Le théâtre et la marionnette à l`école

Transcription

Le théâtre et la marionnette à l`école
IUFM DE BOURGOGNE
CONCOURS DE RECRUTEMENT: Professeur des écoles
Le théâtre et la marionnette
à l'école :
Quelles compétences relatives aux arts visuels peut-on développer
par l'utilisation de la marionnette à l'école ?
TRUCHE Emilien
Directrice de mémoire:
Nadine WARGNIER
Année 2004
0260473Y
SOMMAIRE
1.INTRODUCTION................................................................................ 3
2.Le théâtre et la marionnette à l'école................................................. 4
1.Quelle définition du théâtre ?....................................................................... 4
2.Pourquoi lier le théâtre et les arts visuels ?.................................................. 4
3.La marionnette: simple outil ?...................................................................... 5
3.La manipulation à vue en maternelle................................................. 5
Le regard et le geste .........................................................................................5
Découverte de l'album....................................................................................... 6
1.Réalisation plastique d'un élément............................................................... 7
1.Matériel utilisé................................................................................................. 7
2.Déroulement de la séance..............................................................................8
3.Difficultés et remédiations possibles.............................................................. 8
2.Assembler plusieurs éléments pour rendre un effet.....................................9
3.Mise en scène du personnage principal..................................................... 11
1.Déroulement de la séance............................................................................11
2.Validité de la démarche................................................................................ 12
4.Qualification des personnages................................................................... 13
5.Mise en scène de l'histoire......................................................................... 14
6.Conclusions et perspectives...................................................................... 15
4.La marionnette en CP...................................................................... 15
1.Objectifs..................................................................................................... 15
2.Précautions................................................................................................ 16
3.Réflexion autour de l'enjeu fabrication/ manipulation: ............................... 17
1. Le Matériel: ................................................................................................. 17
2.Phase de verbalisation :............................................................................... 17
3.Le personnage.............................................................................................. 19
4.Fabrication du personnage........................................................................... 19
5.La manipulation « surplombante »............................................................... 20
6. Vocabulaire utilisé........................................................................................22
4.Fabrication des brigands............................................................................ 22
1.Objectifs........................................................................................................ 22
2.Déroulement................................................................................................. 22
3.De la manipulation « surplombante » à la manipulation « en élévation ».... 25
4.Quelques codes............................................................................................26
5.Interaction manipulation / spectateur......................................................... 27
1.Objectifs........................................................................................................ 27
2.Expérimentation par le corps........................................................................ 27
3.Prise en compte du spectateur..................................................................... 27
4.Réveil de marionnettes................................................................................. 28
5.Rencontres entre marionnettes.................................................................... 29
5.CONCLUSION................................................................................. 30
BIBLIOGRAPHIE:............................................................................... 31
1
1.INTRODUCTION
Lors de mon premier stage en maternelle en PS et TPS, je me suis vite rendu compte
qu’il était difficile de solliciter l’attention des élèves et surtout de la garder. En échangeant
avec quelques collègues, il m'est apparu qu'une des premières réponses des enseignants
pour parer à cette difficulté avec ce type de public était l’utilisation de marionnettes. En
outre, j'ai reçu comme conseil de mes formateurs de jouer davantage avec mon corps et
avec ma voix. Ces quelques pistes m'ont interpellé: en effet, le vocabulaire employé est celui
de l'art théâtral.
Pratiquant moi-même le théâtre, j'avais quelques interrogations sur le théâtre et son
rapport à l'école. Dans mon expérience personnelle, le théâtre m'a beaucoup apporté sur le
rapport que j'ai avec mon propre corps, avec ma voix, sur le rapport aux autres et à l'espace.
Mais comme toute pratique artistique le théâtre s'inscrit dans un temps et un espace donné.
En effet, lorsque j'ai été confronté au théâtre contemporain, j'ai été assez dérouté malgré
ma pratique mais ma curiosité et quelques rencontres m'ont permis de commencer à avoir
quelques clés pour d'une part recevoir cette forme d'expression et d'autre part la
comprendre.
J'ai donc eu envie de fixer mon thème de recherche autour du théâtre à l'école. Mais le
théâtre à l'école est généralement abordé par l'entrée du texte et comme support de
langage. Mon expérience du théâtre m'amène à ne pas penser le théâtre seulement en
termes de « texte mis en espace » mais plutôt comme une pratique artistique qui donnerait
autant à voir qu'à entendre .A ce titre et dans le cadre de ce mémoire, je m'attacherai à
chercher quelles compétences liées à l'éducation du regard peuvent être développées et
quels liens peut-on faire entre les arts visuels et la pratique du théâtre à l'école.
L’école dans les Instructions Officielles doit développer une éducation au regard, une
éducation à la sensibilité, à la création. Il me semble intéressant d’amener la pratique
théâtrale pour travailler et développer des compétences visant à l’éducation du regard des
élèves. Pour moi cette éducation contribue aussi à l’éducation du spectateur, qui non
seulement peuvent se construire à partir de références patrimoniales, mais aussi de
propositions, de créations contemporaines dont certaines peuvent davantage se centrer sur
le sens.
Il serait opportun de considérer comment l’école peut devenir une école du spectateur en
amenant les élèves à découvrir et mettre en œuvre un certain nombre de codes en rapport
avec l’univers théâtral, et par quels champs de l’art théâtral ceux-ci peuvent être mis en
lumière à l'école.
2
2.Le théâtre et la marionnette à l'école
1.Quelle définition du théâtre ?
D'après mon expérience théâtrale et aux vues de la création contemporaine, il m'a
semblé important d'aborder avec les élèves l'aspect visuel du théâtre. En effet,
généralement le théâtre est abordé à l'école par l'entrée du texte. Ce point de vue de jeu sur
la langue et sur l'oralisation de la langue est très intéressant si on veut initier les élèves au
théâtre dit classique. Mais j'avais envie de choisir une autre entrée: en effet depuis la fin du
XIXème siècle, le théâtre a beaucoup évolué faisant apparaître la notion de mise en scène.
De 1876 à 1880, André Antoine engage une réflexion sur l'espace scénique et prône le
naturalisme sur scène contre l'idéalisme du beau langage. Il veut montrer la réalité sur
scène: c'est pourquoi il introduit de vrais objets sur la scène (décor en trois dimensions).
Rappelons qu' auparavant, le décor au théâtre était constitué de toiles peintes
(représentation de l'espace en deux dimensions), éclairées pour qu’ils puissent
simplement être vus. Dans ce renouvellement des conceptions sur le théâtre, certains
théoriciens rejettent cette vision naturaliste du théâtre.
Ces théoriciens soutiennent en effet, comme Antonin Artaud, qu'au théâtre c'est le
langage de la mise en scène qui prime sur le texte. Dans Le théâtre et son double (1936), ce
metteur en scène a le désir d’inventer un théâtre destiné au sens. Il définit alors des signes
scéniques qui doivent avoir une valeur idéographique. Ces signes scéniques sont l'acteur
( ses gestes et sa voix), la lumière, le décor, l'environnement sonore et le texte. Ce théâtre
est plus un théâtre de signes, de l’émotion forte que de la logique et de la compréhension.
Chez Artaud, le texte apparaît comme un signe parmi d'autres .
2.Pourquoi lier le théâtre et les arts visuels ?
Précurseur et initiateur de la pensée développée par Artaud, Edward Gordon Craig « a
été dès le début du (vingtième) siècle, un des phares de l'esthétique théâtrale
contemporaine, contribuant à la conquête de son autonomie par rapport à la littérature.
Contre le réalisme du décor et du jeu psychologique de l'acteur, il défend (...) l'art du théâtre
comme art du mouvement dans l'espace, art fondé sur la suggestion symbolique des lignes,
des couleurs, des gestes, des jeux d'ombre et de lumière »1 .
Dans cette courte définition du théâtre selon Craig, il apparaît que le théâtre est un « art
fondé sur la suggestion symbolique » . Ceci rentre en résonance avec les objectifs de
l'enseignement artistique à l'école primaire: « Les démarches d’enseignement artistique (...)
donnent accès aux formes symboliques élaborées qui sont la clé de nombreux savoirs
étudiés à l’école »2.
1
2
Cf in Dictionnaire encyclopédique du théâtre.
Cf in Qu'apprend-on à l'école élémentaire ?
3
On remarquera aussi les termes « lignes », « couleurs », « d'ombres et de lumière » qui
renvoient au domaine de l'éducation artistique pour l'école primaire et plus précisément à la
discipline des arts visuels.
3.La marionnette: simple outil ?
« Les arts de la marionnette ont une influence croissante dans l'évolution du théâtre et de
la représentation contemporaine. Ils peuvent être également un formidable outil pour la
maîtrise du langage à l'école primaire.»1 Cette citation extraite d'un article de Christophe
Lécullée paru dans la revue Argos n°30 souligne que la marionnette apparaît comme un
« outil ». Ceci m'amène à m'interroger sur la place de cette marionnette au sein de la classe.
