Facteurs affectant l`adoption des nouvelles

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Facteurs affectant l`adoption des nouvelles
Facteurs affectant l’adoption des nouvelles technologies du
niébé Vigna unguiculata en Afrique de l’Ouest
Adéoti R., O. Coulibaly et M. Tamò
International Institute for Tropical Agriculture (IITA)- Bénin. 08 BP 0932 Tri postal Cotonou
Publié dans : Bulletin de la Recherche Agronomique du Bénin. Numéro 36 – Juin 2002
Résumé
Le projet régional « Projet Niébé pour l’Afrique » (PRONAF) impliquant neuf pays de l’Afrique subsaharienne a introduit et promet la diffusion de nouvelles technologies de niébé pour la réduction de la
pauvreté en milieu rural. L’objectif de cette étude est d’analyser l’utilisation des différentes technologies
et de déterminer les facteurs affectant leur adoption dans huit pays. Les technologies concernent
essentiellement les variétés améliorées de niébé, les extraits aqueux de neem, de papayer et les
nouvelles techniques de stockage et conservation du niébé. Les taux d’adoption les plus élevés ont été
enregistrés avec les variétés améliorées; plus de 95% au Ghana et au Burkina faso. Les taux faibles
d’adoption de variétés améliorées ont été observés au Sénégal et au Bénin, 20 – 30%. L’utilisation des
extraits aqueux de neem, de papayer et de piment a enregistré des taux variant de 10 à 40% au Bénin,
Ghana, Niger et Nigeria. Les contraintes majeures d’adoption des technologies sont essentiellement la
non disponibilité de semences de qualité, l’insuffisance d’information, la pénibilité de pilage des feuilles
pour les extraits botaniques et la demande élevée en eau qu’exigent les extraits botaniques pour les
grandes superficies de niébé. Le modèle économétrique Logit a été utilisé comme outils d’analyse. Les
résultats ont montré que la taille des ménages, le contact avec les services de vulgarisation, les revenus
extra agricoles et le niveau d’éducation affectent positivement la probabilité d’adopter les nouvelles
variétés et les extraits de neem et papayer. Par contre, la superficie des champs de niébé affecte
négativement l’utilisation des extraits de feuilles de neem.
Mots-clés: adoption, technologies améliorées, variétés améliorée, extraits botaniques, niébé, Afrique de l’ouest
Title: Factors affecting cowpea technologies adoption in West Africa
Abstract
PRONAF is a regional project involving 9 countries in Su-Saharan Africa. The project has introduced
and promoted the diffusion of improved cowpea technologies. This paper analyses the adoption of
cowpea technologies in eight countries of West Africa. The improved cowpea technologies include
improved varieties, plant extracts and improved storage techniques. The objective of the study is to
analyse the use of technologies and the factors affecting their adoption. The results show that adoption
rate depends on the type of technology. Adoption rates for improved varieties are more than 95% in
Ghana and Burkina. The lowerest rates of adoption of improved varieties were registered in Senegal
and Benin (20-30%). For botanical extracts, neem (leaves and seeds), papaya (leaves) and pepper
were used by 10-40% of farmers in Benin, Ghana, Niger and Nigeria. Econometric model of Logit was
used. The major constraints to the adoption of those technologies are linked to access good quality
seed and information, tedious pounding of neem and papaya leaves and the demand for water for big
cowpea farms. Factors including household size, contact with extension agents, extract revenue and
1
education level affect positively the adoption rate, while the size of field negatively linked to the adoption
of neem leaves extracts.
