Troisième partie: Schémas équivalents de transformateurs

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Troisième partie: Schémas équivalents de transformateurs
Troisième partie:
Schémas équivalents de transformateurs
III - 330
Contenu de la troisième partie
Cette troisième partie est consacrée à l'étude des schémas équivalents de transformateurs tels qu'on
peut les utiliser dans des simulations électriques du convertisseur. Au contraire de la seconde
partie, le travail revêt ici un caractère plus bibliographique, partant d'une recherche des schémas
équivalents existants pour dégager les plus intéressants d'entre eux.
Le chapitre X constitue une introduction aux schémas équivalents. Dans une première étape, on y
cerne les spécificités des schémas à utiliser pour la simulation des transformateurs au sein des
convertisseurs de puissance. La plus grande partie du chapitre est ensuite consacrée à l'examen des
éléments constitutifs de base modélisant les différents effets magnétiques, dissipatifs et
électrostatiques. On y étudie également les schémas les plus usuels.
Le chapitre XI étudie un schéma particulier: le schéma CCS. On en analyse la constitution, qui est
discutée, et on présente les résultats de l'implémentation qui en a été faite et testée au moyen d'un
transformateur réel.
Le chapitre XII examine deux schémas supplémentaires: les schémas LEG. L'un est un schéma
inductif multisorties tandis que l'autre est un schéma complet (modélisant l'ensemble des effets
inductifs, dissipatifs et capacitifs) limité à deux enroulements.
Enfin le chapitre XIII examine de manière complémentaire d'autres approches menant à des
schémas divers.
Les conclusions de cette troisième partie sont rassemblées dans la synthèse du chapitre XIV.
III - 331
X. Eléments constitutifs
Dans ce premier chapitre, qui tient lieu d'introduction aux schémas équivalents, nous passons en
revue les trois types de phénomènes à modéliser: les effets magnétiques (modélisés par des
coupleurs et des inductances), dissipatifs (résistances) et électrostatiques (capacités). Nous
détaillons les principales options disponibles pour traduire ces effets et introduisons les notions qui
seront utiles pour l'étude de schémas équivalents particuliers dans les chapitres suivants. L'étape
d'identification des éléments est également abordée.
Plan du chapitre
X.1 Introduction ............................................................................................................... 333
X.2 Phénomènes magnétiques........................................................................................ 336
X.3 Phénomènes dissipatifs ............................................................................................ 348
X.4 Phénomènes électrostatiques................................................................................... 352
X.5 Conclusion.................................................................................................................. 356
X - Eléments constitutifs
III - 332
X.1 Introduction
Dans ce premier point, nous précisons quelque peu la notion de schéma équivalent telle
qu'examinée dans le contexte de notre recherche. Le schéma équivalent étant un modèle, une
comparaison peut être faite avec les modèles en éléments finis utilisés dans la seconde partie de
cette thèse. Nous cernons ensuite les particularités des schémas équivalents à utiliser dans le cadre
de la simulation de convertisseurs de puissance.
X.1.1 Le schéma équivalent en tant que modèle
Le but d'un schéma équivalent, dans le cadre de notre travail, est de reproduire certains
comportements d'une pièce magnétique. Cette définition insiste par elle-même sur le fait qu'on ne
peut reproduire tous les aspects d'une pièce réelle. Une première tâche est donc de cerner les effets
à modéliser en fonction de l'application à laquelle on destine le schéma.
Insistons sur le fait que le schéma équivalent idéal n'existe pas. Nous présenterons dans cette
troisième partie de nombreux exemples de schémas: certains sont très complets mais lourds à
utiliser, d'autres, plus basiques, s'avèrent adéquats dans des applications plus ciblées. On peut
également recourir à différents schémas pour une même pièce magnétique suivant le degré de
précision souhaité. De ce fait, un schéma équivalent se caractérise tout autant par les éléments qu'il
comporte que par les effets dont il tient ou ne tient pas compte et par le domaine sur lequel il est
valable.
Un parallèle peut d'ailleurs être fait avec la deuxième partie de ce travail: un schéma équivalent est
un modèle, au même titre que les modèles utilisés en éléments finis. Nous ne ferons donc rien
d'autre, une fois de plus, que des simulations. Cette fois cependant, nous nous efforcerons de
remplacer une pièce magnétique réelle par un schéma équivalent en éléments localisés utilisable
dans un simulateur de circuit tel Spice ou Saber.
Ce faisant, nous simplifions le dispositif réel de manière bien plus drastique que par une simulation
par éléments finis puisque nous passons de plusieurs dizaines de milliers d'équations à quelques
équations seulement. La réduction du modèle dans de telles proportions n'est évidemment possible
que parce que nous nous limitons maintenant au comportement "extérieur" du transformateur,
c'est-à-dire aux courants et tensions vus par celui-ci en interaction avec les autres éléments du
convertisseur. Nous abandonnons tout ce qui concerne la compréhension des champs
électromagnétiques à "l'intérieur" de la pièce. L'utilisation conjointe des deux types de modèles –
élements finis et schéma équivalent– est d'ailleurs une illustration supplémentaire du principe
consistant à toujours utiliser le modèle le plus approprié pour étudier un effet donné61.
On assiste cependant à une évolution vers des simulations couplant le modèle en éléments finis de la pièce
magnétique aux équations de circuit du convertisseur. Le module Saber MMP ainsi que la méthode du schéma
équivalent électromagnétique des §IV.3 et §XIII.2 en sont des exemples.
61
X.1 - Eléments constitutifs: Introduction
III - 333
Compte tenu de la réduction du nombre d'équations, le modèle simplifié que constitue un schéma
équivalent oblige à accepter certaines approximations ou hypothèses. Des phénomènes ayant une
certaine extension dans l'espace, comme on l'a vu dans la première partie, sont en effet traduits par
un ensemble d'éléments localisés, dont le nombre et la répartition varient d'un schéma à l'autre et
influencent le domaine de validité du schéma.
Enfin, il ne suffit pas d'imaginer un schéma équivalent et de connaître son champ d'application: il
faut encore lui associer une méthode pour identifier ses différents éléments à partir de la pièce
réelle ou d'une simulation par éléments finis. Cette étape constitue souvent en elle-même un
problème spécifique.
En résumé, on peut donc dire qu'un schéma équivalent se caractérise par sa structure et les
éléments qu'il comporte, mais aussi:
- par les phénomènes qu'il prend ou ne prend pas en compte,
- par les approximations et hypothèses sur lequel il est basé,
- par l'application concernée et le domaine dans lequel il est valable,
- et par la méthode d'identification qui l'accompagne.
X.1.2 Spécificité des schémas équivalents pour les convertisseurs de puissance
La plupart des schémas équivalents sont organisés autour d'un transformateur parfait modélisant le
couplage entre un primaire et un ou plusieurs secondaires, ce qui reflète la fonction première d'un
transformateur. Ce transformateur parfait est complété d'éléments supplémentaires (inductances,
résistances, capacités) visant à modéliser les "imperfections" de la pièce réelle.
Ces imperfections doivent être modélisées avec soin car elles ont un impact important sur le
fonctionnement du convertisseur: chute de tension sur les inductances de fuite, pertes abaissant le
rendement, résonances entre inductances et capacités parasites, etc. Si elles peuvent être gênantes,
elles sont cependant également souvent mises à profit. C'est ainsi que les chutes de tension
permettent de limiter les gradients de courant, que certaines topologies utilisent les résonances
pour commuter les semi-conducteurs en dissipant moins de pertes, que les pertes du
transformateur permettent d'adoucir les formes d'ondes en amortissant les résonances, etc. On
comprend donc facilement dans ce contexte la nécessité de disposer de schémas équivalents fiables
et détaillés.
En ce qui concerne les convertisseurs de puissance, trois spécificités orientent le choix du type de
schéma:
- la grande majorité des transformateurs possèdent plusieurs secondaires délivrant des
tensions différentes,
- les formes d'ondes sont fortement chargées en harmoniques,
- en fonctionnement normal, le noyau n'entre pas en saturation.
X.1 - Eléments constitutifs: Introduction
III - 334
La présence de plusieurs sorties, entre lesquelles existent des couplages, demande évidemment de
considérer des schémas admettant plus de deux enroulements. On trouve couramment des
transformateurs comportant quatre enroulements de puissance ou davantage.
Compte tenu de la présence d'un grand nombre d'harmoniques, ces schémas doivent également
être valables sur une large gamme de fréquence, spécialement si le convertisseur fait appel à une
topologie résonante. Deux origines peuvent être distinguées dans la variation des impédances en
fonction de la fréquence: les effets quasi-statiques d'une part, déjà étudiés dans la seconde partie, et
les résonances entre inductances et capacités parasites du transformateur d'autre part. Rappelons
que les courbes d'impédance typiques d'un transformateur réel ont été présentées au §II.3.3 (p. 59).
Enfin, l'absence de saturation en fonctionnement normal permet en général d'ignorer la nonlinéarité de l'inductance de magnétisation, ce qui simplifie fort heureusement le schéma. On doit
par contre prendre en compte ce phénomène dans certains cas spécifiques, comme par exemple
celui des inductances saturables parfois utilisées dans les secondaires des convertisseurs
multisorties.
X.1.3 Conclusion
Après avoir, dans la seconde partie, étudié les champs à l'intérieur du transformateur, nous nous
attachons maintenant à le caractériser "de l'extérieur" pour insérer son modèle en éléments
localisés dans la simulation d'un convertisseur. Parmi les nombreux schémas disponibles, nous
devons cerner celui ou ceux qui conviennent bien à notre application tant par leur structure que
par les phénomènes pris en compte, les hypothèses considérées, le domaine de validité et la
méthode d'identification de leurs éléments.
Tout l'intérêt d'un schéma réside dans sa manière de tenir compte des "imperfections" du
transformateur réel, qui jouent souvent un rôle décisif dans le fonctionnement du convertisseur.
Les différentes manières de prendre en compte ces imperfections (effets magnétiques, dissipatifs
ou capacitifs) sont développées dans la suite de ce chapitre.
Les caractéristiques générales des transformateurs utilisés dans les convertisseurs de puissance
nous amènent a priori à diriger notre étude vers les schémas linéaires, multisorties et valables sur
une large gamme de fréquence.
X.1 - Eléments constitutifs: Introduction
III - 335
X.2 Phénomènes magnétiques
Un schéma équivalent de transformateur s'articule évidemment d'abord autour d'éléments
modélisant les phénomènes magnétiques, à savoir des coupleurs et des inductances. Pour passer
d'un modèle "spatial" en deux ou en trois dimensions à un tel schéma, deux démarches sont
examinées: la première est basée sur une approche rigoureuse que nous appelons "matricielle"
tandis que la seconde, légèrement plus empirique, mène au schéma classique bien connu.
X.2.1 Couplages
Flux et coefficients d'inductance
L'élaboration d'un schéma équivalent suppose de passer d'un problème géométrique décrit dans un
espace à deux ou à trois dimensions (ce que nous appelons un modèle "spatial") à seulement
quelques grandeurs caractéristiques: les éléments localisés d'un schéma électrique. Dans un premier
temps, nous cherchons uniquement à représenter les phénomènes magnétiques ou "inductifs",
c'est-à-dire le fait qu'une variation du flux embrassé par un conducteur induit dans celui-ci une
force électromotrice.
Le flux embrassé dépend précisément des caractéristiques géométriques et physiques (ici la
perméabilité) du problème. Dans un matériau linéaire, celles-ci peuvent être résumées en un
coefficient d'inductance L constant liant le flux au courant qui lui donne naissance:
ψ = Li
(X.2-1)
Plus précisément, l'inductance est proportionelle au carré du nombre de tours de l'enroulement
(N) et inversément proportionnelle à la réluctance:
N2
(X.2-2)
ℜ
Cette réluctance est l'analogue magnétique de la notion de résistance. Elle vaut classiquement pour
un tube de flux de longueur l et de section S constante:
L=
l
(X.2-3)
µS
C'est donc bien cette dernière grandeur qui permet finalement la traduction d'un phénomène
spatial en une seule grandeur caractéristique, propre au modèle considéré. Certains schémas sont
d'ailleurs basés sur la décomposition du problème géométrique en réluctances (voir §XIII.1).
ℜ=
Sachant qu'un courant variable, par l'intermédiaire du flux, induit une force électromotrice non
seulement dans le conducteur qui porte ce courant mais également dans tout conducteur placé à
proximité, on est amené à considérer, pour un système de n enroulements, n2 coefficients
d'inductances, ou, en tenant compte de la symétrie de la matrice, n inductances propres et n(n-1)/2
X.2 - Eléments constitutifs: Phénomènes magnétiques
III - 336
inductances mutuelles qui traduisent l'ensemble des effets inductifs existant entre les n
conducteurs.
Du point de vue des effets magnétiques, un transformateur linéaire à deux enroulements par
exemple est donc fondamentalement caractérisé par le système ci-dessous:
di1
di2
⎧
⎪⎪v1 = L1 dt + M dt
⎨
⎪v = M di1 + L di2
2
2
dt
dt
⎩⎪
(X.2-4)
C'est ce système, singulièrement réduit par rapport au modèle spatial initial, que nous devons
traduire en un schéma équivalent adéquat.
Couplage parfait
Considérons un transformateur à deux enroulements. La fonction première du transformateur est
d'assurer un couplage entre ces deux enroulements, couplage qui trouve son origine dans l'existence
d'un flux commun à ceux-ci. Le couplage est parfait lorsque la totalité du flux est commun aux
deux enroulements. Une telle situation est obtenue théoriquement pour deux spires bobinées
autour d'un noyau de perméabilité infinie. L'examen des réluctances montre qu'on a alors:
L1
L
M
1
= 22 =
=
2
N1
N 2 N1 N 2 ℜ
(X.2-5)
Les courants et tensions sont alors liés par le rapport du nombre de spires, noté η et défini par:
η=
N2
N1
(X.2-6)
En vertu de (X.2-5), le système initial (X.2-4) dégénère en effet en62:
⎧v 2 = ηv1
⎨
⎩i1 = −ηi2
(X.2-7)
Compte tenu de ce système simplifié caractérisé par une valeur unique (η), un élément suffit pour
caractériser la notion de couplage idéal. Il s'agit du transformateur parfait ou "coupleur" qu'on
retrouve dans de nombreux schémas. Nous représentons cet élément par le symbole de la Figure
III-1 ci-dessous. Le terme "coupleur" ainsi que sa représentation, au signe des courants près, sont
empruntés à Kéradec [103].
62
La seconde équation du sysème (X.2-7) traduit la conservation de la puissance.
X.2 - Eléments constitutifs: Phénomènes magnétiques
III - 337
i1
i2
p
η
p
v1
v2
Figure III-1: Coupleur (transformateur parfait) à deux enroulements
La notion de coupleur peut être facilement généralisée à n enroulements. Imaginons en effet
davantage d'enroulements sur le même noyau de perméabilité infinie: tous voient à nouveau un
même flux, ce qui amène à écrire:
⎧v j = η ij vi
⎪
N
⎨
⎪i1 = −∑η1k ik
k =2
⎩
(X.2-8)
avec les rapports de couplage ηij:
η ij =
Nj
(X.2-9)
Ni
Nous associons au système (X.2-8) le symbole du coupleur multiple (représenté ici pour n=4):
i1
v1
i2
η12
p
p
η13
p
η14
p
v2
i3
v3
i4
v4
Figure III-2: Coupleur multiple à quatre enroulements
Contrairement à ce que la figure ci-dessus pourrait laisser croire, aucun enroulement du coupleur
n'est privilégié. Le sens des flèches indique simplement comment sont définis les rapports de
couplage à partir d'un enroulement choisi par convention comme le primaire. Les trois
"secondaires" sont néanmoins également parfaitement couplés entre eux. La dissymétrie de la
X.2 - Eléments constitutifs: Phénomènes magnétiques
III - 338
représentation vient simplement du fait que trois valeurs (η12 et η13 et η14) suffisent à caractériser
un coupleur à quatre enroulements.
Note sur l'implémentation des coupleurs
Les coupleurs, qui sont des éléments idéaux, interviennent dans la plupart des schémas équivalents.
Il faut donc être à même de les implémenter dans un simulateur de circuit. On utilise généralement
dans ce but des sources commandées [176], c'est-à-dire des sources de courant et de tension dont la
valeur dépend du courant ou de la tension à un autre endroit du circuit. Les sources commandées,
que nous représentons en gris, font partie des éléments de base disponibles dans les simulateurs de
circuit. Le coupleur à quatre enroulements de la figure précédente peut par exemple être remplacé
par le schéma de la Figure III-3 ci-dessous.
i2
η12v1
i1
v1
η12i2
v2
i3
η13i3
η14i4
η13v1
v3
i4
η14v1
v4
Figure III-3: Implémentation d'un coupleur à quatre
enroulements au moyen de sources commandées63
Un tel schéma correspond effectivement aux équations (X.2-8) du coupleur, à une nuance
importante près: les sources commandées introduisent un sens dans les égalités. Ces sources
calculent en effet les membres de gauche conformément aux tensions et courants dans les
membres de droite, mais pas l'inverse. Si les coupleurs sont implémentés de cette manière, disposer
une source de tension sur un des secondaires (par exemple pour simuler une mesure) ou une
source de courant au primaire n'a aucun sens dans le simulateur de circuit. De ce fait,
l'implémentation des coupleurs elle-même introduit une distinction entre enroulements puisque la
source de tension doit obligatoirement être placée au primaire.
Une autre possibilité, que nous n'avons pas testée, apparaît néanmoins comme une alternative. Il
est en effet possible dans Spice de définir des mutuelles simplement en entrant un coefficient de
63 On notera que les sources de courant au primaire sont opposées au courant i . Ceci s'explique par la convention
1
choisie pour les courants au secondaire, définis positifs lorsqu'ils sont entrants.
X.2 - Eléments constitutifs: Phénomènes magnétiques
III - 339
couplage entre deux inductances existantes. L'emploi de coefficients de couplage unitaires (c'est-àdire vérifiant (X.2-5)) entre des inductances fictives devrait permettre une implémentation plus
directe et plus satisfaisante du point de vue de la symétrie du schéma.
X.2.2 Approche matricielle
Couplage imparfait
En pratique, il est impossible de coupler parfaitement deux enroulements: il existe toujours dans
les dispositifs réels un "flux de fuite" qui réduit le flux commun par rapport au cas précédent.
L'importance de cette réduction est caractérisée par le coefficient de couplage que nous avons déjà
évoqué ci-dessus et dont la valeur devient maintenant inférieure à l'unité:
k=
M
L1 L2
(X.2-10)
Dans le cas d'un couplage magnétique imparfait, le quadripôle ne peut plus être décrit par un
coefficient unique η: il faut revenir au système (X.2-4) caractérisé par les trois valeurs L1, L2 et M.
C'est ici que commence véritablement l'élaboration d'un schéma équivalent dans lequel nous
essayons de traduire l'imperfection de la pièce réelle par rapport à l'idéalité du coupleur.
Premiers schémas équivalents
La première possibilité pour modéliser un couplage imparfait est d'introduire directement les
coefficients d'inductance L1, L2 et M (cette dernière valeur par l'intermédiaire d'un coefficient de
couplage) dans Spice. Le "schéma équivalent" se confond alors avec la matrice des coefficients
d'inductance. Cette approche est uniquement utilisée pour des modélisations sommaires du
transformateur car elle limite assez fortement l'ajout d'éléments supplémentaires.
Dans le même ordre d'idées, on peut obtenir un schéma général pour un nombre quelconque
d'enroulements en connectant une inductance entre chaque paire de terminaisons du
transformateur (Figure III-4, [103]). Un tel schéma, qui découle d'une analyse du système en
admittances, comporte effectivement n(n+1)/2 variables qui forment un système équivalent à celui
des coefficients d'inductance. Il est néanmoins difficile à interpréter physiquement. On ne peut
notamment exclure l'apparition d'inductances négatives.
