Compte-rendu ici
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Journée d'étude Les bibliothèques : faire société ? Partenariat Bibliothèque de Toulouse – ABF Midi-Pyrénées, 31 mars 2015 à Toulouse Il est aujourd'hui entendu que les bibliothèques ne sont plus seulement des lieux où l'on trouve des documents. Concrètement, comment cela prend-t-il forme ? Que mettent en place les bibliothèques pour être des lieux de vie et pour prendre une place importante dans la cité ? Les bibliothèques sontelles réellement actrices de la société dans laquelle elles sont nécessairement insérées ? Le thème de cette journée d'étude, "les bibliothèques : faire société ?", qui a eu lieu à Toulouse le 31 mars 2015, en partenariat avec la Bibliothèque de Toulouse, a donné des pistes pour comprendre comment et à quelles conditions les bibliothèques sont des parties prenantes et agissantes de la société. Accueillir, agir et construire ont été les trois axes autour desquels s'est articulée la réflexion. Avec l'intervention d'usagers, des comptes-rendus d'expérience et des apports théoriques, qui ont favorisé les échanges entre les participants. La journée a commencé avec l'intervention de Denis Merklen, autour de son livre Pourquoi brûle-ton les bibliothèques ? Son intervention commence par un rappel : 72 bibliothèques ont été incendiées entre celle de Damarie-les-Lys en 1997 et décembre 2013. La question est alors la suivante : pourquoi n'en parle-t-on pas? Pourquoi incendie-t-on les bibliothèques sans que cela produise une émotion, un débat ? Le silence est à comprendre et à expliquer par le sociologue : pourquoi ceux qui font ça n'en parlent pas. Il est tout d'abord possible de dire qu'il n'y a pas de rationalisation de la part des personnes qui incendient ou caillassent les bibliothèques : il n'y a pas d'explication de type cause à effet : « j'ai fait ça parce que... ». La deuxième difficulté réside dans le fait que l'incendie d'une bibliothèque est un fait aberrant en soi : toute tentative de compréhension intellectuelle s'accompagne d'une tentative de compréhension morale. Le travail du sociologue consiste alors à étudier la double parole qui émerge d'un acte de vandalisme sur une bibliothèque : la parole institutionnelle d'une part, et celle qui prend la forme d'un silence d'autre part. Ces attaques ont une forme éminemment symbolique : l'objectif est de faire parler. En revanche, il faut noter qu'il ne s'agit pas d'une action de force : ces attaque ne visent pas à contraindre un autre acteur à prendre un certain nombre de mesures. Du point de vue des jeunes qui incendient et vandalisent, les bibliothèques et les politiques font partie du même monde. Les cailloux ou les cocktails molotovs jetés posent la question suivante : de quel côté se situent les bibliothèques ? De leur côté – politiques – ou de notre côté – jeunes ? Il s'agit d'un jeu pour savoir à qui appartient la bibliothèque : est-ce la nôtre ou la leur ? Comment se tracent les frontières dans l'espace social et l'espace public ? On a d'un côté tous ceux qui vivent du livre et de l'autre tous ceux qui n'en vivent pas. Cette distinction n'est pas nette et absolue : le livre est présent chez les banlieusards. Mais la question existe néanmoins. Ce qui est visé quand tout est détruit, est-ce la bibliothèque ? Denis Merklen répond oui : la bibliothèque est visée sans que le reste de la commune soit visé. Les incendies de bibliothèques sont très localisés, historiquement – il n'y en avait pas avant les années 50 – et géographiquement – en France et dans les cités HLM des grands ensembles. Le caillassage participe alors d'un conflit avec les institutions et non d'un conflit avec des gens en particulier. La question est donc la suivante : la bibliothèque est-elle un espace normé que les habitants ne peuvent pas contrôler ou est-elle assimilée à une partie de leur territoire ? On est dans l'opposition citoyen souverain versus espace normé dans lequel on ne peut pas entrer. Cela créé une interpellation directe sur le statut de la bibliothèque. Beaucoup de bibliothèques évoluent aujourd'hui vers la participation et l'intégration des usagers, ce qui participe du fait que la bibliothèque appartient aux personnes qui habitent aux alentours. Dès lors, on a l'équation suivante : vandaliser = marquer son territoire. On veut que les bibliothèques soient ouvertes, mais elles sont l'emblème d'un espace social qui n'est pas le nôtre. C'est le sacré de l'autre. Les