Juillet 2011 - Incidences de la loi sur l`eau sur les

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Juillet 2011 - Incidences de la loi sur l`eau sur les
Lettre de l’Office Notarial 14 PYRAMIDES
Immobilier Institutionnel – Construction Promotion – Environnement – Développement Durable – Aménagement Urbanisme
ImmoThème Juillet 2011
Incidences de la Loi sur l’eau sur les projets immobiliers
La réalisation d’un projet immobilier implique l’obtention d’autorisations d’urbanisme mais également d’autres autorisations relevant de
législations spécifiques, au nombre desquelles se trouve la loi sur l’eau. Ainsi, malgré l’obtention d’une autorisation de construire, un projet de
construction pourra être remis en question au titre de la loi sur l’eau, notamment s’il a pour conséquence des prélèvements sur les eaux
superficielles ou souterraines ou encore une modification du niveau ou du mode d’écoulement des eaux.
L’hypothèse n’est pas rare. Il suffit pour s’en convaincre de s’intéresser à la seule rubrique 3. 2. 2. 0. (cf. Immothème septembre 2010) relative aux
installations, ouvrages et remblais réalisés dans le lit majeur d'un cours d'eau. Ce dernier correspond à la zone naturellement inondable par la plus
forte crue connue ou par la crue centennale, zone à partir de laquelle les périmètres des plans de prévention des risques d’inondation (PPRI) sont
établis. Tout projet situé en zone inondable d’un PPRI est donc susceptible d’être soumis à la loi sur l’eau.
Quelles en sont les incidences sur la réalisation du projet de construction ? Quelles conséquences lors des ventes ?
Autorisations d’urbanisme et loi sur l’eau : un principe d’indépendance des législations à relativiser
Ni le code de l’urbanisme, ni le code de l’environnement n’exigent qu’il soit justifié de la demande d’autorisation ou de la déclaration de l’IOTA lors
du dépôt du permis de construire et réciproquement. En pratique, rien n’empêche cependant les différents services instructeurs de le faire et il est
même souhaitable que le demandeur prenne l’initiative de cette information réciproque s’assurant ainsi, à défaut de coordination, d’une
cohérence des procédures d’instruction.
S’il est vrai que le législateur s’est efforcé d’articuler les différentes procédures d’autorisation en consacrant un chapitre du code de l’urbanisme
aux « Opérations soumises à un régime d’autorisation prévu par une autre législation » (chapitre V du titre II du Livre IV), la loi sur l’eau n’y figure
pas et c’est assez surprenant.
Pour les ICPE, dont la réglementation est proche de celle des IOTA, il est en effet prévu par l’article L425-10 du code de l’urbanisme de différer
l’exécution des travaux autorisés par le permis de construire à la clôture de l’enquête publique pour les installations soumises à autorisation et à la
décision d’enregistrement pour celles soumises à ce régime.
De plus, deux dispositions du code de l’environnement fixent des délais avant l’échéance desquels il ne saurait être question de débuter les
travaux de construction, même valablement autorisés par le permis de construire.
Pour les IOTA soumis à déclaration, l’article L214-3 prévoit que les travaux ne peuvent commencer avant l’expiration du délai d’opposition de 2
mois du préfet.
L’article R214-13 prévoit quant à lui que « la réalisation de l'ouvrage, de l'installation ou des travaux ou le démarrage de l'activité, avant
l'intervention de l'arrêté préfectoral, entraîne obligatoirement le rejet de la demande d'autorisation en cas d'avis défavorable du conseil
départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques. »
Il est donc prudent d’attendre la décision d’autorisation, et a minima l’avis favorable du CODERST, avant de débuter des travaux, dont la nature
et l’étendue exactes ne seront de toute façon pas connues tant que les prescriptions issues de la loi sur l’eau n’auront pas été délivrées.
Il est regrettable que cette question ne soit pas traitée par le code de l’urbanisme et on ne peut que plaider en faveur d’une coordination de ces
procédures d’instruction afin que les prescriptions de la loi sur l’eau soient intégrées au permis de construire, quitte à différer la délivrance de ce
dernier. Aujourd’hui, seules la diligence et la transparence des différents services instructeurs permettent cette coordination.
votre
Conseil de vo
tre notaire : Le porteur d’un projet immobilier doit donc faire preuve de la plus grande prudence et s’interroger le plus en
amont possible sur l’application de la loi sur l’eau à son projet. Les incidences en sont en effet bien réelles : différé du chantier de
construction, contraintes constructives, surcoûts, voire annulation du projet.