La symétrie apparaissant dans ce schéma montre bien le traitement systématique appliqué aux
équations, dans lequel aucun enroulement n'est privilégié. C'est la raison pour laquelle nous
qualifions l'approche suivie ici de "matricielle", par opposition à une démarche plus empirique
consistant à ajouter des éléments à des endroits bien choisis, détruisant parfois la symétrie du
schéma comme nous en verrons des exemples.
X.2 - Eléments constitutifs: Phénomènes magnétiques
III - 340
i2
i3
v2
v3
i4
i1
v4
v1
Figure III-4: Exemple de schéma matriciel pour n=4
En modifiant légèrement les équations (X.2-4) du quadripôle, on trouve encore un schéma
particulier pour n=2, équivalent, à une transformation "triangle/étoile" près, au schéma précédent
(Figure III-5). Il est également peu utilisé pour les mêmes raisons (inductances négatives) mais
s'approche du schéma classique que nous examinons dans le point suivant.
i1
L1-M
v1
L2-M
M
i2
v2
Figure III-5: Schéma équivalent à deux enroulements
Schéma à mailles auxiliaires
Enfin, une dernière variante assez intéressante tire profit de la possibilité d'utiliser des sources
commandées [142]. Supposons en effet qu'on réécrive les équations de base (X.2-4), pour le
quadripôle en régime, de la manière suivante:
⎧v 1 = v 11 + v 12
⎨
⎩v 2 = v 21 + v 22
(X.2-11)
⎧⎪v jj = jωL j i j
⎨
⎪⎩v jk = jωM jk ik
(X.2-12)
avec
X.2 - Eléments constitutifs: Phénomènes magnétiques
III - 341
Les sources commandées permettent de calculer dans des mailles auxiliaires la valeur de chaque
terme vjk individuellement comme dans le schéma de la Figure III-6.
i1
v11
v12
v21
L1
v22
i2
L2
v1
v2
v12
i2
M12
v21
i1
M21
Figure III-6: Schéma à mailles auxiliaires pour n=2
(en haut: mailles principales; en bas: mailles auxiliaires)
Ces mailles auxiliaires et les sources commandées permettent en fait d'implémenter les inductances
mutuelles en associant une tension dans un enroulement au courant dans un autre enroulement.
Pour les termes diagonaux vjj, il est plus simple d'insérer directement une inductance classique
puisque le courant et la tension appartiennent à la même branche. Ce type de schéma peut très
facilement être généralisé à n enroulements: chaque maille principale doit alors contenir n-1
sources commandées en tension correspondant à n-1 inductances mutuelles dans les n mailles
secondaires. Nous en verrons un exemple au chapitre suivant.
Si le schéma à mailles auxiliaires n'éclaire pas davantage la signification physique des coefficients
d'inductance, il permet néanmoins l'usage d'éléments tout-à-fait classiques dans les simulateurs de
circuit ainsi que l'extension à d'autres types de phénomènes.
X.2.3 Identification des éléments du schéma
Comme on l'a dit, outre la constitution du schéma équivalent se pose également la question de
l'identification de ses éléments soit à des mesures réalisées sur un transformateur réel soit, si celuici n'existe pas encore, à un modèle (analytique, par éléments finis, etc).
En ce qui concerne la pièce réelle, on réalise en principe n(n+1)/2 mesures, typiquement des essais
en court-circuit et à circuit ouvert, permettant de calculer autant d'éléments dans le schéma.
En ce qui concerne le modèle, une méthode largement répandue consiste à identifier terme à terme
l'énergie magnétostatique du modèle avec celle du schéma équivalent. Dans le schéma de la Figure
III-5 par exemple, l'énergie magnétostatique vaut:
Wm =
( L1 − M )i12 ( L2 − M )i 22 M (i1 + i2 ) 2
+
+
2
2
2
X.2 - Eléments constitutifs: Phénomènes magnétiques
(X.2-13)
III - 342
ou encore
Wm =
L1i12 L2 i22
+
+ Mi1i 2
2
2
(X.2-14)
Or, en supposant le problème linéaire, on sait grâce au principe de superposition que le champ
magnétique pour une configuration quelconque des courants dans les enroulements est la somme
des champs magnétiques dus à chaque courant considéré individuellement. En notant Hj le champ
relevé dans une simulation où seul l'enroulement j est parcouru par un courant ij, on peut écrire
pour n=2 (l'intégrale portant sur tout le volume du problème64):
Wm =
r r
r
r
r
r
1
1
µ ( H ⋅ H * )dV = ∫ µ ( H 1 + H 2 ) ⋅ ( H 1 + H 2 ) * dV
∫
2 V
2 V
(X.2-15)
En développant cette dernière relation et en l'identifiant terme à terme à (X.2-14), on obtient les
formules des coefficients d'inductance (réécrites ici pour n quelconque):
r r
1
L j = 2 ∫ µ ( H j ⋅ H *j )dV
(X.2-16)
V
ij
M jk =
1
2i j ik
r
∫ µ (H
V
j
r
r r
⋅ H k* + H *j ⋅ H k )dV
(X.2-17)
Lorsqu'on connaît le champ magnétique sur base de simulations ou d'un résultat analytique, ces
formules fournissent un moyen de calculer les coefficients d'inductance directement par
intégration [3][170]. Cette méthode générale, applicable d'une manière analogue pour calculer les
pertes et les coefficients de capacité, possède par contre l'inconvénient d'utiliser simultanément les
résultats de deux simulations (notées ci-dessus j et k) pour le calcul des coefficients mutuels.
Il faut encore noter que si le schéma lui-même peut être soumis à une forme d'onde quelconque,
l'identification réduit sa validité à une seule fréquence. La dépendance en fréquence des effets
magnétiques ne peut être modélisée qu'au prix d'éléments supplémentaires.
X.2.4 Approche classique
Schéma de base à deux enroulements
Plutôt qu'une description en coefficients d'inductance, d'interprétation peu aisée, on préfère
habituellement utiliser pour un transformateur à deux enroulements le schéma classique de la
Figure III-7.
Celui-ci est construit autour d'un coupleur (transformateur parfait) auquel on ajoute des éléments
parasites: une inductance de magnétisation et deux inductances de fuite. On peut vérifier qu'on
Dans (X.2-15) et les équations analogues, la notation * désigne le complexe conjugué et les champs sont supposés
exprimés en valeurs efficaces.
64
X.2 - Eléments constitutifs: Phénomènes magnétiques
III - 343
retrouve les équations d'un quadripôle magnétostatique –et donc que ce schéma est équivalent aux
formulations précédentes– en prenant:
⎧ L f 1 = L1 − ηM
⎪
M
⎪
⎨ L f 2 = L2 −
η
⎪
⎪⎩ Lm = ηM
i1
Lf1
(X.2-18)
Lf2
i2
η
v1
Lm
p
p
v2
Figure III-7: Schéma équivalent de base d'un transformateur à deux enroulements
Si le schéma ci-dessus est très proche de celui de la Figure III-5 obtenu par l'approche matricielle,
l'idée est ici d'obtenir une interprétation plus aisée basée sur les notions d'impédance de
magnétisation et de fuite, plutôt que sur les coefficients d'inductance et de couplage. D'après
Kéradec [103], ce schéma classique ne remplit cependant pas encore toutes les attentes pour
plusieurs raisons.
Discussion du schéma classique à deux enroulements
La première raison concerne le calcul des trois inductances. En théorie, celles-ci peuvent être
obtenues par intégration de la densité d'énergie magnétostatique sur le volume occupé par le flux
correspondant, d'où l'interprétation aisée des éléments du schéma: Lm s'identifie au flux commun
et chacune des inductances Lf1 et Lf2 au flux de fuite d'un enroulement. Mais si cette démarche
convient bien pour quelques cas théoriques, il est difficile de séparer clairement les trois domaines
pour les transformateurs réels, dans lesquels les spires d'un enroulement ne sont ni ponctuelles ni
confondues.
Une solution alternative consiste à calculer les coefficients d'inductance Lj et Mjk comme au §X.2.3
et à en déduire les valeurs de Lm, Lf1 et Lf2 sur base des relations (X.2-18) avec η=N2/N1. Mais
pour les transformateurs réels, cette méthode peut également mener à des inductances de fuite
négatives comme le montre un exemple donné dans [103]. En pratique, l'interprétation physique
des éléments du schéma n'est donc pas si aisée qu'on pourrait le croire.
X.2 - Eléments constitutifs: Phénomènes magnétiques
III - 344
Kéradec fait remarquer que le schéma équivalent de la Figure III-7 introduit fondamentalement
quatre variables (Lm, Lf1, Lf2 et η) alors que le quadripôle est pour sa part caractérisé entièrement
par trois coefficients: L1, L2 et M. Une des valeurs du schéma peut donc être choisie
arbitrairement. On égale généralement le rapport du coupleur η au rapport du nombre de spires en
référence au transformateur parfait (X.2-7). Mais tout comme dans le schéma de la Figure III-5
(qui n'est en fait qu'un cas particulier correspondant à η=1), ce choix peut conduire à des
inductances négatives. A l'inverse, Kéradec montre qu'on obtient toujours des valeurs positives à
condition de prendre:
M
L1
≤η ≤
L2
M
(X.2-19)
En choisissant le rapport du coupleur dans cette gamme de valeurs, on peut obtenir plusieurs
schémas différents, équivalents entre eux. Par exemple, la valeur
η = signe( M )
L2
L1
(X.2-20)
mène à deux inductances série égales tandis que les valeurs extrêmes M/L1 et L2/M correspondent
respectivement à une inductance de fuite primaire ou secondaire nulle. On retrouve ici le fait, déjà
identifié dans la première partie de la thèse (§II.3.3 par exemple), que la séparation de l'inductance
de fuite en deux contributions attribuables chacune à un enroulement est une opération arbitraire
[185]. Conformément à cette idée, Kéradec appelle Lf1 et Lf2 des inductances de fuite partielles, leur
somme étant l'inductance de fuite totale.
Le fait que le rapport de couplage du transformateur parfait puisse être différent du rapport du
nombre de spires apparaît lorsque toutes les spires d'un même enroulement n'embrassent pas
exactement le même flux. Dans ces circonstances, la notion de flux embrassé par un enroulement
devient évidemment insuffisante pour modéliser dans toute leur complexité des phénomènes
répartis sur un certain volume.
Au sujet de la répartition des inductances de fuite, citons également le travail de fin d'études de
Daphné Gilon [67] consacré à l'étude d'un type de commutation résonante: le ZVT ("Zero Voltage
Transition"). Dans le cadre de ce travail, nous avons pu constater pour un transformateur à deux
enroulements qu'il était obligatoire de répartir l'inductance de fuite en deux parties pour modéliser
de manière satisfaisante les formes d'ondes aux alentours de la résonance. Pendant une phase de la
commutation, les deux diodes secondaires sont en effet simultanément passantes, ce qui a pour
effet de court-circuiter l'inductance de magnétisation en l'absence d'inductance de fuite secondaire,
menant à un comportement non conforme aux mesures. Ceci illustre bien le fait que chaque
schéma, jusqu'aux éléments qui le composent, doit être particularisé à l'application considérée.
Le schéma classique de la Figure III-7, s'il est effectivement d'une interprétation plus facile pour
beaucoup de modèles théoriques, doit donc être utilisé avec discernement pour les transformateurs
réels, surtout si les inductances de fuite jouent un rôle important dans le fonctionnement du
convertisseur.
X.2 - Eléments constitutifs: Phénomènes magnétiques
III - 345
Généralisation à n enroulements
Un autre inconvénient du schéma classique ci-dessus est qu'il ne se prête pas facilement à une
généralisation pour plus de deux enroulements. La démarche habituelle consiste à ajouter des
secondaires au moyen d'un coupleur multiple, et à attribuer à chacun de ceux-ci une inductance de
fuite partielle (Figure III-8, dans laquelle la notation ' désigne une impédance reportée au
secondaire).
Lf1
Lf2'
η12
Lm
p
p
Lf3'
η13
p
Figure III-8: Extension du schéma classique à plusieurs enroulements
Cette démarche est cependant incomplète puisqu'elle ne tient pas compte des couplages réels
existant entre les secondaires: la preuve en est qu'un tel schéma contient 2n variables, ce qui est
trop peu pour représenter les n(n+1)/2 coefficients d'inductance. Différentes possibilités existent
pour tenir compte de ces couplages. Nous en donnerons deux exemples aux chapitres XI et XII.
X.2.5 Conclusion
Les effets magnétiques, c'est-à-dire les forces électromotrices induites dans un système de n
conducteurs, peuvent être caractérisés en régime linéaire et à une fréquence donnée par n(n+1)/2
grandeurs: les coefficients d'inductance. Deux possibilités principales existent pour traduire ceux-ci
en un schéma équivalent utilisable dans un simulateur de circuit.
La première est l'approche matricielle, dans laquelle aucun enroulement n'est privilégié. Le système
est décrit au moyen d'inductances dont certaines peuvent prendre des valeurs négatives et est donc
relativement difficile à interpréter physiquement.
X.2 - Eléments constitutifs: Phénomènes magnétiques
III - 346
La seconde approche consiste à partir d'un transformateur parfait (dont l'implémentation dans un
simulateur de circuit n'est pas triviale) et à lui adjoindre des éléments parasites menant au schéma
classique bien connu. Malgré la cohérence et l'interprétation aisée des éléments dans des cas
théoriques idéalisés, certains cas pratiques font apparaître des inductances négatives. On peut
néanmoins remédier à ce problème en modifiant le rapport du coupleur parfait, qui devient alors
indépendant du rapport du nombre de spires des enroulements. D'autre part, la généralisation de
ce schéma classique à un nombre quelconque d'enroulements pose également certaines difficultés.
On dispose donc d'une part d'une méthode rigoureuse mais relativement opaque quant à son
interprétation et d'autre part d'un schéma apparemment plus proche des notions "physiques", mais
qui doit être utilisé avec discernement. En gardant ces deux approches complémentaires, nous
cherchons maintenant à compléter le schéma équivalent pour tenir compte des effets dissipatifs et
capacitifs.
X.2 - Eléments constitutifs: Phénomènes magnétiques
III - 347
X.3 Phénomènes dissipatifs
En plus des phénomènes magnétiques, un schéma équivalent doit également modéliser les effets
dissipatifs dans le transformateur, à savoir les pertes cuivre et les pertes fer. Ces pertes, et plus
spécialement les pertes cuivre, varient significativement avec la fréquence comme on l'a vu dans la
deuxième partie. Nous reprenons l'analyse selon les deux approches examinées au chapitre
précédent.
X.3.1 Approche matricielle
De manière générale, on peut tenir compte de l'ensemble des effets dissipatifs en ajoutant une
partie résistive à chaque terme de la matrice des coefficients d'inductance [190]. Pour deux
enroulements en régime sinusoïdal, on obtient donc le système:
⎧v 1 = ( R11 + jωL1 )i 1 + ( R12 + jωM 12 )i 2
⎨
⎩v 2 = ( R21 + jωM 21 )i 1 + ( R22 + jωL2 )i 2
(X.3-1)
Insistons sur le fait que celui-ci englobe toutes les pertes, quelle que soit leur origine (donc
notamment les pertes fer dans un transformateur). Tout comme la réluctance dans le point
précédent, la résistance apparaît ici fondamentalement comme un coefficient résumant les
propriétés géométriques et physiques du système, pour les effets dissipatifs cette fois (la propriété
physique concernée est donc évidemment la conductivité électrique).
En supposant la conducticité de chaque matériau constante (c'est-à-dire en négligeant la nonlinéarité et l'hystérèse du noyau), on obtient, suivant une démarche analogue à celle du §X.2.3,
l'expression des "coefficients de résistance" Rjk par intégration de la densité de puissance dissipée
par effet Joule (Jj représentant la densité de courant dans tous les conducteurs lorsque seul le
conducteur j est parcouru par un courant net non nul ij):
1 1 r r
R jj = 2 ∫ ( J j ⋅ J *j )dV
(X.3-2)
ij V σ
R jk =
1
2i j i k
1 r
∫ σ (J
V
j
r
r r
⋅ J k* + J *j ⋅ J k )dV
(X.3-3)
A basse fréquence, l'intégrale (X.3-3) est nulle et (X.3-2) correspond à la définition classique de la
résistance d'un conducteur. En présence d'effets quasi-statiques, comme c'est le cas dans les
transformateurs de puissance, ces définitions s'écartent par contre un peu des notions habituelles.
On observe par exemple que la "résistance propre" Rjj d'un enroulement, suite au fait que
l'intégrale s'étend à tout le domaine comme pour les coefficients d'inductance, englobe les pertes
dues à la densité de courant non nulle induite par effet de proximité dans les n-1 autres
X.3 - Eléments constitutifs: Phénomènes dissipatifs
III - 348
conducteurs. La résistance propre d'un conducteur inclut donc une partie des pertes générées dans
les autres conducteurs [3]. Elle inclut également les pertes par courants de Foucault dans le noyau.
D'autre part, la "résistance mutuelle" Rjk s'avère représenter le surplus des pertes par effet de
proximité lorsque plusieurs conducteurs sont parcourus par un courant net (en fait les doubles
produits apparaissant du fait que la densité de courant dans un conducteur est la somme de n
densités de courant Jj dues aux courants ij).
On remarque encore que les pertes totales d'un quadripôle en quasi-statique sont données,
conformément à ces définitions, par:
PJ ,tot = R11i12 + R22 i22 + 2 R12 i1i2
(X.3-4)
Schéma équivalent
Pour tenir compte des résistances propres et mutuelles dans un schéma équivalent de type
matriciel, il suffit, conformément au système (X.3-1), d'adjoindre à chaque inductance une
résistance en série. L'introduction des effets dissipatifs est donc très aisée puisque les schémas
matriciels du §X.2.2 gardent la même structure.
X.3.2 Schéma classique
Pertes cuivre
Plutôt qu'une démarche rigoureuse, on préfère dans le schéma équivalent classique introduire
quelques résistances supposées d'interprétation physique aisée. Pour les pertes cuivre par exemple,
on introduit typiquement une résistance série dans chaque enroulement comme à la Figure III-9.
On s'aperçoit facilement que cette solution n'est que partielle puisqu'elle introduit n variables alors
que le système, en présence d'effets quasi-statiques, est caractérisé par n(n +1)/2 coefficients de
résistance. Dans ce cas, il n'y a évidemment pas moyen d'identifier terme à terme de manière
rigoureuse les pertes totales du système (X.3-4) avec celles du schéma équivalent, qui valent:
PJ ,tot = Rs1i12 + Rs' 2 i ' 22 = ( Rs1 + Rs 2 )i12
X.3 - Eléments constitutifs: Phénomènes dissipatifs
(X.3-5)
III - 349
Rs1
Lf1
Lf2'
Rs2'
η12
p
Lm
p
Rfe
Figure III-9: Schéma classique complété pour tenir compte des effets dissipatifs
La variation en fonction de la fréquence des pertes cuivre et de l'inductance de fuite, lorsqu'on en
tient compte, est généralement modélisée en remplaçant chaque impédance série par une "échelle"
composée de résistances et d'inductances [137][143][176][178], selon une technique qui sera détaillée
dans le prochain chapitre.
Pertes fer
Les pertes fer sont quant à elles le plus souvent modélisées par une simple résistance en parallèle
sur l'inductance de magnétisation. La dépendance en fréquence (en f pour les pertes par hystérèse
et en f 2 pour les pertes par courants de Foucault) n'est généralement pas modélisée, sauf par
exemple par Shellmanns [178], qui propose un réseau d'impédances légèrement plus évolué que la
classique paire R-L parallèle (voir §XIII.3.2).