Key words: adoption, factors, cowpea technologies, botanical extracts, diffusion, and varieties
Introduction
La population de l’Afrique sub-saharienne est passée de 578,5 millions en
1995 à 659 millions en 2000 avec une croissance annuelle d’environ 2.5 % (World
Bank, 2001). Elle ne cesse de s’accroître et suivant les projections de la Banque
Mondiale, ce chiffre sera de 1010 millions en 2010 et 1500 millions d’habitants en
2020. Cette croissance créera une forte demande en besoins alimentaires. En effet,
dans de nombreux pays en développement, les taux de chômage réels seraient de
l’ordre de 40 à 50 % soit 400 à 500 millions de personnes (GERM, 2001) et 792
millions de personnes souffrent de la sous-alimentation dans les pays en
développement (SEDES, 2002). Au cours des années à venir, l’agriculture africaine
devra relever un défi: celui de subvenir aux besoins d’une population en croissance
rapide. Il lui faudra accroître suffisamment la production vivrière et les revenus pour
assurer la sécurité alimentaire en Afrique sub-saharienne.
Le défi de la recherche agricole est énorme. Elle doit accroître la productivité
et la compétitivité de l’agriculture en améliorant les rendements des cultures, la
qualité des produits tout en conservant l’environnement.
Parmi les principales cultures devant conduire à cette sécurité alimentaire
figure le niébé, Vigna unguiculata (L) Walp, l’une des légumineuses à graines les plus
cultivées en Afrique occidentale.
Le niébé V. unguiculata occupe une place importante dans les zones soudano
– sahélienne et guinéenne (Isubikalu et al, 2000). Le niébé contient 3400 calories et
230 g de protéines par kg, soit deux fois plus que le mil et le sorgho, (Ndiaye, 1996).
En plus de ses qualités nutritionnelles, le niébé est peu exigeant en engrais et tolérant
à la sécheresse. Il améliore la fertilité des sols de par sa capacité à fixer l’azote
atmosphérique. Au cours de ces deux dernières décennies, le niébé est passé dans
plusieurs pays d’une culture de subsistance à une culture de rente assez importante. La
production a atteint 100.000T, 300.000 et 200.000T dans la plupart des pays africains
notamment au Bénin, au Burkina et au Ghana respectivement (FAO, 2000), dû à
l’augmentation des superficies ou l’utilisation de nouvelles technologies. Les fanes
2
servent à nourrir le bétail en saison sèche dans les zones sahéliennes ( Emechebe et. al.
1997 ; Tarawali et al 1997 ).
Le niébé exige un contrôle phytosanitaire pour préserver les rendements et la
qualité du produit. La recherche a mis au point de nombreuses technologies notamment
les variétés améliorées résistantes aux maladies et des techniques de protection
phytosanitaire qui restent à être diffusées à large échelle. Pour répondre au défi
technologique du niébé le projet régional Projet Niébé pour l’Afrique (PRONAF), a
été initié par l’Institut International d’Agriculture Tropicale (IITA) en 1994 et financé
par la Coopération Suisse du Développement (SDC) et après par le Fonds
International pour le Développement Agricole (FIDA). Le projet est exécuté par les
Systèmes Nationaux de Recherche et de Vulgarisation Agricoles (SNRVA), pour
mettre à la disposition des paysans de nouvelles technologies de niébé pour contribuer
à la sécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté.
Neuf pays de l’Afrique de l’Ouest et du Sud sont impliqués dans ledit projet. Ce
sont Bénin, Burkina, Cameroun, Ghana, Mali, Mozambique, Niger, Nigeria et Sénégal.
L’objectif global de ce projet était d’assembler les technologies existantes du niébé,
mettre au point test et diffusion de nouvelles technologies en milieu paysan.
De 1994 à 1996, les nouvelles technologies améliorées de niébé testées
performantes ont été répertoriées dans chacun des pays. Le transfert participatif de ces
nouvelles technologies avait démarré en 1997 avec la collaboration des structures
nationales de recherche et de vulgarisation agricoles, les groupements des paysans et des
ONG. Ces technologies n’ont pas fait objet d’évaluation à travers les perceptions des
utilisateurs pour apprécier la contribution et les éventuelles contraintes liées à leur
utilisation. La réussite des programmes de vulgarisation et de diffusion des techniques
de protection intégrée, passe par une bonne compréhension de la prise de décision et
du comportement des paysans face aux différentes techniques de protection des
cultures (Nkamleu et Coulibaly, 2000). Cet article présente la synthèse des études
d’adoption réalisées dans la plupart des pays du projet.
