verbes reflechis bambara

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verbes reflechis bambara
MANDENKAN
Numéro 28
Automne 1994
Bulletin semestriel
d’Etudes Linguistiques Mandé
ISSN 0752-5443
VERBES REFLECHIS BAMBARA
Première partie
Pronoms réfléchis
Groupement sémantico-syntaxiques des verbes non-réfléchis
par
Valentin VYDRINE
avec la collaboration de
Adama Diocolo COULIBALY
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SOMMAIRE
CHAPITRE 1. L’histoire des études des verbes réfléchis dans les langues
manding
1.1.
Les VR bambara vus par les prédécesseurs :
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1.1.1. Mira Bergelson
11
1.1.2. Dramane Koné
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1.2.
VR dans les autres langues manding :
1.2.1. Mauka (E. Ebermann)
1.2.2. Maninka de Kita (Boniface Keïta)
1.2.3. Maninka de Guinée (Famori Kuruma, Claire Grégoire)
1.2.4. Mandinka (Denis Creissels)
1.2.5. Dioula de Kong (Aby Sangaré)
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1.3.
Considérations générales
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CHAPITRE 2. Les pronoms réfléchis bambara
2.1.
Pronoms de paradigme de iá (PRi)
2.1.1. Corrélation entre PR iá – aØ
2.1.2. Corrélation entre PR iá – uÝ
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2.2.
PRi en dehors des constructions avec les VR
2.2.1. iá réfléchi avec mýØgýÉ ‘personne’ pour antécédent :
2.2.1.1. dans une phrase polyprédicative ;
2.2.1.2. dans une phase monoprédicative ;
2.2.1.3. mýØgýÉ avec des déterminants
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2.2.2. iá dans les constructions infinitives (sans antécédent explicite)
2.2.3. iá réfléchi avec bÿÉÿ ‘tous’ pour antécédent
2.2.4. PRi en combinaison avec yÿØrÿÉ
2.2.4.1. PRi + yÿØrÿÉ comme un OD
2.2.4.2. Corrélation iá – aØ en combinaison avec yÿØrÿÉ
2.2.4.3. Groupe PRi + yÿØrÿÉ dans un GN plus grand
2.2.4.4. PRi + yÿØrÿ dans les positions d’OI et Obl
2.2.4.5., 2.2.4.6. Cas spéciaux de choix entre PR iá et aØ en
combinaison avec yÿØrÿÉ
2.2.5. PRi avec les noms des parties du corps :
2.2.5.1. en position d’OD (fonction de Quasi-Patient) ;
2.2.5.2. dans les positions d’OI et Obl ;
2.2.5.3. corrélation entre iá et aØ dans les constructions avec les
noms des parties du corps
2.2.6. PRi dans le cadre d’un GN en foncton de Patient
2.2.7. PRi avec les termes de parenté en position d’OD
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CHAPITRE 3.Groupements sémantico-syntaxiques des VN
3.1.
CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES PRÉALABLES
3.1.1. La polysémie des verbes
3.1.2. Niveaux d’analyse de la dérivation verbale
3.1.2.1. Le niveau formel (morphologique)
3.1.2.2. Le niveau sémantique
3.1.2.2.1. Composantes sémantiques verbaux
3.1.2.2.2. Les rôles sémantiques
3.1.2.2.2.1. Le Sujet Sémantique
3.1.2.2.2.2. Le Complément d’Objet Sémantique
3.1.2.2.2.3. Le Datif Sémantique
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3.1.2.2.2.4. Autres rôles sémantiques
3.1.2.2.3. La structure référentielle du verbe
3.1.2.2.3. Le niveau syntaxique
3.1.3. La notion de diathèse d’après Emma Geniušiene
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3.2.
DÉRIVATION VERBALE NON-RÉFLÉCHIE NON-MORPHOLOGIQUE
3.2.1. Verbes intransitifs de base
3.2.1.1. Intransitiva tantum
3.2.1.2. Vebes intransitifs producteurs
3.2.1.2.1. à dérivation causative ;
3.2.1.2.2. à dérivation transitive limitative ;
3.2.1.2.3. à dérivation causative et limitative
3.2.2. Verbes transitifs de base
3.2.2.1. VT non-dérivables
3.2.2.2. Verbes conversifs objectifs
3.2.2.3. Dérivation causative à partir des VT de base :
3.2.2.3.1. S Æ OI
3.2.2.3.2. S Æ OD, OD Æ OI
3.2.2.4. Dérivation limitative à partir des VT de base
3.2.3. Verbs diffus :
3.2.3.1. à l’alternance OD ↔ Ø
3.2.3.2. à statut du complément d’objet variable (OD ↔ OI)
3.2.3.3. à l’alternance S ↔ OD (réciproques)
3.2.4. La transformation passive :
3.2.4.1. à partir des VT de base ;
3.2.4.2. à partir des VT dérivés des VI de base ;
3.2.4.3. à partir des transitifs limitatifs ;
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3.2.4.4. à partir des verbes diffus (VT’)
3.2.4.5. Les restrictions en tranformation passive
3.3. DERIVATION VERBALE MORPHOLOGIQUE : causatif en laÉ-/naÉ
3.3.1. Restrictions en dérivation causative morphologique
3.3.2. Rapports entre les causatifs syntaxiques et morphologiques
3.3.3. Le sémantisme hétérogène du préfixe laÉ- et son histoire
3.3.4. Les variantes de la valeur causative en bambara
3.3.5. La transformation passive des causatifs morphologiques
3.3.6. laÉ- comme un marqueur de la dérivation limitative
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REFERENCES
I
SOURCES
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LISTE DES ABREVIATIONS ET DES SYMBOLES
acc – marqueur d'accompli (yeÉ, -ra/-la/-na)
acc-ng – marqueur négatif d’accompli (maÉ)
act – marqueur de l’actuel (bÿÉkaØ)
ag – suffixe du nom d’agent (-la/-na)
Ag – agent
Arg – argument
Anim – référent animé
art – article tonal (ton flottant bas, `)
caus – marqueur morphologique du causatif (laÉ-/naÉ-)
CN – construction non-réfléchie
CR – construction réfléchie
ctr – particule contrastive (duÝn)
∆ – diathèse
∆0 – diathèse de base
∆1, ∆2... – diathèses dérivées
dst – marqueur de la construction distributive (oÉ`)
equ – marqueur de la construction équative (yeÉ)
fd – marqueur du futur déterminé (naÝ)
GN – groupe nominal
inf – marqueur d’infinitif (kaØ)
Init – causateur, initiateur d’action (rôle sémantique)
inj – marqueur de l’injonctif (kaÉ)
Instr – Instrument (rôle sémantique)
Med – Moyen (rôle sémantique)
mr – particule du mise en relief (deÝ)
NonP – non-potent
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Ob – objet
OD – complément d’objet direct
OI – complément d’objet indirect
Obl – complément d’objet oblique
p. – personne
Part – référent partitif
Pers – personne (référent humain)
pl. – pluriel
pop. – expression argotique, familier, populaire
pos – marqueur de la construction possessive (kaÉ)
Pot – référent-potent
pp – postposition
PR – pronom réfléchi
prg – marqueur du progressif (bÿÉ)
prg-ng – marqueur négatif du progressif (tÿÉ)
prh – marqueur du prohibitif (kaØnaÉ)
PRi – pronom réfléchi du « paradigme de iá »
pss – marqueur du passé (tuÝn)
Pt – patient
ptac – marque du participe accompli (-len/-nen)
ptpr – marque du participe progressif (-tý)
qu – marqueur de la construction qualificative (kaÉ)
qu-ng – marqueur négatif de la construction qualificative (maÉn)
Ref – référent
S – sujet (de surface)
Sb – sujet sémantique
sg. – singulier
SRef – structure référentielle
SRol – structure des rôles
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SSyn – structure syntaxique
VC – verbe causatif morphologique
VCi – verbe causatif morphologique en emploi intransitif
VCL – Verbe causatif morphologique à sens limitatif
VCt – verbe causatif morphologique en emploi transitif
VI, vi – verbe intransitif
VI’, vi’ – emploi intransitif du verbe diffus
VI2, vi2 – verbe intransitif secondaire (résultant de la transformation
secondaire)
vn – marqueur de dérivation des verbonominaux à partir des adjectifs
préficatifs (-ya)
VN – verbe non-réfléchi
VR, vr – verbe réfléchi
VT, vt – verbe transitif
VT’, vt’ – emploi transitif d’un verbe diffus
VTC, vtc – dérivé causatif à partir du VT de base
VTl, vtl – emploi transitif résultant d’une transformation limitative
←, → – direction de dérivation ou de transformation
⇐, ⇒ – direction de dérivation ou de transformation, les sens de la
construction de base et construction résultante étant équivalentes
↔ – relation dérivationnelle sans direction
≠> – dérivation ou transformation impossible
# – non-équivalence de sens
* – agrammatical ; artificiel
? – grammaticalité ou acceptabilité douteuse ; traduction incertaine
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0. Nous entendons par « verbe réfléchi » (VR) en bambara tout verbe
susceptible d’accepter à la troisième personne du singulier le pronom réfléchi iá
en fonction d’objet direct et co-référent (au sens large) avec le sujet du verbe –
à l’exception des cas où l’apparition de iá réfléchi est foncton d’autres facteurs
décrits au chapitre 2. Le sémantisme des verbes, les particularités de leurs
dérivations syntaxiques etc. ne jouent donc aucun rôle pour le classement ou le
non-classement du verbe parmi les verbes réfléchis.
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Chapitre 1. L’HISTOIRE DES ÉTUDES DES VERBES RÉFLÉCHIS DANS
LES LANGUES MANDING
1.1. Nous ne connaissons aucun travail dans lequel les verbes réfléchis en
bambara aient été analysés de façon plus ou moins approfondie. Dans les
descriptions générales de cette langue, ils passent le plus souvent inaperçus ou
ne sont mentionnés qu’en quelques lignes. C’est aussi le cas pour la thèse de
Demba Konaré [1985]*, pourtant spécialement consacrée à l’analyse de la
structure et du sémantisme du verbe bambara. Cependant, certaines remarques
que l’on trouve dans les travaux de nos prédécesseurs méritent d’être
considérées.
1.1.1. Dans sa thèse [1985 : 106-107] Mira Bergelson décrit la
réflexivisation des verbes comme correspondant en structure sous-jacente à un
processus d’agentivisation et analyse la construction réfléchie comme une
variante de la construction transitive. Selon elle, le verbe dans une CR (c’est-àdire dans une construction où le PR en position de OD est co-référent du sujet)
exprimerait une action volontaire. En fait, Mira Bergelson ne considère, dans
son travail, que les cas des dérivations réfléchies issues des verbes intransitifs,
tous les autres cas restant hors de son analyse.
Cet auteur affirme que iá dans le « bambara moderne des
______________________________________
*La liste de références et la liste de sources sont données a la fin de vol. 2 (No.
29 du Mandenkan).
12
grandes villes » sert de marqueur réfléchi pour toutes les personnes, hypothèse
qui n’est pas tellement confirmée par nos données (cf. 2.1.).
1.1.2. Dans la thèse de Dramane Koné [1984 : 72, 136-139] la description
des VR est plus détaillée. Cet auteur parle de la liaison transformationnelle de
la construction verbale réfléchie avec les constructions transitives et
intransitives, et souligne que le sémantisme de la CR ne se limite pas de la
réflexivité sémantique (c’est-à-dire, réflexivité stricto sensu). D. Koné touche
aussi le problème de la variation dialectale des pronoms iá et aØ dans la fonction
du marqueur de la CR verbale ; il atteste l’équivalence des énoncés du type de
aØ y’iá koØ ‘il s’est lavé’ – aØ koØra ‘il s’est lavé ; il a été lavé’ dans certains
parlers (sans préciser, malheureusement, dans lesquels).
Dramane Koné accorde beaucoup d’attention à un groupe peu important
des verbes réfléchis que nous classons parmi les « VR subjectifs
désaccusatifs ». Il mentionne l’affinité sémantique des phrases MaÝduÉ yeÉ jiá Ø
mi°n ‘Madou a bu de l’eau’ et MaÝduÉ yeÉ iá mi°n (jiá Ø laÉ) ‘Madou s’est désaltéré
(de l’eau)’ ; nÉ faÝ Ø yeÉ fuÉlakan Ø kaØlan ‘mon père a appris le peul’ et nÉ faÝ Ø y’iá
kaØlan fuÉlakan Ø naÉ ‘mon père a appris lui-même le peul’ ; uØ yeÉ sÿØnÿÉ Ø deØge
‘ils ont appris à cultiver’ et uØ yeÉ uÝ deØge sÿØnÿÉ Ø laÉ ‘ils ont eux-mêmes appris à
cultiver’. L’auteur essaye de traiter la réflexivité de ce type comme une
transformation en deux étapes, dont l’une est la transformation causative.
En décrivant les fonctions syntaxiques du pronom réfléchi, D. Koné
affirme que la CR verbale en bambara n’a
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pas de sens réciproque. Son insistance sur ce sujet nous paraît cependant un peu
excessive : tout d’abord parce que, à notre connaissance, aucun auteur n’a
jamais attribué la valeur réciproque à une construction avec le pronom iá – en
fait, D. Koné cherche à prévenir une extrapolation possible des valeurs propres
aux pronoms français du paradigme de se sur les PRi en bambara. Ensuite,
parce qu’on trouve quand même en Bambara des cas où ces pronoms ont une
valeur réciproque (cf. 4.1.1.1.1.1.6.), bien qu’il s’agisse alors de la périphérie
du système des verbes réfléchis.
1.2. Les informations sur les VR dans les autres langues manding sont
plus riches. Or elles sont d’un grand intérêt pour comprendre le dynamisme du
développement de la réflexivité verbale en bambara.
1.2.1. Dans son étude de la langue mauka, E. Ebermann [1986 : 86-89]
affirme que le PR iá peut occuper la position du complément d’objet direct avec
n’importe quel verbe transitif : kÿØ soØoØ faØaØ ‘tuer l’animal’ – kÿØ iá faØaØ ‘se tuer,
se sucider’ (notons entre parenthèses que cette affirmation nous paraît douteuse
pour des raisons d’ordre typologique). Il y a en outre des verbes qui ne peuvent
avoir d’autre OD que le PR : fýÉýÉ ‘vomir’, yÿØÿØ ‘montrer’, yi°i° ‘descendre’, bÿØ
‘tomber’. E. Ebermann souligne qu’en bambara, les verbes correspondants ne
sont souvent pas aptes à fonctionner comme réfléchis.
Selon E. Ebermann, iá en Mauka assume le rôle de PR au singulier comme
au pluriel pour toutes les personnes, sauf
14
aux premières personnes. Dans ce dernier cas, cette position est occupée par
des pronoms correspondant au sujet :
/~É wÿØÿ É kwoØ/ ‘je me suis lavé’, /aÉ wÿØÿ É aÉ kwoØ/ ‘nous nous sommes
lavés’.
1.2.2. Selon Boniface Keïta, en Maninka de Kita, tout comme en Mauka,
tout verbe transitif admet le PR iá comme OD [Keïta, 1985 : 82-83, 269-270].
Cependant, il traite à part des verbes comme baØn ‘refuser’, pour lesquels la
transformation syntaxique du sujet en OD est impossible ; selon lui, ces verbes
sont les seuls à devoir être considérés en Maninka de Kita comme des verbes
réfléchis : SeÉkuØ diá iá baØn ‘Sékou a refusé’ ≠> *muØsuÉ diá SeÉkuØ baØn.
Cette transformation, indique B. Keïta, est cependant possible quand le
verbe reçoit le préfixe causatif laÉ- : keÝ Ø diá iá loØ ‘l’homme s’est arrêté’ →
SeÉkuØ diá keÝ Ø laÉloØ ‘Sékou a fait l’homme s’arrêter’.
Les verbes qu’il considère comme VR sont classés par lui en quatre
groupes, le critère de cette classification étant la présence ou l’absence de
fonctions autres que réfléchies, ainsi que les procédés de dérivation nominale à
partir de ces verbes.
Le PR iá en Maninka de Kita peut occuper la position du OD en présence
de tout pronom personnel en position sujet, à l’exception du pronom 1ère pers.
sg. nÉ : aÉn diá iá kuØ ‘nous nous sommes lavés’, mais *nÉ diá iá kuØ ‘je me suis
lavé’.
1.2.3. Dans les travaux que nous connaissons sur le maninka de la
Guinée, on ne trouve aucune description plus ou moins systématique des verbes
réfléchis. Famori Kuruma se
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limite à dire dans sa thèse que la réflexivité est marquée par le pronom
personnel de 2ème pers. sg. iá. Cet auteur affirme aussi que la réflexivité peut
aussi être rendue par l’« articule » nyon, qui « communique la réflexivité
secondaire » (= réciproque ?), la réflexivité « conjuguée avec la direction sur
l’objet de l’action » étant exprimée par la « particule » i yÿrÿ [Kuruma, 1969].
Claire Grégoire [1985] n’analyse pas particulièrement les VR maninka.
Elle compare cependant les données du Maninka avec celles des autres langues
manding et émet l’hypothèse que l’emploi défléchi des verbes est secondaire et
dérivé de l’emploi intransitif.
1.2.4. Le problème qui nous intéresse est traité plus en détail par Denis
Creissels dans sa « Grammaire mandinka » [1983 : 126-129]. Il admet
l’existence de restrictions pour la dérivation du VR et reconnaît que le
sémantisme de ce type de verbes dans le Mandinka dépasse de beaucoup les
limites d’un « réfléchi stricto sensu » qui établit la co-référence de l’agent avec
le patient de la phrase, ces verbes pouvant aussi exprimer une situation lù leur
sémantisme exclut toute possibilité de distrinction entre l’agent et le patient, ou
encore les cas où l’action ne dépasse pas le cadre de l’agent. D. Creissels
souligne que les constructions de certains VR peuvent être transformées, sans
changement du sens, en construction avec le PR faÉ÷ ‘soi’ ; d’autres verbes ne
permettent pas cette transformation.
D. Creissels compare les constructions intransitive et réfléchie avec le
même verbe, et conclut que le réfléchi met
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en relief le caractère actif de l’argument, tandis que l’intransitif n’implque pas
son activité.
Cet auteur mentionne aussi des verbes aptes à intervenir dans des
constructions et réfléchies et intransitives sans que l’on puisse distinguer de
différences sémantique évidente : boØri ‘courir’, si°i ‘s’asseoir’, taÉriyaa ‘se
dépêcher’. En outre, il signale des cas où les formes transitive et réfléchie d’un
verbe expriment la même situation, la seule différence étant que dans la CR le
deuxième participant de la situation peut ne pas être exprimé : suÉnkutoo yeÉ nÉ
daÉnku ‘la fille m’a répondu’ – suÉnkutoo yeÉ iá daÉnku (nÉ naÉ) ‘la fille (m’)a
répondu’ (en fait, il s’agit ici, comme dans la thèse de D. Koné, de réfléchis
subjectifs désaccustifs).
Le PR mandnka iá n’occupe la position d’OD qu’avec le sujet des 2ème et
3ème pers. sg. Avec un sujet pluriel (2 et 3 personnes), c’est PR i° (à ton bas !)
homonyme du pronom personnel de 2ème pers. pl. qui intervient. Si la position
du sujet est occupée par les pronoms de 1ère pers. sg. et pl., le PR correspond
alors au pronom sujet.
1.2.5. En Dioula de Kong, selon Aby Sangaré, les constructions verbales
avec les PRi sont rares et n’expriment pas la valeur réfléchie stricto sensu : ce
réfléchi « concerne donc des cas où la réalisation du procès n’implique pas
nécessairement deux participants… La plupart des exemples relevés révèlent
une tendance à étendre le réfléchi à des vrbes qui ne supposent pas un
deuxième participant » [Sangaré, 1984 : 371].
