Diététique originelle et Plaisirs sauvages

Transcription

Diététique originelle et Plaisirs sauvages
Jean-Jacques Sylvanneaux
Diététique originelle
et Plaisirs sauvages
Retrouver la saveur
de nos aliments !
Préface du Docteur Georges Mouton
Ce pictogramme mérite une explication. Son objet est d’alerter le
lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit, particulièrement dans le domaine de l’édition technique et universitaire,
le développement massif du PHOTOCOPILLAGE.
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© marco pietteur, éditeur
ISBN 978–2–87211–128–2
Dépôt légal mars 2014/5053/X
39, avenue du Centenaire — B-4053 Embourg (Belgique)
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« Zum Problem des Person-Seins »,
Éditions SOCRATES (épuisé)
Actuellement, ces ouvrages ne sont
disponibles que par l’intermédiaire de :
[email protected]
3 4
PRÉFACE PRÉFACE
Je dois vous avouer que ce merveilleux petit livre écrit
par Jean-Jacques Sylvanneaux est un des rares ouvrages
ayant trait à la santé ou à la médecine que je sois parvenu
à lire dans son intégralité, du premier au dernier mot,
quasiment sans interruptions.
Je ne peux pas vous expliquer à quoi tient cet envoûtement. Peut-être le style si soigné, dont le charme un peu
désuet me rend jaloux : je voudrais pouvoir écrire aussi
clairement et exprimer mes pensées aussi précisément
sans ennuyer le lecteur !
J’ai aimé la fraîcheur des idées, incontestable héritage
du travail considérable entrepris par un ingénieur mathématicien qui a ainsi échappé au moule rigide imposé aux
gens du milieu médical. Il évite l’impact inquiétant de la
pensée dogmatique infiltrant l’enseignement propre à
tous les métiers de la santé ; ces derniers sont incontestablement « sous influence ».
De multiples formations pointues parfaitement complémentaires lui ont donné les connaissances nécessaires
sans pervertir sa capacité de raisonner à partir des faits
bruts.
Et puis, comment résister à l’association des mots retrouvés dans le titre ? « Originel » et « sauvage », voilà qui
est dans l’air du temps alors qu’on ne parle que d’aliments de saison, si possible produits localement par les
méthodes les plus naturelles !
La rencontre d’une pensée aussi moderne et d’un style
aussi traditionnel a créé chez moi un véritable enthousiasme, une bouffée d’air pur à l’antithèse des âneries lues
5 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
et relues dans l’univers diététique conventionnel qui ne
fait plus que brasser des dogmes convenus.
En plus, cerise sur le gâteau (oh !), le titre de l’ouvrage
nous indique qu’il va s’agir de « plaisirs » ! Pour un peu,
on aurait oublié que l’acte de manger ne doit jamais être
dissocié du plaisir, celui que je vous invite à retrouver au
plus vite en lisant ce qui suit…
Et bon appétit !
Docteur Georges MOUTON.
6
AVERTISSEMENT AVERTISSEMENT
N’étant pas médecin, ni nutritionniste patenté, je
ne me permettrai pas d’asséner des « vérités » du haut
d’une « autorité » reconnue par des diplômes spécifiques.
Mais étant plus modestement ingénieur mathématicien,
j’utiliserai mes capacités de logique pour justifier ce que
j’affirme, à partir d’écrits scientifiques et de mes propres
expériences.
Il revient au lecteur d’apprécier la démarche et de peser
mes arguments.
S’il le veut vraiment, il pourra vérifier mes sources et surtout expérimenter par lui-même le plaisir, à la fois simple
et riche, qu’il trouvera à se nourrir en accord profond avec
notre nature d’être humain.
7 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
REMERCIEMENTS
Ma gratitude va d’abord à M. Gregorio Barroso D.O.,
ostéopathe, qui m’a fait connaître des auteurs essentiels
à mon étude, et qui, malgré ses tâches multiples et absorbantes, a généreusement pris le temps de relire mon
manuscrit.
Elle va tout autant à Mme Judith Reymann, docteur en
médecine, qui, en relisant mon texte, m’a éclairé de son
double point de vue de médecin et de mère de famille.
Elle va aussi aux autres lecteurs et lectrices qui, par leurs
corrections, petites ou grandes, ont contribué utilement
à cet ouvrage.
Elle va enfin à M. Alain Mahieu, qui, s’il n’a pas été
concerné par la rédaction de cet ouvrage, n’en a pas
moins été, par ses séminaires de Gastronomie Diététique,
le point de départ de mes réflexions sur le sujet.
8
« La souffrance engendrée par une idée
nouvelle est l’une des plus grandes que
peut connaître l’homme. Ses chères idées
pourraient être fausses ; sa nourriture
préférée, la cause de ses plus grandes
souffrances ! C’est un fait avéré que l’homme
trouve plus facile de croire le mensonge
mille fois répété que de s’incliner devant des
évidences dont il n’a jamais entendu parler. »
Daniel P. Reid.
9 10
INTRODUCTION INTRODUCTION
L’écureuil de nos forêts s’épanouit dans les arbres. C’est
son domaine. On l’aperçoit parfois filer de branche en
branche, puis s’arrêter soudain pour grignoter quelque
chose. Le Larousse indique qu’il se nourrit « surtout de
graines et de fruits secs ». Il est bien connu qu’il se régale
de noisettes. Il est aussi capable de les stocker. Et avec
le degré d’humidité adéquat. Mais il n’y a pas que les
noisettes et autres fruits secs. Libre comme l’air, ce petit
rongeur peut grappiller à l’occasion d’autres aliments végétaux et même des œufs de passereaux. Suivant sa fantaisie ? Non : suivant son instinct. Et celui-ci ne le trompe
jamais, tout au moins s’il vit dans une nature intacte.
Goûte-t-il à un champignon ? Il saura s’arrêter à temps.
Il n’a cependant rien appris : son instinct lui suffit. Il est
capable ainsi de maintenir son homéostasie, c’est-à-dire
sa vitalité, sa santé, son autonomie, jusqu’à ce que l’âge
ou un prédateur ait raison de son existence.
J’ai eu plus d’une fois l’occasion de me promener dans
la jungle de Thaïlande à dos d’éléphant. Ce pachyderme a
besoin chaque jour d’une énorme masse de végétaux. Ses
molaires, grosses comme des pavés, peuvent broyer sans
mal les plantes les plus ligneuses. Mais il a tout de même
ses préférences. Et je me rappelle une excursion, sans but
précis, où chaque mahout laissait aller sa monture à peu
près à sa guise, de sorte que les éléphants, furetant un
peu partout à l’aide de leur incomparable odorat, s’arrêtaient pour déguster leurs plantes favorites. Ici aussi, c’est
l’instinct alimentaire qui reparaissait chez ces animaux
domestiqués, même si cette connaissance olfactive des
végétaux qui les nourrissent est en partie transmise d’une
génération à l’autre.
11 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Chaque animal dans son milieu naturel y est adapté
depuis que son espèce existe, c’est-à-dire depuis des dizaines ou même des centaines de milliers d’années sinon
plus, et par conséquent il est adapté aussi à la nourriture
fournie par ce milieu. Il y prélève naturellement, d’instinct
– où se mêle parfois une part d’acquis transgénérationnel – un certain nombre d’aliments, souvent plus variés
qu’on ne l’imagine, et dont l’ensemble constitue ce qu’on
appelle sa plage alimentaire, grâce à laquelle il vit en équilibre avec son milieu.
Prenons un exemple plus proche de nous. Quelle est
la plage alimentaire de la vache ? Que mange-t-elle au
juste ? De l’herbe, tout simplement, dira-t-on. Ce n’est
pas si simple. En plus de l’herbe, il peut pousser dans une
prairie beaucoup d’autres végétaux très différents. Les ruminants ont besoin de cette variété. Et même un peu de
feuilles d’arbres, ce qui manque à nos vaches, le plus souvent, car personne n’accepte volontiers qu’elles abîment
les arbres. Il y a plus : la vache mange aussi des animaux !
De tout petits bien sûr, bien malgré elle. Des escargots,
des insectes et autres petites bestioles qu’elle avale à
chaque bouchée. Elle ne fait pas le tri, elle ne les sépare
évidemment pas des végétaux qu’elle broute. On pourrait considérer cette consommation d’animalcules comme
accidentelle, accessoire, nullement nécessaire à l’équilibre
physiologique de la vache. Mais l’expérience a été faite :
si l’on nourrit du bétail en éliminant soigneusement de sa
nourriture toute trace de ces petites bêtes, il ne se porte
pas bien… Non : ces bestioles aussi, fût-ce en très petite
quantité, font partie de la plage alimentaire de la vache.
D’ores et déjà, les idées préconçues apparaissent comme
particulièrement néfastes en matière d’alimentation, car
lourdes d’erreurs potentielles.
12
INTRODUCTION En voici un autre exemple. On élève aussi du bétail en
Afrique, en Asie ou en Amérique tropicale, là où règnent
de grands carnivores, qu’il s’agisse de lions, de tigres ou
de jaguars. Et si une vache tombe sous les griffes d’un
de ces prédateurs, que constate-t-on ? On retrouve la carcasse éventrée. C’est le ventre que ces félins déchiquètent
d’abord. Ce sont les boyaux pleins de végétaux déjà digérés qu’ils dégustent en premier lieu. Ce qui veut dire
qu’ils ne sont pas aussi carnassiers qu’on l’imagine. Un
peu de végétaux leur fait du bien, à condition qu’ils soient
déjà traités par des enzymes digestifs que les carnivores
ne possèdent pas. Ce ne sont donc pas les mangeurs de
viande exclusifs que l’on croit.
Tout ceci montre à quel point il convient d’être nuancé
lorsqu’on parle d’alimentation.
Selon toute apparence, les animaux sauvages, lorsqu’ils
s’alimentent librement dans le milieu qui est le leur,
éprouvent beaucoup de plaisir à le faire. Il est évidemment
difficile d’être affirmatif quant à ce que ressentent les animaux. On peut simplement dire que le plaisir est une composante des plus plausibles du mécanisme de l’instinct. Il
y a tout de même un moyen de mieux se rendre compte
de ce qu’il en est. C’est d’observer un chat, qui est, de
tous les animaux familiers, le plus récemment domestiqué et donc le moins « perverti » dans son instinct. S’il a
faim, il mangera ce qu’on lui donne, même si l’aliment
proposé est loin de son idéal. Mais si on lui met sous le
nez une viande fraîche dont il raffole, on pourra deviner
le plaisir qu’il met à la déguster non seulement à son empressement mais plus remarquablement encore aux grondements particulièrement désapprobateurs qu’il émet si
on l’écarte de l’aliment convoité…
13 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Venons-en à l’être humain. C’est le but de cet ouvrage.
Quelle est donc sa plage alimentaire ? Elle est difficile à
définir exactement de prime abord, c’est le moins qu’on
puisse dire. Et c’est bien pourquoi il y a tant d’écoles de
pensée différentes à cet égard. D’où vient cette difficulté ?
Elle provient essentiellement de ce que la lignée des hominiens s’est prolongée jusqu’à nous avec une étonnante
persévérance depuis des millions d’années à travers des
milieux naturels différents, auxquels leur encéphalisation
croissante les a menés à s’adapter envers et contre tout.
Il n’y a donc pas eu un milieu naturel auquel ils se sont
adaptés, mais plusieurs successivement. Et ces passages,
ces changements ont laissé des traces. Pour les comprendre, il faut d’abord jeter quelques regards sur notre
lointaine histoire.
14
ADAM ET ÈVE CHASSÉS DU PARADIS Adam et Ève
chassés du Paradis
Les premiers mammifères de la famille des hominidés
vivaient dans des forêts tropicales chaudes et humides.
Dans un tel milieu, les fruits sont abondants toute l’année. Ils constituaient la première source de nourriture,
laquelle se composait aussi de plantes diverses, notamment de jeunes pousses, ainsi que d’insectes et autres
petits animaux. Ce régime était proche de celui des singes
anthropoïdes actuels. Cette situation, somme toute assez
paradisiaque, durait déjà depuis très longtemps, depuis
l’époque où la différentiation des primates n’avait pas
encore eu lieu. Elle a prévalu pendant des millions d’années et n’a commencé à se modifier qu’il y a trois millions
d’années environ.
Les premiers hominiens – ardipithèques puis australopithèques – se sont constitué ainsi un système enzymatique adapté à la digestion d’aliments déjà assez variés,
mais surtout des fruits. Pour l’essentiel, ce système enzymatique s’est maintenu jusqu’à nous, et ceci explique
l’aisance avec laquelle nous pouvons assimiler les fruits.
L’expérience le montre clairement : si nous en mangeons,
tout au moins d’une seule sorte à la fois, nous les digérons très vite, très facilement.
Ainsi, les premiers hominiens étaient d’abord des frugivores. Certains en ont conclu que nous le sommes restés,
tels quels, et que nos enzymes n’ont pas changé depuis ce
temps-là. C’est là une conclusion hâtive, car il s’est passé
bien des choses depuis la luxuriance de cette première
époque.
15 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Il y a environ 2 500 000 ans, des modifications climatiques ont entraîné une diminution progressive des forêts,
qui se sont finalement réduites à des lambeaux, ou à des
cordons le long des rivières, et cela sur la plupart des territoires où vivaient les premiers hominiens. Ceux-ci ont dû
s’adapter à une savane arbustive qui était loin de l’abondance végétale originelle. C’est alors que, progressivement, ils ont commencé à adopter la bipédie, qui libère les
mains, optimise la dépense énergétique de la locomotion,
diminue la surface du corps exposée au soleil, et permet
de mieux voir le danger – par exemple, d’apercevoir audessus des hautes herbes les éventuels prédateurs.
Comment leur alimentation a-t-elle évolué ? La savane
est beaucoup moins riche en fruits que la forêt. Ces derniers ne pouvaient plus constituer comme auparavant
une grande partie de la nourriture. Les insectes et les mollusques, eux aussi, devaient être plus difficiles à dénicher.
Il fallait trouver autre chose. Mais quoi ? Il y avait bien
quelques racines, quelques herbes comestibles, et encore
quelques baies, qui pouvaient encore assurer une part
non négligeable de la nourriture. Mais cela ne pouvait pas
suffire.
Si affreux que cela puisse paraître aux humains que
nous sommes devenus, il n’y avait plus alors qu’une seule
source relativement abondante de nourriture et surtout
de protéines : la charogne ! Eh oui ! Voilà ce qu’il en coûte
d’être « chassé du paradis » ! C’est-à-dire de la chaude et
maternelle abondance des forêts tropicales.
Et pourquoi, après tout, nos lointains ancêtres l’ont-ils
quitté, ce paradis ? Ils auraient pu y rester, comme l’ont
fait leurs cousins les gorilles par exemple. Mais n’oublions
pas que les forêts se rétrécissaient à l’extrême. D’ailleurs
16
ADAM ET ÈVE CHASSÉS DU PARADIS les gorilles sont très peu nombreux sur la Terre. Les ancêtres des hommes furent-ils contraints et forcés ? Ou
bien – qui sait ? – furent-ils poussés par une impulsion
vers la connaissance, vers la nouveauté ? Tout s’est passé
comme si cette branche singulière des mammifères avait
évolué à travers toutes les vicissitudes, climatiques et
autres, de l’existence terrestre, de manière à développer
un organe particulier : leur cerveau. Celui-ci leur donnait
un avantage adaptatif et leur a permis in fine de conquérir
tous les milieux.
17 18
COMMENT EN ES T-ON ARRIVÉ LÀ ? (POUR N OURRIR UN CERVEAU…) Comment en est-on arrivé là ?
(Pour nourrir un cerveau…)
Le cerveau est gourmand en énergie. Or, il est une loi
biologique qui dit que le métabolisme basal (c’est-à-dire
l’énergie nécessaire au fonctionnement des organes
du corps au repos) est fonction uniquement du poids
du corps. (C’est la loi de Kleiber : plus précisément, le
métabolisme basal est proportionnel à W0,75, où W est
le poids.) Donc, pour un poids donné, le métabolisme
basal est déterminé. Si un organe réclame plus d’énergie, il faut bien qu’il y en ait un autre qui en demande
moins. Reste à savoir lequel, ou lesquels.
Le foie ? Sûrement pas : indispensable à la détoxination, il est bien trop important en cette période de transition où l’on essaie du neuf. Les reins ? Non plus, pour
des raisons analogues. On peut ainsi passer en revue les
différents organes du corps et il semble bien que le seul
qui ait pu s’adapter dans le sens d’une consommation
énergétique diminuée, c’est-à-dire d’une diminution de
taille, soit le gros intestin.
Le Professeur José Enrique Campillo Álvarez, dans son
ouvrage « El mono obeso » (p. 74), compare les tailles
respectives des organes digestifs de l’homme, du chimpanzé, du gorille et de l’orang-outang, et il montre ainsi
que la taille relative du gros intestin est effectivement
moindre chez l’être humain.
Cette réduction de taille a comme conséquence de
diminuer les possibilités de fermentation bactérienne.
Citons ici le Docteur Campillo Álvarez. « Les hydrates de
carbone que contiennent en grandes quantités les végé19 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
taux, comme la cellulose, les pectines, les gommes et la
lignine, ont une structure chimique et des liens moléculaires si particuliers qu’aucun mammifère ne produit
d’enzyme capable de les digérer. » (ibid. p. 65) « Pour
qu’un animal soit capable d’extraire l’énergie d’un aliment végétal fibreux, il doit disposer, dans son appareil
digestif, d’un organe creux assez grand pour que des
bactéries puissent y faire fermenter les végétaux ingérés. » (p. 65) (C’est le cas chez les ruminants.) « On a calculé que chez les premiers hominidés, la fermentation
des fibres dans le gros intestin pouvait fournir jusqu’à
50 % de leur énergie. » (p. 75). Tandis que le gros intestin humain actuel « est insuffisant pour que des bactéries y agissent efficacement dans ce sens » (p. 76). Du
reste, le gros intestin, chez l’homme actuel, ne sert plus
guère qu’à réabsorber l’eau et à organiser l’évacuation
des déchets.
Il ressort de tout ceci que la capacité digestive des
hominiens, au cours de cette première évolution, avait
nettement tendance à baisser. Comme leurs besoins
énergétiques ne diminuaient pas, bien au contraire, il ne
leur restait plus qu’une solution : disposer d’une nourriture plus facile à digérer.
Il ne faut pas perdre de vue que la digestion des végétaux crus, hormis les fruits juteux bien mûrs, nécessite soit une fermentation, dont l’efficience a fini par
disparaître comme on vient de le voir, soit un broyage
mécanique efficace, ou tout autre moyen qui permette
de venir à bout de la structure cellulosique de ces végétaux. Chaque cellule végétale, en effet, défend, par des
parois coriaces, l’accès aux précieux nutriments qu’elle
renferme.
20
COMMENT EN ES T-ON ARRIVÉ LÀ ? (POUR N OURRIR UN CERVEAU…) Pour faciliter le travail du système digestif, il y avait
plusieurs moyens.
Il y avait, bien sûr, la cuisson, qui à certains égards
peut être considérée comme une pré-digestion, et qui a
le grand avantage de démanteler les parois de cellulose,
mais elle n’est intervenue que beaucoup plus tard et
n’est pas sans inconvénients : nous y reviendrons.
Un autre moyen est tout simplement la mastication.
Mais bien triturer les aliments suppose des mouvements
en tous sens des mâchoires, et notamment latéraux. Ces
mouvements latéraux ne sont pas possibles tant que les
mâchoires comportent encore des canines développées
comme des crocs (ce que beaucoup de singes possèdent
encore aujourd’hui). De telles dents, en effet, lorsque
la bouche se ferme, doivent nécessairement disposer
d’un creux dans la mâchoire opposée pour s’y glisser,
et ceci interdit tout mouvement latéral. (Il suffit pour
s’en convaincre d’examiner la gueule des chiens ou des
chats.) Donc, pour bien mâcher, il fallait d’abord abandonner cette arme que sont les crocs. Ce fut bien le cas
déjà des premiers hominidés.
Remarquons que les animaux ne mastiquent jamais
très longuement leurs aliments. Les carnassiers ne le
peuvent pas (à cause de leurs crocs) et n’en ont pas
besoin, car la viande, dépourvue de cellulose, ne le
nécessite pas. Observons des chats ou des chiens : ils
se contentent de scinder la viande en morceaux assez
petits pour être avalés ; quelques brefs mouvements
des mâchoires leur suffisent pour cela. Les autres animaux mâchent sans doute un peu plus, mais pas très
longuement tout de même, car cela prend du temps, et
le bruit que cela génère diminue la faculté de percevoir
21 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
les bruits ambiants ; n’étant pas des prédateurs, ces animaux sont toujours plus ou moins sur le qui-vive et ne
peuvent se permettre de passer trop de temps à cette
opération. C’est d’ailleurs pour cela que les ruminants
ont développé le moyen de la différer ; quand ils se
sentent en relative sécurité, ils se disposent en groupe
en position de repos – les regards des différentes bêtes
balayant tout l’horizon : observons les vaches ! – et c’est
alors seulement qu’ils se mettent à ruminer à l’aise.
Il apparaît ainsi que la mastication prolongée est l’un
des traits distinctifs de l’hominisation. Elle suppose à
tout le moins une organisation sociale embryonnaire,
suffisante pour assurer la sécurité du groupe pendant
qu’il se nourrit. Bien mâcher est proprement humain.
Nous pouvons, si nous le voulons, faire des végétaux
que nous mangeons une bouillie quasiment liquide susceptible d’être digérée d’autant plus facilement. « Drink
your food » disent les Hindous végétariens…
Notons en passant que la mastication favorise d’autant plus la digestion qu’elle « provoque également
des sécrétions anticipées, gastriques, pancréatiques et
biliaires » (Jacques Médart, Manuel pratique de nutrition, p. 21).
Ceci dit, le moyen le plus direct de faciliter la digestion est tout simplement de contourner l’obstacle que
constitue la présence de cellulose dans les végétaux,
autrement dit de se tourner plutôt vers une nourriture
issue du règne animal.
Nous avons vu plus haut que c’est bien ce qui s’est
passé. Les preuves paléontologiques de ce fait sont
bien établies (cf. Sillen, Eaton & Konner, etc… ainsi
22
COMMENT EN ES T-ON ARRIVÉ LÀ ? (POUR N OURRIR UN CERVEAU…) que : beyondveg.com). Il suffit par exemple de mesurer la concentration dans les ossements découverts de
l’isotope 15N ; plus elle est élevée, plus grande était la
consommation de protéines d’origine animale. (On peut
aussi mesurer le rapport calcium/strontium dans les os.)
À partir de l’Homo ergaster, les aliments d’origine animale deviennent prépondérants, et cela a duré environ
un million et demi d’années (cf. Campillo, op. cit., p.
114, et beyondveg.com). Les hominiens sont devenus,
non des carnivores purs, mais tout de même des omnivores à prédominance carnivore. Alors qu’au départ, ils
étaient principalement frugivores ! Cette évolution, en
quelque sorte contradictoire, fait partie des singularités
du phénomène humain, au même titre que le développement du cerveau. Comme nous l’avons vu, les deux
vont ensemble, et l’accroissement de l’intelligence a pu
aider à gérer cette évolution.
Ce fut très lent. Nous imaginons volontiers nos lointains ancêtres comme des chasseurs. Mais la chasse
exige soit des armes naturelles – griffes, crocs – dont
ils étaient dépourvus, soit des armes artificielles –
lances, haches – qu’ils ont mis beaucoup de temps à
élaborer. Sans compter que les hominiens avaient des
concurrents – félins et autres – beaucoup mieux armés
et plus aptes à la course. Ceci n’a pu être compensé
que par une organisation sociale particulière qui n’est
pas tombée du ciel… En attendant cette maturation de
l’intellect et de la socialisation, il ne s’offrait qu’une possibilité : exploiter les restes abandonnés par les grands
carnassiers. Ces restes, il fallait d’abord les repérer, puis
les dépecer, et enfin les partager. Rien que cela a exigé
le développement d’une certaine organisation sociale.
Voilà donc comment nos lointains ancêtres ont été des
23 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
charognards… Les preuves de la réalité de ce stade
évolutif ne manquent pas. Elles sont fournies par les
marques laissées sur les os des proies : on y retrouve
l’intervention des carnassiers qui les ont tuées, puis celle
des charognards et enfin celle – les outils tranchants de
pierre taillée – des hominiens (dans l’ordre chronologique). Nos ancêtres laissaient la priorité aux hyènes !
Cela paraît indigne mais c’est ainsi… ( Cf. Campillo, op.
cit., p. 118).
24
LES CONSÉQUENCES D E N OTRE LOINTAIN PASSÉ D E CARNASSIER Les conséquences de notre
lointain passé de carnassier
Ainsi donc, nos lointains ancêtres n’ont commencé à
chasser qu’après une longue et obscure période où ils
se sont nourris en majeure partie de carcasses et autres
restes. Pour être complet, il faut encore ajouter la pêche,
quoiqu’elle ait été plus tardive. Elle a sans doute joué un
grand rôle dans le développement de l’intellect. Ce n’est
pas par hasard que la lignée qui a mené à l’Homo sapiens
est issue de cette région lacustre d’Afrique orientale, où
foisonnaient mollusques et crustacés. Ceux-ci fournissent
en abondance des acides gras poly-insaturés à longue
chaîne qui ont joué un rôle essentiel dans l’assouplissement des neurones et la complexification du cerveau, en
particulier l’acide docosahexaénoïque (DHA) qui est à cet
égard l’acide gras le plus important, le sommet de la série
des fameux oméga-3.
Une étude parue en 1999 (M.A. Crawford, et al.:
« Evidence for the unique function of docosahexaenoic
acid during the evolution of the modern hominid brain »)
le montre clairement. Ces chercheurs expliquent que l’accroissement de taille et de fonctionnalité du cerveau des
hominidés a été étroitement dépendante des sources de
DHA au point qu’elle ne pouvait avoir lieu qu’au bord de
rivages riches en mollusques et crustacés, donc au bord
de la mer ou dans des régions lacustres. Ils affirment
que la récolte de ces petits animaux aquatiques – souvent effectuée par des femmes – a dû précéder la chasse,
laquelle supposait une structuration du cerveau un peu
plus avancée.
25 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Quelle qu’ait été la part respective – variable au cours
de l’évolution – de la charogne, des produits de la chasse
et de ceux de la pêche, il est clair que, pendant plus d’un
million d’années, l’alimentation des hominiens avait pour
base dominante la chair animale.
Sur une période aussi longue, l’adaptation génétique
a pu avoir lieu. Il n’est pas correct de prétendre que nos
gènes n’ont pas pu changer depuis le « paradis » initial ;
cent ou deux cent mille ans, en effet, sont un intervalle de
temps suffisant pour que des modifications conséquentes
de l’ADN puissent apparaître et celui que nous considérons a été beaucoup plus long encore.
C’est un fait que nos enzymes se sont adaptés dans une
large mesure et donc aussi les gènes qui sont la source
de leur synthèse. La preuve en est que ce lointain passé a
laissé en nous des traces bien marquées.
La plus remarquable est la persistance dans le haut de
notre intestin grêle (duodénum et jéjunum) de sites spécifiques de réception du fer hémique, en d’autres termes
du fer contenu dans le sang des animaux dont nous mangeons la chair. (Cf. Conrad M.E. et al., 1967, ainsi que
Grasbeck R. et al., 1979.) Du reste, il est notoire que le fer
fourni par la viande rouge – dû, il est vrai, non seulement
à l’hémoglobine mais aussi à la myoglobine des fibres
musculaires – est bien plus assimilable que celui contenu
dans les épinards.
Autre témoin, la taurine est une sorte d’acide aminé
soufré qui n’est pas considéré comme « essentiel » en ce
sens que nous disposons des enzymes nécessaires pour
le synthétiser à partir des acides aminés dits essentiels,
lesquels doivent, par définition, être présent dans notre
26
LES CONSÉQUENCES D E N OTRE LOINTAIN PASSÉ D E CARNASSIER alimentation. La taurine est importante dans la gestion
du magnésium par les cellules ; on l’a appelée « l’épargneur » du magnésium ; elle a beaucoup d’autres fonctions (cf. Huxtable, 1992). Si, en principe, nous pouvons
nous passer d’en ingérer, encore faut-il disposer en quantité suffisante des enzymes nécessaires pour la synthétiser.
Qu’ils soient présents est une chose, qu’ils se trouvent en
abondance en est une autre. En réalité, cette synthèse a
quelque chose de laborieux. Elle peut devenir assez lente
chez les personnes âgées par exemple. Elle est limitée de
toute façon, et cela par manque de pression de sélection.
En effet, il y a de la taurine en abondance dans les tissus
animaux, mais beaucoup moins dans les plantes (1000
fois moins d’après Huxtable). Que la quantité disponible
des enzymes nécessaires soit limitée provient de ce que le
besoin de ces enzymes s’est restreint par une longue habitude héréditaire de manger de la viande. Il s’en est fallu de
peu que ces enzymes ne se perdent. Chez les carnivores,
ils ont tout simplement disparu. Un chat, par exemple, ne
peut pas synthétiser la moindre molécule de taurine ; il
doit trouver ce nutriment dans son alimentation.
De même, la vitamine A peut être synthétisée à partir
du béta-carotène. C’est très simple : la molécule de bétacarotène est scindée en deux molécules de vitamine A ;
un seul enzyme suffit pour ce faire. Encore faut-il l’avoir.
Et en quantité suffisante. Le béta-carotène, qui du reste
est utile en lui-même, se trouve en abondance dans les
végétaux ; il y est même très visible puisque c’est lui qui
donne la belle couleur chaude des abricots, des mangues,
etc.. La plupart des auteurs, quand ils mentionnent la teneur en vitamine A des différents végétaux, indiquent en
réalité celle en béta-carotène. Il ne faut pas s’y tromper.
Sa transformation en vitamine A n’est pas si automatique
qu’on le sous-entend. Par contre, la vitamine A se trouve
27 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
directement dans beaucoup d’aliments d’origine animale.
Encore une fois, que l’enzyme de synthèse soit peu abondant montre que la pression sélective pour sa possession
s’est relâchée du fait d’une nourriture carnée devenue
habituelle tout au long des générations. Et pas plus que la
taurine, un chat ne peut synthétiser la moindre molécule
de vitamine A à partir du béta-carotène : il est tout à fait
vain de lui donner une pâtée à base de carottes…
En ce qui concerne les acides gras poly-insaturés, la situation est analogue mais elle est plus sérieuse.
Rappelons d’abord de quoi il s’agit. La plupart des
graisses sont constituées d’acides gras. Ceux-ci sont dits
insaturés lorsque leurs molécules présentent une ou plusieurs liaisons doubles. Celles-ci peuvent devenir simples
par hydrogénation. Un tel acide gras est alors saturé en
hydrogène. De là vient cette appellation. Les acides gras
qui possèdent plus d’une liaison double sont dits polyinsaturés. Ils sont de deux types : les oméga-6 et les oméga-3. (Cette appellation fait référence à la position dans la
molécule de la première liaison double.) Dans la lignée des
oméga-6, l’acide gras de base – le chef de file, en quelque
sorte – est l’acide linoléique (noté LA). Dans la lignée des
oméga-3, c’est l’acide alpha-linolénique (noté ALA ou
LNA). Ces deux acides gras sont dits essentiels parce que
nous ne pouvons les synthétiser, nous devons les trouver
dans notre nourriture, et en proportions convenables. Les
acides gras qui en dérivent peuvent être synthétisés par
l’organisme. Du moins en principe… Il s’agit surtout, dans
la lignée des oméga-6, de l’acide arachidonique (AA), et,
dans la lignée des oméga-3, de l’acide eicosapentaénoïque (EPA) et de l’acide docosahexaénoïque (DHA).
28
LES CONSÉQUENCES D E N OTRE LOINTAIN PASSÉ D E CARNASSIER Pour que cette synthèse se fasse, il faut d’abord que
les « ingrédients » (LA et LNA) soient en quantités suffisantes, ce qui n’est pas toujours le cas. Il faut encore que
les enzymes indispensables soient, eux aussi, suffisamment présents. Comme pour la taurine et la vitamine A, il
faut constater une fois de plus une relative carence de ces
enzymes. De nouveau par manque de pression de sélection : les deux acides gras insaturés de base se trouvent
dans les végétaux mais pas les acides gras dérivés qui ne
se trouvent que dans les tissus animaux, et même surtout,
en ce qui concerne les oméga-3, dans les fruits de mer et
en particulier les poissons gras. Le taux de conversion de
LNA en DHA varie avec l’état de santé de la personne et
surtout avec son âge, et il faut noter que si les nourrissons, dès la première semaine, disposent des enzymes nécessaires, ce taux peut tout de même être considéré chez
eux comme « inadéquat » (dixit Salem N. et al., 1996).
Il faut du temps pour que se forme le système enzymatique d’un enfant !… D’autre part, le taux de DHA chez
les végétariens n’est que la moitié ou même le tiers de
celui des non-végétariens. Sans doute ce taux dépasse-t-il
le minimum admissible, mais est-il optimal ? Le problème
n’est pas à négliger, vu l’importance du DHA dans le développement du cerveau des enfants. Les femmes enceintes
ou allaitantes, en particulier, devraient manger souvent
des sardines et autres poissons gras… De même, en prenant comme critère le taux d’EPA dans les plaquettes
sanguines, des chercheurs australiens (D. Li, N.J. Mann,
A.J. Sinclair : « Comparison of n-3 polyunsaturated fatty
acids from vegetable oils, meat, and fish in raising platelet
eicosapentaenoic acid level in humans ») ont montré que
« 70 mg/j d’EPA était plus efficace que 3,7 g/j d’ALA (huile
de lin ou de colza) et presque aussi efficace que 15,4 g/j
29 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
d’ALA ». On voit bien la faiblesse du taux de conversion
d’ALA en EPA (lui-même précurseur du DHA).
Dans les trois cas considérés ci-dessus, on retrouve le
même scénario : une substance étant ingérée largement
alors qu’elle n’est pas essentielle (en ce sens qu’elle peut
être obtenue dans nos cellules par réaction enzymatique),
les enzymes qui la synthétisent se retrouvent, en quelque
sorte, au chômage. Ils tendent à disparaître. Parfois, ils
disparaissent tout à fait. Par exemple, il existe une série
d’enzymes qui, agissant chacun à leur tour, peuvent
opérer la synthèse de la vitamine C à partir du glucose.
Il nous en manque un. Un seul ! Il en résulte que nous
devons trouver la vitamine C dans notre alimentation,
comme les autres primates, comme les cochons d’Inde,
quelques oiseaux, poissons et chauve-souris, et contrairement à tous les autres animaux. Certains diététiciens le
déplorent – on les comprend quand on connaît les vertus
de la vitamine C : nous y reviendrons – et vont jusqu’à
prétendre qu’il s’agit là d’une malencontreuse « anomalie » de l’évolution. Pourtant, un tel phénomène constitue
en fait un avantage évolutif, dans la mesure où la chaîne
enzymatique qui disparaît représente en réalité un travail
métabolique en moins1. La nature est ainsi faite : toute
fonction devenue inutile voit s’atrophier et puis disparaître les organes qui l’assuraient.
Reste à parler de la fameuse vitamine B12 – la cobalamine – qui suscite beaucoup de controverses. On sait
que l’apport quotidien recommandé se compte en microgrammes et que le foie – grâce aussi à un recyclage enté1. Dans ce cas particulier, on peut même conjecturer que le manque
relatif de vitamine C aurait diminué la capacité de contrer les radicaux libres, augmentant ainsi le nombre des mutations de l’ADN et
de ce fait le rythme de l’évolution… vers l’Homo sapiens.
30
LES CONSÉQUENCES D E N OTRE LOINTAIN PASSÉ D E CARNASSIER ro-hépatique – dispose normalement d’un stock de B12
qui en couvre les besoins pour trois à cinq ans. Ceci explique qu’une carence d’apport peut mettre beaucoup de
temps à se manifester. Une majorité de diététiciens considèrent d’office que les seuls sources possibles de B12 sont
d’origine animale. D’autres voient dans certaines plantes
(plutôt rares) une possibilité d’apport. Malheureusement,
il n’est pas certain que la cobalamine qui s’y trouverait
puisse être bien assimilée, d’abord, et ensuite jouer les
multiples rôles qu’on attend de la B12 (synthèse de la méthionine, de la choline, et même de l’ADN, contribution à
la formation de la myéline et surtout des globules rouges).
Il pourrait même s’agir de molécules qui miment l’aspect
de la B12, mais qui n’en sont pas vraiment. À ma connaissance, le débat n’est pas tranché. Ce qui est certain par
contre, c’est que l’authentique B12 est synthétisée par
des bactéries, que ce soit dans le sol, sur les racines des
plantes, dans les viscères des animaux, et aussi, chez
l’homme, dans le côlon. Ceci est rassurant à première
vue. Malheureusement, le site d’absorption de la B12 se
situe dans l’iléon, c’est-à-dire en amont… Quoiqu’il en
soit, il apparaît une fois de plus que nous sommes génétiquement adaptés à l’apport essentiellement – et peutêtre même strictement – non végétal d’un nutriment.
Pourtant, on a trouvé en Inde des sujets strictement (et
depuis toujours) végétariens qui ne manquaient pas de
B12. Certains chercheurs ont prétendu qu’ils ingéraient
quelques débris d’insectes dans leurs céréales et que cela
suffisait… Ceci paraît quelque peu tendancieux et reste
à vérifier. De toute manière, il faut bien reconnaître qu’il
n’y a pas d’argument pour affirmer a priori que la B12
ne peut pas être d’origine végétale. Mais comme il est
encore difficile d’affirmer le contraire en toute rigueur, il
vaut mieux être prévoyant…
31 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Finalement, il est permis de conclure que nous, êtres
humains, sommes génétiquement adaptés à la consommation de chair animale (viande, poissons, mollusques,
crustacés, insectes…), qu’on le veuille ou non. Chacun
peut en faire l’expérience : un repas de viande crue, à
l’état naturel, sans assaisonnement ni accompagnement,
se digère vite et très facilement, sans la moindre impression de lourdeur (si la quantité est raisonnable, bien sûr),
et cela même en la mâchant très peu. Je me place ici au
point de vue expérimental, et je ne prétends pas qu’un tel
repas soit à conseiller.
32
VIAND E ET POISSON : LE DÉCLIN Viande et poisson : le déclin
Pour les personnes qui sont végétariennes par principe,
il a dû être assez déplaisant sinon angoissant de lire les
pages qui précèdent. J’en suis désolé pour elles, mais je
préfère être d’accord avec des faits qu’avec des principes,
si généreux soient-ils. Nous examinerons plus loin les
raisons qui peuvent justifier le végétarisme et nous verrons qu’il y en a de très bonnes, mais qu’il s’y mêle aussi
quelques préjugés. Je m’empresse de dire dès maintenant que sous certaines conditions, d’ordre physiologique
d’abord mais aussi d’ordre psychique, une alimentation
végétarienne peut être pleinement justifiée, et que je ne
prendrai certainement pas parti, comme certains, pour ou
contre le végétarisme. Je me contenterai de poser le problème aussi complètement que possible.
De toute manière, si je considère la qualité de la viande
actuelle, je peux comprendre les végétariens. L’adaptation
génétique, dont j’ai parlé plus haut et dont la réalité est
incontestable, ne vaut que pour des viandes sauvages,
parfaitement naturelles.
La viande de boucherie, même de qualité biologique,
est beaucoup plus grasse (jusqu’à cinq fois plus !), le
rapport entre les graisses saturées et insaturées y est,
en moyenne, cinq fois plus élevé, et surtout, sa teneur
en acides gras poly-insaturés du type oméga-3 est tellement faible qu’on peut pratiquement la tenir pour nulle !
Cette mauvaise qualité de la graisse provient de ce que
les animaux sont parqués et ne courent pas suffisamment.
Même s’ils peuvent paître dans une prairie, ils sont encore
loin des efforts qu’implique la vie sauvage.
33 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
J’ai eu un jour l’occasion de goûter quelques tranches
d’une viande de porc crue qui était prodigieusement
délectable. L’expression peut paraître un peu forte, mais
mon étonnement ne l’était pas moins. Moi qui n’aimait
guère le porc, si l’on m’avait dit que je trouverais tant de
plaisir à en manger, je ne l’aurais pas cru. L’explication
est simple : le porc dont il s’agissait avait passé sa vie à
courir dans les montagnes d’Écosse. On ne sait pas assez
que c’est la qualité de sa graisse qui fait la saveur d’une
viande, et que cette qualité est fonction du mouvement
que se donnait l’animal concerné.
Il en est de même du poisson, bien évidemment. Et
malheureusement, la moitié de ceux qu’on trouve sur
l’étal d’une poissonnerie proviennent d’élevages. De tels
poissons, généralement nourris d’une manière sordide –
c’est un euphémisme – et manquant eux aussi de mouvement, perdent leurs qualités nutritives et gustatives. Voici
un exemple frappant. Le saumon est riche en oméga-3,
c’est bien connu. C’est le cas s’il est sauvage, donc s’il
est pêché. Et le saumon d’élevage ? Contient-il encore
des oméga-3 ? Oui, mais 40 fois moins ! (C’est le chiffre
avancé par J.-M. Bourre dans son livre « La vérité sur les
Oméga-3 », p. 134.)
Ainsi, la plupart des produits animaux disponibles
actuellement sur le marché ont perdu les qualités qu’ils
avaient à l’époque paléolithique et que l’on connaît bien
maintenant grâce aux travaux de scientifiques comme
Eaton. Il faut lire à ce sujet le célèbre article de S.B. Eaton
et M. Konner : « Paleolithic Nutrition. A consideration of
its nature and current implications. » (1985).
Dans ces conditions, quand un végétarien me dit : « Je
n’aime pas la viande », je crois qu’il s’agit tout simplement
34
VIAND E ET POISSON : LE DÉCLIN de quelqu’un qui a encore de l’instinct. Peut-être devrait-il
pousser plus loin ses investigations gustatives…
Remarquons que jusqu’à présent je n’ai parlé que de
viandes crues, de poissons et de fruits de mer crus. La
cuisson, généralisée à notre époque, sauf quelques exceptions et dans quelques pays comme le Japon, enlève
encore des qualités nutritives à la chair animale et y introduit des substances nouvelles dont la toxicité est variable
et dépend beaucoup de la température atteinte. C’est
l’objet du prochain chapitre.
35 36
CRU OU CUIT ? (CUIRE OU NE PAS CUIRE) Cru ou cuit ?
(Cuire ou ne pas cuire)
Reprenons notre pérégrination temporelle. Elle est
remarquablement résumée sur le site www.beyondveg.
com : « Timeline of dietary shifts in the human line of
evolution ».
Nous avions laissé les australopithèques et autres
Homo habilis et erectus se débrouiller avec la charogne
pour survivre dans un environnement de plus en plus
sec, fait surtout de steppes arbustives.
Il y a moins d’un million d’années, l’Homo erectus a
commencé à chasser. Les armes et outils découverts à
proximité de ses ossements ne laissent aucun doute làdessus. La chasse a dû s’intensifier il y a 700 000 ans
dans la mesure où le gibier devenait abondant, aussi aux
latitudes moyennes, en Asie et en Europe. Toutefois, les
différents chercheurs s’accordent à penser que la part
végétale de la nourriture devait rester importante. Ces
premiers hommes se sont progressivement adaptés à
tous les milieux, y compris ceux riches en végétaux qu’ils
ont retrouvés, c’est-à-dire les forêts, tropicales et autres,
qui reprenaient vigueur dans les périodes interglaciaires.
Ils se sont mis aussi à stocker, pour la mauvaise saison,
fruits secs et tubercules.
Par exemple, des fossiles trouvés en Chine et datant
de 400 000 ans révèlent un régime de viandes, de légumes et de fruits : jeunes pousses, tubercules, baies
diverses, œufs, insectes, reptiles, oiseaux, mammifères
variés (cf. beyondveg.com).
37 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Notons en passant que l’exploitation maritime des
mollusques et a fortiori la pêche en mer sont beaucoup plus récentes : elles remonteraient à 300 000 ans
maximum, ou même seulement 120 000 ans (selon les
sources). Elles ne deviendraient évidentes qu’à partir de
20 000 avant JC (cf. beyondveg.com). Remarquons bien
néanmoins que les mollusques terrestres (escargots) et
les mollusques et crustacés d’eau douce, faciles à récolter, sont consommés depuis toujours. Sur les rivages, les
moules, huîtres et autres lamellibranches étaient d’ailleurs tout aussi faciles à ramasser et ne pouvaient échapper à la convoitise de nos ancêtres les plus lointains.
