Le lien s`ouvre dans une nouvelle fenêtreM-088-2010
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Kanton Bern Canton de Berne Parlamentarische Vorstösse Interventions parlementaires Numéro de l’intervention: Type d’intervention: 088-2010 Motion Déposée le: 01.06.2010 Déposée par: Hess (Bern, UDC) Cosignataires: 17 Urgente: Oui Date de la réponse: Numéro de l’ACE Direction: 11.08.2010 1113/2010 JCE (porte-parole) 03.06.2010 Rejet Interdire le port du voile dans l'administration cantonale et dans les écoles Le port du voile islamique fait débat en Suisse comme à l’étranger. Il est dès lors urgent pour le canton de Berne de se positionner et d’édicter des règles obligatoires sur le port du voile. Le voile n’a aucune signification religieuse mais prive celle qui le porte de son identité et de son individualité. Une telle atteinte heurte les valeurs fondamentales et les traditions de liberté de notre pays. Si elle doit être tolérée dans la sphère privée, dans la vie et le service publics, par contre, il importe de faire respecter les traditions et les valeurs helvétiques. Interdire le port du voile dans le canton de Berne ne restreindrait pas la liberté religieuse des musulmans qui pourraient parfaitement continuer de vivre et pratiquer leur religion. L’interdiction a pour but d’empêcher la discrimination de la femme et de garantir nos valeurs de liberté dans l’espace public. Il est urgent pour le canton de Berne d’adopter une position claire. Dans ces conditions, le Conseil-exécutif est chargé des mandats suivants : 1. Les collaborateurs et collaboratrices de l’administration cantonale et des établissements de droit public ont l’interdiction de porter le voile. Cette interdiction s’applique également aux personnes déjà au service du canton. Elles devront soit s’adapter, soit être licenciées. 2. Le port du voile est interdit dans les institutions publiques dans lesquelles il faut s’identifier, les offices du travail et les services sociaux, les bureaux des passeports, les postes de police et les centres de consultation publics par exemple. 3. Le port de toute coiffure est interdit dans les salles de cours. Affaire 2010-8977 Page 1/5 Réponse du Conseil-exécutif La motion demande au Conseil-exécutif de rédiger un acte législatif ou un arrêté qui interdise le port de coiffures dans l’administration cantonale et dans les écoles. Le motionnaire mentionne plusieurs types de coiffures: les collaboratrices de l’administration cantonale doivent se voir interdire le port du voile (cf. ch. 1 infra); dans certaines institutions publiques, le port du foulard doit être prohibé (cf. ch. 2 infra); enfin, le port de toute coiffure doit être banni dans les salles de cours (cf. ch. 3 infra). 1. Aux termes du chiffre 1 de la motion, il doit être interdit aux employées de porter le voile. Il est précisé dans le développement de la demande qu’une interdiction du port du foulard est compatible avec la liberté de conscience et de croyance. En l’espèce, la différence entre un voile et un foulard a une certaine importance. Etant donné que le Conseil-exécutif ne comprend pas clairement jusqu’où l’interdiction demandée par le motionnaire doit s’étendre, il prend position comme suit au sujet des deux variantes. Le voile est un vêtement enveloppant la tête et recouvrant le visage. Dans le contexte qui nous intéresse (port du voile par des femmes musulmanes), il faut distinguer entre la burka, qui recouvre intégralement le corps et le visage et le niqab, qui dissimule le visage, à l’exception des yeux de la personne. A ce jour, le canton de Berne n’a encore jamais été confronté à une demande exprimée par une collaboratrice de porter pendant le travail un voile dissimulant partiellement ou entièrement le visage (niqab ou burka). Il ne semble pas non plus que de telles exigences aient été formulées dans l’économie privée. Selon le Conseil-exécutif, une interdiction du port du voile pour les employées du canton n’est par conséquent ni judicieuse ni nécessaire. Elle reviendrait à bannir un comportement qui n’est tout simplement pas revendiqué. Le gouvernement est en outre d’avis que la collectivité ne devrait pas créer à titre préventif des règles inutiles, mais, au contraire, viser une dérégulation dans les cas où cela s’avère possible. Le foulard couvre les cheveux mais laisse le visage découvert. Contrairement à ce que pense le motionnaire, le port du foulard comme expression d’une appartenance religieuse par des femmes qui pratiquent l’islam, tombe sous le coup de la protection de la liberté de conscience et de croyance (ATF 134 I 49, c. 2.3, 134 I 56 c. 4.3, JdT 2009 I 229, 123 I 296 c. 2b/aa). Ce qui est déterminant dans l’invocation de la liberté religieuse n’est pas la façon dont une majorité des croyants interprète les règles du Coran ni le fait que l’obligation de porter le foulard soit respectée par tous les fidèles, mais l’importance qu’a une norme religieuse pour l’individu concerné (ATF 135 I 79, c. 4.4). Une interdiction du port du foulard doit par conséquent être conforme aux limites posées par l’article 36 de la Constitution fédérale, ce qui signifie qu’elle nécessite une base légale, doit être justifiée par un intérêt public prépondérant et être proportionnée au