Les 6 exemples des CR verbales citées par cet auteur
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témoignent que, dans l’idiome en question, l’emloi du PRi est assez différent
de ce qu’on observe en Bambara : 3 des 6 verbes correspondant en Bambara ne
sont pas réfléchis (Dioula de Kong tÿØmbÿÉ ‘passer’, koØmboÉ ‘pleurer’, si°
‘passer la nuit’). Et la valeur du VR jaØ en Dioula de Kong est nettement
décausatif avec un sujet non-animé, ce qui n’est pas le cas en Bambara :
KwoØ kaØ naØ iá jaØ ‘La rivière finit par s’assécher’ – cf. le sens figuré du
VR en Bambara : k’iá jaÝ fÿÉn Ø kaØn ‘s’agripper à qch qu’on ne veut pas rendre’.
On peut donc se ranger à l’avis d’Aby Sangaré et admettre que la CR
verbale en Dioula de Kong a beaucoup évoluée en s’écartant de sa valeur
prototypique.
1.3. Sur la base des descriptions citées, il semblerait que les PRi dans les
constructions verbales soient emloyées en Mauka et en Maninka de Kita plus
largement qu’en Bambara. Cependant, les auteurs de ces descriptions
aboutissent à une situation paradoxale : ils ne reconnaissent pas comme
réfléchis les verbes réfléchis « stricto sensu » (« l’objet animé accomplit une
action volontaire sur lui-même »). Par contre, les verbes qu’ils traitent de
« réfléchis » expriment toute une gamme des valeurs médio-réfléchies
(« l’action est concentrée dans le sujet ») et agentives.
Nous voudrions, une fois de plus, attirer l’attention sur le caractère
discutable de l’absence de restriction de la dérivation des verbes réfléchis à
partir des verbes transtifs dans certaines langues manding. Pour beaucoup de
verbes une telle transformation menèrait nécessairement à une mutation
sémantique considérable, ce qui ne passerait
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pas inaperçu dans les dictionnaires et grammaires. Dans tous les cas, cette
affirmation mérite une vérification sérieuse.
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Chapitre 2. LES PRONMS RÉFLÉCHIS BAMBARA
2.1. Comme cela a été indiqué plus haut, le critère formel du VR en
bambara est la présence du pronom iá en position d’OD. Il a la même forme que
le pronom de 2 p. sg., ce qui a permis à beaucoup de chercheurs de les
considérer comme deux acceptions d’un seul pronom (cf. p.ex. le dictionnaire
de Dumestre). Il est probable que cela soit vrai du point de vue étymologique ;
en synchronie, nous allons cependant les traiter comme des homonymes. La
distinction entre iá réfléchi et iá personnel se manifeste dans certains contextes :
– iá personnel a une forme emphatique corrélative, tandis que iá réfléchi
n’en a pas : aØ yeÉ eÉ koØ ‘il t’a lavé’ (et non pas *‘il s’est lavé’) ;
– il semblerait qu’en présence d’un iá réfléchi l’élision de la voyelle de
l’auxiliaire précédent soit obligatoire, l’absence d’élision étant donc l’indice
d’un iá personnel : aØ y’iá koØ ‘il s’est lavé’ = ‘il t’a lavé’, tandis que aØ yeÉ iá koØ ‘il
t’a lavé’ (et non pas *‘il s’est lavé’ ; il semble que la forme sans élision ait
aussi une valeur emphatique).
Contrairement à ce que l’on observe dans les autres langues manding, iá
réfléchi en Bambara n’intervient que quand le sujet est à la 2ème pers., et
surtout au singulier.
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Même dans ce cas, iá peut être le plus souvent librement remplacé par un
pronom de 3ème p. sg. à (co-référent avec le sujet). Les locuteurs bambara
admettent parfois l’emploi de iá réfléchi avec un sujet à la 3ème p. pl. ; mais
dans tous les autres cas, la réflexivité verbale est exprimée par les pronoms
personnels correspondant aux pronoms sujet.
Le paradigme complet est donc :
nÉ yeÉ nÉ daØraka
j’ai déjeûné
iá y’iá daØraka
tu as déjeûné
aØ y’iá/aØ daØraka
il a déjeûné
aÉn Ø y’aÉn Ø daØraka
nous avons déjeûné
aÉ y’aÉ daØraka
vous avez déjeûné
uØ y’uØ (iá) daØraka
ils ont déjeûné
Nous allons appeler ces pronoms « pronoms réfléchis du paradigme de iá »
(PRi).*
Considérons maintenant plus en détail la corrélation aux 3ème personnes
sg. et pl. entre iá et à, et iá et uÝ en fonction réfléchie, d’abord dans la construction
verbale.
2.1.1. Devant les verbes réfléchis le pronom à est en alternance presque
libre avec le réfléchi iá. Cependant, selon les dialectes, la fréquence de l’un et de
l’autre varie. Ainsi, un Bambara de Bélédougou dirait plutôt aØ y’aØ baØn ‘il a
refusé’, tandis qu’à Bamako, la forme aØ y’iá baØn est beaucoup plus fréquente,
bien que dans les deux dialectes la forme alternative aussi soit perçue comme
grammaticale et normale.
Il y a cependant quelques VR qui, à la 3 p. sg., ne
_____________________________________________
*En fait, il n’est pas correct de traiter le pronom à comme réfléchi ; il s’agit d’un
pronom anaphorique en fonction réfléchi. – Commentaire de 2002.
21
sont compatibles qu’avec iá.1 Ils ne sont pas nombreux et, pour certains, cette
restriction peut être expliquée par leur emploi assez rare et sémantiquement
marqué comme une VR (on peut même mettre en doute si notre exemple cidessus soit possible dans la société bambara), alors que à pourrait être compris
comme un pronom se référant à une tièrce personne, ex. :
UámuØ y’ iá
fuÉru SeÉkuØ maØ
Oumou acc PR marier Sékou PP
‘Oumou s’est marié à Sékou’ (par sa propre initiative, malgré les règles
sociales, etc.) ≠ UámuØ y’aØ fuÉru SeÉkuØ maØ ‘Oumou l’a marié à Sékou’.
WuØlaÉ Ø fÿÝ aØ y’ iá taØ
koÉkura
soir-art PP il acc PR prendre de-nouveau
pop. ‘Le soir il s’est saoulé de nouveau’ (ou : ‘… il a pris le drogue…’) ≠
WuØlaÉ Ø fÿØ, aØ y’aØ taØ koÉkura ‘Le soir, il l’a repris’.
Il semble plus difficile d’expliquer l’impossibilité de remplacer le iá
réfléchi par un à devant le verbe taØasiá ‘réfléchir’ qui ne peut pas s’employer
comme un transitif.
Il nous reste à supposer que cette situation (d’ailleurs, différente d’un
dialecte à l’autre) s’est créée sous l’action de facteurs fortuits, dont les résultats
ont été fixés par la pratique de langue.
Il faut cependant noter que les deux pronoms en question présentent un
risque de conflit référentiel, à pouvant être perçu comme un pronom personnel
correspondant à un par-
1
Il ne s’agit pas ici de verbes comme daÉlaÉjÿÝ ‘se ressembler’ dont le sujet est
nécessairement en pluriel.
22
ticipant déjà mentionné, autre que le sujet et iá pouvant correspondre à
l’adressé :
Aà y’aØ gaÉlon ‘Il sauta de haut en bas’ ou ‘il l’écarta du pouvoir’ ;
Aà y’iá gaÉlon ‘Il sauta de haut en bas’ ou ‘il t’écarta du pouvoir’.
Le conflit référentiel est généralement résolu par le contexte, mais il est
évident que cela est plus facile pour iá, ce qui explique probablement la
préférence du iá réfléchi pour les verbes comme gaØlabaÉgaØlabaÉ :
Aà y’iá gaØlabaÉgaØlaba ‘Il s’est dépêché, il a travaillé à la va-vite’ (mais
non pas *‘Il t’a bâclé’) – Aà y’aØ gaØlabaÉgaØlaba ‘Il s’est dépêché, il a travaillé à
la va-vite’ ou ‘il a bâclé cela’.
L’introduction d’un OI enlève cette ambiguité :
Aà y’iá gaØlabaÉgaØlabaÉ niµn fÿØ = Aà y’aØ gaØlabaÉgaØlabaÉ niµn fÿØ ‘Il a bâclé
ça, il l’a fait à va-vite’.
La corrélation ente iá et à dans les constructions réfléchies non-verbales
sera considérée plus bas.
2.1.2. Avec un S pluriel, c’est le plus souvent uÝ qui assume le statut du
PR dans la construction verbale. Le remplacement de uÝ par iá est admis, mais,
selon nos informateurs bambara, de tels énoncés frisent l’agrammaticalité (« la
phrase est compréhensible, mais on ne parle pas comme ça »). Tout de même,
on trouve des cas de ce type dans les textes (il s’agit probablement de
l’influence du Maninka), ex. :
uØ taÉga-ra foØroÉ Ø
laÉ k’ iá si°gi
jiári Ø
kýÉrý
ils aller-acc champ-art PP inf PR asseoir arbre-art sous
23
‘Ils allèrent au champ et s’assirent sous l’arbre’ (exemple donnée par Gérard
Dumestre [1987 : 422] et tiré du recueil de contes de M. Travélé (Proverbes et
contes bambara. Paris, 1923. Il est à noter que pour la majorité de nos
informateurs bambara, cette phrase est compréhensible mais agrammaticale).
Ainsi, le remplacement de uÝ réfléchi par iá n’est pas admis pour beaucoup
de verbes. Et dans les cas où il est possible, d’après ce que nous avons pu
observer, une valeur distributive apparaît :
UÅ doØn-na soÉ Ø
kýÉný k’ uØ miáiri kiáritigÿko iµn kaØn
ils entrer-acc maison-art dans inf PR penser proces
ce de
‘Ils entrèrent dans la maison et se mirent à penser à ce procès’ ↔ UÅ doØnna soÉ
kýÉný k’iá miáiri kiáritigÿko iµn kaØn ‘Ils entrèrent dans la maison, et chacun se
mit à penser de ce procès’ (dans le premier cas, une certaine unité spirituelle
des participants de la situation est supposée, probablement, la délibération,
etc.).
U° y’ uØ paÉn
juØruÉ Ø
kuØnnaÉ
ils acc PR sauter corde-art par-dessus
‘Ils sautèrent par-dessus la corde’ (apparemment, simultaneusement) ↔ U° y’iá
paÉn juØruÉ Ø kuØnnaÉ ‘Ils sautèrent par-dessus la corde’ (l’un après l’autre). Le
deuxième énoncé est proche du sens de l’énoncé suivant :
U° keÉlen-kelen-na bÿÉÿ y’ iá
paÉn juØruÉ Ø
kuØnnaÉ
ils un-un-par
tous acc PR sauter corde-art par-dessus
‘Chacun d’eux sauta par-dessus la corde’.
Si cependant le sujet est exprimé par un GN ne contenant pas un
marqueur du pluriel -w et n’étant pas un pronom uÝ, l’apparition et de iá, et de uÝ
en fonction d’un PR est
24
également possible :
CÿÝ
saØba y’ iá (= uÝ) mi°n
homme trois acc PR
boire
‘Les trois hommes ont bu’.
Cela signifie probablement que le GN tel que « substantif + numéral »
exprime en bambara plutôt l’idée d’un ensemble que d’un pluriel.
2.1.3. L’accord de nombre entre le sujet et le PR dans la construction
verbale est automatique : si le pluriel n’est pas explicitement marqué dans le
GN occupant la position de sujet (on peut dire, en accord avec Ch. Bailleul
[1981 : 78], qu’il s’agit d’un sujet collectif), c’est iá qui intervient :
FuØnteÉnin Ø waÉgati Ø, mýØgý
caÉman Ø
b’ iá waÉraka
chaleur-art temps-art personne nombreux-art prg PR déshabiller
peÉwu
k’ iá
daÉ
compètement inf PR coucher
‘Quand la chaleur descend, beaucoup de gens se déshabillent complètement et
se couchent’.
2.2. Considérons maintenant les occurences des PR en dehors des
constructions avec des verbes réfléchis.2
2
Notons entre parenthèses que Dramane Koné [1984 : 74] trouve une différence
entre le pronom réciproque ™ýÉgýn et PR iá en ce que ™ýÉgýn peut :
a) occuper la position d’OI ou Obl ;
b) entrer un GN comportant un lexème quelconque dont ™ýÉgýn est déterminant.
Les exemples que nous venons de citer montrent que iá réfléchi peut en effet
intervenir dans les deux contextes.
25
Nous avons trouvé quatre constructions principales où le PR iá apparaît
régulièrement.
2.2.1. Le plus souvent, le PR iá a pour antécédent le mot mýØgýÉ (maÝa)
‘homme, personne’ dans son occurrence non-concrète (sens de l’indétermné :
‘quelqu’un’, ou de relatif : ‘celui qui’).3 Cette fonction de iá est marquée dans le
dictionnaire de Dumestre ; elle est propre surtout aux proverbes et dictions de
type « vérités éternelles ».
2.2.1.1. Le plus souvent, iá et son antécédent mýØgýÉ interviennent dans le
cadre d’une phrase à plusieurs prédicats :
MaÝa Ø
bÿÉ deÉn Ø
deØ woÉlo
kaØ aØ laÉ-mýÝ Ø,
personne-art prg enfant-art mr engendrer inf le caus-mûrir
oØ
bÿÉ seØgián
k’ iá laÉ-mýØ
celui-ci prg retourner inf PR caus-mûrir (MA : 81)4
3
Ici aussi, il s’observe une affinité entre le pronom réfléchi et personnel du 2
pers. sg. ; cf. l’emploi du pronom du 2 pers. sg. en fonction de l’adressé rhétorique,
par ex. : “Si tu plonges aux fonds marins, tu pourra y observer des choses
merveilleuses”.
4
Dans les renvois aux nos sources, nous suivons le système de “Dictionnaire
bambara – français” de Gérard Dumestre : chaque source (dont la liste est fournie à la
fin) est marquée par un code à deux lettres ; le chiffre après deux points est le numéro
de page. Si au lieu d’un code littéral on trouve un chiffre, il s’agit du numéro
corréspondant du mensuel Kibaru. Les numéros des autres périodiques sont donnés
avec un code littéral, p.ex. : NY6 – ˜ÿtaa, No. 6. Si nous faisons référence aux
mêmes sources que Dumestre, nous gardons ses codes. Les exemles donnés sans
aucun renvoi sont de nous (un des auteurs étant locuteur natif du bambara), ou bien
leur origine est difficile à rétablir.
26
‘On donne naissance à un enfant et l’élève, et ensuite celui-ci t’élève à son
tour’.
MýØgýÉ Ø
koØli-jiá Ø
bÿÉÿ laÉjÿØrÿleÉn tÿÉ
personne-art ablution-eau-art toute rassemblé prg-ng
seÉ
kaØ iá jÿØ5
pouvoir inf PR manquer (GE)
‘Il n’est pas possible que toute l’eau d’ablution manque celui qui se lave’.
Niá maÝa Ø
maÉ
saÝ ,Ø
koÉ Ø
bÿÉÿ
juØruÉ Ø
si personne-art acc-ng mourir, chose-art toutes dette-art
b’ iá
laÉ
être PR PP
‘Si l’on n’est pas encore mort, on est endetté de toutes les choses’.
MaØa
tÿÉ
mýÝý
taÝ
aØ týÉgý Ø maØ, nØkaÉ kuÉma Ø
personne prg-ng personne prendre son nom-art PP mais parole-art
fýÉ-ra
coÉgo oÉ Ø coÉgo, iá b’ iá ni°yýÉrý Ø y’ aØ laÉ
dire-acc façon dst façon PR prg PR part-art voir elle dans (MA : 80)
‘Personne ne nomme personne, mais quelque soit la manière de prononcer ces
paroles, l’on y voit le sien’ (= « chacun croit que c’est de lui qu’on parle »).
Aála bÿÉ fÿÉn Ø
diá
mýØgýÉ Ø
maØ, kaØ aØ
Dieu prg chose-art donner personne-art PP inf elle
5
Ce sont les exemples de ce type que nous avions en vue dans la réserve
introduite pour la définition des verbes réfléchis en début d’ouvrage : évidemment, la
présence d’un iá dans la position du complément d’objet direct ne peut pas être
considérée comme un signe du caractère réfléchi des verbes laÉmýÝ et jÿÉ, parce que
dans les phrases citées iá n’est pas co-référentiel avec les sujets des verbes en question
(deÉn et koØlijiá).
27
mi°nÿ iá laÉ
prendre PR de (KK : 15)
‘Dieu donne quelque chose aux gens, et le reprend ensuite…’
2.2.1.2. Assez rares sont les cas où mýØgýÉ et iá se trouvent dans une phrase
à un prédicat. Dans ce cas ils doivent obligatoirement faire partie des groupes
nominaux (et l’on sait que les GN peuvent toujours être représentés comme des
prédications sous-jacentes – on peut donc parler de la possibilité de déplier une
phrase pareille en polyprédicative) :
MýØgýÉ Ø
faÝ Ø
teÉri Ø tuØn yeÉ iá
faÝ Ø
dýÉ yeÉ,
personne-art père-art ami-art pss equ PR père-art un comme
MýØgýÉ Ø
baÉ Ø
personne-art mère-art
teÉri Ø tuØn yeÉ iá
baÉ Ø
ami-art pss equ PR mère-art
dýÉ yeÉ.
un comme
‘L’ami de ton père était comme ton propre père,
L’amie de ta père était comme ta propre mère’ (GE : 380, traduction française
par G. Dumestre).
MýØgýÉ Ø
muØsoÉ Ø
b’ iá nÿÉgÿn doÉn Ø
dýÉ.
personne-art femme-art prg PR tromper jour-art un
‘Un jour vient où la femme trompe son mari’.
2.2.1.3. Dans les cas où l’adjonction de déterminants contredirait l’idée
exprimée par “mýØgýÉ Ø – iá” (relativité et manque du référence concrète), elle
n’est pas possible ; cf. les cas où l’ajout de déterminants exprimant des qualités
(c.-à-d. des caractéristiques permanentes des personnes) cause la substitution
de iá par à :
MýØgý juÉgu Ø bÿÉ deÉn Ø deØ woÉlo k’aØ laÉmýÝ Ø, oØ bÿÉ tiála k’aØ (*iá) jaØnfa.
‘Un homme méchant donne naissance à un enfant et l’élève, et ensuite celui-ci
le trahit’.
28
MýØgý haÉkili ™uÉman Ø koØlijiá Ø bÿÉÿ laÉjÿØrÿlen tÿÉ seÉ kaØ aØ (*iá) jÿØ. ‘Il
n’est pas possible que toute l’eau d’ablution manque l’homme intelligent’.
Aála bÿÉ fÿÉn Ø diá mýØgý tiáminandi Ø maØ, k’aØ mi°nÿÉ aØ (*iá) laÉ... ‘Dieu
donne quelque chose à l’homme assidu, et le reprend ensuite…’
Là où le déterminant (le plus souvent un participe) rend un état
temporaire, iá dans la deuxième partie de la phrase est en alternance plus ou
moins libre avec à :
MaØa
dÿÉsÿlen Ø
bÿÉ si°
kuÉngo Ø
kýÉný,
personne appauvri-art prg passer=nuit brousse-art dans
suÉruku Ø b’ iá/aØ sýØrýÉ yeÝn deØ k’ iá/aØ duÉn.
hyène-art prg PR trouver là mr inf PR manger
‘Le miséreux passe la nuit dans la brousse, l’hyène l’y trouve et le mange’.
MýØgý kýÉrýtýlen Ø bÿÉ fÿÉn Ø
dýØgý yýÉrý Ø
dýÉ
personne se=hâtant-art prg chose-art cacher endroit-art un
laÉ, fýÉ
iá/aØ bÿÉ ™iánÿ oØ
yýÉrý Ø
kýÉ.