Il me semble en effet qu'il peut être intéressant qu'elle soit aussi considérée à l'école comme
un objet plastique.
En effet, « le marionnettiste actuel se veut tout à la fois homme de théâtre (comédien,
metteur en scène) et plasticien (sculpteur, décorateur, graphiste) »2. Cette multiplicité des
rôles me permet de penser que la marionnette pourrait être utilisée en tant que composition
plastique grâce à laquelle l'enseignant va pouvoir mettre en place des apprentissages
relatifs aux arts visuels et non plus cantonner cet objet à sa fonction de « médiateur de
langage »3
3.La manipulation à vue en maternelle
Lors de mon premier stage en responsabilité en maternelle, j'ai eu la charge d'une classe
unique de maternelle. Il m'a fallu alors me demander ce que je pouvais mettre en place dans
une classe de maternelle accueillant des enfants de 2 à 5 ans autour de cette problématique
du théâtre et des arts visuels à l'école.
Le regard et le geste
D'après les Instructions Officielles, «dans le cadre de projets, des mises en situation sont
construites par l’enseignant pour engager les enfants dans des démarches de découverte
progressive. Ces situations permettent d’aborder les techniques (…); elles sont l’occasion
d’explorer la démarche d’un artiste ou des formes d’expression propres à une culture »4.
1
2
3
4
Cf Christophe Lécullée in « Médiateur de langage: la marionnette »
Cf Daniel Zerki in Les marionnettes.
Cf Christophe Lécullée in « Médiateur de langage: la marionnette »
Cf in Document d'application: La sensibilité, l'imagination, la création (maternelle) – Education
artistique (élémentaire).
4
J'ai choisi dans cette séance de suivre la démarche de création artistique du metteur en
scène à partir d'un texte. Ce texte est issu d'un album assez simple, niveau PS: Noël de
Sapin de Michel GAY. J’ai choisi cette histoire en fonction du thème abordé (Noël) et de la
période de l'année, du nombre restreint de personnages (deux personnages principaux et
deux personnages secondaires) et de lieux (une forêt et l’intérieur d’une maison). Le projet
que j'ai proposé aux élèves était le suivant: réaliser une maquette: espace réduit en trois
dimensions représentant les différents lieux présents dans l 'album. A l'intérieur de cette
maquette, j'envisageais de réaliser une présentation de cette histoire sous la forme d’un
théâtre de marionnettes animées. J'ai choisi d'utiliser des objets manipulés à vue qui
seraient utilisés comme des marionnettes. « Tout objet, toute forme sont pour lui (le
marionnettiste), animables, et peuvent accéder au statut de « personnage ».1
J'avais une interrogation quant à l'utilisation de ces objets: La manipulation à vue allaitelle être un élément déstabilisant pour les élèves ?
Dans un souci de pluridisciplinarité, les objectifs de la séquence que je vais relater ici sont
les suivants:
➢
➢
prêter sa voix à une marionnette (langage)
réaliser un décor simple dans lequel inclure deux personnages pour les animer
Selon les documents d'applications, « La démarche est organisée en étapes successives:
mise en situation pour solliciter et stimuler chez les enfants le plaisir d’imaginer, mise en
action dans des fabrications favorisées par de bonnes conditions matérielles, échanges et
apports autour des réalisations et des découvertes, présentation et mise en valeur des
productions. »2
Découverte de l'album
Lors d’une première séance orientée vers des objectifs langagiers, nous avons pris
connaissance de l’histoire: j'ai présenté l'album page après page. J'ai demandé aux élèves
de décrire chaque double page de l’album en essayant d’imaginer le déroulement de
l’histoire et les relations entre les différents personnages . J'avais un rôle alors d'animateur,
en ce sens où je donnais la parole à chacun, je demandais des précisions sur les
hypothèses émises par les élèves, je reformulais les énoncés syntaxiquement ou
lexicalement erronés et j'invitais les élèves à le faire. En fin de séance, j’ai lu l’histoire et
nous avons vérifié les hypothèses émises par les élèves.
Cf Daniel Zerki in Les marionnettes.
Cf in Document d'application: La sensibilité, l'imagination, la création (maternelle) – Education
artistique (élémentaire).
1
2
5
1.Réalisation plastique d'un élément
Lors d’une deuxième séance, orientée vers des objectifs de production plastique, j’ai
proposé aux enfants de réaliser une forêt pour représenter la forêt de l’album, lieu de vie du
personnage principal de l’album. Pour ce faire, dans un premier temps, chaque élève devait
réaliser un arbre. Dans l'album utilisé, la forêt était représentée par des sapins de la manière
suivante:
Les sapins, les uns sur les autres, donnent une impression de forêt. Pour ce faire,
chaque élève devait réaliser un arbre.
Mon objectif était :
✔ à partir de matériaux choisis parmi d’autres, fabriquer un sapin.
1. Matériel utilisé
Le matériel proposé aux enfants était le suivant:
✔ papier crépon vert, canson vert, papier rigide doré et gris, moquette de couleur
verte, carton ondulé, feuille type papier machine de couleur verte.
Ce matériel avait été préparé à l’avance à l’aide de l’ATSEM dans le couloir attenant à la
salle de classe où était entreposé le matériel de l’école.
Un de mes objectifs dans cette séance était de faire le choix d'un matériau pour ses
effets Le matériel présenté est très inducteur. Proposer aux élèves des matériaux présentant
seulement deux couleurs différentes: marron et vert ont dirigé les élèves vers une
représentation stéréotypée du sapin. Ces couleurs sont les couleurs communément admises
et utilisées pour représenter les arbres et donc les sapins. Là se joue précisément un
apprentissage de la maternelle, il faut passer par cette phase de stéréotype et de réalisme
pour permettre aux élèves de s'approprier les codes de la société dans laquelle nous
vivons .
6
2.Déroulement de la séance
Voici le récit du déroulement de la séance:
M: - Vous souvenez-vous de l’histoire de Petit Sapin ? Où se passe cette histoire ?
E: - Dans une forêt.
M : - Eh bien, nous allons essayer de réaliser cette forêt. Qu’y a-t-il dans une forêt ?
E: - Du vert !
E: - Des arbres !
E: - Des sapins !
M: - Cet après midi, on va essayer de faire des sapins. On va d’abord aller chercher le
matériel dont on a besoin pour faire des arbres.
Le groupe d’élèves et moi-même sommes donc allés chercher le matériel dans le couloir
puis nous l’avons installé sur une table. Le groupe d’élèves était assis autour de cette table.
La consigne était la suivante: « Chacun va choisir le matériel qu’il veut et va faire un sapin. »
Il y a d’abord eu une phase d’excitation pendant laquelle les enfants ont manipulé les
papiers. J’ai redonné la consigne et un élève a alors remarqué qu’il manquait quelque
chose : « Maître, on n’a pas de ciseaux ! » . Un autre élève est allé chercher des ciseaux.
Les élèves ont commencé à découper à tout va. J’ai fait remarquer qu’il fallait faire un sapin
et ne pas découper juste pour le plaisir de découper. Puis un autre élève a dit : « On n’a pas
de colle ! » . Alors, j’ai amené de la colle. Au niveau de la réalisation des sapins, un élève a
réalisé un sapin de ce type en deux dimensions:
Et par un phénomène d’imitation, les autres ont tous réalisé le même type de sapin. La
séance s‘est terminée ainsi.
3.Difficultés et remédiations possibles
Dans le déroulement effectif de la séance, on voit clairement trois phases: une très courte
phase de verbalisation, puis une phase de manipulation et enfin une phase de fabrication.
Le phénomène d'excitation est selon moi dû à la structure de la séance. Le moment de
verbalisation très important en maternelle a été trop court: il aurait fallu prendre le temps de
se demander à quoi ressemble un sapin: sa couleur, sa forme, son aspect, la forme de ses
branches. Puis il aurait été judicieux de se demander comment ce sapin a été représenté
par l'illustrateur et voir la différence avec un sapin réel. Ce moment est nécessaire pour
clarifier l'attente de l'enseignant. La réaction des élèves montre bien que le projet n'était pas
lisible pour les élèves. En effet, j'ai dû redonner la consigne.
7
Puis dans un deuxième moment de verbalisation, j'aurais pu mettre un place un moment
d'observation et de manipulation des différents matériaux et permettre aux élèves de
qualifier les matériaux présents: leur couleur, leur aspect au toucher, et ainsi permettre une
acquisition de vocabulaire relatif aux sensations et un choix plus réfléchi des matériaux
utilisés lors de la phase de fabrication.