Il y a 115 000 ans a commencé la dernière grande
période glaciaire. C’est à peu près à cette époque qu’est
apparu l’Homo sapiens proprement dit. Entre 25 000
et 15 000 avant JC sévissaient sur l’Europe des froids
polaires ; c’était la partie la plus froide, la plus dure, de
la période glaciaire.
Ceci suggère fortement que les hommes de cette
époque maîtrisaient le feu et l’utilisaient. Pour se chauffer certainement, pour cuire leurs aliments probablement. Mais l’usage du feu est sans doute beaucoup
plus ancien. C’est très difficile à dater avec précision. En
effet, lorsqu’on retrouve des restes calcinés, on ne peut
pas toujours en déduire que le feu qui les a laissés était
volontaire. L’existence du feu était évidemment connue
depuis toujours. La foudre et les incendies subséquents
ont toujours existé sur la Terre. Qu’au cours de ces incendies, l’un ou l’autre animal ait été brûlé vif, cela a
dû se produire maintes fois. Après un incendie de forêt,
certaines de ces victimes étaient complètement calcinées, mais d’autres, moins brûlées, « cuites à point »
si l’on peut dire, ont certainement attiré les vautours.
38
CRU OU CUIT ? (CUIRE OU NE PAS CUIRE) On peut donc dire qu’il existe des animaux qui se sont
adaptés à la viande rôtie depuis des millions d’années.
La cuisson n’est donc pas, comme les adeptes de l’instinctothérapie voudraient le faire croire, un phénomène
à 100 % culturel.
Mais je parlais des vautours. Et les humains ? Devenus
avec le temps plus mobiles et plus organisés, toujours
pleins de curiosité, ils ont dû faire assez vite l’expérience
de goûter à la viande cuite. Leur instinct, encore très
présent et efficace, les a certainement détournés des
parties calcinées ou simplement trop cuites (nous verrons plus loin ce qu’il faut entendre par là). Comme les
carnassiers, ils étaient sans doute attirés par les viscères :
ils ouvraient le ventre de l’animal et mangeaient les parties internes qui étaient forcément moins cuites.
Ces hommes, qui, pour la première fois, goûtaient à
la viande cuite, ont certainement été marqués durablement par cette expérience.
Une première constatation s’imposait, tout à fait évidente : une telle viande était beaucoup moins coriace
et beaucoup plus facile à manger. Personnellement, j’ai
fait l’expérience de manger une cuisse de poulet crue
et j’ai pu constater à quel point c’est coriace ; cela ne
manque pas de saveur néanmoins, mais il y faut une
solide denture pour déchirer les muscles et les tendons,
déboîter les cartilages, ronger les os ; le moins qu’on
puisse dire est que c’est fastidieux et même fatigant…
Une autre constatation a pu être faite : la digestion
est facilitée. Tout se passe comme si la cuisson assurait
déjà une partie du processus digestif. La cuisson, qui
amollit les végétaux, c’est-à-dire en démantèle les parois
39 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
cellulosiques, rend leurs nutriments beaucoup plus disponibles. Une idée ne pouvait manquer de survenir chez
ces hommes qui tâtaient de la viande cuite : les plantes
– les feuilles et les tiges si coriaces parfois, les racines
trop dures et croquantes – ne pourraient-elles bénéficier
du même traitement ? Mais pour cela, il fallait non seulement tirer profit du feu mais aussi le recréer à volonté.
Cette maîtrise du feu est difficile à situer dans le
temps. Les avis divergent. Certains la situent il y a plusieurs centaines de milliers d’années, d’autres plus tard.
Mais à peu près tout le monde est d’accord pour dire
qu’elle était pratiquement acquise il y a 125 000 ans
(cf. beyondveg.com). C’est à partir de cette époque
que les foyers se retrouvent régulièrement dans les sites
préhistoriques où l’on a pu situer l’habitat des premiers
hommes.
Il y avait alors trois raisons de faire du feu : se chauffer, éloigner les bêtes sauvages et cuire des aliments.
Laquelle de ces trois raisons a-t-elle prévalu d’abord ?
Là-dessus aussi, les avis divergent. Jusqu’il y a peu, l’opinion la plus répandue était que le feu fut maîtrisé des
centaines de milliers d’années avant qu’on ne songeât
à s’en servir pour cuire des aliments. Cette opinion est
actuellement battue en brèche. Certains prétendent
que la cuisson a été le but prioritaire, les hommes voulant renouveler à volonté l’expérience mémorable qu’ils
avaient faite en dégustant une bête grillée dans un incendie de forêt. Il faut avouer que c’est plausible, mais
il est difficile d’en être certain. Quoi qu’il en soit, ce
qui paraît sûr, c’est qu’au début de la période glaciaire
(il y a 115 000 ans), le feu était largement utilisé par
nécessité. Se chauffer était primordial sous les latitudes
moyennes ; le gibier était abondant mais les prédateurs
40
CRU OU CUIT ? (CUIRE OU NE PAS CUIRE) nombreux : il fallait les éloigner ; enfin, il est douteux
que ces hommes n’aient pas éprouvé sinon l’envie du
moins le simple besoin de se réchauffer aussi par l’intérieur, et n’aient pas eu ainsi l’impulsion de rapprocher
leur nourriture du feu, puis l’idée de cuire des tubercules
sous la cendre, ou de la viande à la broche, etc..
Ainsi, on peut raisonnablement supposer que notre
habitude de la cuisson remonte à une bonne centaine
de milliers d’années. Un tel intervalle de temps est assez long pour qu’on ne puisse pas exclure une certaine
adaptation génétique à la cuisson. Mais il ne faut pas
se faire d’illusions : cette adaptation est peut-être plus
limitée qu’on ne l’imagine.
41 42
QUELLE CUISSON ? Quelle cuisson ?
Un fait assez troublant à cet égard est la leucocytose
digestive. Ce phénomène, observé par Virchow déjà vers
la fin du XIXe siècle (cf. « La santé, ça se mange ! » de E.
Schneider), puis par le Docteur Paul Kouchakoff en 1930
(cf. « Alimentation, science et spiritualité » de G. Cousens,
p. 174), consiste en un afflux de globules blancs (leucocytes) comparable à celui que provoque une inflammation, et qui se manifeste lorsqu’on absorbe des aliments
cuits. Tout se passe comme si le système immunitaire
considérait ces derniers comme des intrus. Cette excitation du système immunitaire, se répétant à chaque repas,
aurait plutôt de quoi inquiéter, car il n’est pas exclu, a
priori, qu’elle prenne à la longue un caractère débilitant.
Toutefois, ce phénomène est plus ou moins atténué sinon
quasiment éliminé si l’on commence le repas par une certaine proportion d’aliments crus. Voilà qui est plus rassurant. Mais quelle proportion ? Les estimations varient.
Schneider considère que 10 % suffisent, mais sont impératifs. D’autres, comme Nicholson (cf. beyondveg.com) et
Kouchakoff lui-même (cf. Cousens, op. cit., p. 175) estiment qu’il faut 50 % de cru au moins. Sans parler de GuyClaude Burger, le père de l’instinctothérapie, pour qui le
chiffre doit être 100 %…
On peut aussi se demander s’il ne faudrait pas, dans la
mesure du possible, manger crus d’abord une partie des
aliments mêmes que l’on va manger cuits par la suite.
Sans doute la leucocytose digestive a-t-elle ainsi d’autant
moins de chances de se produire. Intuitivement, c’est plausible. Ça reste évidemment à vérifier. De tout manière, en
procédant ainsi, on ne risque rien. Bien entendu, certains
43 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
légumes doivent être cuits (haricots, potirons, pommes de
terre…), mais beaucoup d’autres ne le sont que par habitude. Personnellement, lorsque je fais cuire des oignons,
ou des poireaux, des céleris, des panais, ou bien d’autres
légumes encore, sauvages ou cultivés, ou même des patates douces – qui, crues, peuvent être exquises ! – , je
commence par en prélever une partie que je croque, à
l’état naturel, au début de mon repas.
La cuisson, on le voit, est plutôt suspecte. Sans aller
jusqu’à l’ostracisme dont la frappait Guy-Claude Burger
– quand il décrivait avec horreur les milliers de substances
nouvelles (potentiellement) toxiques qui apparaissent à la
cuisson au four d’une simple pomme de terre – , il faut
tout de même reconnaître que la question mérite réflexion
et qu’il serait irresponsable de balayer d’un revers de la
main, au nom d’une habitude culturelle, les arguments du
« pape » de l’instinctothérapie.
Mais il faut avant tout savoir de quelle cuisson on parle.
Plus précisément à quelle température on cuit les aliments. C’est que, en effet, les conséquences, néfastes ou
non, varient considérablement avec la température subie
par les aliments.
À partir de quelle température peut-on commencer à
parler de cuisson ? La réponse est nette : 42°C. C’est la
température au-dessus de laquelle les enzymes, molécules
souvent très complexes de plusieurs milliers d’atomes,
commencent à se désagréger. Certains résistent encore,
peut-être même jusqu’à 60°C, mais la plupart sont perdus
vers 45°C. Ce qui est sûr, c’est que jusqu’à 42°C, ils restent
intacts et assurent leurs fonctions vitales. Car il ne faut pas
oublier qu’un aliment naturel, donc cru, vit. Une carotte
ou une pomme de terre, arrachée de la terre, est encore
44
QUELLE CUISSON ? vivante ; la preuve en est qu’elle peut encore germer. Un
fruit cueilli est toujours le siège de réactions enzymatiques
qui constituent sa vie ; la preuve en est qu’il peut encore
mûrir ou pourrir. Un aliment naturel vit et en le cuisant
nous le tuons. En le digérant aussi d’ailleurs, ne l’oublions
tout de même pas. Bref, en dessous de 42°C, nous disposons toujours de la richesse enzymatique de l’aliment ;
au-dessus, nous la perdons. Remarquons en passant que
42°C est aussi la limite supérieure acceptable de la fièvre ;
c’est compréhensible : si nous la dépassons, nos propres
enzymes cellulaires sont progressivement détruits ; par
le fait même, nos cellules puis nos organes subissent le
même sort ; en un mot : nous sommes… cuits !
Voici donc une première perte due à la cuisson : la destruction des enzymes. Elle est inéluctable. Elle est aussi
très préjudiciable, elle est même un facteur de vieillissement, comme nous allons le voir. Mais elle a tout de
même un aspect utile en pratique, surtout en région tropicale. L’aliment cuit, n’étant plus le siège d’activités enzymatiques, devenu déroutant, en quelque sorte, pour les
nécrophages, se conserve d’autant mieux. Il ne faut pas
chercher plus loin la raison pour laquelle beaucoup d’Africains par exemple cuisent obstinément la plus grande
partie de leurs aliments. Cela finit par faire partie de leur
culture. Dans « Le cru et le cuit », l’ethnologue Claude
Lévi-Strauss mentionne une tribu des Philippines, qui juge
qu’une nourriture non cuite est absolument indigne d’un
repas, sauf les petites baies récoltées en passant (qui leur
permettent tout de même d’éviter le scorbut !). Toutefois,
la plupart des peuplades primitives ne cuisent qu’une partie de leur nourriture ; ils reconnaissent instinctivement
leur besoin d’aliments crus, riches en enzymes (et en
vitamines).
45 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Pourquoi ces enzymes sont-ils si précieux ? Ne sont-ils
pas de toute manière, de par la digestion elle-même, et
en tant que protéines, détruits tôt ou tard ? Certes, mais
avant d’en arriver là, ils sont susceptibles de prêter mainforte à nos enzymes digestifs et c’est là leur intérêt. C’est
même un avantage majeur. Ils permettent d’épargner
considérablement nos sucs digestifs, qui autrement se
fatiguent, surtout avec l’âge. C’est une raison de plus de
commencer chaque repas par des aliments crus. Les enzymes de ceux-ci se trouvent ainsi à pied d’œuvre. Il serait
absurde de les absorber après, quand la digestion est déjà
engagée. N’importe quel ouvrier ou artisan prépare ses
outils avant de travailler. C’est le bon sens même.
L’action de ces enzymes alimentaires peut être puissante. En voici un exemple particulièrement remarquable.
Une tranche d’ananas frais constitue l’apéritif idéal avant
un repas de viande. Ce fruit contient en effet de la bromélase (ou bromélaïne), un puissant enzyme protéolytique, c’est-à-dire qui digère les protéines. Le steak dit
« hawaiien » est surmonté d’une tranche d’ananas : l’idée
est juste de ce point de vue, à condition bien sûr que
l’ananas soit frais ; s’il est cuit ou provient d’une conserve,
ce n’est plus que du folklore…
Mais l’inverse peut aussi se produire, et il faut y prendre
garde. Certains aliments crus peuvent contenir des antienzymes qui vont gêner la digestion. Une banane crue,
par exemple, a l’effet inverse de l’ananas de ce point de
vue. Elle contient un anti-enzyme qui entrave la digestion des protéines. Il est absurde de prendre une banane
comme dessert après un repas complet ; c’est un poids sur
l’estomac. Il vaut mieux la manger seule, ou avec un repas
sans protéines, ou alors la cuire, fût-ce légèrement.
46
QUELLE CUISSON ? Ceci nous mène à un autre aspect, positif cette fois,
de la cuisson. Si elle détruit de précieux enzymes, elle
peut en revanche neutraliser des substances indésirables.
Beaucoup de légumes, et plus encore de légumineuses,
contiennent des toxiques naturels, notamment des pesticides naturels qui les protègent des insectes et autres
prédateurs, ou encore des inhibiteurs de trypsine ou
d’amylase, etc.. Par exemple, Campillo a démontré en
laboratoire, sur des rats, que les haricots blancs crus sont
toxiques et affectent gravement le foie (cf. Campillo, op.
cit., p. 121). Cuits, ils perdent leur toxicité. Ce n’est pas
toujours le cas, et certaines substances nocives, comme
l’acide phytique – qui séquestre les métaux divalents et
empêche ainsi leur assimilation – , ne disparaissent pas à
la cuisson.
Beaucoup de gens s’étonnent qu’il y ait des toxiques
« naturels » dans nos aliments. Imprégnés qu’ils sont de
l’image biblique du bon grain et de l’ivraie, ils ont souvent
une conception dichotomique des aliments : d’un côté les
« bons », de l’autre les « toxiques », comme les champignons vénéneux. La réalité est plus complexe et doit se
décrire avec beaucoup de nuances. Les amanites phalloïdes sont bien pourvues en poison mais aussi en nutriments : nous n’en mangeons évidemment pas. Une foule
de végétaux contiennent peu ou prou l’une ou l’autre
substance plus ou moins toxique,… et nous en mangeons
tout de même. La toxicité nulle n’existe pas, c’est un rêve
d’idéaliste (sinon d’intégriste !…). Le problème n’est pas
là, il est simplement de savoir si notre foie est habilité à
dégrader les substances toxiques potentiellement présentes dans chacun de nos aliments, et s’il y parvient
efficacement. Si oui, l’aliment nous convient, du moins
jusqu’à un certain point. Si non, cela signifie simplement
que notre physiologie n’est pas adaptée à cet aliment, au47 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
trement dit qu’elle n’est pas génétiquement programmée
pour l’accepter. Avec le temps, elle finirait par l’être sans
doute, mais il y faudrait peut-être bien 100 000 ans… Il
ne faut pas non plus perdre de vue que les plantes aussi
se défendent contre les prédateurs que nous sommes. La
prédation, pour se nourrir, est une loi incontournable de
la nature, dont l’équilibre exige que tout être vivant se
protège de ce qui le menace. Pour se défendre contre les
fauves, les herbivores de la savane ont leur vitesse, leur
endurance à la course, ou bien leurs cornes en dernier ressort. Pour se défendre contre leurs prédateurs, les plantes
disposent d’épines… ou de poisons. Un exemple frappant
est celui des acacias dont les girafes dégustent volontiers
les feuilles. Jusqu’à un certain point, l’arbre « accepte » de
payer son tribut. Mais si son homéostasie est menacée, il
réagit en sécrétant un poison2. Et tant pis pour la girafe
qui ne perçoit pas le danger à temps…
La question se pose maintenant de savoir à quelle température il faut cuire pour obtenir la disparition, ou tout au
moins une diminution raisonnable, des éventuels toxiques
naturels des aliments, anti-enzymes et autres. La réponse
ici n’est pas nette : il semblerait que 80°C environ suffise
dans la majorité des cas, mais ce n’est pas sûr et reste à
vérifier au cas par cas. Il peut même arriver que pour obtenir une diminution suffisante d’un toxique, il faille chauffer à des températures incompatibles avec le maintien de
la valeur nutritive de l’aliment. C’est le cas par exemple
du soja non fermenté. Mais pour beaucoup d’aliments,
plus qu’on ne le croit généralement, les toxiques naturels
sont minimes ou acceptables et il n’est pas nécessaire de
les cuire, à condition de ne pas en absorber au-delà de ce
2. Chose extraordinaire, les arbres voisins en font autant. C’est un
exemple remarquable de communication végétale.
48
QUELLE CUISSON ? qui est agréable. Le plaisir est aussi un guide, à condition
– ce qui sera développé plus loin – que nos perceptions ne
soient pas perverties…
Une autre perte due à la cuisson est celle des vitamines.
La plus vulnérable est la vitamine C, qui disparaît rapidement à la chaleur. Certains prétendent qu’une cuisson
ultrarapide pourrait en préserver une partie ; cela consisterait à tremper des légumes dans l’eau bouillante et à les
retirer après un temps très court, de l’ordre de quelques
secondes. La vitamine C n’aurait pas le temps de s’altérer.
C’est possible, mais je n’en ai pas la preuve…
La thiamine (vitamine B1) résiste peut-être un peu plus,
mais une cuisson normale, même légère, la détruit tout de
même largement, jusqu’à 80 % d’après Souci, Fachmann
et Kraut (SFK).
La riboflavine (B2), relativement stable à la chaleur
d’après Gerald F. Combs (« The Vitamins. Fundamental
aspects in nutrition and health. »), est très sensible à la
lumière. D’après SFK, les pertes par cuisson peuvent tout
de même aller jusqu’à 75 %.
La biotine (B8) supporte la chaleur d’après certains auteurs, mais ce n’est pas l’avis de Combs… Et d’après SFK,
elle subirait jusqu’à 60 % de pertes.
Les folates (B9), « sensibles à la chaleur » d’après Combs,
supportent d’après d’autres auteurs une cuisson légère,
mais ils s’oxydent facilement et se perdent dans l’eau de
cuisson.
La vitamine B6 se présente sous trois formes : la pyridoxine, le pyridoxal et la pyridoxamine ; la première, issue du
règne végétal, résiste à la chaleur (mais est moins biodis49 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
ponible) ; les deux autres, issues du règne animal (et plus
biodisponible) résistent moins. (Cf. Combs, op. cit. et K.
Dakshinamurti : « Vitamin B6 ».)
L’acide pantothénique (B5) supporte la cuisson, sauf en
milieu acide (pH<5) ou en milieu alcalin, même légèrement (pH >7).
La niacine (B3) résiste très bien à la cuisson, de même
que la cobalamine (B12), très stable sauf vis-à-vis des
ultraviolets.
Quant aux vitamines liposolubles (A, D, E, K), elles
semblent relativement stables à la chaleur… Cependant,
d’après SFK, les pertes maximales à la cuisson sont de 40
% pour la A, de 40 % pour la D, de 55 % pour la E, de
5 % pour la K.
Le lecteur aura remarqué à quel point ces indications
sur la tenue des vitamines à la chaleur manquent de précision. Les différents chercheurs se contredisent partiellement. Cela provient vraisemblablement de la diversité
des manières dont une cuisson peut être conduite (vitesse
d’échauffement, température atteinte, pression…), des
interactions chimiques inévitables entre les différents
constituants de la denrée testée, d’autres circonstances
peut-être encore ; tout cela est subtil – les cuisiniers le
savent bien – et ne se prête guère à des évaluations chiffrées. On n’est pas près de pouvoir affirmer : telle vitamine
résiste à autant de degrés centigrades… Il n’empêche que
nous pouvons considérer – pratiquement – qu’à une température supérieure à celle de l’eau bouillante, il ne reste
pas grand-chose de la plupart des vitamines.
Résumons-nous. Nous étions partis de 42°C et nous voilà
à 100°C. Sur cet intervalle, nous avons vu disparaître tous
50
QUELLE CUISSON ? les enzymes, la majeure partie des vitamines, mais aussi
une grande partie des anti-enzymes et autres toxiques
naturels. Ces différentes substances, indésirables ou non,
ne disparaissent qu’à la suite de dégradation chimique.
Ceci veut dire qu’il y a nécessairement des sous-produits.
Quelle est la nocivité éventuelle de ceux-ci ? C’est difficile et même pratiquement impossible à déterminer car
ils sont en trop grand nombre. Chimiquement parlant,
toute matière vivante est extrêmement complexe, ses
constituants sont très nombreux et donc les interactions
entre ces constituants le sont encore plus. On comprend
ainsi que tout cet assemblage – on pourrait presque dire :
ce fouillis – de nutriments et d’antinutriments se modifie
avec la chaleur dans un sens qui est très peu prévisible…
À cet égard, il est aisé de comprendre la réaction de
Guy-Claude Burger, qui consiste à dire, en substance : « La
cuisson mène à des situations chimiquement et physiologiquement inextricables. On ne peut être sûr de rien
dans de telles conditions. La seule solution est de revenir à la nature, à des aliments non transformés, ni par la
cuisson ni autrement. » Cette prise de position témoigne
d’un bon sens indéniable, mais elle a malheureusement
deux défauts : elle ignore la facilitation digestive induite
par la cuisson, en tant que « pré-digestion », et méconnaît
les anti-enzymes et autres toxiques naturels qui affectent
beaucoup d’aliments crus, surtout végétaux. Sur ce dernier point, les « instinctos » répondront que l’instinct alimentaire les en protège : « Les haricots blancs crus sont
toxiques ? Soit. N’en mangeons pas. Une substance indésirable quelconque se présente-t-elle dans un légume ?
Nous la sentirons, à l’odorat, et nous l’éviterons : nous
n’en aurons pas envie, tout simplement. »
51 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Il faut bien admettre que cette attitude est cohérente,
mais elle suppose une infrastructure très particulière : une
table garnie des aliments les plus divers, tout à fait naturels et dans un parfait état de fraîcheur. Socialement parlant, c’est problématique ; les instinctos vivent entre eux,
du fait de la difficulté de rassembler un choix suffisant
d’aliments strictement naturels ; leurs problèmes d’approvisionnement ne sont pas minces.
D’autre part, l’instinct alimentaire basé sur l’odorat,
supposé infaillible, est-il encore ce qu’il était au paléolithique ? Il ne fonctionne qu’avec les aliments crus ; c’est
prouvé, et pas seulement par Guy-Claude Burger (voir plus
loin) ; du reste, c’est le genre d’expérimentation qui peut
être tentée par toute personne dotée d’un bon odorat.
L’odorat n’est pas seul en cause, il y a aussi l’arrêt instinctif, dont chacun peut faire assez facilement l’expérience : lorsqu’on mange un fruit ou un légume cru, frais
et parfaitement naturel, il peut arriver qu’on en éprouve
un plaisir intense ; alors on en reprend, encore et encore,
et il arrive un moment, d’une bouchée à l’autre parfois,
où l’aliment cesse d’être agréable ; il faut alors évidemment arrêter d’en prendre ; c’est « l’arrêt instinctif », qui
– si tout va bien – prévient l’excès. Tout cela fonctionne
encore de nos jours, certes, mais dans quelles limites ? Il
a été démontré (cf. beyondveg.com / anopsology) que
l’arrêt instinctif était beaucoup plus net avec les fruits
sauvages qu’avec les fruits cultivés, qu’il n’avait lieu ni
avec les aliments cuits, ni avec les aliments congelés puis
dégelés, ni même avec ceux qui étaient oxydés par un
traitement mécanique (râpés, pressés en jus,…) ; de plus,
l’arrêt instinctif fonctionne avec les graines germées en
général, mais pas avec le blé germé. Personnellement,
j’en ai fait l’expérience avec des brocolis. Crus, je les
52
QUELLE CUISSON ? trouvais délicieux au début. J’en ai donc mangé souvent.
Après quelque temps, je m’en suis lassé, et un jour je me
suis rendu compte que je ne pouvais plus en manger cru
qu’une petite quantité. Comme il m’en restait, je les ai
cuits à la vapeur et j’ai pu ainsi les manger sans l’impression de dégoût due à un excès. Mais l’excès était bien là et
s’est manifesté par des nausées à la limite de l’indigestion.
Mon corps avait dit non, mais par la cuisson j’avais pu
passer outre…
Quoi qu’il en soit de ces expériences ponctuelles, l’instinct alimentaire n’est plus systématiquement utilisable
à notre époque. Il peut encore rendre quelques services,
mais il est devenu dangereux de s’y fier absolument. À
cause de la pollution chimique, essentiellement. Non prévue par la nature ni donc par l’instinct, elle atteint presque
tous les produits actuels, même ceux de provenance dite
biologique, fût-ce dans une mesure infinitésimale. Or il
semblerait bien que l’instinct alimentaire soit instable, en
ce sens que d’infimes traces de polluants suffisent à le
perturber, dans un sens ou dans l’autre. Il était précieux, il
est devenu fragile. C’est un vestige du passé, que la civilisation a prétendu remplacer par la rationalité, laquelle,
en l’occurrence, s’avère inutilisable. Il faudra redévelopper
l’intuition, qui transmute et humanise l’instinct. Je me suis
expliqué sur cet aspect des choses dans mon précédent
ouvrage « Le naturel et l’humain ». C’est précisément cette
forme d’intuition qu’Hélène Bernet redécouvre, éclaircit
et développe d’une manière remarquablement pratique
dans son ouvrage : « à la source de notre vitalité ».
Comme je le disais plus haut, la toxicité nulle n’existe
pas. L’alimentation est immanquablement une affaire de
compromis. Il apparaît finalement que dans le cadre de la
civilisation actuelle, en prenant tout de même la distance
53 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
nécessaire vis-à-vis de tous ses excès, la cuisson d’une partie de nos aliments est incontournable.
Le point capital est de savoir à quelle température la
cuisson est optimale.
Disons tout de suite que 100°C est une limite qu’il ne
faut jamais dépasser. Déjà un peu en deçà mais surtout
au-delà de 100°C apparaissent les molécules de Maillard,
du nom du chimiste français qui les a découvertes vers
1916. Ce sont des combinaisons de sucres et de protéines,
qui pour la plupart résistent obstinément à l’attaque des
enzymes. Elles sont donc inassimilables ; le foie ne peut
pas les traiter. Ce ne sont donc rien d’autre que des déchets qu’il nous faudrait éliminer mais qui en fait s’accumulent dans les tissus avec l’âge (cf. « L’alimentation ou
la troisième médecine » du Docteur Jean Seignalet, p. 73)
au point qu’on pourrait vraisemblablement les considérer
comme une des causes du vieillissement. Ils représentent
aussi une perte nutritive puisque des sucres et des protéines s’y détériorent en une union contre nature. (Il faut
donc éviter, surtout, de cuire de la viande avec du sucre !)
La lysine est un acide aminé plus particulièrement concerné, car il prend part à la liaison avec les sucres. Il se trouve
ainsi soustrait plus que les autres à notre assimilation.
Or le manque de lysine serait lié à l’athérosclérose (cf.
les travaux du Docteur Matthias Rath). Il n’est donc pas
exclu que la « maillardisation » des aliments représente un
risque cardio-vasculaire. Elle est pourtant très fréquente
et se reconnaît bien vite : c’est elle qui donne au pain et
aux pâtisseries leur croûte « dorée », c’est elle qui permet
d’obtenir des plats « gratinés », c’est elle qui donne le
goût « caramélisé », si prisé par les gastronomes, etc. Le
moins qu’on puisse dire, c’est que si nous apprécions ces
produits de la boulangerie et de la cuisine, ce n’est pas un
54
QUELLE CUISSON ? effet de notre instinct naturel ; il s’agit d’un fait culturel, ni
plus ni moins, et il importe de le reconnaître.
Il n’est pas le seul, loin s’en faut. La cuisson à la poêle est
aussi très répandue. Or, si la cuisson à l’eau ou à la vapeur
permet à coup sûr de ne pas dépasser 100°C puisque
c’est la température d’ébullition de l’eau – sauf dans les
casseroles dites « à pression » qui atteignent 110°C – , il
n’en va pas de même de la cuisson à la poêle, sur un fond
de graisse. L’eau n’étant plus là pour opposer son inertie
thermique, la température s’envole. À 130°C, les molécules de Maillard affluent ; la « maillardisation » devient de
plus en plus massive. À 180°C, le beurre noircit, l’huile
fume : des goudrons apparaissent, ainsi qu’une foule de
substances, aromatiques et autres, toutes plus toxiques
les unes que les autres, dont il serait vain de relever le
détail, avec leurs effets désastreux sur notre physiologie :
un vrai « musée des horreurs »… (On en trouvera la description dans l’ouvrage cité de Seignalet, p. 70 à 75).
Il y a encore la cuisson au four, qui a le mérite d’être
plus progressive et de ne pas nécessiter de graisse, mais
qui peut atteindre des centaines de degrés, surtout le four
à pizza.
Quant au four à micro-ondes, il est terriblement néfaste,
car il induit une déformation de certains acides aminés
qui les rendent inassimilables, et même toxiques pour les
neurones et pour les reins (cf. annexe), ceci indépendamment de sa température. Il vaut mieux ne rien manger que
d’absorber ce qui sort d’un four à micro-ondes…
Il partage les sommets de la toxicité, quoique d’une tout
autre manière, avec le barbecue. La viande rôtie par ce
procédé barbare perd de sa graisse qui fond et tombe sur
55 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
les braises ardentes. Soumise ainsi à des températures de
l’ordre de 1000°C, cette graisse se dénature complètement et se transforme en fumées chargées de goudrons
et autres poisons qui remontent imprégner la viande…
En un repas, les malheureux consommateurs ont absorbé
autant de goudrons que si, au lieu de manger, ils avaient
fumé des cigarettes sans arrêt…
Encore une fois, je ne veux pas lasser mon lecteur avec
un compte-rendu minutieux des substances nocives dénoncées ci-dessus. S’il y tient, il le trouvera dans d’autres
ouvrages. J’ai déjà mentionné celui du Docteur Seignalet,
qui résume bien la situation.
Il est bien clair de toute manière qu’en cuisant, de
quelque façon que ce soit, n’importe quel aliment au-delà
de 100°C, nous sortons du domaine de la physiologie pour
entrer dans les méandres chimiques des développements
pathologiques. Au-delà de ce seuil, l’innocuité n’est plus
assurée. Il serait criminel de prétendre le contraire.
La question est même de savoir si cette température de
100°C n’est pas trop élevée pour être véritablement optimale. Tout porte à croire en effet qu’on peut faire mieux.
La cuisson à la vapeur donne de meilleurs résultats organoleptiques que la cuisson à l’eau. Il est frappant de
constater que des légumes différents, disposés sur un panier soumis (pas trop longtemps) à la vapeur de l’eau qui
bouillonne en dessous, gardent le meilleur de leur saveur
tout en devenant moelleux. Une cuisson à l’eau bouillante
n’atteint pas la même qualité, tous les cuisiniers le savent
très bien. Or, ce qu’on appelle ici la « vapeur » est en fait de
l’eau évaporée par l’ébullition et recondensée au contact
56
QUELLE CUISSON ? du panier de légumes : sa température est alors inférieure
de quelques degrés, sans doute 95°C, ou guère plus.
Rappelons que ce que nous cherchons, c’est une cuisson qui permet d’amollir les aliments végétaux afin que
cèdent les parois cellulosiques, qui évite autant que possible la perte des vitamines, et qui tienne le meilleur compromis entre d’une part une disparition aussi complète
que possible des toxiques naturels et d’autre part une apparition aussi faible que possible des toxiques de cuisson.
La température adéquate pour atteindre ce but dépend
fort de l’aliment concerné. Mais en général, il semblerait
qu’une cuisson, fût-elle assez longue, à une température
de l’ordre de 80°C serait la plus proche de l’idéal. C’est
une température – déjà mentionnée précédemment –
où la plupart des toxiques naturels sont réduits à peu de
chose – à l’exception de certains, comme les phytates,
qui de toute manière ne sont pas éliminés par la cuisson
– , où les molécules de Maillard sont très peu présentes
encore, et où les autres toxiques de cuisson sont en quantités insignifiantes.
Bien dosés, certains modes de cuisson à la casserole,
avec peu d’eau, peuvent être proches de cet idéal : je
les détaillerai en fin d’ouvrage. Signalons dès à présent
qu’un four étalonné (à l’aide d’un thermomètre adapté
aux fours) permet, si l’on en prend le temps, une cuisson
également très proche de cet idéal – et qui peut être la
source d’une cuisine remarquablement savoureuse…
57 58
QUELQUES REGARDS VER S LE PASSÉ ET VER S L’AILLEUR S… Quelques regards
vers le passé et vers l’ailleurs…
Ce qui compte – rappelons-le – ce n’est pas tant qu’un
aliment soit dépourvu d’éléments toxiques, c’est que
notre foie soit capable de traiter ces derniers afin de permettre leur élimination. S’il était prouvé que notre foie
peut nous débarrasser sans mal des goudrons et autres
poisons volatils occasionnés par un barbecue, alors bien
sûr, pourquoi pas le barbecue ? Mais ce n’est pas le cas,
l’irrémédiable toxicité des sous-produits d’une cuisson
à haute température est avérée, indiscutablement (cf.
Seignalet, p. 70 à 75).
Nous avons parlé plus haut d’une adaptation possible à
la cuisson au cours d’une période d’évolution éventuelle
sur ce plan, de l’ordre de 100 000 ans.
Or, l’Homo (déjà) sapiens de cette lointaine époque
n’avait pas encore inventé de récipient résistant au feu. Pas
de cuisson à la casserole donc, dans les premiers temps. Il
ne pouvait guère s’agir que de racines quelconques cuites
sous la cendre, ou de viandes diverses cuites à la broche.
Un tubercule cuit sous la cendre roussit ou même noircit
sur les bords avec tout le cortège des toxiques inhérents
à cette situation. Mais si on l’ouvre avec un couteau – ou
un silex tranchant – comme nous faisons de nos pommes
de terre, et qu’on en mange l’intérieur en évitant les parties roussissantes, la dose de toxiques absorbée est nettement plus faible. On peut conjecturer que ces premiers
hommes avaient encore assez d’instinct pour procéder
ainsi. Alors que, tout récemment, j’ai vu une personne –
par ailleurs obèse – se délecter des peaux noirâtres d’une
59 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
pomme de terre cuite au four ! Ceci est une perversion
pure et simple de l’instinct… et du goût. Autrement dit, la
manière de manger un aliment cuit peut avoir une importance décisive.
Il en est de même des viandes rôties. Si nos lointains
ancêtres avaient assez d’instinct pour éviter les parties
superficielles – peut-être laissaient-ils la peau sur les bêtes
à rôtir – et pour se gaver de l’intérieur, forcément moins
cuit, sans doute encore saignant, alors ils évitaient par le
fait même les morceaux cuits à l’excès.
Je ne fais ici que conjecturer les attitudes possibles de
l’homme au paléolithique. Il m’apparaît que ce soient les
seules vraisemblables. En effet, vu que l’adaptation génétique aux toxiques de cuisson à haute température n’a
pas eu lieu, alors, si une certaine adaptation à la cuisson
a vraiment eu lieu, ce ne peut être qu’à une cuisson modérée. Les attitudes décrites ci-dessus sont les seules qui
rendent plausible une telle évolution.
Il faut avouer qu’une réponse définitive à la question de
l’adaptation physiologique à la cuisson est loin de pouvoir être donnée actuellement. Le sera-t-elle jamais ? En
attendant cette éventualité, il faudra bien se contenter
d’estimations qualitatives et très approximatives.
Peut-être un élément de réponse pourrait-il être apporté par l’observation des chasseurs-cueilleurs vivant encore
actuellement comme au paléolithique. Malheureusement,
il en reste très peu, trop peu pour qu’on puisse en tirer des
conclusions solides, et d’ailleurs ils ne reproduisent pas
nécessairement à tous égards le stade d’évolution de nos
ancêtres d’il y a des dizaines de milliers d’années. Si l’on y
joint les chasseurs-cueilleurs un peu plus évolués, qui ont
60
QUELQUES REGARDS VER S LE PASSÉ ET VER S L’AILLEUR S… l’usage de l’un ou l’autre métal, l’éventail s’élargit, mais les
variations sont très grandes d’une peuplade à l’autre. La
proportion d’aliments d’origine animale varie de 15 à 85
%, et les modes de cuisson sont variés car ils dépendent
de la capacité de fabriquer des récipients adéquats. La nécessité éventuelle de conserver les aliments joue un grand
rôle. Chez certaines peuplades, on cuit presque tout, chez
d’autres beaucoup moins. En moyenne, 50 % de la nourriture est cuite (comme chez les aborigènes australiens).
Des études ont été faites pour évaluer l’état de santé
de ces populations primitives. (Cf. S.B. Eaton & S.B. Eaton
II : « Hunter-gatherers and human health ».) Des prises de
sang et des examens cliniques ont révélé des faits intéressants comme la faiblesse des taux de cholestérol (125
mg/dl), ou la stabilité avec l’âge de la pression artérielle
(typiquement 10,5/6,5). D’une manière générale, ces populations ont une santé cardio-vasculaire bien supérieure
à la nôtre : hypertension et athérosclérose y sont à peu
près inconnues. (De même d’ailleurs que le cancer.) Le
régime des chasseurs-cueilleurs est assez loin du nôtre ;
ils ont tendance à privilégier les fruits et la viande (il n’y
a aucun végétarien parmi eux) ; nous savons déjà que ces
deux catégories d’aliments sont précisément celles que
nous digérons le plus facilement. Bref, ces observations
sont révélatrices de la valeur d’une nourriture naturelle
mais n’apportent rien de décisif concernant le problème
de la cuisson.
Il reste un aspect de la question que je n’ai encore vu développé nulle part et qui me paraît très instructif. Lorsque
l’altitude augmente, la température d’ébullition de l’eau
baisse, et ce n’est pas sans conséquences intéressantes.
61 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
L’eau ne bout à 100°C que sous la pression atmosphérique dite normale (p0 = 1,0332 kg/cm2). Lorsque cette
pression baisse, la température d’ébullition baisse aussi,
quoique nettement moins vite. Or, lorsque l’altitude augmente, la pression atmosphérique diminue, suivant une
exponentielle décroissante. À partir d’une formule empirique liant la tension de vapeur de l’eau à la pression
régnante, et en tenant compte du lien entre cette pression et l’altitude, j’ai obtenu, après calculs, les résultats
suivants (en arrondissant au demi °C).
À 1000 mètres d’altitude, la température d’ébullition de
l’eau tombe à 96°C ; 94,5°C suffit à 1500 mètres, 92,5°C à
2000 mètres, 91°C à 2500 mètres, 89,5°C à 3000 mètres,
88°C à 3500 mètres, 86°C à 4000 mètres, 84,5°C à 4500
mètres, 82,5°C à 5000 mètres, et 81°C à 5500 mètres
(où la pression atmosphérique a chuté de moitié). Tous
ces chiffres, valables à un demi degré près, supposent que
la pression atmosphérique « réduite au niveau de la mer »
soit normale. Bien entendu, les variations barométriques
d’origine météorologique peuvent modifier quelque peu
ce tableau.
Ainsi, en montagne, l’eau bout à moins de 96°C. Dans
les stations d’altitude les plus élevées, dans les Alpes, elle
bout à peine au-dessus de 90°C. Au Tibet, l’eau bout entre
80°C (hautes vallées de l’Himalaya) et 88°C (Lhassa). Ceci
a des conséquences très importantes. Pour les populations vivant dans des régions de haute altitude, faire cuire
des aliments à l’eau bouillante signifie les faire cuire à une
température très inférieure à 100°C. Elles se donnent ainsi
toutes les chances de se préserver au mieux des toxiques
de cuisson, tout en éliminant largement les toxiques naturels. Les toxiques de cuisson dépendent à ce point de la
température que 5°C de plus ou de moins peuvent faire
62
QUELQUES REGARDS VER S LE PASSÉ ET VER S L’AILLEUR S… une grande différence. La cuisson à la vapeur, laquelle fait
toujours quelques degrés de moins que l’eau bouillante
en dessous, nous l’avait déjà bien montré. En haute montagne, quand on se rapproche des 6000 mètres d’altitude
– ce qui n’est malheureusement pas vivable à cause du
manque d’oxygène – , on se rapproche aussi d’une température d’ébullition de l’eau de 80°C, valeur que nous
avons considérée plus haut comme idéale pour la cuisson.
Notons aussi que l’ébullition en elle-même a une valeur
antiseptique – qui peut être nécessaire – quelle que soit
sa température.
Or, il est quelques régions dans le monde où les habitants dépassent souvent l’âge de 100 ans et parfois même
de beaucoup. N’est-il pas remarquable que ce sont le plus
souvent des régions de haute montagne ? La plus connue
est la vallée de la Hunza dans le Karakoram, au nordouest du Cachemire, en territoire pakistanais. L’altitude y
va de 2000 mètres environ (Chalt) à 4935 mètres (col du
Khunjerab, à la frontière chinoise). Il y a d’autres régions
semblables, dans le Caucase, dans les Andes… Certes, la
qualité de l’air doit intervenir également, de même que
celle de l’eau, peut-être aussi certaines conditions cosmotelluriques, ou, bien entendu, d’autres qualités du régime
alimentaire, mais je suis intuitivement convaincu que la
plus faible température d’ébullition de l’eau doit jouer un
rôle important.
Un argument supplémentaire du plus haut intérêt est
le suivant : d’après Kouchakoff (cf. Cousens, op. cit., p.
174), la leucocytose digestive ne se produit guère pour
des cuissons qui restent en dessous de 85°C. Voilà qui
peut expliquer bien des choses !
63 64
LES PROGRÈS AMBIGUS DU NÉOLITH IQUE Les progrès ambigus
du néolithique
Revenons à l’homme du paléolithique. La dernière
phase de la période glaciaire s’est terminée il y a environ
10 000 ans. Le réchauffement du climat s’est étalé sur un
millier d’années, au moins. Ce fut un âge d’or. En effet,
non seulement le climat devenait de plus en plus doux,
mais la terre se couvrait de nouveau d’un riche manteau
végétal, et les hommes, peu nombreux encore, disposaient de vastes étendues pour s’adonner à la chasse, à la
pêche et à la cueillette de plantes diverses et de fruits de
plus en plus abondants. C’était, effectivement, comme le
souligne M. Sahlins (« Âge de pierre, âge d’abondance »)
un âge d’abondance. Il faut dire que sur le territoire correspondant à la France actuelle, il n’y avait qu’une vingtaine de milliers d’êtres humains. Que d’espace !
Certains anthropologues comme Marvin Harris
(« Cannibales et monarques ») considèrent cette période
de la fin du paléolithique comme celle où la santé des
hommes était à son zénith. Avec les techniques paléontologiques actuelles, l’état de santé d’une population
préhistorique peut être évalué avec une certaine justesse.
L’état des ossements et des dents fournit en effet des
renseignements précieux sur les éventuelles pathologies
dont souffraient les populations concernées. (Sur ce sujet,
l’ouvrage de Mirko D. Grmek, « Les maladies à l’aube de
la civilisation occidentale », est particulièrement détaillé ;
on peut consulter aussi les articles de Gilles Delluc, de
Calvin Wells,…) Et que constate-t-on ? Les caries dentaires étaient inexistantes (cf. L. Pales, « Paléopathologie
et pathologie comparative ») ; les dents, sauf trauma65 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
tisme, ne manifestent qu’une certaine usure, parfois assez
forte (ce qui indique une mastication fréquente d’aliments
coriaces) ; les os ne laissent paraître aucun signe d’ostéoporose, de tuberculose, ou d’autres maladies, du moins
en général. Peut-être un peu d’arthrose, mais jamais de
goutte. Bref, un âge d’or…
Puis, il y a près de 10 000 ans, a commencé la période
dite néolithique, qui se caractérise par un perfectionnement des outils de pierre, suivi plus tard par l’usage des
métaux, et aussi par une socialisation et une sédentarisation croissantes.
Une période de progrès donc. Et pourtant, du point de
vue de la santé des populations, ce fut une catastrophe.