3
Objectif
L’objectif de la présente étude est d’analyser les perceptions paysannes sur les
différentes technologies améliorées su niébé et les contraintes afférentes.
Plus spécifiquement, ce travail devra aboutir à :
- estimer le niveau d’adoption et le processus de diffusion des technologies
- déterminer les facteurs socioéconomiques et institutionnels pouvant
influencer l’adoption des technologies.
Matériel et Méthodes
Zones d’étude
Les enquêtes ont été menées dans presque tous les différents pays membres du projet
à savoir Bénin, Burkina faso, Cameroun, Ghana, Mali, Niger, Nigeria et Sénégal. Les
sites d’intervention du projet ont été choisis dans les zones de production du niébé.
Ces zones varient essentiellement selon les niveaux de pluviométrie et la nature des
sols (tableau1).
4
Tableau 1. Caractéristiques des sites d’enquête
Zonage
Pays
Bénin
Burkina faso
Cameroun
Ghana
Mali
Niger
Nigeria
Sénégal
Agro-
Soudano-
Sahélienne
Soudano-
Guinéenne
Soudaniene,
Soudano-
Soudano-
Soudano-
écologie
guinéenne
Sahélo-
Saheliénne
Sahélienne
Sahélienne
Sahélienne
Sahélienne
Soudanienne
Soudanienne
400-500
250-500
et
et Soudano-
Fuvio-
Sahélienne
lacustre
Pluviométri
600 -1000
400 - 800
<800
900-1500
500-900
400-700
Pure/associée
Associée
pure/associée
Culture pure
pure/associée
e (mm)
Système de Culture pure
pure/associée
pure/associée
culture
Niébé
Source: Rapports PRONAF 20001
5
Méthodologie
Des ateliers de formation et d’entretiens ont été organisés avec les
collaborateurs sur l’élaboration du questionnaire, les techniques d’enquête et les outils
d’analyse des données. Ces chercheurs ont organisé et supervisé les enquêtes dans
leur pays respectif. Au cours de ces rencontres, les techniques d’échantillonnage ont
été définies par rapport aux critères (zones, villages, et ménages). Un questionnaire
générique a été élaboré pour permettre de collecter les données. L’enquête a porté sur
les chefs de ménage. La taille des échantillons variait entre 120 et 300 producteurs de
niébé selon le pays (tableau 2).
Tableau 2. Taille des échantillons des ménages
Pays
Bénin
Burkina Cameroun Ghana
Mali
Niger
Nigeria Sénégal
180
190
145
Faso
Taille
305
120
126
169
132
Source : Rapports PRONAF 2001
Les technologies de niébé
Les technologies identifiées dans les zones d’étude sont pratiquement les mêmes.
La différence entre les pays réside dans les types de variétés améliorées caractérisées par
le cycle, la couleur et la taille des graines. Aucune différence n’est faite dans la présente
étude entre les variétés améliorées pour le calcul du taux d’adoption.
Nous avons ensuite la technologie des extraits botaniques. Il s’agit essentiellement
des extraits de feuilles de neem ou de papayer. Les feuilles de neem ou papayer sont
pilées, mélangées à de l’eau et pulvérisées après 24 heures dans le champ de niébé pour
lutter contre les ennemis nuisibles du niébé. La dose appliquée est de 15kg des feuilles
de neem ou de papayer pour 10 litres d’eau pour 1ha. Les extraits des feuilles de papayer
ont été utilisés seulement au Bénin en plus le neem.
Il faudra ajouter aussi les technologies de stockage/conservation de niébé. Il y a la
technique améliorée de séchage solaire, l’utilisation des fûts métalliques, le double ou
triple ensachage, l’utilisation des produits chimiques ou pesticides (actellic, photoxin).
6
Les taux d’adoption représentent les proportions des paysans utilisateurs de la
technologie.