PP jusqu’à PR prg oublier cette endroit-art PP
‘En hâte on cache quelque chose quelque part, et finalement oublie cet endroit’.
Finalement, la construction «mýØgýÉ Ø ... iá» se combine facilement avec les
déterminants qui rendent l’idée de l’indéfini ou de négation et partant ne
contredisent pas l’absence de référence concrète :
FuÉla-w tÿÉ
mi°siá feØereÉ mýØgýÉ Ø
siá
maÝ kaØ sýØrýÉ
Peul-pl prg-ng vache vendre personne-art aucun PP inf trouver
kaØ oÝ
mi°siá Ø
soØnyÿ iá boÉlo !
inf cette vache-art voler PR PP
‘Les Peuls ne vendent une vache à personne pour la lui voler ensuite !’
29
MaÝa Ø
dýÉ cÿØ
kaÉ ™i°
BwaÉri yeÉ, aØ
personne-art un apparence qu belle Bwakari PP il
daÉrajalen kaØ tÿØmÿ
iá
kaØn
charmant inf dépasser PR sur (BW : 270)
‘On peut trouver quelqu’un plus beau que Bwakari, mais Bwakari aura plus de
charme que lui’.
NaØfoÉlo Ø bÿÉ mýØgý
caÉman Ø
boÉlo, iá kaÉarilen tÿÉ.6
richesse-art est personne nombreuse-art à
PR généreux n’est
(GE : 144) ‘Bien des hommes sont riches qui ne sont pas généreux !’
(traduction française par G. Dumstre).
Nous avons trouvé un cas intéressant de co-référence de iá réfléchi avec
mýØgýÉ en combinaison avec le pronom relatif miánØ :
MýØgý
mián Ø kaÉ wuØluÉ Ø maÉ
saÝn Ø, dýÉgý Ø
personne qui-art pos chien-art acc-ng acheter marché-art
goÉya-ra
iá laÉ, oÝ tuØn bÿÉ kÿÉ
faØamaÉ Ø kaÉ
tourner=mal-acc PR à ça pss prg devenir roi-art pos
sýØgýma-daraka-naÉ Ø
yeÉ
matin-petit-déjeuner-sauce-art comme (GE : 266)
‘Celui qui n’avait pas vendu ses chiens, avait fait de mauvaises affairs, sa
viande devenait celle du petit déjeuner du roi’ (traduction française par
G. Dumestre).
Dans cette phrase iá est employé au lieu de oÝ habituel, et cependant oÝ
réapparaît dans la phrase suivante comme co-
6
Pour nos informateurs, cet énoncé n’est pas tout à fait correct : il faudrait
remplacer ou a) caÉman par dýÉ, ou b) iá par uÝ. Il semble que l’adjectif caÉman soit
incompatible avec l’absence de référence concrète de mýØgýÉ.
30
référent au mot wuØluÉ ‘chien’ et non pas à mýØgý mián Ø (sinon on devrait croire
que le souverain de Ségou mangeait pour le petit déjeuner non pas les chiens,
mais les vendeurs malchanceux, ce qui serait inadmissible même pour les
païens invétérés qu’étaient les Bambara de Ségou).
2.2.2. Comme cas limite de co-référence de iá réfléchi avec un sujet
indéfini on peut considérer la construction indépendante infinitive où iá peut
occuper la position d’un des actants ou entrer dans un GN qui occupe la
position d’actant. Dans un tel énoncé, le sujet est absent :
KaØ iá kýØrýÉ-w boØnyaÉ Ø, oØ yeÉ diáyagoya Ø yeÉ
inf PR aîné-pl respecter cela equ obligation-art comme
‘Il est obligatoire de respecter ses aînés’.
KaØ ÷uÉnu Ø jýØ
iá
kaÉ soÉ Ø
daÉ Ø
fÿÝ Ø, oØ maÉn
inf ruche-art mettre PR pos maison-art porte-art près cela qu-ng
™i°n
bon
‘Il est dangereux de mettre la ruche près de la porte de sa maison’.
2.2.3. Dans le cadre de la deuxième construction, iá réfléchi est toujours le
premier terme d’un GB associatif qui peut occuper la fonction d’OD ou d’OI.
Le co-référent de iá est le pronom bÿÉÿ ou un GN-sujet incorporant bÿÉÿ. BÿÉÿ
dans cette consruction a toujours une valeur distributive (« chacun, chaque »),
et l’autre composant du groupe associatif dont iá fait partie est toujours au
singulier :
DuØguÉ Ø jÿØleÉn Ø, bÿÉÿ y’ iá
kaÉ baÉara Ø
daÉmi°nÿ.
terre-art éclairci tous acc PR pos travail-art commencer
(NY14 : 8) ‘Quand il eut fait jour, chacun se mit à son tra-
31
vail’.
BÿÉÿ y’ iá kaÉ gaÝ Ø
taØ.
tous acc PR pos famille-art prendre (111 : 4)
‘Chacun créa sa famille’.
DeÉn-misÿn-w wuÉli-la Ø, bÿÉÿ yÿØlÿn-n’ iá kaÉ soÝ Ø
kaØn
enfant-petit-pl lever-acc tous monter-acc PR pos cheval-art sur
(NY6 : 14) ‘Les jeunes hommes se levèrent, chacun monta son cheval…’
Dans ce type de construction iá peut toujours être remplacé par à sans que
le sens change : ... bÿÉÿ y’aØ kaÉ baÉara Ø daÉmi°nÿ... ; ... bÿÉÿ y’aØ kaÉ gaÝ Ø taØ ; ...
bÿÉÿ yÿØlÿnn’aØ kaÉ soÝ Ø kaØn.
BÿÉÿ peut être sujet (ou faire partie d’un GN en fonction du sujet) d’un
verbe réfléchi ; dans ce cas l’aparition du iá est causée à la fois par deux raisons,
celles de l’indice d’un verbe réfléchi et celle de co-référence avec bÿÉÿ :
CÿÝ
saØbaÉ ni°n bÿÉÿ y’ iá
mi°n.
homme trois ce tous acc PR boire (NY14 :8)
‘Chacun de ces trois hommes se saoûla’.
AÀ ™iáninnen bÿÉ bÿÉÿ fÿØ bÿÉÿ k’ iá cÿÉsi°riá Ø, waÉlasa kaÉ
ça cherché être tous de tous inj PR s’efforcer pour=que inj
baÉlikukalan Ø
siánsi
koÉsÿbÿ aÉn Ø kaÉ jaØmanaÉ Ø kýÉný
alphabétisaton-art renforcer très
notre pos pays-art dans
(NY13 : 2) ‘Chacun est prié de faire tout son effort pour soutenir
l’alphabétisation pour les adultes dans notre pays’.
Dans les cas pareils la présence de bÿÉÿ bloque la possibilité de
substitution de iá par à.
32
2.2.4. iá (comme tous les PRi) apparaît régulièrement, dans les
constructions verbales et non-verbales, devant la particule yÿØrÿÉ. Cette particule
est souvent considérée dans les ouvrages mandinguisants comme le deuxième
pronom réfléchi. Mira Bergelson définit son sens prototypique de la façon
suivante :
« Le locuteur croit que la situation qu’il décrit doit paraître à l’auditeur
« étrange », inhabituelle en quelque rapport. En introduisant yÿrÿ, le locuteur
« insiste » sur son interprétation de la situation. Le caractère inhabituel de la
situation résulte du fait que l’auditeur s’attend à un développement différent …
ou du fait que le modèle « normal » de réalité des participants de la
communication ne coïncide pas avec celui proposé (normalement, l’action du
sujet est dirigée vers le monde extérieur et non pas vers soi-même, d’où
l’acception réfléchie de yÿrÿ) » [1988 : 98].
YÿØrÿÉ lui seul peut rendre la valeur « réfléchie », même si ce n’est que
dans les mots composés, p.ex. : yÿØrÿjiranciá ‘vaniteux’ (soi-exposer-suff.
d’agent ; celui qui s’expose abusivement) ; yÿØrÿfagasuÉ ‘suicidiaire’ (soi-tuercadavre), etc. Il est aussi évident que yÿØrÿÉ, étant en relation étroite avec la
notion de réfléchi, a toujours une signification supplémentaire de mise en rlief,
ce qui n’est pas caractéristique de PRi. Partant les sphères d’emploi de yÿØrÿÉ et
des PRi ne coïncident que partiellement (en ce qui concerne les CR verbales,
cf. le Chapitre 4).
2.2.4.1. Le groupe nominal « PRi + yÿØrÿÉ » le plus souvent tient la
position d’OD, ce qui permet aux verbes transitifs
33
(non-réfléchis, donc incapables de se conjuguer avec un PRi seul) d’exprimer
la valeur réfléchi :
BÿÉÿ b’ iá yÿØrÿÉ sÿØgÿÉn Ø, naØnÉkaØmaÉ Ø boØli tÿÉ !
tous prg PR même fatiguer destin-art fuite n’=est=pas
(BW : 125) ‘Chacun se fatigue, mais on ne peut pas tromper le destin !’
SuÉruku Ø y’ iá yÿØrÿÉ fi°li taÉsuma Ø kýÉný k’ aØ yÿÉrÿkÿ.
hyène-art acc PR même jeter feu-art dans inf le éparpiller
‘L’hyène se jeta elle-même dans le feu et l’éparpilla’.
(Cette dernière occurrence sera discutée plus en détail dans le chapitre
consacré aux verbes réfléchis.)
2.2.4.2. En combinaison avec yÿØrÿÉ, iá normalement peut être remplacé par
à:
BÿÉÿ b’aØ yÿØrÿÉ sÿØgÿÉn Ø... ‘Chacun se fatigue…’
SuÉruku Ø y’aØ yÿØrÿÉ fi°li taÉsuma Ø kýÉný... ‘L’hyène se jeta elle-même
dans le feu…’
Statistiquement, dans les cas où les deux pronoms sont admissibles, à
apparaît auprès yÿØrÿÉ plus souvent que iá.
Toutefois, cette substitution est impossible quand l’emploi de iá est
conditionné par les autres facteurs, tels que la présence d’un mýØgýÉ-antécédent
(cf. 2.2.1.) :
MýØgýÉ
kaØnaÉ baØn
iá
yÿØrÿ laÉ cÿØjuguyaÉ Ø koÉsýØn.
personne prh refuser PR même de laideur-art à=cause=de
(208 : 2) ‘On ne doit pas renoncer à soi-même à cause de son laideur’ (≠ MýØgýÉ
kaØnaÉ baÝn aØ yÿØrÿ laÉ... ‘On ne doit pas renoncer à lui-même…’).
MýØgýÉ
duØn tÿÉ
kiási
aØ yÿØrÿÉ ™i°nÿÉ Ø maÝ ,Ø
personne ctr prg-ng se=sauver il même oubli-art PP
34
f’
iá k’ iá yÿØrÿÉ taØngaÉ yÿØrÿ-tiá™ÿ-koÉ-w maØ.
il=faut PR inj PR même protéger soi-gâter-chose-pl contre (107 : 1)
‘On ne se sauve pas soi-même si on se néglige, – il faut se protéger soimême des choses qui vous font du mal’.7
2.2.4.3. Si le syntagme avec yÿØrÿÉ fait partie d’un autre GN, le iá réfléchi
n’est pas admissible ; c’est à qui intervient toujours :
AÀ y’aØ yÿØrÿ deÉn Ø weÉele. ‘Il appela son propre fils’.
2.2.4.4. YÿØrÿÉ, en fonction d’OI ou d’Obl, est normalement accompagné
de à et non pas de iá :
KýØlýn juØgu
jiári Ø
bÿÉ kaÉri
aØ yÿØrÿ kýÉný.
puits mauvais bois-art prg se=casser PR même dans
‘La cage d’un mauvais puits s’effondre à l’interieur du puits même’.
FÿÉn Ø oÉ Ø fÿÉn, n’ aØ bi°la-laÉ
aØ yÿØrÿÉ maØ, aØ bÿÉ
chose dst chose, si elle être=mis-acc PR même PP elle prg
bi°n.
tomber
‘N’importe quelle chose, abandonnée à elle-même, tombe’.
AÀ kÿÉra aØ yÿØrÿ yeÉ. ‘Il devint soi-même’.
Rares sont les cas où iá est admissibl (pour le moment, nous n’avons pu
établir la règle), à étant toujous préféré :
SÿØnÿkÿlaÉ Ø
seÉ-ra
kaØ koÉ
caÉman Ø
cultivateur-art pouvoir-acc inf affaire nombreuse-art
7
Cependant, notre informateur Ismaël Maïga considère la forme que nous avons
tiré de “Kibaru” comme incorrecte ; selon lui, à qui suit kiási doit être remlacé par iá ; il
assume aussi la possibilité de remplacement des deux iá dans la deuxième clause par à,
et dans ce cas à après kiási doit être gardé.
35
™ÿÉnabýÉ
resoudre
iá (= aØ) yÿØrÿ yeÉ
PR
même pour
‘Le cultivateur peut résoude beaucoup des problèmes pour lui-même’.
Bi°,
jaØmana mián Ø bÿÉ seÉ
iá (= aØ) yÿØrÿ kýÉrý...
aujourd’hui pays
qui-art prg pouvoir PR
même sous
‘Aujourd’hui un pays qui peut s’entretenir lui-même…’
2.2.4.5. Enfin, iá apparaît avec yÿØrÿÉ quand le co-référent est le même que
le pronom iá en fonction de réfléchi, mais dans ces cas, à peut remplacer iá dans
les deux positions ou en deuxième position devant yÿØrÿÉ :
AÀ taÉatý Ø, aØ y’ iá kaÉntoÉ iá
yÿØrÿÉ maØ : Aála y’ aØleÉ
il allant il acc PR dire
PR même à
Dieu acc le
kuØnnadiáya.
faire=chanceux (NY13 : 8)
‘Chemin faisant, il se dit à lui-même que Dieu lui avait donné de la chance’ (=
AÁ taÉatý Ø, aØ y’aØ kaÉntoÉ aØ yÿØrÿÉ maØ...).
AÀ kaÉ iá
haÉkili Ø toÉ
iá
yÿØrÿ laÉ.
il inj PR raison-art laisser PR même à
‘Qu’il se souvient de lui-même’ (= aØ kaÉ aØ haÉkili Ø toÉ aØ yÿØrÿ laÉ).
Un iá « de référence » peut être facilement remplacé par un à, même s’il se
rapporte à un iá réfléchi précédant :
Aà kaÉ iá haÉkili Ø toÉ aØ yÿØrÿ laÉ.
Or même, si la réflexivité est exprmée par à, iá est impossible en deuxième
position devant yÿØrÿÉ :
*Aà kaÉ aØ haÉkili Ø toÉ iá yÿØrÿ laÉ.
Dans ce type de constructons, il existe des cas où
36
seul le pronom à est admis dans les deux positions :
(...) kaØ seÉ
haÉkÿ Ø laÉ mián Ø b’ aØ toÉ
aØ bÿÉ baÝn
inj atteindre degré-art à qui prg le permettre il prg refuser
aØ yÿØrÿ laÉ, k’ aØ yÿØrÿÉ jaØte
kýÉfÿ-mýgý Ø
yeÉ
PR même de inf PR même compter arriéré-personne comme
(212 : 7) ‘… jusqu’au point de rénoncer à soi-même et de se considérer comme
une personne arriérée’.
2.2.4.6. iá peut précéder yÿØrÿÉ pour maintenir la référence avec un iá
réfléchi postposé :
MuØso kýÉrýbaÉ Ø maÉn kaÉn kaØ si°gi
deÉnmisÿn-w fÿÝ Ø,
femme agé-art qu-ng égale inf s’asseoir enfant-pl
avec
iái yÿØrÿÉ k’ iái boÉlo Ø laÉnkolon toÉ.
PR même inf PR main-art vide
laisser
‘La vieille femme ne doit pas rester avec les enfants sans que ses bras soient
occupés’.
Dans un énoncé de ce type nous pouvons remplacer les deux iá ou
seulement le premier par à, mais on ne peut pas utiliser à comme PR si le
pronom iá reste devant iá yÿØrÿ en fonction du sujet :
(...) aØ yÿØrÿÉ k’aØ boÉlo Ø laÉnkolon toÉ,
(...) aØ yÿØrÿÉ k’iá boÉlo Ø laÉnkolon toÉ,
mais non pas *... iá yÿØrÿÉ k’aØ boÉlo Ø laÉnkolon toÉ.8
2.2.5.1. Avec les noms des parties du corps en fonction
8
Une autre explication d’occurrence de iá auprès yÿØrÿÉ dans cet énoncé est
possible : il n’est pas exclu que le GN muØso kýØrýbaÉ, ayant le statut référentiel nonconcret, joue le même rôle que mýØgýÉ, cf. 2.2.1.
37
d’OD, c’est le pronom iá qui est généralement utilisé pour exprimer le
possesseur marquant ainsi l’appartenance de la partie du corps en question au
sujet de l’énoncé, si cet OD a le rôle sémantique de quasi-patient (« le sujet
accomplit un mouvement par cette partie du corps », cf. [Kibrik, 1979]) :
SoØlomaÉni y’ iá
kuÝn Ø suØuliá kaØ kaØsi.
Souleyman acc PR tête-art baisser inf pleurer
‘Souleyman baissa sa tête et pleura’.
BaÉnjuguba m’
aØ kaÉ kuÉma Ø
týÝ Ø
laÉ-seÉ
Bandiubouba acc-ng PR pos parole-art reste-art caus-arriver
yýÉrý sýØrýÉ Ø, KaÉmalendi°biá wuÉli-la
k’ iá boÉlonkýØnin
place trouver Kamalendibi se=lever-acc inf PR doigt
siánnaban Ø suÉ
aØ ™ÿÉ Ø
naÉ k’ iá
si°giá
benjamin-art enfoncer son oeil-art dans inf PR s’asseoir (211 : 4)
‘Bandiougouba n’eut pas le temps de terminer sa parole, Kamalendibi se
leva, enfonça son auriculaire dans son (de Bandiougouba) oeil et s’assit’.
Avec les noms de parties du crps, le iá réfléchi apparaît régulièrement dans
les contextes où ce GN a un rôle sémantique de Récepteur :
GaØribuÉ Ø y’iá tÿÉgÿ Ø faÉ waÉri Ø laÉ. ‘Le mendiant remplit sa main d’argent’.
2.2.5.2. Les GN de ce type peuvent parfois occuper la position d’OI ou
d’Obl avec les verbes réfléchis. Il s’agit de quelques locutions figés, où l’OI
marque les limites du sujet dans lequelles l’action se développe, ou qu’elle
dépasse :
Ciáden Ø
mi°nneÉn Ø, aØ y’ iá
kÿØrÿmuÉ k’ iá
býÉ
iá
messager-art soûl
il acc PR pavaner inf PR sortir PR
38
jaÝ Ø
kaØn.
ombre-art PP
‘Le messager enivré se mit à danser lentement en remuant les épaules et se
plongea dans la béatitude parfaite’.
KaØbiáni sýØgýmaÉ Ø, kýÉ™ýmuso Ø
dýÉgý-kÿ Ø
dès
matin-art jeune=mariée-art petit-frère-art
b’ iá
prg PR
paÉn
iá
jaÝ Ø
kuØnnaÉ.
sauter PR ombre-art par-dessus
‘Depuis le matin, le frère cadet de la jeune marée est très excité’.