bibliothèques sont dans des statuts incertains, elles sont rattachées à l'écrit. Or le rapport à l'écrit est complexe. Il est en premier lieu marqué par l'école, qui impose un rapport à l'écrit en échange d'un passeport vers le monde du travail. Mais l'école est à la fois la porte du salut et celle qui se ferme au nez des personnes qui n'en maîtrisent pas les codes. Que fait la bibliothèque dans ces conflits et incertitudes? La bibliothèque mise en conflit est alors questionnée sur un point essentiel : faut-il ouvrir la bibliothèque à ces conflits ou maintenir un sanctuaire ? L'incendie dit qu'on ne peut pas rester un espace sanctuarisé. La matinée se poursuit par l'intervention de Nelly Guillaume, Directrice du Département « Vivre » à la BPI. À la BPI, dit-elle, on mise beaucoup sur le partage des savoirs, l’autoformation (cf par exemple le laboratoire de langues), sur le vivre ensemble qui est un axe prioritaire du Ministère de la Culture, conforté par le label « Agir pour le vivre ensemble » du conseil économique social et environnemental. Nelly Guillaume présente alors le contexte de la BPI pour mieux comprendre les actions entreprises récemment : accès libre aux espaces, gratuité des activités, ouverture 64h hebdomadaire, tous les jours sauf le mardi et 1er mai, ressources riches qui, même si elles ne sont pas toujours utilisées, ont quand même leur raison d’être. Il y a une jauge de 2143 personnes autorisées en même temps dans la bibliothèque. Parmi elles, des séjourneurs qui passent la journée à la bibliothèque. On compte alors 4521 entrées environ par jour et on constate une érosion de la fréquentation. Entre 2011 et 2014, le projet de rénovation a misé sur une multiplication des médiations et animations, avec le passage de 52 ateliers à 497. Parallèlement, a été mise en œuvre une refonte de l’organigramme en 2012 : les acquéreurs sont devenus des « chargés de collections et de médiation » afin de promouvoir la médiation, et de nouveaux départements ont été crées, dont le département « Vivre ». Parmi les initiatives, l'espace des télévisions du monde propose à un public déshérité de regarder des programme dans sa langue maternelle. Cet espace est situé entre l’auto formation des langues et l’espace presse. Il est parfois source de conflits entre usagers qui posent aujourd'hui la question de son devenir. Il existe un vrai problème dû au public mélangé. Que fait-on de ces différents publics quand la cohabitation n’est pas toujours facile ? Comme dans d'autres bibliothèques publiques, on est obligé d'exclure certaines personnes quand elles sont très bruyantes ou agressives. Dans ces cas, d'autres usagers s’opposent ou prennent parti pour l’exclusion de telle ou telle personne. Un focus est fait sur les ateliers autour des langues vivantes (tous les ateliers mis en place par la BPI et présentés par Nelly Guillaume sont disponibles dans son diaporama sur la page Midi-Pyrénées du site de l'ABF). Les ateliers qui rencontrent le plus de succès sont les ateliers de conversation FLE, pour lesquels on a compté 1497 participants en 2014. En 2010, la BPI a assisté à une vague d’immigration massive d’afghans, qui sont très présents et souhaitent apprendre le français. Le personnel a noté de grandes difficultés de communication, qui ont conduit à la création de ces ateliers de conversations de FLE, notamment pour les afghans, grâce à l'appui de l’association France Terre D’Asile, qui fait des permanence une demi-journée par semaine. Plus tard, des focus ont été faits sur les activités dans l’espace auto formation pour apprentissage de la langue. Des bénévoles de l'association AFRANE sont formés par les bibliothécaires et encadrent les ateliers pendant la fermeture de la BPI le jeudi matin. L'objectif est de faire connaître l’autoformation, pour que les usagers deviennent autonomes et puissent revenir seuls pendant les heures d’ouvertures. Ces activités ont lieu au même endroit que l'espace de recherche d’emploi et vie pratique, qui sert à faire des démarches concrètes. D'autre part, il existe des ateliers de conversations qui, s'ils sont loin de ceux des ideas store (ce ne sont pas des cours de langue et ils ne sont pas payants), sont néanmoins plébiscités : 134 ateliers ont été organisés en 2014, animés par une équipe de 13 bibliothécaires, toutes catégories confondues) et ont été encadrés par un conservateur formé à l’apprentissage du FLE. Le personnel a également bénéficié d'une formation spécifique sur