Les caries dentaires ont commencé à apparaître, et toute
une série de pathologies ont laissé des traces indubitables
sur les ossements découverts (cf. Pales, op. cit., etc.) Que
s’est-il donc passé ?
D’une part, la fréquentation de vastes troupeaux d’herbivores a conduit progressivement à leur domestication,
et ce fut le commencement de l’élevage.
D’autre part, les graines étant la forme de nourriture qui
pouvait le mieux se stocker pendant la mauvaise saison,
avec moins de risques de dégradation que pour les tubercules et autres légumes, on a commencé à sélectionner les
céréales, ainsi d’ailleurs que quelques légumineuses, et ce
fut le commencement de l’agriculture.
Mon lecteur, confiant dans la civilisation qui l’a porté,
s’effraie ou s’offusque peut-être déjà de l’accusation qu’il
sent venir à travers les lignes qui précèdent : l’agriculture
et l’élevage seraient responsables de tous nos maux…
Accusation qui, telle quelle, serait évidemment exagérée.
66
LES PROGRÈS AMBIGUS DU NÉOLITH IQUE Je l’invite à examiner honnêtement les développements
qui vont suivre, qui demandent beaucoup de rigueur et de
nuances et qui nécessitent de nombreux recoupements et
confirmations, issus de disciplines diverses.
Que l’homme du néolithique ait réussi à maîtriser des
troupeaux de bovins ou de moutons n’est pas un mal
en soi puisque cela lui a permis de surmonter les aléas
de la chasse et de régulariser ainsi l’approvisionnement
en chair animale. Mais il s’est mis aussi à recueillir le lait
des vaches, brebis, chèvres, chamelles, etc. Le fait que
ce breuvage soit nourrissant ne pouvait lui échapper, en
plus il l’a sans doute trouvé agréable, et il ne s’en est pas
privé… D’un coup, il basculait ainsi dans l’artificiel, car
aucun animal ne boit du lait d’un autre animal ; le lait de
chaque espèce est adapté aux besoins des jeunes de cette
espèce. Le non-respect de cette exclusivité devait avoir
des conséquences…
De même, les cultures maraîchères pouvaient amener
un approvisionnement régulier en légumes. Mais la domestication des graminées conduisait à récolter non pas
des racines, ni des tiges, ni des feuilles, ni des fruits, mais
des graines. Et la caractéristique essentielle d’une graine,
c’est de pouvoir stocker des substances nutritives pendant
un temps à peu près indéfini, jusqu’à ce que des conditions favorables d’humidité permettent la germination.
Au sec, une graine se conserve des années. Les humains
ont fini par s’en rendre compte et cela les a tentés… Mais
cette qualité si séduisante a un prix. Puisque la graine est
capable, au moment favorable, de libérer ses forces enzymatiques et ainsi de germer, c’est qu’elle est vivante. Et
pourtant, avant cela, cette vie ne se manifeste pas, elle est
bel et bien inhibée. Cela provient de ce que toute graine
renferme des anti-enzymes ou inhibiteurs de germination
67 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
qui ne disparaissent qu’au contact de l’eau. Ces anti-enzymes font partie des toxiques naturels que nous avons
déjà décrits. Nous avons vu d’ailleurs qu’ils étaient loin
d’être les seuls. L’ignorance de leur existence et la confiscation, déjà mercantile, des substances nutritives des
graines allaient aussi avoir des conséquences…
Quant aux légumineuses, elles sont en quelque sorte
intermédiaires entre les céréales et les légumes, en ce
sens que d’une part ce sont bel et bien des graines et
que d’autre part elles ne se conservent pas beaucoup
plus longtemps que les autres légumes. Elles aussi allaient
poser des problèmes comparables à ceux des céréales…
68
LE PROBLÈME D ES PRODUITS LAITIER S Le problème
des produits laitiers
L’habitude de consommer du lait, de la crème, du yaourt,
du beurre ou du fromage est tellement ancrée dans notre
civilisation occidentale que la grande majorité des gens
peuvent difficilement concevoir que ce soit une erreur. Et
pourtant, n’en déplaise à une propagande si constante
qu’elle ne peut avoir pour base que des intérêts inavouables, les effets néfastes des produits laitiers sont bien
établis, et il est loisible à chacun de s’en convaincre par
son expérience propre – j’indiquerai plus loin comment.
Pour l’enfant qui vient de naître et pendant de nombreux mois, la nourriture optimale est le lait de sa mère.
Cette adaptation est le résultat des lois de l’évolution : il
n’y a absolument aucun doute là-dessus. La composition
du lait maternel se modifie même au cours du temps au
fur et à mesure de la croissance de l’enfant. Certes, il peut
arriver qu’il ne soit pas disponible. Jadis, on recourait alors
à une nourrice3. Depuis un siècle environ et surtout depuis
1945, on donne aux bébés du lait de vache, quelque peu
modifié éventuellement. Quand on examine les différences de composition entre le lait d’une femme et celui
d’une vache, on se demande comment ces petits enfants
peuvent s’en accommoder. Ce sujet est amplement traité
dans la littérature scientifique et le Docteur Seignalet en
donne un aperçu très clair dans son fameux ouvrage (op.
cit., p. 64 à 68). Voici les différences les plus significatives : le lait maternel fournit beaucoup plus d’acides gras
poly-insaturés et notamment d’acide alpha-linolénique,
3. On y recourait d’ailleurs aussi pour des raisons sociales ou culturelles.
69 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
précurseur des oméga-3, dont on sait l’importance pour
la souplesse des connections neuronales (le lait de vache
comportant au contraire beaucoup trop de graisses saturées) ; il contient beaucoup plus d’immunoglobulines A
(IgA), essentielles pour la muqueuse intestinale du nourrisson, cinq fois plus de vitamines A, E et C, antioxydants
majeurs, et surtout des protéines et des enzymes (notamment lipases et enzymes protéolytiques) beaucoup mieux
adaptés.
Et le calcium ? dira-t-on. Car la plupart des Occidentaux
sont conditionnés à croire que le lait de vache est LA
source de calcium et qu’en dehors de la religion du Lait il
n’y a point de salut. En fait, le lait maternel contient moins
de calcium mais sous une forme parfaitement biodisponible et donc en quantité suffisante pour le bébé. Le lait
de vache en contient beaucoup trop. Il est heureux qu’il
soit beaucoup moins absorbé – il précipite dans l’intestin
sous forme de phosphates – sans quoi il serait la cause de
graves déséquilibres. Le lait de vache est destiné au veau.
Il ne faut pas oublier que celui-ci est censé prendre plus
de 100 kg en un an et doit se bâtir la charpente osseuse
qui correspond. Quant à nous, humains, nous ne sommes
pas des veaux, faut-il le rappeler ?… Ni les enfants, ni les
adultes !
Un adulte n’a pas besoin de lait. C’est un truisme.
D’ailleurs, beaucoup d’adultes dans le monde ne peuvent
plus le digérer par manque d’un enzyme, la lactase, qui
digère le lactose. Il est naturel que cet enzyme disparaisse
avec l’âge et même qu’on n’en ait plus dès l’adolescence.
Que cet enzyme reste néanmoins présent chez beaucoup
d’individus adultes est l’une des rares adaptations génétiques qui ait eu lieu depuis la fin du paléolithique. Mais
elle est très partielle et en cela recèle un piège. En effet,
70
LE PROBLÈME D ES PRODUITS LAITIER S elle ne signifie pas que ces individus peuvent digérer le
lait, mais seulement le glucide spécifique du lait. Les protéines lactées ne sont pas concernées. Et ce sont elles qui
font le principal problème des produits laitiers.
Rappelons qu’une protéine est un assemblage d’acides
aminés, une sorte de chaîne, repliée sur elle-même de
multiples façons avec généralement des soudures entre
les différents brins. Lorsque nous digérons une protéine,
nos différents enzymes protéolytiques, répartis le long du
tube digestif, de l’estomac à l’iléon, ont chacun pour effet
spécifique de couper la chaîne protéique en des endroits
bien précis déterminés par la présence de tel ou tel acide
aminé. Lorsque ce processus est arrivé à son terme, la
protéine est démontée, démantelée, scindée en une série
d’acides aminés séparés. Du moins en principe. Les acides
aminés n’ont plus alors qu’à traverser la barrière intestinale, c’est-à-dire la mince couche de cellules épithéliales
de l’intestin grêle, pour se retrouver dans la circulation
sanguine. Cela, c’est ce qu’on apprend dans les cours de
physiologie. Mais la réalité est moins simple. Ce processus n’est pas parfait, il n’est jamais complètement achevé.
Des morceaux de protéines, constitués d’une série plus
ou moins restreinte d’acides aminés encore enchaînés, et
qu’on appelle polypeptides, échappent à l’action protéolytique des sucs digestifs. Il arrive même que des molécules entières de protéines y échappent : une sur mille à
peu près (d’après Seignalet, op. cit., p. 49). Qu’arrive-t-il
à ces polypeptides ? Il n’y a que deux possibilités : ou bien
ils ne traversent pas la barrière intestinale et sont évacués
dans le côlon, échappant ainsi à la digestion, ou bien ils
la traversent et passent dans le sang. Jusqu’ici, il n’y a
rien d’anormal : cela se produit depuis toujours. Mais la
nature de ces polypeptides passant dans le sang peut faire
problème. Il peut s’agir de peptides que l’évolution ne
71 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
nous a pas préparés à recevoir. Le système immunitaire,
très important dans l’intestin, peut réagir mollement et
laisser passer ces molécules susceptibles de participer (à
tout le moins) à un certain encrassage de notre corps. Il
peut aussi s’affoler et les détruire précipitamment. Ce qui
est grave, c’est que les polypeptides issus des protéines
lactées peuvent présenter de fortes ressemblances avec
des polypeptides constituant les protéines de notre propre
corps. Un système immunitaire hyperréagissant et qui
manque de discernement aura donc tendance à détruire
les uns et les autres du fait qu’il les confond… et c’est le
début d’une maladie auto-immune.
La sclérose en plaques en est un exemple frappant. Une
statistique établie par le Docteur Seignalet (op. cit., p.
243), très impressionnante, montre une évidente corrélation entre la fréquence de la sclérose en plaques dans les
différents pays d’Europe et la consommation de certains
aliments et plus particulièrement des produits laitiers.
On pourrait objecter que le problème soulevé ici, et lié au
passage intempestif de polypeptides indésirables à travers
la barrière intestinale, présente une gravité très variable
suivant les individus. Certains en souffrent énormément,
tandis que d’autres ne se plaignent que de légers désagréments de temps à autre. (Et personne, à peu près, même
parmi les médecins, ne peut mettre le doigt sur la cause
réelle de ces maux…) Il doit donc y avoir d’autres facteurs
en jeu, physiologiques – ou même psychiques.
Le rôle des groupes sanguins n’est pas à négliger : nous
en reparlerons.
Celui du système HLA (« Human Leucocyte Antigen »)
est beaucoup plus important comme l’a amplement dé 72
LE PROBLÈME D ES PRODUITS LAITIER S montré le Docteur Seignalet dont c’était le cheval de bataille : c’est à ses travaux que je renvoie le lecteur intéressé
par cette matière difficile qui sort du cadre du présent ouvrage mais n’en est pas moins essentielle à la compréhension précise des phénomènes d’auto-immunité ; le lecteur
trouvera aussi, s’il le désire, un résumé du problème sur
le site de Loren Cordain (beyondveg.com/cordain). Il est
d’ailleurs intéressant de remarquer que ces deux scientifiques qui ne se connaissent probablement pas (puisque
aucun des deux ne cite l’autre) arrivent pour l’essentiel
aux mêmes conclusions.
Il y a encore un autre facteur, trop négligé : l’intoxication
aux métaux lourds. Le rôle néfaste de ces derniers n’est pas
très difficile à comprendre. Un grand nombre d’enzymes
fonctionnent avec un ion métallique comme une serrure avec une clé. Prenons l’exemple du zinc : on connaît
plus de 200 enzymes qui en dépendent. Le problème est
que le zinc peut se faire supplanter par des métaux qui
lui sont apparentés (plus précisément : qui sont plus bas
dans la même colonne du tableau de Mendeleïev). Ces
ions indésirables, s’introduisant à la place du zinc dans la
machinerie enzymatique, vont la bloquer et la rendre inopérante. En quelque sorte, ils sont trop « gros » et restent
« coincés ». Ces métaux apparentés au zinc sont le cadmium et le mercure, dont la nocivité bien connue apparaît
ainsi plus clairement. Si ces enzymes devenus inopérants
ont un rôle dans la digestion, il ne faut pas s’étonner que
celle-ci ait d’autant plus de « ratés » et laisse inattaqués un
plus grand nombre de polypeptides. Ainsi donc, si de plus
en plus de médecins incriminent les métaux lourds dans
la sensibilité sinon l’allergie aux produits laitiers, ce n’est
pas sans raison.
73 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Il ne faudrait pas croire que, du fait que le yaourt et le
fromage sont plus digestes que le lait, ils poseraient moins
de problèmes : leurs protéines sont les mêmes ! Attention
à ce piège ! Les dérivés du lait, il est vrai, peuvent perdre
les facteurs de croissance qui sont parties intégrantes de
tout lait frais, et il est évident que ces facteurs sont indésirables chez un adulte. (Qu’y feraient-ils ?) Sur ce plan-là,
ces dérivés du lait peuvent être moins néfastes que le lait
lui-même. Mais le problème des polypeptides indésirables
reste bien présent.
Quant au beurre, il est fait de la graisse du lait et est
relativement pauvre en protéines ; il est donc un peu
moins nocif de ce point de vue. Mais il est beaucoup trop
riche en acides gras saturés ; il peut être à l’origine d’un
déséquilibre à cet égard chez ceux qui en consomment
régulièrement.
Le principal effet immédiatement sensible de la consommation de produits laitiers est d’augmenter la production
de mucosités. En cas de rhume ou d’otite, c’est sans
conteste la première chose à éliminer de l’alimentation.
Peu d’oto-rhino-laryngologistes le savent, hélas !
Personnellement, j’avoue avoir un passé assez lourd à
cet égard. Il y a un peu plus de vingt ans, je mangeais
énormément de fromages. Je dormais mal car mon nez
se bouchait la nuit. Un peu par hasard, j’ai rencontré une
personne bien inspirée qui m’a conseillé d’arrêter complètement d’en prendre. Trois semaines après, mon nez
restait dégagé la nuit.
74
LE PROBLÈME D ES CÉRÉALES Le problème des céréales
Les céréales existent depuis des millions d’années. Mais
avant qu’elles ne fussent sélectionnées en vue de donner
des grains assez gros, c’étaient des plantes menues dont
les graines étaient minuscules. Nos ancêtres du paléolithique en mangeaient-ils ? À l’occasion, oui, sans doute,
mais en très faibles quantités. Elles auraient été beaucoup
trop fastidieuses à récolter systématiquement.
Au néolithique, la sélection et la domestication des céréales ont commencé, progressivement. D’abord le blé et
l’orge au Proche-Orient, il y a 10 000 ans ; puis le riz en
Asie et le maïs en Amérique, il y a 7 000 ans ; puis le millet et le sorgho en Afrique, il y a 5 ou 6 000 ans ; puis le
seigle dans le sud-ouest de l’Asie, il y a 5 000 ans ; et enfin
l’avoine en Europe, il y a 3 000 ans. (Cf. beyondveg.com).
Les graines de céréales sont trop fibreuses pour être
assimilées crues, telles quelles. Traditionnellement, avant
d’être consommées, elles passent par les mains du meunier, puis du boulanger. Moulues et cuites, elles sont appauvries en vitamines, grevées de toxiques de cuisson, en
particulier des inévitables molécules de Maillard qui forment les croûtes, et par-dessus le marché, elles n’ont pas
nécessairement perdu leurs antinutriments.
Ceux-ci forment une cohorte impressionnante. Il y a
d’abord les inhibiteurs de germination. Ceux-là au moins
sont faciles à éliminer : il suffit de tremper les graines dans
de l’eau, quelques heures, jusqu’à 12 ou 15, en fonction
de la taille des grains ; il faut alors jeter l’eau, bien entendu, et ne pas oublier que les graines ne peuvent plus
se conserver et doivent être consommées rapidement. Il
75 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
y a ensuite l’acide phytique, ou les phytates, des hexaphosphates qui ont la dangereuse propriété de capter
les ions divalents (fer, zinc, etc.) en les soustrayant ainsi à
l’assimilation. Malheureusement, les phytates supportent
allègrement la cuisson ; seule une fermentation peut en
venir à bout : c’est pourquoi des pains qui ne sont pas
cuits au levain (exclusif, c’est-à-dire sans levure) sont néfastes à ce point de vue. Il y a encore des inhibiteurs de
protéase et d’alpha-amylase, qui fatiguent le pancréas, et
des antibiotines4, qui gênent l’absorption de la vitamine
B8, et des alkylresorcinols (surtout dans le seigle), qui ont
des effets néfastes sur le sang et sur les membranes dont
ils augmentent la perméabilité (cf. Hengtrakul, 1991), et
qui affectent la prostate en favorisant l’inflammation (cf.
beyonveg.com/cordain)… et ce n’est pas tout…
Avant de continuer ce réquisitoire, demandons-nous
tout de même si tous les accusés sont coupables au même
degré. Heureusement non. (Ouf !) Certains sont même à
peu près innocents, comme le riz, qui cependant doit être
trempé quelque heures dans l’eau, et le millet, qui lui aussi doit être trempé. Ce dernier n’est peut-être pas tout à
fait exempt des autres inconvénients ; on trouve peu d’information là-dessus ; le bénéfice du doute jouera en sa
faveur. Signalons aussi le cas du sarrasin : il n’est pas une
graminée, peut néanmoins tenir le rôle d’une céréale – ses
graines sont riches en amidon – mais n’en présente pas les
inconvénients. De même, l’amarante et le quinoa échap4. La biotine est la vitamine B8. Un autre exemple d’antibiotine est
l’avidine, qui se trouve dans le blanc d’œuf cru. Contrairement au
jaune, le blanc d’œuf devrait être cuit, ou du moins battu en neige,
pour éliminer cette antibiotine. Encore qu’il ne faille pas dramatiser :
il y a tout juste assez d’avidine dans un blanc d’œuf pour rendre
inassimilable la biotine présente dans le jaune du même œuf…
76
LE PROBLÈME D ES CÉRÉALES peraient, selon toute vraisemblance, aux tares reprochées
ci-dessus aux céréales.
Ce qui est certain, c’est que le riz, le millet, le sarrasin,
l’amarante et le quinoa (de même d’ailleurs que le fonio,
céréale africaine récemment redécouverte) sont dépourvus de gluten. Cette protéine paraît plus nocive encore
que les antinutriments dénoncés précédemment.
À ce stade, le lecteur va peut-être, s’il ne l’a déjà fait,
me soupçonner de paranoïa : « Est-il possible, se dira-t-il,
que ce bon pain, qui nous nourrit depuis tant de générations, au point de symboliser notre alimentation toute
entière, que ce pain, si savoureux parfois qu’il peut suffire
à illuminer un souvenir d’enfance, soit entaché de tels défauts ? Ne dit-on pas, d’une personne qui a un bon naturel, qu’elle est “bonne comme le pain” ? Est-il possible
que la nature soit si mal faite ? »
Mais non, cher lecteur, la nature est bien faite, mais il
faut cesser de la regarder avec les yeux de l’enfant qui
trace les phrases convenues de sa culture sur son cahier
d’écolier, savourant d’avance la brioche de son goûter,
tout imprégné encore de son petit monde maternel. Nous
sommes tous marqués, à des degrés divers, par ces habitudes culturelles, inculquées dès l’enfance, souvent aussi
avec toute la force psychique de l’autorité paternelle…
La nature est faite non de « bonté » mais d’équilibres.
Le plus humble végétal est organisé pour survivre. S’il
est livré sans défense à ses prédateurs qui le broutent sans
retenue, il finit par disparaître en tant qu’espèce. Pour
éviter cela, une stratégie de défense s’impose toujours.
Nous avons déjà vu que dans ce but les végétaux utilisent surtout des moyens chimiques. Il n’est pas étonnant
77 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
qu’ils protègent plus encore leurs graines qui représentent
leur avenir puisqu’elles servent à les reproduire. Chaque
plante tend à préserver chacune de ses parties, d’autant
plus qu’elles sont essentielles.
« Mais alors, dira-t-on, aucune n’est parfaitement comestible ! En reste-t-il qui soient tout à fait dépourvues
de poison ? » Les fruits mûrs le sont, dans la mesure où
la plante compte sur eux pour que soient dispersées les
graines qu’il renferme et que le frugivore avalera et restituera plus tard à la terre. Les autres parties des plantes,
par contre, ne le sont pas, et un équilibre s’instaure, chez
le prédateur mû par l’instinct, entre sa capacité à assimiler
les nutriments fournis et celle de son foie à inactiver les
antinutriments ingérés en même temps. Si cette détoxification devient trop pénible, le foie émettra un signal
« stop ». Il en est de même si les nutriments, par leur quantité, induisent une surcharge : même du meilleur il ne faut
pas trop. Mais tant que ces deux activités métaboliques
parallèles – assimilation et détoxification – se passent sans
encombres, la plante ingérée peut être considérée comme
« parfaitement » comestible.
Quand je parle de « capacité » d’assimilation, j’inclus la
possibilité de dominer les éventuelles substances inhibitrices de la digestion. Remarquons à ce propos que le foie
ne peut empêcher leur action. Prenons l’exemple de l’inhibiteur d’alpha-amylase : « Les inhibiteurs protéiques d’alpha-amylase [blé, seigle, avoine…] peuvent représenter
non moins de 1 % de la farine de blé et, à cause de leur
stabilité thermique, ils supportent la cuisson du pain et
se retrouvent en grande quantité au centre des miches. »
(Buonocore, 1977). Voilà qui est loin d’être négligeable !
Cependant, bien que le foie soit une usine chimique merveilleusement polyvalente, son action ne se situe pas à ce
78
LE PROBLÈME D ES CÉRÉALES niveau ; il ne peut intervenir qu’après le passage dans le
sang portal. L’alpha-amylase devra lutter seule contre son
ennemi et le pancréas qui la sécrète devra en assumer
les frais. Si l’anti-enzyme n’apparaît qu’en faible quantité, le travail demandé reste « normal », mais dans le cas
contraire, gare à l’épuisement du pancréas ! Ici aussi, c’est
une question d’équilibre, donc de quantités. Cependant,
il va de soi que moins les organes digestifs doivent faire
face à des anti-enzymes, plus leur longévité est assurée…
Revenons à ce gluten dont j’annonçais les méfaits. C’est
une protéine typique de l’enveloppe des céréales. On la
trouve surtout dans le blé, à peine moins dans l’orge et le
seigle. Dans l’avoine, il est dépourvu de gliadine, qui en
est la composante la plus allergène. Le seitan, le « steak
des végétariens », est constitué de gluten. En tant que
protéine, le gluten nourrit, dans la mesure où il est suffisamment digéré. Malheureusement, sa décomposition
par les sucs digestifs en acides aminés séparés n’est jamais
parfaite – pas plus que celle des protéines du lait – et il
subsiste des polypeptides qui traversent l’épithélium de
l’intestin grêle. Une fois de l’autre côté, ces derniers sont
la cible du système immunitaire qui les considère comme
des intrus mais qui en même temps ne peut manquer
de reconnaître chez eux des séquences d’acides aminés
semblables à d’autres séquences qui sont propres à nos
protéines tissulaires. Cette situation, étonnante de prime
abord de la part de protéines végétales, est une source de
confusion du système immunitaire qui peut être amené,
s’il manque de discernement, à détruire non seulement
ces polypeptides mais aussi certaines protéines de nos
propres tissus. Ce processus pernicieux a déjà été rencontré à propos des protéines lactées, et l’on sait déjà que
c’est là une origine possible des maladies auto-immunes.
Bien entendu, s’il n’est pas hyperréagissant, le système
79 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
immunitaire aura tendance à laisser faire et à accepter
ainsi un certain « encrassement » subséquent des tissus.
Mon lecteur – que j’espère pas trop mal remis de ses
émotions précédentes… – se demandera peut-être par
quel hasard malencontreux des protéines appartenant
à des êtres aussi dissemblables que les céréales et les
mammifères présentent de telles similitudes dans leurs
séquences d’acides aminés.
Il s’agit une fois de plus d’une stratégie de défense d’un
végétal contre ses prédateurs, plus subtile sans doute
que les précédentes (cf. Oldstone : « Molecular mimicry
and autoimmune disease »). Remarquons en passant que
cette stratégie est très ancienne. Elle est même très courante dans le petit monde des bactéries et des virus qui
l’utilisent – dans un autre but, certes – pour envahir leur
hôte en entretenant une certaine confusion dans son système défensif et en évitant ainsi de trop l’alarmer…
Ici encore, le système HLA, mentionné à propos du problème des produits laitiers, joue un rôle très important (cf.
références du chapitre précédent).
De même, l’explication du chapitre précédent concernant le rôle de l’intoxication par les métaux lourds garde
évidemment tout son sens ici : toute perturbation du système protéolytique affectera aussi bien la dégradation du
gluten que celle des autres protéines.
Des quatre céréales à gluten – blé, orge, seigle, avoine –
le blé est de loin la plus répandue. Et c’est aussi le blé qui
pose le plus de problèmes !
Il faut en distinguer différentes variétés (cf. Seignalet,
op. cit., p. 60). Le blé originel est l’engrain, ou petit
80
LE PROBLÈME D ES CÉRÉALES épeautre (Triticum monococcum), qui est encore cultivé
en France, dans le sud-ouest et en Alsace. Son génome
se répartit sur 7 paires de chromosomes. Il est diploïde.
L’hybridation et la sélection massale (qui consiste à choisir les grains les plus lourds pour les semailles de l’année
suivante) ont favorisé les mutations. Sélections et recombinaisons ont donné les blés durs – tétraploïdes – qui ont
14 paires de chromosomes, puis le blé tendre ou froment
– hexaploïde – qui en a 21 paires. Le caractère artificiel de
cette polyploïdie est suspect, ses conséquences sont mal
connues, les protéines dérivées ne peuvent que s’écarter
des protéines originelles vis-à-vis desquelles une certaine
adaptation peut (dans une faible mesure !) avoir eu lieu. À
cet égard, il est clair que les OGM ne peuvent qu’aggraver
la situation, comme l’écrit Seignalet (op. cit., p. 59).
Signalons que l’orge et le seigle ont 7 paires de chromosomes, tandis que le kamut en a 14 paires et n’est donc
pas si « ancestral » qu’on le croit (tout en étant préférable
au froment).
Quant au maïs, originaire du Mexique mais répandu
actuellement dans le monde entier, il présente les inconvénients propres aux céréales mais à un degré moindre
que le blé. Ses protéines sont particulièrement mal équilibrées en acides aminés. Pour ces raisons, il n’est pas
étonnant, comme l’explique Seignalet (op. cit., p. 62) et
Larsen (dans son article : «Le déclin des Indiens »), que le
déclin des Amérindiens (et en particulier des Mayas) soit
dû en grande partie à une alimentation trop exclusivement centrée sur cette céréale facile à cultiver. Par ailleurs,
Seignalet considère le maïs comme spécialement contreindiqué dans la maladie de Crohn.
81 82
LE PROBLÈME D ES LÉGUMINEUSES Le problème des légumineuses
Les lentilles, pois, haricots, fèves, et bien d’autres sont
aussi des graines riches en substances nutritives. Elles
ont l’avantage d’être relativement complémentaires des
céréales en ce sens que leurs protéines sont bien pourvues en certains acides aminés essentiels dont manquent
les céréales et vice-versa. Par exemple, les légumineuses
manquent de méthionine et les céréales de lysine. Cette
complémentarité est discutée, par exemple par Robert
Masson, qui la trouve insuffisante, ou par Gabriel Cousens,
qui ne la croit pas si nécessaire… Nous en reparlerons à
propos du végétarisme.
Crues, la plupart des légumineuses sont toxiques, certaines plus que d’autres. Les haricots blancs et rouges le
sont certainement, les fèves des marais sans doute beaucoup moins. De toute manière, les légumineuses crues
sont assez indigestes, à moins qu’elles soient germées.
Leurs antinutriments sont analogues à ceux des céréales ;
ce sont surtout des inhibiteurs d’amylase et de protéase,
plus particulièrement des facteurs antitrypsiques (la trypsine, dans le suc pancréatique, est la base de la digestion
des protéines). La cuisson ne les élimine malheureusement qu’en partie.
Le soja est particulièrement pernicieux. Même bien cuit,
il n’est pas débarrassé de l’inhibiteur de trypsine. Pour que
cet antinutriment disparaisse à peu près, il faudrait cuire
le soja à 130°C, mais à cette température, ses protéines
ne valent plus grand-chose… À ce sujet, Liener (cité par
Cordain, cf. beyondveg.com/cordain) écrit : « … du fait de
la nécessité de réaliser un équilibre entre la quantité de
chaleur nécessaire pour détruire les inhibiteurs de tryp83 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
sine et celle qui peut aboutir à endommager les propriétés
nutritionnelles ou fonctionnelles de la protéine, la plupart
des produits alimentaires à base de soja disponibles dans
le commerce contiennent encore 5 à 20 % de l’activité
inhibitrice de trypsine présente au départ dans les fèves de
soja crues à partir desquelles ils ont été préparés ».
D’Adamo, dans son ouvrage « 4 groupes sanguins, 4
modes de vie » (p. 300), conteste vigoureusement la nocivité de l’inhibiteur de protéase du soja (dit de BowmanBirk). Il explique que cet inhibiteur « possède des propriétés
anti-carcinogènes bien établies » et qu’il « inhibe aussi
l’élastase leucocytaire, une enzyme qui dissout la protéine
appelée élastine et dégrade ou inactive diverses protéines
du plasma ». Cette élastase contribuerait, selon D’Adamo,
« à provoquer emphysème pulmonaire, arthrite rhumatoïde, endométriose, infections et inflammations ». Ceci
est intéressant et peut nous « consoler » de l’existence de
cet inhibiteur de protéase… qui n’en est pas moins présent, en tant que tel. Ce débat illustre une fois de plus le
fait que la nature ignore nos catégories morales : il n’y a
pas des aliments « bons » et d’autres « mauvais ». Et ici, le
même facteur anti-protéase présente à la fois des aspects
négatifs et positifs ; il se peut que ces derniers prédominent dans certaines circonstances physiologiques ; il se
peut aussi que ce soit l’inverse…
Quoi qu’il en soit, le soja a un autre grave inconvénient : il est riche en phytates, qui confisquent les ions
divalents, en particulier le fer et le zinc ; rappelons que ces
phytates ne disparaissent pas du tout à la cuisson, mais
seulement après fermentation. D’autres aspects du soja
sont très discutés. On incrimine surtout les phyto-oestrogènes présents dans le soja sous forme d’isoflavones. Sur
ce sujet, des informations assez affolantes circulent, par
84
LE PROBLÈME D ES LÉGUMINEUSES exemple sur les sites « soyonlineservice.co.nz » et « westonaprice.org » : des bébés nourris avec du lait de soja en
seraient gravement perturbés sur le plan hormonal (atrophie des attributs masculins, etc.). En revanche, sur le site
« vegetarisme.fr », ces allégations sont niées, et non sans
arguments. Il est bien clair par exemple que les phyto-oestogènes ne sont pas des hormones, mais entrent en compétition avec elles sur les sites récepteurs à oestrogènes.
De ce fait, les phyto-oestrogènes pourraient jouer un rôle
de régulation : un effet compensatoire lors de la ménopause, ou une atténuation du syndrome prémenstruel.
Du moins sous certaines conditions liées aux possibilités
enzymatiques de chaque personne. D’après Nagato, les
bouffées de chaleur chez les femmes ménopausées diminuent si elles prennent du soja fermenté, pas du tout s’il
n’est pas fermenté. (Mais qu’en est-il des consommateurs
mâles ?)
Les sites INTERNET cités plus haut sont tous trois bien
pourvus en références scientifiques. Tout se passe comme
si les lobbies du lait et du soja se faisaient la guerre sur la
« toile » à coup de publications « scientifiques » subventionnées comme on le devine… Il convient donc d’être circonspect. Mais même si certaines accusations ne peuvent
être retenues, le soja n’en est pas moins problématique.
Et comme on peut s’y attendre, le soja génétiquement
modifié l’est bien plus encore… Quant à la lécithine de
soja, elle échapperait à ces inconvénients (mais c’est loin
d’être sûr !). On croit volontiers que les Asiatiques (Chine,
Japon) mangent beaucoup de soja depuis longtemps. En
réalité, ils n’en consomment que depuis qu’ils ont trouvé
le moyen de le faire fermenter, et seulement en petite
quantité. Le soja fermenté se présente surtout sous forme
de miso et de tamari qui sont des condiments salés dont
on ne prend jamais que très peu à la fois. Signalons en85 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
core que Robert Masson, dans son livre « Diététique de
l’expérience », résume bien les problèmes liés au soja.
Pour les végétariens qui basent leur régime sur le riz
et le tofu, ces informations ont quelque chose d’affolant.
Pourtant, elles ne devraient pas tellement surprendre.
Encore une fois, il s’agit d’une stratégie de défense d’un
végétal en butte à ses prédateurs. Et dans le cas du soja,
elle est machiavéliquement subtile : il s’agirait d’amoindrir la virilité des consommateurs mâles, donc leur fertilité, afin de limiter leur capacité à se reproduire et donc
leur nombre… On raconte d’ailleurs que certains moines
bouddhistes mangent volontairement du tofu pour diminuer leur libido…
86
UNE CLÉ D E LA DIÉTÉTIQUE : LA PERMÉA BILITÉ INTES TINALE Une clé de la diététique :
la perméabilité intestinale
Beaucoup de gens, et aussi (hélas !) des diététiciens qui
se disent professionnels, s’imaginent que la teneur d’un
aliment en un certain nutriment – qu’il s’agisse de protéines, de vitamines, de minéraux, etc. – est une indication suffisante pour apprécier la quantité de cet aliment
qui satisfasse le besoin physiologique de ce nutriment. Le
sésame par exemple contient 1500 mg de calcium par
100g. Est-ce à dire que, pour obtenir 1,5 g de calcium,
il suffit de mettre 100 g de graines de sésame dans un
plat ? Ce n’est pas si simple. Les ions de calcium ont bien
du chemin à parcourir depuis l’intérieur des graines, fortifié par une carapace de cellulose, jusqu’à la circulation
sanguine et les cellules qu’elle irrigue…
Derrière cette attitude mentale simplificatrice se trouve
un présupposé implicite, qui est : « tout nutriment passe
la barrière intestinale et se retrouve intégralement – ou du
moins dans une proportion élevée et constante – dans le
sang portal ».
Une telle supposition est pour le moins naïve. Elle correspond à une vision simpliste et mécaniste du tube digestif considéré comme une machine. En réalité, l’absorption
d’un nutriment par l’épithélium de l’intestin grêle et son
passage dans le sang portal dépend beaucoup du nutriment lui-même et aussi de la quantité qui en a été ingérée. De plus, elle varie d’une personne à l’autre, et surtout
avec son état de santé. Elle est souvent moindre que ce
qu’on imagine. Par exemple, si l’on mâche du riz complet
cru, on n’absorbera que 25 % de ses protéines, s’il est cuit
87 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
65 % (Bradbury, 1984). Autre exemple : si l’on consomme
1 g par jour de vitamine C, elle sera absorbée à 75 %, et
si l’on en prend 5 g par jour, elle ne sera plus absorbée
qu’à 25 % ; ces chiffres, très significatifs, sont néanmoins
imprécis, ou même inexacts dans bien des cas ; en fait
l’absorption varie beaucoup avec les besoins réels.
Un préjugé tenace veut que le lait et ses dérivés fournissent beaucoup de calcium. Si l’on mesure le taux de
calcium du lait, on peut facilement conclure : oui, le lait
contient beaucoup de calcium. Tout ce calcium passe-t-il
dans le sang ? La réponse est NON ! (Heureusement d’ailleurs, il y en a beaucoup trop !) Le Docteur Seignalet a
magistralement montré ce qu’il en était. La plus grande
partie du calcium du lait s’élimine dans les selles sous la
forme d’un précipité de phosphate de calcium. Il se peut
même qu’en ce qui concerne les fromages à pâte dure, la
proportion éliminée soit plus grande encore. Ce médecin
affirme clairement qu’il n’a jamais vu personne manquer
de calcium après suppression des produits laitiers (ce qu’il
préconise, bien évidemment).
Un autre élément intervient, que le Docteur Seignalet
décrit avec force détails dans son ouvrage, à savoir la
perméabilité plus ou moins grande, plus ou moins pathologique, de l’intestin grêle. Il arrive non seulement que
ses cellules épithéliales soient trop « permissives » mais
aussi que leurs jointures soient quelque peu relâchées et
qu’ainsi des nutriments ou des éléments nocifs – comme
les polypeptides non digérés des céréales et produits laitiers – passent par là en court-circuitant les cellules intestinales, un peu comme des fraudeurs qui passent une
frontière au nez et à la barbe des douaniers…
88
UNE CLÉ D E LA DIÉTÉTIQUE : LA PERMÉA BILITÉ INTES TINALE Le lait de vache contient de l’acide butyrique. Selon le
Docteur Jean-François Comet, ce « produit naturellement
corrosif » est « destiné à attaquer la paroi de l’intestin du
veau, de façon à favoriser une réabsorption des restes
non encore digérés contenus dans le gros intestin… »
(Santé Nature n°5, mai / juin 2003). Autrement dit, il y
a là une sorte de « forçage », qui convient au veau, mais
pas à l’homme, encore moins aux bébés. Le lait de vache
est donc une cause d’hyperperméabilité intestinale et aggrave ainsi sa propre nocivité puisque le passage de ses
polypeptides non digérés s’en trouve favorisé.
Les causes d’hyperperméabilité intestinale sont multiples. Seignalet en parle abondamment. Loren Cordain
(cf. beyondveg.com/cordain) mentionne le fait suivant :
« Aussi bien les céréales que les légumineuses contiennent
des glycoprotéines (protéines conjuguées qui présentent
un hydrate de carbone comme composant non protéiné)
appelées lectines qui se lient aux cellules épithéliales de
l’intestin et changent les caractéristiques de perméabilité
de ces cellules intestinales. » Pusztai, dans un article paru
en 1993, considère, quant à lui, que si les lectines « sont
impliquées dans des désordres nutritionnels », elles ont
aussi des « effets bénéfiques sur l’intestin et le métabolisme ». Dans un autre article, paru plus tard (en 1996),
il affirme que si les lectines ont des « effets antinutritionnels appréciables » quand elles sont absorbées en grandes
quantités, en revanche, celles qui ne sont pas liées à la
muqueuse intestinale ne causent que « peu ou pas du
tout d’effets nocifs ». Bref, le procès des lectines est loin
d’être achevé. Nous y reviendrons à propos des théories
de D’Adamo. Remarquons en passant la complexité des
études biochimiques et la difficulté d’en tirer des conclusions utilisables.
89 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Il n’est pas exclu non plus que la perméabilité intestinale
soit insuffisante dans certains cas et qu’il y ait des nutriments qui soient trop peu absorbés.
Il peut même se produire des phénomènes de compétition. C’est surtout le cas des minéraux. Ceux-ci passent
la barrière intestinale en certains sites bien localisés dans
l’épithélium de l’intestin grêle et qui leur sont réservés.
L’affaire se corse du fait que, souvent, deux minéraux se
partagent le même site. Ils utilisent les mêmes transporteurs protéiques pour passer dans le sang portal. Nous
avons vu que le fer hémique (issu du sang ingéré avec la
viande) disposait de sites d’absorption en haut du jéjunum. Mais le fer non-hémique, essentiellement d’origine
végétale, partage un même site d’absorption, beaucoup
plus bas dans le grêle, avec le zinc. Fer et zinc ne passent
pas dans le sang portal en même temps. C’est l’un ou
c’est l’autre, en fonction des besoins de l’organisme et
d’autres paramètres. En pratique, cela ne pose pas de
problème : la variété et la multiplicité des repas font que
jour après jour l’apport est assuré pour l’un comme pour
l’autre. Mais si l’on se trouve en manque de ces deux minéraux, et que l’on en prend des suppléments sous forme
pharmaceutique, il faut veiller à ne pas prendre le fer et
le zinc en même temps : ce serait peine perdue ; il suffit
alors de prendre le fer et le zinc à des repas différents.
Ces deux métaux représentent le cas le plus marquant de
compétition. Mais il y en a bien d’autres ; le manganèse
par exemple est un spécialiste de ce genre de conflit : il
entre en compétition avec le fer, le cobalt, le zinc et le
calcium. (Cf. Pfeiffer et Gonthier, « Équilibre psycho-biologique & oligo-aliments », p. 298)
Bref, la muqueuse intestinale a un fonctionnement
complexe. Il n’est jamais assuré d’avance que ce qui de 90
UNE CLÉ D E LA DIÉTÉTIQUE : LA PERMÉA BILITÉ INTES TINALE vrait la traverser la traverse réellement ni que ce qui ne
devrait pas la traverser ne la traverse pas. Le monde n’est
pas simple…
Ce qui compte finalement, c’est la capacité intestinale à extraire les nutriments et à écarter les éléments indésirables en les envoyant dans le côlon.
Cette capacité est l’un des fondements d’une bonne
santé. Il faut toujours garder cela présent à l’esprit
lorsqu’on envisage quelque aspect que ce soit de la
diététique.
91 92
UNE AUTRE CLÉ D E LA DIÉTÉTIQUE : L’ADAPTATION GÉNÉTIQUE Une autre clé de la diététique :
l’adaptation génétique
Dès le début de cet ouvrage, c’est ce point de vue phylogénétique qui a été adopté, car c’est le seul qui permette
une vision globale du problème. Sans quoi, il ne reste plus
qu’à se perdre dans des considérations de biochimie absolument impraticables parce que les substances intervenant
dans les réactions chimiques concernées, enzymatiques et
autres, sont infiniment variées, toujours changeantes et
en nombre astronomique.
On sait que l’adaptation génétique prend du temps.
Sur 10 000 ans, 0,005 % du génome pourrait se trouver
modifié (cf. Campillo, op. cit., p. 179). Pas plus. C’est très
peu, bien insuffisant pour qu’une adaptation nutritionnelle ait eu lieu. Nous avons vu qu’on pouvait estimer à
environ 100 000 ans la période nécessaire pour qu’une
modification notable à cet égard ait quelques chances
de se produire. Or, la consommation de céréales et de
produits laitiers remontent au début du néolithique,
c’est-à-dire à 10 000 ans tout au plus. Il est donc vain
d’espérer que nous ayons eu le temps de nous adapter à
des produits aussi récents dans notre évolution. Que des
mutations génétiques aient eu lieu depuis 10 000 ans,
c’est certain, mais elles n’ont donné que des résultats
marginaux, sans commune mesure avec ce qu’il faudrait
pour éviter les problèmes décrits plus haut. Il y a eu par
exemple la persistance chez l’adulte de la lactase, déjà
mentionnée plus haut. De nouveaux groupes sanguins
sont apparus, ce qui n’est pas sans conséquences intéressantes – nous en reparlerons plus loin – mais n’amène pas
de solutions adaptatives radicales. On peut encore citer le
93 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
favisme, intoxication hémolytique par les fèves, qui atteint
certains individus du fait d’un déficit enzymatique congénital, mais nous entrons là dans le domaine de la pathologie (cf. Grmek, op. cit.).
Le conflit est inévitable entre ceux qui croient – de par
leur foi dans la civilisation – aux vertus de l’agriculture, de
l’élevage et de la cuisine, et ceux qui voudraient revenir
– du moins dans une mesure adéquate5 – à la situation
antérieure. Ce conflit est aigu, bien plus qu’on ne l’imagine, et c’est pour cela par exemple qu’un chercheur sans
doute excessif mais honnête comme Guy-Claude Burger
est vilipendé par les médias. Il s’agit bel et bien du sempiternel conflit entre nature et culture, auquel j’ai consacré mon ouvrage précédent. Il est vrai que l’agriculture
a permis la sédentarisation, la civilisation et le développement démographique, mais le prix payé est plus élevé
qu’on ne le croit. Comme l’écrit Cordain, ce fut une arme
à double tranchant… Il ne s’agit pas ici de renier ceci ou
cela, encore moins de s’enfermer dans une attitude de
refus ou dans un mouvement sectaire, mais simplement
d’oser considérer la réalité telle qu’elle est, d’avoir des
yeux pour voir, des oreilles pour entendre, un nez pour
sentir et une langue pour goûter. Chacun peut, s’il le veut
vraiment – c’est-à-dire s’il n’est pas enchaîné à des habitudes, culturelles et autres – trouver sa voie alimentaire
propre, à la fois nouvelle, adaptée à ses gènes ancestraux
et liée à un plaisir plus vif, plus frais, plus sauvage, plus
authentique. À la fin de cet ouvrage, j’indiquerai quelques
recettes faciles.