2.2.5.3. Dans tous les exemples cités dans 2.2.5., iá réfléchi peut être
remplacé par un à anaphorique (SoØlomaÉni y’aØ kuÝn Ø suØli..., KýÉ™ýmuso Ø
dýÉgýkÿ Ø b’aØ paÉn aØ jaÝ Ø kuØnnaÉ, etc.) sans que le sens change. Cependant,
dans les constructions de ce type, iá ne présente pas de risque d’ambiguïté
référentielle, au contraire de à. Par ex., dans un certain contexte, la phrase
KaÉmalendi°biá wuÉlila k’aØ boÉlonkýØnin siánnaban Ø suÉ aØ ™ÿÉ Ø naÉ peut être
compise ainsi : ‘Kamalendibi se leva et infonça son (d’autre personne ou de
Bandiougouba) auriculaire dans son (de Bandiougouba) oeil’.
2.2.6. La situation est différente quand le GN en fonction d’OD est
constitué par iá + un nom d’objet. Dans ce cas, il y a ambiguïté et iá peut
correspondre soit au réfléchi soit au pronom personnel de 2 p. sg. :
KÿØlÿÉ
daÉmi°nÿ-naÉ
tuØma mián Ø,
MoÉdiboØ y’ iá kaÉ
guerre-art commencer-acc temps lequel-art Modibo acc PR pos
maØrifaÉ Ø taÝ
kaØ taÉa SeØgu.
fusil-art prendre inf aller Ségou
‘Quand la guerre eut commencé, Modibo prit son/ton (?) fusil et partit pour
Ségou’.
39
PoÉlosi-w naØleÉn Ø, juØlakÿÉ Ø
y’ iá kaÉ woØroÉ Ø bÿÉÿ
policier-pl venu marchand-art acc PR pos cola-art tout
feØereÉ kaØ baÉn.
vendre inf terminer
‘Quand les policiers vinrent, le marchand eut vendu toutes ses/tes (?) colas’.
Dans des cas pareils l’ambiguïté référentielle peut être résolue par le
sémantisme des référents potentiels (cf. : [Kibrik, 1988 : 7-8]) : l’identification
de iá comme un pronom réfléchi est plus probable
a) dans un contexte narratif, où le sujet de la narration ne concerne pas
l’auditeur directement ;
b) quand la nature même du sujet et de l’objet permet de supposer avec un
grand degré de probabilité une liaison possessive entre les actants, p.ex. « le
marchand – (ses) marchandises » dans la phrase suivante :
PoÉlosiw naØleÉn ,Ø juØlaÉ Ø yeÉ iá kaÉ woØroÉ Ø bÿÉÿ feØereÉ kaØ baÉn. ‘Quand les
policiers vinrent, le marchand avait vendu toute sa cola’.
L’ambiguïté référentielle du PR iá est envisageable aussi quand il apparaît
avec le nom d’une partie du corps dont le rôle sémantique n’est pas celle du
Quasi-Patient, mais du Patient (c’est-à-dire que la patie du corps subit l’action
exprimée par le verbe) :
FuØgariá Ø y’ iá kýÉ Ø
muØn niá býØgýÉ Ø yeÉ kaØ boØli.
vaurien-art acc PR dos-art enduire et boue-art avec inf courir
‘Le vaurien enduisit son/ton dos de boue et s’enfuit’.
La situation est aussi ambigüe si on remplace iá par à –
40
la traduction sera : ‘Le vaurien enduisit son (de lui-même) dos / le dos de
quelqu’un autre de boue…’. Si le contexte n’est pas suffisant pour éviter
l’ambigüité, on est obligé d’employer é ou iá précédé par un auxiliare sans
élision (fuØgariá Ø yeÉ iá/eÉ kýÉ Ø muØn...) s’il s’agit du dos de l’interlocuteur ; aØ
yÿØrÿÉ s’il s’agit de quelqu’un autre (fuØgariá Ø y’aØ yÿØrÿ kýÉ Ø muØn...), et le
pronom emphatique de 2ème pers. sg. àlé s’il s’agit de quelqu’un autre (fuØgariá Ø
yeÉ aØleÉ kýÉ Ø muØn...).
2.2.7. Si le GN (du type associatif) en position du complément d’objet
direct inclut un terme de parenté, iá ne peut pas exprimer la co-référence avec le
sujet ; cete fonction ne peut être remplie que par à :
MoÉdiboØ kuÉnunna k’aØ baÉ Ø weÉele. ‘Modibo se réveilla et appela sa
mère’ – MoÉdiboØ kuÉnunna k’iá baÉ Ø weÉele. ‘Modibo se réveilla et appela ta
mère’.
41
Chapitre 3
GROUPEMENTS SYNTACTICO-SÉMANTIQUES
DE VERBES NON-RÉFLÉCHIS BAMBARA
3.1. Avant de procéder à la classification des verbes réfléchis, considérons
brièvement les diathèses non-réfléchies du verbe bambara et les groupements
syntaxiques des verbes non-réfléchis bambara, leurs structures d’arguments et
les directions des dérivations syntaxiques.
Ces problèmes ont déjà fait l’objet d’analyse dans les travaux d’Etienne
Balenghien [1984], Mira Bergelson [1985, 1986], Dramane Koné [1984], Irina
Togoyeva [1983], etc. ; le matériel des autres langues manding a été considéré
de ce point de vue par Boniface Keïta [1985], Claire Grégire [1985], Svetlana
Tomčina [1978], etc. Sans vouloir se livrer à une comparaison des vues de nos
prédécesseurs, indiquons que notre approche est plutôt celui exposé dans les
travaux de Mira Bergelson (malheureusement, les fautes d’interprétation du
matériel concret y sont nombreuses). Intéressante aussi est la conception
présentée dans les publications de l’école de Grenoble, dont le mérite est une
analyse approfondie du matériel.
42
Dans notre analyse nous allons suivre la théorie sur la diathèse verbale
élaborée surtout par l’école linguistique de Leningrad-St. Petersbourg, illustrée
surtout dans les travaux de Vladimir Nedjalkov, Victor Khrakovsky et alia, et,
plus spécialement de Geniušine [1983, 1987]. Enumérons les points cardinaux
de cette approche.
3.1.1. Il faut préciser à l’avance qu’en considérant les processus
dérivationnels, il est indispensable d’exclure la polysémie. La raison en est que
selon son sens, le verbe peut avoir des diathèses différentes, et que la dérivation
syntaxique peut être spécifique à chaque signification (cf. [Katsnelson, 1987]).
Donc pour nous, l’unité d’analyse est le lexème, ou le sémantème, c’est-à-dire
le verbe dans une acception maintenue dans toutes ses formes grammaticales et
dans les dérivés réguliers (intransitive, transitive, réfléchie) ne touchant pas à
sa structure morphologique. (Pour les raisons de commodité, notre définition
du lexème/sémantisme diffère de celle-ci de Geniušiene [1987 : 26], pour qui
les formes dérivées font toujours partie de lexèmes/sémantèmes dfférents ; il
faut avouer cependant que sa définition est théoriquement plus cohérente).
Nous considérons comme polysémique le verbe qui comporte plus d’un
lexème dans le sens susmentionné. Ainsi, monosémique est le verbe maØntýÉ vi
‘se taire, se calmer’, vt ‘calmer’, vi2 ‘être calme’, vr ‘se taire’, et polysémique
le verbe loØgobaÉ 1) vt ‘mal préparer (de la nourriture)’, vi2 ‘être mal préparé’
(de la nourriture) ; 2) vt ‘mélanger’, vi2
43
‘être mélangé (par qqn)’ ; 3) vt ‘grapiller qch, pignocher qch’, vi2 ‘être
pignoché’ (de la nourriture). Les lexèmes / sémantèmes différents d’un même
radical verbal seront distingués par les chiffres arabes : suØliá-1, suØliá-2, etc.
3.1.2. La dérivation verbale est examinée à trois niveaux : formel
(morphologique), sémantique et syntaxique.
3.1.2.1.Le niveau formel : en Bambara il s’agit ici surtout du causatif en
laÉ- (cf. 3.3.).
3.1.2.2. Le niveau sémantique : le verbe dérivé peut ajouter à son sens une
composante sémantique (p.ex., saÝ vi s’éteindre → vt éteindre ; vt = vi +
composante sémantique « causation »), ou l’enlever (p.ex., cýØrýntýÉ vt serrer
fortement → vr se serrer en noeud ; vr = vt + composante sémantique
« causation »), ou ajouter une composante sémantique en enlevant une autre
(p.ex., kýØrýÉ adjectif prédicatif* être vieux → vi devenir vieux : + sens
inchoatif, – sens statif), ou bien laisser le sens inchangé (kuÉsuba vi = vr ficher
le camp). Le sens du verbe est composé de deux niveaux : structure des
composantes sémantiques et structure des rôles sémantiques (ou : structure des
cas profonds).
3.1.2.2.1. On parle de quatre composantes sémantiques cardinales
verbales : le sens statif (« être »), le sens actionnel (« agir »), le sens inchoatif
(« devenir »), et le sens
___________________________________________________________
*Maintenant, je prefère d’utiliser le terme de « verbes qualitatifs » plutôt
qu’« adjectifs prédicatifs », cf. mon article Les parties du discours en bambara : un
essai de bilan dans le Mandenkan No. 35. – Commentaire de 2002.
44
causatif (« causer »). Les sens statif et actionnel sont les plus élémentaires,
tandis que les sens inchoatif et causatif sont plus complexes. Il y a donc, selon
la structure de composantes sémantiques, cinq types de verbes : les verbes
statifs, les verbes actionnels, les verbes inchoatifs, les verbes causatifs
exprimant la cause d’un état, et les verbes causatifs exprimant la cause d’une
action. Chaque type se subdivise en sous-groupes lexico-sémantiques, dont
chacun a en commun, outre la structure de ses composantes sémantiques, la
structure des rôles sémantiques et les catégories sémantiques des référents.
3.1.2.2.2. La structure des rôles sémantiques (des cas profonds) fait partie
intégrante du sens du verbe. Ces rôles sont regroupés en trois hyper-rôles, qui
se réfèrent en fait à un niveau intermédiaire entre les rôles syntaxiques et les
rôles sémantiques. Les hyper-rôles s’organisent en une hiérarchie, et cette
hiérarchie est valable pour la sélection de la position syntaxique de surface.
Enumérons les hyper-rôles et les rôles pertinents pour la description du système
verbal bambara.
3.1.2.2.2.1. L’hyper-rôle du Sujet Sémantique (Sb) englobe les rôles
– d’Agent (Ag) : celui qui cause volontairement un état ou un processus
dans une situation impliquant le Patient ;
– d’Acteur (Act) : le seul participant de situations exprimées par des
verbes d’action ou des verbes de mouvement
45
des parties du corps;
– de Causateur (Caus) : le participant principal de la situation causative,
autre que l’Agent ; une force naturelle, un participant involontaire… ;
– d’Initiateur (Init) : le participant qui incite, par un ordre, une demande,
etc., une action exécutée par autrui dans une situatin causative ;
– d’Experimenteur (Ex), ou Percepteur : celui qui éprouve un état ou un
processus mental ou psychologique ; ce rôle peut faire partie aussi de l’hyperrôle d’Objet Sémantique.
3.1.2.2.2.2. L’hyper-rôle de l’Objet Sémantique (Ob) englobe les rôles :
– de Patient (Pt) : celui qui subit la situation causative ; l’objet d’une
action ; le seul participant de la situation, du processus ou de l’état ;
– de Quasi-Patient (QPt) : rôle de la partie du corps dont l’Acteur est le
possesseur et par laquelle il effectue un mouvement ;
du Contenu (Cont) : deuxième rôle de verbes de perception et d’activité
mentale.
3.1.2.2.2.3. L’hyper-rôle du Datif Sémantique (Dat) englobe les rôles :
– d’Adressé (Adr) : avec un verbe trivalent, le rôle du participant qui
reçoit l’informaton ou l’objet ;
– de Récepteur : le rôle du deuxième participant humain (en Bambara –
exprimé prototypiquement par un compléement d’objet indi-
46
rect)
dans
des
situations
décrites
par
un
« verbe
d’habillement »,
« déshabillement », etc. ;
– de Bénéficiaire (Ben), un rôle optionnel du participant pour lequel
l’action est poduit. D’habitude ce rôle ne fait pas partie de la structure de
valences du verbe.
3.1.2.2.2.4. En dehors des hyper-rôles, il y a aussi les rôles d’Instrument
(Ins), Moyen (Med), et Locatif (Loc) ne faisant pas partie du structure des
valences du verbe.*
3.1.2.2.3. Tout verbe a des restrictions en ce qui concerne les
caractéristiques sémantiques des sous-catégories des noms occupant les
dfférentes valences ; autrement dit, chaque verbe a sa structure référentielle
propre. Les types principaux des référents sont :
– Potents (Pot), doués d’une « force interne » leur permenttant d’effectuer
une action ou de générer une situation ; ils peuvent être : Animés (Anim), y
compris Humains (Pers) et Non-Humains (Anim) ; Inanimés : les forces
naturelles, les machines, etc. ;
– Non-Potents (NonP), les objets n’ayant pas de « force interne » pour
accomplir des actions ;
– Partitifs (Part) : paties du corps, caractéristiques en manifestations des
Potents, et aussi objets quasi-inaliénables (éléments du vêtement, etc.).
Il y a une ceraine corrélation entre la structure des référents et la structure
des rôles sémantiques, mais cette corrélation est plutôt statistique et en aucun
cas absolue.
*Cette dernière affirmation s’avère inexacte : en fait, ces rôles peuvent faire
partie de la structure des valences du verbe, ce qui est en fonction de son sémantisme
particulier. Seulement, il sont intégrés dans la structure sémantique du verbe moins
souvent que les autres. – Commentaire de 2002.
47
3.1.2.3. Le niveau syntaxique : changement de structure des valences
syntaxiques de la forme dérivée par rapport au verbe de base. En Bambara, le
verbe peut comporter jusqu’à trois valences obligatoires : celles du Sujet (S),
du Complément d’Objet Direct (OD), et du Comlément d’Objet Indirect (OI).
Le Complément d’Objet Oblique (Obl) n’a qu’une valence optionnelle, et il
peut être marqué par les mêmes postpositions que l’OI. C’est le sémantisme du
verbe qui détermine les deux emplois du GN (pour les procédures permettant
de tracer la limite entre OI et Obl, cf. : [Masiuk, 1985]).
Les rôles syntaxiques obéissent à la hiérarchie suivante :
S > OD > OI > Obl,
et les changements dans la structure syntaxique causée par la dérivation se
manifestent en promotion (mouvement vers la hauteur de la hiérarchie) ou
« démotion » (mouvement dans la direction inverse) de la phrase nominale,
ainsi que par l’insertion ou l’élimination d’une phrase nominale.
3.1.3. Nous adaptons, dans notre travail, la définition de la diathèse
proposée par Emma Geniušiene [1987 : 53] à savoir un modèle de
correspondances entre les constituants des structures référentielles, des rôles, et
des valeurs syntaxiques, modèle qui manifeste l’interaction de ces trois
niveaux. Dans une diathèse simple (de base), les hiérarchies des trois niveaux
sont en accord (Sujet = Sujet Sémantique =
48
Anim., Pot. ; Complément d’Objet Directe = Objet Sémantique = NonP., Part.,
etc.), et la dérivation amène une perturbation dans cet accord.
3.2. La dérivation verbale en bambara dans la plupart des cas n’est
marquée par aucun procédé morphologique,9 la seule exception étant le suffixe
laÉ-, qui sera analysé dans la division 3.3. D’après leur aptitude à la dérivation
(non-morphologique), les verbes peuvent être divisés en plusieurs classes. Les
deux classes principales sont celle des « verbes intransitifs de base » et celle
des « verbes transitifs de base », la classe des « verbes diffus » constituant une
classe périphérique.10
La classification des verbes bambara d’après leur dérivation nonmorphologique non-réfléchie est représentée dans le Schéma 1.
3.2.1. Nous entendons par verbe intransitif de base
9
Nous ne parlons pas ici de quelques suffixes fossilisés, tels que -ma, ni de
préfixes comme maÝ- dont le sémantisme dans le bambara contemporain n’est plus
transparent.
10
Mira Bergelson, sans tenir compte des verbes diffus, parle en revanche d’un
groupement de plus, celui des “verbes statifs” étant en liaison dérivationnelle avec les
autres classes verbales. Nous considérons cette classe de mots comme les adjectifs
prédicatifs et les laissons hors du cadre de notre étude. Cf. [Ceissels, 1985 ; Vydrine,
1990]. – Commentaire de V.V. de 2002 : Actuellement, je les considère comme des
« verbes qualitatifs ».
49
Schéma 1
VI de base
VI tantum
à dérivation
limitative
VT de base
VI producteurs
verbes diffus
VT nondérivables
VT conversifs
objectivs
(OD ↔ OI)
à dérivation
causative
à dérivation
limitative
OD-Pat ↔ OD-Loc
à dérivation
causative
S → OI
S → OD
OD → OI
S ↔ OD
(réciproques)
OD ↔ OI
OD ↔ Ø
Remarque : Les liaisons dérivationnelles entre les sous-groupes
représentées par des verbes isolés sont indiquées en pointillé.
(vi) un verbe qui n’est pas dérivé d’un transitif de base (vt) par une
transformation passive. Donc pour nous, seuls les verbes n’ayant pas
d’acception intranstive de base11
11
Et n’étant pas des verbes du groupe des Reflexiva tantum.
50
sont des verbes transitifs de base (cf. 3.2.2.).
3.2.1.1. A leur tour, les verbes intransitifs de base se subdivient en deux
groupes selon leur capacité de dérivation syntaxique : les intransitifs « purs »
(Intransitiva tantum) à partir desquels il n’y a pas de dérivation possible, et les
intransitifs producteurs (« les verbes mxtes » de Denis Creissels – Boniface
Keïta) qui peuvent donner des formes transitives par des dérivations de types
diverses.
Contrairement à ce qu’on peut lire dans la plupart des travaux sur les
langues manding (cf. p. ex. [Bergelson, 1986 : 31]), les verbes Intransitiva
tantum en bambara, même s’ils ne sont pas aussi nombreux que les verbes des
autres sous-groups, ne représentent pas des cas exceptionnels. Ce sont, le plus
souvent, des verbes de mouvement, de parole ou d’autres façon de production
de son :
buÉlayibulayi ‘flotter à gré du vent’, jaØmaÉn ‘s’éloigner’, keØtekeÉte-1
‘frétiller, palpiter’, koÉoro ‘beugler, mugir’, gi°rindiá ‘éructer, roter’, saÉni
‘décrocher (de mâchoire), sauter brusquement (de piège, de branche)’, etc.
Nombreux sont aussi des verbes à valeur stative ou inchoative : boÉboya
‘devenir muet’, daÉha ‘se délecter, se réposer’, duÝ-1 ‘coaguler (de lait), devenir
fort (de thé, de café), s’épaissir’, naØtoÉ ‘coaguler, cailler’, mÿÉgÿru ‘briller
(d’éclair); devenir sombre, avec des fulgurations (de ciel)’, saÉfo, saÉgon
‘s’affadir, s’éventer, perdre son parfum’, ti°miáti°miá ‘brûler de passion, être
impatient’, buÝ ‘battre son
51
plein (de travail)’, etc.
3.2.1.2. Il y a deux voies possibles pour dériver la forme transitive à partir
des VI producteurs. Conséquemment, on distinguera deux sous-groupes de
verbes, qui se recoupent partiellement.
3.2.1.2.1. Pour la grande majorité des intransitifs producteurs, la forme
itransitive s’obtient par une dérivation causative en introduisant un terme en
fonction de causateur dans la construction :
saØbatiá vi être stable → vt stabiliser, sÿØgÿÉn vi se fatiguer → vt fatiguer
qqn, sÿÉmÿntiya vi se consolider, se rallier → vt consolider, etc.