Revenons sur le phénomène d'imitation lors de cette phase des fabrication. Les
apprentissages se font parfois par imitation dans certaines situations mais la situation que je
voulais mettre en place avait pour but de développer la créativité des élèves. Il fallait que les
élèves trouvent une solution à ce problème de représentation. Dans cette séance, le moyen
d'apprentissage que je voulais mettre en œuvre est plutôt la confrontation de solutions pour
enrichir le panel de solutions de l'ensemble du groupe. L'apprentissage par imitation aurait
pu intervenir dans un deuxième temps, où l'objectif de l'activité aurait été l'apprentissage de
cette solution pour toute la classe.
Pour éviter ce phénomène d'imitation que je n'avais pas anticipé, j'aurais pu placer tout le
matériel sur une table dans un coin de la salle et placer les élèves par petits groupes sur
d'autres tables. Les élèves auraient alors dû se déplacer pour venir chercher le matériel dont
ils avaient besoin. Ce simple déplacement physique m'aurait permis de faire verbaliser à
chaque élève les caractéristiques des matériaux qu'il aurait choisis mais surtout de placer
les élèves en situation d'élaboration de projet et donc d'anticipation des choix à faire.
2.Assembler plusieurs éléments pour rendre un effet
Dans une troisième séance, nous avons réalisé la forêt. Dans la séance précédente
chaque enfant avait réalisé un arbre mais il est intervenu une difficulté que je n'avais pas
anticipé: tous les arbres étaient en deux dimensions. Les enfants n’ont pas compris l’idée de
construire une maquette de la forêt: il restait encore très nettement un problème quant à la
lisibilité du projet, qui finalement a été tout au long de la séance le projet de l'enseignant et
non celui des élèves.
Pour pallier cette difficulté, j’ai moi-même fabriqué le personnage principal Petit Sapin en
3D et j’ai amené une caissette en bois ayant une fonction de support pour la forêt. Les
objectifs de la séance étaient les suivants:
✔
trouver une solution technique pour placer verticalement les sapins réalisés sur un
support horizontal
✔
trouver le meilleur agencement pour représenter une forêt à partir des sapins
précédemment réalisés
8
Voici le déroulement de la séance:
M : - Que voulait-on fabriquer la dernière fois ?
E : - Des arbres !
E : - Des sapins.
M : - Avec les sapins que vous avez fabriqués la dernière fois, nous allons faire une forêt?
Comment va-t-on faire ?
E : - Il faut faire sur une feuille et on découpe.
E : - Il faut faire comme toi! (en désignant le sapin que j’avais réalisé.)
Lors de cette première phase, il n'apparaît pas avec certitudes que les élèves ont une
bonne connaissance de ce qu'est une forêt. Il aurait été bon de questionner les élèves sur la
conception de ce qu'est une forêt. L'album utilisé dans cette séquence, à l'intérieur duquel
est figurée une forêt, aurait été un bon support pour voir une première représentation de
forêt. On aurait alors pu remarquer les couleurs, les formes utilisées.
M : - Hier nous avons fait des sapins. Comment va-t-on les placer ?
Un élève propose alors de placer le sapin qu’il a réalisé. Mais il apparaît un problème.
M : - Quel est le problème ?
E : - Il ne tient pas debout !
M : - Comment faire pour qu’il tienne debout ?
E : - On peut les plier.
L’élève a alors plié la base du tronc du sapin pour faire tenir le sapin verticalement.
Cette utilisation de sapins réalisés en deux dimensions et la proposition de commenter la
représentation de l'album ne semblent pas suffisantes. En effet, lors de cette séquence je
propose aux enfants de faire une réalisation en volume d'une forêt en se basant sur une
représentation plane de cette même forêt. J'aurais pu mettre en place une sortie en forêt
pour appréhender ses caractéristiques sur le terrain. Cette expérience à lier avec une
découverte sensorielle de la nature aurait permis de commencer à déterminer certains
points de divergences entre la réalité et sa représentation. Selon les textes officiels, « Pour
les plus grands, il s’agit de (...) distinguer les images selon les rapports divers qu’elles
entretiennent avec la représentation du réel et la fiction (convergence ou divergence »1.
Chaque élève est alors venu placer l’arbre qu’il avait fabriqué puis tous les enfants sont
aller se placer en face de la forêt réalisée collectivement. Un élève a fait une remarque
spontanément : « Celui de petite Manon, on ne le voit pas. » . Manon est alors venu le
déplacer.
1
Cf in Document d'application: La sensibilité, l'imagination, la création (maternelle) – Education
artistique (élémentaire)
9
La remarque de cet élève aurait pu être exploitée En effet, il y avait là une occasion
d'acquisition de vocabulaire relatif à la position dans l'espace (devant, derrière...). En outre,
je n'ai pas questionné l'élève sur la modification qu'elle a pu apporter. De même lorsque j'ai
demandé aux élèves si on voyait une forêt, j'ai eu comme simple réponse : « Oui! ». Il aurait
été judicieux de souligner le fait que la maquette que nous avions réalisée représentait une
forêt car depuis l'endroit où nous l'observions l'agencement des sapins nous donnait
l'impression qu'il y avait une multitude d'arbres.
La réalisation des élèves a donc été la suivante:
3.Mise en scène du personnage principal
Dans la séance suivante, j'ai pu utiliser la forêt réalisée comme support pour une séance
de langage. C'est lors de cette séance que nous avons vraiment commencé à mettre en
scène le petit personnage dans un espace.
L’objectif principal était :
✔
de prêter sa voix à une marionnette.
1.Déroulement de la séance
A partir de la maquette que nous avions réalisée, j’ai proposé à un élève de GS de
prendre le petit Sapin que j’avais fabriqué, de l’animer et de faire parler cette marionnette à
l’intérieur du décor. La consigne était la suivante: « Tu vas raconter l’histoire de Petit Sapin
en le faisant parler ». Pour les élèves spectateurs, j'avais donné comme consigne de
regarder puis de dire si on comprenait bien que c'était le Petit Sapin qui nous racontait son
histoire.
10
L’élève a alors commencé à raconter l’histoire à la troisième personne: « Le Petit Sapin, il
a disparu de la forêt alors ses parents, ils se demandent s’il est pas monté au ciel…». Au
regard de la consigne proposée à l'élève, sa réaction est appropriée. En effet, dans la
consigne intervient le verbe raconter: mais ce terme n'induit pas une action de la part du
personnage.
J'ai alors questionné les élèves spectateurs.
M : - Qu’ est-ce qui ne va pas ?
E : - On ne voit rien !
En effet l'élève avait le dos tourné au reste du groupe et racontait son histoire en
regardant le Petit Sapin.
J'ai proposé à l'élève de recommencer à nous raconter l'histoire en tenant compte des
spectateurs et avec la consigne suivante:« Tu vas nous raconter l'histoire de Petit Sapin,
comme si tu étais Petit Sapin et il faut que les autres voient le Petit Sapin qui est dans la
forêt! » . L'élève a donc recommencé la narration en tenant compte des spectateurs: il était
placé derrière la marionnette et face aux spectateurs .Mais l'histoire de Petit Sapin a de
nouveau été racontée sous la forme: « Le petit sapin, il a fait ceci ... » .
Il subsiste encore une ambiguïté dans la formulation de la consigne. Il aurait peut-être
fallu proposer la consigne suivante: « Tu vas imaginer que Petit Sapin est vivant, il parle et il
veut nous raconter son histoire et tu vas lui prêter ta voix. »
2.Validité de la démarche
Lors de cette séance, j'ai moi-même choisi un élève de GS pour réaliser cet exercice qui
me semblait difficile. Alors qu'on a l'image des enfants qui jouent avec des figurines et qui
spontanément prêtent leur voix à ces figurines, il apparaît ici la difficulté était trop
importante. On pourra m' objecter qu' effectivement pendant ces jeux d'enfants, les enfants
prêtent facilement leur voix à des personnages, mais ici résidait une difficulté
supplémentaire: il fallait tenir compte des spectateurs et ceci est très difficile même pour
nous adulte. Il y a aussi d'autres points de difficultés: en effet, il fallait lier un geste, une
parole et qui plus est un geste, sur un objet. On aurait pu passer par une phase où l'enfant
représente lui-même le sapin, d'abord avec son corps puis après en y ajoutant sa voix, pour
ensuite pouvoir manipuler la marionnette de sapin.
En outre, je pense que l'obstacle majeur vient de la démarche utilisée. En effet, en liant
une pratique théâtrale à des objectifs d'arts visuels à l'école; j'ai prétexté la réalisation d'un
décor pour mettre en scène une histoire. Mais, lors de l'utilisation de la marionnette en
classe, Colette Fayard1 inventorie deux démarches différentes: d'abord « jouer à fabriquer »
mais elle souligne parfaitement que lorsqu' « on fabrique; il n'y a pas d'intention de
manipulation »; inversement, on peut « fabriquer pour jouer ». En général le point de départ
est une histoire puis on conçoit et fabrique les marionnettes: cette démarche rejoint celle du
marionnettiste professionnel .
1
Cf in La marionnette à l'école: jeux et enjeux.