les techniques d’animation et de prise de parole en public. Ces ateliers sont pensés comme devant être ludiques : cineFLE, chasse au trésor, conversation devant une œuvre du musée Pompidou... D'autres ateliers existent, qui doivent tous répondre aux principes de l'inclusion : des besoins partagés pour faire des usagers partagés, c‘est à dire un brassage des usagers, qui finissent par créer des communautés qui se composent et se recomposent ponctuellement. Il y a ici un véritable souhait de montrer que derrière, à la bibliothèque, il y a des contenus qui leurs sont proposés, et qu’ils peuvent revenir en toute autonomie. Enfin, la matinée se termine par l'intervention d'Antoine Marrone, usager séjourneur de la médiathèque José Cabanis. Antoine Marrone, 53 ans, a passé une vingtaine d’années dans la banque, puis a quitté son métier pour retrouver « une vie normale ». Il a passé deux ans à l’étranger, et fréquente désormais la médiathèque José Cabanis tous les jours avec des horaires fixes – 10h13h / 15h-19h. Pour lui, la fréquentation de la médiathèque est équivalente à des horaires de travail. Il essaie d’utiliser toutes les ressources offertes par la bibliothèque. La présentation de ce qu'il fait à la médiathèque José Cabanis s'est faite sous la forme de questions / réponses. Pourquoi venez vous ? : je viens consulter messagerie web, presse papier pointue (pas quotidienne). Je ne suis pas un emprunteur, mais un acheteur de livres dans l’édition d’origine. Je suis un collectionneur qui aime posséder, donc j'achète également presse et DVD. Fréquentez vous les animations, expositions ? D’après moi, les expos ici sont trop orientées « culturelles, cultureux ». Je souhaiterai faire des propositions pour les projections cinéma : qu'il y en ait davantage et qu'elles soient plus orientées cinéma d'art et d'essai. Regardez vous les télés sur le pôle actualité, ex les matchs ? Non, je suis peu intéressé par le sport, mais je regarde de temps en temps la télévision. Fréquentez vous d’autres lieux culturels ? L'offre est peu fournie à Toulouse, je vais peu au théâtre. Avez-vous des espaces privilégiés à la médiathèque ? : je fais toujours le même chemin : je commence par le pôle actualité, je dis bonjour et je regarde si tout est bien en place, puis je monte au 1er. Je m’installe Toujours à la même place, face à la statue de Pierre-Paul Riquet. Et je redescends toujours par le même chemin. Je ne vais jamais sur le pôle musique, parce que je n'ai pas « l’oreille musicale » et que je suis peu intéressé par ce fonds. Toutefois, j'essaie d’y faire « acte de présence » ponctuellement. Fréquentez-vous d'autres bibliothèque ? : puisque que tout est là, pourquoi aller ailleurs ? Je fréquente néanmoins la Bibliothèque d’Étude et du Patrimoine de la rue de Périgord pour des recherches plus ciblées. Tissez vous des liens visuels avec d’autres usagers ? Oui avec par ex. avec M .Zaragoza – un autre usager séjourneur. Nous nous sommes découverts un goût commun pour l’aviation et l’aéronautique. La fréquentation de la médiathèque m'a permis de m’affranchir des apparences sociales. Mais nous avons des « relations de travail », nous ne nous voyons pas à l’extérieur. Qu’attendez vous des bibliothèques en général et de la médiathèque José Cabanis en particulier ? J'attends de la variété, de l’ouverture aux nouveaux médias et que la bibliothèque reste en phase avec l’actualité sans pour autant renoncer à être un lieu où on trouve des archives. Je recherche aussi une ouverture dans la société. Vous rendez vous à l’@telier multimédia de la médiathèque José Cabanis (ordinateur sur réservation, avec un médiateur) ? Oui, cela me permet de prendre plus de temps pour un travail spécifique, ainsi que d'accéder à des enregistrements audio de web conférences. Une bibliothécaire souligne les liens humains tissés entre les usagers à l'@telier : Antoine Marrone confirme : certains usagers s'entraident. Utilisiez vous les bibliothèques avant ? Non, jamais, je n’avais pas le temps. Peut être que seuls les inactifs et les retraités viennent. Fréquentiez vous les bibliothèques en tant qu’étudiant ? Oui parce que j’étais obligé. Tout était papier. Aujourd’hui avec le web on est plus obligé de venir dans une BU. Pour vous, est ce que « tout est à sa place » à la bibliothèque ? Le rangement vous parait-il intuitif ? Le classement est un minimum pour une bibliothèque et il faut bien choisir un mode de classement. Mais le classement pourrait aussi