Modèle analytique
L’analyse concerne les variétés et les techniques de protection du niébé au
champ et en stockage. La décision d'adoption d’une technologie est dichotomique; ou
le producteur peut décider d’utiliser ou non la technologie. L’adoptant a été défini
comme le producteur qui utilise l’une de ces technologies indépendamment de la
quantité. La décision d’adopter est considérée comme variable dépendante qualitative
dans une régression dont la valeur est 0 ou 1 et qui dépend des caractéristiques de
l’adoptant. L’approche utilisée dans l’analyse des facteurs déterminant l’adoption peut
être estimée par un modèle qui permet de prédire la décision d’un agent économique
d’adopter ou non une technologie donnée qui lui est proposée. La décision sera aussi
fonction des caractéristiques socioéconomiques du décideur. En d’autres termes, le
modèle a pour objectif de déterminer pour un agent économique donné la probabilité
d’adopter ou de ne pas adopter une technologie donnée. La revue de littérature sur les
études d’adoption permet de distinguer au moins trois types de modèles couramment
utilisés pour analyser la décision d’adopter une technologie agricole :les modèles de
probabilité linéaire, de logit, de probit et de tobit. Le modèle le plus utilisé qui
explique mieux le processus de diffusion est la fonction logistique (CIMMYT, 1993).
Le premier modèle présente des inconvénients parce que la probabilité peut souvent
dépasser 1, mais il n’en est pas de même pour les deux autres qui, grâce à une
transformation maintiennent la probabilité estimée entre 0 et 1.
Nous avons retenu le modèle Logit, souvent utilisé dans le cas des études d’adoption
des technologies pour des raisons de commodité (CIMMYT, 1993).
Le modèle peut être présenté par l'équation suivante:
eα + βX i
E (Y i ) = P (Y i ) =
1 + eα + βX
i
Par conséquent, la probabilité qu’il n’adopte pas une technologie devient donc :
P (non-adoption) = 1 – P ( Yi ) =
1
1 +
e
α + β Xi
7
où
P((Υi)) = probabilité pour un individu i d'adopter la technologie ; P(Yi) = 1 si la
technologie est adoptée et 0 si la technologie n’est pas adoptée.
℮ = la fonction exponentielle
Yi représente la variable expliquée; l’adoption des technologies
Xi = caractéristique de l’individu i ; il représente le vecteur des variables explicatives
(âge, village, contact, etc.)
β = vecteur des paramètres à estimer dont le signe permet l’interprétation des
résultats
α = constante
Le modèle analyse l’adoption des variétés améliorées de niébé et des extraits aqueux
de feuilles de neem et de papayer.
Spécification du modèle
En s’appuyant sur les résultats des études sur l’adoption et la diffusion des
technologies, certaines variables socioéconomiques sont jugées déterminantes dans
l’adoption d’une technologie (Rogers, 1983). Elles incluent la zone agro-écologique,
l’âge, le genre, la taille du ménage, l’équipement agricole, la taille de l’exploitation
etc…. Ces variables qui caractérisent la situation socio-économique des producteurs
peuvent être déterminantes dans l’adoption des innovations agricoles. En effet, un
paysan est considéré comme adoptant lorsqu’il utilise la technologie quelque soit
l’intensité. Cette adoption est influencée positivement ou négativement par les
caractéristiques socio-économiques et techniques liées aux producteurs et aux
technologies.
Pour les variables, les hypothèses suivantes seront testées.
ZAGRO : la zone agro écologique a une incidence capitale dans la décision du
producteur. Les producteurs opteront pour les variétés à cycle court pour faire face à
la courte durée de l’hivernage dans les zones où les problèmes de déficit
pluviométrique se posent avec acuité. Le signe peut être positif ou négatif selon le
cycle de la variété.
SUPARC : Les producteurs disposant de superficies auront des difficultés à
appliquer les extraits aqueux du fait de la quantité trop élevée que cela va exiger. Le
signe espéré pour cette variable pour l’utilisation des extraits aqueux est négatif.