11
Je m'aperçois qu 'effectivement je ne me situe ni dans l'une ni dans l'autre: il n'y a pas
réellement de fabrication de marionnettes dans le déroulement de la séance. Le choix de ne
pas faire fabriquer aux élèves de marionnettes est justifié par le fait que, comme l'annonce
C. Fayard1, il subsiste un problème important dans cette démarche: chez le jeune enfant, il y
a un décalage entre le projet de fabrication de la marionnette et la marionnette réellement
fabriquée.
Mais, un point important a été mis de côté: faire l'impasse sur cette étape de fabrication
du personnage à manipuler. Le moment où les enfants réfléchissent à la conception puis à
la fabrication proprement dite m'apparaît très importante avec du recul. De cette fabrication
seraient nés les personnages des élèves. Cela leur aurait permis de commencer des essais
de manipulation, et puis cette marionnette serait devenue un objet familier. En effet les
élèves n'ont pas eu le temps de s'approprier ni le personnage ni l'objet: ceci peut expliquer
l'emploi de la troisième personne du singulier pour raconter l'histoire de Petit Sapin et aussi
le peu d'attachement à ces personnages. J'aurais pu pour pallier cette difficulté, laisser les
personnages et les éléments de décor en accès libre dans un coin jeu. Ceci aurait permis à
chaque enfant de jouer individuellement avec ses personnages pour créer un lien affectif.
4.Qualification des personnages
Pour permettre aux enfants de réussir à présenter l'histoire sous forme de représentation
de marionnettes, j'ai proposé aux enfants de prendre chacun un rôle pour faire vivre cette
histoire.
Mon objectif principal était :
✔ conduire les élèves à raconter une histoire simple, connue en tenant le rôle et la
voix d'un personnage.
L'un des élèves nous a raconté l'histoire . Puis nous avons listé les personnages.
M: - Qui est-ce qu'on rencontre dans cette histoire? Qui sont les personnages?
E:- Le Petit Sapin .
E:- Le Camion de Poubelle.
E: -Le monsieur qui balaye!
M:- Est-ce qu'on sait qui est le monsieur qui balaye?
E:...
M: - Est ce qu'il est important pour l'histoire ?
E: - Non!
M: - Qui est-ce qu'il y a d'autre dans cette histoire?
E: - Les parents de Petit Sapin !
M: - Combien il y en a ?
E: - Deux!
E: - Le papa et la maman!
Puis nous avons essayé ensemble de déterminer comment pouvait être chaque
personnage: sa voix, son attitude, ses émotions suivant les différents moments de l'histoire.
M: - A votre avis, comment parle Papa Sapin?
E: - ....
1
ibid
12
M: - Est-ce qu'il parle avec une petite voix (voix fluette) ou avec une grosse voix (voix
grave)?
E: - Avec une grosse voix ! (l'élève fait une voix grave).
Puis nous avons tous imité la grosse voix de Papa Sapin.
M: - Et Maman Sapin, comment parle-t-elle?
E: - Avec une petite voix !
M: - Peux-tu nous montrer comment parle Maman Sapin ?
Alors l'élève parle avec une petite voix.
M: - Et Petit Sapin, comment est-ce qu'il parle?
E: - Il parle comme ça. (avec une voix fluette).
M: - Bon, maintenant si on reprend l'histoire, au début on voit les parents de Petit Sapin. Estce qu'ils sont en colère ou triste?
E: - Ils sont tristes.
M: - Qu'est-ce qu'ils disent?
E: - Mais où est passé notre Petit Sapin? (avec une petite voix triste).
M: - Puis on voit Petit Sapin qui est emballé. Est ce qu'il est content?
E: - Il est peut-être triste. Il pleure.
M: - Puis on le voit dans la maison.
E: - Il est content d'être décoré.
...
E: - Et après il est pas content d'être dans la poubelle.
Puis les enfants ont joué par quatre l'histoire. Les parents ont mieux été représenté que
les autres personnages de l'histoire: à chaque fois les enfants qui jouaient le rôle des
parents ont tenu tout le long de l'exercice les caractéristiques de la voix que nous avions
dégagés ensemble. Ceci peut s'expliquer par le caractère très stéréotypé de la voix des
parents. Cette séance m'est apparue bénéfique: nous avons pris le temps de décrire
précisément chaque personnage.
5.Mise en scène de l'histoire
Lors de cette dernière séance, j'ai proposée une nouvelle fois à deux enfants de mettre
en scène l'histoire de Petit Sapin: chaque enfant tenait la marionnette d'un des deux
personnages principaux de l'histoire et devait faire parler son personnage dans le décor
réalisé. Dans cette séance, tous les enfants ont pu intervenir sur la base du volontariat.
J'ai observé que les enfants étaient tous volontaires pour venir animer les personnages
mais à part certains élèves de grande section, les élèves manipulaient les personnages
sans leur donner la parole .
Ceci me semble témoigner de l'accumulation de difficultés qui lors de la préparation des
séances ne m'étaient pas apparues
13
6.Conclusions et perspectives
Lors de l'exploitation de cette séquence, je me suis rendu compte de certaine de mes
erreurs: d'une part je n'ai pas pris de traces rigoureuses de ce qui s'est réellement passé.
Dans le cadre d'une analyse plus pertinente de ma pratique, il me faut mettre en place un
moyen de recueillir des données fiables: dans la suite de mes travaux j'ai filmé les séances
que j'ai menées.
D'autre part, mettre en jeu le corps dans une situation et vivre cette situation par soi
même ont aidé les enfants lors de la mise en voix et l'animation des marionnettes. Ce
préalable nécessaire sera alors mis en oeuvre dans les séances que je mettrai en place par
la suite.
En outre, il me paraît important de se centrer sur le personnage de la marionnette. En
effet, il m'apparaît qu'il faut passer par la fabrication de la marionnette pour arriver à la
manipuler puis à la faire parler: il me faut veiller à respecter l'ordre de ces trois étapes pour
permettre aux élèves de s'approprier les personnages et ainsi profiter réellement des
situations d'apprentissages mises en place..
4.La marionnette en CP
1.Objectifs
Fort de mes analyses, j'ai mis en place une autre séquence centrée autour de la
marionnette. J'ai choisi de suivre la démarche du marionnettiste professionnel. Je suis parti
d'un album: Les trois brigands, de Tomi Ungerer. Je suis intervenu dans le cadre d'une
classe transplantée théâtre. Cela m'a permis de mettre en place la séquence suivante avec
un groupe de 11 enfants de CP. Parallèlement à cette séquence, les enfants ont suivi une
initiation au théâtre qui leur a permis de construire la notion de personnage.
A partir de cet album, je voulais mettre en place un projet de « mise en scène » de cette
histoire avec des marionnettes. Ces marionnettes seraient créées par les enfants. Je les
imaginais sous forme de pantins en tissu plus ou moins anthropomorphes .Mon objectif
n'était évidemment pas seulement un objectif de fabrication mais plutôt conduire une
réflexion sur l'atmosphère dégagée par l'album et les émotions ressenties vis à vis des
personnages. Cette réflexion collective permettra de guider les choix à effectuer lors de la
fabrication puis, ensuite lors de la manipulation des marionnettes.
Rappelons que selon les programmes de l'école élémentaire en cycle 2, dans le
paragraphe concernant les productions plastiques: «Les expérimentations sensorielles en
plan et en volume conduites à l’école maternelle servent de points d’appui pour développer
les réalisations plastiques en deux ou trois dimensions. L’élève agit sur les formes (des
supports, des matériaux, des constituants…), sur les couleurs (mélanges, contrastes,
dégradés…), sur les matières et les objets. »
14
2.Précautions
Est ce que le coté manipulation à vue risque d'être perturbateur pour les enfants quant à
leur vision de la marionnette ?
➢ Et n'arrivant pas avec un mode d'emploi préétabli de fabrication pour une marionnette ne
risque-t-il pas de poser problème pour les enfants et finalement bloquer leur
imagination ?
➢
Dans cette séquence, je voulais faire intervenir le moins possible l'utilisation de la voix
pour les personnages, qui semble être problématique pour les élèves de cet âge. Ceci va
alors susciter un questionnement qui semble difficile: comment signifier des actions et des
états uniquement par la manipulation ? Nous allons surtout nous demander comment animer
nos marionnettes, comment donner l'illusion de la vie. Par cette recherche collective, nous
allons dégager quelques codes connus de manipulation.
En ce qui concerne la fabrication, d'après les textes officiels: « A l'école élémentaire,
l'enfant poursuit et complète les expériences et investigations faites en maternelle sur les
outils, les matériaux, les supports, les objets. Ses intentions et sa démarche se précisent. Il
commence à anticiper des résultats. »1 La compétence mise en jeu sera alors: être capable
de «faire le choix d’un matériau pour ses effets »2.