but visé mais également ne pas violer l’essence de la liberté religieuse. S’agissant du droit fondamental à la liberté religieuse, il peut en principe également être invoqué par des personnes qui, à l’instar du personnel de l’administration, d’élèves ou de personnes fréquentant un établissement de droit public, se trouvent placées dans une relation juridique particulièrement étroite avec l’Etat. Les collaborateurs et les collaboratrices du canton de Berne exercent des activités variées. Dans le cadre de certaines professions, l’employeur a un intérêt public légitime à interdire le port du foulard, par exemple pour les policières en uniforme ou les personnes qui doivent respecter des règles vestimentaires précises, notamment pour des motifs de sécurité. Le Tribunal fédéral a considéré qu’une interdiction de porter le foulard était admissible également pour les enseignantes des écoles publiques qui représentent l’Etat idéologiquement et religieusement neutre (ATF 123 I 296; cet arrêt a cependant été fortement critiqué dans la doctrine). Dans la plupart des fonctions as- Affaire 2010-8977 Page 2/5 sumées par le personnel cantonal, il ne semble exister aucun intérêt public à une interdiction du port du foulard restreignant la liberté religieuse des femmes musulmanes (tout particulièrement lors d’activités qui n’impliquent que de rares contacts avec des tiers). Cela s’explique avant tout par le fait que le port d’un foulard ne complique pas la communication et n’exclut nullement l’identification de la femme qui le porte (le port d’une coiffure sur des photos passeport est autorisé pour des motifs religieux, pour autant que le visage soit visible au moins de la pointe du menton à la naissance des cheveux). Dans la mesure où le motionnaire est d’avis que l’intérêt public à l’interdiction du port du foulard se justifie par l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes et qu’il souhaite lutter contre une discrimination des femmes musulmanes, il convient de relever que de nombreuses femmes ont décidé elles-mêmes de porter un foulard. Une interdiction du port du foulard fondée sur la violation du droit à l’autodétermination des femmes aurait plutôt tendance à restreindre précisément les droits à la liberté que l’interdiction entend protéger. Le Conseil-exécutif est d’avis que cette interdiction s’opposerait à l’idée d’un Etat de droit libéral. Bien entendu, les cas dans lesquels des jeunes filles ou des femmes sont forcées de porter un foulard doivent être considérés différemment. Pour les motifs exposés, l’interdiction générale du port du foulard pour les collaboratrices du canton serait incompatible avec l’article 36, alinéa 2 Cst. Seule une interdiction liée à des activités professionnelles bien précises pourrait tout au plus entrer en ligne de compte. Toutefois, le Conseil-exécutif est d’avis qu’une interdiction limitée de ce type présenterait plus d’inconvénients que d’avantages. La diversité des relations que les employées du canton entretiennent au quotidien avec leurs supérieurs et des tiers complique la mise en place d’une réglementation exhaustive, qui tienne compte de toutes les particularités. Selon le Conseil-exécutif, la question de savoir si le port d’un foulard devrait être interdit dans une situation professionnelle donnée ne peut donc pas être réglementée de façon à la fois générale et abstraite. Il serait bien plus judicieux de laisser l’autorité d’engagement concernée prendre la décision qui s’impose en fonction du cas qui lui est présenté. Celle-ci est habilitée de par la loi à établir des directives sur l’exécution du travail et la conduite des employés (art. 105 LPers en relation avec l’art. 321d CO), mais de telles directives, en fonction de l’intensité de l’action visée, doivent prendre la forme d’un ordre de service ou d’une décision. Comme exposé, on ne peut pas porter atteinte à un droit fondamental sans disposer d’une base légale claire. Dans le cas d’une enseignante portant le voile dans le canton de Genève, le Tribunal fédéral a toutefois relativisé les exigences liées à une base légale lors d’atteintes à la liberté religieuse telles que celles qui nous intéressent en l’espèce (ATF 123 I 296, c. 3). Dans ce contexte, le Conseil-exécutif est d’avis que l’article 105 LPers en relation avec l’article 321d CO constituerait, le cas échéant, une base légale suffisante pour ordonner une interdiction du port du foulard. 2. La motion demande par ailleurs que le port du foulard soit interdit dans les institutions publiques dans lesquelles les utilisateurs et les utilisatrices doivent s’identifier. Les exemples donnés sont ceux des offices du travail et des services sociaux, des bureaux des passeports, des postes de police et des centres de consultation publics. Contrairement à l’interdiction du port du foulard évoquée au chiffre 1, celle qui est demandée ici ne s’adresse pas au personnel du canton mais aux particuliers qui recourent aux institutions mentionnées. Comme précisé ci-dessus, le port d’un foulard ne rend pas une identification plus difficile, pour autant que le visage soit reconnaissable de la pointe du menton à la naissance des cheveux. Un intérêt public à une interdiction de porter le foulard dans des institutions publiques fait donc défaut. Par contre, l’interdiction du port d’un voile re- Affaire 2010-8977 Page 3/5 couvrant le visage (burka ou niqab) pourrait entrer en ligne de compte. Pourtant, le Conseil-exécutif est là encore d’avis qu’actuellement, tout au moins, une telle interdiction ne répond à aucun besoin. Le nombre de femmes musulmanes qui, en Suisse, portent un voile intégral, est faible. Lorsque celles-ci entrent en contact avec des employés cantonaux ou communaux, on peut partir du principe qu’à la demande du personnel, elles soulèvent leur voile et montrent leur visage à leur interlocuteur. Le Conseil-exécutif estime par conséquent qu’il n’est pas nécessaire d’édicter une interdiction de porter le voile dans des institutions publiques. 