8
AGE et EXPNIEB : l’âge et le nombre d’années d’expérience du producteur
devraient influencer négativement l’adoption des technologies. L’adoption de
nouvelles technologies exige un certain niveau de risque associé à la décision du
choix des technologies (Feder, 1982). Les jeunes producteurs sont enclins à prendre
plus de risque que les producteurs plus âgés.
EDUC : le niveau d’instruction peut être une variable déterminante dans
l’adoption des innovations. Il accroît le sens de l’innovation, l’habileté et la facilité
d’apprécier les nouvelles technologies (Falusi, 1975, Rahm and Singh, 1988). Cette
variable pourrait influencer positivement ou négativement l’adoption de la
technologie.
CONTACT : l'encadrement des producteurs affecterait l’adoption des
technologies. Un producteur encadré et suivi par le service de vulgarisation finit par
changer de décision en faveur de la nouvelle technologie (Rogers, 1983). Il est
positivement lié à l’adoption des technologies
HSIZE : la taille du ménage est souvent mentionnée comme une variable
essentielle dans l’adoption de nouvelles technologies (Kébédé et al, 1990). La taille
du ménage constitue une source de main d'œuvre. La variable taille du ménage est
positivement liée à l’adoption des nouvelles technologies.
EQPMT : la disponibilité en matériels agricoles influence positivement
l'adoption des technologies relatives à la production du niébé.
EXTRAREV : Le niveau de revenus non agricoles peut permettre aussi bien
de faire face aux dépenses engendrées par l’utilisation de ces innovations tout comme
à l’accès aux pesticides de synthèse. Dans la plupart des cas, l’influence des revenus
non agricoles peut affecter la probabilité d’adopter les extraits aqueux et est positive
pour les variétés améliorées
GENRE : les hommes ont plus accès à l’information et aux intrants comparés
aux femmes (Dey, 1981). Ils auraient une plus grande probabilité d’adopter les
technologies par rapport à cause de ces facteurs qui facilitent l’adoption. La variable
GENRE influence négativement la probabilité d’adopter une nouvelle technologie.
9
Résultats et Discussions
Les résultats sont une synthèse des enquêtes entreprises dans les pays
partenaires du projet. L’analyse a identifié les variables susceptibles d’affecter
l’adoption des nouvelles technologies. La variable dépendante est essentiellement
l’adoption des variétés améliorées et les plantes à effet insecticide tels que le neem,
Azadirachta indica et le papayer, Carica papaya. pour la protection au champ du
niébé
Adoption des variétés améliorées de niébé
Les variétés améliorées sont plus anciennes. L’index de détermination des
taux d’adoption est calculé par le rapport du nombre de paysans utilisant les variétés
améliorées par le nombre total des paysans. Les taux d’adoption les plus élevés des
variétés ont été enregistrés au Ghana et Burkina Faso où tous les producteurs de niébé
de l’échantillon utilisent au moins une variété améliorée chaque saison. Environ 80%
des paysans de l’échantillon ont adopté les variétés améliorées au Mali et au Nigeria.
Les taux les plus faibles ont été enregistrés au Sénégal (25%) et au Bénin (30%)
(figure1). Au Cameroun, l’adoption des nouvelles variétés de niébé a commencé
avant 1960. Le taux est resté très faible jusqu’aux années 90. Le taux d’adoption est
passé de moins de 5 à près de 70% pendant la période de 1990 à 2000 (Nkamleu et al,
2001).Les variétés les plus utilisées sont celles à haut rendement, précoces et de
couleur blanche. La principale contrainte est la non disponibilité des semences.