En principe, la primauté de l’une de deux formes (intransitive ou
transitive) peut être interprétée autrement. On pourrait considérer les transitifs
comme les formes primaires, les intransitifs s’obtenant par une dérivation
décausative. Cependant, le caractère primaire de la forme intransitive en
bambara est corroboré par le fait que la seule dérivation verbale morphologique
régulière (marquée par le préfixe laÉ-) est causative et non pas décausative. En
outre, selon Emma Geniušiene [1990], dans la grande majorité des langues du
monde, c’est le causatif qui est marqué et donc secondaire dans le couple
« causatif – décausatif » (comme c’est le cas ici).
Le causateur en bambara peut être animé ou inanimé ;
52
naturellement, dans le deuxième cas, il n’aura pas valeur d’intentionnel :
vi Iá kaÉ buÉuru Ø fuÉnna ! ‘Ton pain est moisi !’ → vt Jiá Ø yeÉ iá kaÉ buÉru Ø
fuÉn ‘L’eau a moisi ton pain’.
Une variante de la dérivation causative est le cas de promotion du
complément d’objet indirect (assumant le rôle d’une « cause ») au statut du
sujet (le causateur inanimé), tandis que l’ancien sujet s’abaisse au statut du
complément d’objet direct :
˜i°naÉn
mýØgýÉ-w
bÿÉ jýØrý
baÉlo-ko Ø
cette=année personne-pl prg s’inquiéter nourriture-chose-art
laÉ
de
‘Cette année les gens s’inquiètent à cause du problème d’alimentation’. →
˜i°naÉn baÉloko Ø bÿÉ mýØgýÉw jýØrý. (DR : 137) ‘Cette année le problème
d’alimentation inquiète les gens’.
La dérivation causative de ce type est caractéristique de quelques verbes
d’expérince (kýÉnýnaÉfi°liá vi se déconcerter → vt embarrasser, déconcerter) ou
de jonction ou disjonction matérielle (faÉ vi se remplir ; s’imprégner → vt
remplir ; imprégner, ™iágin vi s’imbiber → vt tremper, jaÝ vi sécher → vt
sécher).
Si l’un considère la dérivation comme exprimant une direction contraire
(vt → vi), ces verbes devraient être classés parmi les conversifs (cf.
[Geniušiene, 1987 : 272-273]).
Le verbe kuÉn représente un cas particulier : la dérivation causative
entraîne la promotion d’un expérimenteur (et non pas la cause) de la position
du complément d’objet
53
indirect à la position du sujet :
vi Diámi-ba Ø
bÿÉ
kuÉn SeÉkuØ laÉ.
souffrance-grande-art prg s’adapter Sékou à
‘Les dures épreuves n’ont pas de prise sur Sékou’ →
vt SeÉkuØ bÿÉ diámi-ba Ø
kuÉn.
Sékou prg souffrance-grande-art supporter
‘Sékou supporte les dures épreuves’ (DR : 134).
3.2.1.1.2. Il y a en bambara un groupe peu nombreux de verbes exprimant
le mouvement ou l’acton non-momentanée qui admettent l’introduction en
position de complément d’objet direct d’un substantif à valeur locative
temporelle (pour certains verbes) ou spatiale (pour les autres verbes ; cf. [Koné,
1984 : 108-110 ; Keïta, 1985 : 76-77]. Nous qualifions ce type de dérivation de
« transitivisation limitative » (vtl – « une action durative est restreinte par une
limite extérieure »). A la différence de la dérivation causative, ici le Sujet
conserve son statut, et c’est l’Obl (Circonstant), tout en gardant son rôle
sémantique du Locatif (Loc), est promu au statut du Complément d’Objet
Direct :
ShÿÝ Ø
koÉri-la faÉn-w kaØn kaÉlo duÉuru, uØ maÉ
týÉrý.
poule-art couver-acc oeuf-pl sur mois cinq
ils acc-ng éclore
‘La poule a couvé pendant cinq mois, les oeufs n’ont pas éclos’. → ShÿÝ Ø
yeÉ kaÉlo duÉuru koÉri faÉnw kaØn, uØ maÉ týÉrý. (même sens).
Iá maÉ
fi°liyaÉ
kaØ ti°leÉ muØgan kÿÉ
fýÉlý,
tu acc-ng porter=deuil inf jour vingt
faire encore
54
mýØgýÉ-w
yeÉ iá niá fuØgarikÿÉ i°n yeÉ fuÉratu Ø
siára Ø
kaØn !
personne-pl acc toi et vaurien
ce voir bosquet-art chemin-art sur
‘Tu n’as pas encore porté le deuil (de ton mari) une vingtaine de jours, et on t’a
vu avec ce vaurien sur la route du bosquet !’ → Iá maÉ ti°leÉ muØgaÉn fi°liya fýÉlý,
mýØgýÉw... (le même sens).
UÀ tÿÉ
coØoloÉ
kaØlaÉn-tuØmaÉ Ø laÉ bi°len.
ils prg=ng se=balader leçon-temps-art à plus
‘Ils ne se baladent plus pendant les cours’. → UÀ tÿÉ kaØlaÉn coØoloÉ bi°len. ‘Ils ne
manquent plus la classe’.
Il est remarquable que la promotion même du participant de la situation
assumant le rôle sémantique du Locatif dans la position d’OD rend nécessaire
la spécification (quantification) du laps du temps ou l’espace (la distance) en
question.
Certains verbes de mouvement (taÉama ‘marcher’, yaÉala ‘se promener’,
boØliá ‘courir’, fiárifiri ‘voltiger’) acceptent le complément d’objet direct à sens
locatif (spatial et temporel) :
vi JýØn-muÉso Ø
yaÉala-la
suÉgu Ø
laÉ.
esclave-femme-art se=promener-acc marché-art à
‘La femme esclave s’est promenée au marché’. → vtl JýØnmuÉso ØyeÉ suÉgu Ø
yaÉala, aØ maÉ nýÉný yeÉ. ‘En se promenant, la femme esclave a parcouru tout le
marché, mais elle n’a pas trouvé de lait’, ou encore JýØnmuÉso Ø yeÉ ti°leÉ‘ bÿÉÿ
yaÉala. ‘La femme esclave s’est promenée pendant toute (bÿÉÿ) la journée
(ti°leÉ)’.
55
Les autres verbes de ce type sont : fi°ngifaÉnga, fi°nifaÉna ‘marcher, voler
en titubant’, fi°riá, fi°iriá ‘mijoter (de riz, de fonio)’ (vtl élevé ‘mijoter pendant un
temps limité’), fiárifiri ‘voltiger’, fiásafisa, fuÉnfun ‘tomber en gouttelettes,
bruiner’, fuØnteÉni ‘se fâcher’, kaØalakaÉala ‘se promener en flanant’, koØmoÉ
‘mugir’, kýÉnýnaÉmiáiri ‘réfléchir’, kuÉlo ‘crier, hurler’ (vtl rare), maÉsala
‘causer, bavarder’, neÉwun, nýÉn ‘nager’, teÉnkuntenkun ‘avancer à pas de
loup’ (vtl avec une modification sémantique : ‘fouiller, fureter’).
La dérivaton limitative est possible aussi pour le verbe kÿÉ ‘faire ; être ;
devenir’ ; dans ce cas, il acquiert le sens ‘passer (le temps)’12 :
vi ˜iánÿ Ø
maÉ
kÿÉ ji°gi™ÿÉ Ø kýÉný.
souris-art acc=ng être grenier-art dans
‘La souris n’était pas dans le grenier’. → vtl ˜iánÿ Ø maÉ ti°leÉ saØba kÿÉ ji°gi™ÿÉ Ø
kýÉný. ‘La souris ne passa pas dans le grenier trois (saØbaÉ) jours (ti°leÉ)’ (dans la
construction intransitive au présent, kÿÉ est remplacé par bÿÉ/tÿÉ : ˜iánÿ Ø bÿÉ
ji°gi™ÿÉ Ø kýÉný. ‘La souris est dans le grenier’).
12
Quand Cassian Braconnier [1991 : 75] parle des « verbes-R » (c’est-à-dire de
verbes qui peuvent avoir une valence à l’actant postpositionnel exprimé par le verbe à
suffixe -ra avec ses compléments d’objets) en dioula d’Odienné avec leur propre
complément d’objet direct, il s’agit exactement de transitifs limitatifs.
56
3.2.1.2.3. Certains verbes admettent même les deux dérivations transitives
(causative et limitative). Dans le premie cas (vt), c’est le rôle du Patient (ou du
Causé) qui corespond à l’OD, et dans le deuxième (vtl) c’est celui du Locatif :
vi AÀ paÉn-na kaØ biµn
kaØ aØ kuØnkoÉlo Ø ci°.
il sauter-acc inf tomber inf son tête
casser
‘Il sauta, tomba et se cassa la tête’.
→ vt Siáran Ø y’ aØ paÉn
fýÉ
aØ bi°n-naÉ
kaØ...
peur-art acc le faire=sauter jusqu’à il tomber-acc…
‘La peur le fit sursauter tellement qu’il tomba et cassa sa tête’.
→ vtl Aà yeÉ duÉkÿnÿ Ø paÉn
kaØ...
il acc cour-art passer=en=volant inf
‘Il passa la cour en volant, tomba et cassa sa tête’.
vi FaØliá Ø boØli-laÉ, aØ seÝn Ø
cuÉn-na
ntoØriá Ø
kaØn.
âne-art courir-acc son pied-art tomber-acc crapaud-art sur
‘L’âne courut et son pied tomba sur le crapaud’.
→ vt MoÉrikÿ Ø
yeÉ faØliá Ø boØliá ,Ø
aØ seÝn Ø cuÉnna ntoØriá Ø kaØn
marabout-art acc âne-art fait=courir…
‘Le marabout fit courir l’âne, et le pied de l’animal tomba sur le crapaud’.
→ vtl FaØliá Ø yeÉ mÿÉtÿrÿ duÉuru boØliá Ø, aØ seÝn Ø cuÉnna ntoØriá Ø kaØn.
âne-art acc mètre
cinq
parcourir…
‘L’âne parcourut cinq mètres, et son pied tomba sur le crapaud’.
3.2.2. Tout verbe qui n’est pas intransitif de base,
57
diffus (cf. 3.2.3.) ou Reflexiva tantum (cf. 4.2.), est un verbe transitif de base.
3.2.2.1. Pour la grande majorité des VT de base, aucune dérivation
sémantique n’est possible (sauf, pour certaine, la dérivation réfléchie, cf. le
chapitre 4 ; nous ne parlons pas ici de la formation des verbes intransitifs
secondaires, cf. 3.2.4., qui sont produits par transfomation et non pas par
dérivation). On peut citer comme exemples saØnankoÉ ‘rincer’, ™aØngiá ‘punir,
amender’, meÉseku ‘découper en petits morceaux’, etc.
3.2.2.2. Comme dans de nombreuses langues, en Bambara les
compléments d’objets de certains verbes sémantiquement trivalents (dont
l’action suppose la participation de trois participants) peuvent avoir un statut
variable. Un cas typique est celui des verbes exprimant le déplacement d’un
objet ou d’une substance, le résultat de ce déplacement étant le contact avec un
autre objet :
UÀ b’ iá buÉmu
niá fi°ni
koÉlon Ø yeÉ, k’ iá laÉ-mi°n
ils prg te emmitouffler et vêtement usé-art PP inf te caus-boire
jiá saÉlasala Ø laÉ
eux claire-art PP
‘Ils vont t’emmitouffler de haillons et te servir du brouet clair’ ↔ UÀ bÿÉ fi°ni
koÉlon Ø buÉmu iá laÉ k’iá laÉmi°n jiá saÉlasala Ø laÉ. ‘De haillons ils vont
t’emmitouffler et ils vont te servir du brouet claire’.
GaØribuÉ-w yeÉ aØ kaÉ soÉ Ø
fi°lantÿÉrÿ Ø baØriá
mendiant-pl acc son pos maison-art fenêtre-art éclabousser
58
býØgýÉ Ø laÉ.
boue-art PP
‘Les mendiants éclaboussèrent de boue la fenêtre de sa maison’. ↔ GaØribuÉw
yeÉ býØgýÉ Ø baØriá aØ kaÉ soÉ Ø fi°lantÿÉrÿ Ø laÉ. ‘Les mendiants éclaboussèrent de la
boue sur la fenêtre de sa maison’.
DoÉn oÉ Ø doÉn, aØ b’ aØ seØntoÉntoØliá Ø muÝn ti°ga-tuÉlu Ø
jour dst jour il prg son talon-art
endire arachide-huile-art
laÉ.
avec
‘Tous les jours il badigeonne son talon d’huile d’arachide’. ↔ DoÉn oÉ Ø doÉn aØ
bÿÉ ti°gatuÉlu Ø muÝn aØ seØntoÉntoØliá Ø laÉ. ‘Tous les jours il met de l’huile
d’arachide sur son talon’.
Il faut reconnaître que l’identité des verbes dans chaque paire d’exemples
cités n’est pas rigoureuse ; en fait, il s’agit ici de « verbes à la perspective
déplacée » : UÀ b’iá buÉmu, uØ yeÉ soÉ Ø fi°lantÿÉrÿ Ø baØri, aØ b’aØ seØntoÉntoØliá Ø
muØn expriment l’idée de la plénitude d’englobement du complément d’objet
par l’action, ce qui n’est pas le cas quand la position de l’OD est occupée par
respectivement fi°ni koÉlon, býØgýÉ et ti°gatuÉlu (cf. [Apres’an, 1974 : 279 ;
Koustova, Padoutcheva, 1994 : 100-101]).
Dramane Koné (p. 112) classe doØniá parmi les verbes à statut d’objet
variable :
UÀ yeÉ dýÉgý Ø doØni AáwaØ kuØn = UÀ yeÉ AáwaØ doØni dýÉgý Ø laÉ. ‘Ils mirent un
fagot de bois sur la tête d’Awa’. Cependant, nous somme de l’avis que
l’énoncé uØ yeÉ dýÉgý Ø doØni AáwaØ kuØn n’est pas correcte (uØ yeÉ dýÉgý doØni, sans
OI, signifierait plutôt ‘ils mirent le bois sur leurs têtes’, ‘ils se chagèrent du
59
bois’).
Le verbe ™i°ninkaÉ est aussi du même type syntaxique :
UÀ bÿÉ neÉ ™i°ninka liáwuru Ø laÉ. ‘Ils me demandent un livre’ ↔ UÀ bÿÉ
liáwuru ™i°ninka neÉ naÉ. ‘Ils me demandent le livre’ (cf. [Anschütz, 1989 :
93]).
Nous nommerons ces verbes ‘conversifs objctifs’.
En fait, on peut considérer chaque verbe conversif objectif comme une
paire des lexèmes autonomes (cf. [Geniušiene, 1987 : 118-123]) qui se
distinguent par leur diathèse, en particulier en ce qui concerne les rôles
sémantiques attribués au participants des situatons.
Certains verbes exprimant un changement (réel ou potentiel) de
possesseur peuvent aussi être classés dans ce type syntaxique, bien que leur
structure des rôles sémantiques soit différente de celle des verbes de
déplacement de substance ou du verbe ™i°ninkaÉ :
JuØlaÉ-w
yeÉ jaØtiági Ø saØmaÉ
býØgýlantuÉruti Ø laÉ
marchand-pl acc hôte-art donner=en=cadeau chemise-art
PP
‘Les marchands donnèrent à l’hôte une chemise courte teinte en ocre’ ↔
JuØlaÉw yeÉ býØgýlantuÉruti Ø saØmaÉ jaØtiági Ø maØ. (même sens).
KaÉnaØ waÉri deÉli
nÉ fÿØ, iá tÿÉ
foÉyi sýØrýÉ
prh
argent quémander moi PP tu prg=ng rien recevoir
bi° !
aujourd’hui
‘Ne me quémande pas d’argent, tu n’auras rien aujourd’hui !’
↔ KaÉnaØ nÉ deÉli waÉri laÉ, iá tÿÉ foÉyi sýØrýÉ bi° ! (même sens).
60
Le verbe saØraÉ est un « triple » conversif d’objet : la position du
complément d’objet direct peut être occupée par l’adressé, par le paiement (la
somme payée) et par l’objet (l’action, etc.) pour lequel on paye :
Aán Ø tÿÉ
waÉri saØra iá yeÉ iá kaÉ baØtutamoriyaÉ Ø laÉ.
nous prg-ng argent payer toi pour ta pos charlatanerie-art PP
‘Nous ne te payerons pas d’argent pour ta charlatanerie’. ↔ Aán Ø tÿÉ iá saØra niá
waÉri yeÉ (= waÉri laÉ) iá kaÉ baØtutamoriyaÉ Ø laÉ. (même sens) ↔ Aán Ø tÿÉ iá kaÉ
baØtutamoriyaÉ Ø saØra niá waÉri yeÉ (= waÉri laÉ). ‘Nous ne payerons pas ta
charlatanerie (en argent)’.
3.2.2.3. Quoique rares, il existe en bambara des verbes transitifs de base à
partir desquels une dérivation qu’on peut traiter comme causative est possible
(ces dérivés seront désignés par une abréviation VTC). On distinguera ici deux
cas différents.
3.2.2.3.1. Le premier type de dérivation causative à partir de VT est
représenté par les verbes exprimant l’idée de changement de possesseur et
décrivant la situation des points de vues différentes, l’un ou l’autre participant
étant principal, ce qui permet le changement de position du sujet et du
complément d’objet indirect :
vt Aàliá yeÉ JÿØnÿbaÉ fuÉru aØ biánaakÿ Ø fÿØ. ‘Ali maria Djeneba avec
l’assistance de son oncle paternel cadet’. → vtc Biánaakÿ Ø yeÉ JÿØnÿbaÉ fuÉru
Aàliá maØ. ‘L’oncle paternel cadet maria
61
Djeneba avec Ali’.
vt MýØgýÉ Ø
tÿÉ
haÉli muØru siánga
TaØraØweÉleÉ-w fÿØ.
personne-art prg-ng même couteau emprunter Traoré-pl
à
‘Personne n’emprunte même un couteau aux Traorés’. → vtc TaØraØweÉleÉw tÿÉ
haÉli muØru siánga mýØgýÉ Ø maØ. ‘Les Traorés ne prêteront pas même un couteau
aux gens’.*
vt ZaØn yeÉ dýÉrýmÿ kÿØmÿ dýÉný
haÉwusa waÉye Ø
fÿØ.
Zan acc 5 fr.
cent emprunter haoussa boucher-art à
‘Zan emrunta 500 francs au boucher haoussa’. → vtc HaÉwusa waÉye Ø yeÉ
dýÉrýmÿ kÿØmÿ dýÉný ZaØn maØ. ‘Le boucher haoussa prêta 500 francs à Zan’.13
Dans certains dialectes bambara (apparemment, ceux proches de l’aire
maninka) le causatif de ce type se dérive aussi du verbe saÝn :
vt GaØlomuÉso Ø
yeÉ sÿÉbÿn baÉrikama Ø saØn
femme=négligée-art acc amulette puissante-art acheter
moÉri Ø
fÿØ.
marabout-art à
*Dans la version publiée sur le papier, il s’agissait des Koné qui ont été replacés
ici par les Traoré, ce qui est plus en confomité avec la réalité. – Commentaire de
2002.
13
Les deux derniers verbes diffèrent quelque peu de sens : siánga présume qu’on
emprunte une chose qui sera rendue plus tard ; dýÉný signifie qu’on emprunte quelque
chose de fongible, de consommable qu’on doit rembourser. En principe, il est possible
de dire aussi aØ yeÉ waÉri Ø (™ýÝ Ø) dýÉný ‘il a emprunté de l’argent (du mil)’, mais cela
sous-entend que l’on rendra les mêmes billets et pièces (du même mil) qu’on
emprunte. Dans le domain syntaxique, dýÉný, dans son acception « préter », se
distingue de siánga par le fait qu’il est un conversif d’objet, cf. : HaÉwusa waÉye Ø yeÉ
ZaØn dýÉný dýÉrýmÿ kÿØmÿ laÉ (le même sens ; pour une autre interprétation de cette
dérivation du verbe dýÉný, cf. 3.2.2.8.).