Les objectifs d'éducation au regard sont de l'ordre de: comment modifier ce que je fais
par les critiques des spectateurs et inversement comment moi en tant que spectateur je
perçois ce qui m'est proposé et comment cela peut me renvoyer à ma propre manipulation.
Dans ces séances de recherche , je prendrai toujours la même structure de séance pour
permettre aux enfants de se familiariser assez rapidement avec cette manière de
fonctionner.
Les marionnettes des personnages secondaires (passants, enfants etc..) pourront être
créées ultérieurement, lors d'une phase plus avancée si on veut aboutir à une
représentation.
1
2
Cf in Document d'application: La sensibilité, l'imagination, la création (maternelle) – Education
artistique (élémentaire).
ibid
15
3.Réflexion autour de l'enjeu fabrication/ manipulation:
« Le choix du matériel est étroitement lié au fait que la marionnette est un objet qu'on
manipule. Quelques impératifs doivent être respectés: elle doit être à la fois solide et
légère. »1
1. Le Matériel:
Le matériel principal proposé aux enfants se composait d'échantillons de tissus de toutes
tailles toutes matières et de divers couleurs. Ce matériel se tenait au milieu de la table
autour de laquelle tout le groupe d' enfants était assis. Sur une autre table, les élèves
avaient à disposition: des feutres, des ciseaux, de la colle, du ruban adhésif, de la laine, de
la ficelle, diverses feuilles de papier, de différentes tailles, différentes couleurs et différentes
épaisseurs.
J'avais fait le choix de proposer le plus grand panel de matériaux pour éviter le
phénomène d'induction crée par le matériel. De même, j'ai laissé le plus grand choix de
tissus pour éviter aussi les phénomènes de stéréotypes.
2.Phase de verbalisation :
Lors de cette première séance, nous avons commencé par une phase de découverte et
de manipulation des matériaux. Lors de cette phase, j'ai beaucoup insisté sur la
verbalisation pour définir précisément les termes à employer: le mot « chiffon » a été
employé à la place de tissu lorsque j'ai demandé ce que c'était « comme matière » . Au
visionnage de la vidéo, je me suis rendu compte que ce terme de matière est flou pour des
élèves de Cp-Ce1. J'aurai du donner quelques exemples pour illustrer ce mot en proposant
des questions fermées, par exemple: Est-ce que c'est du bois ? Du plastique ?
J'ai alors précisé que j'avais amené du tissu. Puis les élèves ont immédiatement fait des
comparaisons. A savoir, à quels éléments de la vie quotidienne ces échantillons de tissus
pouvaient ressembler. Les élèves ne se sont pas questionnés sur les caractéristiques
plastiques de l'objet. Cette première réaction des élèves me semble prévisible. En effet, il
est plus facile de dire à quoi cela peut ressembler que donner des éléments
caractéristiques. En outre, selon Piaget, les enfants de 2 à 5-6 ans ont une pensée
égocentrique: l'enfant ne distingue pas son point de vue propre d'autres points de vue. A cet
âge, il considère son propre point de vue comme immédiatement objectif et absolument vrai:
on nomme ce phénomène le réalisme, qui se traduit aussi par une confusion entre le
subjectif et l'objectif.
1
Cf Agnès Pierron in Les marionnettes.
16
Là se situe un apprentissage très important. Les enfants de cet âge (rappelons que les
élèves sont en milieu de CP, ils ont donc 6 ans) sont à un moment de leur développement
où ils passent d'une pensée égocentrique à une pensée intuitive. Cette pensée intuitive se
caractérise par le fait que les représentations sont plus générales et plus mobiles: les
actions sont alors intériorisées, opérées en pensée. Il faut alors permettre à l'enfant de
développer la compétence suivante: être capable de décrire de manière objective ce que
l'on voit avec un vocabulaire approprié et ainsi prendre de la distance par rapport aux
éléments subjectifs. Evidemment, certaines notions comme les sensations ne peuvent être
définies que par comparaison . Mais pour développer cette compétences, j'ai engagé un
questionnement pour faire préciser certains éléments.
E:- Ca ressemble à un tapis!
M:- Pourquoi nous dis-tu que ça ressemble à un tapis?
E: - Parce que c'est long.
E: - Et puis c'est d'une seule couleur.
A ce moment de la séance émergent deux types de caractéristiques: une caractéristique de
mesure (« c'est long ») et un élément plastique ( l'uniformité de la couleur). Evidemment il
n'y a pas que ces deux caractéristiques qui définissent un tapis mais les élèves n'ont utilisé
que ces caractéristiques objectives pour définir l'objet. Je me rends compte que ce point
aurait pu être encore plus développé. J'ai laissé de côté les autres réflexions des élèves
pour aller vers un autre objectif: une découverte tactile des tissus par les élèves. De même
que je n'ai pas utilisé la réflexion d'une élève qui a utilisé le terme de « rayures » pour faire
acquérir du vocabulaire relatif au motif .
Pour amener la découverte tactile et donc amener une verbalisation de cette découverte
tactile, j'ai d'abord demandé: « Et quand on les touche, est-ce qu'ils sont tous pareils ? »,
puis je me suis saisi d'un morceau de tissu et j'ai demandé: « et quand on le touche celui-là,
comment est-il ? » . La réponse a été: « Il est doux » . Puis j'ai relancé l'attention en prenant
un autre morceau de tissu entre mes mains et en disant: « Regardez-celui là: comment est-il
par rapport aux autres? ». Les réponses des élèves ont été les suivantes:
E: - Comme une écharpe!
E: - Il est transparent !
La réponse attendue par l'enseignant était que le morceau de tissu était transparent mais
on perçoit une difficulté pour certains élèves de ne pas passer par l'étape de la comparaison
avec des éléments de la vie réelle. On remarque aussi le manque d'une certaine rigueur
dans le déroulement de la séance: je désire que les enfants me donnent d'abord les
caractéristiques visuelles des tissus puis les caractéristiques décelables au toucher mais je
leur propose de « regarder » puis je retourne à la description des éléments plastiques. Le
fait de bien séparer les éléments et d'utiliser le vocabulaire adéquat aurait permis aux
élèves de mieux cerner les attentes de l'enseignant et de mieux acquérir le vocabulaire
proposé ici. J'aurais dû proposer aux enfants de toucher le tissu.
17
3.Le personnage
Après avoir longuement manipulé et verbalisé sur les matériaux que nous avions à notre
disposition, j'ai donné la consigne suivante aux élèves: « On va essayer de faire des petits
personnages. Vous pouvez me dire ce qu'est un personnage? ». Une discussion s'est
engagée pour définir la notion de personnage :
E: - C'est comme nous!
M: - Comment ça comme nous?
E: - Celui qui ressemble à une table ça peut faire les pieds!
M: - Les pieds de quoi?
E: - Ben du bonhomme!
M: - Est ce qu'un personnage c'est forcément un bonhomme ?
E: - C'est quelqu'un comme nous!
La notion de personnage n'étant pas clairement défini, j'ai engagé les élèves dans la
recherche et dans la fabrication en pensant qu'à partir des productions des élèves on
pourrait définir le terme de personnage.
Selon Le dictionnaire encyclopédique du théâtre, le mot de personnage pour
désigner « une personne fictive, homme ou femme, mise en action dans un ouvrage
dramatique » (Littré) est issu du latin persona qui veut dire masque, et il ne s'est
définitivement différencié d'acteur qu'après le XVIIéme siècle. Noyau central dans le double
dispositif de l'écriture théâtrale et de la représentation, il est étroitement lié à la définition de
la mimésis . Rappelons que la mimésis est la transcription du mot grec imitation. Aristote
définit l'art comme l'imitation de la nature.
4.Fabrication du personnage
Pour permettre aux élèves de faire leur réalisation, je leur ai proposé de prendre chacun
un morceau de tissu et d'essayer de faire un personnage. Nous avons alors engagé une
discussion pour savoir comment faire:
M: - Avec ce morceau de tissus, vous allez devoir faire un personnage.
E: - Mais comment ?
E: - Eh ben On prend un crayon et après on découpe autour ce qu'on a fait !
E: - Avec un crayon ?
E: - Ah ouais on écrit dessus et après on découpe ce qu'on a fait !
J’ai alors donné la consigne suivante : « Là, vous voyez, on a plein de matériel: des
ciseaux, des crayons... Vous allez essayer de faire un personnage, vous avez le droit d'aller
chercher du matériel. On va essayer de faire un personnage et après vous allez le présenter
et après vous allez essayer de l'animer, de le faire vivre. On va faire un petit personnage
comme si c'était une marionnette. »
18
J'ai laissé les enfants faire : ils ont tous utilisé leur morceau de tissus comme une feuille
de papier sur laquelle ils ont dessiné un « bonhomme » puis qu'ils ont découpés. Et voici
leurs productions:
Lors de cette phase de fabrication, j’ai observé comme lors de la séquence avec une
classe de maternelle, que la première démarche de l‘élève est de faire une production en
deux dimensions et d’utiliser des opérations plastiques identiques à celles qu’on utiliserait en
se servant de papier. Cela m’amène à me demander si ce n’est pas une habitude de travail
que d'utiliser des éléments en deux dimensions. Cela peut s’expliquer par le fait que les
élèves sont rarement confrontés lors de leurs productions en classe à des activités qui
mettent en place la réalisation de compositions plastiques en trois dimensions.