10
Figure 1. TAUX D'ADOPTION DES VARIETES AMELIOREES
100%
% Menages
80%
60%
40%
20%
0%
Sn
Ma
Ca
Be
Bu
Nga
Ng
Gh
Pays
Source: Rapports PRONAF 2001
Légendes : Sn: Sénégal, Ma: Mali, Ca: Cameroun, Be: Bénin, Bu: Burkina, Nga: Nigéria,
Ng: Niger, Gh: Ghana
11
Adoption des extraits aqueux de neem et de papayer
Contrairement aux variétés, l’utilisation des extraits de neem et de papayer n’est
pas assez répandue. Les taux les plus élevés ont été enregistrés au Bénin (48%), au Ghana
(40%) et au Nigeria (35 %) (figure 2). Comme on pourrait le constater, l’utilisation des
extraits de plantes dans la protection au champ est très réduite dans les pays sahéliens
(Burkina Faso, Mali et Sénégal). Au Sénégal, le taux d’adoption enregistré est 8%. La
faible utilisation des extraits s’explique par la quantité d’eau requise dans la préparation
du produit. En effet, pour 1ha de champ, il faut 15l d’eau ; alors que les superficies
emblavées y varient en moyenne entre 4ha – 10ha (Ibro et al, 2001, Alpha et al, 2001).
Figure 2 TAUX D'ADOPTION DES EXTRAITS DE NEEM/PAPYER
50%
%Menages
40%
30%
20%
10%
0%
Niger
Benin
Cameroun
Ghana
Nigeria
Pays
Source: Rapport PRONAF 2001
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Adoption des techniques de stockage
Plusieurs techniques de stockage et de conservation du niébé ont été diffusées et
adoptées par les paysans: double/triple ensachage, fût métallique, les greniers (gousses),
les jarres et les pesticides chimiques (actellic, photoxin). Certains paysans conservent le
niébé avec le piment, la cendre (tableau 3). L’enquête a permis de déterminer le niveau
d’utilisation des nouvelles technologies. La technologie améliorée de séchage solaire des
grains de niébé n’a pas été appliquée intégralement dans les zones à cause du manque de
matériel adéquat de séchage ou de leur coût élevé selon les régions. Les producteurs
préfèrent les techniques de séchage locales. Seul 1 % des paysans a adopté la technologie
améliorée de séchage solaire au Bénin. Le taux est plus élevé au Ghana (51%). Le séchage
se fait traditionnellement sur plate forme, simple toile cirée, natte ou au champ. Le
stockage et la conservation s’effectuent dans des fûts métalliques au Sénégal (27 %), en
triple ensachage au Nigeria (31 %). Au Cameroun 18% des paysans utilisent les produits
chimiques pour la conservation des grains de niébé.
Tableau 3. Taux d’adoption (%) des différentes techniques de conservation de niébé
Pays
Séchage
Double/triple Fût
Produits
Pesticides
solaire
ensachage
métallique
traditionnels
chimiques
Bénin
1
_
_
_
_
Burkina faso
2
_
_
_
_
Cameroun
_
_
_
_
18
Ghana
51
15
_
_
13
Niger
_
_
_
24
5
Nigeria
_
31
_
_
_
Sénégal
_
2
27
1
_
Source: Rapports PRONAF 2001
Facteurs affectant l’adoption des technologies
Le tableau 4 constitue un extrait des résultats obtenus. Trois variables CONTACT
(contact avec la vulgarisation), EXTRAREV (Revenu extra) et HSIZE (la taille du
ménage) ont une influence positive significative sur l’adoption des variétés améliorées. Le
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contact des producteurs avec les agents de vulgarisation est important dans l’adoption et
permet d’informer sur les innovations dont les nouvelles variétés à haut rendement.