62
‘La femme négligée acheta une amulette puissante au marabout’. → vtc MoÉri Ø
yeÉ sÿÉbÿn baÉrikama Ø saÝn gaÉlomuso Ø maØ. ‘Le marabout vendit à la femme
négligée une amulette puissante’.
Cependant, en bambara standard le sens de « vendre » n’est rendu que par
le verbe feØereÉ.
Outre les verbes de changement de possesseur, il n’y a que deux verbes
transitifs capables de dériver le causatif sans préfixe, kaØlaÉn et faÉ :
vt KaØliáfaØ yeÉ laØrabu-kaÉn Ø
kaØlan
moÉri
Si°dikiá fÿØ.
Kalifa acc arabe-langue-art apprendre marabout Sidiki par
‘Le marabout Sidiki enseigna l’arabe à Kalifa’. → vtc MoÉri Si°dikiá yeÉ
laØabukaÉn Ø kaØlaÉn KaØliáfaØ kuØn. ‘Le marabout Sidiki enseigna l’arabe à
Kalifa’.
vt Diáji Ø
yeÉ bÿØÿlÿÉ Ø
faÉ,
öoØlo y’ aØ daÉfiári.
hydromel-art acc terrine-art remplir Ngolo acc le renverser
‘L’hydromel remplit la terrine, et Ngolo la renversa’. →
vtc BaÉ Ø
yeÉ bÿØÿlÿÉ Ø
faÉ
diáji Ø
laÉ, ...
mère-art acc terrine-art remplir hydromel-art PP, …
‘La mère remplit la terrine de l’hydormel, et Ngolo la renversa’.
Dans les constructions de départ avec les verbes fuÉru, saÝn, kaØlaÉn, le
complément d’agent peut être facilement supprimé, et la situation est perçue
sans le participant correspondant :
Aàliá yeÉ JÿØnÿbaÉ fuÉru. ‘Ali se maria avec Jeneba’.
GaØlomuÉso Ø yeÉ sÿÉbÿn baÉrikama Ø saØn. ‘La femme négligée acheta une
amulette puissante’.
63
KaØliáfaØ yeÉ laØrabukaÉn Ø kaØlaÉn. ‘Kalifa apprit l’arabe’.
Quant aux verbes siánga et dýÉný, la valence du troisième participant
(celui qui prête) est plus forte, donc le complément d’agent peut être traité
comme un complément d’objet indirect (et non pas oblique).
Il faut remarquer que le sujet de la construction causative du verbe kaØlaÉn
(dans notre exemple, c’est KaØliáfaØ), quand il assume le statut du complément de
l’objet indirect, est complété par la postposition kuÝn qui a un sens possessif
(cf. Jiá Ø kÿÉ nÉ kuØn ! ‘Verse-moi de l’eau !’, WaÉri tÿÉ nÉ kuØn. ‘Je n’ai pas
d’argent avec moi’), ce qui permet d’interpréter la situatin décrite comme une
sorte de changement de possesseur (la transmission de savoir). Dans les autres
cas, cette idée est rendue par le sémantisme du verbe lui-même, donc le
complément d’objet indirect est alors complété par la postposition d’adressé
maÝ qui fournit l’informaton la plus importante, celle concernant la direction de
changement du possesseur.
3.2.2.3.2. La dérivation causative à partir des VT du deuxième type
s’opère de la façon suivante : le sujet de la construction causée subit la
dévaluation et acquiert le statut du complément d’objet direct, et l’ancien
complément d’objet direct devient le complément de l’objet indirect qui est
complété par la postposition laÉ :
vt DoØnsokÿÉ Ø deÉnkÿ Ø bÿÉkaØ jaØkuÉma Ø taÉama-cogo Ø
deØgeÉ.
chasseur-art fils-art act chat-art marcher-façon-art imiter
64
‘Le fils du chasseur apprend (imite) le pas de chat’ →
vtcDoØnsokÿÉ Ø b’ aØ deÉnkÿ Ø deØgeÉ jaØkumaÉ Ø taÉamacogo Ø laÉ.
chasseur-art prg son fils-art enseigner…
‘Le chasseur enseigne le pas de chat à son fils’.
vt JýØnkÿÉ Ø yeÉ dýÉgý Ø ™uÉn. (DR) ‘Le captif chargea le bois à brûler sur sa
tête’ (Dramane Koné traduit cet énoncé comme ‘Le captif transporta le bois à
brûler’, ce qui nous semble incorrect) →
vtc UÀ yeÉ jýØnkÿÉ Ø
™uÉn dýÉgý Ø
laÉ.
ils acc esclave-art charger bois=à=brûler-art de
(DR) ‘Ils chargèrent le bois à brûler sur la tête du captif’.
vt TaÉtaØ yeÉ fiálen Ø
ji°gián
k’ iá laÉfiá™ÿ.
Tata acc calebasse-art descendre inf PR reposer
‘Tata a descendu la calebasse (de sa tête) et s’est reposée’.
→ vtc NaØ nÉ ji°gin
fiálen Ø
naÉ !
venir me descendre calebasse-art de
‘Viens m’aider de descendre la calebasse !’
Certains de ces verbes sont les mêmes que ceux traités en 3.2.2.3.1. :
vt KaØliáfaØ yeÉ laØrabukaÉn Ø kaØlan. ‘Kalifa apprit l’arabe’.
vtc MoÉri Si°dikiá yeÉ KaØliáfaØ kaØlaÉn
laØrabu-kaÉn Ø
naÉ.
marabout Sidiki acc Kalifa enseigner arabe-langue-art PP
‘Marabout Sidiki enseigna l’arabe à Kalifa’.
vt ZaØn yeÉ dýÉrýmÿ kÿØmÿ dýÉný
haÉwusa waÉye Ø
fÿØ.
Zan acc 5=fr.
cent emprunter haoussa boucher-art à
‘Zan emprunta 500 francs au boucher haoussa’. →
vtc HaÉwusa waÉye Ø yeÉ ZaØn dýÉný dýÉrýmÿ kÿØmÿ naÉ.
haoussa boucher-art acc Zan prêter 5=fr. cent PP
‘Le boucher haoussa prêta à Zan 500 francs’ (cf. aussi la note 13 ; il faut
remarquer que ce causatif du verbe dýÉný
65
est peu usité et a une coloration familière).
3.2.2.4. Un sous-groupe des verbes transitifs de base produit des
dérivatifs limitatifs, ce qui s’accompagne par la pere de la composante
sémantique « causativité » :
vt NÁ yeÉ deÉn Ø
coÉgoba (= cýØgobaÉ) jiá Ø
laÉ.
je acc enfant-art faire=barboter
eau-art dans
‘J’ai fait barboter l’enfant dans l’eau’. →
vtl NÁ yeÉ jiá Ø
coÉgoba.
je acc eau-art barboter
‘J’ai barboté dans l’eau’.
vt UÀ bÿÉ saÉn-ji Ø
kýØný (= maÝkýØný).
ils prg pluie-eau-art attendre
‘Ils attendent la pluie’. →
vtl UÀ yeÉ kaÉlo fi°laÉ kýØnýÉ Ø (maÝkýØnýÉ )Ø , saÉnji maÉ
naØ.
ils acc mois deux attendre
pluie acc-ng venir
‘Ils attendirent pendant deux mois, il ne plut pas’.
vt aØ bÿÉ baÉara Ø
bÿÉÿ nÿØmÿÉnÿØmÿÉ.
il prg travail-art tout faire=lentement=et=soigneusement
‘Il fait tout le travail lentement et soigneusement’. →
vtl aØ yeÉ ti°leÉ saØbaÉ nÿØmÿÉnÿØmÿÉ.
il acc jour trois faire=lentement=et=soigneusement
‘Il a passé trois jours en un travail lent et minutieux’.
vt Si°lamÿÉ-w
bÿÉ mi°siári Ø
jýÝ Ø, aÉn Ø bÿÉ kýØlýÉn Ø seØn.
musulman-pl prg mosquée-art bâtir nous prg puits-art creuser
‘Les musulmans bâtissent une mosquée, et nous, nous creusons un puits’. →
vtl KaÉmalennin Ø yeÉ mÿÉtÿrÿ keÉlen seØn
k’ iá daÉ
jene=homme-art acc mètre
un
creuser inf PR coucher
66
kaØ suØnýgý.
inf dormir
‘Le jeune creusa un mètre (jusqu’au profondeur d’un mètre), puis se coucha et
s’endormit’.
3.2.3. La caractéristique principale des verbes de la troisième classe
syntaxique bambara consiste en la possibilité d’emplois transitif et intransitif,
avec le même GN en fonction Sujet, l’autre participant, là où il est présent,
assumant un des rôles sémantiques classés au hyper-rôle d’Objet Sémantique
(cf. 3.1.2.2.2.2.).
Selon la définition donnée en 3.2.1., ces verbes devraient être classés
parmis les verbes intransitifs de base. Cependant notre définition à priori paraît
être le seul argument qui permetterait de les ranger dans cette classe.14 On a en
effet de bonnes raisons de supposer que :
a) l’intransitif est le résultat de l’omission du complément de l’objet direct
(une dérivation antipassive) ; cette omission rend l’action moins concrète et
caractérise surtout l’état ou la qualité du sujet ;
b) le transitif est le résultat de l’introduction d’un
14
Les critères avancés par Dramane Koné [1984 : 132-134], c’est-à-dire :
a) la possibilité de poser la question à sujet « Qu’est-qu’il fait ? », et
b) le type de groupe associatif en lequel peuvent être transformés le sujet et le
prédicat de l’énoncé,
ne peuvent que révéler l’intrasitif secondaire (résultant de la transformation
passive).
67
complément d’objet direct dans une construction intransitive.
Nous allons appeler les verbes en question « diffus ».15 Leurs valeurs
intransitive et transitive sont pour nous équivalentes du point de vue de la
primauté dérivationnelle. Les dérivations menant à la formation d’intransitif
(vi’) à partir du transitif (vt’) et vice-versa, seront qualifiées par nous comme
« transitivisation/intransitivisation diffuse ».
3.2.3.1. Les verbes du premier sous-groupe des verbes diffus expriment
en majorité des activités mentales (verbes d’expérience) ou de parole. Un GN
dont le rôle sémantique est celui du Contenu (Cont) s’introduit dans la positon
du complément d’objet direct d’un verbe d’expérience, de parole, ou (plus
rarement) de mouvement ou d’action. La valeur intansitive (vi’) d’un tel verbe
correspond à une action
15
Ce terme est surtout employé dans la linguistique caucasienne, où il est souvent
appliqué comme un synonyme du terme “verbe labile”. Mais une approche plus stricte
distingue ces deux termes :
– si un verbe est « labile », cela veut dire que le Patient est marqué d’une manière
identique indépendamment de la valeur du verbe (transitive ou intransitive) ; il s’agit
donc du niveau des rôles sémantiques (cas profonds) ;
– si un verbe est diffus, c’est le marquage du sujet qui ne dépend pas de la valeur
du verbe (niveau syntaxique superficiel).
(Nous remercions Alexandre Kibrik pour ses remarques sur ce sujet.)
Commentaire de 2002 : Depuis la publication de la version papier (1994-1995),
une autre terminologie concernant les types des verbes s’est établie : pour les verbes
traités ici comme « les verbes diffus » on utilise maintenant le terme « verbes labilesA » ; pour les verbes dont les valeurs intransitive et transitive sont liés par la
dérivation causative, on utilise le terme « verbes labiles-P ».
68
habituelle, tandis que la forme transitive (vt’) exprime une action plus
concrète :
vi’ JeØliá i°n bÿÉ saØrakuÉsaØrakuÉ ,Ø iá tÿÉ
bÿÉrÿ
faØamuÉ
griot ce prg jacasser
tu prg-ng beaucoup comprendre
aØ kaÉ fýÉlen Ø
naÉ.
son pos prononcé-art dans
‘Ce griot jacasse et tu ne comprends pas grande chose de ce qu’il dit’. ↔
vt’ JeØliá i°n yeÉ KeÉyitaØ baÉlimali Ø saØrakuÉsaØraku fýÉ
KeÉyitaØ
griot ce acc Keïta louange-art jacasser
jusqu’à Keïta
yÿØrÿ maÉ
fÿÉn faØamu
fýÉlen Ø
naÉ.
même acc-ng chose comprendre prononcé-art dans
‘Le griot jacassa les louanges de Keïta de telle sorte que Keïta lui-même ne
comprit rien’.
vi’ Niá muØsoÉ Ø
muؙu-na
fuÉru Ø
laÉ, aØ bÿÉ saØra
si femme-art patienter-acc mariage-art dans elle prg recompenser
laÉhara.
au-delà
‘Si la femme a été patiente dans sa vie conjugale, elle serait récompensée dans
l’au-delà’. ↔
vt’ Niá muØsoÉ Ø
yeÉ týÉýrýya Ø
niá sÿØgÿÉn Ø muØ™u fuÉru Ø
si femme-art acc suffrance-art et peine-art endurer mariage-art
laÉ, aØ bÿÉ saØra.
dans elle prg recompenser
‘Si la femme a enduré dans la vie conjugale des souffrances et des peines, elle
sera récompensée’.
vi’ SuÉngurunnin i°n
bÿÉ caÉron, aØ kaÉ kuÉma haÉli keÉlen,
jeune=fille
cette prg papoter son pos parole même un
iá tÿÉ
seÉ
kaØ d’
aØ laÉ !
tu prg-ng pouvoir inf croire cela à
‘Cette garce papote, – tu ne peux pas croire à un seul mot prononé par elle !’ ↔
vt’ SuÉngurunnin i°n bÿÉ ngaØloÉn Ø
69
caÉron, aØ kaÉ kuÉma haÉli keÉlen, iá tÿÉ seÉ kaØ d’aØ laÉ ! ‘Cette garce raconte des
blagues (ngaØloÉn ‘mensonge’), – tu ne peux pas croire à un seul mot prononcé
par elle !’
vi’ Iá y’ iá taØ
koÉjugu suÉ Ø
fÿØ, fýÉ
kaØ baØga
iá
tu acc PR prendre trop
nuit-art PP jusqu’à inf agresser ton
si°gi™ýÉgýn ØmaØ = vt’ ... fýÉ
kaØ kÿØlÿÉ Ø
baØga
iá
voisin-art contre
jusqu’à inf querelle-art chercher ton
si°gi™ýÉgýn ØmaØ.
voisin
contre
‘Tu t’es saoulé hier soir au point d’aller chercher noise à ton voisin’.
Outre les verbes déjà cités dans les exemples, ce sous-groupe comprend
waØsaÉ vi’ ‘être suffisant’ – vt’ ‘satisfaire qqn, donner satisfaction à qqn’16 ;
÷uÉnu÷unu vi’ ‘faire (une prière)’ ;
16
Le verbe waØsaÉ a deux emplois : 1. celui d’un verbe intransitif de base, à partir
duquel un transitif se forme par une dérivation causative (seulement avec un causateur
inanimé) :
vi DeÉnmisÿn Ø waØsa-ra
tuÉlon Ø naÉ kaÉ suØnýgý.
enfant-art se=satisfaire-acc jeu-art de inf s’endormir
‘L’enfant joua tout son soûl et s’endormit’. → TuÉlon Ø yeÉ deÉnmisÿn Ø waØsaÉ Ø, aØ
suØnýgýra. ‘Le jeu combla l’enfant, et il s’endormit’,
et 2. celui d’un verbe diffus :
WaÉri Ø waØsara. ‘L’argent suffit’. ↔ WaÉri Ø y’aØ waØsa. ‘L’argent lui suffit’.
Il s’agit cependant de deux lexèmes différents qui se distinguent par leurs
structures de rôles sémantiques.
70
÷aÉna÷ana vi’ ‘parler à haute voix, ne pas retenir sa voix’ – vt’ ‘crier qqch
haut’ ; kýÉrýfýÉ vi’ ‘cancaner’ – vt’ ‘cancaner sur qqn, critiquer, blâmer’ ; doÝn
vi’ ‘danser ; danser à satiété’ – vt’ ‘danser aux sons de la musique (la musique
= OD) ; ‘exécuter (une danse = OD)’.
Le caractère diffus du verbe n’exclut pas la possibilité de transformation
causative ou limitative à partir d’un intransitif :
vi’ NpoØgotiági Ø kaØsi-ra. ‘La jeune fille cria’. ↔
vt’ NpoØgotiági Ø taÉa-ra kaÉburu Ø laÉ kaØ aØ faÝ Ø
suÝ Ø
jeune=fille-art aller-acc tombe à inf son père-art corps-art
kaØsi.
pleurer
‘La jeune fille alla à la tombe et leura sur son père défunt’. ↔
vtl NpoØgotiági Ø taÉa-ra kaÉburu Ø laÉ kaØ suÉ Ø
bÿÉÿ kaØsi.
jeune=fille-art aller-acc tombe-art à inf nuit-art tout pleurer
‘La jeune fille alla à la tombe et pleura durant toute la nuit’.
Quelques rares verbes diffus se trovent aussi parmi les verbes d’action
concrète physique :
vi’ MaØrifaÉ Ø taÉnna koÉsÿbÿ. ‘Le recul du fusil était fort’. ↔
vt’ UámuØ fuÉnun-tý yeÉ tÿØfÿdeÉn Ø taÉn
aØ seÝn Ø
naÉ
Oumou fâcher-ptpr acc brique-art frapper son pied-art de
kaØ bi°n
inf tomber
‘Oumou furieuse donna un coup de pied à une brique et tomba’.
71
vi’ DýÉgý-jý-la-w
bÿÉ teÉntegelema
kaØ
marché-dresser-ag-pl prg marcher=avec=charge=sur=tête inf
tÿØmÿÉ aØ kaÉ soÉ Ø
daÉ Ø
fÿÝ sýØgýmaÉ fÿØ.
passer son pos maison-art porte-art PP matin
PP
‘Devant sa porte les femmes, avec des charges sur leurs têtes, passent vers le
marché’ ↔
vt’ KaØliáfaØ buÉranmuso Ø yeÉ nteØn-tulu daÉga Ø
Kalifa belle=mère-art acc palme-huile pot-art
teÉntegelema kaØ doÝn buØtiági Ø kýÉný.
porter=sur=tête inf entrer boutique-art dans
‘La belle-mère de Kalifa entra dans la boutique avec un pot d’huile de palme
sur sa tête’.
3.2.3.2. Le deuxième sous-groupe se compose de verbes, autant de
l’activité intellectuelle que d’action concrète, se rapprochant par leur
comportément syntaxique des verbes diffus analysés dans 3.2.3.1., à cette
différence près, que l’intransitif a un complément d’objet indirect qui est
promu, après la transitivisation, au statut du complément d’objet direct.