5. La permaculture est une voie très prometteuse. C’est une sorte
d’agriculture « spontanée » qui tire profit des équilibres naturels. On
y « laisse faire » la nature, en l’orientant, en la canalisant astucieusement.
94
UNE AUTRE CLÉ D E LA DIÉTÉTIQUE : L’ADAPTATION GÉNÉTIQUE Quoi qu’il en soit, ce conflit ne sera résolu ni par un raisonnement abstrait ni en faisant appel à des principes ou
à des idéaux plus ou moins teintés de sentiments. Seuls
des résultats expérimentaux obtenus avec toute la rigueur
scientifique voulue peuvent être déterminants.
L’expérience qui me paraît la plus susceptible de trancher le débat est la suivante.
Considérons deux groupes de populations : d’une part,
celles qui vivent dans les régions où l’agriculture et l’élevage existent depuis le plus longtemps, en particulier celles
du Proche-Orient ou du bassin méditerranéen, d’autre
part, celles qui au contraire ne connaissent l’agriculture et
l’élevage que depuis une ou deux générations, ou même
qui ne les pratiquent pas du tout, comme les Esquimaux ;
procédons à un échantillonnage de ces deux groupes et
soumettons les individus sélectionnés à une série d’analyses physiologiques : du sang, des urines, des différents
tissus, et surtout des sucs digestifs. S’il y a vraiment une
adaptation génétique aux céréales et aux produits laitiers,
on devrait trouver des différences significatives entre les
deux groupes.
L’expérience aurait été tentée, dans une certaine mesure
(cf. beyondveg.com/cordain), mais à ma connaissance,
aucune différence convaincante n’a été relevée jusqu’ici.
En particulier et jusqu’à preuve du contraire, nous avons
tous les mêmes sucs digestifs, quelle que soit notre race
ou nos habitudes culturelles (si l’on excepte, bien sûr, les
cas pathologiques).
Nous n’avons donc aucune raison de nous croire adaptés à la consommation de céréales et de produits laitiers.
En toute logique, le fait que la preuve de cette adaptation
95 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
manque – c’est la seule chose démontrée ici – ne signifie
pas que cette adaptation n’ait pas eu lieu, mais elle était
très peu probable et l’expérience clinique démontre qu’on
en est loin. Ces justifications médicales viendront dans un
prochain chapitre.
96
LE PROBLÈME DU SUCRE Le problème du sucre
Nous avons examiné le côté pernicieux de l’usage
des produits laitiers et des céréales à gluten. Les effets
néfastes de ces aliments sont relativement indirects et
se manifestent plutôt à long terme. Mais il est un « aliment » qui produit des effets négatifs tout aussi graves
et nettement plus brutaux : c’est le sucre.
Bien que les Romains aient connu le sucre de canne
lors de leurs contacts avec l’Orient, le sucre n’a commencé à sévir en Occident qu’après le Moyen-Âge qui
l’ignorait. Les premiers cas de diabète diagnostiqués
remontent au milieu du XVIIe siècle. C’est donc tout
récent : trois siècles et demi ! Il n’est évidemment plus
question d’adaptation génétique : sur ce plan-là, la
cause est entendue. Mais le problème du sucre doit
être soulevé car il est très grave et encore sous-évalué,
même s’il est plus connu que ceux du lait et du gluten.
Pourquoi le sucre est-il si néfaste ? Et d’autant plus
qu’il est raffiné, comme le sucre blanc ? Cela tient à
plusieurs causes concomitantes.
D’abord, le sucre raffiné, qui est du saccharose pur,
est complètement dépourvu de minéraux. Or, son métabolisme conduit à une acidification du sang. Comme
celui-ci ne peut en aucun cas devenir acide, sous peine
de mort, une compensation doit se faire d’urgence : on
dit en chimie que le sang doit être tamponné. Et cela se
fait par l’apport de minéraux. Toute substance nutritive
naturellement sucrée est accompagnée des minéraux
qui permettent son assimilation harmonieuse, même
des fruits très sucrés comme les figues et les dattes, qui
97 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
sont d’autant plus riches en minéraux. Mais comme le
sucre raffiné n’en apporte pas, il y a déséquilibre, et il
faut bien que les minéraux indispensables viennent de
quelque part, plus particulièrement des principaux gisements minéraux de notre corps, qui sont les dents – et
gare aux caries – et les os – et gare à l’ostéoporose.
La deuxième raison pour laquelle le sucre raffiné est
si néfaste est liée à ce qu’il est en quelque sorte une
nourriture trop directe. Le saccharose est une simple
combinaison de glucose et de fructose, et il est vrai
que, in fine, le glucose est l’aliment énergétique de la
plupart de nos cellules et en particulier des neurones.
Mais comme le saccharose n’a besoin que d’une seule
opération pour fournir le glucose – une simple scission de sa molécule, obtenue par la saccharase intestinale –, le glucose arrive trop vite dans le sang et il
se produit – comme l’a découvert en 1924 le Docteur
Seale Harris – une hyperactivité réactionnelle du pancréas endocrine qui sécrète de l’insuline en excès. Cet
excès d’insuline produit une hypoglycémie, avec tout
son cortège de troubles qui varient selon les individus :
nervosité, irritabilité, épuisement, sueurs froides, tremblements, vertiges, somnolence, maux de tête, pertes
de mémoire, et beaucoup d’autres…
Le troisième mécanisme qui rend pernicieux le sucre
raffiné est le suivant. Comme c’est un aliment trop
concentré, sa consommation peut – beaucoup plus vite
que pour un aliment naturel dont l’excès éventuel se
marque par une lassitude pouvant aller jusqu’au dégoût
– aboutir à une accumulation de glucose dans le foie,
lequel le stocke sous forme de glycogène. Quand le foie
est saturé en glycogène, il le restitue au sang sous forme
d’acides gras, qui se déposent dans les adipocytes ou
98
LE PROBLÈME DU SUCRE cellules graisseuses ; celles-ci s’accumulent surtout sur
le ventre, et chez les femmes sur les fesses et sur les
cuisses. L’obésité en est évidemment une conséquence.
Jusque là, c’est encore relativement acceptable, mais le
processus peut aller plus loin et atteindre des organes
actifs dont les tissus peuvent dégénérer et se transformer en graisses. C’est ce qu’on appelle la dégénérescence graisseuse des tissus.
Cause principale de l’obésité, le sucre est aussi largement responsable des excès de cholestérol.
Le cholestérol, qui fait souvent peur, est en fait indispensable à l’organisme : aux membranes cellulaires
d’abord (comme le ciment à un mur de briques), et aussi à la synthèse de la bile, des hormones stéroïdiennes,
etc. Il est apporté pour le quart par l’alimentation ; les
trois autres quarts sont synthétisés par le foie essentiellement (« mais aussi par l’intestin, les glandes surrénales, les testicules, les ovaires, la peau et le système
nerveux » (Médart, op. cit. p. 99)), à partir du glucose,
par une série de réactions enzymatiques, dont l’une,
liée à la phosphofructokinase, assure une régulation efficace de la production de pyruvate, substrat préalable à
la synthèse du cholestérol. Rappelons que le saccharose
apporte du glucose et du fructose. Dans le foie, le fructose peut aussi servir à synthétiser du cholestérol, par
l’intermédiaire du pyruvate, comme le glucose. Mais il y
a un problème. Citons ici l’ouvrage de Horton, Moran,
Ochs et Scrimgeour, « Principes de biochimie » (p. 360) :
« … le catabolisme du fructose évite la phosphofructokinase et le point de contrôle [inhibiteur] qui y est
associé. C’est pourquoi les régimes riches en fructose et
saccharose provoquent une surproduction de pyruvate,
un précurseur nécessaire à la synthèse de graisses et de
99 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
cholestérol ; cette conséquence suscite un souci prioritaire en diététique humaine. »
Les fruits, riches en fructose, ne provoquent pas d’excès de cholestérol, du moins normalement. Le fructose
qu’ils contiennent est vraisemblablement métabolisé,
grâce à leurs minéraux, de manière à ne pas laisser de
surplus au foie. Toutefois, il convient d’éviter aussi les
excès de fruits, surtout en hiver et chez les personnes
maigres et frileuses. Même le meilleur, en excès, peut
nuire.
Ainsi donc, sauf apport particulièrement élevé de
graisses animales, c’est le sucre qui est responsable
d’un excès de cholestérol.
On vient de voir qu’il s’agit d’une défaillance dans
la régulation d’un processus enzymatique. Ce dernier
phénomène est peut-être plus courant qu’on ne le
pense. Cette régulation fonctionne souvent aussi par
l’augmentation de la concentration des produits de la
réaction, et il est très vraisemblable que le sucre inhibe
la digestion de glucides complexes tout simplement
parce que deux des substances résultantes de cette digestion, à savoir le glucose et le fructose, sont en trop
grandes quantités.
Tels sont, brièvement résumés, les méfaits du sucre.
De nombreux livres sont consacrés à ce sujet, citons
« Sugar Blues » de Dufty William.
En fin de compte, tel quel, ce n’est pas un aliment
mais une drogue, qui conduit à des habitudes désastreuses dont il est souvent difficile de se défaire. Voici
ce qu’en dit le Docteur Abram Hoffer : « Le sucre produit une assuétude aussi grave que n’importe quelle
100
LE PROBLÈME DU SUCRE autre drogue… La puissance de la dépendance au sucre
est aussi forte que celle à l’héroïne. »
La pathologie classiquement associée au sucre est le
diabète, mais les ramifications pathologiques en sont
nombreuses et tortueuses.
101 102
LE SYNDROME « X » ET L’INSULIN ORÉSIS TANCE Le syndrome « X » et
l’insulinorésistance
Le syndrome métabolique qu’on a pris l’habitude de désigner par « X » est constitué d’une combinaison, variable
selon les individus qui en souffrent, d’hyperinsulinémie –
pouvant aller jusqu’au diabète – , d’obésité, d’hypertension, d’hyperlipidémie et d’artériosclérose. À la base de
ce syndrome, on trouve l’insulinorésistance, qui consiste
en ce que certaines cellules cibles de l’insuline résistent à
son action.
Le Professeur Campillo-Álvarez en fait un exposé magistral dans son ouvrage « El mono obeso ». Tâchons simplement ici de résumer les données du problème.
Si des cellules résistent à l’action de l’insuline, le pancréas, par réaction, en augmente la sécrétion ; à la longue,
il peut s’épuiser et c’est le diabète. Le lien avec les autres
symptômes évoqués plus haut apparaîtra dans ce texte
de Campillo (op. cit., p. 29) : « L’excès d’insuline stimule
l’accumulation de graisse dans les dépôts adipeux [… ] ;
l’insuline à concentration élevée stimule la prolifération
cellulaire de la paroi artérielle et favorise l’artériosclérose.
L’hyperinsulinémie augmente la pression artérielle à travers deux mécanismes fondamentaux : d’une part elle stimule la rétention de sodium par le rein et d’autre part elle
potentialise l’action du système sympathique. » D’autres
processus sont d’ailleurs en jeu, comme l’explique Médart
(op. cit. p. 133).
Se pose évidemment la question de savoir d’où vient
cette résistance à l’insuline.
103 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Rappelons d’abord le mécanisme de fonctionnement de
cette hormone. La digestion d’un repas apporte dans le
sang une certaine quantité de glucose qui ne peut y rester : la glycémie y est strictement régulée. Ce glucose est
d’ailleurs destiné aux différentes cellules du corps dont il
est la nourriture énergétique de base. Il doit donc y pénétrer et le fait grâce à l’insuline. Seul le cerveau – toujours
privilégié – n’a pas besoin des services de l’insuline. Mais
toutes les cellules des muscles, du foie et du tissu adipeux possèdent des récepteurs qui, une fois en contact
avec l’insuline, ouvrent les portes permettant l’entrée
du glucose dans ces cellules. Notons en passant que ce
processus est facilité si les phospholipides membranaires
sont bien pourvus en acides gras poly-insaturés de type
oméga-3 (cf. Médart, op. cit. p. 102).
Pour comprendre la raison de l’insulinorésistance,
revenons un moment aux australopithèques. On a vu
qu’ayant quitté la forêt originelle, ils étaient soumis à des
conditions de vie plutôt drastiques. Ils ne mangeaient pas
tous les jours. Il leur fallait garder en eux assez d’énergie
pour supporter les aléas et l’espacement des repas. Or,
comme le dit Campillo, « la graisse corporelle est la forme
la plus efficace et économique sous laquelle l’énergie peut
être emmagasinée » (op. cit., p. 96). Et il est possible de
se constituer une réserve de graisse si l’on dispose d’une
sensibilité différentielle à l’action de l’insuline.
Le mécanisme mis en œuvre est le suivant. Le foie a
besoin, quoi qu’il advienne, d’une quantité optimale de
glucose : pour lui, rien ne change. Le cerveau est aussi très
exigeant, mais il est hors-jeu puisqu’il est indépendant de
l’insuline. Restent les tissus adipeux et musculaires. Si l’on
veut que le glucose, préalablement converti en triglycérides, se dirige préférentiellement vers les adipocytes et
104
LE SYNDROME « X » ET L’INSULIN ORÉSIS TANCE s’y accumule, il faut bien que les cellules musculaires en
prennent moins, donc qu’elles « résistent » à l’entrée du
glucose, c’est-à-dire à l’action de l’insuline.
Ainsi s’est constituée chez nos très lointains ancêtres
une insulinorésistance qui était pour eux un avantage évolutif évident et à laquelle, par la pression de sélection, leur
génome s’est adapté. Leurs cellules musculaires étaient
devenues peu sensibles à l’insuline tandis que leurs cellules adipeuses l’étaient plus. C’était ce que Campillo appelle le « génotype épargneur » (« genotipo ahorrador »,
en anglais : « thrifty genotype »).
Comme il fallait que ce processus, comme tous les mécanismes biologiques, soit régulé, une hormone appelée
leptine était synthétisée par les adipocytes « repus »6, et
envoyée, via la circulation sanguine, dans l’hypothalamus
où elle inhibait la sensation de faim. L’affaire se complique
du fait que les noyaux hypothalamiques concernés pouvaient présenter à leur tour une certaine résistance à la
leptine… ce qui amenait un surpoids qui lui aussi pouvait
devenir, à l’extrême, un avantage possible. Il ne faut pas
perdre de vue que ces australopithèques dans leur savane
étaient exposés à de graves dangers et n’avaient pas la vie
facile ; pour eux, les dépenses énergétiques avaient souvent un caractère pour le moins urgent.
Le problème est que ces gènes d’« épargneur » se sont
maintenus jusqu’à nous et qu’une certaine proportion
d’humains actuels en sont affectés. Mais ceux-ci ne sont
généralement plus soumis aux terribles conditions de lutte
pour la vie et de fuite devant les prédateurs. La sédentarité et le manque d’exercice, dans ces conditions, font
6. Le lecteur trouvera là-dessus plus de détails dans l’ouvrage cité de
Jacques Médart, p. 152-153.
105 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
des ravages. La graisse, n’étant plus dépensée régulièrement, s’accumule, y compris dans les artères… Campillo
conclut avec humour : « Il faut tenir compte de ce que
nous sommes les descendants de ceux qui ne se laissaient
pas dévorer. » (op. cit., p. 108).
Nous venons de voir le but évolutif de l’insulinorésistance ; il est intéressant aussi de comprendre par quel biais
elle a pu s’imposer. On sait que les australopithèques, devenus charognards par la force de leur destin, faisaient
de temps à autre des repas carnés abondants. Ces repas
très riches en protéines étaient pauvres en glucides. Il y
avait donc peu de glucose disponible. Comme le cerveau
devait être servi en priorité, il n’en restait plus guère pour
les muscles et les autres organes. Or, l’insuline, destinée
d’abord à agir sur la glycémie (en la diminuant), donc sur
le glucose (en le faisant passer dans les cellules), agit aussi,
de la même manière, sur les acides aminés. Mais l’apport
d’acides aminés dans le sang, s’il en stimule la sécrétion,
stimule aussi la sécrétion de l’hormone qui lui est antagoniste, le glucagon, lequel tend à maintenir la glycémie
en agissant sur les cellules hépatiques (essentiellement) et
adipeuses. Par ailleurs, ces acides aminés peuvent aussi
être convertis en triglycérides et ceux-ci envoyés dans les
adipocytes. Ce mécanisme, qui a pour résultat final une
augmentation de la réserve de graisse et qui est toujours
présent chez les humains actuels, assure une gestion satisfaisante des nutriments après un repas carné peu pourvu
en glucides. Mais il a ses limites. On se rend bien compte
que si le peu de glucose disponible est « pompé » sans
retenue par les cellules musculaires, la glycémie ne peut
que chuter, malgré l’action du glucagon. Tandis que si ces
cellules deviennent réticentes à l’entrée du glucose, la glycémie se maintiendra plus facilement. Il est donc clair que
c’est l’insulinorésistance qui va tendre à améliorer ce mé 106
LE SYNDROME « X » ET L’INSULIN ORÉSIS TANCE canisme de base. Et comme les repas carnés occasionnels
mais abondants étaient le lot de ces australopithèques,
elle ne pouvait que s’imposer. Du reste, chez les carnivores, elle est physiologique.
C’est ainsi que l’habitude – qu’elle soit d’origine culturelle, sociale ou familiale – de faire des repas abondants et
trop exclusivement carnés favorise par sélection le génotype « épargneur », lequel se trouve ainsi représenté à des
degrés divers dans toutes les populations du globe et se
traduit par de l’obésité dans la mesure de la sédentarité.
Le mécanisme d’action de l’insuline est plus subtil encore et il vaut la peine d’être détaillé. L’insuline fait entrer
le glucose dans les cellules ainsi que les acides aminés,
sauf le tryptophane. Un repas riche en glucides – lesquels sont souvent accompagnés de tryptophane – et
pauvre en protéines augmentera donc la concentration
de tryptophane dans le sang comparativement à celle des
autres acides aminés. La prédominance du tryptophane
sur les autres acides aminés lui permettra de pénétrer
dans le cerveau, ce qu’il ne pourrait pas faire dans le cas
contraire, car d’autres acides aminés7 lui feraient trop
concurrence et l’empêcheraient ainsi de passer la barrière
hémato-encéphalique. Une fois dans les tissus cérébraux,
le tryptophane sert de base (grâce aussi à l’action des vitamines C, B3 et B6) à l’élaboration de la sérotonine. Celleci, agissant dans l’hypothalamus médial, amène la satiété
pour les glucides, mais pas pour les protéines. Par contre,
7. La leucine, l’isoleucine, la valine, la méthionine, la tyrosine et
la phénylalanine (cf. Médart, op. cit. p. 131). Il est intéressant de
remarquer que, comme ces acides aminés sont consommés par les
muscles, l’activité physique a aussi pour résultat de favoriser la pénétration de tryptophane dans le cerveau (F. Batmanghelidj : « Votre
corps réclame de l’eau » (Éd. Trois Fontaines), p. 122-123).
107 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
un repas de protéines conduit à stimuler l’appétit pour les
hydrates de carbone, non seulement à cause d’une certaine hypoglycémie comme on vient de le voir, mais parce
que le tryptophane, quoique plus abondant, est paradoxalement empêché, par l’effet de compétition, d’atteindre
les lieux où se fabrique la sérotonine. Or la sérotonine a
d’autres effets, et d’abord un effet calmant ; c’est l’hormone du sommeil. Ceci explique que la prise de glucides,
sans protéine, ait un effet apaisant, et voilà pourquoi les
personnes stressées ont tendance à se gaver de « douceurs »… L’obésité n’est pas loin, puisque, comme on l’a
vu au chapitre précédent, le sucre se transforme facilement en graisse.
Ce chapitre a permis de comprendre quelques mécanismes physiologiques qui peuvent expliquer l’apparition
de l’obésité. C’est sans nul doute, de tout cet ouvrage,
le plus difficile à lire, je le conçois fort bien et je m’en
excuse auprès du lecteur peu habitué à ce langage. Mais
je crois que cet effort en valait la peine, car l’obésité est
un problème très fréquent et même de plus en plus préoccupant. Il m’a donc paru nécessaire de détailler ces mécanismes complexes, qu’il faut garder à l’esprit si l’on veut
faire œuvre utile à cet égard.
108
UNE 3 E CLÉ : L’ÉQUILIBRE ENTRE LES NUTRIMENTS ANTAGONIS TES Une troisième clé de la
diététique : l’équilibre entre les
nutriments antagonistes
Cet aspect des choses, dans l’idéal, pourrait être
considéré comme superflu, pour des personnes qui se
nourrissent vraiment d’aliments qui leur sont génétiquement adaptés, guidées par un instinct sûr, une intuition
efficiente.
Mais dans le monde actuel, ce n’est pas si simple et il
convient sans doute de donner quelques indications plus
précises concernant des équilibres essentiels.
L’équilibre acido-basique est bien connu des nutritionnistes ; certains en font leur cheval de bataille et ce
n’est pas sans raison. La question a déjà été évoquée
à propos du sucre, dont les déchets métaboliques sont
acides. Le pH sanguin ne peut varier qu’entre des limites
très étroites : 7,35 à 7,45. (Le pH urinaire a une plage un
peu plus large ; il donne une indication utile.) Le problème
ne réside pas dans les aliments acides – comme certains
fruits – mais dans les aliments acidifiants – comme le
sucre, et aussi la viande, le poisson, les produits laitiers,
les céréales (surtout raffinées), les légumineuses… Ceuxci, en se métabolisant, produisent des acides, lesquels
n’affectent pas seulement le sang mais aussi les différents
tissus, qu’ils peuvent altérer à la longue s’ils sont en excès, en fatiguant l’organisme. La perméabilité intestinale
elle-même peut en souffrir ce qui aggrave encore le problème, surtout si le pH intestinal lui-même s’écarte de la
valeur normale, adaptée à ses différents sites. Il convient
donc d’assurer l’équilibre avec des aliments alcalinisants,
109 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
comme les légumes (surtout), les châtaignes, amandes,
bananes, etc. Notons encore que l’élimination rénale et
cutanée doit être suffisante, et que l’oxygénation, par
l’exercice physique, joue aussi un rôle positif, à condition
de ne pas pousser trop loin les efforts musculaires sous
peine d’accumuler de l’acide lactique dans les muscles.
D’autres équilibres sont importants.
Par exemple, l’équilibre sodium-potassium : il assure
la polarisation électrique de la membrane de chacune de
nos cellules ; à ce titre, il est l’un des fondements de la vie
cellulaire. L’apport de sodium vient surtout du chlorure de
sodium, qu’on appelle aussi – malheureusement – « sel
de cuisine ». Je dis « malheureusement » car il n’est que
trop présent dans beaucoup d’aliments, pour des raisons
de conservation. L’habitude de saler – en plus ! – induit
une habitude gustative dommageable dont il vaut mieux
se défaire, d’autant plus qu’elle en inhibe d’autres, plus
subtiles et gratifiantes. Le « sel de cuisine » devrait être
absent des cuisines… Heureusement, il existe beaucoup
d’aliments plus riches en potassium qu’en sodium, essentiellement les fruits et les légumes. Leur teneur respective
en ces minéraux peut se trouver dans les tables du Docteur
Schneider (« La santé, ça se mange ! »). Remarquons que
certaines habitudes culturelles – boudin et pommes, jambon de Parme et melon – correspondent à une recherche
instinctive de cet équilibre.
Il y a encore l’équilibre calcium-magnésium, trop
souvent déplacé aux dépens du magnésium et sur lequel
nous reviendrons, et toute une série d’équilibres entre
vitamines, entre oligo-éléments, dont la description détaillée paraîtrait fastidieuse au lecteur et lui serait de peu
110
UNE 3 E CLÉ : L’ÉQUILIBRE ENTRE LES NUTRIMENTS ANTAGONIS TES d’utilité du fait même de sa complication, d’autant plus
que ces équilibres sont sans doute loin d’être tous connus.
Quoi qu’il en soit, il convient de s’étendre un peu plus
longuement sur un équilibre essentiel et que l’on ne prend
pas encore assez en considération : celui entre les acides
gras poly-insaturés.
On a déjà précisé, à ce propos, ce qu’étaient les oméga-6 et les oméga-3.
À plusieurs reprises dans cet ouvrage, l’importance des
oméga-3 a été mentionnée. Ils ont été popularisés par
David Servan-Schreiber et c’est heureux. Le sujet commence à être connu. Mais, encore une fois, si les oméga-3
et les oméga-6 ont un rôle à jouer dans notre physiologie,
le problème réside dans le rapport quantitatif entre ces
deux séries d’acides gras.
L’acide linoléique, par réaction enzymatique, peut se
transformer en acide gammalinolénique (GLA) – lequel
peut se trouver directement dans l’huile d’onagre ou de
bourrache –, puis en acide dihomogammalinolénique
(DGLA). Ce dernier acide gras est ambivalent : d’un côté,
il peut donner lieu à des prostaglandines de la série 1 qui
« présentent des propriétés pro-immunitaires, anti-inflammatoires, vasodilatatrices et anti-agrégantes au niveau
des plaquettes » ( J.-P. Curtay, « La nutrithérapie », p.
121) ; d’un autre côté, il peut se transformer en acide arachidonique, lequel peut donner lieu à des prostaglandines
de la série 2 qui « présentent des propriétés exactement
inverses et contribuent, en sus, à la prolifération et à la
dissémination des cellules tumorales… » (ibid., p. 121).
L’acide arachidonique est aussi la source des leucotriènes,
qui interviennent dans les phénomènes allergiques et
111 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
inflammatoires. Les viandes actuelles, pratiquement
dépourvues d’oméga-3, sont riches en acide arachidonique, d’autant plus évidemment qu’elles sont grasses, à
tel point qu’il y a là un sérieux argument en faveur du
végétarisme…
Voilà pour la série des oméga-6
L’acide alpha-linolénique, chef de file des oméga-3,
peut se transformer – comme on l’a déjà dit – en acide
eicosapentaénoïque (EPA), puis en acide docosahexaénoïque (DHA). L’EPA est à l’origine des prostaglandines de
la série 3 qui, elles, ont des propriétés pro-immunitaires,
anti-agrégantes, vasodilatatrices et anti-inflammatoires. Il
est d’autant plus précieux qu’il a tendance – dans une
certaine mesure – à inhiber la formation de l’acide arachidonique (cf. l’article de J.-B. Barham, et al.). Et il est à la
base de la formation du DHA, lequel – comme on l’a déjà
dit – est essentiel à la fluidité des membranes en général,
donc de celles des globules rouges – ce qui favorise la fluidité sanguine – et de celle des neurones du cerveau – ce
qui favorise… la fluidité mentale.
Voilà pour la série des oméga-3
Parmi les problèmes liés à l’équilibre entre les acides
gras poly-insaturés, le plus important est peut-être celui
des phénomènes inflammatoires.
L’inflammation est évidemment utile ; elle correspond à
une mise en branle du système immunitaire ; elle intervient
aussi en cas de blessure, si minime soit-elle, et y induit la
réparation, donc la multiplication cellulaire (ce qui permet
de comprendre que son excès favorise la prolifération
cancéreuse). Ainsi, elle ne doit intervenir que d’une façon
limitée dans le temps. Sa prolongation au-delà du néces 112
UNE 3 E CLÉ : L’ÉQUILIBRE ENTRE LES NUTRIMENTS ANTAGONIS TES saire, ou sa présence diffuse – sous le seuil de la douleur
– peut dégénérer en maladies chroniques plus ou moins
invalidantes comme les différentes formes d’arthrites.
Sa responsabilité est aussi fortement engagée dans
l’athérosclérose. Il faut lire à ce sujet l’article remarquable
de Russel Ross : « Atherosclerosis – An inflammatory disease ». Cet auteur décrit avec force détails et à l’aide de
schémas très clairs tout le mécanisme de la formation d’un
athérome et de sa rupture, et notamment l’intervention
des prostaglandines de la série 2 comme le thromboxane
A2, et aussi des leucotriènes. Il conclut sans ambages :
« L’athérosclérose est clairement une maladie inflammatoire et ne résulte pas simplement d’une accumulation de
lipides ».
Plus pratique, A.P. Simopoulos (« Omega-3 fatty acids in
inflammation and auto-immune disease ») confirme qu’un
apport suffisant d’oméga-3 diminue les phénomènes
inflammatoires, par la baisse des taux de leucotriènes et
d’interleukine IL-1, ce qui amène des améliorations dans
des cas de psoriasis, migraine, sclérose en plaques, maladie de Crohn, arthrite rhumatoïde, lupus érythémateux…
Plus ancien (1993), l’article de D.R. Robinson et al. va
déjà dans le même sens et précise que la proportion adéquate serait 3 EPA pour 1 DHA.
Et il n’y a pas que l’inflammation. Il y a aussi les problèmes nerveux et mentaux ! Citons ici l’article de D.J.
Kyle et al. : « Le DHA est l’acide gras majoritaire dans les
membranes des neurones et de la rétine. Il fait plus de 30
% des lipides structuraux des neurones et est particulièrement présent dans les membranes synaptiques ». Dans
ces conditions, il est facile de prévoir que sa carence ait
113 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
de lourdes conséquences sur le plan nerveux ou comportemental. C’est bien ce que disent Kyle et ses confrères,
qui voient dans l’apport suffisant de DHA une possibilité
de diminuer le risque d’être atteint de la maladie d’Alzheimer. Ceci a été confirmé plus tard par Julie A. Conquer et
al., y compris d’ailleurs pour d’autres problèmes cognitifs.
Bien évidemment, la dépression est également concernée. Citons ici l’article de Joseph R. Hibbeln (« Fish
consumption and major depression ») : « … des concentrations plus élevées de DHA dans les membranes des globules rouges (…), aussi bien que des rapports EPA/AA plus
élevés dans le plasma (AA = acide arachidonique) laissent
prévoir des symptômes de dépression moins sévères ».
Bref, d’après ce qui précède, il est clair qu’un déséquilibre entre les oméga-3 et les oméga-6 en faveur des
oméga-6 va favoriser non seulement la tendance à l’inflammation, mais par le fait même d’autres problèmes
plus ou moins graves.
Or, dans l’alimentation de la plupart de nos contemporains, le rapport oméga-6/oméga-3 est souvent de
l’ordre de 15 à 1, ce qui est beaucoup trop. Chez les chasseurs-cueilleurs, il est de l’ordre de 2 ou 3 à 1. La valeur
généralement préconisée est de 5 à 1 ; mais ce rapport
devrait sans doute être plus faible encore, tout en restant
supérieur à l’unité. Seuls les Esquimaux absorbent plus
d’oméga-3 que d’oméga-6, ce qui explique peut-être leur
tendance aux hémorragies lorsqu’ils subissent un traumatisme, du fait d’un certain excès de fluidité sanguine.
Les oméga-3 des types EPA et DHA se trouvent dans les
poissons gras, comme on l’a déjà signalé. Quant à l’acide
alpha-linolénique, il se trouve dans les huiles de table
114
UNE 3 E CLÉ : L’ÉQUILIBRE ENTRE LES NUTRIMENTS ANTAGONIS TES en proportion très variable… L’huile de lin ( très fragile,
très sensible à la lumière !) en contient 53 %. Par contre,
l’huile de tournesol n’en contient presque pas. L’huile de
colza a 2 fois plus (environ) d’oméga-6 que d’oméga-3, ce
qui est très favorable, et l’huile de noix, 5 fois plus, ce qui
est encore acceptable.
Prendre des oméga-3 en quantité suffisante – suffisante
en soi et aussi par rapport aux oméga-6 – est donc essentiel, mais il ne faut pas perdre de vue que ces acides gras
poly-insaturés sont très sensibles à l’oxydation (donc à la
chaleur !). Par conséquent, il faut qu’ils soient accompagnés d’anti-oxydants. Sans quoi, on risque d’en perdre
le bénéfice, si ce n’est pire (ils peuvent s’altérer en substances nocives !). Il est conseillé de prendre de la vitamine
E à raison d’1 milligramme par gramme d’acide gras polyinsaturés absorbé. Mais cela ne suffit pas. Les anti-oxydants travaillent en synergie. Il y a aussi les caroténoïdes
(vitamine A) et la vitamine C, mais il ne faut pas oublier
qu’il en existe beaucoup d’autres (les polyphénols), qui ont
chacun leur rôle à jouer et dont on n’a pas fini d’établir
la liste. Leur description analytique n’est pas près d’être
achevée… De là l’intérêt du point de vue phylogénétique
que nous avons adopté. Des aliments frais, crus, variés,
sauvages aussi, de l’huile d’olive en particulier (de première pression à froid)… et un bon vin rouge en quantité
modérée : voilà qui peut nous apporter une bonne dose
d’antioxydants… et de saveurs fortes et variées.
115 116
DÉSINTOXICATION ET RÉGIMES AMAIGRISSANTS Désintoxication
et régimes amaigrissants
Arrivés à cette page ou déjà bien avant, beaucoup de
lecteurs, considérant leur propre situation nutritionnelle,
se diront qu’ils ont absorbé dans le passé une quantité
effroyable de substances toxiques, provenant des cuissons excessives, des produits laitiers et des céréales à
gluten, sans parler des pesticides… Certains se diront
peut-être aussi que c’est indûment qu’ils ont vieilli ou
souffert de l’une ou l’autre maladie pénible. Je les rassure tout de suite : à moins d’être un malade « en phase
terminale », il y a toujours quelque chose à faire. Moi
aussi, j’ai été effrayé de mon lourd passé nutritionnel,
mais j’ai tout simplement décidé de changer mes habitudes, ce qui m’a semblé d’autant plus facile que le plaisir de manger – auquel j’ai toujours été attaché… – s’en
trouve finalement accru.
Par où commencer ? Il est impossible de répondre à
cette question de manière générale parce que les priorités dépendent de la physiologie de chacun. Dans la
dernière partie de cet ouvrage, je lancerai néanmoins
quelques pistes.
Mais je devine qu’une part notable de mes lecteurs,
et surtout de mes lectrices, voient le problème sous un
autre angle : leur souci, c’est d’abord de maigrir. Les
nombreuses solutions proposées un peu partout dans
ce but suscitent bien des espoirs et soulèvent bien des
passions. Je ne prétends pas ici juger de tous ces régimes. Il y a sans doute du bon dans la plupart d’entre
eux. Mais je ferai trois remarques.
117 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
D’abord, beaucoup de régimes sont contraignants et
même frustrants. C’est une erreur. On ne bâtit rien de
valable sur la frustration. Une discipline s’impose, certes.
Mais elle doit aller de pair avec un plaisir retrouvé, pas
le plaisir vulgaire, typique des cuisines grasses, mais le
plaisir originel perdu. Celui-ci s’est perdu parce qu’il a
été supplanté par des habitudes culturelles, par le biais
d’associations mentales. Notre cerveau d’humain est si
puissant que nos sensations gustatives et olfactives élémentaires peuvent être submergées par d’autres sensations, surtout visuelles ou auditives, et aussi par toute
une série de facteurs qui font l’ambiance de nos repas
et s’y associent dans notre esprit. Personnellement, j’ai
fait plus d’une fois l’expérience du plaisir mnésique associé à un repas, en ce sens que le plaisir de déguster un
certain plat peut être associé – inconsciemment, mais
on peut en prendre conscience – à un souvenir d’enfant,
par exemple à l’ambiance de fête qui accompagnait le
repas où l’on a mangé ce plat pour la première fois. Cela
se produit souvent et c’est bien normal, mais ça ne doit
pas nous empêcher de percevoir ce que nous mangeons
de manière plus consciente, et finalement plus objective. Il importe avant tout de retrouver le plaisir de la
sensation pure. À cet égard, la méthode Vittoz peut être
fort utile (cf. son ouvrage sur les psychonévroses, déjà
ancien, mais qui reste très actuel).
Ensuite, l’aspect psychologique de l’obésité doit impérativement être pris en compte sous peine d’échecs répétés qui finissent par décourager. Il y aurait beaucoup
à écrire là-dessus, je me contenterai ici d’indiquer ce qui
est probablement la cause psychologique la plus importante de l’obésité : un conflit de dévalorisation, remontant le plus souvent à l’enfance, c’est-à-dire à l’époque
où se prennent les habitudes, alimentaires et autres. À
118
DÉSINTOXICATION ET RÉGIMES AMAIGRISSANTS son origine se trouve un manque de considération : la
personne n’est pas remarquée, elle se sent négligeable…
Alors elle devient grosse pour être vue davantage, pour
prendre de l’espace… Le lecteur rationnel dira que c’est
absurde, que ce n’est pas logique. Mais justement, l’inconscient n’est pas logique, il est analogique. Et c’est
lui qui est en jeu, et c’est ainsi qu’il fonctionne, qu’on
le veuille ou non… Il s’agit donc de prendre conscience
du conflit. C’est essentiel. Mais cela ne suffit pas. Il faut
aussi s’aimer soi-même, tout simplement. Je n’oublierai
jamais le témoignage d’une femme, ex-obèse : « C’est à
partir du moment où je me suis aimée moi-même, telle
que j’étais, même grosse, que j’ai pu maigrir. »
Enfin, aucun régime n’a de sens s’il ne tient pas
compte des problèmes posés par la désintoxication.
Actuellement, tout le monde ou presque est d’accord
sur le fait que maigrir trop vite est néfaste et peut mener
à des « rechutes » ou même à une sorte d’« effet yoyo », tandis que maigrir lentement est préférable et que
les effets en sont bien plus durables. Sans doute y a-t-il
plusieurs raisons à cela, mais je voudrais insister sur celle
qui est liée à des effets de désintoxication. C’est simple
à comprendre. Lorsque nous absorbons des substances
toxiques – ce qui est inévitable de toute façon, la question étant de savoir jusqu’où notre corps peut le supporter sans mal – , notre foie travaille tant qu’il le peut pour
désamorcer les « bombes » qui lui échoient et les rendre
expulsables par les émonctoires naturels. Quand il est
débordé et ne peut mener sa tâche jusqu’au bout, soit
par l’excès quantitatif des toxiques, soit parce que certains d’entre eux échappent à tout traitement possible, il
ne lui reste plus qu’à renvoyer les toxiques en surnombre
vers un stockage provisoire en attendant des jours meilleurs (qui souvent ne viennent jamais…). Ce stockage
119 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
se fait dans les adipocytes (cellules graisseuses), lesquels
présentent des sortes de vacuoles, micro-réservoirs lipidiques qui peuvent accueillir tous les toxiques lipophiles
(les toxiques hydrophiles s’éliminant facilement par les
reins ou l’intestin). Tant que ces toxiques sont incarcérés
dans les adipocytes, ils ne peuvent causer aucun mal,
sinon qu’à la longue il sont susceptibles de prendre de
la place… Qu’une personne dispose de beaucoup d’adipocytes signifie en termes simples qu’elle est grasse.
Que se passe-t-il alors quand elle maigrit ? Les réserves
de graisse fondent : le nombre et la grosseur des adipocytes diminue. Mais que font alors les toxiques qui
s’y trouvent séquestrés ? Il faut bien qu’ils en sortent et
qu’ils aillent quelque part ! Ils se retrouvent forcément
dans la circulation sanguine, passage obligé vers des
voies d’élimination réelles ou hypothétiques. Ce faisant, ils ne peuvent manquer d’occasionner quelques
troubles, à tout le moins des nausées, et même, s’ils
ne peuvent s’échapper par les émonctoires naturels, des
éruptions cutanées si ce n’est pire… On comprend aisément que ce processus d’élimination doit être lent. On
comprend également qu’il y a intérêt à ne pas mettre
la charrue avant les bœufs et de procéder autant que
possible à une désintoxication avant de tenter de maigrir. On s’épargne ainsi bien des désagréments, sinon de
réelles souffrances.
Comment faire ? D’abord, cesser de s’intoxiquer ! En
évitant les aliments et les cuissons engendrant des éléments indésirables. Ensuite, favoriser la déséquestration
des toxiques. Il y a des aliments qui ont un pouvoir déséquestrant. Ce sont souvent des fruits frais, souvent aussi
des légumes, toujours crus.
120
DÉSINTOXICATION ET RÉGIMES AMAIGRISSANTS Lorsqu’on est mince et peu intoxiqué, ils sont la
source d’un plaisir assez incroyable. C’est souvent le cas
des ananas, des pêches ou des abricots bien mûrs. Il y a
aussi le chou rave, le panais, les pommes… Ou certains
fruits exotiques comme le dourian.
Ce fruit, parfois énorme, d’aspect rébarbatif, avec
de gros piquants, se récolte en Asie du Sud-Est. Il fait
mes délices lorsque je le déguste sur place, tout frais.
Ce fruit étonnant, à la chair jaune onctueuse comme
de la crème, qui peut constituer un repas à lui seul, a
d’étranges propriétés. Il est incompatible (paraît-il) avec
l’alcool. Une fois ouvert, il répand une odeur si forte
(analogue à celle de certains fromages…) qu’il est interdit, en Thaïlande et en Malaisie, de le trimbaler sans
précautions dans les trains ou les bus. Et surtout, il déplaît à la plupart des Occidentaux. Ceci serait peut-être
dû à des propriétés déséquestrantes particulières, qui
dérangeraient plus spécialement les gens intoxiqués aux
produits laitiers. Il est certain que les habitants de cette
partie de l’Asie ne prennent jamais le moindre dérivé
du lait (du moins s’ils ne sont pas trop occidentalisés) et
qu’ils adorent le dourian…
Ceci est un exemple d’un phénomène plus général :
les aliments déséquestrants peuvent provoquer une réaction de rejet précisément chez ceux qui en ont le plus
besoin. Cela signifie que le passage des toxiques dans le
sang est brutal et se fait sentir. Cela paraît paradoxal car
normalement, plus un aliment frais nous est utile, plus
il nous fait plaisir. Mais pour en arriver à cette situation
agréable, il faut n’être que modérément intoxiqué. En
attendant, et en cas de rejet vis-à-vis d’un aliment déséquestrant, il convient d’en user à des doses faibles et
même très faibles, et de les augmenter progressivement
121 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
lorsque la déséquestration a commencé à perdre son
caractère brutal. Plus tard, on en viendra à trouver cet
aliment particulièrement délicieux, signe que la déséquestration n’est plus qu’une épuration modérée. Ainsi,
le plaisir est au bout du processus. Mais il faut parfois
être patient.
122
LES PREU VES CLINIQUES Les preuves cliniques
Jusqu’ici, je me suis basé avant tout sur divers travaux conduits par des anthropologues et surtout des
paléontologues afin de découvrir à quels aliments nous
sommes génétiquement adaptés, ce qui permet de décrire la plage alimentaire qui nous est propre et qui nous
convient. Le lecteur trouvera dans la bibliographie les
sources scientifiques de mes informations et pourra, s’il
le désire, les vérifier lui-même.
Il se peut que ces sources soient difficiles d’accès pour
certains. D’autres ont peu de goût pour ce genre de recherche et je peux les comprendre. Bref, certains de mes
lecteurs, à ce stade, peuvent demeurer sceptiques. Je ne
peux alors que leur conseiller la lecture du remarquable
ouvrage du Docteur Seignalet, « L’alimentation ou la
troisième médecine », déjà cité maintes fois. Certes, c’est
une « brique » de 580 pages, dont 28 de bibliographie,
et certains chapitres, sur la génétique et l’immunologie
notamment, y sont assez ardus. Mais c’est aussi et surtout le témoignage d’un médecin confronté à la souffrance et qui a obtenu des résultats inespérés chez une
foule de patients et dans de nombreuses pathologies.
Parmi celles-ci, on trouve la polyarthrite rhumatoïde,
la spondylarthrite ankylosante, les rhumatismes inflammatoires, le syndrome de Gougerot-Sjögren, le lupus
érythémateux, la sclérodermie, la maladie de Basedow,
la thyroïdite de Hashimoto, la sclérose en plaques, la
maladie cœliaque, le syndrome de Guillain-Barré, la fibromyalgie, les tendinites, l’arthrose, l’ostéoporose, la
goutte, les céphalées, diverses affections neuropsychiatriques dont la schizophrénie, la maladie d’Alzheimer et
123 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
la maladie de Parkinson, le diabète, l’athérosclérose, la
maladie de Crohn, l’acné, l’eczéma, l’urticaire, le psoriasis, la bronchite chronique, l’asthme, les cancers et leucémies… pour ne citer que les plus connues et les plus
importantes.