L’amélioration du taux d’adoption des nouvelles variétés exige donc l’efficacité des
services de vulgarisation. L’adoption des variétés améliorées requiert une demande élevée
en main d’oeuvre. Les ménages de grande taille ont tendance à utiliser les variétés
améliorées. Les ménages disposant de revenus extra agricoles peuvent supporter les coûts
liés à la demande de main d’oeuvre salariée. L’utilisation des extraits botaniques exige
une main d’œuvre importante pour le pilage des extraits. Il y a une corrélation positive
entre le niveau d’éducation et l’adoption des extraits aqueux. Les producteurs qui sont
allés à l’école ont conscience des dangers des pesticides chimiques sur l’environnement et
la santé humaine. Le faible taux de nouvelles variétés est lié, selon certains producteurs, à
la non disponibilité des semences améliorées. Par contre, la variable superficie des champs
(SUPARC) de niébé influence négativement l’utilisation des extraits de plantes. Les
ménages à grande exploitation ont tendance à abandonner les extraits à cause des
contraintes en eau et en temps de pilage des extraits. La nouvelle technologie de séchage
est presque abandonnée par presque tous les producteurs. Les raisons évoquées sont pour
la plupart liées à la non disponibilité des matériels en l’occurrence des toiles cirées d’une
certaine épaisseur. Au niveau du stockage/conservation, le taux d’adoption élevé de la
technologie du séchage au Ghana est lié à l’assistance du Ministère et des ONG qui ont
mis à la disposition des producteurs des matériels adéquats (PRONAF Annual Report,
Ghana 2001).
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Tableau 4. Résultats de l’analyse économétrique de l’adoption des variétés améliorées et
l’application de neem et papayer (coefficients de régression)
Variables
AGE
Variétés améliorées
Cameroun
Mali
Nigeria
-0,0203
-0,0279
0,0860**
SEXE
Extraits aqueux Neem/Papayer
Bénin
Ghana
Sénégal
0,0097
0,0179
1,3858*
-1,7159
EDUC
0,2578
0,7244
0,6442
-0,3150*** 0,2318*
EXPNIEB
0,0574***
0,4477*
0,0663*
-0,0258*
CONTACT
-0,1648
3,1326***
0,0731
0.0190
EXTRAREV
0,4012
1,4673**
-0,0484
SUPARC
-0,0129
VILLAGE
0,5829
2,2601***
0,1485
0,0565
-0,0812
-0,1793*
0,3826***
HSIZE
0,0633** 0,1593**
Source : Enquêtes 2000
* : significatif à 10% ; ** : significatif à 5% ; *** : significatif à 1%
Conclusion et Recommandations
Le projet PRONAF a constitué à développer et diffuser les technologies au niveau
des paysans et renforcer la capacité des collaborateurs. Les variétés améliorées de niébé
introduites dans le milieu sont largement utilisées par les paysans dans les sites du projet
dans les différents pays du projet (en moyenne 70%). Des variétés améliorées ont été
abandonnées par des paysans. Les raisons évoquées sont liées surtout à la non
disponibilité des semences. Les extraits aqueux des plantes sont plus utilisés au Bénin et
au Ghana par les petites exploitations. Le faible taux d’adoption de cette technologie est
lié surtout à la pénibilité du pilage des feuilles, la demande en eau élevée pour les
producteurs qui manquent d’eau au sahel.
Afin d’augmenter la probabilité d’adopter les technologies du niébé par les
paysans, le projet devra penser à :
Réorganiser les unités de multiplication des semences afin de rendre disponible
durablement qualitativement et quantitativement les semences, renforcer les systèmes
d’information des paysans et trouver un mécanisme de production semi-industrielle des
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extraits des plantes pourrait réduire les difficultés de préparation et permettre ainsi à tous
les producteurs de niébé, quelque soit la taille des exploitations, d’adopter la technologie.
Remerciements
Nous tenons à remercier sincèrement tous les collaborateurs des systèmes nationaux de recherche agricole
en l’occurrence Charles Agli (Bénin), Dieu Donné Ilboudo (Burkina Faso), Blaise Nkamleu (Cameroun),
Luke Abatania (Ghana), Alpha Kergna (Mali), Ibro Germaine (Niger), Benjamin Ahmed (Nigeria) et Mbène
Faye (Sénégal) qui ont organisé la collecte et l’analyse des données.
Nous remercions également tous ceux qui ont fait la revue de ce papier en vue de son amélioration.
16
Références
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