Le recours à des modélisations plus poussées n'a lieu que lorsqu'on désire tenir compte de la nonlinéarité de la ferrite. Il faut alors coupler le schéma équivalent à un modèle du matériau
magnétique. De tels modèles, dont le plus connu est probablement celui de Jiles-Atherton, tentent
de reproduire mathématiquement les cycles d'hystérèse majeurs et mineurs qui caractérisent le
matériau. On entre là dans un domaine fort complexe traitant notamment de l'origine des pertes
dans les matériaux magnétiques, un problème qui n'est pas encore entièrement résolu. Des efforts
de recherche intensifs sont menés dans cette voie, en premier lieu par les fabricants de noyaux euxmêmes. Ce point, que nous ne développerons pas, a déjà été évoqué au §I.2.3.
X.3.3 Conclusion
En ce qui concerne les pertes cuivre, l'approche matricielle fait apparaître, en présence d'effets
quasi-statiques, les notions quelque peu inhabituelles de résistance propre et de résistance mutuelle,
analogues dissipatifs des coefficients d'inductance. Celles-ci peuvent être introduites dans un
schéma de type "matriciel" en ajoutant simplement une résistance à chaque inductance déjà
présente. Dans cette formulation, les pertes fer par courants de Foucault sont naturellement prises
en compte, la ferrite étant considérée comme un matériau conducteur supplémentaire.
L'approche retenue dans le schéma classique est nettement moins rigoureuse puisqu'elle consiste à
introduire en série avec chaque inductance de fuite une résistance modélisant les pertes cuivre et en
X.3 - Eléments constitutifs: Phénomènes dissipatifs
III - 350
parallèle sur l'inductance de magnétisation une résistance représentant les pertes fer. Cette solution
n'est forcément qu'une approximation puisqu'elle introduit trop peu de variables pour représenter
tous les coefficients de résistance.
X.3 - Eléments constitutifs: Phénomènes dissipatifs
III - 351
X.4 Phénomènes électrostatiques
Les enroulements n'étant rien d'autre que des conducteurs proches portés à des potentiels
différents, ils introduisent des effets capacitifs dont les principales manifestations sont des
résonances avec les inductances du transformateur ou du convertisseur. Le schéma équivalent doit
en tenir compte notamment pour l'étude des alimentations résonantes et de la compatibilité
électromagnétique.
X.4.1 Approche matricielle
Comme précédemment pour les inductances et les résistances, la démarche la plus rigoureuse
consiste à identifier les capacités d'un transformateur que nous supposerons d'abord à deux
enroulements. L'effet physique auquel nous nous intéressons ici est de nature purement
électrostatique: il concerne uniquement la répartition du champ électrique et du potentiel électrique
dans le transformateur. En simulation, on l'étudie au moyen de simulations différentes de celles
utilisées pour les effets magnétiques (voir §V.2.2).
La difficulté principale apparaissant en électrostatique est une multiplication des variables du
problème. En effet, si du point de vue magnétique ou dissipatif l'état d'un transformateur à deux
enroulements est décrit par deux courants, trois variables sont nécessaires pour les effets capacitifs:
la différence de tension sur chacun des deux enroulements mais aussi la différence de tension entre
ceux-ci, qui est également une variable du problème à part entière.
v1
i1
i2
v2
n=2
i3
v3
Figure III-10: En électrostatique, un transformateur
à deux enroulements est un 3-ports
Comme on le voit sur la Figure III-10, on peut donc considérer que le système n'est plus
caractérisé par deux enroulements mais plutôt, en supposant une des bornes au potentiel de
référence, par trois terminaisons. En conséquence, il sera décrit par les équations électrostatiques:
dv3
dv1
dv 2
⎧
⎪i1 = C11 dt + C12 dt + C13 dt
⎪
dv
dv1
dv
⎪
+ C 22 2 + C 23 3
⎨i2 = C 21
dt
dt
dt
⎪
dv3
dv 2
dv1
⎪
⎪i3 = C 31 dt + C 32 dt + C 33 dt
⎩
X.4 - Eléments constitutifs: Phénomènes électrostatiques
(X.4-1)
III - 352
Il faut donc, compte tenu de la symétrie, six coefficients de capacité ou, plus généralement, n(2n-1)
coefficients pour n enroulements.
D'un point de vue théorique ou en simulation, ces coefficients peuvent être calculés par intégration
de la densité d'énergie électrostatique sur tout le domaine par les expressions suivantes:
r r
1
C jj = 2 ∫ ε ( E j ⋅ E *j )dV
(X.4-2)
vj V
C jk =
1
2v j v k
r
∫ ε (E
V
j
r
r r
⋅ E k* + E *j ⋅ E k )dV
(X.4-3)
dans lesquelles le champ Ej est celui relevé dans une simulation où on applique le potentiel vj à la
terminaison j et un potentiel nul à toutes les autres. Les capacités sont toujours considérées comme
constantes en fonction de la fréquence.
Dénombrement des éléments de l'approche matricielle
Le bilan des coefficients nécessaires à la description des trois types d'effets (inductifs, résistifs et
capacitifs) montre au Tableau 35 qu'on arrive rapidement à un nombre fort important d'éléments.
Un transformateur à quatre enroulements, courant dans les convertisseurs de puissance, demande
en effet théoriquement 48 coefficients, dont plus de la moitié modélisent des effets capacitifs.
nbre
enroulements
2
3
4
n
Lij
3
6
10
n(n+1)/2
nbre coefficients
Rij
Cij
3
6
6
15
10
28
n(n+1)/2
n(2n-1)
Total
12
27
48
3n2
Tableau 35: Coefficients nécessaires à la description d'un système de n enroulements
Outre le fait de devoir résoudre en simulation un système comptant autant de coefficients pour le
transformateur seul, rappelons qu'il faut également mesurer ou estimer ces coefficients d'une
manière ou d'une autre. On comprend mieux dès lors l'intérêt du schéma équivalent classique qui,
bien que contenant certaines approximations, est plus facile à manipuler et à interpréter qu'un
système complet comme on va le voir ci-dessous.
X.4.2 Schéma classique
Les articles traitant de l'introduction des effets capacitifs dans le schéma classique sont assez
nombreux. Compte tenu du nombre élevé de coefficients de capacité, on ne s'étonnera pas de n'y
rencontrer quasiment que des schémas à deux enroulements.
X.4 - Eléments constitutifs: Phénomènes électrostatiques
III - 353
La solution classiquement rencontrée pour tenir compte de manière exhaustive des effets capacitifs
consiste effectivement à introduire six capacités dans le schéma. Une des manières de le faire est
illustré à la Figure III-11 [160]. Il est possible d'établir une équivalence entre les capacités de ce
schéma et les six coefficients de capacité du système (X.4-1). Cette manière de procéder, qui
correspond en fait à une approche matricielle greffée sur le schéma classique, implique l'apparition
de capacités négatives.
schéma
classique
inductif et
résistif
Figure III-11: Schéma classique complété par six capacités
Compte tenu de la lourdeur de ce schéma, surtout gênante au moment d'identifier ses éléments, la
plupart des modèles sont simplifiés pour ne plus contenir que quatre, trois, deux, voire une seule
capacité [25][28][40][88][146][180]. On jugera ces simplifications acceptables ou non en fonction du
degré de précision qu'on désire obtenir dans la modélisation, un aspect que nous aurons l'occasion
de discuter dans les deux chapitres suivants. A l'inverse de ces simplifications, on relève un modèle
à dix capacités chez Prieto lorsqu'il considère les quatre terminaisons flottantes par rapport à la
référence [160].
X.4.3 Limitation des effets capacitifs
Outre les références citées ci-dessus, qui présentent des modélisations plus ou moins étendues des
effets capacitifs, plusieurs articles s'attachent à l'analyse de ces effets en vue de les minimiser.
Différentes stratégies de bobinage sont étudiées, notament au moyen de simulations par éléments
finis, ainsi que la manière de connecter le transformateur dans le convertisseur. On trouvera
davantage d'informations dans les références [12], [106], [155] et [156].
X.4.4 Conclusion
Pour l'étude des effets inductifs et dissipatifs, nous avons logiquement considéré qu'un
transformateur comporte autant de ports que d'enroulements. Du point de vue électrostatique, ce
n'est plus vrai puisque les différences de tension entre les enroulements font également partie du
problème. On est donc amené à considérer n-1 ports supplémentaires, ce qui augmente
considérablement le nombre de coefficients à prendre en compte.
X.4 - Eléments constitutifs: Phénomènes électrostatiques
III - 354
Si du point de vue capacitif on peut compléter le schéma classique de manière matricielle (ajoutant
six capacités –dont certaines négatives– pour deux enroulements), on se limite plus couramment à
un nombre restreint de capacités bien choisies. On introduit inévitablement de ce fait des
approximations, dont la validité dépend de l'application concernée. Nous aurons l'occasion de
montrer des exemples extrêmes de cette démarche dans les deux chapitres suivants puisque ceux-ci
présentent respectivement des schémas à une et à six capacités.
X.4 - Eléments constitutifs: Phénomènes électrostatiques
III - 355
X.5 Conclusion
Au début de ce chapitre, nous avons rappelé qu'un schéma équivalent se caractérise tout autant par
sa structure et les éléments qui le composent que par son domaine de validité, les hypothèses sur
lequel il s'appuie, ou la méthode d'identification choisie. Compte tenu des spécificités des
transformateurs utilisés dans les convertisseurs de puissance, nous avons identifié trois critères
principaux dans la recherche d'un schéma équivalent: il doit être capable de modéliser des
transformateurs à plus de deux enroulements, il doit tenir compte de la variation en fréquence des
impédances (due aux effets quasi-statiques et aux résonances) et il peut être linéaire.
Nous avons ensuite envisagé successivement les trois types d'effets à modéliser –magnétiques,
dissipatifs et capacitifs– selon deux approches complémentaires. L'approche que nous avons
appelée "matricielle" consiste, selon diverses méthodes, à transposer les équations de départ du nports en un schéma où aucun enroulement n'est privilégié. Elle mène à des schémas symétriques
dont l'interprétation est peu aisée et qui contiennent notamment des éléments de valeur négative.
Pour tenir compte des trois types d'effets, un schéma matriciel complet doit comporter 3n2
éléments.
Compte tenu de la lourdeur d'un tel modèle, la seconde approche, celle du schéma classique, tente
de limiter la multiplication des éléments tout en leur gardant autant que possible un sens physique,
ce qui s'avère finalement assez relatif. La démarche, plus empirique, consiste alors à adjoindre à un
transformateur parfait les éléments nécessaires à la modélisation des imperfections du
transformateur.
En ce qui concerne les phénomènes magnétiques, les deux approches se rejoignent. Des
différences apparaissent plus nettement pour les effets dissipatifs et électrostatiques. L'approche
classique donne alors des schémas moins rigoureux mais souvent plus faciles à manipuler. En
pratique, les deux approches se complètent pour donner des schémas plus ou moins complexes en
fonction des approximations qu'on s'autorise.
Ayant de cette manière passé en revue les méthodes usuelles pour élaborer un schéma équivalent,
nous détaillons dans les chapitres XI et XII deux schémas particuliers, le schéma CCS et le schéma
LEG, qui nous apparaissent comme les meilleurs candidats pour modéliser les transformateurs de
puissance. Nous en analysons l'élaboration ainsi que le domaine d'application, de même que la
validité pratique pour le schéma CCS que nous avons appliqué à un transformateur multisorties
réel. D'autres schémas seront encore brièvement examinés dans le chapitre XIII.
X.5 - Eléments constitutifs: Conclusion
III - 356
XI. Schéma CCS
On trouve assez peu de schémas multisorties dans la littérature. Parmi ceux-ci, le schéma "CCS",
pour "Coupled Choke Secondaries" ou "secondaires à inductances couplées", a été développé par
Niemela, Owen et Wilson (Virginia Power Electronics Center). Ce schéma, qu'on peut voir
comme une extension du schéma équivalent classique, est présenté dans une série de trois articles
introduisant successivement:
- un schéma multisorties de base comportant uniquement des éléments série et valable à
une seule fréquence [142],
- ce même schéma, modifié pour tenir compte de la variation en fréquence des
résistances et des inductances de fuite [143],
- et enfin un schéma complet comprenant en plus du précédent des éléments parallèles
modélisant l'inductance de magnétisation, les pertes fer et partiellement les capacités
parasites [146].
Ces développements sont présentés successivement dans les trois premiers points du chapitre. Les
deux points suivants (§XI.4 et §XI.5) exposent comment nous avons validé le schéma dans Excel
et l'avons ensuite mis en œuvre dans une application Delphi. L'exemple d'un transformateur réel
multisorties permet de cerner plus précisément les possibilités et limitations de ce schéma.
Plan du chapitre
XI.1 Schéma CCS de base ............................................................................................... 358
XI.2 Modélisation des effets quasi-statiques................................................................. 363
XI.3 Schéma CCS complet.............................................................................................. 370
XI.4 Validation du schéma sur tableur .......................................................................... 378
XI.5 Mise en œuvre dans une application Delphi........................................................ 389
XI.6 Conclusion................................................................................................................ 395
XI - Schéma CCS
III - 357
XI.1 Schéma CCS de base
Nous présentons d'abord la version la plus simple du schéma CCS, décrite dans [142]: un schéma
multisorties modélisant essentiellement les couplages entre les différents secondaires. Le schéma
ne comporte que des éléments série et est valable à une seule fréquence. L'identification des
éléments se fait sur base de mesures d'impédance en court-circuit.
XI.1.1 Schéma de base
L'idée de départ est de développer un schéma multisorties tenant compte de l'ensemble des
couplages entre enroulements. La modélisation des couplages entre les différents secondaires est
particulièrement importante car ceux-ci ont tendance à répercuter sur toutes les sorties les
variations individuelles des charges du transformateur (un phénomène connu sous le nom de
"cross-effect"). L'approche choisie, dont on trouve l'origine chez Rosa [170], est celle du schéma
équivalent classique basé sur un transformateur parfait. Pour illustrer les équations, développées
pour tout n, nous utilisons le cas particulier d'un transformateur à quatre enroulements.
Schéma équivalent
Le point de départ du schéma est un coupleur à quatre enroulements, représenté à la Figure III-12.
A ce stade, le schéma comprend trois degrés de liberté: les trois rapports de couplage.
i1
v1
i2
η12
p
p
η13
p
η14
p
v2
i3
v3
i4
v4
Figure III-12: Le coupleur multiple, point de départ du schéma CCS
Le but du schéma CCS de base est de modéliser la non-idéalité des couplages ainsi que les effets
dissipatifs entre secondaires uniquement. On considère pour cela que ceux-ci forment entre eux un
système de n-1 (et non n) enroulements couplés. Ce système est donc décrit par une matrice de n(n1)/2 coefficients complexes prenant en compte les effets propres et mutuels existant entre les
secondaires.
XI.1 - Schéma CCS: Schéma CCS de base
III - 358
Les auteurs font par contre explicitement l'hypothèse que le courant magnétisant est nul.
L'inductance de magnétisation étant absente du schéma, celui-ci ne comporte donc, outre le
coupleur, que des éléments série. Cette hypothèse, qui est une particularité par rapport à d'autres
schémas, revient à dire que le couplage entre le primaire et les trois secondaires considérés
globalement est parfait, c'est-à-dire que les ampères-tours du primaire se répartissent en totalité
entre les trois secondaires.
Compte tenu de ces considérations, on complète le transformateur parfait de la figure précédente
en ajoutant du côté des secondaires un schéma équivalent à mailles auxiliaires (§X.2.2) de trois
enroulements. L'ensemble obtenu forme le schéma CCS de base (Figure III-13).
vC,2
i1
v1
η12
p
i2
ZC,22
p
v23
η12v1
v24
vC,3
v2
i3
ZC,33
η13
p
v32
η13v1
v34
vC,4
v3
i4
ZC,44
η14
v32
v42
ZC,32
ZC,42
i2
p
v42
η14v1
v23
v43
ZC,23
ZC,43
i3
v43
v4
v24
v34
ZC,24
ZC,34
i4
Figure III-13: Le schéma CCS de base pour un transformateur à quatre enroulements
Equations décrivant le schéma
On peut vérifier que le schéma obtenu répond aux équations suivantes:
⎧v j = η1 j v 1 + v C , j
⎪n
⎨
⎪∑ N j i j = 0
⎩ j =1
XI.1 - Schéma CCS: Schéma CCS de base
( j = 2..n)
(XI.1-1)
(XI.1-2)
III - 359
qui sont celles d'un coupleur à n enroulements (X.2-8) dans les secondaires duquel on introduit des
chutes de tension vC,j. Celles-ci modélisent l'ensemble des effets magnétiques et dissipatifs relatifs
aux secondaires, décrits par le système matriciel:
⎧v C , 2 = Z 22 i 2 + Z 23 i 3 + Z 24 i 4
⎪
⎨v C ,3 = Z 32 i 2 + Z 33 i 3 + Z 34 i 4
⎪v = Z i + Z i + Z i
42 2
43 3
44 4
⎩ C ,4
(XI.1-3)
Dans ce système, chaque impédance comporte une partie résistive et une partie inductive:
Z jk = R jk + jωM jk
(XI.1-4)
Le système (XI.1-3) est implémenté, dans la figure précédente, par les mailles auxiliaires et les
sources commandées (§X.2.2).
Il faut attirer l'attention sur le fait que le schéma CCS ne peut modéliser un système complet à n
enroulements. Dans notre cas (n=4), un tel système est en effet décrit par 10 coefficients
complexes, alors que le schéma équivalent de la Figure III-13 ne comporte que 9 variables (6 pour
le système au secondaire + 3 coefficients de couplage). Un degré de liberté a en effet été enlevé par
l'hypothèse du courant magnétisant nul, traduite dans (XI.1-2).
Notons encore que, selon le choix des auteurs, les rapports de couplage sont égaux aux rapports
du nombre de spires entre enroulements, soit:
η jk =
Nk
Nj
(XI.1-5)
En l'absence d'inductance de magnétisation, ce choix est logique puisque la totalité des ampèrestours du primaire se répartit entre les secondaires. La répartition a donc lieu a priori en fonction du
nombre de spires de chaque enroulement. Les imperfections des couplages entre secondaires sont
par contre prises en compte dans le schéma à mailles auxiliaires.
XI.1.2 Identification des éléments du schéma
Identification aux coefficients d'impédance
Après avoir constitué le schéma, il est nécessaire d'en identifier les éléments ZC,jk. Une première
possibilité est de déduire leurs valeurs des coefficients d'impédance Zjk, disponibles par exemple
suite à une simulation par éléments finis. En introduisant dans les équations d'un système complet
à n enroulements l'hypothèse du courant magnétisant nul (XI.1-2) et en comparant le système
obtenu à (XI.1-1) et (XI.1-3), on obtient:
Z C , jk = Z jk − η1 j Z 1k − η1k Z j1 + η1 jη1k Z 11
(XI.1-6)
qui donne la solution recherchée.
XI.1 - Schéma CCS: Schéma CCS de base
III - 360
Identification sur base de mesures
L'identification des éléments se fait plus couramment sur base de mesures. Compte tenu de
l'hypothèse particulière sur le courant magnétisant, il faut évidemment uniquement considérer n(n1)/2 mesures en court-circuit. Une mesure à circuit ouvert n'aurait pas de sens puisque
l'impédance de magnétisation est supposée infinie. Nous notons Z(jk) l'impédance mesurée au port j
lorsque le port k est court-circuité, les n-2 autres ports étant laissés à circuit ouvert.