être par exemple géographique : tout ce qui concerne le Canada par exemple rassemblé au même endroit. Que pensez vous de la gratuité des ateliers ? Tout est payant de manière indirecte. Vous devriez vous interroger sur vos ressources de financement et faire payer les services selon une certaine tarification. Par ailleurs, l’usager est de plus en plus informé, il a donc moins besoin d'être guidé. Il conclut par ce conseil : la plus-value des bibliothécaires sera sur la connaissance du service, de l’accompagnement du service offert. Pas un secteur d’activité n’échappe à l’automatisation : il faut que les bibliothécaires réfléchissent à ce qui fait leur métier afin de ne pas être totalement remplacés par des automates. L'après-midi est consacrée à deux thématiques : « Agir » et « Construire ». Elle commence par l'intervention de Bénédicte Parmentier, responsable de la bibliothèque de Pampelonne dans le Tarn, qui présente les permanences de Pôle Emploi à la médiathèque. Un jour par par semaine, une permanence sociale est organisée à la médiathèque de Pampelonne. Sont alors réunis un conseiller de Pôle Emploi, une assistante sociale du Conseil général, la mission locale des jeunes..., afin d'essayer de résoudre les difficultés dans leur globalité. Le planning de toutes les permanences sociales est calé le même jour. Les jours où il n'y a pas de permanence, une connexion internet est disponible avec un logiciel de traitement des offres ANPE. Les bibliothécaires gèrent alors autant le logiciel d'offres d'emplois que du traitement de texte pour regarder les CV... Le fait que les bibliothécaires puissent le faire permet d'attirer à la médiathèque des gens qui dans leur recherche d'emploi ne se sentaient pas autorisés à utiliser la bibliothèque. Il permet réellement de faire venir des gens qui ne seraient pas venus autrement. Ce service a, selon Bénédicte Parmentier, tout son sens en bibliothèque car il s'agit d'un service public comme un autre. Un fonds PREF (Point relais emploi formation) a été créé : il comporte tous types de documents et a été largement financé au départ par des fonds européens, qui ont permis de les développer et de mettre en valeur certaines collections... Après ce financement européen, certaines subventions ont disparu : il a donc été nécessaire d'organiser un partage des permanences avec d'autres villages. La permanence de Pampelonne est donc passée d'une par semaine à deux par mois. Une question est posée sur la formation du personnel de la médiathèque. Bénédicte Parmentier est la seule salariée avec une équipe de bénévoles. Il n'y a pas de formation organisée car elle ne peut pas demander aux bénévoles de s'engager sur une telle démarche s'ils ne le souhaitent pas. En revanche bien sûr, si les bénévoles demandent, Bénédicte Parmentier leur montre comment fonctionne le système informatique de Pôle Emploi. La mission doit rester très claire : il s'agit de conseil et non de recommandation. Le deuxième exemple concerne la médiathèque de Meriadeck à Bordeaux. Yoann Bourion, responsable du Pôle des usages numériques et de la communication, présente les permanences conseil sur la création d'entreprise, liée au partenariat entre le service Actualité et autoformation de la médiathèque et la maison de l'emploi de Bordeaux. Bordeaux est une ville de 230000 habitant. La bibliothèque comporte 30000 usagers. Deux analyses ont conduit à la mise en place d'accès internet sur le service Actualité en 2006 : la demande du public et une étude de l'environnement, du territoire (projet urbanistique avec que des administrations sur le site (préfecture, conseil général, ANPE, etc.)). Souvent, les personnes qui viennent à la bibliothèque ont fréquenté ces autres équipements avant. Avant 2008 l'ANPE proposait 30mn d'accès internet, donc les gens venaient consulter internet à la bibliothèque pour prolonger leurs démarches. Le service actualité est né avec une conception anglo-saxonne : on y trouve de la presse mais aussi beaucoup de guides pratiques pour aider le citoyen dans ses démarches. Les collections imprimées et les accès numériques sont liés. Après une année d'ouverture, le personnel se rend compte que le partenariat est indispensable. Côté bibliothèque, on a besoin de partenaires pour avoir un côté professionnel (il est difficile de savoir où s'arrêter dans le conseil, et il est également important de ne pas donner de faux conseils), une aide aux acquisitions et des outils, ainsi que cibler le public