Jean Seignalet rend hommage au passage à ces précurseurs géniaux que furent Catherine Kousmine et
Guy-Claude Burger. Il remarque les profondes similitudes
entre sa méthode et celle du Docteur Jacques Fradin ;
il écrit à ce sujet (op. cit., p. 91-92) : « Il est intéressant
de constater que, sans nous être jamais consultés, nous
aboutissions à des opinions très proches ». Le Docteur
Fradin est malheureusement peu connu car il n’a guère
publié que quelque articles (référencés par Seignalet :
op. cit., p. 564). Comme Seignalet, il préconise de limiter les cuissons à 100°C et d’éviter complètement les
produits laitiers et les céréales à gluten. Leurs conceptions respectives ne se distinguent, à peu de chose près,
que par le degré d’urgence qu’ils accordent à ces différentes suppressions alimentaires. De plus, Fradin est
surtout un praticien, tandis que Seignalet était aussi – il
est décédé depuis peu, hélas ! – un professeur de faculté
(à Montpellier).
Naturellement, Seignalet a bien vu le rôle des oméga-6
et des oméga-3 dans les phénomènes inflammatoires. Il
faut remarquer cependant qu’il n’en tire pas toutes les
conclusions quant au régime qu’il préconise. En effet, et
contrairement à Fradin, il paraît un peu trop tolérant visà-vis de la consommation de viande, qui – ne l’oublions
pas – n’apporte pratiquement plus, à l’heure actuelle,
d’EPA ni de DHA tout en étant trop riche en acide arachidonique, pourvoyeur de médiateurs d’inflammation.
124
LES PREU VES CLINIQUES Il n’empêche que les résultats extraordinaires obtenus
par le Docteur Seignalet, par la simple application de
son régime (qu’il appelle « ancestral »), confirment d’une
manière claire et absolument indubitable le bien-fondé
de ce régime alimentaire naturel dont il a bien vu, lui
aussi, la justification paléontologique qui permet d’affirmer que nous lui sommes génétiquement adaptés. Il est
tout à fait évident que ce régime permet d’éviter bien
des maladies et même d’en guérir.
Du reste, il ne faudrait pas croire que Fradin et
Seignalet soient les seuls à le prétendre. Nous avons aussi cité Cordain (USA) et Campillo (Espagne) à plusieurs
reprises. D’autres chercheurs encore sont arrivés à des
conclusions semblables.
Le professeur Karl L. Reichelt est un médecin norvégien
(Pediatric Research Institute, Oslo). Il s’est plus particulièrement préoccupé des maladies mentales et d’abord de
l’autisme et de la schizophrénie. Lui aussi a été conduit
à s’intéresser au gluten et aux protéines du lait. Il a découvert que le gluten avait un effet néfaste sur les villosités intestinales qui « s’affaissent et sont gravement
endommagées, et de ce fait ne peuvent plus absorber la
nourriture normalement », que sa suppression permettait d’améliorer notablement l’état des schizophrènes, à
condition d’être patient : les premiers effets du régime
ne se font sentir qu’après « au moins 28 semaines ».
Comme Seignalet, il incrimine les polypeptides issus
du gluten et de la caséine (protéine du lait) et leur passage intempestif à travers la muqueuse intestinale. Mais
il va plus loin. Il a découvert que ces polypeptides ont
des effets psychoactifs. Il cite à cet égard le professeur
Yoshikawa (Japon), qui aurait détecté « 15 séquences
opioïdes dans une molécule de gluten ». Quoi qu’il
125 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
en soit, il affirme qu’il y a « une connection très nette
(« clearcut ») entre le gluten et la schizophrénie ». Il obtient aussi de « bons résultats » avec les enfants autistes
à condition qu’ils suivent un régime « strict ». Sur son site
INTERNET (il suffit de taper « Kalle Reichelt » sur Google),
on trouve le texte suivant (en anglais) : « Bien que des parents aient remarqué un lien entre l’autisme et le régime
alimentaire depuis des décennies, il y a actuellement de
plus en plus de recherches qui montrent que certaines
nourritures semblent bien affecter le développement
du cerveau de certains enfants et causer des comportements autistes. Ceci n’est pas dû à des allergies mais
au fait que beaucoup de ces enfants sont incapables
de rompre correctement certaines protéines. Des chercheurs, en Angleterre, en Norvège, et à l’Université de
Floride, ont trouvé des peptides avec une activité opiacée
dans l’urine d’un grand pourcentage d’enfants autistes.
Les opiacés sont des drogues, comme la morphine, qui
affectent les fonctions du cerveau. Les deux principaux
coupables semblent être le gluten et la caséine. » Sur le
même site (sous le titre : « Intestinal permeability in schizophrenia »), il déclare : « Malheureusement, il est extrêmement difficile de financer des recherches concernant
le régime alimentaire en rapport avec les psychoses. La
neuropharmacologie est devenue très dominante pour
des raisons évidentes ».
Le docteur Massimo Montinari est directeur médical
de l’Hôpital Polyclinique de Bari (Italie). Par un régime
sans gluten ni caséine, lui aussi obtient de bons résultats
dans des cas d’autisme, de troubles du comportement et
d’épilepsie. Dans son article « I difetti della permeabilità
intestinale nei disturbi del comportamento » (Massimo
Montinari, et al., aprile 2002), il parle des « alterazione
della permeabilità intestinale » qui sont « concausale alla
126
LES PREU VES CLINIQUES sindrome autistica e ai disturbi del comportamento »
(faut-il traduire ?). À propos des substances opiacées
contenues dans des peptides issus du gluten ou de la caséine, il fait remarquer que si leur impact est indéniable
chez beaucoup de malades mentaux, ces substances
n’en sont pas moins présentes également chez les sujets
normaux, ce qui revient à dire que les protéines du blé
ou du lait de vache ne sont bonnes pour personne. Ceci
s’accorde bien, une fois de plus, avec les considérations
paléontologiques et phylogénétiques développées dans
les premiers chapitres de ce livre. Dans la suite de son
texte, Montinari en vient à envisager le rôle du système
HLA… comme Seignalet.
Le professeur Andrea Pelliccia, neuropsychiatre à
Rome (Université La Sapienza), récemment décédé, s’est
attaché à montrer l’efficacité d’un régime sans produits
laitiers chez les épileptiques, et s’est également intéressé
aux rapports de l’autisme et du régime alimentaire.
Il faudrait encore citer Paul Shattock en Angleterre
(University of Sunderland, School of Health Sciences,
Autism Research Unit), d’autant plus concerné par le
problème de l’autisme qu’il est lui-même père d’un enfant autiste. Un texte commun de Kalle Reichelt et Paul
Shattock fait état de peptides « dont la forme moléculaire est presque identique à celle d’opiacés comme la
morphine. Il a été déterminé que ces substances pouvaient traverser la barrière hémato-encéphalique et stimuler les “opiate receptors” dans le cerveau » (Sur le site
de Kalle Reichelt, taper : + gluten + casein + Light at the
end of the tunnel).
Il y a bien d’autres chercheurs encore qui explorent ce
sujet…
127 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Tous ces résultats, disponibles sur INTERNET, sont en
fait éparpillés sur les sites de Reichelt, Shattock, Pelliccia,
Montinari…, tantôt en anglais, tantôt en italien, voire en
norvégien, rarement en d’autres langues. À cet égard, il
faut avouer que l’ouvrage de Seignalet, maintes fois cité,
est beaucoup plus accessible.
Rien que parcourir cet ouvrage et en lire les passages
les plus significatifs est déjà impressionnant. Pour celui
qui, après une lecture plus attentive, ne serait pas encore
convaincu, il ne reste plus qu’une seule chose à faire :
expérimenter le régime « ancestral » sur lui-même.
Comment s’y prendre ? C’est ce que nous allons voir
bientôt, mais auparavant il faut encore mentionner les
travaux de trois autres chercheurs : Peter J. D’Adamo,
Ann Wigmore et François Couplan.
128
L’INFLUENCE DU GROUPE SANGUIN L’influence du groupe sanguin
Le Docteur Peter J. D’Adamo est célèbre pour avoir établi des régimes alimentaires liés aux groupes sanguins (cf.
« 4 groupes sanguins, 4 modes de vie »). On l’a critiqué à
propos du rôle exclusif qu’il aurait voulu leur faire jouer.
Il est vrai qu’il est préférable de replacer ses travaux dans
un contexte plus large. Mais ses arguments n’en sont pas
moins tout à fait sérieux.
Rappelons le principe des groupes sanguins, du moins
du système ABO. Les érythrocytes (globules rouges) présentent (ou non) des protéines membranaires de type A
ou B, qui sont des antigènes appelés agglutinogènes car
ils provoquent l’agglutination des globules rouges dès
qu’ils se trouvent en présence de l’anticorps spécifique,
appelé agglutinine, soit anti-A, soit anti-B. Il y a donc 4
groupes sanguins : O (pas d’agglutinogène), A, B, ou AB
(qui a les deux agglutinogènes). Il y a d’autres systèmes
analogues : Rhésus, Lewis, etc.
Remarquons que les antigènes en question se retrouvent
aussi dans le tube digestif, accolés à la paroi de l’estomac,
de l’intestin grêle, etc. (cf. op. cit., p. 83-84).
L’origine de l’interaction avec les groupes sanguins réside dans les lectines. Ce sont des protéines apportées par
les aliments, qu’on peut considérer « comme une sorte
de colle » (op. cit., p. 90) et qui, pour la plupart, se fixent
sur l’antigène sanguin avec lequel elles ont des affinités.
Les cellules concernées ont ainsi tendance à s’agglutiner
(p. 89). Celles de la paroi de l’intestin grêle sont particulièrement vulnérables. C’est ainsi que des lectines de
légumineuses, en particulier de haricot rouge, endom129 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
magent les villosités intestinales (p. 92). De plus, certaines
lectines peuvent augmenter la perméabilité intestinale (p.
93). L’une des plus nocives est celle du germe de blé, qui
diminue la digestibilité des protéines (p. 91), serait liée à
la fibromyalgie et à la polyarthrite rhumatoïde (p. 91) et
induit même une réduction du volume du thymus, glande
essentielle du système immunitaire (p. 95).
Remarquons que D’Adamo, un Américain qui ne
connaît ni les travaux de Seignalet ni ceux de Fradin (il
ne les cite pas), les rejoint sur la nocivité du blé, même
s’il voit le problème sous un autre angle. Il établit un lien
entre la lectine du blé et le groupe sanguin, le groupe A
(ou AB) étant « moins » concerné que les autres. Certains
en ont conclu un peu vite que, si le blé est effectivement
néfaste pour beaucoup de gens, les personnes du groupe
A peuvent s’en accommoder sans problème. Ce n’est pas
ce que dit D’Adamo ! À propos du blé, il dit seulement (p.
97) que le groupe A peut « limiter ses méfaits ».
De même, D’Adamo est plus réticent qu’on ne croit visà-vis des produits laitiers, et s’il estime que les personnes
du groupe A peuvent se permettre de la ricotta, de la feta
ou de la mozzarella, il ne s’agit que d’une tolérance.
Il y a pire : de rares lectines affectent tous les groupes
sanguins sans distinction. « La tomate contient une puissante lectine » qui « agit tout d’abord en faisant chuter
la concentration de mucine, une enzyme qui protège les
muqueuses intestinales » (p. 98). « Ses méfaits ne s’arrêtent pas là. On a ainsi constaté qu’elle affichait une préférence pour les tissus nerveux. » (p. 99). Voilà qui jette
un froid sur la tomate ! Elle est tout de même riche en
lycopène, un puissant et donc précieux antioxydant, dirat-on. Oui, certes, mais elle n’est pas la seule, Dieu merci :
130
L’INFLUENCE DU GROUPE SANGUIN goyave, papaye et pamplemousse rose en renferment en
abondance.
Notons encore que D’Adamo a étudié aussi les implications du fameux « syndrome X » liées aux différents
groupes sanguins (op. cit., p. 103 et seq.).
Bref, il me paraît évident que les conceptions de
D’Adamo sont à prendre au sérieux, mais je pense néanmoins que les régimes alimentaires liés aux groupes sanguins qu’il préconise ne peuvent à eux seuls atteindre des
résultats thérapeutiques de la même envergure que ceux
obtenus par Seignalet. Du reste, D’Adamo ne semble pas
avoir cette prétention.
Les arguments de Seignalet me paraissent cruciaux et
prioritaires.
Mais il a connu une certaine proportion d’échecs. Étaitce d’avoir négligé le lien avec les groupes sanguins ? Cela
mériterait des investigations.
Je conclus de là qu’il est préférable de respecter d’abord
le régime « ancestral » de Seignalet, du moins quant à
l’essentiel, et puis de le raffiner en tenant compte des
directives de D’Adamo. Une telle superposition ne pose
aucun problème : rien n’empêche un individu du type A,
par exemple, respectant le régime « ancestral », d’éviter
la sole et de lui préférer le saumon, d’éviter les haricots
rouges et de lui préférer les fèves ou les lentilles, d’éviter
les pistaches et de prendre plutôt des noix, etc.
En appliquant les conceptions de D’Adamo, on ne peut
qu’améliorer l’efficacité d’un tel régime. Il serait regrettable de les négliger.
131 132
LES GRAINES GERMÉES Les graines germées
Envisager la place des graines germées dans la plage alimentaire de l’être humain peut mener à une certaine perplexité. En effet, prises individuellement c’est-à-dire telles
qu’elles apparaissent de-ci de-là dans la nature, elles sont
minuscules. Dans ces conditions, il est très peu probable
que nos lointains ancêtres les aient remarquées et encore
moins qu’ils en aient fait une source habituelle de nourriture. Par conséquent, du point de vue de l’adaptation génétique, elles n’ont pu jouer aucun rôle. Donc, de ce point
de vue, il n’est pas sûr qu’elles nous conviennent. Mais
cet argument phylogénétique ne permet pas non plus de
conclure qu’elles ne nous conviennent pas ! L’adaptation
génétique à un aliment est une preuve de son adéquation
à notre physiologie, certes. Que cette preuve manque suscite le doute à bon droit mais ne signifie tout de même
pas, en toute logique, que l’aliment concerné soit inadéquat. Les chapitres qui précèdent ont pu donner parfois
l’impression que la civilisation y était vue plutôt sous ses
aspects néfastes ; en réalité et bien évidemment, ses trouvailles peuvent être très heureuses, et les graines germées
en sont un bel exemple. Autrement dit, la culture peut
apporter ce que la nature n’apporte pas8, contrairement
à ce que prétendent certains naturalistes intégristes. Nous
retrouvons là, sous un autre angle, le vieil antagonisme
entre nature et culture (cf. « Le naturel et l’humain »).
8. Un autre cas notoire est celui de la lacto-fermentation. Ce procédé favorise non seulement la conservation des aliments mais aussi
leur qualité nutritive, et même les enrichit en vitamines. La choucroute en est l’exemple le plus connu, mais il y en a bien d’autres. La
littérature est abondante sur ce sujet. Il est traité d’une manière particulièrement claire et pratique par Hélène Bernet dans son ouvrage
«À la source de notre vitalité ».
133 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Les graines germées sont une création de la culture –
dans les deux sens de ce mot – comme l’usage des céréales, mais elle apparaît comme éminemment positive.
En effet, une graine germée n’est plus une graine, c’est
déjà une plante, légume ou autre, mais qui possède encore en réserve les éléments nutritifs qui sont destinés à
l’édification de la plante. Elle se situe à un sommet nutritionnel : les anti-enzymes ont disparu, mais la réserve de
nutriments pas encore ; c’est une véritable efflorescence
enzymatique et vitaminique, dont la biodisponibilité est
élevée, moyennant une mastication suffisante, du fait
que la germination est aussi d’une certaine manière une
pré-digestion. Sur l’inactivation des anti-nutriments par la
germination, on pourra consulter une étude néerlandaise
(Savelkoul et al. ) mentionnée dans la bibliographie.
Les graines germées sont connues depuis des millénaires
en Inde et en Chine, ainsi qu’en Palestine (c’est de là que
vient le pain dit essénien, cuit à basse température à partir
de céréales germées). Mais c’est à Ann Wigmore que revient le mérite de les avoir redécouvertes et fait connaître
en Occident. Née en Lituanie en 1909, elle émigra aux USA
où elle fonda en 1963 le « Hippocrates Health Institute »
(devenu la « Ann Wigmore Foundation »9) à Boston, d’où
elle propagea ses découvertes.
Depuis lors, la richesse phénoménale des graines germées et leurs effets revitalisants ont été expérimentés et
mis à profit par de nombreux thérapeutes qui peuvent en
témoigner.
9. 196 Commonwealth Avenue, Boston, Massachusetts 02116 –
2503. Tél. : 617-267.94.24 & 262.59.49.
134
LES PLANTES SAU VAGES Les plantes sauvages
François Couplan est un botaniste, né à Paris en 1950,
qui a voué sa vie à l’étude des plantes sauvages comestibles. L’expérience accumulée, sur tous les continents, et
ses nombreux ouvrages font de lui le chercheur le plus
écouté dans ce domaine vaste et précieux.
J’ai personnellement participé à plusieurs stages de récolte et de préparation de plantes sauvages comestibles
sous sa direction. J’ai même pris part à des banquets gastronomiques qui avaient pour base des plantes sauvages,
et je peux témoigner de la saveur extraordinaire des plats
que l’on peut préparer à partir de ces végétaux oubliés,
dont la richesse nutritive, par-dessus le marché, est bien
supérieure, à poids égal, à celle des plantes cultivées. Ce
dernier point est scientifiquement démontré (cf. Coste
H., « Protéines foliaires et alimentation », et Couplan F.,
« Guide nutritionnel des plantes sauvages et cultivées »).
Il en va de même des oméga-3 et des antioxydants,
comme le montre A.P. Simopoulos dans son article intitulé « Omega-3 fatty acids and antioxidants in edible wild
plants », où il est expliqué que lorsqu’on prend beaucoup
d’ALA à partir de plantes sauvages, on absorbe par le faitmême suffisamment d’antioxydants, et notamment de
vitamine E.
Il est bien évident que l’adaptation génétique de notre
espèce aux plantes sauvages est supérieure à celle aux
plantes cultivées, beaucoup plus récentes et sélectionnées d’après des critères majoritairement quantitatifs.
Les prendre en compte ne peut qu’améliorer encore la
méthodologie suivie par Seignalet. Il est dommage que
celui-ci n’ait pas songé à expérimenter cet aspect de la
135 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
diététique. Il est vrai que l’homme moderne, surtout citadin, dispose beaucoup plus facilement de légumes cultivés que de leurs homologues sauvages, et qu’il faut bien
tenir compte de cette situation.
Il n’empêche que celui qui le peut a tout intérêt à enrichir sa salade d’alliaire, de lamier ou de plantain lancéolé,
à se préparer de la consoude, de l’ortie ou de la bardane,
pour ne citer que quelques-unes de ces merveilles végétales, véritable trésor ignoré que nous foulons aux pieds
lorsque nous marchons dans les prés ou les bois.
Dans certaines traditions, même en dehors de celles des
chasseurs-cueilleurs, les plantes sauvages n’ont jamais
été oubliées. Le fameux régime crétois, qui fait couler
beaucoup d’encre, en comprend aussi un bon nombre,
ce qu’oublient beaucoup de gens, diététiciens compris.
François Couplan est apparemment le seul à avoir rétabli
la vérité à cet égard (cf. François Couplan, « Le véritable
régime crétois »).
136
« NE RIEN CROIRE QU’ON N’AIT D’A BORD ÉRPOU VÉ » « Ne rien croire
qu’on n’ait d’abord éprouvé »
Cette maxime bouddhique (et hindoue), pensée dans
un contexte éminemment spirituel, a un domaine de validité beaucoup plus large, et j’invite mon lecteur à s’en
inspirer, à ne pas croire tout ce que j’écris mais bien plutôt
à chercher à vérifier mes affirmations. Il dispose pour cela
d’une série d’ouvrages de référence, ainsi que d’articles
publiés dans des revues scientifiques internationales, que
je mentionne en fin de volume. Il peut aussi décider de
vérifier par lui-même ce qui est proposé dans ce livre.
La manière inhabituelle dont est présentée la diététique
dans ce livre, en dehors de toutes les conventions, doit
avoir pour beaucoup de gens, dans notre contexte culturel, quelque chose de déroutant. Je l’admets volontiers.
En pratique, par où commencer ? Cela dépend de chacun, mais il est sûr qu’il ne faut rien forcer, y aller progressivement, éviter toute frustration. Le plaisir ne doit jamais
manquer.
Beaucoup évoqueront alors la délectation qu’ils ont
à manger des aliments frits, à déjeuner d’un sandwich
croustillant débordant de beurre et de fromage, à savourer une viande grillée au barbecue avec un gratin dauphinois, à déguster des pâtisseries pleines de sucre et de
crème… et j’en passe. J’ai le regret de devoir leur dire que
ces plaisirs-là sont dévoyés. Ce sont des plaisirs frelatés.
L’alcoolique aussi dira que son pinard ou son whisky lui
apporte du plaisir. Le drogué aussi prétendra que l’héroïne
ou la cocaïne lui procure un plaisir ineffable. Est-ce pour
cela que ces addictions sont justifiables ? Certaines formes
137 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
de nourriture sont des drogues auxquelles on s’attache
d’autant plus qu’elles sont insérées dans notre culture.
Et alors que cette culture judéo-chrétienne a su greffer
un sentiment de culpabilité sur des aspects très naturels
de la vie, elle n’en suscite guère concernant les nourritures dénaturées. Cependant, celles-ci ont des effets délétères aussi bien sur notre vie sociale que sur notre vie
spirituelle. Seignalet, Burger et bien d’autres ont montré
ces effets sur la dépression, la schizophrénie, et même la
délinquance. (À cet égard, les protéines du blé et le déficit en oméga-3, plus particulièrement, sont à pointer du
doigt.) Le paradoxe de notre civilisation judéo-chrétienne
est que ces nocivités alimentaires sont probablement plus
pernicieuses que certaines libertés sexuelles, alors que
l’Église Catholique, qui condamne ces dernières avec la
plus grande sévérité, représente la seule religion qui ait
fini par ignorer complètement toute préoccupation diététique. Elle a abandonné les rares et maigres prescriptions
qui subsistaient, le vendredi et pendant le carême.
J’imagine que l’un ou l’autre lecteur sentira sourdre
au fond de lui-même une certaine révolte et s’écriera :
« Mais moi, j’adore un plateau de fromages avec un bon
Bordeaux, ou un capiteux Bourgogne, et une baguette
croustillante de pain blanc bien français ! »…
Je le rassure tout de suite : moi aussi ! Du moins était-ce
le cas avant que je ne fisse l’expérience dont je vais parler
maintenant.
J’avoue avoir mis du temps avant d’abandonner les délices fromagers. Un jour – c’était au début de l’été – j’ai
décidé d’arrêter complètement de prendre le moindre dérivé du lait pendant quelques mois. Je voulais éprouver les
effets éventuels de cette suppression. Or, j’étais sensible,
138
« NE RIEN CROIRE QU’ON N’AIT D’A BORD ÉRPOU VÉ » depuis quelques années, aux piqûres des aoûtats, ces
minuscules acariens des prairies qui sévissent surtout en
août et septembre laissant sur les jambes de vilaines traces
rouges assorties de démangeaisons tenaces. Et cet été-là,
surprise ! Ils me laissèrent en paix. Ils étaient toujours là
mais leurs traces étaient insensibles et peu visibles. Deux
fois, cet été-là, ma résolution s’est trouvée en défaut, bien
malgré moi : la première, des traces de crème dans une
sauce de salade, la deuxième, un peu de lait dans une
pâte à tarte. Et dans les quelques jours qui ont suivi ces
deux défaillances, les aoûtats sont revenus en force ! Le
doute n’était plus permis sur le rôle des produits laitiers
dans certaines allergies. Je précise par ailleurs que des
analyses sanguines ont plus tard montré que mon taux
d’IgE (immunoglobulines liées aux allergies) montait après
l’absorption de produits laitiers, et redescendait si je m’en
abstenais totalement. Ces aoûtats ne constituent bien sûr
qu’un phénomène secondaire mais ils ont tout de même
servi de révélateur.
En novembre, la saison des aoûtats étant passée, après
environ quatre mois d’abstinence totale de produits laitiers (à part les deux exceptions citées), je me suis dit qu’il
était temps d’en reprendre, exprès, afin d’éprouver par
moi-même l’effet que ça allait me faire.
Une occasion s’est présentée d’elle-même : invité à
une soirée, je me suis rendu compte qu’il n’y avait rien
d’autre pour se restaurer qu’une sorte de buffet succinct,
constitué de pain, de vin rouge et d’un assortiment de
fromages. C’est sans arrière-pensées d’aucune sorte – et
surtout sans culpabilité ! – que j’ai dégusté ce qui m’était
offert. J’ai évidemment retrouvé le plaisir que je connaissais bien. Je m’en sentais psychiquement imprégné par
le souvenir que j’avais des expériences semblables pré139 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
cédentes, mais j’avais un léger doute sur mes sensations
gustatives présentes… Repas agréable néanmoins.
Mais le soir, une fois rentré chez moi, j’ai commencé à
déchanter. L’impression très désagréable que je ressentais
dans la bouche est difficile à décrire. C’était comme si
mes papilles gustatives rejetaient les sensations qu’on leur
avait imposées, imprégnant toute la cavité buccale de ce
qui m’apparaissait comme une mince couche de saleté.
Le mot peut paraître un peu fort, mais j’avais vraiment
l’impression d’avoir absorbé quelque chose de dégoûtant
qui restait plaqué sur les muqueuses de ma bouche. Je me
suis lavé les dents plus énergiquement que jamais sans
parvenir à faire disparaître complètement ce désagrément.
L’expérience était claire. Je l’ai néanmoins refaite un
mois après, cette fois avec des fromages rigoureusement biologiques. Le résultat fut semblable, juste un peu
atténué.
Ce qui est frappant, c’est que je n’ai plus envie de
renouveler cette expérience. Fini pour moi la séduction
des brie, camembert, gruyère, vacherin, bleu d’Auvergne,
pont-l’évêque, saint-nectaire, maroilles, et autres pâtes à
trous… Seuls les fromages de brebis, comme le roquefort,
trouvent encore grâce à mes yeux – ou plus exactement :
à mes papilles – et c’est sans doute provisoire. J’ai éprouvé
dans mon corps qu’il s’agissait de plaisirs que plus haut
j’ai qualifiés de frelatés.
En diététique, un principe intellectuel n’est rien tant que
le corps n’est pas d’accord.
Il y a mieux : plus les plaisirs frelatés disparaissent,
plus les plaisirs naturels et authentiques reprennent
vigueur et s’accroissent. Voilà l’expérience que je fais
140
« NE RIEN CROIRE QU’ON N’AIT D’A BORD ÉRPOU VÉ » tous les jours, et je suis loin d’être le seul. J’invite mes
chers lecteurs à la faire. Ils découvriront progressivement
des saveurs vraies, fortes, sauvages, délicieuses jusqu’à la
volupté.
Pour moi, chaque repas est une fête ! Pourquoi n’en
serait-il pas de même pour vous ?
De l’expérience que je viens de décrire, on peut induire
la règle pratique suivante. Voulez-vous vérifier s’il est
vrai qu’un aliment est mauvais pour vous ? Cessez d’en
prendre totalement pendant trois ou quatre mois, puis reprenez-en exprès une quantité non négligeable. Observez
alors ce qui se passe… Une première possibilité est un
dérangement quelconque, intestinal par exemple, ou un
mal de tête. La conclusion est alors facile à tirer. La deuxième possibilité est – comme ce qui m’est arrivé avec
les fromages – un changement significatif dans les sensations gustatives. La question alors ne se pose même plus :
on n’a plus envie de l’aliment considéré. Reste une troisième possibilité, c’est qu’il ne se passe rien… Ceci peut
s’interpréter par le fait que le foie reprend d’autant plus
facilement un certain fardeau, pour un jour, qu’il en a été
déchargé depuis des mois ; libéré de la surcharge accumulée, il agit alors sans mal et sans symptôme. On peut
se croire autorisé à reprendre en abondance l’aliment en
question. Attention ! C’est un piège du mental, qui risque
de se solder par une régression, une perte de temps : celle
de revenir au point de départ et de devoir recommencer.
Il est vrai que l’affaire est alors beaucoup moins simple à
évaluer, mais il me semble que si l’on est suffisamment
conscient de ses sensations, on doit pouvoir percevoir
des signes avant-coureurs de surcharge, même s’ils sont
subtils.
141 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Mon expérience personnelle est très nette en ce qui
concerne les produits laitiers, assez claire également en
ce qui concerne les cuissons excessives, encore embryonnaire – je l’avoue – pour ce qui est des céréales à gluten. Je constate que les aliments crus me paraissent de
plus en plus délectables : les fruits bien sûr, mais aussi des
légumes que généralement l’on cuit, comme les chouxraves, céleris-raves ou en branches, betteraves, brocolis,
fenouil, panais, poireaux, poivrons, consoude, etc… De
même, j’ai trouvé un plaisir inattendu à manger certaines
viandes crues, comme la dinde ; je viens d’essayer également du civet de biche et de marcassin cru et cela m’a
paru délicieux !
Il faut bien prendre garde, lorsqu’on décide de s’abstenir d’une catégorie d’aliments, de ne pas faire d’exceptions. Sinon, ça risque fort de ne pas donner les résultats
escomptés. Le moindre écart, si léger soit-il, peut se traduire par une réaction du système immunitaire intestinal.
Il ne faut pas oublier que le système immunitaire réagit
à des signaux, même s’ils paraissent quantitativement
négligeables. C’est particulièrement net avec les produits
laitiers, comme je m’en suis rendu compte. La moindre
présence de lait ou d’un de ses dérivés dans un aliment
manufacturé suffit à rendre le régime inopérant, comme
Seignalet lui-même l’a constaté. Il faut donc scruter la
liste des ingrédients sur tous les emballages… C’est fastidieux mais le résultat est à ce prix. Mieux vaudrait encore
– comme l’expérience le montre – une grosse exception
tous les deux ou trois mois qu’une petite exception journalière, si minuscule soit-elle. Et après tout, il n’est pas si
grave de faire un écart de régime lors du réveillon ou le
jour de son anniversaire – cela ne fait jamais que deux fois
par an – surtout si cette perspective peut suffire à éviter le
sentiment de frustration qui subsisterait encore…
142
NÉCESSITÉ A BSOLUE D E PRODUITS BIOLOGIQUES Nécessité absolue
de produits biologiques
Contrairement à ce qu’affirment spécieusement certaines « études » dont il serait intéressant de connaître
les commanditaires, la supériorité des produits de l’agriculture biologique sur ceux de l’agriculture chimique est
déterminante. Ces derniers doivent impérativement être
évités, quitte à tolérer quelques exceptions momentanées, en voyage par exemple.
Du point de vue de la santé des consommateurs, il y a
deux raisons fondamentales à cette prise de position.
D’une part, la nocivité des pesticides utilisés en agriculture chimique est évidente : les preuves scientifiques de
ce fait s’accumulent. Il y a en principe des limites légales
à leur usage, mais encore faut-il qu’elle soient dûment
contrôlées, ce qui est loin d’être acquis, surtout dans les
pays du tiers-monde, où l’on a très peu la notion de « pollution » et où tout ce qui vient d’Occident est entouré
d’une auréole de prestige technique. De toute manière,
ces limites légales reviennent à tolérer un certain niveau
de toxicité, où les critères économiques se taillent généralement une part prépondérante… Ces toxiques lipophiles
s’accumulent dans les tissus graisseux d’où il devient hasardeux de tenter de les déloger. Par-dessus le marché, ils
se dégradent avec la cuisson, générant ainsi des dérivés
souvent plus toxiques encore. Pire : ils s’accumulent dans
le lait des mères et conduisent ainsi à un effroyable cumul
qui s’amplifie de génération en génération. Ils polluent
tout ; on en retrouve des traces jusque dans les calottes
de glace polaires. Beaucoup sont neurotoxiques, et l’on
143 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
commence même à se demander s’ils ne seraient pas un
facteur de délinquance…
L’agriculture biologique est largement exempte de ces
poisons, encore que les retombées par l’effet du vent ne
sont jamais exclues. La perfection en ce domaine n’existe
pas, hélas ! Mais on a un intérêt plus qu’évident à s’en
rapprocher le plus possible.
D’autre part, l’agriculture chimique fait évidemment
usage d’engrais chimiques, généralement limités à la potasse, aux phosphates et aux engrais azotés, qui augmentent les rendements à l’hectare. Or, les minéraux utilisés
par les plantes sont infiniment plus variés. Les équilibres
qui les régissent sont très subtils, les quantités mises en
jeu parfois infimes. Sait-on que le molybdène, pourtant à
peine détectable, est indispensable à toute vie végétale ?
Il intervient dans la fixation de l’azote atmosphérique. Il
est prouvé que sur un sol dépourvu de molybdène aucune
plante ne peut pousser, quelles que soient les conditions
d’humidité et d’ensoleillement… (Cf. Pfeiffer & Gonthier,
op. cit., p. 321-322). Ceci est un exemple extrême, mais il
est significatif. En pratique, on constate que les légumes
cultivés avec des engrais chimiques sont carencés en fer,
en cuivre, en zinc, etc., la carence la plus grave pour la
santé publique étant celle en magnésium.
Les fruits et légumes cultivés biologiquement sont
beaucoup plus riches et équilibrés en minéraux, ce qui a
des effets bénéfiques pour le maintien de la santé, bien
évidemment. Mais la richesse en minéraux a encore deux
autres conséquences. D’abord, le goût de ces fruits et
légumes est très supérieur parce que le goût d’un aliment
est en grande partie tributaire de sa teneur en minéraux.
Ensuite, le besoin instinctif d’un minéral peut être si fort,
144
NÉCESSITÉ A BSOLUE D E PRODUITS BIOLOGIQUES quoique inconscient, qu’il peut pousser à manger de
plus grandes quantités d’un aliment qui en est trop peu
pourvu, de manière à atteindre le seuil indispensable du
minéral en question. Ce faisant, bien sûr, on absorbe trop
des autres nutriments, et c’est sans doute là aussi une
cause possible de l’obésité. Ce problème de l’équilibre des
nutriments est essentiel en diététique. Si un aliment est
déséquilibré, même si par ailleurs il est dépourvu de toxicité, il est impossible de situer pour cet aliment le « trop »
ou le « pas assez ». L’instinct alimentaire, dont on a vu la
fragilité, s’y perd complètement.
Il se perd d’ailleurs aussi par la présence des pesticides
dans les aliments issus de l’agriculture chimique. Et le
goût des aliments peut s’en trouver dénaturé. Pour qui
a le sens gustatif assez affiné, la présence de pesticides
peut être détectée. Ceci est surtout vrai pour le vin. Si l’on
abuse d’un vin biologique, même bon marché, on risque
beaucoup moins la migraine que si le vin n’est pas biologique : c’est une expérience facile à faire…
Il y a une troisième raison, très importante, de préférer
l’agriculture biologique. Elle ne concerne plus directement
la santé des consommateurs mais celle de la Terre ellemême. L’agriculture chimique appauvrit les sols, y détruit
la faune et les micro-organismes régénérateurs. La couche
d’humus, indispensable, est en train de disparaître. Les
champs deviennent de plus en plus durs à travailler ; il
suffit de remarquer la puissance croissante des tracteurs
agricoles qui ont maintenant besoin de quatre roues motrices. Depuis longtemps, des biologistes lancent des cris
d’alarme ; ils ne sont écoutés que par la minorité, heureusement croissante, d’exploitants de l’agriculture biologique. Progressivement, la terre entre en agonie et un
jour viendra où elle ne donnera plus rien… Sans parler de
145 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
l’empoisonnement des nappes phréatiques par les pesticides des champs…
Bref, il faut, à l’heure actuelle, beaucoup de mauvaise
foi pour encore croire aux vertus de la chimie en agriculture. Cette agriculture, dite moderne, est dans l’impasse,
et c’est grave ! Acheter des produits de l’agriculture
chimique, c’est participer à un mensonge.
146
VITAMINES ET MINÉRAUX Vitamines et minéraux
Les vitamines et minéraux font partie des nutriments indispensables à l’être humain : tout le monde est d’accord
là-dessus. La question est de savoir s’il peut être utile d’en
prendre des suppléments sous forme de gélules, pastilles
et autres comprimés. La réponse à cette question doit être
nuancée.
On serait tenté d’affirmer qu’en principe, une nourriture
saine, équilibrée, issue de culture biologique, dépourvue
de toutes les formes de toxicité que le foie ne peut traiter, à peu près dépourvue d’éléments anti-vitaminiques
ou chélateurs de minéraux, devrait fournir à l’organisme
toutes les vitamines et minéraux dont il a besoin, et en
quantités suffisantes.
C’était le cas jadis, mais dans le contexte peu naturel
qui est généralement le nôtre actuellement, il faut réexaminer la question, d’autant plus que les aliments perdent
une certaine proportion de leurs vitamines dans la mesure
où ils sont cuits.
Pour une foule de raisons environnementales ou pathologiques, ou à cause de leurs choix nutritionnels, beaucoup de gens sont carencés. Pour ces personnes, bien
évidemment, des suppléments de vitamines ou, plus
fréquemment encore, de minéraux doivent être administrés. Ceci relève de la médecine, plus précisément de
cette forme de médecine qu’on appelle orthomoléculaire.
Ses représentants les plus célèbres sont Carl C. Pfeiffer
et Pierre Gonthier (cf. op. cit.), ainsi que, par exemple, le
Docteur Nieper de Hanovre, cancérologue réputé. Cette
forme de médecine est précieuse, ne serait-ce que parce
147 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
qu’elle minimise autant qu’il est possible le risque des
effets secondaires des médicaments, puisque ceux-ci se
réduisent à des substances déjà présentes dans l’alimentation, dont on ne fait qu’augmenter ou moduler les doses
en fonction des besoins.
Il s’agit là de traitements médicaux et ce n’est pas le
propos de ce livre. Mais beaucoup de personnes croient
qu’elles ont besoin de tels suppléments, lesquels « ne
peuvent pas leur faire de tort de toute façon ». C’est loin
d’être toujours le cas ! Quand on prend un supplément
d’une vitamine particulière, ou d’un oligo-élément particulier, on risque de créer un déséquilibre, car toutes les
vitamines et tous les minéraux fonctionnent en synergie.
La vitamine C et la vitamine E se recyclent mutuellement ;
fer, cuivre et vitamine C interviennent conjointement dans
des processus complexes en rapport avec la lutte contre
les radicaux libres ; le cuivre est indispensable aux enzymes
qui traitent le fer sanguin ; le zinc, clé de centaines d’enzymes, est lié à la vitamine B6, etc… Certes, certains abus
ne prêtent pas à conséquence. Par exemple, d’après certains chercheurs (cf. Combs, op. cit.), on pourrait prendre
100 fois la dose normale de vitamine B1 sans danger : elle
s’élimine par l’urine (et même par la peau, ce qui fait fuir
les moustiques !). En général – mais pas toujours ! – un excès de vitamine hydrosoluble n’a guère de conséquences
dommageables. Mais il n’en est pas de même des vitamines liposolubles, qui, n’étant pas solubles dans l’eau,
ne peuvent être évacuées par les reins via le courant sanguin. Ce sont les vitamines A, D, E, K, qu’il ne faut jamais
prendre en supplément sans avis médical, même la vitamine E, qui est pourtant un anti-oxydant précieux, mais
qui diminue l’agrégation plaquettaire au point de pouvoir
occasionner des hémorragies. Il faut se méfier aussi des
suppléments multivitaminiques, dont les dosages laissent
148
VITAMINES ET MINÉRAUX parfois à désirer (j’en ai vus qui étaient aberrants !). Des
excès de vitamine A ou D surtout, dans ces médications
mal dosées, peuvent avoir des conséquences funestes…
Reste tout de même le cas particulier de la vitamine C.
J’ai déjà mentionné le fait que, comme les autres primates, nous sommes incapables de la synthétiser, contrairement à la plupart des animaux qui ne doivent donc pas
nécessairement la trouver dans leur alimentation. Il est
intéressant de savoir quelle quantité de vitamine C ces
animaux fabriquent par eux-mêmes. Le chiffre le moins
élevé que j’ai trouvé est celui du chat : 5 mg par kg de
poids et par jour, dose minimale d’un animal non stressé.
Car en cas de stress, la synthèse de vitamine C grimpe
en flèche ! Rapporté à un homme de 70 kg, cela fait 350
mg par jour. Quant au chiffre le plus élevé que j’ai trouvé,
c’est celui de la souris : 275 mg par kg et par jour : 55
fois plus ! D’après Davies (op. cit., p. 24), l’optimum pour
les primates se situe entre 3 et 35 mg par kg et par jour,
donc, pour un homme de 70 kg : entre 210 et 2450 mg/j.
Les vétérinaires des zoos savent qu’à un chimpanzé il faut
en donner au moins 1 g/j, sinon il se porte mal.
En ce qui concerne les humains, l’expérience la plus
significative est celle d’Archie Kalokerinos, médecin australien qui s’est intéressé de près aux aborigènes depuis
qu’il s’est rendu compte que ceux d’entre eux qui se nourrissaient selon leurs habitudes ancestrales n’étaient pratiquement jamais malades tandis que ceux qui adoptaient
les habitudes alimentaires occidentales attrapaient toutes
nos maladies. Après enquête, il s’est aperçu que les premiers, à force de grapiller des petites baies, avalaient 4 à
5 g de vitamine C par jour !
149 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Quant aux hommes du paléolithique, d’après Eaton
et Konner (« Paleolithic nutrition »), ils en absorbaient
400 mg par jour, ce qui est une estimation, à mon avis,
minimale.
Mais à moins d’avoir certains fruits, comme les acéroles
(cerise des Antilles), à portée de main tout l’année, il est
difficile sinon impossible d’absorber quelques grammes
de vitamine C par jour à partir de l’alimentation. Il pourrait donc être utile d’en prendre des suppléments. Ceuxci peuvent se présenter sous forme naturelle (extraits de
fruits, acérole ou cynorrhodon), ou synthétique (acide
ascorbique pur, ou différentes formes d’ascorbates), ou
encore sous les deux formes mélangées, ce qui est souvent le cas. La vitamine C de synthèse est équivalente à
la vitamine C naturelle à condition que sa molécule soit
vraiment identique – polarisée de la même façon – et si
possible accompagnée des bioflavonoïdes qui agissent en
synergie avec elle : tout ceci n’est pas toujours évident…
Prise en excès, la vitamine C s’élimine par les reins
puisqu’elle est hydrosoluble ; c’est là un gaspillage regrettable, qu’on peut éviter en fractionnant les prises. Certains
naturopathes prétendent qu’on peut prendre ainsi de
fortes doses sans inconvénient. Mais n’y a-t-il vraiment
aucun risque ?
Un ouvrage de Packer et Fuchs (« Vitamin C in Health
and Disease ») résume les diverses interventions à un colloque consacré à ce sujet et d’autant plus intéressant que
certains intervenants étaient très réticents vis-à-vis de la
vitamine C. Ainsi, d’après Halliwell et Whiteman (op. cit.,
p. 63-67), l’acide ascorbique a un effet pro-oxydant dangereux (production de radicaux libres) en rapport avec les
ions de fer et de cuivre. Si ces métaux sont sous forme
150
VITAMINES ET MINÉRAUX chélatée (le fer par la ferritine ou la transferrine, le cuivre
par la céruloplasmine), il n’y aurait guère de problème ;
c’est normalement le cas. Mais si une personne a dans
son sang trop d’ions de fer ou de cuivre, il faudrait, selon
ces auteurs, éviter l’acide ascorbique. Jariwalla et Harakeh
(p. 309-318) indiquent que ces « dommages » par radicaux libres sont justement à la base de l’action antivirale
de la vitamine C. Cet effet pro-oxydant et l’effet anti-oxydant – dépendant de l’état d’oxydation de l’acide ascorbique – se conjuguent en un jeu chimique très subtil qui
aboutit à la destruction des virus d’une part et à la protection des cellules des dommages oxydatifs d’autre part.
Quant à l’ADN, il est protégé par la vitamine C, comme le
montrent Woodall et Ames dans leur article « Protection
of DNA from Oxidative Attack » (op. cit., p. 195).