Autrement dit, le complément d’objet direct n’est pas introduit « du dehors »,
mais est le résultat de la promotion d’un actant déjà présent :
vi AÀ maÝ™uØmanaÉ faØantaÉnw naÉ = vt’ aØ yeÉ faØantaÉnw maÝ™uØma (DR :
116) ‘Il eut pitié des pauvres’.
vi’ Iá bÿÉ miáiri muÝn deØ laÉ nÉ deÉn ? ‘A quoi penses-tu, mon fils ?’ – vt’ Iá
bÿÉ muÝn deØ miáiri nÉ deÉn ? ‘Que penses-tu, mon fils ?’
vi’ AÀ ti°len-naÉ
kaØ baØroÉ muØsoÉ-w fÿØ, aØ
il passer=journée-acc inf causer femme-pl avec sa
72
boÉlo haÉli maÉ
seÉ
daØbaÉ Ø maØ.
main même acc-ng atteindre houe-art à
‘Il bavarda toute la journée avec les femmes, sa main ne toucha même pas la
houe…’ ↔
vt’ JeØliá Ø
bÿÉ faØamaÉ-w baØroÉ Ø,
nØkaÉ aØ tÿÉ
™i°nÿÉ
griot-art prg roi-pl
entretenir mais il prg-ng oublier
faØantaÉn-w kýÉ.
pauvre-pl PP
élevé ‘Le griot cause avec les puissants, mais il n’oublie pas les gens
ordinaires’.
vi’ NÁ tÿÉ
yaØfaÉ
aØ maØ kuÉma i°n
naÉ aÉbadan !
je prg-ng pardonner lui PP parole cette PP jamais
‘Je ne lui pardonnerai jamais ces paroles !’ ↔ vt’ NÁ tÿÉ kuÉma i°n yaØfaÉ aØ yeÉ
aÉbadan ! (même sens).
Dramane Koné [1984 :116-117] rattache à ce sous-type, outre maÝ™uØmaÉ
et miáiri, les verbes suivants : baÉn ‘finir (qqch – OD = OI + laÉ) ; tuÝ ‘frapper de
la tête (qqch – OD = OI + laÉ) ;17 woÉlo, baÉnge ‘naître, engendrer (qqn – OD =
OI + laÉ) ; poÉron ‘attaquer, se ruer (sur qqch, qqn – OD = OI + kaÝn) ;18 foÉ
‘rafler (la nourriture – OD = OI + kaÝn) ; daÉdýÉn ‘être au courant (de qqch –
OD = OI + laÉ), tÿØmÿÉ ‘pas-
17
A notre avis, tuÝ-transitif et intransitif représentent deux lexèmes différents :
l’un signifiant ‘frapper de la tête’, et l’autre ‘pousser, heurter, frôler’.
18
A notre avis, la traduction de ce verbe par Dramane Koné n’est pas correcte :
en fait, il signifie (en tant que VI et VT) « attraper brusquement ».
73
ser (qqch – OD = OI + kaÝn), cf. aussi :
vi’ FoÉnba mi°n-neÉn taØlon-naÉ
daØbaÉ Ø laÉ.
Fomba bu-ptac
trébucher-acc houe-art contre
‘Fomba, enivré, trébucha contre la houe’ ↔ vt’ FoÉnba mi°nnen yeÉ daØbaÉ Ø
taØlon. ‘Fomba, enivré, se heurta (légèrement) contre la houe’ (le sens du
transitif est un peu moins concret).
vi’ NpoØgotiginián fi°laÉ ti°gÿ-ra
baÉ Ø
laÉ.
jeune=fille
deux traverser-acc fleuve-art PP
‘Deux jeunes filles traversèrent le fleuve’, cf. la dérivation causative du même
verbe : vt BaÉkýnýnin Ø yeÉ npoØgotiginián fi°laÉ ti°gÿ baÉ Ø laÉ. ‘L’oiseau noir fit
traverser le fleuve deux jeunes filles’ (cf. l’analyse de ce verbe, différente de la
notre, par Dramane Koné [1984]).
Autres verbes qu’on ne trouve pas chez Dramane Koné : bÿØlÿÉn
vi’
‘guetter (qqn – laÉ, kaÝn)’ – vt’ ‘guetter qqn’ ; jaØnyaÉ vi’ ‘s’éloigner (de – laÉ)’ –
vt’ ‘s’éloigner de qqch’ ; koØriá-1 vi’ ‘se disposer (autour qqn, qqch – laÉ)’ – vt’
‘cerner qqch, qqn’ ; niámisa vi’ ‘regretter (qqch – nýÝ fÿÝ)’ – vt’ ‘regretter qqch,
être affligé par qqch’ ; ÷aØniyaÉ vi’ ‘avoir envie (de – laÉ), aspirer (à – laÉ)’ – vt’
‘vouloir qqch, avoir l’intention de faire qqch’ (pour ce dernier verbe,
l’introduction d’un Adressé dans la position du complément d’objet direct est
aussi possible : ‘souhaiter (à qqn – OD, qqch – OI + maÝ, niá ... yeÉ).
3.2.3.3. Un type particulier de relation entre les emplois transitif et
intransitif est propre à un groupe peu nombreux de verbes, « les verbes
réciproques subjecto-
74
objectifs » (d’alternance sujet – complément d’objet direct) » :19 le sujet de la
phrase intransitive est exprimé par un groupe nominal collectif dont les
membres sont à la fois agents et patients ; ainsi la phrase prend la valeur
réciproque ; la transitivisation entraîne la division des rôles : l’un des membres
de ce groupe devient le complément d’objet direct et garde à lui le rôle de
patient, l’autre assume la fonction du sujet avec le rôle d’agent :
vi’ DoÉn Ø
dýÉ, jýÝnkýØmiá Ø niá baÉsa Ø
kÿØlÿ-la.
jour-art un scorpion-art et margouillat-art se=battre-acc
‘Un jour le scorpion noir et le margouillat se battirent’.↔ vt’ DýÉn Ø dýÉ,
jýÝnkýØmiá Ø yeÉ baÉsa Ø kÿØlÿ. ‘Un jour le scorpion noir s’attaqua au margouillat’.
vi’ FaØarokÿÉ Ø
niá jiátý Ø
dýÉ bÿØn-na
daÉnkan Ø naÉ.
génie=des=eaux-art et poltron-art un se=voir-acc berge-art sur
‘Le génie des eaux et le poltron se rencontrèrent (ou : « se réconcilièrent », « se
mirent d’accord ») sur la berge’. ↔ vt’ FaØarokÿÉ Ø yeÉ jiátý Ø bÿØn daÉnkan Ø naÉ.
‘Le génie des eaux
19
Il s’agit des verbes capables de former des constructions intransitive et
transitive (celle-ci – avec un pronom réciproque ™ýÉgýn en fonction du complément
d’objet direct) sémantiquement équivalentes ou quasi-équivalentes : UÅ kÿØlÿla. = UÅ
yeÉ ™ýÉgýn kÿØlÿ. ‘Ils se battirent’, ‘Ils se querellèrent’. Cf. : « les verbs réciproques
d’alternance du sujet – complément d’objet indirect » : SÿÉbÿnfuraw nýÉrýla. =
SÿÉbÿnfuraw nýÉrýla ™ýÉgýn naÉ. ‘Les feuilles de papier se collèrent’.
75
rencontra le (barra la route au) poltron sur la berge’.
vi’ MaØliá jaØmanaÉ Ø kuØntiági Ø niá buØrudaÉamÿ-w ™ÿÉmýgý-w
Mali pays-art chef-art et Touareg-pl
leader-pl
kuÝnbÿØn-naÉ
kaØ kuÉma™ýÉgýnya.
se=rencontrer-acc inf négocier
‘Le Président du Mali et les leaders des Touaregs se sont rencontrés et ont
mené des pourparlers’. ↔ vt’ BuØudaÉamÿw ™ÿÉmýgýw yeÉ MaØliá jaØmanaÉ Ø
kuØntiági Ø kuÝnbÿØn paÉnkurujiginso Ø laÉ. ‘Les leaders des Touaregs ont
accueilli le Président du Mali à l’aéroport’.
Malgré le fait que cette dérivation s’accompagne le plus souvent d’une
modification sémantique plus ou moins prononcée, nous croyons que ce type
de verbes peut être considéré comme un sous-groupe de verbes diffus.
Un cas spécial est représenté par les verbes maÉsala vi’ ‘causer, bavarder’
– vt’ ‘entretenir qqn’, koØbiá-1 arg. vi’ ‘se baiser’ – vt’ ‘baiser’ (une femme)’ :
on ne peut pas dire *UÀ yeÉ ™ýÉgýn maÉsala, *UÀ yeÉ ™ýÉgýn koØbi (dans le dernier
cas, cela est naturel, compte tenu de l’inégalité de deux participants de
l’action), et ces verbes ne sont donc pas conformes à la définition des verbes
réciproques d’alternance sujet – complément d’objet direct (cf. note 9) ;
cependant leur dérivation correspond au même modèle que celle des verbes
réciproques diffus.
3.2.4. Pratiquement tous les verbes transitifs en bambara subissent une
transformation passive dont le produit est
76
un intransitif secondaire (vi2).20 Cette transformation consiste en l’élimination
du Sujet superficiel du VT et promotion de son Complément d’Objet Direct à
la position syntaxique de Sujet, sans que son rôle sémantique change :
vt MuØsoÉ Ø yeÉ kiáni Ø toÉbi. ‘La femme a cuit le riz’. → vi2 Kiáni Ø toÉbira.
‘Le riz a été cuit’.
Nous considérons le quasi-passif, ou le potentiel, exprimant l’idée de
l’action qui peut ou doit être accomplie (action potentielle) grâce aux propriétés
du dénoté comme une autre valeur intransitive secondaire :
vt MaØrakaÉ-w bÿÉ ti°gaÉ
i°n
daÉn
joÉona.
Soninké-pl prg arachide cette planter tôt
‘Les Soninkés plantent cette arachide tôt’. → vi2 Ti°gaÉ i°n bÿÉ daÉn joÉona.
‘Cette arachide se plante tôt’.
Dans la situation décrite par le verbe, l’absence de l’agent apparaît
comme naturelle, conditionnée par les propriétés du patient-sujet ; ainsi, le
patient-sujet acquiert un degré du contrôle de la situation (cf. : [Bergelson,
1985 : 111 ; Bergelson, 1991]).
20
Nous suivons Emma Geniušiene dans sa définition de la transformation comme
une modification de la structure syntaxique du verbe qui, d’un part, n’entraîne pas de
changements aux niveaux des rôles sémantiques et des référents, et d’autre part, est
régulière (ou, plutôt, quasi-régulière). Ainsi la transformation est un procédé de
variation des mots, tandis que la dérivation est un procédé de formation des mots.
77
3.2.4.1. A quelques exceptions près (cf. 3.2.4.5.), tous les VT de base
produisent les VI2 selon la règle générale.
Le complément d’agent, s’il est exprimé explicitement dans la
construction à intransitif secondaire (ce qui n’est pas normalement obligatoire),
est marqué par la postposition fÿÝ :
vt KuÉnuØn, MaÉduØ BaØgayýÉgý yeÉ naÉký Ø
si°nsan.
hier
Madou Bagayogo acc potager-art clôturer
‘Hier Madou Bagayogo a clôturé le potager’. → vi2 KuÉnuØn naÉký Ø si°nsanna
[MaÉduØ BaØgayýÉgý fÿØ]. ‘Hier le potager a été clôturé [par Madou Bagayogo]’.
Chaque conversif objectif produit, par le moyen de la transformation
passive, deux (pour saØraÉ ‘payer’ même trois) intansitifs secondaires :
AÀ seØntoÉntoØliá Ø muØn-naÉ
ti°ga-tuÉlu Ø
laÉ.
son talon-art
faire=badigeonner-acc arachide-huile-art à
‘Son talon fut badigeonné à l’huile d’arachide’. – Ti°gatuÉlu Ø muØnnaÉ aØ
seØntoÉntoØliá Ø laÉ. ‘L’huile fut badigeonnée sur son talon’.
En ce qui concerne les causatifs non-morphologiques dérivés des VT (cf.
3.2.2.3.), leurs formes de départ peuvent en fait être considérés comme
résultant d’une transformation passive (vt2) ; autrement dit, nous trouvons dans
un VT pareil deux homonymes syntaxiques, et même la présence du
complément d’agent marqué par la postposition fÿÝ ne permet pas
78
distinguer les deux formes homonymiques d’une maière non-ambigüe.
3.2.4.2. L’intransitif secondaire se produit également à partir de transitifs
dérivés de verbes intransitifs de base par la dérivation causative :
vi AÀ y’ iá mi°n foÉ
aØ duØsukuÉn Ø ™uÉgu-ra
duØloÉ Ø
il acc PR boire jusqu’à son coeur-art avoir=dégout-acc vin-art
kýÉrý.
sous
‘Il avait bu jusqu’à se dégoûter du vin’. → vt AÀ y’iá mi°n foÉ duØlýÉ Ø y’aØ
duØsukuÉn Ø ™uÉgu. ‘Il avait bu jusqu’à ce que le vin l’a dégoûté’. → vi2 AÀ y’iá
mi°n foÉ aØ duØsukuÉn Ø ™uÉgura duØlýÉ Ø fÿØ. ‘il avait bu jusqu’à ce qu’il soit
dégoûté du vin’.
vi AÀ maÉ mÿÉÿn, soØlimadeÉn-w seØgin-na
soÉ.
il acc-ng durer initié-pl
retourner-acc maison
‘Peu de temps après, les nouveaux initiés revinrent chez eux’. → vt AÀ maÉ
mÿÉÿn, syÿÉma Ø yeÉ soØlimadeÉnw seØgin soÉ. ‘Il ne resta pas longtemps, et le
responsible revoya les nouvesux initiés chez eux’. → vi2 AÀ maÉ mÿÉÿn,
soØlimadeÉnw seØginna soÉ syÿÉma Ø fÿØ. ‘Peu de temps après les nouveaux-initiés
furent rétournés chez eux par le résponsable des circoncis’.
Comme cela a été noté plus haut (cf. 3.2.4.1.), l’intransitif secondaire
dérivé du verbe transitif de base peut ne pas être doté d’un complément
d’agent. Par contre, ce complément est obligatoire pour les intransitifs
secondaires résultant de la dérivation-transformation double (causative +
passive) des verbes inransitifs de base, – sinon, la dif-
79
férence entre les intransitifs primaires et secondaires s’efface.
3.2.4.3. Contrairement à ce qu’affirme Dramane Koné [1984 : 110], les
intransitifs secondaires se produisent aussi à partir des transitifs résultant de la
dérivation limitative. Le sujet d’un tel intransitif est un substantif au sens de
l’intervalle d’espace ou de temps :
KaÉlo duÉuru koÉrila
shÿÝ Ø
fÿØ faÉn-w kaØn, uØ maÉ
týÉrý.
mois cinq
couver-acc poule-art par oeuf-pl sur ils acc-ng éclore
‘Cinq mois s’étaient écoulé pendant que la poule couvait, mais les oeufs n’ont
pas éclos’.
MÿÉtÿrÿ duÉuru dýÉrýn
boØli-laÉ
faØliá Ø fÿØ, aØ
seÝn Ø
mètre cinq
seulement être=parcouru-acc âne-art par son pied-art
cuÉn-na
ntoØriá Ø
kaØn.
tomber-acc crapaud-art sur
‘Cinq mètres à peine furent parcurus par l’âne, et sa jambe tomba sur le
crapaud’.
3.2.4.4. Les verbes diffus produisent aussi des intransitifs secondaires :
vi N’ iá muØ™u-na
týÉýrýya Ø
bÿÉÿ kýÉrý, iá naØ
quand tu patienter-acc souffrance-art toutes sous tu fd
kÿÉ
fÿÉn Ø
yeÉ.
devenir chose-art comme
‘Quand tu auras enduré toutes les souffrances, tu deviendras un grand homme’.
↔ vt’ N’iá týÉýrýya Ø bÿÉÿ muØ™uÉ Ø, iá naØ kÿÉ fÿÉn Ø yeÉ. (même sens) → vi2 Niá
týÉýrýya Ø bÿÉÿ muØ™una iá fÿØ, iá naØ
80
kÿÉ fÿÉn Ø yeÉ. ‘Quand toutes les souffrances auront été endurées par toi, tu seras
un grand homme’.
vi MuØsokýrýnián Ø bÿÉ ÷uÉnu÷unu, mýØgý
siá
tÿÉ
aØ
vieille-art
prg gronder
personne aucune prg-ng ça
jaØte-minÿ.
compte-prendre
‘La vielle gronde, mais personne n’en tient compte’. ↔ vt2 MuØsokýrýnin Ø bÿÉ
kiálisiw ÷uÉnu÷unu, mýØgý siá tÿÉ aØ jaØteminÿ. ‘La vieille marmonne les
incantations (kiálisiw), mais personne n’en tient compte’. → vi2 Kiálisiw bÿÉ
÷uÉnu÷unu muØsokýrýnián Ø fÿØ, mýØgý siá tÿÉ aØ jaØteminÿ. ‘Les incantations
sont marmonnées par la vieille, mais personne n’en tient compte’.
Il est évident que les intransitifs secondaires dérivés des transitifs
limitatifs et diffus, d’une part, et les intransitifs primaires correspondants,
d’autre part, auront des sujets de types différents (cf. exemples en 3.2.1.2.,
3.2.2.4., 3.2.3.), de sorte qu’aucune ambiguïté concernant la valeur de la
construction n’est possible. Pour cette raison, la présence d’un complément
d’agent (dont la fonction est, en premier lieu, d’éliminer la possibilité d’une
confusion pareille) dans un tel énoncé n’est pas nécessaire.
3.2.4.5. Les intransitifs secondaires ne peuvent pas se dériver à partir de
quelques verbes à compatibilité limitée avec les noms en fonction du
complément d’objet direct dont le rôle sémantique est celui de Quasi-Patient (la
partie du corps par laquelle l’Acteur-Sujet accomplit le mouvement, ou le
produit de l’activité intellectuelle de l’Expérimenteur
81
en fonction de Sujet) :
vt UÀ y’ uØ seÉ-ko Ø
daØmaÉ-ji°raÉ
sÿØnÿÉ Ø
ils acc leur puissance-affaire-art limite-montrer culture-art
laÉ, ntoÝn-w yeÉ uØ kaÉ foØroÉ-w bÿÉÿ duÉn.
en criquet-pl acc leur pos champ-pl tous manger
‘Ils s’étaient mis en quatre pour travailler les champs, et les criquets ont tout
mangé’. ≠> vi2 *UÀ seÉko Ø daØmaÉji°ralaÉ sÿØnÿÉ Ø laÉ...
vt FaØ y’ aØ seÝn Ø
npaØanaÉ
kaØ MaØlobaÉli fiálÿ.
Fa acc son jambe-acc écarter=largement inf Malobali regarder
‘Fa écarta largement ses jambes et regarda Malobali’ ≠> vi2 *SeÝn Ø npaØananaÉ
FaÉ fÿØ...
On trouve des verbes de ce type également parmi les intransitifs de base
admettant la dérivation causative :
vi AÀ kaÉ baÉra-muso Ø
bi°n-naÉ
býØgý toÉli Ø
laÉ,
sa pos préférée-femme-art tomber-acc boue pourri-art dans
aØ seÝn Ø
n’ aØ boÉlo Ø
bÿÉ sÿÉrÿkÿ.
son jambe-art et son bras-art prg se=tordre
‘Sa femme préférée tomba dans de la boue mélangée avec du fumier pourri, ses
bras et ses jambes se tordaient’. → vt AÀ kaÉ baÉramuso Ø bi°nnaÉ býØgý toÉli Ø laÉ
kaØ aØ seÝn Ø n’aØ boÉlo Ø sÿÉrÿkÿ. ‘Sa femme préférée tomba dans de la boue
mélangée avec du fumier pourri, et se mit à tordre ses bras et ses jambes’. ≠>
vi2 *AÀ kaÉ baÉramuso Ø seÝn Ø n’aØ boÉlo Ø sÿÉrÿkÿra aØ fÿØ.
L’intransitif secondaire ne se produit pas non plus à partir du verbe
baÉraji ‘recompenser, bénir’ qui ne peut avoir pour sujet que le mot AÁla
‘Dieu’ : il semble que l’abaissement du statut syntaxique d’un pareil sujet
82
jusqu’au complément d’objet indirect, ou son élimination soient considérés
comme inadmissibles.
3.3. DERIVATION VERBALE MARQUÉE PAR DES PROCÉDÉS
MORPHOLOGIES : le causatif en laÉ-/naÉ-.
