confronté: l’école de ceux qui disaient dès le départ, dès ’75, « la politique régionale n’est en réalité pas une véritable politique commune ; la politique régionale, et notamment le fond régional, (parce que d’autre part vous ne faites pas une politique sans avoir un peu d’argent en poche, parce que l’argent incite) la politique régionale doit être une politique d’appui aux politiques nationales à finalité territoriale. En tant que politique d’appui, ce n’est pas Bruxelles qui doit nous dire à nous, États (je parle d’États, encore), comment nous allons gérer l’aménagement du territoire. 27/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) PT : Et comment gérer les fonds ? CM : Et comment gérer les fonds. « Tu n’as qu’à nous les donner, on négocie. ». Alors, au départ, depuis 1975 jusqu’en ’85 plus ou moins – c’est-à-dire jusqu’à l’entrée en vigueur de la politique lancée par l’Acte unique qui est de 86, je crois… PT : L’Acte unique, c’est ‘85-’86. CM : ’86, exactement, parce que c’est Delors qui est venu et c’est lui qui a impulsé le Marché unique. C’est là qu’est né, pour la première fois, la politique de cohésion économique et sociale. PT : Qui était la deuxième façon d’envisager cette politique régionale. CM : Non, c’est beaucoup plus vaste. PT : Ce n’est plus dans la même logique. CM : Exactement, ce n’est plus dans la même logique. PT : C’est une autre école. CM : C’est une autre école. Mais il y a toujours eu deux écoles : la première qui dit « la politique régionale étant une politique d’appui à l’action des États, à finalité régionale, nous devons nous mettre d’accord sur les lignes générales, après quoi ils nous envoient des projets, qui sont sélectionnés… » PT : Donc dans ces cas, la Commission n’intervient pas sur la gestion des fonds ? CM : Non. Elle intervient au départ pour dire… 28/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) PT : Ce sont les orientations ? CM : Même pas des orientations encore, attention. Justement, c’est seulement après, quand elle est devenue plus communautaire, que les orientations sont venues. Parce que les orientations signifient : « ça c’est l’orientation que nous avons établie, tu dois faire une politique qui soit cohérente avec celle-ci ». PT : Qui s’inscrit dans le cadre de la programmation. Ça c’est plutôt une politique de cohésion. CM : Exact, mais la politique de cohésion est plus large, ce n’est pas seulement le fonds régional, ce sont tous les fonds structurels, et même plus : la politique économique, etc. Parce que, attention, c’est une cohésion économique, sociale et territoriale ; ce sont les trois éléments qui entrent dans la politique de cohésion. PT : Et, si je peux me permettre sur cet aspect-là : cette politique de cohésion, c’est vraiment Jacques Delors qui lui a donné son impulsion ? CM : Oui. La première politique de cohésion a été énoncée dans l’Acte unique. PT : Oui, mais cette élaboration, c’est au sein de la DG XVI qu’elle a été pensée ? CM : Oui, bien sûr. Pourquoi ? Je vous explique ce passage : 1975, fonds régional. Au départ, celui-ci a un certain nombre de critères, mais vous, États, vous sélectionnez les projets, vous nous les envoyez et nous les cofinançons, donc on vous appuie. Il n’y avait même pas, à ce moment-là le principe de l’additionnalité, ce qui fait que, souvent, ils nous envoyaient des projets déjà financés, donc ils récupéraient de l’argent qu’ils avaient déjà dépensé. « Quelle additionnalité ? ». Rien. Et ça a duré. A un certain moment, nous battions [Rires], Nous nous sommes dit : « ce n’est pas possible ». Et ça faisait dire aux 29/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) Allemands « et mon argent, où va-t-il ? Et toi Commission ? ». - « Nous, Commission, faisons ce que VOUS, Conseil, nous avez dit de faire ». Et le Parlement européen n’avait pas beaucoup à dire à ce moment-là. On était donc inquiets. Alors on a commencé à inventer le PDR, le Programme de développement régional. Vous savez, on cherchait à aller par des voies traverses, parce que, attention, la politique régionale était l’affaire nationale. Et on a commencé à dire aux Etats: « ne serait-ce pas plus rationnel, et peutêtre plus efficace, de mener une politique d’intervention sur le territoire, de rééquilibrage, de récupération des retards, etc., de reconversions (parce que c’était l’époque du naval, du textile, de la sidérurgie : les crises sectorielles, mais les grosses crises sectorielles, de l’industrie lourde). Ne serait-ce pas le cas que chaque pays ait un programme de développement pluriannuel et, donc, d’insérer le projet que vous nous envoyez sur la base d’une sélection que vous les Etats opérez, mais que vous opérez à partir d’une programmation stratégique nationale ? Parce que comme ça, on devient sûrement plus opérationnels et plus efficaces. ». Et on ne parlait pas encore de qualité, qui est déjà un autre paramètre. Et, pas tout de suite mais petit à petit, on a obtenu le programme. Parce qu’il y avait des Etats qui n’avaient pas l’habitude d’avoir une programmation territoriale, attention : le Danemark, le Royaume-Uni lui-même, n’avaient pas de culture de programmation territoriale. On avait la macroéconomie. PT : Oui, une politique pensée depuis Londres ? CM : Depuis Londres, depuis Rome, depuis Paris, etc. Et le premier pas était celui-là : on a obtenu, petit à petit, d’introduire cette culture de la programmation territoriale. Un peu plus tard, on a même inventé une commission, je l’ai écrit (je vois que je parle sans mes notes alors que je m’étais préparé), en ’87-’89, il y a eu un comité, un terme, pour raisonner sur la qualité, la rationalité et l’efficacité, l’impact, sur comment améliorer tout ça. Et à ce moment-là a commencé à émerger l’idée que, à une programmation nationale, il fallait ajouter au couplet une programmation communautaire. Parce que la programmation nationale est, pour chaque pays, plus large. La politique régionale étant une politique d’appui, comment expliciter cet appui ? Quelles significations donner à cet 30/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) appui ? Comment structurer cet appui ? Le cofinancement de projets, où il s’agit de grands projets d’infrastructure – à l’époque la démarche infrastructurelle était privilégiée, parce qu’on disait un peu partout que la base du développement sont les infrastructures. On a, par après, prouvé que, certes, les infrastructures sont d’une énorme nécessité pour la croissance d’un territoire mais ce n’est pas nécessairement la seule chose, et ce n’est pas assez. PT : Il y a eu quelques scandales tant au niveau national qu’au niveau des fonds communautaires. CM : Moi, je ne veux pas maintenant vous indiquer parce que ce n’est pas « joli, joli » de le dire mais, à l’époque, envoyé par mon directeur général Mathijsen, j’ai visité un aéroport, je me rappellerai toujours parce que ça m’a marqué, tout nouveau, cofinancé par la politique régionale de la Communauté, donc par le contribuable européen. Un aéroport magnifique : très beau avec des monuments à l’extérieur. J’entre, je visite, tout était prêt et sentait le nouveau. On marche vers les pistes à l’extérieur et je vois, je vous dis la vérité, au fond loin, juste en face des pistes, un édifice énorme. J’ai dit : « mais, ça doit être démoli »- parce que cet aéroport avait été construit pas loin de l’ancien. L’aéroport pré-existant, qui n’avait pas été là, mais dans un endroit pas très loin ; comme c’était une région touristique et les avions devenaient de plus en plus gros, ces avions (qui n’étaient plus des Caravelles) ne pouvaient plus atterrir dans cet aéroport. Il fallait faire un autre aéroport. On ne pouvait pas élargir cet aéroport-là pour des raisons environnementales, donc on l’a fait ailleurs. Mais il y avait ce bâtiment énorme juste en bout de piste. Et j’ai dit : « ça doit être démoli. « Ah, non Monsieur. Vous savez, c’est un hôpital. ». Un hôpital donc…ce qui aurait pu arriver…Cet aéroport n’a pas fonctionné pendant une longue période. Vous imaginez combien ça a pu coûter. PT : Et quelle était la marge de manœuvre de la Commission par rapport à ce genre de cas ? 