et le trouver. Les objectifs de la Maison de l'emploi sont quant à eux de permettre un lieu et des horaires élargis par rapport à une autre administration et de pouvoir donner un accès à des ressources numériques et informatiques. Dans le cas de Bordeaux, la maison de l'emploi a sollicité la bibliothèque. La maison de l'emploi intervient sur le domaine de la création d'entreprise. Elle donne des rendez-vous personnalisés pour des personnes qui aimeraient créer leur propre entreprise. Le partenariat a été étendu à l'administration fiscale, et cela permet aux usagers de faire leur déclaration d'impôt avec des collègues des impôts qui faisaient auparavant des permanences dans des centres commerciaux. Les recommandations que donne Yoann Bourion pour que le partenariat fonctionne sont les suivantes : il faut connaître le milieu des partenaires et leurs missions pour renvoyer sur les bonnes structures (pôle emploi, maison de l'emploi, mission locale, AFPA...) qui ont une vision quelquefois trompeuse de la bibliothèque. Dans le même temps, il faut donc également bien présenter les missions des bibliothèques qui sont souvent méconnues. Les cinq ingrédients de la réussite sont alors les suivants : • analyser le contexte et les acteurs locaux • préciser le rôle et les apports de chacun • mettre en valeur le fonds documentaire • s’appuyer sur l’offre à distance : globalisation des ressources accessibles à distance sur un portail commun pour les 25 bibliothèques de Bordeaux • valoriser et communiquer (flyers par exemple sur les stations de tramways) De nouveaux projets sont en réflexion : des permanence d’écrivain public ainsi que des ateliers recherche de logement avec le CCAS (maîtrise informatique et processus de recherche de logement) La BM de Bordeaux réfléchit également à des possibilités de conseils juridiques Ces deux expériences démontrent que la bibliothèque a de l'avenir en tant que guichet public. • Bibliothèque des Relais-lecture à Grenoble, par Hélène Journaud : retours • Partenariat entre la bibliothèque et l'hôpital : la bibliothèque Serre Cavalier à Nîmes, par Michel Etienne, directeur de Carré d'Art bibliothèques de Nîmes • Expérience de Nantes : médiathèque Lisa Bresner construite avec les habitants du quartier par Emilie Fouvry, Bibliothèque de Nantes L'intervention suivante est celle d'Hélène Journaud, de la bibliothèque des Relais lecture de Grenoble, qui fait un retour sur les partenariats avec les acteurs sociaux locaux. L'objectif du service est le suivant : rendre la bibliothèque inclusive sans lieu bibliothèque. Grenoble est une ville de 156000 habitants, 440000 dans l'agglomération. Il s'agit d'un bassin de lecture très riche avec nombreux organismes de formation, y compris de formation permanente aux métiers du livre. Il est donc facile d'entretenir un réseau de lecture. Neuf missions sont affichées sur le site de la bibliothèque, dont 5 font sens pour la Bibliothèque des Relais lecture : mettre à disposition de tous les publics des collections de différents types de documents, à des fins d'information, de loisir, d'éducation, de culture, favoriser l'accès à l'information; former le public à son utilisation, sous toutes ses formes (imprimée, numérique, audiovisuelle), fournir un espace public de rencontre, de confrontation et de réflexion (la bibliothèque comme lieu de vie sociale), et de débat citoyen, contribuer au développement de la lecture et à la lutte contre l'illettrisme, mettre en œuvre des stratégies pour aller au devant de nouveaux publics et soutenir la formation initiale et continue et l'auto-formation Le service dispose de neuf agents, avec des moyens très adaptés (fonctionnent uniquement sur rendez-vous, en extérieur aussi). Cela permet à la fois d'aller vers des publics éloignés (personnes en grande précarité, seniors...), mais aussi d'assurer une desserte par bibliobus pour les crèches, les structures grenobloises qui souhaitent mettre des livres à l'intérieur de leur établissement. Les partenariats se structurent au fil des années. Des conventions sont signées avec le CCAS et la maison d'arrêt de Varces. La bibliothèque a des partenaires multiples dans le domaine de la formation, de l'apprentissage tout au long de la vie, de l'apprentissage du français : centre relais local sur l'illettrisme, service initiative emploi de la ville, associations de recherche d'emploi (pour les ateliers de recherche d'emploi), plateforme mobilité de la commune (pour des ateliers