On voit facilement sur le schéma de la Figure III-13 qu'une première série de mesures, réalisées au
primaire en court-circuitant successivement chacun des secondaires, permet de déterminer les
impédances propres:
Z C , jj = η12j Z (1 j )
(XI.1-7)
Une seconde série de mesures réalisées entre paires de secondaires permet de trouver la valeur des
impédances mutuelles. On obtient après calcul l'expression [142]:
Z C , jk =
⎫⎪
η1k
1 ⎧⎪
Z ( jk ) ⎬
⎨η1 jη1k ( Z (1 j ) − Z (1k ) ) −
η1 j
2 ⎪⎩
⎪⎭
(XI.1-8)
On prend également note de la relation suivante, qui indique une symétrie dans les mesures
d'impédance en court-circuit:
⎛ η j1 ⎞
⎟⎟ Z ( jk )
Z ( kj ) = ⎜⎜
⎝ η1k ⎠
2
(XI.1-9)
On prendra garde de ne pas confondre le port court-circuité et le port d'où l'on effectue la mesure
d'impédance. Si on inverse ceux-ci, la relation montre en effet qu'on obtient une valeur
d'impédance multipliée par le carré du rapport de couplage (voir aussi §XI.4.6).
XI.1.3 Conclusion
Le schéma présenté ci-dessus résulte d'un mélange entre un schéma équivalent classique (couplage
primaire/secondaires) et une approche matricielle (couplages entre secondaires). Au lieu de
considérer tous les enroulements comme étant équivalents, une dissymétrie est introduite: le
couplage primaire/secondaires est considéré comme "parfait" (hypothèse d'un courant
magnétisant nul) alors qu'on modélise la non-idéalité des couplages entre secondaires. On obtient
de ce fait un schéma plus lisible que s'il était purement matriciel. Compte tenu de la représentation
des impédances au secondaire, on ne peut exclure dans celles-ci l'apparition de valeurs négatives.
Le schéma CCS de base constitue une solution évidemment incomplète puisque nombre d'effets
ne sont pas pris en compte. C'est cependant un point de départ très intéressant puisqu'il offre
l'avantage de dépasser le stade du transformateur à deux enroulements. L'identification des
éléments est assez simple, autant sur base des coefficients d'inductance que sur base de mesures en
court-circuit.
XI.1 - Schéma CCS: Schéma CCS de base
III - 361
Commentaire [U70] : Les
auteurs indiquent que l'absence
d'inductance de fuite au primaire ne
doit pas étonner car celle-ci est
reportée aux secondaires. (cogiter:
demande de réfléchir à la répartition
del'inductance de fuite entre trois
enroulements/une ou plusieurs
inductances de fuite?)
Le schéma n'est valable qu'à une seule fréquence. Pour lever cette limitation, les auteurs ont
développé un schéma modélisant directement la variation des impédances en fonction de la
fréquence. Le point suivant explique les modifications à apporter pour tenir compte des effets
quasi-statiques.
XI.1 - Schéma CCS: Schéma CCS de base
III - 362
XI.2 Modélisation des effets quasi-statiques
Comme expliqué dans la seconde partie, les effets quasi-statiques se manifestent par une variation
de la résistance et de l'inductance des enroulements en fonction de la fréquence. Pour en tenir
compte, les auteurs proposent d'introduire des "échelles" d'impédance, menant à un schéma appelé
"FIE-CCS" ("Frequency-Independent-Element Cross-Coupled-Secondaries") [143]. La difficulté principale
réside alors dans le fait d'identifier les éléments constituant les échelles, sur base de mesures
réalisées sur une certaine gamme de fréquence. Mis à part cette modification, les hypothèses du
schéma CCS de base restent d'application.
XI.2.1 Impédance variable en fréquence
Impédance en échelle
Pour tenir compte de la variation en fréquence des impédances série, une approche assez classique
[137][176][178] et finalement fort simple est proposée: elle consiste à remplacer chaque paire R-L du
schéma de base (Figure III-13) par une échelle d'impédances comme à la Figure III-14. Cette
opération concerne toutes les impédances ZC,jk, c'est-à-dire autant les impédances propres des
mailles principales que les mutuelles des mailles auxiliaires. Par convention, nous considérons que
le nombre d'échelons U est le nombre total de paires R-L dans l'échelle: la paire R1-L1 série
compte donc pour un échelon.
Rs
R1
Ls
L2
LU
R2
RU
L1
Figure III-14: Modélisation d'une impédance variable en fréquence par une échelle
L'impédance d'un tel réseau en fonction de la fréquence vaut:
U
ω 2 Rq L2q + jωRq2 Lq
q=2
Rq2 + ω 2 Lq
Z eq (ω ) = R1 + jωL1 + ∑
2
(XI.2-1)
Cette fonction comporte des pôles aux fréquences fqP (q variant de 1 à U):
f qP =
XI.2 - Schéma CCS: Modélisation des effets quasi-statiques
Rq
2πLq
(XI.2-2)
III - 363
Elle peut être décomposée en une partie résistive et une partie inductive comme suit:
[
]
q=2
Leq ( f ) =
1
ω
Rq
U
Req ( f ) = ℜe Z eq ( f ) = R1 + ∑
[
]
⎛ f qP ⎞
⎟
1+ ⎜
⎜ f ⎟
⎠
⎝
Lq
U
ℑm Z eq ( f ) = L1 + ∑
q=2
(XI.2-3)
2
⎛ f ⎞
1+ ⎜ P ⎟
⎜f ⎟
⎝ q ⎠
2
(XI.2-4)
100
Req (ohm)
RS3
RS2
10
1
RS1
0,1
1,E+03
1,E+04
1,E+05
1,E+06
1,E+07
1,E+08
f (Hz)
1,2E-05
LS1
Leq (H)
1,0E-05
8,0E-06
LS2
6,0E-06
LS3
4,0E-06
2,0E-06
1,E+03
1,E+04
1,E+05
1,E+06
1,E+07
1,E+08
f (Hz)
Figure III-15: Courbes typiques d'impédance d'une échelle (U=3)
La Figure III-15 montre l'allure typique des courbes de résistance et d'inductance équivalentes,
obtenues ici pour trois échelons suivant un exemple tiré de [143]. Dans cette figure, on peut
identifier des paliers horizontaux (en trait interrompu) correspondant aux valeurs particulières:
XI.2 - Schéma CCS: Modélisation des effets quasi-statiques
III - 364
i
RSi = ∑ Rq
(1 ≤ i ≤ U )
(XI.2-5)
q =1
LSi = L1 +
U
∑L
q =i +1
q
(1 ≤ i ≤ U )
(XI.2-6)
En basse fréquence, la courbe de résistance vaut R1 (=RS1). Au fur et à mesure que la fréquence
augmente, les résistances R2 à RU s'ajoutent successivement, pour arriver finalement à un palier
valant la somme des résistances R1 à RU, soit RSU.
A l'inverse, l'inductance équivalente vaut en basse fréquence la somme des inductances L1 à LU
(soit LS1). Au fur et à mesure que la fréquence augmente, les inductances L2 à LU se retranchent
pour rejoindre un palier de valeur L1 (voir également Figure III-17, p. 368). Les variations
obtenues sont donc bien celles correspondant naturellement aux effets quasi-statiques:
augmentation de la résistance et diminution de l'inductance.
Identification des éléments de l'échelle
Dans le schéma de base valable à une seule fréquence, il suffit, pour trouver la valeur des éléments
ZC,jk, d'identifier les résistances et inductances aux valeurs correspondantes déduites des mesures
sur le transformateur réel.
Grâce aux échelles, on dispose cette fois de plus de degrés de liberté puisque les impédances ZC,jk
sont rendues variables en fréquence. Notons Zmes,jk(f) les courbes d'impédance du transformateur
réel auxquelles il faut les identifier. Conformément à (XI.1-7) et (XI.1-8), ces courbes sont déduites
des mesures d'impédance en court-circuit Z(jk)(f), réalisées en un nombre fini de points répartis sur
la gamme de fréquence. L'identification pose essentiellement deux problèmes:
- le choix de la gamme de fréquence du modèle (notée fInf à fSup),
- pour chaque impédance, le choix des valeurs Rq et Lq des éléments de l'échelle faisant
le mieux correspondre l'impédance de celle-ci (Zeq(f)) à la mesure (Zmes(f)).
Concernant le premier point, les auteurs insistent sur le fait que le modèle n'est destiné qu'à
reproduire les effets quasi-statiques, de sorte que la gamme de fréquence est de toute façon
relativement limitée. Si on élargit trop celle-ci, on risque de rencontrer dans le transformateur réel
des effets non modélisés, dus à l'inductance de magnétisation pour les fréquences inférieures et aux
capacités parasites des enroulements pour les fréquences supérieures. Ces éléments seront par
contre intégrés dans le modèle CCS au chapitre suivant. La courbe Zmes(f) représente d'ailleurs une
mesure de "l'impédance de fuite" (limitée aux éléments série) plutôt que de l'impédance en courtcircuit (voir §XI.3.4).
En se limitant donc aux effets quasi-statiques, on peut voir sur la Figure III-15 que l'impédance de
l'échelle est constante aux deux extrémités de la gamme de fréquence. Pour la limite fInf, qu'on
choisira généralement dans le domaine statique, ce comportement est bien celui du transformateur
XI.2 - Schéma CCS: Modélisation des effets quasi-statiques
III - 365
réel, à l'inverse de la fréquence supérieure comme on le verra ci-dessous. En fonction de la largeur
de la gamme de fréquence comprise entre ces deux limites, il convient de choisir un nombre
d'échelons suffisant pour modéliser la variation des impédances avec la précision voulue. Mais il
faut d'autre part éviter de multiplier les échelons sous peine d'alourdir très rapidement le modèle.
En pratique, on ne dépasse pas trois à quatre échelons pour les transformateurs multisorties,
correspondant typiquement à une gamme de fréquence de deux à trois décades.
En ce qui concerne le choix des éléments eux-mêmes, on constate une particularité: chaque
expression Req(f) (XI.2-3) et Leq(f) (XI.2-4) dépend de l'ensemble complet des valeurs Rq et Lq. Il
est donc impossible d'identifier séparément les éléments résistifs et inductifs de l'échelle: on doit
plutôt recourir à une méthode d'identification simultanée de tous les éléments. Deux méthodes
différentes sont proposées suivant que l'échelle comporte deux échelons ou plus.
XI.2.2 Première méthode d'identification (deux échelons)
Lorsque l'échelle ne compte que deux échelons (U=2), l'identification est fort simple (Figure III16):
- en basse fréquence, il suffit d'identifier les paliers de résistance et d'inductance avec
ceux de la courbe mesurée. Compte tenu des relations (XI.2-5) et (XI.2-6), on a:
RS 1 = R1 = Rmes ( f Inf )
LS1 = L1 + L2 = Lmes ( f Inf )
-
(XI.2-8)
à l'autre extrémité de l'intervalle, on identifie de la même manière l'inductance de
l'échelle avec celle de la courbe mesurée, qui varie lentement:
LS 2 = L2 = Lmes ( f Sup )
-
(XI.2-7)
(XI.2-9)
par contre faire de même pour la résistance n'aurait pas beaucoup de sens puisque la
résistance de l'échelle atteint un palier mais que la résistance mesurée suit une
asymptote oblique (voir par exemple Figure II-13, p. 59). On préfère donc faire
correspondre les deux courbes environ au milieu de l'intervalle, à une fréquence fmid
prise dans la zone du graphe où la pente est la plus élevée. Le calcul de la résistance
équivalente de l'échelle à une telle fréquence mène à la formule:
R2 =
2 ⎤
⎡
(2πf mid L2 ) 2
⎢1 + 1 − 4⎛⎜ Rmes ( f mid ) − R1 ⎞⎟ ⎥
⎜ 2πf L
⎟ ⎥
2(Rmes ( f mid ) − R1 ) ⎢
mid 2
⎝
⎠ ⎦
⎣
(XI.2-10)
La méthode d'identification se résume donc aux équations (XI.2-7) à (XI.2-10).
XI.2 - Schéma CCS: Modélisation des effets quasi-statiques
III - 366
R
L
Rmes
LS1=L1+L2
Req
R1
Lmes
Leq
L1
f
fmid
f
Figure III-16: Identification des éléments d'une échelle à deux échelons ("match-point curve fitting")
Le fait de faire correspondre les deux courbes de résistance en un point particulier de la gamme de
fréquence a donné son nom à cette méthode pour deux échelons: "match point curve fitting". Les
auteurs recommandent de choisir la fréquence fmid au point où le facteur FR vaut deux65.
Toujours d'après [143], un modèle utilisant une échelle de ce type pour chacune des impédances
ZC,jk permet généralement de prendre en compte les premières harmoniques des formes d'ondes.
Elle est cependant trop limitée si on désire un calcul des pertes en présence d'ondes carrées, qui
demande la prise en compte de beaucoup plus d'harmoniques.
XI.2.3 Seconde méthode d'identification (deux échelons et plus)
Lorsque l'échelle compte plus de deux échelons, une méthode alternative est proposée, basée
essentiellement sur l'identification de l'inductance ("inductance based curve fitting"). La première étape
consiste à identifier les valeurs de l'impédance en basse fréquence, comme dans la méthode
précédente. L'équation (XI.2-7) pour la résistance reste valable tandis que (XI.2-8) devient:
U
LS1 = ∑ Lq = Lmes ( f Inf )
q =1
(XI.2-11)
La deuxième étape consiste à choisir les fréquences des pôles de la courbe Zeq(f), qui interviennent
dans le calcul des résistance Rq:
- la valeur de R1 étant déjà fixée, on passe directement au deuxième pôle, qu'on place à la
fréquence fV corrrespondant au point d'inflexion de la courbe d'inductance:
f 2P = f V
(XI.2-12)
65 L'article original parle d'une fréquence où K vaut deux. Or K est la notation classique pour un autre facteur,
R
R
introduit par Carsten et valant FR/X (voir §I.3.4 et §III.2.2). Nous supposons cependant qu'il s'agit bien du facteur FR
puisque l'article parle simultanément du rapport RAC/RDC.
XI.2 - Schéma CCS: Modélisation des effets quasi-statiques
III - 367
-
puis on place les pôles suivants à égale distance sur l'axe des fréquences, selon un
facteur IP représentant un nombre de décades typiquement compris entre 1,2 et 2
Figure III-17):
f qP = f qP−1 .10
(3 ≤ q ≤ U )
Ip
(XI.2-13)
Dans la troisième étape, en vue d'identifier l'inductance entre deux pôles successifs, on détermine
des fréquences intermédiaires fqLS par un décalage OLS (valeur proposée: 0,63IP) à partir des
fréquences des pôles:
f qLS = f qP .10 OLS
(2 ≤ q ≤ U )
(XI.2-14)
Enfin on réalise l'identification proprement dite, sur base des valeurs mesurées de l'inductance aux
fréquences fqLS d'une part, et sur base des fréquences des pôles fqP pour la résistance d'autre part:
⎧ L1 = Lmes ( f ULS )
⎪
LS
⎨ L2 = LS1 − Lmes ( f 2 )
⎪
LS
LS
⎩ Lq = Lmes ( f q −1 ) − Lmes ( f q ) (3 ≤ q ≤ U )
(XI.2-15)
⎧⎪ R1 = Rmes ( f Inf )
⎨
P
(2 ≤ q ≤ U )
⎪⎩ Rq = 2πf q Lq
(XI.2-16)
L
LS1
Lmes(f)
L2
L3
L1
0
3e étape
OLS
f2
f3
fV=f2P
LS
IP
IP
2e étape
f
OLS
LS
f 3P
f 4P
Figure III-17: Identification des éléments de l'échelle
XI.2 - Schéma CCS: Modélisation des effets quasi-statiques
III - 368
par la méthode des inductances (exemple à 3 échelons)
La Figure III-17 représente les étapes 2 et 3 de la démarche ci-dessus ainsi que l'interprétation des
valeurs Lq sur base de la courbe d'inductance mesurée. La courbe d'inductance équivalente de
l'échelle n'est pas représentée. On peut remarquer sur cet exemple à trois échelons que la gamme
de fréquence sur laquelle le modèle est valable s'étend certainement jusqu'à fU+1P (ici f4P) puisque
l'inductance du modèle est exacte à la fréquence fULS (ici f3LS).
L'article propose encore une méthode de "projection" permettant de déterminer les impédances de
fuite lorsque celles-ci sont masquées par les résonances dues aux capacités parasites.
Comme on peut le voir, la méthode d'identification pour plus de deux échelons est fort complexe
et basée sur plusieurs coefficients empiriques. Ceux-ci rendent la méthode assez difficile à mettre
en œuvre en pratique. De plus, il faut remarquer que l'identification de la résistance est fort
aléatoire puisque seule la valeur du palier basse fréquence est prise en compte. Ce point sera
développé à la fin du chapitre, lors de la mise en œuvre du schéma sur un exemple réel.
XI.2.4 Conclusion
La variation des impédances en fréquence est obtenue par un procédé assez classique: l'utilisation
de "réseaux" ou "échelles d'impédance" pour toutes les impédances du schéma. Ces échelles
reproduisent naturellement l'augmentation de la résistance et la diminution de l'inductance
caractéristiques des effets quasi-statiques. Elles ne sont par contre pas destinées à modéliser
l'influence de l'inductance de magnétisation ou des capacités parasites par exemple.
La difficulté principale consiste à déterminer la valeur des éléments constituant les échelles à partir
des courbes mesurées sur le transformateur réel. On remarque que la courbe de résistance
équivalente et celle d'inductance équivalente dépendent toutes les deux de l'ensemble des éléments
de l'échelle, ce qui rend obligatoire une identification simultanée des deux courbes.
Lorsque l'échelle comporte deux échelons, les auteurs proposent une méthode permettant une
identification aisée des deux courbes dans une gamme de fréquence limitée (environ une décade).
En présence de plus de deux échelons, une seconde méthode, basée essentiellement sur
l'identification de la courbe d'inductance, apparaît nettement plus aléatoire: d'une part elle utilise
plusieurs coefficients empiriques à ajuster, d'autre part l'identification de la résistance est très
partielle.
Compte tenu de la multiplication rapide des éléments du schéma, il convient en pratique de se
limiter à trois voire quatre échelons. En fonction du niveau de précision souhaité, on peut espérer
une gamme de fréquence de deux à trois décades.
XI.2 - Schéma CCS: Modélisation des effets quasi-statiques
III - 369
XI.3 Schéma CCS complet
En combinant les acquis des §XI.1 et §XI.2, on dispose d'un schéma modélisant les impédances de
fuite (inductances et pertes) d'un transformateur multisorties, en ce compris les variations dues aux
effets quasi-statiques. La dernière étape consiste à compléter ces éléments série par des éléments
parallèles tenant compte de l'inductance de magnétisation (supposée jusqu'ici infinie), des pertes
fer et des capacités parasites.
XI.3.1 Eléments parallèles
Trois effets supplémentaires sont ajoutés au schéma CCS de base rendu variable en fréquence.
Pour tenir compte de l'inductance de magnétisation et des pertes fer, les auteurs choisissent
l'option tout-à-fait classique consistant à ajouter un circuit R-L parallèle au primaire du
transformateur (voir §X.2.4 et §X.3.2). Ils y ajoutent encore, toujours en parallèle, une unique
capacité destinée à modéliser la capacité parasite entre les spires du primaire. Celle-ci peut être vue
comme une simplification extrême du schéma à six capacités du §X.4.2. Le circuit parallèle ainsi
formé (et constitué des trois éléments notés RmTot, LmTot et CmTot) sera ensuite distribué à
l'ensemble des enroulements (§XI.3.3).
i1
i'1
η12
p
ZC,22
p
v1
CmTot
RmTot
η12v1
LmTot
ZC,33
η13
p
η13v1
Figure III-18: Première étape de l'ajout d'éléments parallèles
Le but poursuivi en ajoutant ces trois éléments est double: étendre la gamme de fréquence d'une
part et d'autre part lever l'hypothèse du courant magnétisant nul de manière à rendre le modèle
valable pour n'importe quelle condition de charge (y compris à circuit ouvert par exemple).