3. La motion demande enfin l’interdiction de toute coiffure dans les salles de cours. Ce ne sont donc pas seulement le foulard ou le voile qui sont concernés, mais également le port de tout autre vêtement couvrant la tête (p. ex. un chapeau ou une casquette de baseball). Par rapport à l’interdiction demandée, il s’agit avant tout de distinguer une réglementation qui s’adresserait au corps enseignant d’une interdiction concernant le comportement des élèves. Comme mentionné, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le principe de la neutralité de l’école et la protection des sentiments religieux des élèves et des parents peuvent justifier que dans les écoles publiques, il soit interdit aux enseignants et aux enseignants de porter une coiffure particulière pour des motifs religieux. Une telle réglementation concernerait en premier lieu les femmes musulmanes, mais elle pourrait également s’appliquer aux hommes de confession juive qui souhaiteraient porter une kippa tout en enseignant. L’école est un lieu où il s’agit de créer et d’entretenir un climat propice à l’enseignement et à l’apprentissage, qui ne peut exister qu’à la condition que toutes les parties concernées, c’est-à-dire le corps enseignant et les élèves, respectent les règles de comportement communes. La tâche de la personne qui enseigne est exigeante: elle doit en effet être un exemple pour les élèves, par rapport aux valeurs et aux croyances qu’elle transmet. Ses élèves doivent apprendre à faire preuve de tolérance face aux personnes de cultures et de religions différentes. Mais cette même personne est la représentante de l’école publique et jouit, à ce titre, de l’autorité indispensable à sa tâche. La liberté de conscience et de croyance d’un enseignant ou d’une enseignante peut dès lors être restreinte lorsque dans un cas précis, une pesée des intérêts permet d’établir que l’intérêt privé de cette personne à l’expression de sa conviction doit se placer derrière l’intérêt public à la neutralité religieuse de l’école et à l’accomplissement du mandat de formation. Le Conseil-exécutif part du principe qu’il existe dans la législation concernant les engagements une base suffisante pour interdire, le cas échéant, à un enseignant ou à une enseignante le port, motivé par des raisons religieuses, d’une coiffure à l’école. Là encore, il n’est pas nécessaire de légiférer sur cette question. Une interdiction du port d’une coiffure qui ne s’adresserait pas aux membres du corps enseignant mais aux enfants et aux adolescents ne pourrait pas être motivée par le principe de la neutralité confessionnelle de l’école. Les prescriptions destinées aux élèves qui concernent l’habillement et qui empiètent sur la liberté de conscience et de croyance se justifient souvent par le droit à la communication et au mouvement, au respect ou à la sécurité lors de l’enseignement des activités manuelles ou de la gymnastique. Le Conseil-exécutif ne connaît cependant aucun cas d’interdiction faite à une jeune fille musulmane de porter un foulard. Les écoles jugent au cas par cas, interdisent des vêtements et des coiffures là où ils pourraient s’avérer dangereux ou menacer le bon fonctionnement de l’école et les autorisent lorsqu’ils favorisent la réussite d’une intégration. Affaire 2010-8977 Page 4/5 Le Conseil-exécutif est d’avis qu’il ne serait pas justifié d’édicter une interdiction générale du port d’une coiffure qui s’étende à toutes les écoles. La décision d’interdire le port de coiffures particulières pour des motifs religieux, ne peut être évaluée qu’en fonction des cas qui se présentent et de la situation scolaire concrète. Les bases légales nécessaires au prononcé par une école de telles interdictions existent déjà. Selon les circonstances, par exemple l’âge des enfants ou des adolescents, l’ambiance dans la classe ou encore la «culture» scolaire, une interdiction peut s’avérer aussi bien adéquate dans un cas qu’inopportune dans un autre. La Direction de l’instruction publique apporte volontiers son soutien aux écoles qui le demandent lorsqu’il s’agit d’évaluer un cas concret et de prendre une bonne décision. Une réglementation législative ne pourrait pas tenir compte des diverses circonstances. En résumé, le Conseil-exécutif parvient à la conclusion que les mesures demandées dans la motion sont inappropriées ou alors en contradiction avec le droit supérieur. Il propose par conséquent de rejeter celle-ci. Proposition: rejet. Au Grand Conseil Affaire 2010-8977 Page 5/5