Dans l’ouvrage de Davies (p. 112), on retrouve l’avertissement concernant les fortes doses de vitamine C en cas
d’excès sanguin en ions de fer ou de cuivre. Mais ceci ne
se produit guère qu’en cas de pathologies rares comme
la maladie de Wilson (taux anormal d’ions de cuivre, lié à
un manque de céruloplasmine, qui est la protéine transportant le cuivre). Encore faut-il remarquer que même ces
cas-là, paradoxalement, nécessitent un apport de vitamine
C, le dosage étant évidemment beaucoup plus délicat.
À propos du problème des calculs rénaux, Jean-Paul
Curtay, dans son ouvrage « La nutrithérapie » (p. 252 et
réf. 748), explique que la contre-indication de la vitamine
C est injustifiée : la vitamine C ne produit pas d’oxalates,
elle se confond avec eux ! Ce n’était qu’une erreur d’interprétation. D’autres chercheurs estiment que la vitamine C
peut parfois aggraver un problème de calculs rénaux déjà
existant, mais ne peut en aucun cas, à elle seule, le créer.
151 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
D’autres inquiétudes se font jour à propos des femmes
enceintes. De fortes doses de vitamine C, prises par une
future mère pendant sa grossesse, sans vraiment nuire au
fœtus, seraient la cause, chez l’enfant après sa naissance,
d’un état de « dépendance ». Ceci mérite considération,
mais il faut remarquer que de telles observations ne
concernent que la vitamine C synthétique. D’autre part,
500 mg/j, même synthétique, ne pose pas ce genre de
problème.
La vitamine C de synthèse (sous les conditions mentionnées plus haut) est aussi efficace que la vitamine C
naturelle, en tant que telle. Mais elle est dépourvue des
bioflavonoïdes qui accompagnent toujours la forme naturelle. « Les bioflavonoïdes ont des propriétés anti-oxydantes et protègent la vitamine C, […], de l’oxydation par
les enzymes contenant du cuivre. Ces flavonoïdes sont
des chélateurs du cuivre… » (Pfeiffer & Gonthier, op. cit.,
p. 158). Lorsqu’on prend de la vitamine C régulièrement,
il vaut mieux que ce soit sous forme naturelle, la forme
artificielle, plus concentrée (et moins chère), étant réservée aux cas d’urgence où il en faut quelques grammes.
Le cas d’urgence typique est celui d’une attaque virale.
J.-P. Curtay (op. cit., p. 34) écrit : « Dès 1932, Jungeblut
montre que la vitamine C inactive in vitro le virus de la
poliomyélite. Peu après, d’autres chercheurs montrent
qu’elle est virucide in vitro sur tous les virus connus. »…
Le lecteur se demandera peut-être pourquoi, mis à part
ces urgences, la vitamine C est si importante. Je lui épargnerai la longue litanie des rôles physiologiques de cette
vitamine dans notre organisme et je ne citerai que les plus
significatifs.
152
VITAMINES ET MINÉRAUX Outre son rôle détoxifiant, anti-stress et anti-histaminique, elle favorise l’absorption du fer, active le système
immunitaire, protège des radicaux libres, et même des
virus comme on vient de le voir. Elle protège contre l’oxydation les lipides (surtout poly-insaturés), les vitamines
A et E (cet effet étant d’ailleurs mutuel), le cristallin de
l’œil (le préservant de la cataracte), etc. Son rôle le plus
connu, mentionné dans tous les traités de biochimie, est
sa participation, strictement indispensable, aux réactions
d’hydroxylation dans la synthèse du collagène, protéine
de base du maintien des tissus. Le scorbut n’est pas autre
chose qu’une défaillance généralisée du collagène ; il est
fatal dès qu’il atteint celui des artères, qui éclatent. Et en
cas d’apport parcimonieux de vitamine C, l’organisme va
couvrir d’abord ses besoins prioritaires en laissant de côté
les tissus moins importants. Or, sans leur hydroxylation,
les fibres de collagène s’effilochent et perdent toute résistance ; les tissus concernés ont alors tendance à se relâcher, à devenir mous, à se plisser. Il faut remarquer que ce
sont là les caractéristiques les plus visibles de la vieillesse…
La vieillesse n’a pas bonne presse, de nos jours, et beaucoup de personnes veulent « rester jeunes » à tout prix.
Ce n’est pas sans raison qu’elle se jettent sur la vitamine
C. Cela marche-t-il pour tout le monde ? Ce n’est pas si
sûr. Certainement pas pour les fumeurs, qui ne peuvent
y arriver : le tabac « pompe » littéralement la vitamine C.
Et les autres ?
À force de vitamine C synthétique, des déséquilibres
peuvent se produire, aux dépens du cuivre par exemple,
mais tout dépend de la dose. Dans le rapport de Packer
et Fuchs, on peut remarquer que même les scientifiques
les plus réticents vis-à-vis de la vitamine C admettent que
500 mg par jour n’est jamais une dose trop forte. Celui
153 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
d’Eaton sur l’alimentation paléolithique arrive à peu près
au même chiffre. Dans ces conditions, je crois pour ma
part que ce chiffre d’un demi gramme de vitamine C par
jour peut être pris comme base. C’est le minimum de la
dose optimale. Dans beaucoup de cas, ce n’est sans doute
pas le maximum. Comment le savoir ? Il y faut de la circonspection, essayer différents dosages sans les changer
trop brusquement (lorsque l’on abaisse la dose, ne le faire
qu’à raison d’un gramme par jour, tout au plus) et surtout
varier les sources. Les médecins et autres scientifiques qui
préconisent les fortes doses de vitamine C ont tendance à
vivre vieux, au-delà de 90 ans… Linus Pauling, auteur de
nombreuses publications sur ce sujet (cf. réf.), en prenait
10 g par jour ; il est mort à 94 ans, et, à 90 ans, jouait
encore au tennis… Il est vrai qu’à cet âge – à supposer
que ces « mégadoses » présentent un risque quelconque
– on n’a plus rien à perdre. Il n’empêche que cet exemple
impressionne. La seule manière de savoir s’il peut être suivi est d’essayer ! Mais en restant attentif à notre corps et
à tout ce qu’il nous dit !
Avant d’en finir avec les vitamines et les minéraux, il
faut encore parler du magnésium, dont l’importance n’est
pas assez reconnue, et du fluor, qui est très controversé.
La carence en magnésium est fréquente, et tend à
s’accroître avec l’âge. L’une des causes est le déficit en
magnésium de l’agriculture chimique. Beaucoup de gens
devraient donc en prendre des suppléments. À ce sujet, il
importe de savoir ce qui suit.
D’abord, il faut absorber le magnésium correctement et
pour cela éviter ses chélateurs, qui le confisquent, comme
les phytates. Ensuite, il convient que son excrétion reste
normale (par l’urine) ; si par exemple, en plus des phytates,
154
VITAMINES ET MINÉRAUX on absorbe en même temps de la graisse (gare aux pâtisseries !), les pertes fécales de magnésium s’accroissent.
Les rôles du magnésium dans notre physiologie sont
très nombreux ; on ne peut les détailler ici. Il est en majeure partie intracellulaire ; 1 % seulement reste en dehors
des cellules, dans le sang principalement.
Suivant la forme sous laquelle il se présente, le magnésium absorbé peut pénétrer dans les cellules ou rester
dans les liquides extracellulaires.
Si l’on veut qu’il y pénètre, besoin le plus fréquent
(stress, crampes…), il faut le prendre sous forme d’un sel
organique (et non minéral) qui traversera facilement les
membranes cellulaires : orotate, pidolate, etc. Pour que
ce magnésium se maintienne à l’intérieur des cellules, il
est quasiment indispensable de l’accompagner d’un supplément de taurine, acide aminé considéré comme un
véritable « épargneur » du magnésium. Par exemple, les
défaillances de l’oreille interne sont souvent dues à un
déficit magnésien associé à un problème circulatoire, et la
combinaison qui a le plus de chances d’être utile est alors
l’orotate de magnésium, la taurine et les oméga-3.
Mais le magnésium extracellulaire a son utilité aussi.
Il est vasorelaxant. De multiples expériences ont clairement montré qu’une injection de chlorure de magnésium (MgCl2) diminuait la tension artérielle, tandis qu’une
injection de chlorure de calcium l’augmentait (cf. Altura,
« Ionic Regulation of the Microcirculation »). L’effet le
plus spectaculaire du chlorure de magnésium est l’augmentation de la phagocytose (jusqu’à 300 %) mise en
évidence par le Professeur Delbet dès 1915 (cf. P. Delbet
et N. Fiessinger, « Biologie de la plaie de guerre »). Ce der155 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
nier a soigné ainsi les blessés de la guerre et a pu éviter à
ces malheureux bien des gangrènes et autres infections.
L’expérience m’a montré, depuis longtemps, qu’une seule
prise de chlorure de magnésium diluée dans un verre d’eau
suffisait à stopper net une attaque grippale. Certains en
font une habitude journalière ; ce n’est sans doute pas à
conseiller : à la longue, des déséquilibres peuvent survenir,
et même une atteinte rénale.
Signalons enfin que le magnésium se trouve en abondance dans les amandes, les dattes, le riz complet, les
lentilles, et tous les légumes verts (la chlorophylle en
contient), et qu’en revanche, le café a tendance à le faire
fuir (comme il fait fuir les autres minéraux).
Reste à dire un mot du fluor. Certains de ses sels
comptent parmi les constituants de l’émail dentaire. Des
études ont montré que le fluor a une action anti-carie.
En fait, ces études répètent le même scénario : parmi
des enfants et des adolescents, ayant tous des habitudes
alimentaires déplorables, surtout en ce qui concerne les
sucreries, ceux qui prennent un supplément de fluor ont
moins de caries que les autres. En toute logique, ces
études ne signifient pas que le fluor soit indispensable aux
dents, comme des intérêts mercantiles voudraient le faire
croire, mais seulement qu’en cas de besoin le corps peut
se servir de ses sels pour colmater les brèches de l’émail.
Ce n’est pas la même chose !…
Cet aspect des choses est très général. La vie est apparue sur la Terre à partir des minéraux qui la composaient et
la composent encore. Dire que la vie se sert des minéraux
disponibles n’est pas la même chose que d’affirmer que
l’un ou l’autre d’entre eux lui est indispensable. C’est sans
doute souvent le cas mais pas toujours. Par exemple, les os
156
VITAMINES ET MINÉRAUX ont besoin de calcium. Le strontium, chimiquement analogue, peut le remplacer ; il ne remplit pas aussi bien que
le calcium le rôle assigné à ce dernier, mais s’il est présent,
la nature peut s’en accommoder. Nous avons toujours au
moins un petit peu de strontium dans les os. Le strontium
n’en est pas pour autant indispensable à ceux-ci.
De même, si le fluor est présent – et il l’est un peu partout ! – nos dents en tirent profit : on le retrouve plus
concentré dans les imperfections de l’émail (cf. Eric J.
Underwood, « Trace Elements in Human and Animal
Nutrition »).
Cela ne justifie pas la prise de suppléments de fluor. Car
c’est un élément dont la toxicité est redoutable. D’après le
Professeur Nieper de Hanovre, c’est le pire poison connu
du système immunitaire, après le platine en aérosol (Hans
A. Nieper, « Im Einfluß von vielen Schadfaktoren »). Ceci
ne doit pas surprendre celui qui a quelques notions de
chimie et qui sait que le fluor est le seul élément qui soit
encore plus électronégatif que l’oxygène : ce simple fait
suffit à suspecter qu’il ait un statut biologique pour le
moins particulier. En fait, le fluor, par sa seule présence,
et par un simple effet électrostatique, dérange les liaisons
dites « hydrogène » très présentes dans les molécules
constitutives de la matière vivante, et en particulier dans
l’ADN. Et c’est ce qui en fait un facteur de vieillissement.
Peut-être même cette baisse inexorable de la vitalité, qui
nous fait sentir le poids des années, serait-elle beaucoup
plus lente si le fluor n’existait pas. Il faut avouer qu’une
telle hypothèse est à jamais invérifiable, vu la présence
ubiquitaire du fluor dans la nature.
Le livre de John Yiamouyiannis (« Fluoride, the AGING
factor ») est très instructif sur ce sujet. Cet auteur cite le
157 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
cas d’un village d’Anatolie où les habitants vieillissent très
vite, au point que les hommes, dès l’âge de 30 ans, y deviennent des vieillards impuissants. Explication : leur eau
de boisson est particulièrement fluorée.
Tout ceci a une signification pratique évidente. Il y a du
fluor dans une foule d’aliments, en quantités minimes, un
peu plus dans le thé et les fruits de mer… Nous ne l’éviterons jamais tout à fait, il est d’ailleurs vain de chercher à
l’éviter, mais au moins, n’en rajoutons pas ! Contentonsnous de la dose que la nature nous destine.
158
ÊTRE VÉGÉTARIEN ? Être végétarien ?
Beaucoup de personnes se détournent de la viande
parce qu’elle serait une source d’intoxication. Robert
Masson, naturopathe, conteste ce point de vue avec vigueur et non sans arguments (cf. « Diététique de l’expérience », p. 173). D’autres soutiennent que la viande est
la source d’une putréfaction potentiellement cancérigène
dans le côlon descendant. À cet égard, la présence ou
non, dans le bol alimentaire, de nombreuses fibres me
paraît déterminante. Un troisième argument, plus sérieux,
est le suivant : les viandes actuelles sont appauvries jusqu’à
l’extrême en oméga-3 et proportionnellement beaucoup
trop riches en acide arachidonique. Ce sujet a été traité
précédemment. Il faut avouer que l’argument pourrait
être décisif. Mais quoi qu’il en soit, il faut bien se dire que
ces phénomènes dépendent de nombreux facteurs, et de
ce fait, les opinions trop tranchées risquent fort de passer
à côté de ce qui se passe réellement et qui dépend du
caractère physiologique sinon psychologique de chaque
personne.
Nous avons vu que l’adaptation des humains à la nourriture carnée, acquise génétiquement depuis plus d’un
million d’années, ne fait plus aucun doute. Mais ceci ne
signifie pas que le végétarisme n’ait pas de sens. Les végétariens diront avec raison que ce n’est pas parce que nos
frustes ancêtres du paléolithique dévoraient la chair des
animaux que nous sommes tenus de continuer ainsi pendant des milliers d’années…
Ceci dit, la raison majeure qui, à mon avis, justifie de
se passer de viande est simplement écologique. L’énergie
et la superficie de terre nécessaires pour obtenir une cer159 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
taine quantité de protéines animales sont beaucoup plus
grandes que celles nécessaires pour obtenir la même
quantité de protéines végétales. Les chiffres sont variables
selon les auteurs. Peu importe le détail : le fait est que
la différence est énorme, elle ridiculise par ailleurs les
arguments de ceux qui prétendent que les traitements
chimiques en agriculture sont indispensables pour l’obtention de rendements à l’hectare suffisants… La viande
quotidienne et généralisée ne peut que mener à un désastre écologique. On frémit à la pensée de vastes pans
de la forêt amazonienne anéantis pour être convertis en
pâturages… afin que les Américains aient leurs steaks
quotidiens (au pluriel : ils en prennent même le matin !).
Cependant, il faut relativiser l’argument pour deux raisons. La première, c’est que certaines régions, surtout
montagneuses, sont de toute manière incultes, au point
qu’y laisser paître des animaux peu exigeants, comme des
chèvres ou des moutons, est la seule manière d’en tirer
quelque production. C’est le cas en Écosse, en NouvelleZélande,… La deuxième raison, c’est que l’argument
avancé dépend tout de même des animaux concernés.
Pour le bœuf, il est écrasant, mais pour de simples volailles, il n’a plus la même valeur. Bien au contraire10. En
somme, l’argument écologique du végétarisme est surtout quantitatif. Même le respect le plus strict des équilibres écologiques n’interdit pas la consommation de
10. Citons la ferme bio de Furuno au Japon : 2 ha dont une rizière
de 1,4 ha. Après les semis, on y lâche 300 canetons : ils mangent
les prédateurs du riz (insectes, mollusques…) et assurent un désherbage efficace. À la récolte, les canards sont évacués de la rizière.
Des plantes aquatiques s’y développent alors, abritant des gardons,
le tout assurant la durabilité de l’écosystème. Bilan : 7 tonnes de riz,
300 canards et des légumes pour 100 personnes. Qui dit mieux ?
(D’après L’ÉCOLOGISTE, n° 14, 2004)
160
ÊTRE VÉGÉTARIEN ? quantités limitées de viande, en particulier de mouton ou
de volaille.
Mais de toute manière, diront les végétariens, la viande
n’est pas du tout nécessaire. Certes, les protéines végétales ne sont pratiquement jamais complètes, mais il est
bien connu qu’en combinant légumineuses et céréales,
on obtient toute la panoplie des acides aminés indispensables. L’argument est contesté par Robert Masson (op.
cit., p. 123), qui prétend que cette complémentarité est
un leurre, mais il ne donne pas de chiffres précis à cet
égard. Cependant, des traditions très anciennes existent,
comme le riz et les lentilles en Inde, le couscous et les pois
chiches chez les Arabes, le maïs et les haricots rouges au
Mexique, etc. Malheureusement, on le sait maintenant,
les inconvénients des céréales et des légumineuses ne sont
pas à négliger. Quelques céréales, dépourvues de gluten,
sont très valables, comme le riz, le quinoa, le millet… Mais
il n’est pas sûr que la combinaison de n’importe quelle
céréale avec n’importe quelle légumineuse soit toujours
adéquate. Dans une ration protéique, les acides aminés
essentiels doivent se trouver en proportions convenables.
Si les proportions sont déséquilibrées, la protéine vaudra
dans la mesure de l’acide aminé le moins représenté, dit
facteur limitant. Si par exemple, ils y sont tous en proportions correctes sauf la méthionine qui n’y est qu’au tiers
de la quantité adéquate, la quantité de protéines réellement utilisable par l’organisme ne sera que le tiers environ de la quantité totale présente, les deux tiers restants
des autres acides aminés ne servant alors à rien en tant
que protéines. Ils sont récupérés par la néoglucogénèse
c’est-à-dire convertis en glucose, moyennant une série de
réactions enzymatiques qui réclament une certaine dépense énergétique. Un tel cas est plus fréquent qu’on ne
le pense. La méthionine, en particulier, est souvent trop
161 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
peu représentée. Or, elle est précisément l’acide aminé le
plus utile au foie (cf. Samson-Wright, « Physiologie appliquée à la médecine »)… Ceci dit, la proportion physiologiquement requise d’acides aminés dépend peut-être
plus qu’on ne le croit de la physiologie propre à chaque
personne.
Si l’on veut des données quantitatives sur ce sujet,
on pourra consulter les tableaux de Souci, Fachmann et
Kraut, qui fournissent des chiffres en abondance. Les
teneurs en 18 acides aminés y sont indiquées pour une
foule d’aliments différents. Je me suis livré à des comparaisons chiffrées en calculant ces teneurs (en mg) pour
des rations composées de 100 g de céréales et de 50 g
de légumineuses. Les chiffres ainsi obtenus n’arrivent à
coïncider – à 10 ou 20 % près ! – avec ceux correspondant à 100 g de viande que pour la combinaison amarante + lentilles… qui présente tout de même des taux un
peu trop élevés d’arginine et de sérine. La combinaison
riz + lentilles, pourtant traditionnelle, est pauvre en lysine
et en méthionine, de même que la combinaison maïs +
haricots ; la combinaison riz + soja est pauvre en lysine
et beaucoup trop riche en acide glutamique… Tout cela
en prenant comme point de comparaison la viande qui
est elle-même moins riche en acides aminés soufrés (méthionine + cystéine) que les œufs, proches de l’idéal à cet
égard. Bref, il semble bien que Robert Masson ait raison ;
équilibrer une ration végétarienne n’est pas simple du
tout ; on n’évite généralement pas une néoglucogenèse
importante.
Cette équilibration journalière entre les acides aminés
pourrait néanmoins, chez les personnes assez « purifiées », être moins indispensable qu’on ne l’a cru jusqu’à
présent, du fait de réserves d’acides aminés provenant de
162
ÊTRE VÉGÉTARIEN ? protéines cellulaires en excès. C’est du moins le point de
vue du Docteur Gabriel Cousens (op. cit., p. 187). Il ne
donne pas de chiffres précis et se fait quelques illusions
sur l’équilibre en acides aminés des protéines végétales ;
on peut néanmoins conjecturer qu’une certaine souplesse
est possible à cet égard.
D’après cet auteur, qui se justifie par des recherches
scientifiques récentes, la portion de protéines journellement nécessaire est surévaluée. La dose indispensable
serait plus proche d’un demi gramme que d’un gramme
par kg de poids et par jour11. Mais cela dépend des personnes ! Sur ce sujet, la thèse Wendt (op. cit., p. 185) est
du plus haut intérêt : résumée par Cousens (p. 189), elle
dit que « l’excédent de protéines obstrue les membranes
des capillaires, empêchant l’oxygène et autres nutriments
de pénétrer dans les cellules et les tissus et provoquant
l’anoxie et la destruction cellulaire ». Les personnes que
j’ai considérées plus haut comme suffisamment « purifiées » seraient ainsi celles dont les membranes des capillaires seraient assez perméables pour laisser passer plus
facilement les nutriments, de sorte que ces personnes
n’auraient besoin de prendre qu’une quantité moindre de
protéines et s’accommoderaient plus aisément de l’apport
sanguin d’acides aminés de réserve.
Quoi qu’il en soit du végétarisme, les arguments de
Gabriel Cousens suffisent à tout le moins à mettre en
garde contre les excès de protéines.
Viande ou pas, les protéines ne devraient être consommées que par petites quantités (et aussi crues que possible). Sans doute serait-il bon de les réduire au minimum
11. Jacques Médart parle de 0,6 g par kg de poids et par jour (op.
cit. p. 85).
163 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
un ou deux jours par semaine pour laisser le temps à
l’organisme – et notamment aux reins – de « souffler »
un peu… Être végétalien – c’est-à-dire ne jamais prendre
aucun produit d’origine animale – est excessif, mais l’être
quelques jours par semaine est vraisemblablement très
bénéfique. À chacun d’essayer à son rythme (sans forcer !). Personnellement, j’en ai fait l’expérience pendant
près d’une semaine : ce n’est qu’au bout de six jours que
j’ai éprouvé le besoin d’autre chose…
Notons en passant un argument plus particulier du
Docteur Schneider à propos des porcs. Ce médecin prétend que les poumons des porcs servent de réservoir au
virus de la grippe, au point que, lors des épidémies de
grippe, les pays musulmans sont moins touchés. Ce n’est
pas impossible mais reste à vérifier.
Par ailleurs, la compatibilité histologique entre l’humain
et un animal serait la plus élevée pour le porc, ce qui signifie que le porc est le meilleur donneur animal potentiel
en cas de greffe de tissus. Si c’est vrai, cela suggère que
les protéines du porc seraient parmi les plus semblables à
celles de l’homme et on peut alors se demander ce qu’il
en est des confusions immunitaires par passage de polypeptides à travers la muqueuse intestinale, déjà dénoncées à propos des céréales et des produits laitiers. Les
polypeptides porcins ne joueraient-ils pas, eux aussi, ce
jeu dangereux du mimétisme ? Dans ce cas, les juifs et les
musulmans auraient bien raison de bannir le porc…
Les raisons religieuses sont très fréquentes chez les végétariens, en particulier chez les Hindous ou, plus strictement encore, chez les Jaïns qui se mettent un masque sur
la bouche de peur d’avaler une mouchette…
164
ÊTRE VÉGÉTARIEN ? Mais même si elle n’est pas d’inspiration religieuse, la
motivation essentielle des végétariens en Occident est le
désir de ne pas tuer ni de faire souffrir les animaux. Une
telle opinion est éminemment respectable. Je lui opposerai cependant deux arguments.
D’abord, elle est dichotomique : d’un côté, les animaux,
qui méritent le respect, de l’autre, les plantes, exploitables
sans pitié ni restriction. Ne faudrait-il pas nuancer ? Tout
aliment, au départ, est vivant. Il meurt, soit par le traitement qu’on lui fait subir (cuisson, ou pire…), soit par
l’acide de l’estomac, en tout cas par la digestion. Quand
on croque une carotte, on la tue. Quand on arrache une
laitue du sol, on la mutile avant de la tuer. Si les plantes
se nourrissent d’air, d’eau, de soleil et de minéraux, les
êtres animés dont nous sommes sont des prédateurs
par nature : ils tuent leurs aliments. Il y a tout de même
une différence, me dira-t-on, entre arracher un légume
et massacrer un animal qui souffre. Soit ; il ressort simplement de là que les végétariens respectent les animaux
mais n’hésitent pas à massacrer les plantes. Car que saiton de la sensibilité d’une plante ? Elles sont sensibles à
des signaux très subtils, elles peuvent même communiquer entre elles. Qui sait si les traitements que nous leur
faisons subir ne les font pas souffrir ? Pas comme nous,
bien sûr. Mais je persiste à penser que la souffrance d’une
crevette, d’une huître ou d’une coquille Saint-Jacques
qui arrive dans notre assiette ressemble plus à celle d’un
oignon que l’on écorche et coupe en tranches qu’à celle
d’un poulet dont on coupe la tête ou d’un mouton qu’on
immole pour un méchoui. Par ailleurs, la manière de sacrifier un animal doit avoir une certaine importance. J’ai vu
un jour un film montrant une bande de lycaons s’attaquer
à un gnou, le cerner contre un rocher et se mettre à le
mordre au point de lui arracher des morceaux. Le mal165 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
heureux, encore debout, avait déjà perdu ses testicules et
d’autres lambeaux de chair. Apparemment résigné, il ne
criait pas. Ce spectacle était révoltant. Pourtant, il faisait
partie de la nature : il n’y avait là rien que des attitudes
naturelles aux deux espèces en présence. J’ai appris plus
tard que lorsqu’une proie est acculée par un prédateur
au point que tout espoir de survie est perdu, son cerveau
sécrète des endorphines en quantités telles qu’elle ne sent
plus la douleur. De même, des dompteurs de fauves, attaqués par leurs bêtes, se croyant perdus sur le moment,
mais qui en ont tout de même réchappé, ont témoigné
qu’ils n’avaient pas ressenti la douleur de leurs blessures
pendant l’attaque. La nature est finalement mieux faite
que nous ne l’imaginons, et c’est à nous d’accepter notre
condition de prédateur et peut-être aussi, comme le font
les chasseurs dans certaines tribus, de pratiquer l’un ou
l’autre rite, de prière ou de pardon, propre à notre condition d’homme.
Il n’en reste pas moins vrai qu’il y a une gradation dans
la sensibilité des différentes espèces animales, et que les
arguments qui précèdent ont leurs limites. Il y a aussi une
gradation dans l’évolution spirituelle de l’être humain, et
cette évolution même peut changer bien des points de
vue. À cet égard, je pense que ce qu’on a dit de plus juste
sur les raisons du végétarisme est cette phrase de Gandhi :
« Je ressens profondément que la croissance spirituelle
nous commande à un certain stade de cesser d’abattre les
autres créatures pour la satisfaction de nos besoins corporels. » Les mots les plus significatifs de cette citation me
semblent être « à un certain stade ». Et c’est la source de
mon deuxième argument.
Beaucoup de végétariens en Occident affectent de l’être
par imitation de l’un ou l’autre gourou ou simplement
166
ÊTRE VÉGÉTARIEN ? pour se conformer à un courant d’opinion très courant
dans le « Nouvel Âge ». Il y a là de l’hypocrisie. Leur niveau spirituel n’est généralement pas à ce « stade » dont
parlait Gandhi. Personnellement, j’avouerai franchement
que je n’y suis pas du tout ! Peut-être un jour… Mais ne
forçons rien ! Je connais une dame, par ailleurs remarquable, professeur de yoga, qui était végétarienne. Un
jour, elle est tombée en arrêt devant une vitrine où cuisait
un magnifique poulet. Et soudainement, ce poulet lui fit
un tel effet, suscita une telle envie, qu’elle comprit tout de
suite qu’elle s’était trompée, qu’elle avait encore besoin
de viande, qu’elle en était frustrée, qu’elle n’avait pas été
honnête avec elle-même. Mais au moins a-t-elle fini par
l’être et par reconnaître la réalité, sa réalité.
Tout dépend de l’évolution de chacun et d’ailleurs aussi
de l’animal concerné. J’ai entendu un jour un Hindou,
farouchement végétarien, déclarer que si l’on veut devenir végétarien, il faut commencer par ne plus manger
d’animaux plus gros que soi (bœuf, porc…), puis cesser
de consommer les autres animaux à quatre pattes (chèvre,
lapin…), puis les volailles, puis les poissons, puis les fruits
de mer…, tout cela progressivement, à son rythme. La
sensibilité indienne va d’ailleurs plus loin, et il y a aussi
une gradation parmi les plantes, laquelle se termine par
les fruits, seules parties des plantes dont la consommation
ne les tuent ni même ne les abîment. C’est ainsi que pour
certains êtres, même tuer un légume, c’est déjà trop. Les
fruits leur suffisent. Parallèlement à une telle évolution
spirituelle, il va sans dire qu’une certaine évolution physiologique doit avoir eu lieu également, c’est-à-dire une
maîtrise peu commune de l’esprit sur le corps.
167 168
CONCLUSION : DIÉTÉTIQUE ET PLAISIR… PAR LA PSYCHOLOGIE Conclusion : diététique et
plaisir… par la psychologie.
Seignalet admet que sa méthode ne marche pas dans
40 % des cas, pour des raisons simplement psychologiques. La moitié, donc 20 % des gens, tente de suivre le
régime « ancestral » mais se décourage vite ; l’autre moitié
n’essaie même pas. Ainsi donc, dans notre monde occidental, du moins en France, deux personnes sur cinq préfèrent souffrir, même beaucoup, même terriblement, que
de changer leurs habitudes. Il est vrai que le retour à un
régime naturel « ancestral » est une manière de renoncer
à ce que l’on a pris l’habitude de considérer comme des
acquis de la civilisation. Il y a là un conflit très profond qui
est celui, sempiternel, entre nature et culture. Il est plus
fondamental qu’on ne l’imagine, il est même omniprésent. C’est bien pourquoi je ne peux que signaler – une
fois de plus – le livre que je lui ai consacré : « Le naturel et
l’humain ».
On conçoit donc que la seule manière d’aider certaines
personnes en souffrance soit de compléter les prescriptions diététiques par une psychothérapie. Le problème
central est la peur de la nouveauté. Cela relève de ce que
Freud appelait l’oralité, repli égocentrique sur soi qui nous
fait craindre l’inconnu et qui procède d’une lointaine analogie avec l’attitude du petit enfant qui a encore le réflexe
de se réfugier dans les jupes de sa mère. Beaucoup d’enfants et même d’adolescents sont très conservateurs dans
leurs choix d’aliments. Boris Cyrulnik a montré que cette
attitude résultait d’une insécurisation lors des premiers
repas solides, au moment du sevrage (« L’ensorcellement
du monde », p. 44).
169 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
J’ai expliqué comment le plaisir résultait tout naturellement d’une diététique bien comprise. Mais ce plaisir-là ne
peut exister s’il n’y a d’abord le plaisir de la découverte.
Comment pourrait-on apprécier une nouvelle manière de
savourer la nourriture – et la vie dans son ensemble – si
l’on s’accroche à l’acquis, si l’on a peur de découvrir des
saveurs nouvelles ? Ou des saveurs sauvages ? C’est de
liberté qu’il s’agit ! Celle de sortir de ses enfermements
et de multiplier les expériences. C’est cela qu’il faut
promouvoir d’abord, au besoin par un soutien moral et
psychologique.
Il y a une continuité entre cette évolution psychologique
indispensable et l’évolution spirituelle dont il a été question précédemment. C’est une dangereuse illusion de
croire que la seconde peut précéder la première. Cela ne
mène qu’à des impasses sectaires ou à un effondrement
dépressif de la personnalité. Seul un moi suffisamment
libre du ça et du surmoi peut aller vers le soi (au sens
jungien). C’est tout un cheminement, où les plus humbles
joies de la vie ont leur part. Cette évolution nous mène,
petit à petit, à prendre garde aux effets psychiques éventuels de certains aliments, et c’est cette sensibilité-là qui
peut nous suggérer par exemple de renoncer à la viande,
puis, progressivement, de moduler notre alimentation
en fonction de nos besoins spirituels, et ce uniquement
à partir de ce que nous ressentons (cf. Gabriel Cousens,
op. cit.). Tout cela a aussi un sens, mais seulement à un
certain stade de notre évolution.
Sur ce chemin, d’ailleurs très long, ne perdons pas
une occasion de nous réjouir, même et surtout de notre
condition d’humain impliqué dans la matière. Quelques
instants de repos après un charmant repas peuvent être
spirituellement plus riches qu’une ascèse à contretemps.
170
CONCLUSION : DIÉTÉTIQUE ET PLAISIR… PAR LA PSYCHOLOGIE Gioacchino Rossini professait que les quatre grands plaisirs de la vie sont boire, manger, faire l’amour et chanter.
La gaieté imprègne toute sa musique : il n’a jamais pu
faire autrement. Et à 37 ans, il a pris sa retraite de compositeur pour se lancer dans les préparations culinaires. Quel
dommage qu’il n’ait pas connu la diététique naturelle !
Tant pis ! Tâchons de garder en tête les airs du « Barbier
de Séville » ou de la « Pie voleuse » et de rester sous le
souffle créateur du grand maître de Pesaro, lorsque nous
préparons, en nous inspirant des recettes qui suivent, des
repas diététiques imprégnés de toute la sensualité sauvage qui monte en nous depuis le fond des âges.
171 172
ET EN PRATIQUE ? Et en pratique ?
Préparer des repas en accord avec tout ce qui précède
relève non seulement de la diététique mais aussi bien
évidemment de l’art culinaire. Celui-ci implique presque
toujours de combiner plusieurs ingrédients. La première
question est de savoir dans quelle mesure ceux-ci peuvent
s’harmoniser entre eux, d’abord sur le plan enzymatique.
La question des mélanges
D’après Guy-Claude Burger, aucun mélange n’est admissible. À l’issue d’une de ses conférences, je lui ai demandé
si l’on ne pouvait tout de même pas manger ensemble ne
serait-ce que deux aliments. Il m’a répondu : « Avez-vous
vu un animal le faire ? »… Dans son esprit, la réponse ne
faisait aucun doute, et il est vrai que les animaux, tels que
nous pouvons les observer, ne mangent jamais qu’un aliment à la fois. Encore qu’un herbivore qui broute puisse
absorber plusieurs espèces de plantes en même temps,
sans parler des bestioles qui s’y trouvent. Et que n’importe
quel animal puisse aussi avaler deux aliments différents
l’un juste après l’autre. Jane Goodall, qui a consacré sa
vie à observer les chimpanzés, a pu constater que ceux-ci,
parfois, mangent de la viande – ils sont aussi chasseurs
– et, en même temps, l’un ou l’autre végétal qu’ils mastiquent avec un plaisir évident. Cette observation a été
faite en pleine forêt vierge : il ne faut donc pas y chercher
une influence humaine.
Ainsi donc, la combinaison de deux aliments différents
– ou peut-être un peu plus – pourrait bien, à la rigueur,
être considérée comme naturelle. Mais nous sommes
173 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
encore loin de la salade niçoise, de la pizza aux fruits de
mer ou du poulet rôti avec des frites et de la compote de
pommes…
À la suite de Herbert Shelton, de nombreux naturopathes prétendent que tous les mélanges ne sont pas permis, et en particulier qu’il ne faut pas prendre au cours
du même repas ce qui se digère en milieu acide (viandes,
fruits, légumes verts…) et ce qui se digère en milieu alcalin (féculents : pain, riz, pâtes…).
D’autres, comme Robert Masson, affirment que tout
repas complet doit commencer par la prise d’au moins
un peu de protéines animales. Cette affirmation se base
sur le fait que c’est l’apparition dans l’estomac de certains
acides aminés qui déclenche la sécrétion gastrique. Ce
fait physiologique est scientifiquement reconnu, malgré
quelques divergences sur la nature de ces acides aminés.
Ces derniers peuvent se trouver dans des végétaux, mais
pas dans tous, ou pas suffisamment, et si l’on veut être
sûr d’en disposer d’emblée, il est plus simple de commencer un repas avec un peu de jambon, quelques crevettes,
une coquille Saint-Jacques, etc. Masson (op. cit., p. 21
à 26) affirme et explique que l’alimentation « dissociée »,
qui consiste à ne pas prendre au cours du même repas
des protéines et des féculents, est la cause de bien des
maux…
Voilà deux points de vue franchement contradictoires.
Comment y voir clair ?
Par l’expérience directe. Si, suivant Shelton, on fait un
repas de viande et de légumes sans féculent, ou un repas
de pâtes sans viande ni rien d’acide, on peut constater
que la digestion est plus rapide, on ne ressent pas la
174
ET EN PRATIQUE ? moindre lourdeur au niveau de l’estomac ; au contraire,
une agréable impression de légèreté facilite toute activité demandant de la concentration. Un tel régime est à
conseiller aux artistes (musiciens, chanteurs, acteurs, danseurs…) avant une prestation importante. Il est évident
que le régime Shelton (plus particulièrement : les aliments
qui se digèrent en milieu acide à l’exclusion des autres)
facilite notablement le travail de l’estomac. À (très) court
terme, il est bienfaisant. Mais à long terme ? D’abord,
l’équilibre entre les sécrétions d’insuline et de glucagon
peut s’en trouver perturbé avec des conséquences sur
l’assimilation (voir le chapitre sur le syndrome X). Ensuite,
ce qui est si bon pour l’estomac l’est-il autant pour l’intestin ? Il semblerait que non. Le pH12 de l’estomac est
toujours acide, de toutes façons. Celui de l’intestin varie
suivant les régions traversées par le bol alimentaire, il passe
par des valeurs franchement alcalines. Nos aliments, quels
qu’ils soient, doivent passer par là. Une anomalie du pH,
où qu’elle se situe, est toujours dommageable, souvent
même gravement du fait de la perturbation de la flore
intestinale. Celle-ci, comme tout le reste, a besoin d’un
équilibre. Il ne paraît donc pas recommandable de tenter
de le déplacer, dans un sens ou dans l’autre.
Il est de toute manière impensable que notre système
digestif ne puisse pas digérer en même temps des glucides, des protéines et des graisses, pour la raison bien
simple que tous les aliments naturels contiennent ces trois
catégories de nutriments, fût-ce en proportions très différentes. Certains, essentiellement glucidiques, n’en sont
pas moins pourvus d’acides aminés et d’acides gras (les
12. Rappelons que le pH (variant de 0 à 14) mesure l’acidité : 7
indique la neutralité (eau), moins de 7 l’acidité, plus de 7 l’alcalinité. L’acidité de l’estomac est très forte puisqu’elle peut descendre
à 1,5…
175 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
fruits secs et les légumes racines, par exemple). D’autres,
surtout protéinés, n’en sont pas moins riches en sucre (le
glycogène du foie, par exemple).
Le dourian13 est un exemple remarquable d’aliment à
la fois riche en glucides, en graisses et en protéines. Un
seul fruit constitue un repas complet pour plusieurs personnes. J’en ai mangé abondamment en Thaïlande. Il est
très digeste, mais il ne faut rien absorber d’autre au même
repas, ce dont on n’a pas envie de toute manière. Il en est
de même du jaque (fruit du jaquier). Pour de tels fruits,
on ne voit pas ce que pourrait signifier le régime dissocié.
Un dourian, très crémeux, doux sinon sucré (comme peut
l’être une banane) contient l’équivalent en protéines de
plusieurs œufs…
Ainsi, il est incontestable que notre tube digestif est
adapté aux mélanges de nutriments, donc, jusqu’à un
certain point, d’aliments. Mais il ne faut pas exagérer.
Hippocrate disait déjà que si l’on met plus de trois ou
quatre aliments différents dans notre estomac, ils finissent
par se disputer…
Notre ventre est intelligent. Il est maintenant bien connu
qu’il est pourvu de nombreux neurones. Nous pouvons
lui demander de programmer une digestion relativement
complexe.
À trois conditions
La première est de ne pas changer le programme en
cours de digestion – par des repas trop longs, ou pire, par
13. Fruit exotique (cf. le chapitre « Désintoxication… »), très gros et
très cher (25 € pour un fruit de 1 ou 2 kg), que l’on peut trouver en
avril chez certains commerçants chinois ou thaïlandais, à Bruxelles,
à Amsterdam…
176
ET EN PRATIQUE ? le grignotage en dehors des repas – ce qui peut le perturber sérieusement. (Robert Masson insiste sur la nocivité
du grignotage et il a tout à fait raison.)
La deuxième est de ne pas exagérer la complexité demandée, sans quoi la digestion, quoique toujours possible, sera longue et difficile. Un buffet, où l’on goûte un
peu de tout, c’est très plaisant, la curiosité s’y mêle au
plaisir gustatif, mais il y a un prix à payer…
Et la troisième est d’éviter autant que possible les incompatibilités enzymatiques.
Les fruits et légumes crus étant diversement pourvus
d’enzymes et d’anti-enzymes, le problème des mélanges
est aussi celui de la compatibilité de ces enzymes et antienzymes entre eux et avec les différentes catégories de
nutriments. Plus les mélanges sont compliqués, plus ce
problème devient inextricable. C’est finalement la raison
principale pour laquelle il vaut mieux restreindre la complexité des mélanges.
Les féculents, autrement dit les glucides complexes, se
digèrent déjà dans la bouche grâce à l’amylase salivaire,
à condition de mastiquer convenablement. Ce processus
est inhibé par la présence d’acide. Une seule goutte de
jus de citron suffit à l’inhiber complètement ! Il est facile
de comprendre dès lors pourquoi les fruits acides (si peu
que ce soit !) ne sont pas compatibles avec le pain, les
pâtes, ni avec aucune céréale, aucun féculent. Notons que
quelques fruits sont eux-mêmes des féculents, comme la
banane, ou le fruit de « l’arbre à pain ». Une banane crue
peut donc se manger avec des féculents puisqu’elle en
fait partie, mais pas avec des protéines, du fait de ses antienzymes (cf. le chapitre « Quelle cuisson ? »).
177 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
La plupart des fruits doivent se déguster en monodiète,
c’est-à-dire séparément, comme repas léger, ou à la rigueur en apéritif. On le sent instinctivement. Et ce serait
faire preuve de mauvais goût que de manger une orange
avec du pain, par exemple. Le cas des tartes aux fruits
est différent : les fruits y sont cuits, ils ont perdu leurs
enzymes, et l’on sent d’ailleurs très bien, instinctivement,
que l’incompatibilité enzymatique y a disparu.
Certains fruits, comme l’ananas ou la papaye,
contiennent des enzymes protéolytiques ; ils peuvent
donc se prendre avec des protéines puisqu’ils en facilitent
la digestion (cf. le chapitre « Quelle cuisson ? »).
D’autres, comme le melon ou la pastèque, sont tellement aqueux qu’ils diluent les sucs digestifs et ralentissent
donc la digestion. Il vaut mieux les déguster séparément.
Les légumes posent moins de problèmes de compatibilité. La plupart peuvent se combiner avec des viandes ou
des féculents.
D’une manière générale, on peut considérer qu’il est a
priori plus risqué de mélanger des légumes ou d’autres
aliments, ou encore des épices, provenant de terroirs trop
différents. Par exemple, le raifort ou le cumin, épices plutôt germaniques, conviennent à la choucroute, mais pas
le curry à la noix de coco… Pourtant, certaines épices
sont devenues universelles, comme le poivre, ou certains
légumes, comme la pomme de terre, originaire d’Amérique, très cultivée en Europe de l’Est et du Nord, très prisée en Irlande et en Belgique, et qui se mange aussi en
Inde et en Thaïlande.
Cette question des mélanges est très subtile ; il faut y
répondre avec souplesse et circonspection : il y faut fina 178
ET EN PRATIQUE ? lement beaucoup d’intuition. Il s’agit aussi d’en considérer tous les aspects. Quand on parle de manger différents
aliments « au cours du même repas », il faudrait préciser
quelque peu. Un repas peut être plus ou moins long et
organisé de différentes manières. Les Asiatiques ont tendance à tout présenter ensemble en même temps : le riz,
la viande, les légumes, et même le potage, ou le pain (en
Inde, sous forme de nan, chapati, etc.). À l’inverse, un
repas gastronomique français se compose d’une suite de
plats successifs. Chacun de ceux-ci, même très élaboré,
ne mélange pas trop d’éléments disparates, en général.
Mais l’ensemble du repas dure longtemps, souvent plus
d’une heure, sinon deux, ce qui est beaucoup pour la
« programmation » de la digestion.