XI.3.2 Identification des éléments parallèles
Les trois éléments forment un circuit R-L-C parallèle. Ils doivent être identifiés à partir de la
mesure de l'impédance à circuit ouvert du transformateur réel sur toute la gamme de fréquence,
mesure qui n'a pas encore été utilisée à ce stade. L'identification se fait donc de manière tout-à-fait
indépendante de celle des impédances série. On fait d'ailleurs explicitement l'hypothèse que les
chutes de tension sur celles-ci sont négligeables à circuit ouvert [146]. En conséquence, on mesure
XI.3 - Schéma CCS: Schéma CCS complet
III - 370
en théorie la même impédance, au carré du rapport de couplage près, quel que soit le port depuis
lequel on effectue la mesure.
Supposons donc qu'on réalise une mesure de l'impédance à circuit ouvert vue du primaire et qu'on
dispose des résultats en module et en phase sur toute la gamme de fréquence, c'est-à-dire de deux
courbes |ZOC(f)| et θOC(f). Celles-ci possèdent typiquement l'allure illustrée ci-dessous. Notre but
est de choisir les valeurs RmTot, LmTot et CmTot de manière à reproduire des courbes d'impédance
similaires.
1,E+06
|Zc| (ohm)
1,E+05
1,E+04
1,E+03
1,E+02
10
100
1000
10000
1000
10000
f (kHz)
90
Phase (deg)
60
30
0
-30
-60
-90
10
100
f (kHz)
Figure III-19: Courbes typiques de l'impédance à circuit ouvert
•
A partir des valeurs|ZOC(f)| et θOC(f), on peut calculer un équivalent R-X parallèle sur toute la
gamme de fréquence de la manière suivante:
RP ( f ) =
XP( f ) =
XI.3 - Schéma CCS: Schéma CCS complet
Z OC ( f )
cos θ OC ( f )
Z OC ( f )
sin θ OC ( f )
(XI.3-1)
(XI.3-2)
III - 371
•
La valeur maximale de RP(f) indique la fréquence de résonance à choisir pour le circuit R-L-C
de la Figure III-18. Elle fournit également la valeur de la résistance RmTot, égale à l'impédance
du circuit à cette fréquence:
RmTot = max{RP ( f )} = RP ( f res )
f res =
•
(XI.3-3)
1
Tot
2π LTot
m Cm
(XI.3-4)
En-dessous de cette fréquence fres, on sait que le circuit R-L-C est essentiellement inductif. On
peut calculer une inductance équivalente à chaque fréquence d'après:
LOC ( f ) =
Z OC ( f )
XP( f )
=
2πf
2πf sin θ OC ( f )
(XI.3-5)
A l'extrémité inférieure de la gamme de fréquence, cette courbe atteint un palier qui fournit la
valeur de l'inductance LmTot:
LTot
m = LOC ( f Inf )
•
(XI.3-6)
Similairement, on pourrait calculer une capacité équivalente pour les fréquences supérieures à
la fréquence de résonance:
C OC ( f ) =
sin θ OC ( f )
1
=−
2πf X P ( f )
2πf Z OC ( f )
(XI.3-7)
et prendre pour CmTot la valeur de cette courbe pour la fréquence la plus haute de l'intervalle.
Cependant la courbe COC(f) étant souvent perturbée par des résonances supplémentaires non
modélisées dans le schéma CCS, on préfère en pratique calculer CmTot sur base de la fréquence
de résonance déjà relevée:
C mTot =
1
(2πf res ) 2 LTot
m
(XI.3-8)
Les équations (XI.3-3), (XI.3-6) et (XI.3-8) fournissent donc un moyen d'identifier les trois
éléments du circuit R-L-C.
XI.3.3 Distribution de l'impédance parallèle
Pour arriver au schéma CCS final, les auteurs proposent une dernière opération. Celle-ci consiste à
distribuer à tous les enroulements les éléments parallèles qui viennent d'être déterminés. Il suffit
pour cela de diviser l'impédance parallèle en n circuits R-L-C (dans lesquels on multiplie les
XI.3 - Schéma CCS: Schéma CCS complet
III - 372
impédances des éléments par n puisque les circuits sont en parallèle) et de transférer un circuit à
chaque secondaire en tenant compte des rapports de couplage (Figure III-20).
i1
i'1
i'2
i2
v1
v2
Cm1
Rm1
Cm2
Lm1
Rm2
Lm2
i'3
Z(1k)
Z'(1k)
Schéma
CCS de
base
i3
v3
Cm3
Rm3
Lm3
i'4
i4
v4
Cm4
Rm4
Lm4
Figure III-20: Distribution des impédances parallèles à tous les enroulements
Chaque enroulement est donc complété d'un circuit R-L-C dont les valeurs sont calculées suivant:
⎧
⎪ L = η 2 nLTot
M
1j
⎪ mj
⎪
Tot
2
⎨ Rmj = η1 j nRM
⎪
⎪C mj = 1 C MTot
⎪⎩
η12j n
(XI.3-9)
Discussion
On peut se demander si cette dernière opération est vraiment utile. D'un point de vue théorique en
effet, elle n'est permise rigoureusement que si les chutes de tension sur les éléments série sont
négligeables, hypothèse qui est effectivement citée dans [146]. Le rectangle de la Figure III-20
devient alors un simple coupleur au travers duquel les circuits R-L-C sont mis en parallèle,
justifiant (XI.3-9). Dans cette hypothèse, la distribution n'apporte rien au schéma et multiplie
même inutilement les éléments.
Dans le cas où cette hypothèse n'est pas rigoureusement respectée, une impédance distribuée
plutôt que localisée peut par contre s'avérer intéressante. Nous avons en effet rencontré un cas
(§X.2.4) où le comportement du convertisseur était mieux reproduit en divisant l'impédance de
XI.3 - Schéma CCS: Schéma CCS complet
III - 373
fuite en plusieurs parties. La distribution résulte dans ce cas d'une approximation que nous aurons
l'occasion d'évaluer lors de la mise en œuvre du schéma dans un cas pratique.
D'autre part, on peut remarquer que l'ajout d'une impédance parallèle lève bien entendu
l'hypothèse du courant magnétisant nul, présente dans le schéma de base. Du point de vue
magnétique, on retrouve finalement un schéma classique formé d'un coupleur, d'une inductance de
magnétisation (unique mais distribuée à tous les ports) et d'inductances de fuite reportées aux
secondaires. Il conviendrait donc en théorie de remettre en cause le choix des rapports de
couplage, conformément à l'analyse de Kéradec (§X.2.4), ce que les auteurs ne font pas.
XI.3.4 Extraction des impédances de fuite
Une distinction doit être faite entre deux types d'impédance. Dans le schéma de la Figure III-20,
nous avons indiqué deux impédances Z(1k) et Z'(1k), supposées mesurées avec le secondaire k courtcircuité. La première est l'impédance de court-circuit, mesurable sur un transformateur réel depuis les
bornes de l'enroulement. La seconde est l'impédance de fuite, qui suppose un courant magnétisant
nul et à laquelle s'applique le schéma CCS de base. Cette nuance est évidemment valable quel que
soit l'enroulement depuis lequel on fait la mesure.
Ayant mesuré une impédance de court-circuit Z(jk) sur un enroulement quelconque, on peut
calculer l'impédance de fuite correspondante Z'(jk) à condition d'avoir au préalable identifié les
éléments parallèles. Il faut remarquer pour cela que la mise en court-circuit d'un enroulement k
annihile évidemment l'effet du circuit R-L-C parallèle placé sur cet enroulement. Les n-1 autres
circuits R-L-C du schéma sont par contre encore présents par l'intermédiaire du coupleur, de sorte
que l'impédance parallèle totale vue du primaire lorsqu'un secondaire est court-circuité vaut:
1 Tot
⎧
⎪ Lm ( jk ) = n − 1 Lm
⎪
1
⎪
RmTot
⎨ Rm ( jk ) =
−
1
n
⎪
⎪C m ( jk ) = (n − 1)C mTot
⎪
⎩
(XI.3-10)
Si on dispose de l'impédance en court-circuit sous la forme des courbes |Z(jk)| et θ(jk), un calcul en
admittances montre qu'on peut obtenir l'impédance de fuite correspondante par [146]:
Z (' jk ) =
G(' jk ) − jB(' jk )
(G ) + (B )
2
'
( jk )
2
'
( jk )
(XI.3-11)
avec les expressions:
G(' jk ) =
XI.3 - Schéma CCS: Schéma CCS complet
cosθ ( jk )
Z ( jk )
−
1
Rm ( jk )
(XI.3-12)
III - 374
Commentaire [U71] : Par
contre pour la symétrie, ça ne se
justifie pas ou alors avec une
impédance K fois trop importante
B(' jk ) = −
sin θ ( jk )
+
Z ( jk )
1
− ωC m ( jk )
ωLm ( jk )
(XI.3-13)
XI.3.5 Récapitulatif
Schéma final et dénombrement des éléments
La Figure III-21 montre le schéma final obtenu en combinant les apports des trois articles [142],
[143] et [146]. On y voit le coupleur parfait et les impédances série variables en fréquence (dont les
mutuelles entre secondaires), ainsi que les éléments parallèles. Tel que représenté, ce schéma peut
être directement implémenté dans un simulateur de circuit puisqu'il utilise des sources
commandées. (On se souviendra cependant de la dissymétrie que celles-ci peuvent introduire dans
le schéma, voir §X.2.1).
i1
i'1
η12i'2
v1
Cm1 Lm1
η13i'3
η14i'4
Rm1
i'2
i2
ZC,22
η12v1
v23
v24
Cm2 Lm2
Rm2
i'3
v2
i3
ZC,33
η13v1
v32
v34
Cm3 Lm3
Rm3
i'4
v3
i4
ZC,44
η14v1
v42
v43
Cm4 Lm4
v32
v42
ZC,32
ZC,42
i'2
v23
v43
ZC,23
ZC,43
i'3
où
ZC
=
Rm4
v4
v24
v34
ZC,24
ZC,34
i'4
R1
L2
LU
R2
RU
L1
Figure III-21: Schéma CCS complet pour un transformateur à quatre enroulements
XI.3 - Schéma CCS: Schéma CCS complet
III - 375
Les Tableaux 36 et 37 permettent de calculer le nombre d'éléments du schéma complet en
fonction du nombre d'enroulements du transformateur et du nombre d'échelons de chaque
impédance ZC, à déterminer lui-même suivant la gamme de fréquence et la précision demandées.
On y voit qu'on atteint rapidement une cinquantaine d'éléments –voire bien davantage– pour
modéliser le transformateur seul.
éléments modélisés
implémentation
n-1 sources de courant
transformateur parfait
n-1 sources de tension
n-1 sources de courant
couplages entre
(n-1)(n-2) sources de tension
secondaires
(n -1)2 impédances ZC
éléments parallèles
n circuits R-L-C
2
Total: n +3 n -1+2U(n -1) 2 éléments
nbre éléments
n -1
n -1
n -1
(n -1)(n -2)
2U.(n -1)2
3n
Tableau 36: Dénombrement des éléments du schéma CCS complet
(n: nombre d'enroulements du transformateur, U: nombre d'échelons dans chaque impédance ZC)
nbre
enroulements
n=2
n=3
n=4
n=5
nbre échelons (impédances ZC)
U=1
U=2
U=3
U=4
11
13
15
17
25
33
41
49
45
63
81
99
71
103
135
167
Tableau 37: Nombre d'éléments du schéma CCS complet
Identification des éléments
En résumé, pour identifier les éléments du schéma complet à partir de mesures, la procédure à
suivre est la suivante:
- calculer les rapports de couplage du transformateur parfait à partir du nombre de spires
des enroulements,
- choisir une gamme de fréquence sur laquelle effectuer les mesures,
- mesurer l'impédance à circuit ouvert, identifier le circuit R-L-C parallèle correspondant
(§XI.3.2) et le distribuer à tous les enroulements (§XI.3.3),
- mesurer n(n-1)/2 impédances de court-circuit et calculer les impédances de fuite qui s'y
rapportent en soustrayant l'influence des éléments parallèles (§XI.3.4),
- identifier les impédance ZC,jk propres et mutuelles sur base des méthodes proposées
aux §XI.2.2 et §XI.2.3.
XI.3 - Schéma CCS: Schéma CCS complet
III - 376
XI.3.6 Conclusion
Lors de cette troisième et dernière étape, des éléments parallèles sont ajoutés au schéma de base,
rendu éventuellement variable en fréquence. Ces éléments, à savoir un circuit R-L-C parallèle
distribué à tous les enroulements, modélisent l'inductance de magnétisation, les pertes fer et de
manière très partielle les effets capacitifs.
L'identification de ces éléments se fait sur base d'une mesure à circuit ouvert, selon une méthode
classique. Réalisée comme première étape de l'identification du schéma, la détermination des
éléments parallèles permet ensuite d'extraire, à partir des mesures en court-circuit, les impédances
de fuite à identifier aux impédances série du schéma de base suivant les méthodes exposées au
début du chapitre (§XI.1 et §XI.2).
Du point de vue magnétique, le schéma est maintenant complet puisqu'il compte suffisamment
d'éléments pour caractériser un système de n enroulements. Ces degrés de liberté sont cependant
relativement mal exploités puisque les rapports de couplages sont pris égaux aux rapports du
nombre de spires entre enroulements. Il aurait peut-être été préférable de les inclure dans les
valeurs à identifier. L'élaboration du schéma au départ de l'hypothèse d'un courant magnétisant nul
transparaît dans le fait que toutes les inductances de fuite sont reportées au secondaire.
La distribution de l'impédance parallèle ne nous apparaît pas forcément une opération heureuse:
elle multiplie les éléments du schéma sans ajouter de degrés de liberté. Dans l'hypothèse où les
chutes de tension sur les éléments série sont négligeables (hypothèse nécessaire pour justifier la
distribution), le bénéfice de cette opération n'est pas évident, bien qu'une impédance distribuée
puisse parfois en pratique donner de meilleurs résultats qu'une impédance unique. Ce point sera
approfondi lors de l'application à un transformateur réel.
Du point de vue dissipatif, le schéma est également complet et n'appelle pas de commentaire
particulier. Comme dans d'autres schémas, la résistance parallèle (pertes fer) ne dépend pas de la
fréquence, au contraire des résistances série (pertes cuivre).
Enfin du point de vue électrostatique, le schéma est très limité puisqu'il ne compte qu'une seule
capacité (distribuée à tous les ports) quel que soit le nombre d'enroulements. Celle-ci est identifiée
sur base de la mesure à circuit ouvert.
On dispose donc finalement d'un schéma qui répond aux critères fixés au départ: il est linéaire,
convient à un nombre quelconque d'enroulements et modélise dans certaines limites la variation en
fréquence des impédances. Dans le point suivant, ce schéma CCS complet est appliqué à un
transformateur réel.
XI.3 - Schéma CCS: Schéma CCS complet
III - 377
XI.4 Validation du schéma sur tableur
Pour tester la validité du schéma CCS, nous l'implémentons d'abord, dans sa version la plus
complète, dans le tableur Excel. Par ce moyen, nous extrayons le schéma équivalent d'un
transformateur réel à quatre enroulements. Cette validation est l'occasion d'apporter une
amélioration au modèle original quant à l'identification des paramètres.
XI.4.1 Transformateur de test
Transformateur utilisé
La validité du schéma CCS complet est testée au moyen d'un transformateur utilisé dans une
alimentation 200W multisorties fabriquée par I.T.S. Mitra66. Celui-ci est basé sur un noyau
EE42/42/20 en ferrite 3F3 et est destiné à fonctionner à une fréquence de base de 100kHz.
En toute rigueur, ce transformateur comporte en fait onze enroulements différents et deux écrans,
ce qui donne une idée de la complexité des pièces magnétiques réelles. On se contentera cependant
de considérer quatre enroulements principaux indiqués dans le tableau ci-dessous. On néglige de
ce fait une partie des effets du dispositif réel, ce qui est une source de discordances à évaluer.
Les mesures sont réalisées sur un analyseur d'impédance HP4192A mesurant l'impédance
complexe dans une gamme de fréquence de 5Hz à 13MHz.
enroulement
1 primaire
nbre spires
24
nbre couches
2
conducteur
fil rond 8 brins, ρ=0,2mm
ruban 17mmx0,2mm
2
3
secondaire 5V
secondaire 24V
2
13
2
1
fil rond 2 brins, ρ=0,45mm
4
secondaire 12V
7
1
fil rond 2 brins, ρ=0,45mm
Tableau 38: Enroulements pris en compte dans le transformateur utilisé pour valider le modèle CCS
XI.4.2 Implémentation du schéma sur tableur
Classeur Excel
Une première implémentation du schéma CCS complet dans Excel est réalisée à l'occasion du
travail de fin d'études d'Alain Wauthier [208]. L'idée est alors simplement de valider le schéma
équivalent en comparant les impédances mesurées en court-circuit et à circuit ouvert aux
impédances correspondantes fournies par le schéma équivalent.
66
Transformateur référencé NC 4004 101 1086, convertisseur PE3238/02.
XI.4 - Schéma CCS: Validation du schéma sur tableur
III - 378
Alain Wauthier a dans ce but développé un classeur Excel complété de macros en VisualBasic qui
calcule les éléments d'un schéma à deux, trois ou quatre enroulements sur base de mesures. Ce
classeur comporte les feuilles de calcul suivantes:
• trois feuilles réalisant l'interface avec l'utilisateur, à savoir:
- une feuille pour l'entrée des données: le nombre de spires de chaque enroulement,
la plage de fréquence du modèle et le nom des fichiers d'entrée (contenant les
mesures) et de sortie (contenant les valeurs des éléments du schéma),
- une feuille de résultats contenant les valeurs des impédances série et parallèle du
modèle après calcul,
- une feuille récapitulant les graphes des impédances série en fonction de la
fréquence;
• des feuilles réalisant le calcul des éléments proprement dits, à savoir:
- une feuille "Z(11)" calculant la valeur des éléments parallèles totaux et leur
distribution sur chaque enroulement (d'après les §XI.3.2 et §XI.3.3),
- des feuilles "Z(ij)" calculant pour chaque enroulement la valeur des impédances de
fuite à partir des mesures en court-circuit (d'après le §XI.3.4),
- des feuilles "ZC,ii" et " ZC,ij" calculant les éléments des échelles (à un, deux ou trois
échelons) modélisant la variation en fréquence des impédances de fuite calculées cidessus;
• des feuilles supplémentaires définissant les macros et les interfaces graphiques
présentées à l'utilisateur.
Utilisation d'un tableur
L'implémentation dans un tableur se justifie par la lourdeur du traitement de données nécessaire à
l'obtention du schéma équivalent. Dans cet exemple, on modélise un transformateur à quatre
enroulements dans la gamme 10kHz-2MHz. Chaque mesure d'impédance représentant une
centaine de valeurs complexes sur cette gamme, on obtient donc environ 700 valeurs complexes
(six mesures en court-circuit et une mesure à circuit ouvert) comme données de départ.
Ces données doivent ensuite être traitées pour obtenir finalement un schéma comptant entre 50 et
100 éléments suivant le nombre d'échelons choisi (voir Tableau 37, p. 376).
Entrer les résultats des mesures dans le tableur s'avère évidemment très fastidieux si on ne peut
récupérer les résultats de l'analyseur sous forme de fichier. Le grand nombre d'éléments du schéma
pose un problème analogue lorsqu'il s'agit de transférer le schéma équivalent dans Spice. Réalisées
manuellement, ces deux opérations comportent un risque d'erreur important. Nous chercherons
donc un moyen de les automatiser dans le chapitre suivant.