code de la route), lycées professionnels, organismes de formation ( GRETA), organismes autour du décrochage scolaire (pour des ateliers, rencontres d'écrivains, littérature avec les tout petits pour les personnes en CAP petite enfance...), jeunes en service civique (Unicité par exemple), associations caritatives ou humanistes en direction des publics précaires, relais assistantes maternelles... Toute la difficulté mais aussi la richesse de ces partenariats reposent sur le renouvellement permanent des équipes de l'action sociale. Chaque projet est à recontruire en permanence. Les habitants sont très présents dans les quartiers en terme de politique de la ville pour occuper les espaces publics, ils participent à la bibliothèque de rue, aux ateliers périscolaires, aux résidences d'auteurs jeunesse. L'objectif consiste à inviter les gens à découvrir la bibliothèque, à donner les clés pour qu'ils se sentent chez eux. Cela demande beaucoup d'énergie, c'est très gourmand en travail et en implication (par exemple sur la souplesse des horaires). Les personnes qui sont là ont été recrutées sur profil. L’après-midi se poursuit avec l'intervention de Michel Étienne, directeur du Carré d'art de Nîmes, qui présente le partenariat entre la bibliothèque et l’hôpital à travers la bibliothèque Serre CavalierRuffi à Nîmes et à répondre à la question suivante : comment répondre à une faiblesse de nos sociétés autour de l’isolement de nos personnes âgées, pour resserer le lien social ? Il s'agit d'une expérience qui a 15 ans, entre la bibliothèque municipale et le service gérontologie du CHU, qui reste assez rare, assez unique. Serre-Cavalier est une des bibliothèques du réseau municipal installée au sein d'un hôpital et d'un service de gérontologie. Elle se trouve dans un site avec un parc très agréable. Il s'agit d'un EPHAD qui héberge 100 patients résidents en perte d’autonomie, et 190 lits soins longue durée notamment (patients avec polypathologie). L'expérience suppose de s'appuyer sur les motivations et compétences du personnel soignant. L'objectif est alors développer la relation soignants / soignés dans une relation plus étroite. La bibliothèque a ouvert en 2000. La bibliothèque s'était engagée en 1999 dans des actions hors les murs : l'ouverture de la bibliothèque de Serre-Cavalier entrait donc dans la poursuite de ces actions ainsi que dans la volonté de mailler davantage le territoire. En effet, à Nîmes, l'équipement en bibliothèques est très inférieur au maillage national avec quatre bibliothèques dont Serre-Cavalier, pour 150 000 habitants. L'espace pour la bibliothèque est ouvert sur l'extérieur, pour les publics du quartier, avec des horaires larges. La bibliothèque de Serre-Cavalier est une des rares bibliothèques d'hôpital à être ouverte sur l'extérieur. Les enseignants des écoles d'application proches ont été mobilisés autour de l'idée du lien intergénérationnel. La population du quartier, en demande d'une bibliothèque, a été très impliquée. Une forte volonté politique entre la Ville et la Direction générale de l'hôpital a conduit à la signature d'une convention en 1999. Celle-ci n'a pas été tout à fait régulièrement reconduite depuis car il existe depuis cette date une convention cadre dans laquelle celle de Serre-Cavalier devait s'insérer, mais cela n'a jamais été fait. Les termes de la convention étaient les suivants : 110m² prévu par l’hôpital, ainsi qu'une salle polyvalente et une salle d’exposition. La ville en contrepartie assurait l’équipement informatique. Par ailleurs, des moyens humains ont été alloués de part et d’autre : 1 CHU et 2 à 3 ETP du côté de la bibliothèque. L'agent culturel du CHU travaille dans la bibliothèque, et est une charnière dans le projet. Il intervient dans la bibliothèque et en hyper proximité avec les résidents, jusque dans les chambres. Les relais et interfaces sont on ne peut plus importants dans un projet comme celui-ci. Les collections sont renouvelées de 10% chaque année et représentent 20 000 documents environ. On note une progression des prêts de 5% par an. L'inscription des résidents est gratuite. Ils représentent une proportion non négligeable des emprunteurs. Le personnel passe dans les chambres faire les prêts. L’intergénérationnel est au cœur des actions, mais porté davantage par l'agent culturel de l'hôpital : il s'agit de faire un travail auprès d'un projet de vie auquel les bibliothécaires ne sont pas formés. Des intervenants extérieurs sont