5.La manipulation « surplombante »
Lors de la phase de production d’élèves j'ai pu avoir quelques échanges privilégiés avec
certains. Un élève ayant terminé avant le reste du groupe, j'ai pu le questionner sur la
méthode de manipulation de sa marionnette:
M: - Dis-moi, comment tu pourrais l'animer ? Comment on peut faire pour le faire bouger ?
E: - Si on fait un trou ici. (l'élève montre l'extrémité supérieure de son personnage).
M: - Alors, on fait un trou au-dessus. Et qu'est ce que tu voudrais faire passer dans ce trou ?
E: - Un bâton et pis on fait comme ça et pis ça bouge.
M: - Donc tu voudrais le faire bouger depuis le dessus.
L'élève hoche la tête pour dire oui.
19
Lors de cet échange, l'élève pense immédiatement à la manipulation à l'aide d'un
dispositif se plaçant au-dessus de la marionnette. Le problème est que je ne lui ai pas donné
la possibilité d'aller jusqu'au bout de son idée et de sa mise en œuvre. Cette proposition me
semble intéressant à souligner car il est l'un des seuls à m'avoir proposé une manipulation
par « intermédiaire ». Les autres élèves lors de la présentation et la manipulation de leurs
personnages ont tous utilisé une manipulation à vue: ceci m'a conforté dans mon choix de
manipulation à vue et m'a montré qu'elle semblait naturelle pour les enfants.
Lors de la manipulation, j'ai essayé de faire émerger quelques difficultés inhérentes à la
fabrication et à la structure même de la marionnette. Ayant imaginé au préalable des
personnages en trois dimensions, je voulais faire émerger la notion de marionnette en
volume. J'ai donc amené les élèves à réfléchir sur la fabrication des marionnettes pour que
le personnage ne soit pas « tout plat » selon mes propres termes. Les élèves ont proposé
diverses solutions : coller le personnage sur du papier, faire deux personnages identiques et
mettre une boule de papier à l'intérieur. Cette dernière proposition m'a permis d'introduire la
notion de volume. Ils ont aussi proposé de découper du papier et de coller ou simplement de
découper le tissu mis à disposition. Mais pour arriver à la matérialisation de la marionnette,
j'ai introduit une contrainte supplémentaire: ne pas découper.
La discussion me semble à posteriori difficile: il fallait pour les enfants imaginer les
résultats que pouvaient produire ses opérations plastiques sans pouvoir les expérimenter. Je
me suis basé sur leurs acquis, en pensant qu'ils avaient déjà expérimenté ses diverses
opérations plastiques. Un préalable aurait été de leur faire acquérir différentes techniques
pour réaliser une production en trois dimensions, ils n'auraient eu plus qu'à faire le choix du
procédé.
Cette remarque est confortée par la théorie piagétienne du développement: de 2 à 7-8
ans, l'enfant est dans le stade symbolique: il élabore progressivement ses capacités de
représentation. Il peut se créer des images mentales mais ses représentations restent
singulières et statiques : peu de transformations sont réalisables par la pensée.
D'autre part, lorsque j'ai introduit la contrainte supplémentaire de ne pas découper, j'ai
donné à nouveau aux enfants le tissu et ils ont ainsi pu expérimenter pour valider par eux
même leurs propositions.
A force de tâtonnements, un élève a trouvé l'opération suivante: froisser, chiffonner le
tissu pour créer une forme . Ainsi les élèves sont arrivés par imitation à différentes formes
en volume. Ce qui est intéressant avec ce tâtonnement est qu'il a aussi introduit la notion de
manipulation, et les élèves ont pu déjà se rendre compte des limites de la manipulation.
20
6. Vocabulaire utilisé
Il apparaît clairement dans cette séance une erreur de ma part qui a dû entraîner des
erreurs des élèves et certaines de leurs confusions. Cette erreur concerne le vocabulaire
utilisé. En tant qu'enseignant, on se doit d'utiliser un vocabulaire approprié et des
formulations exactes. Lors de l'exploitation de cette séance, je m'aperçois que j'ai souvent
employé les tournures « comment est-il ? » et « comment est-elle ? ». Cette formulation très
approximative tend à me faire penser que les attentes que j'avais en ce qui concerne les
réponses des élèves n'étaient pas claires pour eux. Un manque de concision lors de la
présentation de la tâche à effectuer apparaît: la consigne contient beaucoup trop d'éléments
et le champ des possibles est beaucoup trop large. Cela se remarque car les élèves posent
beaucoup de questions.
4.Fabrication des brigands
Après avoir déterminé collectivement un procédé de fabrication pour les marionnettes,
cette séance suivante m'a permis de faire entrer les enfants dans un processus de création
proprement dit.
1.Objectifs
Les compétences mises en jeu dans la séance sont les suivantes :
être capable de raconter une histoire simple de manière compréhensible en ordre
chronologique
➢ être capable de définir les personnages et leurs caractéristiques à différents moments du
récit
➢ être capable de nommer et qualifier des éléments plastiques utilisés
➢
2.Déroulement
Lors d'un premier temps de verbalisation, j'ai présenté aux élèves l'album Les trois
brigands de Tomi Ungerer. J'ai choisi cet album car il a déjà été étudié par les élèves avec
l’enseignante titulaire de la classe. En outre, il comporte peu de personnages et ces
personnages sont assez facilement qualifiables : les trois brigands font peur aux passants et
Tiffany est une gentille petite fille.
21
J'ai d'abord présenté la couverture de l'album. A partir de la couverture, les élèves
devaient me raconter l'histoire. Un élève a narré le début de l'histoire, puis les autres sont
intervenus pour compléter ses propos. Lors de cette phase, je répétais, je reformulais et je
sollicitais les élèves pour avoir des informations complémentaires. Une fois le rappel de
l'histoire terminé, nous avons déterminé les personnages importants :
M:- Qui sont les personnages ?
E: - Y a des enfants, y en a plein et les trois brigands !
Pour faire émerger la notion d'importance du personnage, j'ai demandé :
M:- Qui sont les personnages qu'on voit le plus ?
E:- Les trois brigands !
M: -Et quel est l'autre personnage qu'on voit le plus, qui est importante dans l'histoire ?
E: - Tiffany !
Pour déterminer les caractéristiques de ces personnages, j'ai demandé aux élèves : « Au
début, comment sont les trois brigands ? ». Face à cette imprécision du vocabulaire, les
enfants ont répondu de différentes façons :
E: -Ils sont noirs !
E:- Ils sont méchants !
E: - Horriblement terribles !
Pour lever cette imprécision et dissocier les éléments directement observables (comme la
couleur des vêtements par exemple) et les éléments plus subjectifs comme l'impression
qu'ils nous donnent; j'ai reformulé ma question : « Comment sont-ils habillés ? ». La réponse
des élèves a été : «En noir ! ». Puis pour aider à qualifier l'impression qu'ils nous donnent,
j'ai guidé les enfants en leur donnant plusieurs propositions : « Au début de l'histoire, est-ce
qu'ils font rire ? Est-ce qu'ils font peur ? ». Les enfants ont opté pour la proposition: « ils
nous font peur ! ». De même pour Tiffany, j'ai demandé« Est-ce que c'est une méchante
petite fille ? ». Les élèves m'ont répondu que non, elle est « gentille ! ».
Puis, j'ai proposé un rappel de ce qui avait été vu la séance précédente en demandant à
un élève de nous montrer la transformation qu'il avait réalisée sur le morceau de tissu pour
créer un volume représentant un personnage. Ceci nous a permis de l'observer et un élève
a fait spontanément la remarque :
E: -Là c'est les yeux !
M: -Est-ce qu'on les voit ? On les...
E: - Voit pas !
E:- On les imagine !
Ceci m'a permis de montrer aux élèves que lors de la création de nos marionnettes, on a
la possibilité de ne pas tout signifier. En effet, le fait de ne pas dessiner les yeux par
exemple n' empêche pas le spectateur de les imaginer.
C'est alors que j'ai présenté le projet aux élèves: « On va fabriquer les trois brigands pour
raconter l'histoire sous forme de marionnettes ». Cette fois, le projet était plus lisible pour les
élèves: je l'ai remarqué par leurs remarques spontanées : « Moi, je vais les faire en papier et
je vais les faire vivre et ils vont faire peur aux gens !».
22
Puis j’ai donné la consigne suivante : « Pour fabriquer un brigand, on va choisir un tissu.
Quel tissu on va prendre ? ». Les réponses des élèves ont été les suivantes : « Un noir ! Un
blanc ! Un rouge ! Un rose ! ».