La dérivation causative morphologique marquée par le préfixe laÉ-/naÉ-,
co-existant avec celle purement syntaxique, a été traitée maintes fois par
différents auteurs ([Bergelson, 1985a : 107-111 ; Bergelson, 1985b : 34-43;
Dumestre, 1987 : 292-295 ; Koné, 1984 : 123-127] ; sur le causatif en Maninka
de Guinée et Maninka de Kita, très proches de celui-ci en Bambara, cf.
[Grégoire, 1985 ; Keïta, 1985 : 265-268]). Nous pouvons donc aborder
rapidement les aspects déjà traités dans les travaux de nos prédecesseurs, et
considérer plus en détail des particularités moins connues.
3.3.1. Contrairement à ce qu’affirme Mira Bergelson, la dérivation
causative morphologique (vc) n’est pas admise par tous les verbes. Pour être
plus précis, seuls 655 verbes sur nombre total de 2047 verbes bambara dans
notre liste, donc 32%, produisent les formes dérivées avec le préfixe laÉ-/naÉ-,21
et
21
Notre liste [Vydrine, ms.] a été composée sur la base des dictionnaires bambara
les plus représentatifs [Bailleul, 1982 ; Dumestre, 1981-1992 ; Tomčina & Vydrine,
ms.] et a été vérifiée ensuite avec les informateurs. Dans le nombre 2047, les formes
dérivées avec les suffixes -ya et -ma sont inclus, ainsi que les formes composées (sauf
les verbes préfixés en laÉ- et naÉ- pour lesquels on trouve des verbes correspondants
sans préfixe). Pour délimiter les verbes composés et les combinaisons figées des
substantifs avec les verbes, les critères proposés par Gérard Dumestre ont été
appliqués (surtout la possibilité/ l’impossibilité d’intercaler un adverbe employé
prépositivement). Les verbes trouvés dans les dictionnaires mentionnés mais inconnus
de nos informateurs ne sont le plus souvent pas pris en compte. Bien sûr, le chiffre
2047 ne peut aucunement être considéré comme définitif : objectivement, le nombre
de mots dans une langue est un ensemble ouvert et on ne peut jamais être sûr qu’un
liste donnée est exhaustive ; subjectivement, pour une langue peu écrite et peu
normalisée comme le Bambara, il est souvent difficile d’établir la limite entre les
variantes (locales, sociales, etc…) des mots et les mots différents, surtout quand il
s’agit de mots d’origine onomatopéique.
83
de ce nombre, beaucoup sont considérés par nos informateurs comme « peu
usités » (à titre de comparaison : 73 verbes seulement, donc 3,57%, forment les
dérivés en maÝ-). Autant qu’on puisse en juger aujourd’hui, les restrictions ne
sont pas toujours prévisibles.
Le plus souvent, le causatif se forme à partir de
Notre liste dépasse toutes les listes précedentes qui nous sont connus (cf. les 1227
verbes dans la liste de Dramane Koné [1984], les 62 formes en laÉ- non-comprises), et
cependant le nombre de verbs en Bambara est de loin inférieur par rapport, disons,
aux langues Indo-Européennes (cf. les 19327 verbes dans le dictionnaire du Lituanien
Moderne [Geniušiene, 1987 : 66]). Cela s’explique évidemment par plusieurs raisons :
le rôle peu considérable de la dérivation morphologique verbale en Bambara, ce qui
est compensé par les procédés syntaxiques et lexicaux (ainsi, à chaque verbe bambara
comportant des valeurs transitive et intransitive, correspondent normalement deux
verbes dans une langue Indo-Européenne) et aussi le grand poids du moyen analytique
utilisé pour exprimer l’action (surtout les constructions « substantif + un verbe vide de
sens précis »).
84
verbes intransitifs et réfléchis :
vi BuØrudaÉamÿ-w muÉruti-ra
kaØ poÉlosi saØbaÉ faØgaÉ kaØ
Touareg-pl
se=révolter-acc inf policier trois tuer inf
duÉuru joÉgin.
cinq
blesser
‘Les Touaregs se révoltèrent, tuèrent trois policiers et en blessèrent cinq’. → vc
SeÉkuØ MuØkutaÉri taÉara buØrudaÉamÿw laÉmuÉruti. ‘Sékou Moukoutari vint
chez les Touaregs et les incita à la révolte’.
vi NaØmaÉsa Ø bÿÉ mýØn joÉona. ‘Les bananes mûrissent vite’. →
vc Ti°leÉ Ø
bÿÉ naØmasaÉ Ø laÉ-mýØ.
soleil-art prg banane-art caus-mûrir
‘Le soleil favorise le mûrissement des bananes’.
Beaucoup de verbes transitifs de base admettent aussi l’ajout du préfixe
laÉ-, mais les cas où il s’agit d’une vraie dérivation causative sont extrêmement
rares. Les exemples cités dans la littérature (cf., p.ex., [Bergelson, 1985b : 4041]) sont mal interprétés. Ainsi, pour l’énoncé : BaÉ Ø yeÉ deÉn Ø laÉ-miµn nýÉný Ø
laÉ. ‘La mère donna à boire à l’enfant’, la construction prototypique n’est pas
transitive – DeÉn Ø yeÉ nýÉný Ø mi°n ‘L’enfant prit du lait’ (chez Bergelson : DeÉn Ø
yeÉ jiá jÿÉlen Ø mi°n. ‘L’enfant prit de l’eau pure’), mais intransitive : DeÉn Ø y’iá
mi°n nýÉný Ø laÉ. ‘L’enfant se désaltéra du lait’.
Notons entre parenthèses que l’inteprétation par Mira Bergelson de la
phrase :
KaØramýÉgý Ø bÿÉ kaØlandeÉn-w laÉ-kaØlan
doÉn oÉ Ø doÉn.
maître-art
prg élève-pl
caus-enseigner jour dst jour
‘Le maître enseigne les élèves tous les jours’
est également fausse : en synchronie, elle ne doit pas être
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traitée comme dérivée de l’énoncé
KaØlandeÉn-w bÿÉ liáwuru kuÉra Ø
kaØlan.
élève-pl
prg livre nouveau-art lire
‘Les élèves lisent un nouveau livre’.
En fait, il s’agit ici de deux lexèmes différents, kaØlaÉn-1 ‘lire’ et kaØlaÉn-2
‘étudier ; apprendre’. Le verbe laÉkaØlaÉn ‘enseigner’ est un synonyme complet
du causatif non-morphologique kaØlaÉn et donc peut être considéré comme
produit de la dérivation causative à partir de la construction vt KaØliáfaØ yeÉ
laØrabukaÉn Ø kaØlan. ‘Kalifa a appris la langue arabe’ (cf. 3.2.2.3.).
3.3.2. Assez nombreux sont les intransitifs prodisant une dérivation
causative à la fois non-morphologique et morphologique. Dans des cas pareils,
la forme dérivée à préfixe laÉ- (vc) indique le plus souvent que l’objet causé a
une agentivité plus élevée que celle de la forme dérivée sans préfixe. Il n’est
donc pas rare que les causatifs non-morphologiques et morphologiques se
réfèrent à des acceptions différentes de l’intransitif :
vt AÀ teÉn woÉlo Ø ™uØguÉ™uØgura. ‘Son front se rida’. →
vt KýØrýÉ Ø deØ y’ aØ teÉn woÉlo Ø ™uØguÉ™uØgu.
âge-art mr prg son front peau-art rider
‘C’est l’âge qui a ridé son front’.
vi BuÉbaga-w bÿÉ ™uØguÉ™uØgu ™ýÉgýn
kaØn guÉnguru Ø laÉ
termite-pl prg grouiller
l’un=l’autre sur souche-art sur
‘Les termites grouillent sur la souche’. → Jiá Ø waØlantý bÿÉ buÉbagaw
laÉ™uØguÉ™uØgu ™ýÉgýn kaØn guÉnguru Ø laÉ. ‘L’eau, débordée,
86
fait grouiller les termites sur la souche’.
Selon Mira Bergelson [1985b : 41], en s’ajoutant à un verbe transitif, le
préfixe laÉ- introduit la valeur d’agentivité : « la promotion du statut du sujet ;
la promotion de l’autonomie du complément d’objet et donc nécessité de
contrôle plus stricte de la part du sujet, ce qui peut aboutir à la transformation
du sémantisme lexical du verbe ». Le préfixe laÉ- rajoute au sens du verbe
transitif correspondant non-préfixé l’idée d’intention, d’intensité, de mode
violent pour l’action (ou parfois de caractère plus abstrait). Et le fait que le VT
en question est originel ou dérivé d’un VI n’a pas d’importance :
vi FuØntuÉn Ø
bi°n-naÉ
daØlaÉ Ø laÉ, kýÉýri Ø ™iágin-na.
panier=de=coton-art tomber-acc lac-acc dans coton-art s’imbiber-acc
‘Le panier de coton tomba dans le lac et le coton s’imbiba’. → vt FuØntuÉn Ø
bi°nnaÉ daØlaÉ Ø laÉ, jiá Ø yeÉ kýÉýri ° ™iágin. ‘Le panier de coton tomba dans le lac et
l’eau trempa le coton’. →
vc Diásýngýkanina Ø yeÉ fuØntuÉn Ø mi°nÿÉ kaØ kýÉýri °
laÉ-™iágin
agent=fiscal-art acc panier-art saisir inf coton-art caus-tremper
daØlaÉ Ø laÉ.
lac-art dans
‘L’agent fiscal saisit le panier de coton et le trempa dans le lac’ (une action
volontaire).
vt GaØribuÉ Ø
yeÉ dýÉrýmÿ kÿØmÿÉ sýØrý.
mendiant-art acc 5=fr.
cent recevoir
‘Le mendiant reçut 500 francs’. → vc GaØribuÉ Ø yeÉ dýÉrýmÿ kÿØmÿÉ laÉsýØrý. ‘Le
mendiant obtint 500 francs’ (l’insistance du mendiant est sous-entendue).
87
Une valeur particulière du préfixe laÉ- est l’idée d’achèvement de l’action,
de son caractère irréversible :
vt DaØfeÉ Ø
yeÉ aØ kuØnkoÉlo Ø doÝn
fÿØnÿtrÿÉ Ø laÉ kaØ
étalon-art acc son tête-art
mettre fenêtre-art dans inf
kuÉnan Ø nýÉn.
plat-art lécher
‘L’étalon mit sa tête dans la fenêtre et lécha le plat’. → vc DaØfeÉ Ø yeÉ tuÉlu Ø
laÉnýÉn kuÉnan Ø naÉ.22 ‘L’étalon lécha l’huile du plat’ (l’idée de plénitude de
l’action est combinée avec une modification du structure des rôles syntaxique
et sémantique : l’ancien Patient devient Locatif, ce qui correspond à la
démotion du complément d’objet direct au rang du complément d’objet
oblique, tandis que la position du complément d’objet direct est occupée par un
nouveau Patient désignant le complément d’objet éliminé par l’action en
question).
vi Jiári-fura Ø
nýÉrý-la
soÉ
dÿÉnÿn Ø naÉ.
arbre-feuille-art se=coller-acc maison mur-art à
‘Une feuille d’arbre se colla sur le mur de la maison’. → vt Bi°lakoronián Ø yeÉ
jiárifura Ø nýÉrý soÉ dÿÉnÿn Ø naÉ. ‘Le garçon incirconcis colla une feuille d’arbre
sur le mur de la maison’. →
vc TýÉn-jýn-w
yeÉ soÉ
daÉ Ø
laÉ-nýÉrý kaØ taÉ Ø
guerrier-esclave-pl acc maison porte-art caus-coller inf feu-art
tuØgu tuÉfa Ø laÉ.
joindre toit-art à
‘Les guerriers-esclaves murèrent la porte de la maison et mirent le feu sur le
toit’.
22
Notre informateur Lamine Dembélé refuse la forme laÉnýÉn.
88
Assez souvent, qu’il s’agisse de verbes transitifs ou intransitifs de base, le
sens des formes avec ou sans préfixe est le même (avec un même lexème) :
vi KaÉsa duÉman Ø
bÿÉ-ra,
ciáden Ø
kuÉnu-na.
odeur agréable-art sortir-acc messager-art se=réveilla-acc
‘L’odeur appétissante se répandit et le messager se réveilla’. →
vt/vc KaÉsa duÉman Ø yeÉ ciáden Ø kuÉnu/laÉkuÉnu. ‘L’odeur appétissante réveilla
le messager’.
vt/vc AÀ yeÉ baÉlansan suÉn Ø peÉlu/laÉpeÉlu k’ aØ kÿÉ
il acc faidherbier tige-art (caus-)écorcer inf le faire
sÿÉmÿn-kala Ø
yeÉ.
hâche-manche-art comme
‘Il tailla toutes les branches du faidherbier et en fabriqua un manche de hâche
de guerre’.
3.3.3. La polysémie des valeurs du préfixe causatif laÉ- (même celles qui
sont plus ou moins régulières) est une preuve de son usure. En outre, on trouve
en Bambara de nombreux verbes à préfixe laÉ- n’ayant aucune trace de valeur
causative ; certains d’eux se classent même parmi les verbes intransitifs de
base.
Les sens irréguliers du préfixe laÉ- sont analysés en détail dans [Dumestre,
1987 : 292-295]. A ce qui est dit dans ce travail on peut ajouter que certains cas
(mais non pas tous !) s’expliquent par la disparition en bambara standard du
préfixe *rýÉ- (qui s’est maintenu dans certains dialectes, souvent sous la forme
raÉ-, et en Maninka, sous la forme dýÉ-/rýÉ-). Le morphème *rýÉ/raÉ, ayant
fonctionné aussi
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comme une postposition locative, a été supplanté en bambara dans toutes ses
fonctions par laÉ. Cette convergence de deux laÉ- (laÉ-1 causatif et laÉ-2 < *dýÉ/rýÉ-) explique l’irrégularité sémantique de ce suffixe en bambara standard ; cf.
couples comme bÿÝn ‘se mettre d’accord ; correspondre’ – laÉbÿÝn ‘préparer ;
réparer’ ; jÿÉ ‘devenir blanc’ – laÉjÿÉ ‘regarder, examiner ; essayer’ (cf. en
Maninka : bÿÝn – rýÉbÿÝn, gbÿÉ – rýÉgbÿÉ).
Quant au sémantisme, selon Dumestre, inexpliquable de deux synonymes,
laÉjýÝ et laÉsi°riá ‘concevoir, devenir grosse’ (les deux verbes sont des intransitifs
de base ; cf. jýÝ ‘s’arrêter ; arrêter ; bâtir’, si°riá ‘attacher’), on peut supposer la
contraction (pour des raisons euphémiques) de ces deux verbes avec le
substantif en fonction du complément d’objet direct laØadaÉ ‘les règles’ :
*laØadaÉ Ø jýÝ > laÉjýÝ, *laØadaÉ Ø si°riá > laÉsi°riá.
3.3.4. Le préfixe laÉ- en Bambara recouvre les valeurs causatives
premières théoriquement possibles (cf. [Nedjalkov, Sil’nitskij, 1969]) : comme
en d’autres langues, dans la majorité des cas cette valeur est fonction du sens
du radical verbal : le causatif peut être factitif (vi fuÉnu ‘se gonfler’ – vc
laÉfuÉnu ‘faire gonfler’) et permissif (vr doØgoÉ ‘se cacher’ – vc laÉdoØgoÉ
‘permettre de se cacher’), immédiat (de contact : vi feÉreke ‘s’embrouiller’ – vc
laÉfeÉreke ‘embrouiller’) et distant (vi faÉra ‘se séparer’ – vc laÉfaÉra ‘séparer’).
Il n’est pas rare pour le causatif de rendre la valeur d’« assistif » (vr baÉnban
‘essayer, s’efforcer’ – vc laÉbaÉnban ‘sou-
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tenir, être préoccupé du succès de’ ; vi baÉnge ‘accoucher’ – laÉbaÉnge
‘assister à l’accouchement’). Pourtant, un même radical peut aussi combiner
plusieurs nuances du sens causatif : vi baÉlan ‘être en retard’ – vc laÉbaÉlan
‘retenir, retarder – avec ou sans contact physique (causatif immédiat ou
distant) ; vi duÉlon ‘s’accrocher, se suspendre’ – vc laÉduÉlon ‘suspendre’ (le
causatif immédiat factitif) ; aider à s’accrocher (l’assistif).
3.3.5. Comme cela a été remarqué plus d’une fois dans les travaux
précédents sur les langues manding, les causatifs morhologiques sont aptes à la
transformation passive :
vi ZaØnkoÉlon
boÉlo-kolon-ya-ra fýÉ
kaØ daÝn Ø
tÿØmÿ.
Zan-bon=à=rien main-vide-vn-acc jusqu’à inf limite-art dépasser
‘Zan-l’idiot s’enfonça dans une misère incroyable’. → vc TeØre juÉgu Ø yeÉ
ZaØnkoÉlon laÉboÉlonkolonya. ‘Le mauvais (juÉgu) sort (teØreÉ) enfonça Zanl’idiot dans la misère’. → vi2 ZaØnkoÉlon laÉbolokolonyara teØre juÉgu Ø fÿØ.
‘Zan-l’idiot fut amené par le mauvais sort jusqu’à la misère’.
Nous n’avons trouvé aucune restriction pour la formation de la forme
passive des causatifs morphologiques.
3.3.6. Certains verbes susceptibles de dérivation limitative sont aptes à
s’adjoindre le préfixe laÉ- ; mais dans ce cas, le sens, les structures syntaxiques
et les rôles sémantiques de la forme résultante (vcl) sont les mêmes (ou
presque) que ceux des transitifs limitatifs non-préfixés :
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vi ˜aØgaleÉn SuÉko yeÉ kýØrýtÿÉ Ø
bi°la
™ÿÉgÿn Ø
naÉ
Niagalen Souko acc procédé-art mettre douchière-art dans
kaØ saØgon koÉko Ø
kuØnnaÉ.
inf sauter murette-art par-dessus
‘Niagalen Souko laissa le procédé magique dans la douchière et sauta pardessus la murette’. → ... kaØ koÉko Ø saØgon/laÉsaØgon. (même sens)
Ces exemples peuvent témoigner du processus d’érosion de la valeur
causative du préfixe laÉ- qui tend à se transformer en bambara en un marqueur
de transitivité.
vi PaÉnkurun Ø paÉn-na kaØ TuÉmutu
sÿÉgÿrÿ.
avion-art
voler-acc inf Tombouctou diriger
‘L’avion décolla et se dirigea vers Tombouctou’. → vtl PaÉnkurun Ø yeÉ
Banjagara kuØluÉ Ø paÉn kaØ suØuli. ‘L’avion survola le plateau (kuØluÉ)
Bandiagara et descenda (suØliá)’. → vcl PaÉnkurun Ø yeÉ BaØmaký laÉ-paÉn kaØ
ji°gián duØguÉ Ø niá woØroduÉgu Ø cÿÉ. ‘L’avion survola Bamako et atterrit (ji°gián) su
sud (woØroduÉgu )Ø de la ville’.
Cf. la dérivation causative « normale » : →
vt Bi°nkannikÿlaÉ Ø yeÉ paÉnkurun Ø paÉn
dýÉrýn,
agresseur-art
acc avion-art
faire=dé cller seulement
aØ kaØba keÉlen kaÉri-la
kaØ bi°n.
son aile un
se=détacher-acc inf tomber
‘A peine l’agresseur fit décoller l’avion, une aile se détacha et tomba’ →
NÁ
baÉlima, iá
kaÉ dýØnkiáli Ø yeÉ gi°ngián Ø
mon parent ton pos chanson-art acc hibou-art
laÉ-paÉn
fuÉratu Ø
kýÉný !
caus-s’envoler bosquet-art dans
‘Ma chèrie, ton chant a fait s’envoler l’hibou dans la forêt !’