Un autre inconvénient du tableur est la rigidité inhérente à sa structure en feuilles de calcul. Si on
désire modéliser un enroulement supplémentaire, il faut en effet ajouter des feuilles de calcul et des
macros, et de ce fait personnaliser le classeur à chaque utilisation. Introduire des variantes dans les
XI.4 - Schéma CCS: Validation du schéma sur tableur
III - 379
méthodes de calcul en vue d'améliorer l'identification des éléments se révèle également fort lourd
en pratique.
XI.4.3 Amélioration de la méthode d'identification par régression
Ayant réalisé l'implémentation du schéma CCS, on l'applique au transformateur de test.
L'identification des impédances parallèles donne des résultats corrects. Par contre, pour les
inductances série, l'application de la méthode des inductances telle que décrite dans les chapitres
précédents donne des résultats fort moyens: les impédances du modèle s'écartent de manière
significative des courbes mesurées, même pour quatre échelons.
Les discordances constatées semblent pouvoir être attribuées au caractère empirique des
paramètres choisis pour l'identification des éléments série (FR, IP, OLS): les valeurs retenues dans les
articles ne conviennent pas à notre transformateur de test. Les auteurs indiquent d'ailleurs que la
méthode n'a été testée que de manière limitée sur quelques transformateurs.
Pour résoudre ce problème, on pourrait songer à déterminer avec plus de précision les points
caractéristiques des courbes participant à l'identification. Nous préférons nous diriger dans une
autre voie: ajuster les éléments des échelles par régression. nous pouvons utiliser pour cela les
fonctions de régression standard disponibles dans le tableur (fonction "solver").
Pour chaque impédance ZC,jk, les variables à ajuster sont les impédances Rq et Lq. La régression
tient compte d'une contrainte: en basse fréquence, la somme des inductances de l'échelle est
imposée (§XI.2.3). Une difficulté déjà évoquée apparaît: les courbes de résistance et d'inductance
des échelles dépendent chacune de toutes les valeurs Rq et Lq. La régression doit donc s'opérer
simultanément sur les deux courbes. Nous choisissons comme fonction Γ à minimiser de cumuler
la somme des carrés des écarts (entre mesure et modèle) des parties résistive et inductive de
l'impédance:
⎧
⎧
2⎫
2⎫
Γ = wR ⎨∑ Log ( Rmes ) − Log ( Req ) ⎬ + wL ⎨∑ Lmes − Leq ⎬
⎩ fréq
⎭
⎩ fréq
⎭
[
]
[
]
(XI.4-1)
Dans cette expression, l'indice "mes" indique la valeur mesurée tandis que "eq" désigne l'impédance
équivalente de l'échelle dans le modèle. La résistance est prise en logarithme, de manière à ramener
à un même ordre de grandeur les écarts observés en haute et en basse fréquence. Les poids wR et
wL permettent de doser l'importance relative des deux courbes dans la régression.
Ce cumul des erreurs des deux courbes est relativement peu rigoureux mais fournit une manière
commode de contourner le problème posé par les paramètres empiriques dans la méthode
originale. Il est d'ailleurs également utilisé, mais sans logarithme cette fois, dans [3]. De fait, on
obtient un modèle nettement meilleur, reproduisant les impédances du transformateur sur toute la
gamme de fréquence comme on le verra ci-dessous.
XI.4 - Schéma CCS: Validation du schéma sur tableur
III - 380
Commentaire [U72] : N.B.: en
standard, type Newton ou
éventuellement gradient conjugué
En pratique, le tableur fournit pour chaque impédance série une première proposition pour les
éléments de l'échelle et présente à l'utilisateur le résultat sous forme de courbes, à comparer avec
les courbes mesurées. En fonction du résultat obtenu, l'utilisateur peut ajuster les poids wR et wL
jusqu'à obtenir le meilleur compromis. Lorsqu'il est satisfait, il passe à l'impédance suivante, jusqu'à
avoir identifié ainsi toutes les impédances du transformateur.
XI.4.4 Résultats du modèle complet
Pour présenter les résultats relatifs au transformateur de test, nous examinons successivement
l'impédance à circuit ouvert, les impédances de fuite (échelles), et les impédances en court-circuit.
Impédance à circuit ouvert
La Figure III-22 montre trois courbes, quasiment confondues, du module de l'impédance à circuit
ouvert. L'accord entre le modèle (courbe rouge) et le transformateur réel (courbe verte) est
excellent, ce qui se vérifie également sur la phase, non représentée.
1,E+06
|Z| (ohm)
1,E+05
1,E+04
1,E+03
1,E+02
10
100
1000
10000
f (kHz)
Figure III-22: Module de l'impédance à circuit ouvert
(vert: mesure; rouge: modèle; bleu: R-L-C seul)
La courbe bleue ajoutée sur le graphe montre encore l'impédance du circuit R-L-C parallèle seul.
Elle confirme que l'impédance à circuit ouvert se ramène effectivement à celle d'un circuit R-L-C
avec une très grande fidélité. On peut en déduire également que les chutes de tension sur les
impédances série sont effectivement négligeables comme on en avait fait l'hypothèse.
XI.4 - Schéma CCS: Validation du schéma sur tableur
III - 381
Impédances de fuite
Après avoir calculé l'impédance parallèle, on soustrait l'influence de celle-ci des mesures en courtcircuit pour obtenir les impédances de fuite. On identifie à celles-ci les impédances des échelles au
moyen de la régression proposée dans le point précédent.
La Figure III-23 montre un résultat typique obtenu ici avec quatre échelons pour une impédance
de fuite ZC,jk. Les autres impédances série du transformateur montrent un accord comparable.
Comme on le voit, la régression permet d'obtenir un bon accord sur toute la gamme de fréquence
choisie, de 10kHz à 2MHz. Pour l 'inductance, l'écart entre les mesures est très faible: typiquement
moins de 2%, sauf à la limite supérieure de la gamme de fréquence, où il atteint environ 8%. Pour
la résistance, l'écart est plus important: typiquement 5 à 10% avec une valeur extrême de 50% à
2MHz.
En ce qui concerne l'inductance mesurée, on note une dispersion importante des valeurs aux
fréquences les plus basses. Si on désire identifier le modèle en présence d'une telle dispersion (qui
est ici en dehors de la gamme de fréquence), il convient d'être vigilant à la valeur choisie en basse
fréquence. On pourrait par exemple songer à un moyennage des valeurs mesurées.
A l'autre extrémité de l'intervalle, la courbe mesurée comporte une résonance. En théorie, celle-ci
ne devrait pas apparaître dans l'impédance de fuite puisqu'elle révèle un effet capacitif,
normalement soustrait préalablement au niveau de l'impédance parallèle. On se souvient cependant
que le schéma ne comprend qu'une seule capacité, ce qui est beaucoup trop peu pour modéliser
l'ensemble des effets électrostatiques: en théorie, il en faudrait en effet 28 dans un schéma à quatre
enroulements (voir Tableau 35, p. 353). D'autre part, il ne faut pas oublier que le transformateur
réel comporte en fait onze enroulements, ce qui multiplie encore le nombre théorique de
coefficients de capacité (en théorie jusqu'à… 231!).
Compte tenu de cette modélisation très élémentaire au niveau de l'impédance parallèle, des effets
capacitifs subsistent dans l'impédance de fuite, qui ne peuvent que médiocrement être pris en
compte par les échelles. Celles-ci sont en effet uniquement destinées à modéliser les variations
relativement lentes dues aux effets quasi-statiques.
La gamme de fréquence du modèle apparaît donc limitée, en haute fréquence, par les effets
capacitifs supplémentaires non réductibles à la capacité parallèle. C'est une conclusion importante
quant aux possibilités du modèle. On obtient dans ce cas-ci un modèle valable sur un peu plus de
deux décades, avec une très bonne précision grâce aux quatre échelons utilisés. Ce modèle
comporte 99 éléments.
XI.4 - Schéma CCS: Validation du schéma sur tableur
III - 382
Rc,32 (ohm)
1
0,1
0,01
0,001
1
10
100
1000
10000
f (kHz)
5,E-07
Lc,32 (H)
4,E-07
3,E-07
2,E-07
1
10
100
1000
10000
f (kHz)
Figure III-23: Comparaison de l'impédance de fuite ZC,32 du transformateur réel
(en vert) et du modèle (en rouge), identifiée entre 10kHz et 2MHz
Impédances de court-circuit
Enfin, ayant identifié indépendemment les impédances de fuite et l'impédance à circuit ouvert, on
peut vérifier la validité des impédances de court-circuit données par le modèle complet. On
constate à la Figure III-24, ce qui est également valable pour les autres enroulements, que l'accord
est très bon (courbes verte et rouge) sur la gamme de fréquence retenue, avec des écarts
comparables à ceux cités pour l'impédance de fuite. Le modèle montre une résonance marquée aux
environs de 8MHz entre la capacité parallèle et l'inductance série.
XI.4 - Schéma CCS: Validation du schéma sur tableur
III - 383
1,E+03
Req (ohm)
1,E+02
1,E+01
1,E+00
1,E-01
1
10
100
1000
10000
1000
10000
f (kHz)
4,E-05
Leq (H)
3,E-05
2,E-05
1,E-05
0,E+00
1
10
100
f (kHz)
Figure III-24: Comparaison des impédances de court-circuit Z(41) (vert: mesure; rouge: modèle CCS)
et de fuite ZC,41 (idem en trait interrompu)
On constate encore que les impédances de fuite (en trait interrompu) sont très proches des
impédances en court-circuit sur toute la gamme de fréquence. Des divergences n'apparaissent
qu'en-dehors de celle-ci, en haute fréquence (résonances) mais également en basse fréquence pour
l'inductance. L'hypothèse classique d'un courant magnétisant négligeable, à la base du schéma CCS,
s'applique donc tout-à-fait au transformateur de test.
Pour les fréquences les plus hautes, on retrouve le fait que l'extraction de l'impédance de fuite à
partir de l'impédance de court-circuit ne constitue pas vraiment une amélioration marquante. Cette
opération devrait en effet éliminer les effets autres que quasi-statiques. On constate au contraire
que la courbe est tout aussi perturbée après cette opération, ce qui est dû comme on l'a indiqué à la
présence d'effets électrostatiques non pris en compte dans le modèle. Compte tenu du fait que les
deux courbes (court-circuit et fuite) s'identifient quasiment parfaitement en-dessous des
XI.4 - Schéma CCS: Validation du schéma sur tableur
III - 384
résonances, on peut même se demander si l'extraction de l'impédance de fuite est une opération
utile.
XI.4.5 Discussion des résultats
Quant à la validité du modèle
Le modèle CCS est à la base destiné à modéliser les impédances série, y compris leurs variations
quasi-statiques sur une certaine gamme de fréquence. Il existe néanmoins une autre source de
variation en fréquence des impédances, à savoir les résonances intervenant entre capacités et
inductances et limitées en amplitude par les effets résistifs. Ces résonances s'identifient facilement
dans les courbes par des variations de grande amplitude localisées en fréquence.
En ce qui concerne les effets capacitifs, le schéma CCS est très élémentaire puisqu'il comprend une
seule capacité, distribuée entre les enroulements. Il s'agit de la capacité parasite du primaire qui, à
circuit ouvert, résonne avec l'inductance de magnétisation. Cette résonance est bien reproduite
dans le modèle, comme en témoigne la Figure III-22.
D'autres résonances apparaissent classiquement dans les impédances de court-circuit, typiquement
aux environs de quelques mégahertz. Celles-ci sont multiples puisqu'elles mettent en jeu les
impédances série et les diverses capacités parasites, fort nombreuses comme on l'a vu. Elles ne
sont pas toutes visibles en pratique mais les plus importantes peuvent jouer un rôle majeur dans les
convertisseurs utilisant des topologies résonantes.
Or le modèle CCS ne permet pas de les prendre en compte puisque le seul degré de liberté relatif
aux effets capacitifs est "consommé" pour modéliser la résonance à circuit ouvert, ici aux environs
de 2,8MHz. On retrouve dans les impédances en court-circuit du modèle une résonance entre
cette même capacité parallèle et l'inductance série concernée. Cette résonance a lieu à une
fréquence plus élevée (environ 8MHz sur la Figure III-24) puisque l'inductance de fuite est plus
faible que l'inductance de magnétisation. Il faut noter qu'on ne maîtrise aucunement dans le
schéma la position de cette résonance puisque l'inductance de fuite et la capacité parallèle sont
identifiées tout-à-fait indépendamment.
La présence d'effets capacitifs supplémentaires, non modélisables par la capacité parallèle, fixe
donc fondamentalement la limite supérieure de la gamme de fréquence du modèle. On ne peut
espérer utiliser celui-ci avec précision qu'aux fréquences inférieures à ces résonances série, ce qui
correspond quand même dans le cas testé à une gamme de fréquence de deux à trois décades.
Dans ces limites, logiques compte tenu des choix opérés lors de l'élaboration du modèle, le schéma
CCS s'avère excellent: il reproduit avec une grande fidélité les impédances d'un transformateur
multi-enroulements, au prix d'un nombre d'éléments éventuellement assez élevé.
XI.4 - Schéma CCS: Validation du schéma sur tableur
III - 385
Notons encore que le fait d'avoir négligé sept des onze enroulements du transformateur de test
(dont un enroulement identique à l'enroulement 4 du Tableau 38) n'a pas dégradé significativement
la validité du modèle. On peut donc réaliser ce type d'approximation, très utile en pratique puisque
la plupart des transformateurs de puissance comportent de nombreux enroulements auxiliaires.
Quant aux hypothèses et à la méthode d'identification
Suite aux résultats obtenus sur le transformateur de test, nous pouvons maintenant juger, dans le
cadre limité de cette validation, les hypothèses utilisées au cours de l'élaboration du schéma et de
l'identification de ses éléments. Nous pouvons ainsi apporter quelques nuances par rapport à la
méthode originale.
Au moment de déterminer l'impédance à circuit ouvert, on suppose que les chutes de tension sur
les inductances série sont négligeables. La Figure III-22 montre que c'est effectivement le cas
puisque l'impédance mesurée –comme celle du modèle– correspond presque exactement à celle
d'un circuit R-L-C parallèle seul. L'hypothèse est donc justifiée, mais on peut se demander dans ce
cas quel est l'intérêt de la distribution de ce circuit R-L-C sur les différents enroulements. Cette
opération nous paraît dans la plupart des cas superflue, d'autant plus qu'elle alourdit assez
nettement le modèle.
Connaissant l'impédance parallèle (distribuée ou non), on calcule ensuite les impédances de fuite à
partir des mesures en court-circuit. La Figure III-24 montre dans notre cas que sur la gamme de
fréquence utile, la correction apportée de cette manière aux impédances série est minime. C'est
essentiellement aux environs des résonances série qu'elle devient significative, mais on se trouve là
à la limite de validité fréquentielle du modèle. Cette constatation est rassurante: elle confirme qu'on
peut classiquement négliger le courant magnétisant lors d'une mesure en court-circuit, mais elle
montre que l'extraction des impédances de fuite est également une opération superflue.
Sous réserve d'une étude impliquant davantage d'échantillons, nous proposons donc d'alléger la
méthode originale en supprimant deux opérations: l'extraction des impédances de fuite et la
distribution des impédances parallèles aux différents enroulements. Rappelons également qu'en ce
qui concerne les impédances de fuite, il convient de remplacer la méthode des inductances par une
régression de type "moindres carrés".
XI.4.6 Erreurs détectées dans l'implémentation sur Excel
A posteriori, plusieurs erreurs ont été détectées dans l'implémentation faite sur tableur par Alain
Wauthier. Trois corrections, dont nous avons tenu compte dans les résultats ci-dessus doivent être
notées.
Divergence de l'impédance de court-circuit
XI.4 - Schéma CCS: Validation du schéma sur tableur
III - 386
Dans l'implémentation originale [208], l'accord entre le modèle et la pièce réelle est loin d'être aussi
bon. La conclusion du travail est d'ailleurs que le modèle reproduit bien la variation en fréquence
des impédances de court-circuit mais qu'il subsiste pour certaines de celles-ci un décalage entre la
courbe mesurée sur le transformateur réel et la courbe du modèle. Nous avons pu identifier que
cette discordance vient simplement de l'inversion des ports 4 et 1 dans la mesure en court-circuit
correspondante. Pour cette mesure, les valeurs sont donc faussées d'un rapport η142
conformément à (XI.1-9), ce qui entraîne un décalage de certaines courbes d'impédance. Si on
corrige cette erreur, les résultats du modèle sont intrinsèquement meilleurs que ceux présentés
dans les annexes de [208].
Sens des sources de courant au primaire
On s'est également rendu compte que les sources de courant au primaire, intervenant dans
l'implémentation du coupleur parfait, étaient inversées par rapport à celles présentées dans les
articles originaux et dans cette thèse (voir par exemple la Figure III-21). Ce sens détermine
essentiellement la convention utilisée pour le courant au secondaire (positif sortant au lieu de
positif entrant).
Facteur utilisé pour la distribution des impédances parallèles
Enfin le facteur n/(n-1) multipliant l'impédance parallèle d'un enroulement dans l'extraction de
l'impédance de fuite (§XI.3.4) a été appliqué deux fois dans le classeur original. Ceci fausse
légèrement l'impédance du modèle à circuit ouvert et a très peu de conséquences sur les
impédances en court-circuit, compte tenu du faible impact de cette correction comme expliqué au
§XI.4.5.
XI.4.7 Conclusion
Compte tenu de la lourdeur des calculs nécessaires pour identifier le schéma CCS, l'identification
des éléments est implémentée dans un tableur. Un transformateur réel à onze enroulements, dont
on retient uniquement les quatre principaux, est utilisé comme dispositif de test.
La méthode originale reproduit assez mal les impédances série du modèle, ce que nous attribuons à
l'empirisme de la méthode des inductances proposée par les auteurs. En remplaçant cette méthode
par une régression standard du tableur, appliquée à la somme des courbes de résistance et
d'inductance de chaque échelle, nous obtenons un résultat bien meilleur. Les impédances en courtcircuit et à circuit ouvert du modèle reproduisent celles du transformateur de manière très
satisfaisante (typiquement moins de 2% d'écart pour l'inductance, 5 à 10% d'écart pour la
résistance).
On constate encore qu'on ne peut espérer modéliser les résonances entre les inductances de fuite
et les capacités parasites qui apparaissent dans les impédances en court-circuit. Cette conclusion est
logique puisque le schéma comporte une seule capacité (distribuée entre les enroulements), servant
XI.4 - Schéma CCS: Validation du schéma sur tableur
III - 387
à la modélisation de la résonance à circuit ouvert. Le schéma CCS ne convient de ce fait pas pour
les topologies résonantes. Compte tenu de cette limitation, la gamme de fréquence utile s'étend sur
deux à trois décades à partir des paliers statiques. Suivant la gamme de fréquence et précision
souhaitées, deux à quatre échelons seront typiquement utilisés pour modéliser les variations
d'impédance.
Les résultats obtenus sur le transformateur de test nous incitent à penser que les opérations de
distribution de l'impédance parallèle à tous les enroulements et d'extraction des impédances de
fuite à partir des impédances mesurées en court-circuit sont superflues. L'application du modèle à
d'autres transformateurs devrait permettre de confirmer cette hypothèse, qui permettrait d'alléger
sensiblement le modèle et la méthode d'identification.
Pour terminer, quelques erreurs sont mises en évidence dans l'implémentation sur tableur réalisée
précédemment. D'autre part, plusieurs inconvénients apparaissent, à savoir un encodage très
fastidieux et source d'erreurs à l'entrée et à la sortie des données dans le tableur, et une structure
relativement rigide de l'application, qui limite assez fortement les extensions ultérieures.