31/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) CM : Justement. La marge de manœuvre était naturellement : réunions avec l’État, mise en demeure etc. Mais, habituellement, une attitude laxiste de la part des Etats qui affirmaient : « On règlera le problème ». PT : Dans le cadre de la politique de la concurrence, le traité ne vous donnait pas des arguments juridiques ? CM : Forts. Il ne nous donnait pas des arguments juridiques forts. Les menaces sont venues après. C’est la raison pour laquelle on a mis des règles plus contraignantes après. PT : Le cofinancement…des règles de durée ? CM : Le N+2. PT : Pour que les fonds soient correctement utilisés ? CM : Pas seulement ça : « Tu veux faire ça ? Très bien. Ce n’est pas contraire aux politiques communautaires (parce que nous vérifions seulement ça, s’il y a quelque chose qui est contraire à la politique des transports, à la politique de l’environnement, etc.) donc ça va. Mis à part le cofinancement du projet, et ça c’est important aussi, notre objectif était d’avoir une croissance des facteurs qui indiquent le développement dans le territoire, par exemple, à terme, du PIB par habitant. Si je prends ce paramètre (parce que c’est ce paramètre qu’on prend essentiellement même aujourd’hui), je veux que ce PIB par habitant dans la région X passe de Y à Z dans les quatre ans à venir. […] PT : Pour qu’il y ait une croissance régionale, un plus grand développement ? 32/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) CM : Je peux obtenir des moyens communautaires. Si une région e situe à 30% en dessous de la moyenne communautaire en termes de PIB par habitant, j’essaye d’atteindre au moins la moyenne et après, si c’est possible de la dépasser. Si je finance un projet en lien avec un programme, tout ce que je peux dire c’est : « c’est un magnifique projet » mais quels sont les impacts sur le déplacement du cœfficient (PIB de la région) ? Et c’est la raison pour laquelle, à force, on est passé d’abord par la programmation nationale, après on s’est dit qu’à la programmation nationale il faut une réponse communautaire. Qu’est-ce que c’était le cadre communautaire d’appui ? C’était la réponse à la programmation nationale. Et le cadre communautaire d’appui pays par pays n’était que la communautarisation, c'est-à-dire répondant à l’intérêt communautaire du développement d’une région donnée. Donc voilà la logique : cette progression était importante mais à côté de cela il fallait introduire l’intégration parce qu’autrement c’est inutile que la politique sociale en matière de formation (comme c’était le cas avant) se fasse sans programmation ; le Fonds social, exactement comme le FEDER durant sa première période, finançait aussi des projets et il n’y avait pas de programmation. Mais moi, je ne veux pas savoir si un projet est bon ou mauvais, je veux savoir si ce projet est fonctionnel au développement du territoire concerné. Pour faire ça il faut intégrer les opérations. Si l’économie demande beaucoup plus d’ouvriers dans le bâtiment que d’ingénieurs cosmonautes [Rires]… PT : Il faut investir dans leur formation. CM : Il faut voir quelle est l’évolution de l’économie, quelles sont les directions qu’elle prend, donc la perspective et, à l’époque de Delors a été créé le groupe de prospective (j’y ai travaillé aussi). Il y avait un groupe de perspectives qui travaillé avec Delors. PT : Ricardo Petrella y était aussi ? 33/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) CM : Non, Petrella n’était pas dans ce groupe. C’était un Français qui est encore directeur …Jérôme Vignon. On a travaillé avec Jérôme Vignon. Nous avons inventé, mais beaucoup plus tard. PT : Dans les années ’90. CM : Oui, dans les années ’90, après ’86. On a inventé une chose ensemble. On a fait une étude sur les nouveaux gisements d’emploi. Vous savez, après les chocs pétroliers, le premier en ’73, le deuxième ’75, il y a eu une crise parce que l’énergie coûtait cher. Il y a eu une longue période caractérisée aussi par la sortie de l’emploi pour beaucoup de travailleurs et chômeurs. Il y avait un problème d’emploi en Europe parce qu’on avait atteint presque 9%, 9,5% de chômage. Aujourd’hui c’est peut-être pire, mais bon. Je parle du niveau européen parce que certains pays avaient un taux beaucoup plus haut, et certaines régions encore plus haut. Et c’est de là aussi que nous avons introduit une autre idée à côté de l’idée du développement local : la possibilité de mobiliser les ressources endogènes. Mais les mettre en condition de s’exprimer… à côté de ça les centres ont entrepris cette innovation ; les BIC (Business Innovation Centres). ont soutenu les entreprises et puis sont nés les pactes territoriaux pour l’emploi. PT : En ’96. CM : Bravo. C’étaient des pactes expérimentaux au départ. Des pactes européens pour l’emploi mais aussi euro-partenariats, euro-leader, directoria. Je peux vous expliquer chacune de ces initiatives. PT : Tout à fait, mais c’est en dehors de notre période. CM : Oui, malheureusement mais, vous savez, la période qui a un peu explosé a commencé à partir de ’88. Pour différentes raisons : la première parce qu’il y avait eu une maturation d’un certain nombre d’exigences liées à l’efficacité, à la rationalité, à 34/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) l’intégration et tout ça avait été accompagné par les premières expériences pilotes qui, plus tard, à partir de ’88 sont devenues les programmes d’initiatives communautaires. C’est donc la période ‘89-’93, période pluriannuelle avec le premier paquet Delors qui, justement, avait avancé et obtenu deux idées fondamentales : la réalisation du marché unique en ’92, ’93 et la pluriannualité du budget, c’est qu’on appelle encore aujourd’hui les perspectives budgétaires. Pourquoi ? Parce que puisque nous avions insisté sur la programmation, pour la rendre significative par rapport à l’impact réel sur le développement des régions, cette programmation ne pouvait pas être dissociée de l’apport financier et donc de la pluriannualité des ressources. […] PT : Donc, ça ce sera pour un troisième volume du projet. Ce qui est important c’est que le début des années ’80 a été, comme vous l’avez dit, la période d’expérimentation, de maturation. Sans cette période-là, qui est peut-être moins spectaculaire ? CM : Moins spectaculaire mais fondamentale. PT : Peut-être un dernier chapitre parce que le temps avance… CM : Si mais moi, je ne finirai jamais… PT : On a parlé beaucoup de la politique régionale mais au delà de ça, votre vie sociale à la Commission… CM : Moi, jusqu’en ’88 je crois (je l’ai noté quelque part), j’étais assistant. J’ai fait l’assistant. Ça a été aussi un inconvénient, je m’explique, parce que, comme je viens de le dire, le directeur général de l’époque qui voyageait beaucoup, me faisait confiance et le jour où un des directeurs, notamment M. Rencki, lors d’une réunion des directeurs le lundi a dit à M. Mathijsen qu’il ne pouvait pas toujours recevoir des ordres de l’assistant. 35/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) M. Mathijsen, mon directeur général, a joué un rôle (j’étais reconnaissant), il a dit : « Non, M. Rencki, ce que dit M. Messina, ça vient de moi, donc s’il vous plait, quand je serai absent c’est Messina qui est mon porte-parole». Ça a compté pour moi, mais ça c’est un problème personnel, un petit inconvénient parce que je disais : « oui, d’accord, c’est magnifique mais, quel est mon avenir ? ». Mathijsen répondait : « mais Carmelo, vous avez une Direction Générale à votre disposition ». Si, effectivement c’était magnifique de ce point de vue, mais j’attendais aussi de progresser dans ma carrière. J’ai progressé après, mais j’ai dû attendre Landaburu. Compte tenu de ma position les choses étaient à la fois difficiles si on prend en considération l’atmosphère, le contenu, les élaborations successives de cette politique, les problèmes. J’étais le premier, je vous ai dit, avec mon ami qui travaillait avec Rencki, qui s’appelait M. André; nous avons travaillé ensemble pour rédiger le premier document de la Commission sur l’intégration, mais, à l’époque c’était au niveau des projets, ce qu’on appelait les projets intégrés. Mais passer d’un projet intégré à une action intégrée plus complexe, après le passage, l’intégration, a été facile, presque naturelle. Mais une fois affirmée l’exigence de l’intégration, c’est-à-dire l’implication de tous les acteurs, parce que, attention, quand on parle d’intégration, je voudrais préciser ça : il y a une intégration verticale et une intégration horizontale. L’intégration verticale signifie que vous intégrez ce que fait la Communauté avec ce que fait l’Etat et l’Etat avec ce que font les régions et les locaux, de manière à ce qu’il y ait toujours de la cohérence ; donc pour un problème de cohérence et d’harmonie. Mais l’intégration verticale comporte aussi la nécessité d’une intégration horizontale : secteur avec secteur. On ne pouvait pas faire une politique des transports finalisée seulement aux transports, pour le simple but de construire des routes. PT : Il faut que ça soit utile à d’autres secteurs. CM : On le faisait pour améliorer une certaine situation, mais cette situation comporte différentes dimensions qui doivent s’intégrer toutes. Récemment, l’année dernière – je dis ça pour expliquer un peu, le Parlement Européen, la commission de