régulièrement sollicités, qu’ils soient personnels soignants ou issus d’autres structures. Il y a également une ouverture aux jeunes publics autour de intergénérationnel Les points de fragilité ou de tension résident dans le fait que les partenariats ne se construisent pas et ne durent pas dans le temps sans aménagements réciproques. Ici, on se retrouve avec du personnel CHU et personnel ville bibliothèque qui cohabitent dans un même équipement qui n'a pas de tutelle unique. La convention ne précise pas ou très peu les modes de gouvernance. Elle fait référence à un comité de pilotage qui ne s'est jamais réuni. Sur le terrain, on gagnerait à coconstruire les fiches de poste des agents qui travaillent ensemble, mais pour l'instant ce sont des outils de management que chaque entité construit dans son coin. En revanche, il existe des espoirs pour la suite dans une nouvelle ambition partagée : l'hôpital investit, et la bibliothèque met du personnel. Le lieu va s'agrandir de 40m². L'intérieur sera plus chaleureux, plus modulable, pour un meilleur partage des espaces, adaptés à différents publics (personnes âgées et enfants), adossé à d'autres espaces d'animations, et proposera de nouveaux services à partir d'accès internet, avec une couverture wifi dans l'espace. Si on veut continuer à cibler les seniors il faut une implication de tous et notamment des soignants. Enfin, la journée se conclut par l'intervention d'Emilie Fouvry, responsable de la médiathèque Lisa Bresner Nantes, qui présente dialogue citoyen – Atelier médiathèque dans le cadre de l'ouverture de la médiathèque Lisa Bresner fin 2013. Elle avait pour objectif de desservir les deux quartiers difficiles de la ville. Un comité citoyen formé par des habitants du quartier existait avant que le projet de la médiathèque, et les participants de ce comité ont souhaité participer à la création de la médiathèque. Les personnes qui ont participé à ce comité ont été choisies au hasard dans les listes électorales, et sont restées 2,5 ans avec les bibliothécaires. Il y a eu rédaction d'un mandat citoyen. Ce mandat citoyen a travaillé autour de 4 questions : accessibilité, intergénérationnel, collections et action culturelle. Un avis citoyen a alors été rédigé par ce groupe de travail. Il soulignait le fait que la médiathèque devait être un lieu de culture et de vie, accessible à tous, ouverte à tous les publics, qui fonctionnait en concertation avec les usagers et dont les collections donnent une identité à la médiathèque : des collections pour adolescents, et des thèmes, dont la cuisine, qui pouvaient être développés davantage que d'autres. La ville, par l’intermédiaire des bibliothécaires, s'est engagée à répondre aux points énoncés dans cet avis citoyen. Il faut noter que des propositions qui n'étaient pas prévues au départ ont finalement été réalisées (exemple : l'ouverture sur le jardin extérieur pour des lectures en été). Sur les horaires, les habitants demandaient à ce qu'ils soient ouverts tout le temps, mais ils ont compris qu'il fallait attendre une décision sur l'ensemble du réseau. Ils demandaient aussi un comité d'usagers mais là aussi la réponse a été d'attendre. Quinze personnes sont venues très régulièrement sur un groupe d'une trentaine d'inscrits. La concertation a été poursuivie jusqu'à l'ouverture : suivi du chantier, travail sur les collections et choix des fonds... L'ouverture a également été préparée de concert, sur 3 jours. Une des soirées a été préparée par les habitants : film, buffet chinois et fermeture à 23h pour que les habitants fassent visiter la médiathèque à leurs familles et amis. Le nom de la médiathèque obsédait les habitants, qui ne voulaient absolument pas qu'elle porte le nom du quartier. La concertation s'est faite dans ce cas au-delà du cadre du Dialogue citoyen. Des critères ont été définis par rapport aux noms des autres bibliothèques de Nantes. L'équipe de la bibliothèque a donc proposé cinq noms qui ont été choisis par un vote de 1500 participants, dans les bibliothèques et mairies annexes du quartier, ainsi que sur le site. Lisa Bresner, écrivaine sinologue qui a écrit pour les adultes et les enfants, a été choisie. Le dialogue citoyen interroge nos pratiques professionnelles. Emilie Fouvry donne l'exemple de l’achat en multi exemplaires des ouvrages qui font l’objet de multiples réservations : la politique de multi exemplaire a été développée auprès des acquéreurs, ce qui n'était pas du tout la pratique jusque là.