Les enfants ne sont inspirés que de la couleur du tissu. Mais ici, le tissu n'est pas
uniquement évocateur par sa couleur mais aussi par la forme qu'on va lui donner. Je
pensais amener les élèves à énoncer que la couleur noire évoque la nuit, l'absence de
lumière: des moments et des faits qui sont inquiétants.
Mais je n'ai pas réussi, mon questionnement n'était pas correct: je me suis basé sur ce
que les élèves doivent connaître mais dont ils n'ont pas conscience. Le noir est une couleur
qui renvoie à tout ce qui est inquiétant. Je voulais faire verbaliser cela comme justification du
choix de la couleur. Lors de la description l'image des trois brigands, j'aurais dû mettre
l'accent sur le fait que les couleurs sombres sont utilisées pour signifier que ce sont des
personnages, inquiétants et qui doivent faire peur. Dans une autre démarche, j'aurais pu
aussi partir de l'analyse d'éléments déjà construits comme une autre marionnette par
exemple.
Mais je me suis quand même rendu compte que cette justification était possible. En effet,
un élève a fait remarqué qu'on aurait pu utiliser la couleur rouge parce que: « Le rouge ça
fait le sang! » mais c'est une piste que je n'ai pas su saisir. J'aurais pu questionner l'élève:
« Le rouge, ça te fait penser au sang et pourquoi le sang ça te fait peur? ... » et ainsi pouvoir
mettre en lumière les codes et les images générées par les couleurs.
Puis j'ai proposé aux élève de choisir un tissu qui selon eux pourrait évoquer un
personnage qui fait peur, si nous utilisions ce tissu pour fabriquer un personnage. Les
élèves ont tous choisi un tissu de couleur sombre (bleu ou noir) . Rappelons que les
brigands présentés dans l'album sont vêtus de noir .Puis nous nous sommes questionné sur
le choix de chacun.
M:- Est ce qu'un personnage qui fait peur ,à votre avis, il doit être doux ?
E: - Pas forcément...
On remarque encore ici que la phase de verbalisation ne conduit pas à un réel
apprentissage. On aurait dû continuer le questionnement:« Pourquoi est-ce qu'il n'est pas
forcément doux ? » pour faire émerger que les caractéristiques de l'aspect du matériau
utilisé permettent de qualifier le personnage et peut avoir un caractère symbolique.
Puis chaque élève a fabriqué sa marionnette mais une difficulté liée à l'interaction
fabrication / manipulation est apparue. Si on ne place pas sa main à l'intérieur , la tête de la
marionnette est toute petite. D'après les propositions des élèves, on peut mettre à l'intérieur
de la tête:
E:- Un caillou !
E:-. Une boule de papier.
Grâce à l'utilisation de cette boule de papier, j'ai pu introduire du vocabulaire en ce qui
concerne les opérations plastiques à effectuer: froisser.
23
Les marionnettes ainsi réalisées sont les suivantes:
3.De la manipulation « surplombante » à la manipulation « en
élévation »
Enfin lors de la dernière séance, nous nous sommes demandé quel type de manipulation
nous pourrions utiliser. Les propositions des élèves ont été les suivantes:
E: - On peut mettre les deux doigts dans le trou.
E: - En dessous de la table et on met la main.
Ces deux propositions sont intéressantes car elles renvoient à deux types de choix à faire
par le marionnettiste: tout d'abord le type de manipulation puis la place du marionnettiste par
rapport à sa marionnette.
Quand les marionnettes sont animées par dessous comme le proposent les enfants, on
parle de manipulation dite « en élévation »1. Lors de cette séance on voit que la proposition
de type de manipulation a évolué: les enfants sont passés du choix de la manipulation
« surplombante »2 à une manipulation « en élévation ». Je pense que cette évolution tient
surtout à la forme de la marionnette. Les marionnettes ainsi fabriquées sont assimilables à
des marionnettes à gaine et leur type de manipulation est induit par leur forme même.
1
2
Cf Agnès Pierron in Les marionnettes.
ibid
24
La deuxième proposition évoque la place du marionnettiste: lorsque l'élève propose de se
placer sous la table, il indique ici que le marionnettiste doit se cacher. Ce type de
manipulation est intéressante mais j'ai opté pour une manipulation où le marionnettiste est à
vue, me permettant de mettre d'autres apprentissages en place par la suite.
4.Quelques codes...
La fabrication des marionnettes étant terminée, j'ai proposé aux élèves la consigne
suivante: « Chacun va présenter sa petite marionnette et essayer de la manipuler. On va
regarder ce qui nous paraît bien et si on a des petits conseils lui donner. ». J'ai bien précisé
aux élèves qu'il n'y avait pas d'intervention de la parole. Un élève a fait remarqué que c'était
difficile. Pour aider les élèves, j'ai donné une précision sur la consigne : « Il faut que tu nous
fasse voir qu'elle est vivante ».
Un premier élève nous a présenté sa marionnette puis j'ai demandé: « A votre avis, où
est le visage de la marionnette? ». Un élève l'a montré sur son personnage. Mais j'ai
continuer à interroger le groupe:
M: - Comment vous voyez qu'il est là son visage?
E: - Parce qu'on voit le nez
M: - Mais il n'y pas de nez dessiné, il n'y a pas d' yeux dessinés !
E: - Il nous regardait.
M: - parce qu'il y a une forme qui nous indique qu'il y a le nez.
Par la discussion, j'ai pu faire émerger le fait qu'un seul élément (ici le nez) permet de
signifier à quel endroit se trouve le visage.
Pour guider un peu plus la manipulation, j'ai proposé aux élèves une situation précise de
manipulation: le réveil de la marionnette. Cette situation me paraît particulièrement
intéressante car elle ne nécessite pas l'intervention de la parole, c'est une situation vécue
tous les jours par les enfants et elle contient beaucoup de codes qui permettent de
l'identifier. En effet, quand on se réveille on s'étire, on baille, on regarde autour de soi.
J'ai d'abord proposé aux enfants de réaliser une petite recherche individuel pour trouver
les codes qui correspondent au réveil de la marionnette. Chacun a présenté un réveil de
marionnette aux autres puis, collectivement les élèves ont verbalisé les attitudes qu'ils
avaient trouvé par le geste.
Enfin, j'ai mis en évidence une des composantes principales qui révèlent la marionnette.
J'ai demandé aux enfants de poser leur marionnette à terre sans y toucher. Puis je leur ai
demandé: « Est-ce qu'elle peut se réveiller là comme ça ? ». La réponse d'une élève a
été: « Il faut quelqu'un qui la fasse bouger, elle ne peut pas se réveiller toute seule! ».Les
élèves ont alors fait ressortir l'idée que dans la définition de la marionnette; il y a
nécessairement la présence d'un manipulateur.
25
5.Interaction manipulation / spectateur
1.Objectifs
Lors de la séquence en classe de maternelle, j'ai observé qu'il fallait d'abord au préalable
faire ressentir et utiliser le corps avant de pouvoir agir sur la marionnette.
Le premier objectif de cette séance a donc été:
➢ découvrir les possibilités de mouvement de son propre corps
Puis dans une deuxième partie de la séance, je voulais développer la compétence suivante
relative à l'éducation au regard:
➢ être capable de prendre en compte lors de la manipulation le fait que la
marionnette est une représentation anthropomorphe mais que tout n'est pas
représenté
➢ être capable de prendre en compte les remarques des spectateurs pour améliorer
sa manipulation
2.Expérimentation par le corps
Cette séance a commencé par un réveil corporel: en se frottant les mains, les bras, les
jambes, le buste puis le visage et les différentes parties du visage. Ce réveil a pour but de
canaliser l'attention des élèves et de leur faire prendre conscience de leur schéma corporel.
Puis les élèves se sont mis par groupe de trois: deux manipulateurs et une « marionnette ».
L'enfant jouant le rôle de la marionnette était couché à terre sur le dos et devait être le plus
« mou » possible, c'est à dire dans un état de décontraction. Les deux autres « élèvesmanipulateurs » devaient faire bouger les bras de « l'élève-marionnette ». L'objectif pour
l' « élève-marionnette » était de ressentir les limites de son propre corps. Pour les « élèvesmanipulateurs, » l'objectif était de prendre conscience des limites du corps humain. Cette
phase de la séance s'est déroulée un peu dans l'agitation: (beaucoup de ricanements) mais
cette difficulté est liée à l'activité elle-même. En effet, il n'est pas évident de toucher ni d'être
touché par un pair. J'avais volontairement limité les mouvement à faire au niveau des bras
pour éviter trop de réticences.
3.Prise en compte du spectateur
Pour retrouver les codes relatifs au réveil qui nous permettront d'améliorer notre
manipulation lors du réveil des marionnettes, j'ai proposé aux élèves de « jouer » un réveil.