la politique régionale du PE me demande de faire une étude sur la politique urbaine et sur les quartiers 36/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) défavorisés, et la commission ajoute, pour mieux utiliser l’intégration. Après je constate que le Parlement parle d’intégration sans savoir de quoi il parle [Rires] et il est évident que je dois leur expliquer, fait qui a créé quelques problèmes à l’intérieur. Si on voulait faire, dans les quartiers en crise, une politique urbaine et vous dites : « je veux que l’approche intégrée soit utilisée ». Mais qu’est-ce que c’est l’approche intégrée ? PT : Ça ne doit pas rester un concept ? CM : Pas un concept vague, comme ça, de la littérature socio-économique. PT : Qu’est-ce que ça veut dire de manière opérationnelle. CM : Ça signifie qu’il faut définir, déterminer, comprendre qui sont les acteurs significatifs d’un quartier en crise. Qui sont ces acteurs ? Bon, on l’appelle la société civile. Après ça, il faut les mobiliser, les stimuler. Certes, à la fin du parcours quelqu'un doit décider, bien sûr c’est l’autorité compétente ; mais seulement quand elle a tous les éléments qui permettent l’intégration de tout ça. Ca signifie faire opérer les responsabilités jusqu’au niveau individuel. Mais pour faire ça il faut une mobilisation, il faut des actions, il faut les conditions pour, donc il faut terminer. On se plaint encore aujourd’hui parce que la crise ceci, parce que la crise cela…oui, bien sûr, il y a la crise, mais la crise, sachant où on va (avec la Chine – un milliard et trois cents millions, l’Inde – un milliard et quelques) avec la problématique financière, parce que c’est vrai que les banques on va les soutenir, mais elles ont une tendance irrésistible de recommencer la spéculation financière. PT : C’est plus fort qu’eux ? CM : Or, ou nous avons d’un côté une véritable gouvernance internationale ou commençons par le petit, parce que je veux bien savoir…qu’est-ce que c’est la Wallonie ? La Wallonie est beaucoup de choses, parce qu’il y a l’histoire qui est passée 37/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) dessus. Dans la Wallonie, comme dans tout autre territoire, il y a une économie de proximité et une économie compétitive. Sur l’économie compétitive, puisque il faut faire face à la compétition mondiale désormais, la seule chose qu’on peut faire c’est de créer et d’innover, parce qu’en plus l’innovation c’est notre force, parce que nous avons un avance sur ça. Nous avons les génialités du Nord au Sud, TOUTES les génialités sont en Europe : exploitons ça, encourageons ça, vraiment les gens trouveront un appui. C’est ça qui est important. Et après, parce qu’il n’y a pas d’autre manière…on ne peut pas dire : « ah, mais je faisais le textile, je faisais les chemises, maintenant elles viennent de la Chine » ce n’est pas possible ; c’est comme ça. La solution est de dire je ferai autre chose. PT : Il faut inventer de nouvelles choses. CM : Mais pour faire autre chose il faut que les gens soient encouragés, qu’ils sachent que si vraiment ils commencent à faire tourner leur cerveau, ils trouveront quelqu'un qui les aidera. Par exemple, l’autorité publique, au lieu de dépenser de l’argent parfois farfelu, elle pourrait offrir un check-up technologique gratuit aux petites et moyennes entreprises. « Je vous offre un check-up et j’ai des résultats ». Et si on fait ça avec toutes les petites et moyennes entreprises, on pourra sélectionner les secteurs qui peuvent avoir une croissance. Et après avoir fait un tableau comme ça on dit aux entreprises : « si vous investissez, on vous aide. On vous a offert un check-up mais on vous aide pour l’internationalisation. ». Si d’ailleurs, et par ailleurs, c’est un exemple que je donne maintenant, je lance, dans le Journal Officiel, pour un territoire donné une sorte de concours …je dis : « tous les universitaires qui sortent des différentes spécialisations qui ont des idées de projets innovants, sachez que moi, autorité publique compétente, je vais faire la sélection des avant-projets (attention, même pas projets), des idées articulées de projets (qui ne sont pas encore des projets mais qui sont assez structurées comme idées) et je vous donne même les rubriques que vous devez remplir. Je fais un concours, et sur base de ces critères que j’énonce (A, B, C, etc.) je vais sélectionner vos idées de projets. Et