On peut se demander s’il ne serait pas intéressant de
prendre les protéines et les féculents au cours du même
repas mais pas au même « service », autrement dit de
commencer par les protéines, de terminer son assiette, et
puis seulement d’entamer le plat de pâtes, ou de riz, ou
de légumes… Les mélanges sont ainsi moins « directs »,
en quelque sorte. Après quelques essais, il me semble
qu’une telle manière de procéder soit plutôt favorable,
et par exemple, qu’elle diminue les lourdeurs digestives
après un repas copieux… Sans doute faudrait-il expérimenter plus longuement dans cette voie.
Si l’on observe les petits enfants à table, on peut d’ailleurs constater une certaine tendance instinctive à manger les aliments l’un après l’autre. Par exemple, si on leur
sert – comme il est de tradition chez nous – de la viande,
des légumes et du riz ou des pommes de terre, on les voit
souvent commencer par la viande, la finir, puis entamer le
reste… Les enfants sont plus proches que nous de l’instinct alimentaire originel, du moins s’ils sont encore assez
179 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
jeunes et non perturbés par les nourritures dénaturées qui
envahissent – hélas ! – leur univers naissant.
En résumé, soyons prudents avec les mélanges ;
acceptons-les mais de manière circonspecte, en observant
la manière dont nous y réagissons, et sans nous priver
des combinaisons délicieuses, dont quelques-unes seront
mentionnées dans la suite. Une telle manière de voir les
choses s’accorde avec la simplicité de la préparation,
ce qui, pour beaucoup de gens pressés, est un grand
avantage.
Les crudités d’abord
Commencer tous les repas par des aliments crus est
essentiel. Rappelons qu’il s’agit d’abord de limiter et si
possible d’empêcher la leucocytose digestive, afflux de
globules blancs déclenché par la présence d’aliments cuits
dans le tube digestif. Ce phénomène, comparable à un
processus inflammatoire, semble bien indiquer que les
aliments cuits s’écartent de la physiologie normale. Pour
résoudre ce problème au mieux, il est conseillé de manger
d’abord crus une part des aliments mêmes que l’on mangera cuits après. Cette part devrait se situer entre 10 et 50
%, selon les auteurs. Cuisez-vous des céleris, des carottes,
des panais, des poireaux… ? Prélevez-en donc une part
que vous croquerez d’abord crus.
Il se peut que certains légumes crus irritent l’intestin.
À chacun d’expérimenter, suivant ses tolérances personnelles. Un poireau cru, par exemple, a un goût très fort,
très piquant : un petit morceau suffira. D’autres légumes
ne sont tout simplement pas mangeables sans cuisson. Le
cas le plus commun est la pomme de terre. C’est peut 180
ET EN PRATIQUE ? être une raison de ne pas en abuser… Par contre, une
patate douce crue est délicieuse.
Si un légume, à l’état cru, vous paraît franchement rébarbatif, méfiez-vous en ; il y a de fortes chances qu’il ne
vous convienne pas, même cuit, du moins pour le moment. J’ai relaté précédemment (dans le chapitre « Quelle
cuisson ? ») l’expérience faite avec des brocolis, mangés
cuits, alors que crus ils ne me plaisaient plus guère. La
cuisson masque l’instinct alimentaire. La digestion pénible
qui s’ensuivit me révéla douloureusement que mon corps
n’avait plus besoin de brocolis. Il m’en avait averti et je ne
l’avais pas écouté…
Rappelons la deuxième raison pour laquelle il faut commencer le repas par les crudités. Les légumes et fruits crus
sont pourvus d’enzymes. Dans la suite du repas, ceux-ci
pourront seconder les enzymes digestifs et par là même
les épargner, retardant ainsi le vieillissement du tube digestif, qui consiste en un certain épuisement glandulaire,
le rendant moins apte à fournir ses enzymes en quantités
suffisantes. Rappelons une fois encore qu’il faut prendre
garde aux éventuelles incompatibilités d’enzymes ainsi
qu’aux anti-enzymes potentiellement présents, et donc
aux mélanges trop complexes. Sinon, il ne faudra pas
s’étonner des lourdeurs et autres difficultés digestives.
Nous n’insisterons pas plus ici sur les raisons de manger
cru : cela a été amplement développé dans cet ouvrage.
Reste à envisager la manière de déguster les légumes
crus. Rien n’est plus simple : il suffit de les laver, et de les
peler juste dans la mesure où c’est nécessaire. Il suffit souvent d’enlever la partie abîmée de la pelure et de laisser
le reste. Vient alors le plaisir, à vrai dire un peu sauvage,
de les croquer à belles dents… Tout au plus faudra-t-il les
181 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
couper en morceaux suffisamment peu épais pour qu’on
puisse y mordre. L’erreur commune et même généralisée
est de les râper. C’est catastrophique parce qu’un légume
râpé s’oxyde vite, très vite, en 10 ou 20 minutes tout au
plus, et perd une part importante de ses qualités nutritives. Bien sûr, pour les croquer, il faut des dents saines,
mais remarquons que cet exercice contribue à les garder
telles. Un longue mastication est indispensable, mais elle
l’est de toute façon, ne serait-ce que pour assurer une
insalivation correcte. Des légumes râpés donnent une
fausse impression de fluidité du bol alimentaire, qui mène
à une déglutition trop rapide. Même râpés, ils doivent être
bien mâchés !
Quand un légume est bien choisi, c’est-à-dire qu’il correspond bien à notre situation physiologique présente,
il constitue à lui seul un plaisir, à un point parfois étonnant. Croquer un chou rave, cela peut être aussi bon que
croquer une pomme. Personnellement, c’est le panais,
légume injustement méconnu, qui a ma préférence. Et
il y a encore les plantes sauvages, qu’il ne faut surtout
pas négliger, ne serait-ce que les pissenlits, qui foisonnent
dans tous les jardins, sont délicieux en salade, et facilitent
le travail du foie. Une feuille de consoude, fraîchement
cueillie et consommée telle quelle, se distingue par sa
saveur onctueuse, un rien piquante.
Beaucoup de gastronomes, cependant, préfèreront,
pour civiliser, en quelque sorte, ces plaisirs un peu sauvages, y adjoindre une sauce, ou une purée de légumes
aromatisée, comme le houmous, préparation arabe à
base de pois chiches (prononcer « hhoumouss »). Sont
évidemment préférables les sauces crues. Je ne m’étendrai pas sur le sujet : le lecteur trouvera toutes les recettes
désirables dans le beau livre de Pol Grégoire, « Vitalité
182
ET EN PRATIQUE ? Gourmande ». On vend aussi dans les magasins de produits naturels des sauces en bocaux, préparées d’avance.
La plupart sont très saines ; il faut prendre garde néanmoins à la présence fréquente de soja ou de protéines de
blé, et bien sûr éviter celles qui contiennent des produits
laitiers. Attention aussi à l’omniprésence de l’huile de
tournesol, bonne en soi, mais qui déséquilibre la balance
oméga-6/oméga-3 au détriment des oméga-3. Certaines
de ces sauces sont franchement délicieuses. Elles raviront
les gens pressés. Elles n’auront pourtant jamais la fraîcheur revitalisante d’une sauce qu’on prépare soi-même à
partir d’ingrédients fraîchement récoltés.
Ce qui a été dit des légumes crus vaut pour les viandes
et fruits de mer crus, sauf en ce qui concerne la mastication, peu nécessaire à l’assimilation des produits animaux.
Pour la raison qu’on a précisée à propos des mélanges, il
vaut mieux en faire le tout début du repas, les premières
bouchées.
Si l’on se rappelle ce qui a été dit à propos de l’équilibre
oméga-6/oméga-3, il apparaît que ces précieux oméga-3
(EPA et DHA) devraient être absorbés crus. Sardines, harengs, maquereaux, saumons, etc. sont donc à déguster
crus. On se rend vite compte qu’ils sont bien plus savoureux crus que cuits. Il va de soi que ces poissons doivent
avoir été pêchés et non provenir d’élevages. Deux problèmes se posent.
D’abord, il y a le risque d’anisakiase. L’anisakis est un
parasite qui se fixe dans l’estomac d’où on ne peut le
déloger que par chirurgie. C’est assez grave mais rare :
pour plus de 100 millions de japonais qui mangent régulièrement du poisson cru, on compte, paraît-il, un millier
de cas par an. La solution est simple : ces poissons doivent
183 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
avoir été congelés à –20°C, ce qui détruit le parasite. Du
reste, une loi hollandaise oblige les fameux maatjes à subir cette congélation. De toute manière, il ne faut pas dramatiser ces problèmes de parasitose. Ils n’affectent pas les
personnes dont le système immunitaire est en bon état.
On peut l’aider en prenant de l’ail frais et des graines de
courge.
Ensuite, il y a la pollution de la mer par les métaux lourds.
Ceux-ci se concentrent surtout au bout de la chaîne alimentaire, c’est-à-dire dans les poissons les plus gros. À ce
titre, le thon est malheureusement à éviter. Pour les autres
poissons gras, on ne peut parler que de compromis. On
vend aussi de l’huile de poisson en gélules. Mais est-elle
purifiée de ces métaux lourds ? La vie civilisée n’est pas
simple ! C’est ici, une fois de plus, que des pratiques intuitives comme celle d’Hélène Bernet peuvent être utiles.
Faute d’avoir essayé, et suite à un dégoût factice d’origine culturelle, beaucoup de gens ignorent le plaisir d’une
viande crue. Personnellement, je ne connais pas de chair
animale plus exquise qu’une coquille Saint-Jacques crue.
Et pourtant, elle est généralement poêlée : quel dommage ! Un scampi est presque toujours cuit, alors que cru
c’est une merveille ! La viande de dinde est plus savoureuse crue que cuite. Et il en est de même de beaucoup
d’autres. Pas toutes, il est vrai. Personnellement, je préfère
cuire le poulet. À chacun d’expérimenter selon son goût.
Mais il faut toujours au moins essayer ; on se réserve ainsi
de très agréables surprises.
184
ET EN PRATIQUE ? Cuissons douces
La nocivité des cuissons excessives a été largement soulignée dans cet ouvrage. Il est apparu que la température
de cuisson à ne pas dépasser était celle de l’eau bouillante, et que la température de cuisson optimale se situait
même aux alentours de 80°C. Ceci exclut les procédés primitifs du genre barbecue, ainsi que les fours qui ne sont
pas étalonnés de manière à fonctionner sous les 100°C.
(Rappelons que les fours à micro-ondes sont à proscrire
également, pour d’autres raisons.) Restent les cuissons à
l’eau, à la vapeur et au four à basse température.
La cuisson à la poêle est un cas particulier. Elle est chère
au cœur de beaucoup de gastronomes. Un nombre étonnant de recettes parlent d’y « faire revenir » des oignons
ou d’autres légumes. (Cet emploi du verbe « revenir » m’a
toujours paru étrange.) Or, nous avons vu qu’à la surface
intérieure d’une poêle pourvue d’huile, de beurre ou de
toute autre graisse, la température s’élevait facilement
jusqu’à 130 voire 180°C. Les oignons si joliment roussis
sont en réalité « maillardisés ». Il est maintenant clair que
cela doit être évité. Est-ce à dire que les poêles sont à
bannir de la cuisine ? Non, il reste deux possibilités, deux
manières de les utiliser qui permettent de ne pas dépasser
100°C.
La première, adaptée aux cuissons rapides, nécessite
une certaine vigilance. Il suffit d’ajouter, au corps gras et
aux aliments à cuire, un peu d’eau. L’inertie thermique de
l’eau va stabiliser la température : tant qu’elle frétille et
reste donc visible, elle bout et reste à 100°C. Sous elle,
la pellicule de graisse fondue dépassera les 100°C, mais
si elle est assez fine, les aliments ne subiront guère cet
excès de température, sinon localement, d’où la nécessité
185 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
de les remuer à peu près sans arrêt. Le point délicat est
le dosage de l’eau. On peut en mettre une couche relativement importante et accepter alors qu’il en reste en fin
de cuisson. C’est commode, mais il faut éventuellement
épaissir par après. On peut aussi en mettre le minimum et
surveiller la cuisson de près : il faut alors impérativement
retirer la poêle du feu juste avant que toute l’eau ne soit
évaporée. Avec un peu de doigté, on obtient ainsi des
plats chauds rapides et savoureux.
La deuxième méthode est plus simple à mettre en œuvre
mais demande plus de temps et nécessite une poêle à
deux anses, symétrique, que l’on dispose au-dessus d’une
casserole, à la place du couvercle. Dans cette casserole,
une quelconque cuisson à l’eau, à feu doux, dégage de
la vapeur qui chauffe la poêle. (Faute de poêle adaptée,
on peut aussi utiliser un couvercle disposé à l’envers, ou
même une simple assiette si elle supporte la chaleur.)
L’expérience montre que dans une poêle disposée de cette
façon, la température ne s’élève que lentement. Il faut
bien 10 ou 20 minutes pour atteindre 60°C. C’est donc le
système idéal pour cuire une omelette ou des œufs sur le
plat : une fine couche d’huile d’olive, puis les œufs et un
peu de patience. Le résultat est excellent et la cuisson particulièrement modérée. J’ai mesuré 67°C dans du blanc
d’œuf cuit de cette manière – un peu trop longtemps –
sur une assiette. Pour un œuf, la cuisson idéale se situe
entre 60 et 65°C, du moins pour le blanc, et l’on reconnaît cette température lorsqu’il quitte l’aspect gélatineux
translucide pour prendre la couleur blanche. La cuisson
du blanc d’œuf est d’autant plus utile qu’elle y désamorce
l’antibiotine, substance antivitaminique qui s’attaque à la
B8. Le jaune, quant à lui, devrait être aussi peu cuit que
possible, car il contient des vitamines et des acides gras
186
ET EN PRATIQUE ? précieux qui s’altèrent à la cuisson. Il s’ensuit que les œufs
sur le plat sont préférables à l’omelette.
Hormis les deux modes de cuisson particuliers qui
viennent d’être décrits14, aucune graisse, aucune huile ne
devrait servir de support de cuisson. La chaleur les dénature inévitablement, même si certaines, comme l’huile
d’olive, résistent un peu mieux. Il est particulièrement absurde de se servir, pour un tel usage, d’une huile de première pression à froid, qui a nécessité parfois beaucoup
de précautions pour être obtenue sans échauffement…
Il vaut mieux, et de loin, cuire à l’eau ou à la vapeur, et
puis ajouter une huile de première pression à froid. Le
choix est vaste15 : olive, tournesol, colza, sésame, chanvre,
noix, noisette, pépins de courge, pépins de raisin, et bien
d’autres. Le résultat est bien plus savoureux !
Les cuissons douces (au four, à la vapeur, à la casserole) ont encore un autre petit avantage, secondaire mais
appréciable. Les récipients qui ont servi à la cuisson sont
beaucoup plus faciles à récurer : il n’y a rien qui « attache »
(sauf parfois si l’on y a fait cuire des œufs). Souvent, il
peut suffire d’y passer un doigt, avec un peu d’eau et de
savon…
14. auxquels il faudra ajouter le bain-marie, dont on parlera plus
loin.
15. On veillera à respecter un bon équilibre entre oméga-6 et oméga-3. Le rapport oméga-3/oméga-6, tout en restant inférieur à 1,
doit être aussi élevé que possible. Il est de 0,5 pour l’huile de colza,
de 0,3 pour l’huile de chanvre, de 0,2 pour l’huile de noix, de 0,04
pour l’huile de germe de blé, de 0,01 pour l’huile de sésame et
inférieur à 0,01 pour l’huile de tournesol… Mais il est de 2 pour
l’huile de caméline et de 5 pour l’huile de lin, lesquelles sont donc
fort utiles à titre de compensation…
187 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Cuisson au four
Rappelons une fois encore que, pour des raisons expliquées par ailleurs, nous excluons les fours à micro-ondes.
Les fours actuels peuvent être réglés à des températures
très élevées, 250°C ou plus. La température programmée
n’est pas nécessairement homogène ni précise. En vue
d’obtenir une cuisson douce, il faut commencer par étalonner le four utilisé. Pour cela, il suffit d’acquérir un thermomètre de four. En le disposant à l’endroit précis où l’on
placera l’aliment à cuire, on peut déterminer comment
il faut programmer le four pour que la température de
cuisson reste entre 80 et 85°C.
Ce système de cuisson est adapté à de grosses pièces,
comme une volaille, un gigot, ou tout simplement de gros
légumes, comme des céleris raves, des patates douces,
des pommes de terre, qu’on peut laisser avec leur peau.
Il faut souvent prévoir plusieurs heures de cuisson, ce
qui n’est pas un grave inconvénient dans la mesure où les
fours actuels sont aisément programmables. Il suffit de s’y
prendre à temps. Il y faudra quelques essais, au début…
Ne pas oublier, tout de même, de jeter un coup d’œil de
temps en temps sur le thermomètre de four, témoin fidèle
de la douceur de la cuisson…
Un tel mode de cuisson n’a pas besoin d’apprêts. Juste
un peu d’eau dans le fond du plat utilisé. Ou peut-être un
petit peu de vin. Pourquoi pas ? Un vin bien choisi peut
agréablement parfumer une viande, qu’on peut aussi accompagner de petits oignons piqués de clous de girofle,
par exemple. Toutefois, à ce niveau, la simplicité s’impose.
Ce n’est qu’après la cuisson qu’on pourra agrémenter le
188
ET EN PRATIQUE ? plat de mille façons, par une sauce, par un accompagnement de légumes, etc. Le plus simple est parfois le
meilleur : une huile de sésame, par exemple, répandue,
sans plus, sur une volaille après cuisson, donne un résultat
délectable. Une graisse ajoutée après la cuisson, donc non
cuite, est bien plus savoureuse qu’une graisse introduite
avant la cuisson et que celle-ci dénature peu ou prou.
Cuisson à la vapeur
Déposés dans une sorte de panier – dont il existe plusieurs variantes – , les aliments reçoivent la vapeur émise
par de l’eau qui bout juste en dessous. C’est simple et relativement rapide. Il est frappant de constater que même
si l’on dispose beaucoup de légumes différents dans le
même panier, chacun conserve sa saveur propre.
La question est de savoir que faire de l’eau après la cuisson. En effet, elle se trouble, ce qui signifie qu’elle s’imprègne de minéraux et d’autres substances abandonnées
par les légumes. Il vaut donc mieux ne pas la perdre. Elle
peut servir de boisson chaude pendant le repas, tout simplement. On pourrait aussi la réutiliser pour faire un potage ou une autre cuisson à l’eau, mais il est plus simple et
plus direct de s’en servir pour cuire autre chose en même
temps, une céréale par exemple.
Néanmoins, si les légumes dont on dispose ne sont pas
de culture biologique (on fait avec ce qu’on a ! ), il se
peut qu’ils laissent aller dans l’eau, par ruissellement, une
partie des pesticides qui les imprègnent. Dans ce cas, il
y a intérêt à se débarrasser de cette eau, même si on y
perd quelques minéraux, ce qui est dommage, vu que
ces légumes n’en sont déjà pas très bien pourvus ; cela
189 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
vaut tout de même mieux que d’absorber des poisons peu
concentrés mais délétères et tenaces.
La cuisson à la vapeur peut aussi convenir à la plupart
des viandes. Dans ce cas, c’est le jus de la viande qui imprégnera l’eau, ce dont il faut tenir compte. Il y a aussi les
poissons, particulièrement délectables quand ils sont cuits
entiers à la vapeur.
Dans tous les cas, il va de soi que les aliments disposés dans le panier doivent y être nus, sans aucun apprêt,
simplement nettoyés. Le contraire serait d’ailleurs impraticable : tout ce qu’on y ajouterait ne pourrait que dégouliner et aboutir dans l’eau qui bout par-dessous.
Cuisson à l’eau
À première vue, rien n’est plus simple que de cuire à
l’eau : un peu d’eau dans une casserole, le feu en dessous,
et c’est parti…
En général cependant, on y met ensemble plusieurs aliments et plusieurs condiments ou épices. Il s’agit donc ici
de prendre garde aux mélanges. Certes, les incompatibilités d’enzymes ne sont plus à craindre puisqu’on sait que
ceux-ci disparaissent bien avant 60°C. Il n’en reste pas
moins que certains types de mélanges sont à éviter.
Il a été dit déjà qu’il ne fallait jamais cuire ensemble
des aliments protéinés avec des aliments sucrés, car cela
favorise la production des molécules de Maillard. Même
sous les 100°C, un tel rapprochement peut déjà devenir
nuisible.
190
ET EN PRATIQUE ? Il faut aussi veiller à ce que le mélange en train de cuire
ne soit pas trop acide, ce qui détruirait certaines vitamines
et le rendrait impropre à accompagner une céréale. Ceci
conduit à éviter d’y mettre des tomates par exemple, lesquelles deviennent très acides à la cuisson. Les tomates ne
devraient jamais être consommées que crues… ou pas du
tout (voir le chapitre sur les groupes sanguins).
Dans la casserole, il vaut mieux mettre aussi peu d’eau
que possible. On y place les légumes, préalablement coupés en morceaux pas trop petits, de la taille d’un pouce.
Ainsi, non seulement ils ne sont pas noyés dans l’eau,
mais la plupart en émergent et cuisent à la vapeur. Si l’on
a pris soin de mettre un couvercle, la quantité d’eau se
maintiendra à peu près. S’il reste trop d’eau à la fin de
la cuisson, on pourra épaissir en introduisant, au dernier
moment, des flocons de sarrasin ou de millet, ou encore
des flocons un peu plus gros (riz, avoine…) mais alors un
peu plus tôt. J’ai mesuré la température à moins d’un
centimètre au-dessus de l’eau qui frétille à feu doux : j’ai
trouvé 88°C. On voit que cette manière de faire, simple
et rapide, représente une assez bonne approximation de
la cuisson idéale.
Parfois, j’ajoute de la viande – le plus souvent de la volaille – par-dessus les légumes, vers le milieu de la cuisson.
Elle ne touche pas l’eau et cuit donc par la vapeur qui s’en
dégage. Comme je cuis toujours à feu doux, elle ne doit
guère dépasser 85°C.
Contrairement à ce que beaucoup de gens prétendent,
tout ce qui se cuit peut se cuire à l’eau. Mais il y a la
manière…
191 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Le riz et les autres céréales se cuisent facilement avec un
volume d’eau adéquat. Il faut les laver et les tremper préalablement, puis jeter l’eau restante. Ce trempage peut être
assez bref pour le riz, le millet, le quinoa ou l’amarante.
J’ai peu l’expérience des autres céréales, sauf du petit
épeautre que je trempe toujours une quinzaine d’heures.
Il est inutile d’ajouter du sel, contrairement à ce qu’on
lit partout. C’est une habitude gustative, sinon culturelle,
dont on connaît cependant les effets pernicieux. Elle
déséquilibre le rapport sodium/potassium au dépens du
potassium. Il suffit de s’en passer pendant quelque temps
pour se rendre compte qu’elle n’est nullement nécessaire.
Des aliments sains, de qualité, contiennent en eux-mêmes
assez de sel pour satisfaire nos besoins sodiques, et ils
ont par eux-mêmes assez de goût pour satisfaire notre
plaisir gustatif. Si ce n’est pas le cas, on pourra ajouter du
tamari16 après la cuisson.
Les légumineuses doivent aussi être préalablement
trempées, après quoi il est impératif de jeter l’eau de
trempage. Cela peut prendre quelques heures ; le temps
de trempage est proportionnel à la taille des grains. La
cuisson peut se faire avec des oignons ou des échalotes,
des épices bien choisies – qui peuvent être infiniment
variées – et aussi un peu d’algues éventuellement, kombu de préférence, lesquelles assaisonnent agréablement
les lentilles. Pour les haricots, ne pas oublier la sarriette
qui en facilite la digestion ; en allemand, elle se nomme
« Bohnenkraut », c’est-à-dire « herbe aux haricots »…
Les céréales et les légumineuses sont juste assez cuites
quand elles cessent d’être croquantes, ce qui se repère
assez facilement.
16. sauce salée à base de soja fermenté
192
ET EN PRATIQUE ? En ce qui concerne les légumes, il faut en distinguer
deux catégories. Il y a d’une part ceux dont on souhaite
qu’ils perdent leur caractère croquant, comme les potirons, potimarrons, patates douces, pommes de terre,
courgettes, etc. Dès qu’on peut les couper à la cuiller, ils
sont assez cuits. Il y a d’autre part ceux qui se mangent
aussi crus. Ils peuvent donc rester croquants ou non : au
gré de chacun. Toutefois, si l’on cuit plusieurs légumes
dans le même récipient, il faut tenir compte de ce que leur
temps optimal de cuisson peut être très différent. Les céleris en branche, par exemple, mettent beaucoup de temps
à se ramollir un tant soit peu, beaucoup plus longtemps
que des poireaux ou des oignons ; ces derniers devraient
donc être mis à cuire bien après les céleris.
Certains lecteurs et plus encore certaines lectrices
attendent sans doute avec impatience que je leur livre
quelques recettes noir sur blanc. Je m’aperçois en écrivant
que cela m’est plutôt difficile, car j’improvise presque toujours. Quand je donne une conférence sur la diététique
et qu’il m’arrive de donner une recette, je me sens plutôt
surpris de voir des mains fébriles les noter scrupuleusement, comme si c’était de grandes vérités… Cuisiner, de
la façon que je préconise et décris ici, m’apparaît comme
une manière particulièrement libre et plaisante de laisser
aller sa créativité. Alors, pourquoi s’enfermer dans des
« recettes » ? Il y a tant de possibilités ! Et finalement, dans
le cadre qui est le nôtre ici, si peu de risques ! Je change
tous les jours les combinaisons de légumes et d’épices ; je
ne fais jamais deux fois le même repas…
Allons ! Voici tout de même une description approximative d’un de mes plats préférés. Un peu d’eau dans une
casserole, un potimarron (ou un demi, suivant la taille)
coupé en dés, du curry, puis, quand la cuisson a commen193 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
cé, des poireaux coupés en morceaux (il est connu que
poireaux et potimarrons vont bien ensemble). Quand c’est
cuit, couper le feu, épaissir avec du gruau de sarrasin ou
de la polenta, puis ajouter des œufs frais. Mélanger : les
œufs cuisent légèrement du fait de la chaleur rémanente.
On peut éventuellement ajouter un peu de tahin (pâte
de sésame). C’est tout. Se déguste à la cuiller… À noter
qu’il existe de nombreuses variétés de curry. Et qu’on peut
encore ajouter un légume supplémentaire : du panais, du
céleri (mais pas de carottes : elles gâcheraient le goût du
potimarron). Tout récemment, j’y ai ajouté des grains de
cardamome : quel parfum exquis !
Voici encore une autre recette analogue. Un peu d’eau,
des patates douces coupées en tranches, du curry auquel
on peut ajouter quelques grains de poivre noir – lesquels
produiront dans la bouche leur exquise explosion de saveur. Puis des morceaux de pommes – même s’il s’agit de
pommes un peu trop surettes pour être agréables crues.
Quand c’est cuit, épaissir comme précédemment et ajouter les œufs ; ajouter aussi des châtaignes, déjà cuites et
réhydratées. L’idéal est que les tranches de patates douces
restent un tout petit peu croquantes et que les morceaux
de pommes le soient un peu plus. Le tout constitue un
plat à la saveur douce, ni salé ni sucré, avec plus ou
moins de piquant, au gré de chacun, qui est intermédiaire, pour ainsi dire, entre les plats salés et les desserts.
Personnellement, je raffole de ce genre de chose…
Et pourquoi pas un plat d’orties ? Pour éviter les désagréments de ces plantes urticantes, il suffit de les récolter
dans un seau bien propre et de couper avec des ciseaux
les têtes qu’on fait tomber dans le seau. Les laver, rapidement – pour éviter les déperditions de minéraux dans
l’eau – mais suffisamment – pour éliminer les petites bes 194
ET EN PRATIQUE ? tioles. Les manier avec deux fourchettes si l’on veut éviter de les toucher. Reste à les cuire en douceur avec des
oignons et quelques herbes de Provence. Et une cuisse de
poulet qui cuit à la vapeur par-dessus. Ou des œufs qu’on
ajoute à la fin de la cuisson (comme pour les potimarrons).
Ou encore… Mais à quoi bon en rajouter ? Il y a sur la
Terre un grand nombre de légumes – cultivés et surtout
sauvages – , d’herbes, de condiments et autres aliments…
et une quasi-infinité de combinaisons possibles et praticables de tous ces éléments. La vie est trop courte pour
les essayer toutes. Alors, pourquoi les répéter ? Si vous
êtes créatif, vous vous rendrez vite compte qu’au moment
de préparer de tels repas, votre créativité se détend, elle
prend des vacances, elle s’amuse… Alors, amusez-vous !
Et savourez chacune de vos trouvailles, avec conscience,
comme si c’était un grand moment de l’existence.
Une voie à explorer : le bain-marie
La cuisson au bain-marie est connue depuis longtemps.
Rappelons qu’il s’agit tout simplement de mettre des aliments dans un récipient plongé dans de l’eau, que l’on
chauffe, en général jusqu’à l’ébullition. Remarquons que
ce récipient pourrait aussi bien être chauffé à la vapeur.
La plupart des gens ne se servent de ce procédé que pour
réchauffer un plat déjà cuisiné. Mais il y a bien d’autres
possibilités. L’avantage des cuissons au bain-marie est
qu’on n’y dépasse évidemment jamais les 100°C, et qu’il
est même possible de rester bien en dessous, car ce mode
de cuisson est très progressif. De plus, cette méthode est
la seule qui permette de tirer profit de l’inertie thermique
de l’eau sans en mettre dans le récipient où cuisent les
aliments. C’est ainsi qu’il est possible de cuisiner à l’huile
195 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
sous les 100°C. Une viande, par exemple, cuite de cette
manière, offre une saveur toute naturelle et très agréable
si l’huile est de bonne qualité. Pour cet usage, l’huile
d’olive est de loin celle qui convient le mieux. On peut
évidemment l’aromatiser à son gré.
A priori, toutes les recettes de gâteaux, cakes, chapatis17
ou autres tartes peuvent s’envisager de cette façon. Il faut
s’attendre à une consistance différente de celle qu’on obtient après une cuisson au four. D’ailleurs, il n’y a pas de
croûte : pas question de « croquant »… Du moins évite-ton ainsi les molécules de Maillard.
Le problème majeur de ce genre de préparation est la
consistance de la pâte. La base, en effet, en est toujours
une farine. Laquelle ? Nous avons vu les inconvénients diététiques des céréales à gluten. Mais le gluten, comme son
nom l’indique, est une sorte de « colle », qui assure une
cohérence à la pâte, qui la rend panifiable. À cet égard,
on constate aisément que la farine de blé est bien plus
facile à manier. C’est d’ailleurs sa raison d’être, il ne faut
pas l’oublier. Moins il y a de gluten, plus la manipulation
est difficile, et avec la farine de sarrasin par exemple, il
n’y a même plus de pétrissage possible. Les préparations
obtenues n’en seront pas moins délicieuses, mais la cuiller
remplacera le couteau…
Voici un exemple typique de ce que l’on peut obtenir
si l’on se permet de prendre quelque distance avec les
conditionnements culturels18, en l’occurrence culinaires.
Le cake dit « quatre-quarts » est ainsi nommé parce qu’il
comporte ¼ de farine, ¼ de beurre, ¼ de sucre et ¼
17. pain indien en forme de crêpe.
18. J’allais écrire : si l’on ose, tant il est vrai que ces conditionnements pèsent lourd sur la plupart de gens…
196
ET EN PRATIQUE ? d’œufs, avec un peu de levure. Remplaçons la farine de
blé traditionnelle par de la farine de châtaigne, le beurre
fondu par du lait de coco légèrement réchauffé et le sucre
par du « suc » de canne, c’est-à-dire du sucre de canne
véritablement complet (« Rapadura » par exemple) en
quantité très inférieure au quart du total. Procédons de
la manière traditionnelle pour ce qui est des manipulations. Et une fois la pâte dans son moule, plaçons celui-ci
dans un bain-marie dont l’eau frémira doucement pendant deux heures, sinon plus. Le résultat est éminemment
savoureux, il se déguste à la cuiller… On a réussi ainsi la
gageure de réaliser une pâtisserie sans gluten, sans produit laitier, et cuite à basse température. Ce n’est pas plus
difficile que ça ! Comme les châtaignes sont naturellement sucrées, on peut même se passer de sucre.
Ceci n’est qu’un exemple. Les possibilités varient à l’infini. Il suffit d’essayer… On peut mélanger de la farine
de sarrasin à celle de châtaigne ; en se passant d’œufs et
de sucre et en remplaçant le lait végétal par de l’eau, on
obtient une sorte de pain ; entre les deux, toutes sortes
d’intermédiaires sont possibles ; on peut aussi incorporer à la pâte quelques raisins secs afin de confectionner
un « cramique », etc…. Il s’agit simplement de renoncer
à certaines habitudes visuelles. Ces « pains », gâteaux ou
cakes, d’aspect craquelé, de couleur châtain, se laissent
difficilement découper en tranches ou en quartiers, ils
s’effritent facilement, mais la saveur est au rendez-vous,
ô combien !
La gastronomie sauvage
J’ai parlé plus haut d’ortie. On connaît la valeur extraordinaire, nutritive et dépurative, de ces admirables
197 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
urticacées. Toutes les recettes applicables à des légumes
verts peuvent être envisagées avec des orties. Mais leur
caractère urticant impose de les cuire, du moins à première vue. Le lecteur se demandera si la cuisson ne leur
fait pas perdre de leur valeur nutritive. À cela je répondrai
d’abord qu’il faut les cuire modérément, à basse température (le lecteur sait maintenant ce qu’il faut entendre par
là). Ensuite, il est essentiel de ne pas en perdre le jus de
cuisson, riche en minéraux. Enfin, il n’est pas exclu, si l’on
s’y prend bien, de pouvoir les manger crues, du moins si
elles sont jeunes. François Couplan propose d’en hacher
les feuilles en petits morceaux et d’incorporer ceux-ci à du
beurre frais : la graisse inhibe leur caractère urticant et le
résultat est délicieux. Au beurre, je préfère l’huile. Aussi
ai-je essayé cette sauce toute simple qui consiste en un
mélange d’huile et de menus morceaux d’ortie, coupés
très fins : elle m’a paru excellente pour accompagner une
viande crue ou de la salade. On peut évidemment l’aromatiser à son gré, mais même sans autres apprêts, elle est
déjà savoureuse.
Bien d’autres plantes sauvages ont une valeur gastronomique certaine. La consoude, en particulier, est un bon
exemple de ce que peut être un plaisir gustatif « sauvage ».
Une recette classique consiste à mettre des feuilles deux
par deux dos à dos, à les paner et à les frire, comme des
filets de sole auxquels elles ressemblent d’ailleurs. Mais
cette manière de faire conduit, comme on sait, à des températures excessives et à la réaction de Maillard. (À moins,
peut-être, d’aller très vite, avec un peu d’eau, comme déjà
dit.) De même, des feuilles de consoude peuvent servir
d’«armature » à des crêpes, que l’on cuira le moins possible pour minimiser la réaction de Maillard, et que l’on re-
198
ET EN PRATIQUE ? tourne en les saisissant… par le pétiole !19 D’autres modes
de cuisson – en soupe, à l’étouffée,… – donnent d’excellents résultats. Mais la consoude se mange très bien crue.
Certes, son toucher, au doigt et à la langue, est un peu
rébarbatif, mais si on la mâche bien, le résultat organoleptique est surprenant, du fait aussi de sa structure mucilagineuse. L’ouvrage de Bernard Bertrand, « La Consoude,
trésor du jardin » (Éditions de Terran), permettra au lecteur
d’en savoir plus sur cette plante trop peu connue.
Le pissenlit, quant à lui, ne devrait jamais se cuire, mais
se manger en salade, comme la roquette à laquelle il ressemble un peu, par sa forme et son amertume.
L’aversion de nos contemporains pour l’amertume est
un des symptômes de la décadence du goût. Il y a même
des gens pour qui il ne peut rien y avoir de bon en-dehors
du sucré et du salé ! Alors que l’amer est une des saveurs
fondamentales de la nature. Il s’agit de réapprendre à l’apprécier en tant que telle. Bien sûr, un excès d’amertume
peut signaler un poison, mais une amertume modérée est
souvent associée à un effet dépuratif, en particulier au
niveau hépatique.
C’est bien le cas du pissenlit. Son effet dépuratif est
tellement fort qu’il vaut mieux éviter d’en prendre trop à
la fois, sous peine de nausées (j’en ai fait l’expérience !).
Mais associé à d’autres plantes plus douces – le lierre terrestre, le plantain lancéolé, et aussi l’alliaire qui donne une
subtile saveur aillée – et une huile adéquate, il peut contribuer au charme d’une salade.
19. Les inconditionnels des crêpes se réjouiront d’apprendre qu’elles
sont encore meilleures avec de la farine de sarrasin et, au lieu du lait
de vache, du lait de riz ou, mieux encore, du lait de riz et d’amande
comme celui de Bonneterre.
199 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Les champignons, des prés ou des bois, sont l’une des
clés de la gastronomie. Le meilleur pâté que j’aie jamais
mangé a été préparé devant moi par un vieux paysan
normand, il y a plus de vingt ans. Il y avait cinq ingrédients de base : champignons, oignons, graisse végétale,
mie de pain complet et levure de bière, en proportions
à peu près égales, sauf la graisse et surtout la levure, en
moindre quantité. Cuisson des trois premiers à feu doux
pendant vingt minutes. Pain ramolli par une décoction
d’herbes (au choix : innombrables variantes possibles). Et
il ne restait plus qu’à ajouter la levure, avec aussi de la
noix muscade, et à mélanger longuement. Les champignons étaient tout simplement des champignons de Paris,
mais bien d’autres sont possibles. Cet onctueux pâté est à
déguster tout frais…
La châtaigne est connue de tous. Son goût est l’un des
beaux cadeaux de la Terre au genre humain. Il n’empêche
que peu de gens pensent, au début de l’automne, à repérer des châtaigniers dans les bois pour en ramasser les
fruits tombés sur le sol. Il est possible de les manger crus.
Beaucoup de gens les grillent, mais cela conduit à les calciner sur les bords. On peut aussi cuire les châtaignes à
l’eau bouillante, ou à la vapeur. Il faut seulement veiller,
dans tous les cas, à en fendre d’abord l’écorce avec un
couteau, afin qu’elles n’éclatent pas sous l’effet de la chaleur. À moins de les décortiquer avant cuisson, mais c’est
moins aisé qu’après. Elles peuvent alors être incorporées
à une potée de potimarrons par exemple, ou d’autres
légumes… Notons encore que les châtaignes se marient
très bien… au chocolat.
Les espèces de fruits sauvages comestibles sont beaucoup plus nombreuses qu’on ne le croit. Sous les tropiques, leur nombre est inimaginable. En Europe, les
200
ET EN PRATIQUE ? variétés de pommes sauvages, par exemple, sont très
diverses. Mais il est un fruit sauvage, bien de chez nous,
qui présente un intérêt tout particulier : le cynorrhodon,
fruit de l’églantier. Sa teneur en vitamine C est extraordinaire, de l’ordre de 1000 mg/100g. On a vu toute l’importance de la vitamine C et de l’intérêt d’en prendre sous
forme naturelle. En me promenant dans les Pyrénées aragonaises (au début de septembre 2001), j’ai découvert
des légions d’églantiers, couverts de fruits. Je dégustais
ceux-ci sur place. Il suffit d’en couper les bouts, les fendre
sur la longueur, et en racler l’intérieur pour éliminer les
graines et leur « poil à gratter » ; c’est très immédiat si on
a les ongles assez longs. Leur goût acidulé provient précisément de la vitamine C qui est, ne l’oublions pas, de
l’acide ascorbique. Il est aussi possible de les conserver
dans de l’huile. J’ai essayé l’huile d’olive. Après plus d’un
an, ils étaient encore bons, même si, après tout ce temps,
il est probable que la teneur en vitamine C ait diminué.
Parmi les fruits sauvages de nos régions, le sureau est un
cas à part. Tel quel, il n’est guère comestible (tout au plus
quelques grains) à cause de son caractère émétique. Mais
il est possible d’en faire du vin ! Cela demande une longue
et patiente préparation (voir l’annexe 5), mais le résultat a
de quoi surprendre les œnologues les plus avertis…
Je viens de rencontrer une fée de la nature ; c’est du
moins ainsi que ses amis la considèrent. Elle s’appelle
Mireille20. Elle a poussé très loin le « raffinement des plaisirs sauvages » (expression délicieusement paradoxale…).
Elle perçoit l’aspect sacré de la nature en y mêlant une
sensualité profonde et multiple. Elle a commencé par me
parler du plaisir inattendu – non seulement par le goût
20. Le lecteur trouvera ses coordonnées en fin d’ouvrage.
201 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
mais par la texture – de déguster une fleur de bourrache
toute fraîche…
Elle est très attirée par les fleurs, par leurs odeurs, leurs
couleurs, et aussi par le désir de découvrir leurs saveurs.
Celles du robinier (ou faux acacia), blanches et très parfumées, si elles peuvent – d’après François Couplan – se
manger crues, en très petite quantité (elles ne sont pas
dépourvues de toxicité !), sont le plus souvent dégustées
en beignets, dont la pâte doit être « très légère » (c’est ce
qu’indique François Couplan). L’astuce de Mireille est d’y
ajouter de la cannelle, ou du gingembre – avec parcimonie pour respecter le parfum originel – et un petit peu de
miel d’acacia.
Les jolies fleurs jaunes du tussilage peuvent garnir un
potage. Les feuilles du tussilage, qui peuvent atteindre
une taille respectable, n’apparaissent qu’après les fleurs.
Elles donnent aux soupes une agréable onctuosité. Mais
si elles ne sont plus très jeunes, elles présentent un duvet
qu’il faut enlever en le faisant s’enrouler avec le pouce.
Les hasards des récoltes sont parfois la source de recettes originales, comme cette sauce crue d’une belle
couleur verte à base de pourpier bien gras et de chénopode blanc. On y met du jus de citron, un peu d’ail, du
poivre, des amandes… Mireille y avait inclus du yaourt,
mais on peut lui substituer du lait de riz épaissi avec du
tahin. Le tout garni de fleurs de mauve…
D’après ce qui précède, le lecteur peut se rendre compte
qu’il serait difficile, en se promenant en pleine nature, du
moins à la bonne saison, de mourir de faim, ne serait-ce
que par le fait que, sous nos climats, toutes les feuilles
d’arbres sont comestibles (sauf celles du robinier, du cytise
202
ET EN PRATIQUE ? et du marronnier) – ce qui ne veut pas dire, il est vrai,
qu’elles soient agréables à manger : j’ai essayé des feuilles
de poirier et je les ai trouvées très coriaces…
La nature peut même nous procurer un petit dessert
de temps à autre, comme le cœur d’un chardon, par
exemple, c’est-à-dire la moelle de la tige. Au cours d’un
pique-nique à la campagne, par une belle journée de septembre dans les Ardennes belges, j’ai étonné mes commensaux en leur présentant des graines de berce, toutes
menues, mais qui laissent éclater dans la bouche une
saveur délicatement parfumée…
Ce sont là des desserts minuscules, certes. Mais il n’en
faut pas plus : nous y arrivons.
Un petit dessert ? Un café ?
Un dessert en fin de repas fait partie des traditions.
Toutefois, terminer un repas par un aliment sucré entraîne
des fermentations et une lourdeur au niveau de l’estomac, perceptible pour qui est attentif à ses sensations.
Alors, faut-il condamner les desserts ? C’est ce que font
quelques puristes. Je pense que c’est une question de
quantités. Un dessert d’une ou deux bouchées ne fera
pas de mal. J’ai fait un jour l’essai avec des abricots secs :
deux ou trois passent très bien, quatre ou cinq amènent
une certaine pesanteur perceptible au niveau de l’estomac. Bref, les grosses tranches de gâteau, c’est pour les
anniversaires. Les desserts devraient se limiter à un ou
deux fruits secs, qu’on peut toujours aromatiser, d’une
manière ou d’une autre. Éviter le miel, très riche en sucres,
indigeste après un repas.
203 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
De toute manière, il est bien certain que, si l’on tient
à certaines « douceurs », il est de loin préférable de les
prendre en dessert que de les grignoter entre les repas :
on a vu tout le mal que peuvent faire les réponses insuliniques anarchiques déclenchées par le grignotage. Dilués
dans le bol alimentaire d’un repas normal, ces aliments
sucrés – même trop sucrés – ne peuvent plus causer d’élévation brutale de la glycémie.