Trois élèves se sont mis en position d' « acteurs », face aux autres élèves qui étaient
spectateurs. La consigne était la suivante pour les acteurs: « Vous vous mettez par terre
comme si vous étiez endormis. Vous allez imaginer que vous êtes endormis et vous allez
vous réveillez. Vous n'avez pas le droit de parler! ». Voici la consigne des spectateurs :
«Nous les spectateurs, on va regarder et on leur dira ce qui était bien et ce qu'on pourrait
faire mieux. ».
26
Les trois premier élèves sont passés puis j'ai interrogé les spectateurs: « Qu'est-ce qu'ils
ont fait au moment où ils se réveillent ? »
E: - Ils s'étirent !
E: - Ils baillent !
M: - Et avec leurs yeux, ils ont fait quelque chose d'autre ...
E: - Ils ont regardé.
M:- Et où est-ce qu'ils ont regardé?
E:- Ils ont regardé autour d'eux !
Puis j'ai répété les éléments énoncés par les élèves. Trois autres élèves ont fait l'exercice
en tenant compte des remarques précédentes. Lors de l'analyse en groupe un élément est
apparu:
M: - Qu'est ce qui n'allait pas ?
E: - Il était retourné, on pouvait pas le voir.
Apparaît ici la notion de spectateur, les enfants doivent agir ici en montrant des gestes
signifiants: bailler, s'étirer... mais aussi en tenant compte des spectateurs. On se situe ici
dans une situation de communication, il faut donc prendre en compte le spectateur.
Chaque enfant a réalisé cet exercice pour que chacun appréhende ces signes.
4.Réveil de marionnettes
Après avoir expérimenté par son propre corps le réveil, j'ai proposé aux élèves de
reprendre leur marionnette. Pour créer le lien affectif , je leur est d'abord proposé de s'isoler
dans un coin de l'espace, de prendre soin de leur marionnette et de lui raconter des secrets.
Puis toujours chacun dans son coin, je leur ai proposé de réaliser un réveil de
marionnette. J'ai donc guidé par ma voix le réveil de la marionnette en leur dictant les
actions successives qu'effectue la marionnette. Ce dispositif me permet de faire
expérimenter à tous les même actions pour permettre ensuite d'en discuter et de confronter
les différentes visions.
Puis, par trois, les élèves ont présenté un réveil de marionnettes aux spectateurs. Lors du
passage des trois premiers élèves, j'ai pu faire intervenir un élément important. Deux des
élèves regardaient autour d'elles , alors qu'un élève a toujours regardé sa marionnette. Ce
point m'est apparu très important à souligner avec les élèves. En effet, mon expérience en
tant que manipulateur m'a montré que la marionnette donne vraiment l'illusion de la vie
lorsque le manipulateur reste le regard fixé sur la marionnette.
Lors du passage des élèves suivant, il nous a fallut revenir sur la prise en compte du
spectateur: les élèves jouaient plus avec leur marionnette qu'ils nous montraient quelque
chose de signifiant.
27
5.Rencontres entre marionnettes
Pour faire émerger d'autres codes, j'ai proposé aux élèves une autre situation:
« Maintenant les marionnettes vont se réveiller puis se rencontrer. Il faut qu'on voit qu'elles
se rencontrent ».Deux élèves ont réalisé cet exercice puis les spectateurs ont commenté ce
qu'ils venaient de voir:
M: - Qu'est-ce qu'on a vu?
E: - Des spectateurs.
Il apparaît ici encore une imprécision de vocabulaire qui se traduit par la réponse de
l'élève. Mais j'ai pu questionner l'élèves pour remédier à ce problème de définition.
M:- Qu'est-ce que c'est un spectateur?
E: - Quelqu'un qui regarde.
M:- Alors qu'est-ce qu'on a vu?
E:- Des marionnettes.
M: - Au moment où elles se sont rencontrées, qu'est-ce qu'elles ont fait?
E: - Elles ont fait des bisous!
Pour faire énoncer les codes utilisés par les élèves pour traduire la rencontre entre les
deux marionnettes, j'ai bien précisé aux élèves spectateurs qu'il fallait bien « regarder ce qui
se passe au moment où elles se rencontrent ».
Deux élèves ont alors réalisé l'exercice. A ce moment, les deux élèves n'ont pas tenu
compte l'un de l'autre et même l'un a interpellé l'autre. A ce moment, j'ai pu exploiter le fait
qu'il fallait être à l'écoute l'un de l'autre: difficulté supplémentaire par rapport à l'exercice
précédent. Deux autres élèves sont passés. Après nous avons discuté sur ce que l'on venait
de voir:
M:- Qu'est ce qu'ils ont fait pour nous montrer que les marionnettes se rencontrent ?
E: ...
L'élève qui a manipulé: - Je lui ai donné un bouquet de fleur.
M: - Les autres, qu'est-ce que vous avez vu ?Est-ce que vous avez vu qu'il lui donnent un
bouquet de fleurs ?
E: - Il avait tendu sa main
M: - Dis moi alors toi, qu'est-ce que tu as vu? On va tous dire ce qu'on a vu?
M:- Vous avez cru que quoi?
E:- Qu'ils se disaient bonjour avec la main?
M: - Nous on a cru qu'ils se disaient bonjour avec la main. Est ce qu'on a vu la même chose
que ce qu'il voulait faire?
E: - Non!
Il y a encore ici la mise en évidence qu'il y a des codes pour signifier certaines actions
mais que ces codes sont restreints et qu'il faut faire la différence entre ce qu'on veut signifier
et ce qu'on signifie réellement. Lors de l'intervention d'un autre élève, nous avons découvert
encore un autre signe: pour ce dire bonjour, on peut aussi juste bouger la tête.
28
5.CONCLUSION
Lors de ces deux séquences, cette découverte de la marionnette a permis d'appréhender
les qualités plastiques des matériaux ainsi que les codes qui régissent la manipulation des
marionnettes. Il m'est aussi apparu la nécessité de passer par le corps avant la mise en
voix. En prolongement, certains points pourraient être développés comme les dimensions
des marionnettes ainsi que la recherche de codes plus en rapport avec le texte proposé.
D'un point de vue personnel, ce mémoire m'a permis d'approfondir mes connaissances
en ce qui concerne le théâtre et les arts visuels. Lors de la mise en place de séances, j'ai
rencontré beaucoup de difficultés quant à la verbalisation des consignes mais j'ai été aussi
très surpris par la richesse des propositions des élèves. Mais il a été dommage de ne pas
pouvoir mettre en place de projet à long terme dans le cadre de ce mémoire, projet qui
m'aurait permis d'approfondir ma recherche.
Il aurait aussi été intéressant d'aborder les autres signes de la représentation théâtrale,
comme la lumière par exemple. Ces signes auraient pris sens dans ce contexte plus global
d'un projet de représentation. De même, ce projet aurait aussi permis de se questionner
avec les élèves sur les personnages et les différents moyens de les représenter, et d'
aborder entre autre la technique du masque.
29
BIBLIOGRAPHIE:
Albums:
➢
GAY, Michel. Noël de Sapin. Ecole des Loisirs,1991.
➢
UNGERER, Tomi. Les trois brigands. Ecole des Loisirs,1968.
Articles:
➢
LECULLEE, Christophe. « Médiateur de langage: la marionnette. ». ARGOS. N°30.
Septembre 2002.
Ouvrages:
➢
Dictionnaire encyclopédique du théâtre. Bordas, 1995.
➢
A.N.R.A.T. Le théâtre et l'école: Histoire et perspectives d'une relation passionnée. Actes
Sud-Papiers,2002 [Cahiers Théâtre/Education A.N.R.A.T n°11].
➢
ARTAUD, Antonin. Le théâtre et son double. Gallimard, 1964, [Folio/Essais].
➢
COUTY, Daniel et REY, Alain (sous la direction de ). Le théâtre. Larousse, 2001.
➢
FAYARD, Colette. La marionnette à l'école: jeux et enjeux. Lyon:C.R.D.P.,1988, [Arts et
pédagogie].
➢
FOURNEL, Paul (sous la direction de). Les marionnettes. Bordas, 1982.
Textes officiels:
➢
Document d'application: La sensibilité, l'imagination, la création (maternelle) – Education
artistique (élémentaire). C.N.D.P., 2003.
➢
Qu'apprend-on à l'école maternelle ? C.D.N.P. – XO Editions, 2002.
➢
Qu'apprend-on à l'école élémentaire ? C.D.N.P. – XO Editions, 2002.
30
Le théâtre et la marionnette à l'école :
Résumé:
Le théâtre et la marionnette sont généralement utilisés en tant qu' outils pour
l'acquisition de la langue. Or la marionnette peut être utilisée en tant qu' objet
plastique et permet de développer des compétences d'éducation au regard, et faire
acquérir aux élèves certains codes de la représentation théâtrale et de la
manipulation.
Mots clé:
Théâtre
Marionnettes
Arts visuels
31
Production plastique