avec ceux que je vais choisir sur base de ces critères (je fais appel naturellement à un 38/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) jury) je vais participer au montage de ces projets et j’ajoute le lancement ». Ca signifie faire de l’innovation territoriale, parce que c’est de l’ingénierie financière fine. Après, naturellement, j’essaie de financer la recherche, surtout la recherche opérationnelle. PT : C’est un peu quelque part les enseignements que vous avez tirés de votre parcours. CM : De mon parcours et de ma propre implication. Vous savez la passion que j’ai pour ça, c’est parce que je l’ai vécu. Je l’ai voulue et je l’ai voulue dans une position qui me permettait de l’avoir, parce que j’avais un directeur général bien disposé. Vous savez la seule chose qui me disait M. Landaburu ? Il me disait : « Carmelo, vous avez raison parce que vous l’avez prouvé. ». Je vous ai parlé d’une série d’actions : euro-partenariat, par exemple, petites et moyennes entreprises. C’est vrai parce qu’il l’a constaté : les pactes territoriaux pour l’emploi étaient une méthode qui relevait toujours de la même idée : de mobiliser les ressources locales, les responsabilités locales. Une opinion ne suffit pas, ce qui suffit, par contre c’est une implication réelle d’une manière ou d’une autre. De là aussi, l’idée de la participation du public et du privé. PT : Les partenariats public-privé ? CM : Il faut avoir des raisons précises, il faut faire comprendre que ce qu’on veut n’est pas une fantaisie. Le multi-niveaux est important. PT : Tout ça est le fruit d’une lente maturation, d’un travail de conviction ? CM : D’années de conviction. On dit souvent : « les eurocrates… », ça fait plaisir parce que ce sont les bouc émissaires parfois, mais ils font, pas partout peut-être, un travail utile. Quand on nous disait : « vous ne devez pas parler avec les régionaux, les locaux etc.» parce qu’il y avait une jalousie, un obstacle de l’administration centrale, notamment des Etats. Pendant des années, aux administrations centrales il ne fallait pas parler de Communauté européenne. Et maintenant on est étonnés que le projet de Constitution n’ait 39/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) pas été adopté. Les citoyens doivent savoir quelle est l’utilité de tout ça. Ce n’est pas tellement difficile à condition d’avoir la volonté de faire passer, d’expliquer des messages. Est-ce qu’il y a des émissions à la télévision qui vous expliquent tout ça ? PT : Pas suffisamment. C’est un peu le projet que vous avez développé durant votre carrière ? CM : C’est surtout ça, en ayant la possibilité de le faire. Je répète, la seule chose que mon directeur général me disait, à qui moi je disais : « finalement on a trop d’argent » (ça peut vous paraître paradoxal). Lui il me disait : « vous savez Carmelo, ce que vous faites est très bien (parce que je le lui montrais) mais il faut dépenser notre argent parce que comment faire pour demander au Conseil, à la fin de la période de cinq ans, pluriannuelle, encore plus d’argent en disant que c’est nécessaire – c’était nécessaire, et maintenant avec l’élargissement n’en parlons pas – si nous ne démontrons pas que nous avons bien dépensé l’argent que nous avons obtenu cinq ans auparavant. Et ce que vous faites est formidable, mais il ne faut pas beaucoup d’argent pour le faire. ». C’était vrai, mais je n’avais jamais affirmé qu’il ne fallait pas cofinancer des infrastructures véritablement utiles et dans le cadre d’une programmation opérationnelle. 40/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010) Index des noms de personnes André, Clement, 36 Bombassei de Vettor, Giorgio, 3 Bombassei, Ranieri, 3, 4, 7 Davignon, Etienne, 23 Delors, Jacques, 14, 15, 18, 28, 29, 33, 35 Giolitti, Antonio, 13 González, Felipe, 18 Jaeger, Jean, 8, 11, 13, 14, 17 Krauser, ?, 24 Landaburu, Eneko, 14, 18, 19, 24, 36, 39 Mathijsen, Pierre, 8, 14, 15, 18, 20, 21, 24, 26, 31, 35, 36 Messina, Carmelo, 1, 3, 4, 11, 36, 39, 40 Noël, Emile, 22 Perissich, Riccardo, 13 Petrella, Ricardo, 33, 34 Rencki, Georges, 19, 35, 36 Rüggiero, Renato, 17 Schlieder, Willy, 17 Solima, Rosario, 19 Thatcher, Margaret, 15, 16 Thomson, George, 13 Thorn, Gaston, 26 Vignon, Jérôme, 34 Zanni, Giuseppe, 13 41/41 HistCom.2 « Histoire interne de la Commission européenne 1973-1986 » Entretien avec Carmelo MESSINA (23.11.2010)