Succincts et donc brefs, les desserts n’en peuvent pas
moins constituer une petite explosion de saveur dont le
parfum subsiste longuement dans la bouche. Ceci demande seulement d’être conscient de l’instant présent, et
de la chance que nous avons d’avoir un corps sensible,
propre à la sensualité.
En veut-on un exemple remarquable ? Voici. Prenez une
datte Medjoul, ouvrez-la pour en extraire le noyau, et à
la place de celui-ci, mettez un morceau de chocolat très
noir, si possible à 100 % de cacao (ça existe !). Refermez
la datte, qui constitue ainsi la meilleure des pralines. Et
certainement la plus saine, car aussi bien la datte que le
chocolat pur sont reminéralisants, alors que les sucreries
sont déminéralisantes.
Autres exemples : un pruneau d’Agen, ou un morceau
de mangue séchée, accompagné d’une cuillerée de riz
(chaud ou froid) ; quelques amandes (trempées une nuit
et débarrassées de leur peau) ou un morceau de panais
cuit, avec de la cannelle et du chocolat fondu, etc.
Après le dessert, traditionnellement, vient le café. Grave
erreur ! À moins d’en avoir besoin pour éviter le risque de
s’endormir au volant, il ne faudrait jamais avoir recours à
une telle drogue. Car c’en est une ! Pour s’en convaincre,
204
ET EN PRATIQUE ? il suffit de s’en passer complètement pendant six mois,
puis d’en reprendre une tasse. Et d’observer les effets.
Principalement sur l’activité mentale. Chez certains, c’est
impressionnant : excitation désordonnée, exaltation factice, effervescence de fantasmes… N’oublions pas non
plus que le café fait fuir les minéraux. Un peu de thé vert,
pas trop régulièrement, sera bien préférable.
Une transition douce
Ceci va paraître paradoxal, mais je mets le lecteur en
garde contre un enthousiasme excessif pour tout ce que
je viens d’écrire. Qu’il prenne le temps de vérifier ce que
j’affirme, de la manière que j’ai indiquée, ou d’une autre.
La transition vers une alimentation saine doit, elle aussi,
se faire en douceur. Dans tous les cas, on peut commencer
par éviter les cuissons à trop haute température. Ensuite,
cesser périodiquement de prendre des produits laitiers,
puis en reprendre et s’observer. Renoncer d’abord à ceux
d’origine bovine, puis aux autres. De même pour les céréales à gluten. Et ainsi de suite. Les priorités dépendent
de chacun, et des éventuelles pathologies individuelles
(consulter l’ouvrage du Docteur Seignalet). Ne rien forcer.
Si l’on ne peut se passer d’un aliment qu’il vaudrait mieux
éviter, continuer à en prendre, mais de moins en moins :
un jour viendra, avec la désintoxication progressive, où
le désir de cet aliment s’amoindrira, d’autant plus que le
plaisir que procurent les aliments sains augmentera. Le
rythme de la vie est propre à chacun et comme dans tous
les domaines qui la concerne, « le temps défait ce qui se
fait sans lui ».
205 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Conclusion : le plaisir et la santé
Les indications culinaires données ci-dessus paraîtront
simplistes aux gastronomes. Mais elles sont aussi très faciles d’accès, ce qui est important pour beaucoup de gens
pressés.
Tout de même, me dira-t-on, si l’on reçoit des amis, il
convient de leur servir autre chose qu’une salade sauvage
et une potée rustique. Même si c’est savoureux. La présentation des plats a aussi ses rites.
D’accord ! Je ne suis pas un maître queux, je l’admets
volontiers. Notons qu’un peu de créativité visuelle peut
déjà faire beaucoup. Toutefois, pour les grandes occasions
(et aussi pour les plus petites…), je ne peux que conseiller les recettes de Pol Grégoire, rassemblées dans un livre
magnifique, déjà cité, intitulé « Vitalité Gourmande –
Les Secrets de l’Alimentation Vive ».
L’ouvrage d’Alain Coumont, intitulé « Le Pain Quotidien
– cook book – histoires et recettes » – qu’il peut paraître
paradoxal de mentionner ici –, ignore le problème des
cuissons excessives et ne considère que très peu celui des
produits laitiers et des céréales à gluten, mais il n’en renferme pas moins, lui aussi, de nombreuses idées très jolies
dont on peut s’inspirer. Il suffit de modifier ce qui doit
l’être. Par exemple, chaque fois qu’il est question dans
une recette de lait, on peut remplacer celui-ci par du lait
de riz ou un autre « lait » végétal. On s’aperçoit alors que
la saveur ne fait qu’y gagner. De même, en remplaçant
le beurre fondu par du lait de coco, on va au-devant des
plus agréables surprises… On se rend vite compte également qu’il n’est nullement nécessaire de faire roussir des
oignons ou autres légumes…
206
ET EN PRATIQUE ? Les recettes de cuisine sont légions et se retrouvent partout, dans les journaux, les hebdomadaires, ou même sur
des cartes postales (dans le sud de la France). Rassemblées
en livres, elles sont du « pain béni » pour les éditeurs. On
peut bien souvent y trouver quelque inspiration ; mais encore une fois : mutatis mutandis.
Cher lecteur, vous disposez maintenant de tout ce qu’il
faut pour le bonheur de toutes les cellules de votre corps,
y compris vos papilles gustatives et vos neurones les plus
intimes. Il y a un certain chemin à parcourir. Mais tout
ce chemin sera parsemé de plaisirs, parfois modestes au
début, souvent surprenants, de plus en plus intenses au
fur et à mesure que vous vous rapprocherez de cet état de
régal physiologique, que je vous souhaite de tout cœur,
et dont les rémanences vous raviront.
Vous constaterez, peut-être avec surprise, que la spiritualité elle-même y trouve son compte.
Un film célèbre, franco-danois, de Gabriel Axel, intitulé
« Le Festin de Babette », met en scène, dans un village protestant rigoriste du Jütland au XIXe siècle, une cuisinière
française, réfugiée politique, qui décide de dépenser une
somme d’argent inattendue, qui lui échoit, à l’élaboration
d’un festin somptueux. Les villageois invités, très réticents
vis-à-vis de ces « plaisirs de la chair » et qui malgré leur
religion entretiennent des rancunes tenaces, finissent par
céder aux charmes de la bonne chère au point de retrouver une joie d’être ensemble oubliée depuis longtemps.
L’effraction du plaisir dans leur existence a finalement
libéré leur cœur et les a réconciliés.
C’est aussi d’une réconciliation qu’il s’agit dans ce livre.
Mais à l’intérieur de nous-mêmes. Entre nos plaisirs, nos
207 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
joies, notre bonheur d’être, et notre santé, notre équilibre,
notre homéostasie. Entre les richesses de notre culture et
notre nature profonde, aussi bien psychique que physiologique. La vie est riche. Se nourrir est la première manière
de l’appréhender, de l’apprécier, d’en jouir.
208
ANNEXES Annexes
Annexe 1 :
Explications de quelques expressions
utilisées en physiologie
Rappelons que la digestion réduit les glucides complexes (ou substances amylacées) en glucides simples :
glucose, fructose…
Elle réduit les graisses (ou lipides) en acides gras (décrits dans le chapitre « Les conséquences de notre lointain
passé de carnassier »), à quoi s’ajoute le cholestérol.
Elle réduit (ou presque) les protéines en acides aminés (voir le chapitre « Le problème des produits laitiers »).
Les acides aminés dits essentiels (c’est-à-dire que notre
corps ne peut synthétiser et que nous devons donc trouver dans notre alimentation) sont : l’isoleucine, la leucine,
la lysine, la méthionine, la phénylalanine, la thréonine, le
tryptophane et la valine (à quoi s’ajoute l’histidine pour
les jeunes enfants). La méthionine peut être remplacée
par la cystéine : les deux peuvent se convertir l’un dans
l’autre ; toutefois la conversion de cystéine en méthionine
est deux fois plus coûteuse en énergie que l’opération inverse. De même, la phénylalanine peut être remplacée par
la tyrosine. Les autres acides aminés, non essentiels, sont
(outre la cystéine et la tyrosine déjà mentionnées) : l’alanine, l’arginine, l’aspartate (ou acide aspartique), l’asparagine, le glutamate (ou acide glutamique), la glutamine,
la glycine, la proline et la sérine. On peut encore ajouter
la taurine, de structure un peu différente. À noter que
les molécules de taurine, de cystéine et de méthionine
209 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
contiennent un atome de soufre, ce qui leur confère des
propriétés bien particulières… et irremplaçables.
Pour agir, le système digestif utilise des enzymes. Les
enzymes destinés à dégrader une certaine substance
ont souvent un nom dérivé de celui de cette substance
et terminé par le suffixe –ase. Par exemple, les lipases
digèrent les lipides, la lactase digère le lactose (sucre du
lait), les amylases scindent les substances amylacées, les
protéases (ou enzymes protéolytiques) démantèlent
les protéines (et les peptidases, les peptides, qui sont
des morceaux de protéines), etc. En ce qui concerne la
digestion des protéines, c’est un enzyme sécrété par le
duodénum qui convertit le trypsinogène, sécrété par le
pancréas, en un enzyme protéolytique appelé trypsine,
laquelle, de manière analogue, en active d’autres : la chymotrypsine et les carboxypeptidases.
Il y a encore des enzymes provenant de l’alimentation ;
on a cité dans le texte la bromelase, enzyme protéolytique de l’ananas. Et il y en a bien d’autres.
Toutes les cellules du corps sont pourvues d’une multitude d’enzymes, au point que leur vie peut être considérée comme un vaste et complexe processus enzymatique.
Par exemple, dans chaque cellule, du glucose est « brûlé »
pour fournir de l’énergie. La première étape de ce processus s’appelle la glycolyse qui aboutit au pyruvate. Pour ce
faire, l’un des enzymes nécessaires est la phosphofructokinase (cité dans le chapitre « Le problème du sucre »).
Cela dit, on peut se demander à quoi ressemble et comment fonctionne un enzyme.
Un enzyme est une molécule très complexe, qui a souvent besoin d’un co-enzyme (généralement dérivé d’une
210
ANNEXES vitamine) ou d’un ion métallique, et qui, par l’accrochage
à des sites spécifiques, parvient à mettre en présence l’une
de l’autre des molécules (appelées substrats) qui autrement n’auraient pratiquement aucune chance de l’être,
et à les faire réagir pour obtenir un certain résultat. C’est
ainsi qu’on obtient à la température du corps des réactions chimiques qui autrement ne se produiraient qu’à
des températures beaucoup plus élevées. Et c’est ainsi,
par exemple, que, par le biais de l’alimentation et de la
respiration, nous utilisons des combustibles que nous brûlons… à 37°C. (N.B. : on dit aussi une enzyme.)
Reste à préciser ce qu’est un chélateur (prononcer
kélateur).
C’est une substance qui soustrait un nutriment – ou
un polluant – métallique à l’absorption par l’intestin, ou
permet son élimination par les urines ; et cela en le « coinçant » comme dans une pince (grec khêlê). C’est un kidnappeur en quelque sorte…
Par exemple, les phytates (qui sont des hexaphosphates) sont des chélateurs de métaux divalents (comme
le calcium, le magnésium…)
211 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Annexe 2 :
Dangers de la cuisson par micro-ondes
Les fours à micro-ondes ont pour origine une constatation faite par l’armée américaine en 1944. Certains
préposés à l’entretien des radars souffraient de brûlures
profondes qui pouvaient être fatales : les ondes radars
– qui sont des micro-ondes – ont un effet de cuisson.
Les magnétrons – qui servent à les produire – ayant
été fabriqués en grand nombre ont été reconvertis en
procédé de cuisson pour la cuisine ; le brevet date de
1945 (Spencer).
Les micro-ondes sont des ondes électromagnétiques
de fréquence extrêmement élevée, de quelques centaines de MHz jusque vers 300 GHz (1 GHz = 1.000
MHz ; 1 MHz = 1.000.000 Hz ; 1 Hz = 1 Hertz = 1 vibration par seconde). Les téléphones portables utilisent
des fréquences d’environ 900 MHz ou même, plus récemment, de 1.800 MHz. Les fours à micro-ondes ont
été réglés sur 2.450 MHz. Cette optimisation se base
sur une fréquence de résonance, celle des molécules
d’eau (H2O) qui, sous une telle irradiation, et du fait de
l’extrême sensibilité de l’atome d’hydrogène, inversent
leurs polarités 2.450.000.000 fois par seconde, ce qui
provoque l’échauffement.
Comme tous les tissus vivants sont constitués en majorité d’eau (jusqu’à 80 % ou même plus), il est clair
qu’ils sont ainsi soumis à un traitement en profondeur
qui est particulièrement destructeur. Les structures moléculaires complexes des cellules n’y résistent guère :
elles se défont, ou du moins se déforment. C’est ainsi
que certaines d’entre elles peuvent prendre une forme
212
ANNEXES différente, qui présente toujours les mêmes atomes
dans les mêmes proportions, mais qui diffère géométriquement de la forme d’origine comme, par exemple,
une main gauche diffère d’une main droite : c’est ce
qu’on appelle l’isomérisation. Il faut savoir que ces isomères n’ont pas les mêmes propriétés physiologiques,
quant à l’assimilation notamment.
Toutes les fonctions cellulaires sont susceptibles d’être
altérées sous l’effet des micro-ondes artificielles. (Les
micro-ondes naturelles, telluriques ou solaires, ne sont
pas exactement de même nature et sont de toute manière beaucoup plus faibles en intensité.) La membrane
cellulaire elle-même peut être détruite sous une irradiation suffisante. Ceci est même utilisé en technique
génétique pour accéder à l’ADN et donc aux gènes. Or,
une cellule qui n’est plus protégée par sa membrane
n’existe plus ! (Parfois même les cellules éclatent d’une
manière véritablement explosive.) Tous les constituants
cellulaires se répandent alors dans le milieu extérieur et
notamment le matériel génétique qui se désagrège en
favorisant les virus, lesquels ne sont rien d’autre que
des bribes d’ADN (ou d’ARN) entourés d’une coque
protéique…
Toutes les cellules d’un organisme ne sont pas également touchées. Les yeux sont particulièrement sensibles. De même que l’épiphyse ou glande pinéale
(pourtant située à peu près au centre de la boîte crânienne). Les perturbations de celle-ci affectent tout le
système endocrinien. ( Ceci est à rapprocher d’une statistique récente qui montre qu’en France les maladies
endocriniennes ont progressé de près de 1000 % en 20
ans !…). La formule sanguine et tout le système immunitaire s’en trouvent perturbés également.
213 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Il y a pire. Une substance irradiée par micro-ondes
peut, par résonance, émettre à son tour pendant
quelque temps (10 ou 15 minutes!). C’est ainsi que l’air
irradié peut, dans la mesure où il est humide, affecter
les poumons. De même les aliments ingérés à leur sortie
d’un four à micro-ondes vont, par ce biais aussi, perturber la digestion…
Plus inquiétant encore : en 1991, en Oklahoma, lors
d’une opération chirurgicale à la hanche, une femme
nommée Norma Levitt a été tuée par une simple transfusion sanguine : l’infirmière avait réchauffé le sang
destiné à la transfusion dans un four à micro-ondes…
Des preuves scientifiques
Dès le 9 décembre 1989, “The Lancet” publiait
(p.1392) une étude de G. Lubec, Ch. Wolf et B.
Bartosch du département de pédiatrie de l’Université de Vienne (Autriche) concernant l’isomérisation
d’acides aminés sous l’effet de micro-ondes. Ces chercheurs ont prouvé que des échantillons de lait, qui au
départ ne contenaient pas de cis-3 ni de cis-4 hydroxyproline, contenaient ces isomères après chauffage au
four à micro-ondes (et pas après chauffage au bainmarie ni après hydrolyse à l’acide chlorhydrique). Ils
considèrent cette transformation de la forme trans à la
forme cis comme dangereuse car pouvant “aboutir à
des modifications structurelles fonctionnelles et immunologiques”. De même, ils ont constaté que la L-proline
était convertie en D-proline sous l’irradiation aux microondes. Or, la D-proline est toxique pour les reins, le foie
et le système nerveux.
214
ANNEXES Le numéro 19 de janv./févr./mars 1992 du Journal
Franz Weber (Suisse) a publié l’étude de Hans U. Hertel
(recherche et conseil en biologie environnementale,
3135 Wattenwil) et de Bernard H. Blanc (Ecole polytechnique fédérale et Université, Génie biochimique,
1015 Lausanne). Celle-ci s’est attachée à décrire l’effet,
décelé par tests sanguins, sur 8 volontaires, de 8 variantes d’aliments :
–– lait cru (biologique)
–– le même lait cuit sur une plaque chauffante,
conventionnellement
–– lait pasteurisé
–– le même lait (cru) cuit dans un four à micro-ondes
–– légumes crus biologiques (carottes et fenouil)
–– les mêmes légumes cuits à la vapeur,
conventionnellement
–– les mêmes légumes surgelés puis dégelés dans un
four à micro-ondes
–– les mêmes légumes cuits entièrement dans un four
à micro-ondes.
Cuit sous micro-ondes, le lait présente une “importante quantité de sédiments siliceux et boueux”
(jusqu’à rendre impraticable la mesure de la viscosité!),
la structure de ses graisses est altérée (“Les granules de
graisse se regroupent en masses hypertrophiées”), sa
teneur en acide folique (vitamine du groupe B) diminue,
pour ne parler que des modifications les plus évidentes.
Il apparaît qu’après ingestion d’aliments soumis aux
micro-ondes la teneur en hémoglobine des globules
rouges diminue, ce qui est un signe d’anémie et peut
avoir pour conséquences : “rhumatismes, fièvres, insuf215 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
fisance hypophysaire, etc…” De même, l’augmentation
des leucocytes est significative. Ceux-ci “sont souvent
le signe d’une action pathogène sur le système organique, par intoxication et atteintes non-infectieuses
des tissus (des cellules)”. Le cholestérol augmente
après ingestion de légumes soumis aux micro-ondes.
“Les rayonnements artificiels et les poisons (antigènes)
provoquent un effet formateur de cholestérol. Dans
un champ électromagnétique, le cholestérol subit une
modification de sa structure cristalline et s’élimine du
sang sous forme de dépôt.” Par contre, les taux de fer
(dans le sang) ont tendance à augmenter après ingestion de légumes préparés aux micro-ondes, mais ceci
pourrait être dû à une atteinte de la membrane des
cellules sanguines.
De plus, par des tests de bioluminescence (méthode
du Docteur Lang de Zürich), ces chercheurs ont pu prouver que les aliments cuits sous micro-ondes émettent
un rayonnement de micro-ondes induit et qu’une fois
ingérés ils irradient encore l’organisme, en particulier le
sang, pendant quelque temps.
En résumé, il apparaît clairement qu’une nourriture
cuite ou simplement réchauffée à l’aide de micro-ondes
provoque une telle altération de la formule sanguine
qu’elle peut conduire à l’anémie et à différents désordres, notamment à un état pré-cancéreux.
Une nouvelle inquisition ?
Les fabricants et fournisseurs d’appareils électrodomestiques ont réagi à la publication de Franz Weber
en l’attaquant devant un tribunal, demandant notamment qu’on lui interdise “de déclarer, oralement ou
216
ANNEXES par écrit, de quelque manière que ce soit, qu’une recherche scientifique prouve combien dangereux pour la
santé sont les aliments exposés aux rayons d’un four à
micro-ondes” (sic!). Heureusement, devant l’évidence
d’une telle atteinte à la liberté d’expression, le tribunal
(de Vevey) a tranché en faveur de Franz Weber et de
son journal, considérant que les mesures demandées
conduiraient “à une sorte de censure judiciaire sur une
recherche scientifique, peu compatible avec les traditions en vigueur dans notre pays où l’on considère qu’il
appartient à ses pairs et non à la justice d’apprécier la
valeur et la portée d’un travail scientifique”.
Le lobby électro-ménager s’en est pris aussi à l’auteur même du rapport, le Docteur Hans U. Hertel (le
Professeur Blanc s’étant renié sous la pression subie…)
devant le tribunal civil de Seftigen (canton de Berne) et,
cette fois, est parvenu à lui faire interdire de communiquer le résultat de ses recherches ! En février 1994,
le Tribunal Fédéral a confirmé ce jugement, mais en
août 1998, la Cour européenne des Droits de l’Homme
à Strasbourg a désavoué ce jugement en considérant que le tribunal suisse avait porté atteinte à la liberté d’expression du biologiste, lequel a obtenu un
dédommagement.
D’autres résultats…
Signalons encore qu’aux USA, un autre article sur ce
sujet est paru dans la revue “Pediatrics” (vol. 89, n°4,
avril 1992). Signé par Richard Quan de Dallas (Texas)
et John A. Kerner de l’Université Stanford, tous deux
docteurs en médecine, il s’intitule : “Effets de l’irradiation par micro-ondes sur les facteurs anti-infectieux du
217 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
lait de femme”. Cet article décrit l’amoindrissement
non seulement des anticorps mais aussi des lysozymes
et autres enzymes anti-bactériens, lorsque du lait de
femme réfrigéré pour la conservation est réchauffé
dans un four à micro-ondes. Il est remarquable que cet
effet a même été observé pour un réchauffement n’allant pas au-delà de 33,5 degrés centigrades…
Il apparaît de plus en plus clairement que la relative
rareté des études concernant les effets des micro-ondes
sur la qualité des aliments ne peut se justifier par des
difficultés d’expérimentation. Celles-ci sont certainement moindres que pour les recherches concernant
les effets non-thermiques des micro-ondes. Les expériences décrites ici n’exigent pas de gros budgets. Mais
à quoi servent des résultats reproductibles si personne
n’ose les reproduire ?
218
ANNEXES Annexe 3 :
Et l’hygiène ?
Je n’ai pas, dans cet ouvrage, discuté de ce sujet. La
nécessité d’un minimum d’hygiène me paraissait évidente
a priori.
La peur des microbes – souvent d’origine médicale – est
parfois exagérée. Mais il ne faut pas non plus sous-estimer
le problème. Quelle est la bonne mesure ?
Elle dépend de chacun – de sa sensibilité en général et
de son système immunitaire en particulier. Les bactéries
les plus pathogènes se trouvent déjà en nous, elles sont
englobées dans la flore intestinale où, normalement, elles
sont complètement dominées par une masse de bactéries
non pathogènes en nombre astronomique. Il est donc essentiel, d’abord, d’avoir une flore intestinale en bon état.
Il est clair qu’alors une quantité minime de microbes, en
plus ou en moins, même pathogènes, n’y changera rien.
Mais comment évaluer une quantité « minime » ? Les microbes ne se voient pas ! De plus, une quantité minime au
départ peut se multiplier considérablement en quelques
heures, à température ambiante et même dans certains
cas au réfrigérateur. Il en résulte d’une part que les aliments frais devraient être consommés dans un délai minimal, et d’autre part qu’ils doivent être manipulés avec des
doigts – et des ongles – propres, comme doivent l’être
les robinets d’eau courante et les différents ustensiles qui
sont en contact soit avec les aliments soit avec les mains
qui les manipulent.
Il convient de se méfier en particulier des aliments
tombés à terre, là où les semelles ramènent du dehors,
potentiellement, une foule d’agents polluants. Et là, il
219 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
faut se rendre compte que les microbes ne sont pas seuls
en cause ; il y a aussi des polluants chimiques de toutes
natures, depuis les métaux lourds jusqu’aux pesticides,
voire même des éléments radioactifs… À cet égard, notre
monde industrialisé n’est plus celui des campagnes d’il y
a un siècle. Et malheureusement, les plus infimes traces
de certains de ces polluants peuvent déjà être dommageables du fait que notre système immunitaire n’y est pas
adapté.
En pratique, tout cela s’arrange facilement : il n’y faut
pas de « désinfectant » sophistiqué ; de l’eau et du savon
ordinaire suffisent, ou du vinaigre le cas échéant, ou encore de l’alcool.
Quant au jus de citron, bactéricide également, on y fera
macérer, les fruits de mer crus comme les coquilles SaintJacques par exemple…
En fait, ce problème de l’hygiène est très facile à gérer,
dès lors qu’on a pris les bonnes habitudes qui s’imposaient.
220
ANNEXES Annexe 4 :
L’eau et ses minéraux
L’eau de boisson idéale, à laquelle nous sommes génétiquement adaptés, est une eau de source, peu minéralisée. L’eau de pluie peut suffire, mais, à notre époque, il
faut la filtrer. Différents filtres sont utilisables, ne serait-ce
qu’un peu d’argile. Le filtrage le plus parfait est obtenu
par l’osmose inverse, qui nécessite une pression de l’ordre
de 3 bar ; l’eau obtenue est presque trop pure : il faut
éventuellement la reminéraliser (très légèrement), la réoxygéner (par le mouvement), et aussi la magnétiser (par
un aimant adapté). Quant à l’eau de distribution, chlorée,
fluorée, encore polluée…, elle sert tout au plus à laver les
légumes…
La minéralisation de l’eau est un sujet de controverse.
Une eau minérale doit l’être le moins possible, car ces minéraux ne sont guère assimilables et encombrent les reins.
Nous ne sommes pas des plantes : les minéraux doivent
nous parvenir sous forme organique. Il peut y avoir des
exceptions, comme le fer (cf. Samson-Wright), du moins
dans certains cas. Il semblerait qu’un besoin extrême, en
état de jeûne par exemple, induise la possibilité pour notre
organisme de puiser quelques minéraux directement dans
de l’eau. En général cependant, boire de l’eau nettoie,
désintoxique et purifie le corps, mais ne le nourrit pas.
221 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Annexe 5 :
Comment obtenir un bon vin rouge à
partir de baies de sureau
Le sureau est un petit arbre qui donne vers la fin du
mois d’août des grappes pendantes de fruits noirs qui
alourdissent et abaissent ses branches. Il s’agit de l’espèce
nommée Sambucus nigra ; ne pas confondre avec le sureau hièble dont les fruits sont très toxiques !
On cueille donc ces grappes dès qu’elles sont bien noires
et on en remplit quelques seaux. Puis on détache les baies
des tiges, en écartant celles qui ne sont pas mûres ou qui
le sont trop, tout en les passant à l’eau pour éliminer les
petites bestioles qui s’y trouvent. Ceci est évidemment la
partie la plus fastidieuse du travail.
On place les baies dans une marmite et l’on chauffe – le
jus cru serait toxique – pendant une demi-heure à 80°C :
un long thermomètre de cuisine permet de contrôler la
température et aussi de remuer en permanence ce qui
devient peu à peu une sorte de soupe. Inévitablement,
la température variera, mais il faut régler la source de
chaleur de manière à ce qu’elle se maintienne partout et
tout au long du processus entre 75 et, tout au plus, 90°C.
Cette opération aboutit à un jus très foncé où flottent
encore les baies. Il s’agit maintenant d’extraire ce jus en
éliminant peaux et pépins. Cela se fait par pression dans
des linges blancs propres, des étamines, qui doivent être
assez solides car il faut presser assez fort, ce qu’on peut
faire avec les mains – lesquelles, naturellement, doivent
être bien propres !
222
ANNEXES On a alors obtenu un précieux jus bleu foncé. Pour une
dame-jeanne de 10 litres, il en faut 4 litres à 4 litres et
demi. Il faut donc compter assez largement la quantité de
baies au départ. Si l’on a plus de 4,5 litres, on peut utiliser le surplus pour faire des confitures, lesquelles seront
particulièrement exquises si l’on y ajoute de la cannelle et
surtout du gingembre…
Dans la dame-jeanne, on verse les 4,5 litres de jus,
4 litres d’eau de source et 2 kg de sucre brun non raffiné. Ces 2 kg font 1,25 litre : on ajoute un peu d’eau
de manière à remplir jusqu’au bord, ce qui est essentiel ;
on y additionne en même temps le ferment adéquat,
par exemple : « Kitzinger Reinhefe (Portwein) » de Paul
Arauner, en suivant les indications du producteur, c’està-dire progressivement et jamais à une température supérieure à 30°C, idéalement entre 20 et 25°C. On adjoint
aussi un sel nutritif comme le « Nutrisal », un phosphate
di-ammonique, à raison de 3 à 6 g. par 10 litres, c’est-àdire une cuillerée à café.
Il reste à placer le bouchon, muni d’un barboteur où
l’on a déposé un peu de sulfite, lequel ne peut en aucun
cas entrer en contact avec la préparation. Cet ustensile
permet aux gaz issus de la fermentation de s’évacuer
mais pas à l’air de rentrer. On laisse le tout fermenter à
20°C pendant 5 à 8 semaines, puis dans une cave obscure
relativement fraîche. Cela dure des mois, une quinzaine
si possible. Vers le milieu de cette période, il est bon de
procéder à un soutirage, c’est-à-dire de transvaser le jus
fermentant dans d’autres récipients, enlever la lie, rincer
la dame-jeanne et y remettre le précieux liquide ; on fait
l’appoint avec un vin rouge (bio) quelconque, car il faut
toujours que le liquide arrive au ras du bouchon.
223 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Au bout de 15 ou 16 mois, on peut mettre en bouteille.
Religieusement…
Pour l’essentiel, cette suite de manipulations m’a été
expliquée par M. Denis Poncelet, de Profondeville, sur
la Meuse en Belgique, qui m’a du reste fourni le matériel, mais les détails d’exécution, qui font toute la qualité
du produit, je les dois aussi à M. Freddy Laschet, d’Évrehailles, dans la même région. Je les remercie cordialement
au passage.
Le vin obtenu a une belle couleur de vin rouge très foncé. Il est assez alcoolisé, un peu plus que les vins habituels.
Il se boit comme eux, avec le repas, mais aussi en apéritif,
ou même au dessert car il est dépourvu de tannins et n’est
donc pas du tout « rêche ». Un peu comme un Porto qui
n’aurait pas le goût sucré. Il peut très bien vieillir quelques
années, à condition que le bouchon soit bien étanche
sans quoi il tourne en vinaigre (d’ailleurs excellent…).
Tout cela est possible même dans des régions aussi peu
vinicoles que la Belgique…
224
BIBLIOGRAPH IE Bibliographie
Ouvrages de référence
ancestral », ses
• L’ouvrage-clé sur le régime « applications et les raisons de son succès :
Docteur Jean Seignalet, L’alimentation ou la troisième
médecine, éd. François-Xavier de Guibert, collection
Écologie Humaine, 2001, ISBN 2868398871.
• Sur l’évolution phylogénétique :
José Enrique Campillo Álvarez, El mono obeso, La evolución humana y las enfermedades de la opulencia: diabetes, hipertensión, arteriosclerosis, ed. Crítica, 2004,
ISBN 9788484328544.
• Sur la vie à l’époque paléolithique :
Marshall Sahlins, Stone age economics, 1974, traduction française Âge de pierre, âge d’abondance, Economie
des sociétés primitives, préface de Pierre Clastres, NRF
Gallimard, 1976. ISBN 2070292851.
• Sur l’histoire des maladies :
Mirko D. Grmek, Les maladies à l’aube de la civilisation
occidentale, éd. Payot, Collection Bibliothèque historique
Payot, 1983, ISBN 2-228-88739-0.
• Pour comparer les pathologies du paléolithique
et du néolithique :
L. Pales, Paléopathologie et pathologie comparative,
Paris, éd. Masson et Cie, 1930.
225 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
• Les bases de la biochimie se trouvent dans :
Horton, Moran, Ochs & Scrimgeour, Principes de
BIOCHIMIE, traduit de l’anglais par Camille François, éd.
De Boeck Université, Bruxelles, 1994.
• Celles de la biologie moléculaire dans:
Darnell, Lodish, Baltimore, Biologie moléculaire de la
cellule, traduit de l’anglais par Camille François, éd. De
Boeck Université, Bruxelles, 1993, ISBN 2-8041-1495-3.
• Les bases de la physiologie se trouvent dans:
Samson-Wright, Physiologie appliquée à la médecine,
éd. Flammarion, collection Médecine-Sciences, Paris,
1973, ISBN 2-257-22393-4.
• Un ouvrage de référence en physiologie :
Philippe Meyer, Physiologie humaine, Ed. Flammarion,
collection Médecine – Science, 1977, ISBN 2257102436.
• Les bases de la physiologie digestive sont claire-
ment résumées dans :
Jacques Médart, Manuel pratique de nutrition,
L’alimentation préventive et curative, éd. De Boeck, 2005,
ISBN 978-2804148041.
• Sur l’instinctothérapie, ou la valeur des aliments crus :
Guy-Claude Burger, La guerre du cru, éd. Roger Faloci,
1985, ISBN 978-2-90672-200-2.
226
BIBLIOGRAPH IE • Sur les rapports de la diététique et des groupes
sanguins :
Docteur Peter J. D’Adamo, 4 groupes sanguins, 4
modes de vie, traduction Anne Lavédrine, éd. Michel
Lafon, 2002, ISBN 978-2-84098-772-7.
• Le point de vue pratique d’un naturopathe :
Robert Masson, Diététique de l’expérience, Guy
Trédaniel Éditeur, 2003, ISBN 978-2-84445-431-7.
• Sur les plantes sauvages :
François Couplan, Guide nutritionnel des plantes sauvages et cultivées, éd. Delachaux et Niestlé, 1998, ISBN
9782603011010. … et tous les autres ouvrages de
François Couplan.
• Sur le régime crétois :
François Couplan, Le véritable régime crétois, Fayard,
Paris, 2002.
• Sur les protéines végétales, spécialement des
plantes sauvages :
H. Coste, Protéines foliaires et alimentation, éd.
Gauthier-Villars, collection Biochimie appliquee Paris,
1981, ISBN 2040111255.
• Sur les oméga-3 :
Jean-Marie Bourre, La vérité sur les Oméga-3, éd. Odile
Jacob, 2004, ISBN 9782738115201.
227 • Sur les effets physiologiques, psychiques et thé-
rapeutiques des vitamines et minéraux :
Carl C. Pfeiffer & Pierre Gonthier, Équilibre psychobiologique & oligo-aliments, éd. Debard, 1983 ISBN
2867330181.
• Sur la description physiologique et l’usage théra-
peutique des vitamines et minéraux :
Docteur Jean-Paul Curtay, La nutrithérapie. Bases scientifiques et pratique médicale, Éd. Boiron, 1995, ISBN
9782857421160.
• Pour une description précise de tous les aspects
des oligo-éléments :
Eric J. Underwood, Trace Elements in Human and Animal
Nutrition, Academic Press, 1977, ISBN 0127090657.
• Sur les vitamines :
Gerald F. Combs, J.R, The Vitamins. Fundamental aspects in nutrition and health, Academic Press, INC., San
Diego, 1992, ISBN 978-0-12-183493-7.
• Sur la vitamine C:
M. B. Davies et al, Vitamin C, its chemistry and biochemistry, Royal Society of Chemistry, Cambridge, 1991,
ISBN 0-85186-333-7.
• Sur le dosage de la vitamine C :
Dekker, Vitamin C in Health and Disease. Edited by
Packer & Fuchs, 1997, ISBN 9780824786922.
228
BIBLIOGRAPH IE • Sur la vitamine B6 :
Vitamin B6, K. Dakshinamurti, Ann. N. Y. Acad. Sci.,
1990.
• Sur l’importance des vitamines, et en particulier
de la vitamine C :
Abusez des vitamines ! (How to live longer and feel better), Linus Pauling, Tchou, 1986.
• Sur l’importance de la vitamine C, de la lysine,…:
Docteur Matthias Rath, Pourquoi les animaux n’ont
pas d’attaque cardiaque… les hommes si !, Ed. M. R.
Publishing, 2000, ISBN 9789076332550.
• Sur les effets du magnésium sur la circulation
sanguine :
Burton M. Altura, Ionic Regulation of the Microcirculation,
éd. S Karger Ag, 1982, ISBN 9783805534291.
• Pour se renseigner sur les teneurs en vitamines et
minéraux des différents aliments :
Docteur E. Schneider, La santé, ça se mange ! (Nutze
die Heilkraft unserer Nahrung), Ed. Vie & Santé – Coll.
Parfums de vie, 1995.
• Pour se renseigner sur la composition des ali-
ments, y compris en acides aminés :
Die Zusammensetzung der Lebensmittel – NährwertTabellen, La composition des aliments – Tableaux des
valeurs nutritives, Food composition and nutrition
tables, Souci – Fachmann – Kraut, Scientific Publishers –
medpharm – Stuttgart 1994. … ces tableaux concernant
229 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
surtout les aliments du commerce courant en Allemagne,
et ignorant les produits biologiques…
• Sur les méfaits du sucre :
Dufty William, Sugar Blues, traduction française :
Guy Trédaniel, Éditions de la Maisnie, 1985, ISBN
978-2-85707-169-3.
• Sur les méfaits du fluor :
John Yiamouyiannis, Fluoride, the AGING factor, ed.
Health Action Press, 1983, ISBN 9780913571002.
• Du point de vue de l’anthropologie historique :
Marvin Harris, Cannibales et monarques – Essai
sur l’origine des cultures, Flammarion, 1979, ISBN
9782080641939.
• Du point de vue de l’anthropologie théorique :
Claude Lévi-Strauss, Le cru et le cuit, Plon (Paris), 1978.
• Un point de vue psychologique :
Boris Cyrulnik, L’ensorcellement du monde, Odile Jacob
(poches), 2001, ISBN 9782738110329.
• Un autre plutôt psychothérapeutique, très an-
cien mais encore actuel :
Docteur Roger Vittoz, Traitement des PSYCHONÉVROSES
par la rééducation du contrôle cérébral, Librairie J.-B.
Baillière, 1937.
230
BIBLIOGRAPH IE • Sur les rapports conflictuels entre la nature et la
culture :
Jean-Jacques Sylvanneaux, Le naturel et l’humain, 2009.
Contact : [email protected] (délai : 1 ou 2 semaines).
• Sur les rapports avec la spiritualité :
Docteur Gabriel Cousens, Alimentation, Science et
Spiritualité, Éditions Vivez Soleil, 1995.
Articles scientifiques
Barham J.B., Edens M.B., Fonteh A.N., Johnson M.M.,
Easter L., Chilton F.H.: Addition of eicosapentaenoic acid
to gamma-linolenic-acid supplemented diets prevents serum arachidonic acid accumulation in humans – J Nutr ,
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Bradbury J.H., Collins J.G., Pyliotis N.A. : Digestibility of
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Buonocore Vincenzo, Petrucci T., Silano V. : Wheat protein inhibitors of alpha-amylase – Phytochemistry, vol. 16,
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Conquer J.A., Tierney M.C., Zecevic J., Bettger W.J.,
Fisher R.H. : Fatty acid analysis of blood plasma of patients
with Alzheimer’s disease, other types of dementia, and
cognitive impairment – Lipids, vol. 35 (n°12), 2000, p.
1305-1312.
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Human absorption of hemoglobin-iron – Gastroenterology,
vol. 53, January 1967.
Crawford M.A., Bloom M., Broadhurst C.L., Schmidt
W.F., Cunnane S.C., Galli C., Gehbremeskel K., Linseisen
S., Lloyd-Smith J., Parkington J.: Evidence for the unique
function of docosahexaenoic acid during the evolution of
the modern hominid brain – Lipids, vol. 34, 1999.
Delbet Pierre & Fiessinger Noël : Biologie de la plaie de
guerre, ch. III, p. 116-117, ch. VII, p. 418.
Delluc Gilles : L’apport des nutritionnistes à la compréhension des comportements alimentaires des homo
sapiens, in : L’alimentation des hommes du paléolithique :
approche multidisciplinaire, sous la direction de Marylène
Patou-Mathis, Liège 1997.
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Savelkoul F.H.M.G., Van Der Poel A.F.B., Tamminga
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Wells Calvin : Prehistoric and historical changes in nutritional diseases and associated conditions – Progress
in food and nutrition science, vol. 1, 1975, n° 11, p.
729-779.
234
BIBLIOGRAPH IE Livres de recettes
Pol Grégoire et Françoise De Keuleneer, Vitalité gourmande – Les secrets de l’Alimentation Vive, éd. Françoise
Blouard, 2004, ISBN 978-2960048704.
Alain Coumont et Jean-Pierre Gabriel, Le Pain Quotidien
– cook book – histoires et recettes, éd. Françoise Blouard,
2006, ISBN 2-9600487-1-7.
Pour aller plus loin…
Armé de tout ce qu’il a découvert dans l’ouvrage qu’il
achève ici, le lecteur ouvert à l’intuition et à l’art de s’en
servir peut tirer le plus grand profit de l’ouvrage d’Hélène
Bernet :
Hélène Bernet, À la source de notre vitalité, Ressenti
et Probiotiques Païens, éd. Françoise Blouard, 2006, ISBN
978-2960048742.
Notre conception « paléolithique » de la diététique ne
peut naturellement que gagner à la connaissance et à
l’usage des plantes sauvages comestibles. Dans ce domaine, comme on le sait, le nom de François Couplan
s’impose. Le titre de son dernier ouvrage en dit long :
LA NATURE NOUS SAUVERA, Réponses préhistoriques
aux problèmes d’aujourd’hui.
Son enseignement (stages, « survie douce »…) est le
plus complet qui soit sur ce sujet.
235 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Contact : couplan.com ([email protected]), IRPF HautOurgeas, F 04330 Barrême / Ès Écouages, CH-1692
Massonnens (Suisse).
De même, Annie-Jeanne et Bernard Bertrand ont voué
leurs activités à la promotion des plantes sauvages. Ils ont
publié quelques intéressantes monographies comme « La
Consoude, trésor du jardin », et d’autres sur l’ortie, le
plantain…
Contact : terran.fr Éditions du Terran, BP 4, F 31160
Sengouagnet (Aspet).
Dans le même ordre d’idées, avec une approche particulièrement sensible, poétique et ouverte au sacré, le lecteur
pourra prendre contact avec Mireille Mathot. Elle propose
des ateliers-balades à la découverte des plantes sauvages
comestibles : comment les reconnaître, les cueillir (avec
quelles précautions), comment les préparer, et finalement
les savourer, dans la convivialité d’un groupe.
Au fil des découvertes peut se constituer un groupe
régulier et des stages.
Contact : [email protected], Chemin des
Mésanges 31, Boîte 4, B 5170 Profondeville (Belgique).
236
TA BLE D ES MATIÈRES Table des matières
Du même auteur
3
PRÉFACE5
Avertissement7
Remerciements8
Introduction11
Adam et Ève chassés du Paradis
15
Comment en est-on arrivé là ?
(Pour nourrir un cerveau…)
19
Les conséquences de notre
lointain passé de carnassier
25
Viande et poisson : le déclin
33
Cru ou cuit ? (Cuire ou ne pas cuire)
37
Quelle cuisson ?
43
Quelques regards vers le passé et vers l’ailleurs… 59
Les progrès ambigus du néolithique
65
Le problème des produits laitiers
69
Le problème des céréales
75
Le problème des légumineuses
83
237 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
Une clé de la diététique :
la perméabilité intestinale
87
Une autre clé de la diététique :
l’adaptation génétique
93
Le problème du sucre
97
Le syndrome « X » et l’insulinorésistance
103
Une troisième clé de la diététique :
l’équilibre entre les nutriments antagonistes
109
Désintoxication et régimes amaigrissants
117
Les preuves cliniques
123
L’influence du groupe sanguin
129
Les graines germées
133
Les plantes sauvages
135
« Ne rien croire qu’on n’ait d’abord éprouvé »
137
Nécessité absolue de produits biologiques
143
Vitamines et minéraux
147
Être végétarien ?
159
Conclusion : diététique et plaisir…
par la psychologie.
169
Et en pratique ?
173
238
La question des mélanges
173
Les crudités d’abord
180
TA BLE D ES MATIÈRES Cuissons douces
185
Cuisson au four
188
Cuisson à la vapeur
189
Cuisson à l’eau
190
Une voie à explorer : le bain-marie
195
La gastronomie sauvage
197
Un petit dessert ? Un café ?
203
Une transition douce
205
Conclusion : le plaisir et la santé
206
Annexes209
Annexe 1 : Explications de quelques
expressions utilisées en physiologie
209
Annexe 2 : Dangers de la cuisson
par micro-ondes
212
Annexe 3 : Et l’hygiène ?
219
Annexe 4 : L’eau et ses minéraux
221
Annexe 5 : Comment obtenir un
bon vin rouge à partir de baies de sureau
222
Bibliographie225
Ouvrages de référence
225
Articles scientifiques
231
Livres de recettes
235
Pour aller plus loin…
235
239 DIÉTÉTIQUE ORIGINELLE ET PLAISIR S SAU VAGES
240