XI.4 - Schéma CCS: Validation du schéma sur tableur
III - 388
XI.5 Mise en œuvre dans une application Delphi
Ayant validé le schéma CCS dans le point précédent, mais compte tenu de la rigidité de la mise en
œuvre sur tableur, une nouvelle application est développée sur Delphi (pascal orienté objet) dans le
cadre du travail de fin d'études de Marc Delcour [41]. Cette application comprend le transfert
automatique des données à partir de l'analyseur d'impédance ainsi que la génération du schéma
équivalent, directement intégré dans une bibliothèque Spice. La régression est cette fois basée sur
la méthode de Levenberg-Marquardt.
XI.5.1 Automatisation du transfert des mesures
On l'a dit, l'opération consistant à entrer manuellement les impédances relevées sur l'analyseur est
fastidieuse et source d'erreurs compte tenu du très grand nombre de données à encoder pour un
transformateur multisorties. On souhaite donc rapatrier les données mesurées sur l'analyseur
directement sous forme de fichiers.
Le lecteur de disquettes de l'analyseur HP4195A, disponible chez I.T.S. Mitra, ne permet pas de le
faire. Il utilise en effet un format spécifique qui se révèle incompatible avec le format des
disquettes sur PC. Cet analyseur dispose par contre d'un port de communication GPIB, qui peut
être relié à un PC par l'intermédiaire d'une carte d'interface.
Une petite application de transfert, "datacapt.vee", est écrite au moyen du logiciel "hp.vee". Elle
permet de rapatrier les mesures vers le PC sous forme de fichiers au format texte, suivant une
procédure décrite dans [41]. Les fichiers texte sont ensuite décodés par l'application Delphi avant
calcul des éléments du schéma (voir Figure III-28).
Si l'automatisation du transfert de mesures peut paraître anecdotique, il s'agit cependant d'un point
important puisqu'elle permet de réduire très significativement le délai et le risque d'erreur liés à
l'introduction manuelle des données dans le module de traitement. Pour le transformateur de test,
et compte tenu également de la génération automatique du modèle Spice expliquée ci-dessous,
l'ensemble des opérations nécessaires à l'obtention du schéma équivalent passe ainsi d'environ une
journée à une heure. L'opération la plus longue est alors la prise de mesure, qui demande de
réaliser les court-circuits manuellement.
XI.5.2 Méthode de régression alternative
Méthode de Levenberg-Marquardt
En ce qui concerne le calcul des éléments proprement dit, une modification importante est faite
par rapport au chapitre précédent. Un tableur dispose en effet de fonctions de régression standard,
généralement suivant les méthodes de Newton ou du gradient conjugué. Ce n'est plus le cas dans
Delphi, où nous devons donc implémenter nous-mêmes une méthode de régression.
XI.5 - Schéma CCS: Mise en œuvre dans une application Delphi
III - 389
Nous nous proposons d'utiliser la méthode de Levenberg-Marquardt compte tenu des bons
résultats obtenus avec celle-ci lors d'une recherche précédente axée sur la modélisation de semiconducteurs [194]. Cette méthode vise à minimiser l'erreur d'une fonction non linéaire ΓLM
dépendant de m paramètres variables en utilisant les dérivées analytiques de ΓLM par rapport à ces
paramètres. Elle peut être implémentée suivant des procédures disponibles dans la littérature [154].
A nouveau, il faut tenir compte du fait que les courbes d'inductance et de résistance doivent être
optimisées simultanément. On considère de ce fait la fonction:
ΓLM = wR Log Req + wL Leq
(XI.5-1)
où Req et Leq représentent l'impédance équivalente de l'échelle (voir (XI.2-3) et (XI.2-4)) et où les
poids wR et wL jouent le même rôle que précédemment. Les valeurs de départ des paramètres Rq et
Lq sont fournies par la méthode des inductances, quelque peu modifiée pour être rendue
davantage portable à tous les types de transformateurs.
Le choix de la méthode de Levenberg-Marquardt s'avère peu adéquat car celle-ci donne des
résultats nettement moins bons que les méthodes standard du point précédent. Après
optimisation, certaines courbes montrent en effet encore un décalage important par rapport aux
mesures. La raison n'en est pas clairement identifiée: elle pourrait provenir soit de la difficulté
éprouvée pour obtenir les valeurs de départ des paramètres –ce qui révèle une fois de plus le
manque de généralité de la méthode des inductances–, soit de la fonction ΓLM qui, parce qu'elle
représente le cumul de deux fonctions à optimiser, convient mal à la méthode de LevenbergMarquardt en particulier.
Résultats
Ci-dessous, nous montrons quelques résultats obtenus avec un transformateur du même type que
celui utilisé précédemment, mais en considérant un enroulement supplémentaire (donc cinq au
total), identique à l'enroulement 4 du Tableau 38. L'analyseur HP4195A utilisé couvre cette fois
une gamme de fréquence de 100kHz à 30MHz. La mesure à circuit ouvert (Figure III-25) montre
que le modèle est valable jusqu'à une fréquence de 3MHz environ.
XI.5 - Schéma CCS: Mise en œuvre dans une application Delphi
III - 390
1,E+06
|Z| (ohm)
1,E+05
1,E+04
1,E+03
1,E+02
1,E+05
1,E+06
1,E+07
1,E+08
f (Hz)
Figure III-25: Impédance à circuit ouvert vue du primaire (vert: mesures; rouge: modèle)
Cette même limite est également visible sur les graphes suivants (Figure III-26 et Figure III-27),
qui montrent à titre d'exemple deux impédances mesurées en court-circuit. Sur le premier de ces
deux graphes (impédance vue du primaire), on constate très bien la limite du modèle CCS: alors
que la résonance du transformateur réel a lieu aux environs de 6MHz, le modèle reproduit une
résonance assez significativement différente (plus proche de 8MHz) et les résonances suivantes
divergent nettement. Dans le second graphe (impédance vue du secondaire 2), on constate un
désaccord net que nous attribuons à l'utilisation de la méthode de régression de LevenbergMarquardt.
1,E+05
|Z| (ohm)
1,E+04
1,E+03
1,E+02
1,E+01
1,E+05
1,E+06
1,E+07
1,E+08
f (Hz)
Figure III-26: Impédance vue du primaire avec le secondaire n°4
en court-circuit (vert: mesures; rouge: modèle)
XI.5 - Schéma CCS: Mise en œuvre dans une application Delphi
III - 391
|Z| (ohm)
1,E+02
1,E+01
1,E+00
1,E-01
1,E+05
1,E+06
1,E+07
1,E+08
f (Hz)
Figure III-27: Impédance vue du secondaire n°2 avec le secondaire n°4
en court-circuit (vert: mesures; rouge: modèle)
Compte tenu de ce désaccord, apparaissant typiquement dans les mesures entre secondaires, nous
préconisons de revenir dans l'application Delphi à une méthode de régression plus classique, que
nous n'avons pas eu l'occasion d'implémenter.
XI.5.3 Génération automatique du modèle Spice
Après calcul, lorsque les éléments du schéma équivalent sont connus, l'application Delphi génère
directement le fichier texte (la "netlist") du modèle Spice. Elle utilise pour cela des fichiers-types à
trois, quatre ou cinq enroulements, dans lesquels elle introduit les nouvelles valeurs. Un fichier
intermédiaire est ainsi créé puis recopié dans une librairie à spécifier par l'utilisateur, de manière à
faire apparaître le schéma comme un nouveau composant disponible dans Spice (Figure III-28).
Pour utiliser le modèle dans un schéma d'alimentation, il suffit alors de choisir le symbole dont le
nombre de sorties correspond au transformateur étudié et à lui associer, par l'intermédiaire de
l'attribut "MODEL", le sous-circuit qui vient d'être intégré en tant que fichier texte à la librairie.
On peut de cette manière créer autant de modèles de transformateurs que souhaité, et garder ceuxci disponibles dans des librairies de pièces magnétiques.
XI.5 - Schéma CCS: Mise en œuvre dans une application Delphi
III - 392
Réalisation des mesures
liaison GPIB
analyseur
d'impédance
datacapt.vee
fichiers texte
contenant les mesures
Génération du schéma
- lecture des données
- calcul des éléments et optimisation
- génération du modèle Spice
application Delphi
fichier texte intégré dans une
bibliothèque Spice
Simulation du convertisseur
récupération du modèle souhaité
dans le schéma du convertisseur
et simulation
Spice
Figure III-28: Etapes de la génération du schéma équivalent à partir de mesures
XI.5.4 Conclusion
L'implémentation du schéma CCS dans une application Delphi permet de s'affranchir des
contraintes d'un tableur. On peut notamment plus facilement décoder les fichiers de données,
rapatriés depuis l'analyseur d'impédance par l'intermédiaire d'une liaison GPIB, et générer un souscircuit directement intégré dans une librairie Spice. Les opérations d'encodage étant supprimées,
un gain de temps très important est réalisé et le risque d'erreur est fortement réduit.
D'autre part, l'application peut beaucoup plus facilement être modifiée en fonction du nombre de
sorties ou du nombre d'échelons désirés par exemple. On peut également songer à y intégrer
XI.5 - Schéma CCS: Mise en œuvre dans une application Delphi
III - 393
plusieurs schémas différents, à choisir en fonction de l'application choisie. Dans ce cadre, il serait
intéressant d'introduire dans cette même application les solutions présentées au chapitre suivant
(schémas LEG).
En ce qui concerne le calcul proprement dit, le passage dans Delphi impose d'implémenter soimême une méthode de régression. A cette occasion, la méthode de Levenberg-Marquardt a été
testée en raison des bons résultats obtenus dans un travail précédent. Celle-ci convient cependant
peu au cas présent, soit à cause de la difficulté de déterminer les valeurs de départ des paramètres à
optimiser, soit parce qu'elle s'accorde mal à l'optimisation d'une somme de deux courbes. Nous
proposons donc de revenir à une méthode plus classique de type Newton ou gradient conjugué.
XI.5 - Schéma CCS: Mise en œuvre dans une application Delphi
III - 394
XI.6 Conclusion
Le schéma CCS, développé par le Virginia Power Electronics Center, est un schéma linéaire
multisorties. Il se caractérise par un rejet de toutes les impédances de fuite aux secondaires, une
impédance parallèle constituée d'un circuit R-L-C distribué à tous les ports, et la présence d'une
seule capacité. La variation en fréquence des impédances de fuite est modélisée par des échelles
d'impédance.
L'identification des éléménts a lieu en trois étapes:
- l'identification classique des éléments parallèles à partir de la mesure de l'impédance à
circuit ouvert,
- l'extraction des impédances de fuite à partir des mesures en court-circuit,
- l'identification des impédances série sur une gamme de fréquence donnée au moyen de
méthodes empiriques ("match-point curve fitting" ou méthode des inductances).
Après avoir étudié en détail la constitution du schéma, nous l'avons implémenté dans un tableur et
appliqué à un transformateur multisorties utilisé dans une alimentation de 200W. Ce
transformateur compte onze enroulements, dont nous ne considérons par hypothèse que les
quatre ou cinq plus importants. Le schéma obtenu suivant la méthode originale donne des résultats
fort moyens, montrant des écarts assez importants par rapport à l'impédance du transformateur
réel. Sur ce point, on peut mettre en cause le caractère empirique des méthodes d'identification
originales des éléments série, qui gagnent à être remplacées par des méthodes de régression
standard.
En tenant compte de cette modification, on obtient un modèle qui reproduit avec une très grande
fidélité (quelques pourcents d'écart) les impédances du transformateur réel. La gamme de
fréquence -deux à trois décades depuis les fréquences statiques- est limitée par les résonances série
apparaissant dans les inductances de fuite. Puisque le modèle ne comporte qu'une seule capacité
destinée à modéliser la résonance parallèle (impédance à circuit ouvert), il lui est en effet
impossible de modéliser avec précision ces autres résonances: le modèle CCS ne convient donc pas
pour des alimentations résonantes. On pourrait néanmoins imaginer d'augmenter le nombre de
capacités du modèle comme dans plusieurs autres schémas présentés dans cette troisième partie.
Le schéma ayant été validé sur tableur, il a ensuite été implémenté dans une application Delphi,
beaucoup plus souple à modifier ou à compléter. Cette application automatise le transfert de
mesures depuis l'analyseur d'impédance par l'intermédiaire d'une interface GPIB ainsi que
l'intégration du schéma équivalent dans une librairie Spice. On réduit ainsi de manière drastique le
délai et le risque d'erreurs liés au traitement des données. L'implémentation dans Delphi donne
également l'occasion de tester une méthode de régression alternative, la méthode de LevenbergMarquardt, qui, bien qu'ayant donné des résultats intéressants dans une application précédente, se
révèle ici inappropriée. Nous proposons donc de revenir à une méthode plus classique pour
effectuer la régression.
XI.6 - Schéma CCS: Conclusion
III - 395
D'autre part, il nous semble que les opérations de distribution de l'impédance parallèle aux
différents ports du schéma et de l'extraction des impédances de fuite à partir des impédances de
court-circuit n'apportent pas de gain significatif. Elles alourdissent par contre la procédure de
calcul des éléments. Sous réserve de confirmations de ces conclusions sur d'autres transformateurs,
nous proposons donc de les ignorer. Une autre amélioration possible consisterait à dissocier les
rapports de couplage des rapports du nombre de spires des enroulements et à les considérer
comme faisant partie des paramètres à identifier.
Une réserve doit encore être soulignée: la validation ci-dessus n'a considéré le transformateur qu'en
tant que pièce isolée. Une validation du schéma équivalent au sein du convertisseur en
fonctionnement serait souhaitable. On peut cependant supposer que cette validation ne remettra
pas en cause les conclusions ci-dessus puisque la mesure des impédances à circuit ouvert et en
court-circuit constitue d'après Kéradec [103] le meilleur moyen d'obtenir des valeurs correctes pour
les impédances en fonctionnement.
XI.6 - Schéma CCS: Conclusion
III - 396
XII. Schémas LEG
Dans ce troisième chapitre, nous présentons deux schémas équivalents développés par le
Laboratoire d'Electrotechnique de Grenoble ("LEG"). Si nous n'avons pas eu l'occasion de les
implémenter dans le cadre de notre thèse, ceux-ci fournissent des idées originales qui pourraient
utilement compléter la démarche du chapitre précédent. Un troisième schéma, développé par le
même laboratoire mais selon une toute autre approche, sera encore présenté au chapitre suivant.
Plan du chapitre
XII.1 Schéma inductif multisorties ................................................................................ 398
XII.2 Schéma complet à deux enroulements................................................................ 405
XII.3 Conclusion .............................................................................................................. 413
XII - Schémas LEG
III - 397
XII. Schémas LEG
Dans ce troisième chapitre, nous présentons deux schémas équivalents développés par le
Laboratoire d'Electrotechnique de Grenoble ("LEG"). Si nous n'avons pas eu l'occasion de les
implémenter dans le cadre de notre thèse, ceux-ci fournissent des idées originales qui pourraient
utilement compléter la démarche du chapitre précédent. Un troisième schéma, développé par le
même laboratoire mais selon une toute autre approche, sera encore présenté au chapitre suivant.
Plan du chapitre
XII.1 Schéma inductif multisorties ................................................................................ 398
XII.2 Schéma complet à deux enroulements................................................................ 405
XII.3 Conclusion .............................................................................................................. 413
XII - Schémas LEG
III - 397
XII.1 Schéma inductif multisorties
Le schéma inductif du LEG constitue une alternative originale aux schémas multisorties présentés
dans les chapitres X et XI. Il repose sur l'orthogonalisation de la matrice inductance, qui permet
d'obtenir un schéma ne contenant que des éléments positifs et directement mesurables. Sur base de
[101] et [103], nous exposons ci-dessous le détail de ce schéma.
XII.1.1 Orthogonalisation de la matrice inductance
Orthogonalisation sur base de l'énergie magnétostatique
Pour construire un schéma équivalent, la démarche consiste souvent à partir de la matrice
symétrique des n2 coefficients d'inductance (comme on l'a fait dans le chapitre précédent) pour
garantir qu'on prend en compte tous les effets inductifs propres et mutuels dans un système de n
enroulements. Il faut ensuite rechercher une représentation de ces coefficients en éléments de
circuits, ce qui distingue les approches les unes des autres.
A partir de ce point de départ habituel, la démarche proposée par le LEG est assez originale. Elle
consiste à orthogonaliser la matrice inductance en opérant un changement de base des courants
comme nous allons l'expliquer.
L'énergie magnétostatique d'un système de n enroulements est une forme quadratique des
courants:
W =
1 n
∑
2 j =1
n
∑L
k =1
ii
jk j k
(XII.1-1)
ce qu'on écrit sous forme matricielle:
W =
1 T
[I ] [L][I ]
2
(XII.1-2)
Considérons un second système de courants, obtenu par un changement de base décrit par la
matrice λ:
[I '] = [λ ][I ]
(XII.1-3)
Pour deux courants par exemple, ce changement de base s'écrit:
⎧⎪i1' = λ11i1 + λ12 i2
⎨'
⎪⎩i2 = λ 21i1 + λ 22 i2
XII.1 - Schémas LEG: Schéma inductif multisorties
(XII.1-4)
III - 398
Dans cette nouvelle base, l'énergie magnétostatique –dont la valeur est inchangée– s'écrit:
W =
(
1 T
[I '] [λ ]−1
2
) [L][λ ]
T
−1
[I ']
(XII.1-5)
ou encore
W =
1 T
[I '] [L'][I ']
2
(XII.1-6)
La nouvelle matrice de coefficients d'inductance, dans la seconde base, est donc définie par:
[L'] = ([λ ]−1 ) [L][λ ]−1
T
(XII.1-7)
Suivant [103], il est possible d'orthogonaliser le système, c'est-à-dire de trouver un changement de
base λ tel que la matrice L' soit purement diagonale. En termes physiques, cela revient à trouver
un système de courants i' pour lesquels les effets mutuels sont nuls. Du point de vue de l'énergie,
tout se passe comme si n courants indépendants passaient dans n inductances propres lj non
couplées (qui sont les termes diagonaux de la matrice L'). L'énergie magnétostatique s'écrit dans ce
cas:
W =
2
1 n
∑ l j i 'j
2 j =1
(XII.1-8)
Dans la base orthogonale i', cette propriété permet de simplifier considérablement le schéma
équivalent puisqu'il ne compte plus que n inductances au lieu de n2. Néanmoins, pour passer des
courants i aux courants i', il faut intégrer dans le schéma le changement de base (XII.1-4), ce qui
demande n2 coupleurs à deux enroulements utilisant les valeurs λjk comme rapports de couplage.
Changement de base des tensions
Sur base des définitions précédentes, on peut dégager des relations complémentaires qui
concernent les tensions. Si on définit la matrice des tensions par:
[V ] =
jω [L ][I ]
(XII.1-9)
et de manière similaire les tensions dans la nouvelle base par:
[V '] =
jω [L'][I ']
(XII.1-10)
on obtient sur base de (XII.1-3) et (XII.1-7):
[V '] =
(
jω [λ ]
) [L][λ ]
−1 T
−1
[λ ][I ]
(XII.1-11)
soit:
[V '] = ([λ ]−1 ) [V ]
T
XII.1 - Schémas LEG: Schéma inductif multisorties
(XII.1-12)
III - 399
Le changement de base des courants entraîne donc un changement de base des tensions décrit par
la matrice inverse transposée. Ce changement de base doit également être implémenté dans le
schéma équivalent.
XII.1.2 Orthogonalisation de Schmidt et schéma équivalent
Orthogonalisation de Schmidt
Dans la version exposée ci-dessus, l'orthogonalisation a relativement peu d'intérêt du fait du grand
nombre de coupleurs à intégrer au schéma équivalent pour représenter le changement de base. Ce
nombre peut cependant être fortement réduit en utilisant une méthode d'orthogonalisation
particulière bien connue: la méthode de Schmidt. D'après celle-ci, il est toujours possible, si les
courants sont indépendants, d'obtenir une base de courants orthogonale par une transformation
du type:
⎧i1' = i1
⎪'
⎪i2 = λ12 i1 + i 2
⎨'
⎪i3 = λ13 i1 + λ 23 i2 + i3
⎪...