Outre les sanctions pénales prévues par le code de l’environnement, les travaux entrepris irrégulièrement peuvent faire l’objet d’un arrêté
préfectoral d’arrêt de chantier, voire de restauration de l’existant, autant de surcoûts non négligeables qui s’ajouteront aux sommes
investies à fonds perdus dans la construction d’un projet finalement interdit au titre de la loi sur l’eau.
Loi sur l’eau et vice caché de nature juridique
L’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux du 8 mars 2011 met en exergue l’obligation du vendeur, professionnel de l’immobilier, d’informer
l’acquéreur de cette réglementation spécifique qu’est la loi sur l’eau.
Voici la situation classique d’une société immobilière qui acquiert en 2005 une parcelle boisée afin de constituer deux lots à destination de terrain
à bâtir. En février 2008, l’un des lots est acquis sous condition suspensive d’obtenir un permis de construire un immeuble à usage d’habitation.
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ImmoThème mai 2011
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Obtenu en avril 2008, la vente du terrain sera réitérée en la forme authentique en juin. Il est alors annexé à l’acte de vente une note de
renseignements d’urbanisme et un certificat de zonage qui ne font ressortir aucune interdiction ou prescription particulière.
Peu après, il est constaté que l’opération de construction, située à proximité d’un ruisseau dans une zone humide au sens de l’article L.211-1 du
code de l’environnement, était soumise à la loi sur l’eau, « qu’en conséquence, avant toute intervention, devait être adressé au préfet de la
Gironde, soit un dossier de déclaration conforme à l’article R.214-32, soit un dossier d’autorisation comme prescrit à l’article R.214-6 du code de
l’environnement » et que si l’intégrité de la zone humide ne pouvait être conservée, l’autorisation de réaliser l’opération serait refusée. Ainsi, non
seulement l’instruction du dossier risquait-elle de reporter « l’ouverture du chantier à un terme indéterminé », mais surtout « de déboucher sur une
décision préfectorale d’interdiction ».
Pour demander la résolution de la vente, les acquéreurs arguaient de la présence, antérieurement à la vente, « d’un vice juridique qui consistait
dans le fait, non révélé par le vendeur, que la situation du terrain en zone humide nécessitait des autorisations spécifiques au droit de
l’environnement qui, compte-tenu des délais d’instruction et de l’incertitude concernant une solution de régularisation, rendaient leur projet
irréalisable. »
De son côté, la société immobilière considérait qu’il ne pouvait y avoir vice, « même de nature juridique, dès lors que toutes les autorisations
d’urbanisme ont été obtenues, que les renseignements d’urbanisme recueillis par le notaire n’ont révélé aucune restriction au droit de construire,
que ni la mairie, ni la préfecture n’ont notifié aux intimés un arrêté interruptif des travaux et que rien ne permettait de retenir que le permis de
construire de ces derniers était inopérant. »
La cour d’appel de Bordeaux a donné raison aux acquéreurs en affirmant qu’ « en raison du régime particulier auquel le droit de l’environnement,
distinct du régime du code de l’urbanisme, soumettait le terrain à bâtir vendu par la société appelante, les acquéreurs se trouvaient en
possession d’un bien affecté par un vice, de nature juridique, qui rendait la chose vendue impropre à l’usage auquel elle avait été
contractuellement destinée. »
Le principe d’indépendance des législations est donc réaffirmé et justifie que la loi sur l’eau n’ait pas été prise en compte lors de l’instruction du
permis de construire, d’ailleurs non contesté. Pour autant, ce n’en est pas moins une lacune, dont les conséquences sont fort bien résumées par la
cour d’appel qui conclut que les acquéreurs « n’auraient certainement pas acquis le bien s’ils avaient eu connaissance d’une situation juridique qui
génèrerait des frais imprévus, des délais indéterminés et le risque probable de voir leur projet de construction condamné. »
C’est donc la garantie des vices cachés qui, en l’espèce, vient combler cette lacune et offrir un recours à l’acquéreur profane non informé par le
vendeur professionnel de l’immobilier, qui comme l’a précisé la cour, est présumé « avoir connu le vice constitué par le régime juridique spécifique
auquel était soumis ce terrain », cette présomption étant irréfragable.
Conseil de votre notaire : Le vendeur a l’obligation d’informer l’acquéreur de l’application éventuelle de la loi sur l’eau. Si cette
information met le vendeur à l’abri d’un recours, elle n’est cependant pas suffisante pour l’acquéreur, dès lors que l’obtention de
l’autorisation « loi sur l’eau » conditionne la faisabilité de son projet. Ainsi, et comme c’est le cas pour le permis de construire, il semble
opportun de prévoir une condition suspensive aux termes de laquelle le projet ne serait pas irréalisable au titre de la loi sur l’eau, et/ou
le surcoût lié aux prescriptions issues de ladite loi ne serait pas supérieur à une somme déterminée.