⎩
(XII.1-13)
Les facteurs λ de ce dernier système peuvent être implémentés dans le schéma sous forme de n(n1)/2 coupleurs à deux enroulements [103].
Schéma équivalent à deux enroulements
Pour deux enroulements (n=2), le changement de base des courants s'écrit67:
⎧⎪i1' = i1
⎨'
⎪⎩i2 = η12 i1 + i2
(XII.1-14)
utilisant la matrice
[λ ] = ⎡⎢
1
⎣η12
0⎤
1⎥⎦
(XII.1-15)
La matrice inverse transposée vaut:
([λ ] )
−1 T
⎡1 − η12 ⎤
=⎢
1 ⎥⎦
⎣0
(XII.1-16)
67 Les coefficients λ du changement de base sont maintenant notés η pour rappeler qu'ils seront implémentés par des
coupleurs.
XII.1 - Schémas LEG: Schéma inductif multisorties
III - 400
de sorte que ce changement de base se traduit pour les tensions par le système (voir (XII.1-12)):
⎧⎪v1' = v1 − η12 v 2
⎨ '
⎪⎩v 2 = v 2
(XII.1-17)
Les expressions (XII.1-8), (XII.1-14) et (XII.1-17) peuvent être traduites dans le schéma suivant:
η12i1
i2
i'2
v2
l1
η12
p
p
l2
i1=i'1
η12v2
v1
Figure III-29: Schéma inductif LEG à deux enroulements
Ce schéma comprend bien deux inductances l1 et l2 parcourues respectivement par les courants i'1
et i'2. Le rapport de couplage η12 constitue la troisième variable. Compte tenu du sens du coupleur
et pour la facilité des développements ultérieurs, le port 2 est considéré comme l'enroulement
primaire.
A titre indicatif, il est intéressant de calculer les inductances dans la nouvelle base en fonction de la
matrice
initiale
par
2
l'intermédiaire
de
(XII.1-7):
⎡
⎤
[L'] = ⎢ L1 − η12 L2 M − η12 L2 ⎥
L2
⎣ M − η12 L2
⎦
(XII.1-18)
On voit immédiatement que pour obtenir un système orthogonal (éléments non diagonaux nuls), il
suffit de choisir:
η12 =
M
L2
(XII.1-19)
qui mène aux valeurs finales:
⎡
M2
⎡l1 0 ⎤ ⎢ L1 −
[L'] = ⎢
L2
⎥=
⎣ 0 l 2 ⎦ ⎢⎢
0
⎣
⎤
0⎥
⎥
L2 ⎦⎥
(XII.1-20)
Fondamentalement, le schéma de la Figure III-29 est simplement un schéma classique dans lequel
on a reporté toute l'inductance de fuite au secondaire. On dispose de cette manière de trois
variables, c'est-à-dire autant que la matrice inductance de départ. En choisissant pour le rapport de
XII.1 - Schémas LEG: Schéma inductif multisorties
III - 401
couplage la valeur M/L2 au lieu du rapport du nombre de spires, on assure que toutes les
inductances sont positives. Si à ce stade-ci le schéma est peu différent de ceux vus au chapitre X, le
caractère particulier de la démarche apparaît davantage lorsqu'on multiplie les enroulements.
Schémas à enroulements multiples
Sur base d'une démarche itérative, on obtient les schémas équivalents des Figures III-30 et III-31
pour respectivement trois et quatre enroulements [103].
i3
p
v3
i2
l2
η23
p
l3
p
v2
η12
p
η13
l1
p
i1
v1
Figure III-30: Schéma inductif LEG à trois enroulements (en bleu: schéma à deux enroulements)
i4
v4
p
p
l4
η23
p
η14
p
i2
p
l2
p
p
v3
p
η13
η24
i3
l3
η34
η12
l1
v2
p
i1
v1
Figure III-31: Schéma inductif LEG à quatre enroulements (en bleu: schéma à deux enroulements;
en rouge: éléments supplémentaires du schéma à trois enroulements)
XII.1 - Schémas LEG: Schéma inductif multisorties
III - 402
Compte tenu du fait que chaque nouveau schéma reprend celui d'un transformateur à n-1
enroulements, la méthode se généralise aisément pour tout n.
XII.1.3 Identification des éléments du schéma
Au total, le schéma compte n(n+1)/2 variables à identifier, qui se répartissent en n inductances lj et
n(n-1)/2 rapports de couplage.
Pour les inductances, l'analyse du schéma montre que lj est l'inductance vue du port j lorsque tous
les ports d'indice inférieur à j sont à circuit ouvert et tous les ports d'indice supérieur à j sont courtcircuités. Par exemple, dans la Figure III-31, l2 est l'inductance vue du port 2 lorsque le port 1 est à
circuit ouvert et les ports 3 et 4 sont en court-circuit.
De ce fait, toutes les inductances lj, puisqu'elles sont directement mesurables, sont forcément
positives. Cette propriété est confirmée par l'expression (XII.1-8) de la forme quadratique réduite,
qui démontre que si l'énergie magnétostatique est positive, toutes les inductances lj le sont
également.
De la même manière, on peut montrer que le rapport de couplage ηjk vaut vj/vk lorsqu'on alimente
le port k, tous les ports d'indice inférieur à k étant à circuit ouvert et tous les ports d'indice
supérieur à k étant en court-circuit.
XII.1.4 Dénombrement des éléments du schéma
En supposant que chaque rapport de couplage est implémenté par deux sources de courant
commandées (une source de courant et une source de tension), on peut évaluer à n2 le nombre
d'éléments à introduire dans un simulateur de circuit pour implémenter le schéma inductif LEG.
Par comparaison, le Tableau 36 (p. 376), qui dénombre le nombre d'éléments du schéma CCS,
montre qu'il faut n(2n-1) éléments68 pour implémenter un schéma comparable purement inductif
selon la méthode du chapitre précédent. Pour des transformateurs à trois, quatre ou cinq sorties,
on obtient donc respectivement 9, 16 ou 25 éléments pour le schéma LEG au lieu de 15, 28 ou 45
éléments pour le schéma CCS. Le schéma LEG permet donc de réaliser une économie certaine de
ce point de vue. Ce petit nombre d'éléments peut être attribué à l'absence de mailles auxiliaires,
nécessaires pour représenter les mutuelles dans le schéma CCS.
68 Pour arriver à ce résultat, on considère dans le Tableau 36 que U vaut ½ (puisque chaque échelle est remplacée par
une seule inductance, c'est-à-dire un demi échelon) et que l'ensemble des éléments parallèles demande n éléments au
lieu de 3n.
XII.1 - Schémas LEG: Schéma inductif multisorties
III - 403
XII.1.5 Conclusion
Le schéma LEG inductif est construit sur base d'une orthogonalisation de la matrice inductance,
obtenue par un changement de base des courants. Cette démarche originale amène de nombreux
avantages:
- le schéma compte autant d'éléments (inductances et coupleurs) que la matrice
inductance du système de n enroulements;
- toutes les variables du schéma sont directement mesurables sur base de mesures en
court-circuit ou à circuit ouvert. En particulier, les inductances sont toutes positives;
- grâce à l'absence de mutuelles, le schéma LEG compte nettement moins d'éléments
(asymptotiquement la moitié) qu'un schéma CCS comparable.
Ce schéma représente donc une solution particulièrement élégante, alliant une méthode rigoureuse
avec une interprétation physique relativement aisée. Il s'agit cependant à ce stade d'un schéma ne
tenant compte que des effets inductifs. S'il est facile sur cette base d'imaginer une modélisation
partielle des effets capacitifs et résistifs, la prise en compte de ces effets de manière exhaustive
apparaît par contre moins triviale en présence de plus de deux enroulements comme on le verra
dans le point suivant.
XII.1 - Schémas LEG: Schéma inductif multisorties
III - 404
XII.2 Schéma complet à deux enroulements
Outre le schéma inductif que nous venons de présenter, le LEG propose également dans [33] et
[101] un schéma complet, c'est-à-dire englobant les effets dissipatifs et capacitifs, mais limité à deux
enroulements. Contrairement au schéma CCS, les effets capacitifs sont ici modélisés de manière
exhaustive.
XII.2.1 Schéma capacitif
Comme on l'a signalé au §X.4.1, un transformateur à deux enroulements constitue du point de vue
électrostatique un 3-ports puisqu'il est caractérisé par trois tensions indépendantes, par exemple
celles de la Figure III-32. Un tel transformateur est donc décrit par six coefficients de capacité Cij.
i1
i2
v1
v2
i3
v3
Figure III-32: 3-ports électrostatique
Si on veut décrire de manière exhaustive les effets capacitifs, il faut donc introduire six capacités
dans le schéma équivalent. Cette opération n'a de sens que si on s'intéresse aux variations
d'impédance à des fréquences relativement élevées, où apparaissent les différentes résonances
caractéristiques de ces effets électrostatiques.
Il existe plusieurs possibilités pour introduire ces capacités dans le schéma. Nous en avons donné
une première à la Figure III-9 (p. 350). Le LEG en propose deux autres reproduites à la Figure III33 ([12] et [33]). On peut en fait utiliser tout ensemble de capacités qui permet une identification
terme à terme de l'énergie électrostatique du quadripôle, forme quadratique des tensions v1 à v3:
W =
1
(C11v12 + C 22 v 22 + C 33 v32 ) + C12 v1v 2 + C13 v1v3 + C 23 v 2 v3
2
(XII.2-1)
Par exemple, l'énergie électrostatique du schéma b ci-dessous vaut:
1
1 ⎛v
W = γ 1v12 + γ 2 ⎜⎜ 2
2
2 ⎝η
2
⎞
v
1 ⎛
⎟⎟ + γ 3 ⎜⎜ v1 − 2
η
2 ⎝
⎠
2
⎞
⎟⎟
⎠
2
⎞
1
1 ⎛v
1
2
+ γ 4 v32 + γ 5 ⎜⎜ 2 − v3 ⎟⎟ + γ 6 (v1 − v3 )
2
2 ⎝η
2
⎠
XII.2 - Schémas LEG: Schéma complet à deux enroulements
(XII.2-2)
III - 405
γ4
γ6
γ1
effets
inductifs et
dissipatifs
η
p
p
γ2
γ3
γ5
Schéma a
γ6
γ3
A
γ1
effets
inductifs et
dissipatifs
γ5
γ2
η
p
C
p
B
D
γ4
Schéma b
Figure III-33: Deux exemples de schémas complets à six capacités
Ce qui permet l'identification:
⎧γ 1 = C11 + ηC12 + C13
⎪
2
⎪γ 2 = η C 22 + η (C12 + C 23 )
⎪⎪γ 3 = −ηC12
⎨
⎪γ 4 = C 33 + C13 + ηC 23
⎪γ = −ηC
23
⎪ 5
⎪⎩γ 6 = −C13
(XII.2-3)
Ceci permet uniquement une identification à partir des coefficients d'inductance du 3-ports.
Lorsqu'on désire identifier les six capacités sur base de mesures, le LEG propose de passer par un
schéma réduit intermédiaire comme expliqué ci-dessous.
XII.2.2 Quadripôle électrostatique et schéma réduit
Pour identifier les éléments inductifs et dissipatifs d'un transformateur à deux enroulements, il
suffit de disposer de trois valeurs d'impédance, par exemple l'impédance à circuit ouvert vue de
chacun des deux ports (ZCO1 et ZCO2) et l'impédance en court-circuit, vue du primaire (ZCC1) ou
XII.2 - Schémas LEG: Schéma complet à deux enroulements
III - 406
vue du secondaire (ZCC2). Ce nombre ne suffit pas pour les effets capacitifs puisque de ce point de
vue le transformateur est un 3-ports.
L'idée du LEG est de ramener momentanément le 3-ports à un vrai quadripôle, y compris du point
de vue électrostatique, en fixant le potentiel primaire/secondaire v3. On considérera plusieurs
quadripôles de ce type pour identifier les éléments du schéma complet.
Il s'agit en fait de réduire le nombre de variables de trois à deux, c'est-à-dire de rendre v3 dépendant
de v1 et de v2 plutôt que de le fixer à une valeur donnée. En pratique, cette opération est
simplement réalisée en connectant ensemble deux bornes du transformateur. Par exemple, on
annule v3 en connectant B à D dans la Figure III-33. Le Tableau 39 montre les connections
possibles et la condition obtenue dans chaque cas.
connexion
B avec D
A avec C
B avec C
A avec D
A, B, C et D flottants
A avec B et C avec D
condition
v3=0
v3= v1- v2
v3= v2
v3= v1
i3=0, ce qui implique
v3=-(C13v1+C23v2)/C33
v1= v2=0
Tableau 39: Connections possibles pour fixer le potentiel v3
Lorsqu'une de ces connexions est réalisée, l'énergie électrostatique ne dépend plus que de v1 et v2:
le transformateur est réduit à un quadripôle. De ce fait, trois coefficients suffisent pour décrire les
effets capacitifs dans ce transformateur "réduit".
En conséquence, on peut associer à un tel transformateur le schéma réduit de la Figure III-34, qui
correspond au schéma b de la Figure III-33 dans lequel on a tenu compte de la connexion réalisée
et où on a introduit un sous-ensemble relativement classique pour tenir compte des effets inductifs
et dissipatifs.
C3
r1
lS
r2
2LP
C1
2RP
2LP
2RP
C2
p
η
p
Figure III-34: Schéma réduit à trois capacités (le trait interrompu représente
une des liaisons possibles pour réduire le transformateur à un quadripôle)
XII.2 - Schémas LEG: Schéma complet à deux enroulements
III - 407
Comportement asymptotique et résonances du schéma réduit
Pour identifier les éléments de ce schéma réduit, le LEG adopte une fois encore une démarche
relativement originale. Au lieu de baser cette opération sur certaines fréquences bien choisies,
comme dans le schéma CCS, on propose ici de tenir compte du comportement des impédances
sur toute la gamme de fréquence. Cette méthode est beaucoup plus fiable car moins sensible aux
erreurs de mesure par exemple. Elle permet en même temps de se rendre compte rapidement si le
modèle prend effectivement en compte les phénomènes observés ou se révèle trop limité.
Pratiquement, on calcule l'impédance théorique du schéma réduit de la Figure III-34 et on en tire
les comportements asymptotiques représentés ci-dessous (Figure III-35).
1
Log |Z|
ω (C1 + C 2 )
1
ZCC1
ω (C1 + C3 )
ZCO1
1
⎛
CC ⎞
ω ⎜⎜ C1 + 2 3 ⎟⎟
C
2 + C3 ⎠
⎝
ωLCO
r1+ r2
r1
ωLCC
ωLCC
f1
f2
C1 + C3
C1 + C 2
f3
f4
Log f
Figure III-35: Valeurs asymptotiques des impédances ZCO1 et ZCC1 du schéma réduit
(la gamme de fréquence s'étend de quelques dizaines de Hz à quelques dizaines de MHz)
Des courbes similaires peuvent être déduites pour les impédances ZCO2 et ZCC2, en permutant C1 et
C2 et en multipliant l'expression de l'impédance par η2.
En supposant que le couplage est proche de l'unité, ce qui permet des approximations courantes
précisées dans [33], ce même calcul fait apparaître les fréquences suivantes, correspondant aux
résonances illustrées à la Figure III-35:
f1 =
f2 =
f3 =
1
2π LCO (C1 + C 2 )
1
2π LCC (C1 + C 3 )
1
2π LCC (C 2 + C 3 )
XII.2 - Schémas LEG: Schéma complet à deux enroulements
(XII.2-4)
(XII.2-5)
(XII.2-6)
III - 408
f4 =
1
⎛
CC
2π LCC ⎜⎜ C 3 + 1 2
C1 + C 2
⎝
⎞
⎟⎟
⎠
(XII.2-7)
Identification des éléments du schéma réduit
Sur base des considérations précédentes, les neuf éléments du schéma réduit sont identifiés selon
la méthodologie suivante:
- on établit une connexion entre deux bornes du transformateur pour le réduire à un
quadripôle véritable;
- on mesure l'impédance complexe à circuit ouvert vue depuis chaque enroulement
(ZCO1 et ZCO2) ainsi que l'impédance en court-circuit vue du primaire (ZCC1) et on en
trace les courbes de Bode;
- conformément à la Figure III-35, on identifie les inductances LCO1, LCO2 et LCC1 sur
base de la première asymptote oblique de chacune des courbes;
- on détermine ensuite les éléments inductifs du schéma:
⎞ LCO 2
⎟⎟
⎠ LCO1
⎛ v2
⎝ v1
η = sgn⎜⎜
lS =
LCC1
k
LP = LCO1
1+ k
2
(XII.2-8)
(XII.2-9)
(XII.2-10)
avec
k = 1−
-
LCC1
LCO1
(XII.2-11)
les résistances r1 et r2 sont déterminées par les paliers basse fréquence des courbes ZCO1
et ZCO2 respectivement. Leur somme peut être vérifiée sur la courbe ZCC1;
la résistance RP est égalée au module de l'impédance à la résonance f1;
enfin les trois capacités C1, C2 et C3 sont calculées sur base des fréquences f1 à f3, avec
une vérification éventuelle par la valeur f4. L'une des capacités peut être négative.
XII.2.3 Identification des six capacités du schéma complet
Dans le schéma réduit, la valeur des capacités C1 à C3 dépend de la connexion effectuée pour
ramener le transformateur à un quadripôle. Pour la connexion B-D, illustrée à la Figure III-34, on
obtient par exemple les relations:
XII.2 - Schémas LEG: Schéma complet à deux enroulements
III - 409
⎧C1 + C 3 = C11
⎪
2
⎨C 2 + C 3 = η C 22
⎪
2
⎩C1 + C 2 = C11 + η C 22 + 2ηC12
(XII.2-12)
En modifiant la connexion réalisée entre primaire et secondaire et en réalisant à nouveau un
ensemble complet de mesures suivi d'une identification des capacités C1 à C3, on obtient un autre
ensemble d'équations du type de (XII.2-12), correspondant à la connexion choisie. On peut de
cette manière obtenir suffisamment d'équations pour déterminer les six coefficients Cij et donc les
six capacités γj du schéma complet par l'intermédiaire de (XII.2-3). Les systèmes d'équations
correspondant à chaque connexion sont donnés dans [12] et [33].
XII.2.4 Variation des pertes et des inductances en fonction de la fréquence
L'introduction de six capacités dans le schéma équivalent à deux enroulements permet de tenir
compte de manière exhaustive des résonances apparaissant dans les impédances. Par contre, on n'a
pas encore tenu compte jusqu'ici des effets quasi-statiques, qui font également varier les résistances
et les impédances du schéma en fonction de la fréquence. La nécessité de modéliser ces
phénomènes apparaît notamment dans le fait que la première pente de la courbe ZCC1 dans la
Figure III-35 est en pratique légèrement moindre que l'unité. Le même phénomène peut apparaître
dans la courbe ZCO1 pour l'impédance parallèle, ce qui amène à "shunter" une partie de ces
impédances par des résistances.
Le LEG propose donc comme schéma final d'un transformateur à deux enroulements le schéma
de la Figure III-36. Dans celui-ci, on peut reconnaître des échelles d'impédance, agissant à la fois
pour les impédances série et parallèle, ce qui est une nouveauté par rapport au schéma CCS.
γ6
γ3
γ5
lS -lS*
r1
lS
*
r2
A
C
r*
γ1
2LP*
2RP
B
2R*
γ2
2LP*
2R*
2(LP -LP*)
η
p
p
2RP
2(LP -LP*)
D
γ4
Figure III-36: Schéma LEG complet à deux enroulements
XII.2 - Schémas LEG: Schéma complet à deux enroulements
III - 410
On note que ce schéma ne correspond pas tout-à-fait au schéma inductif à deux enroulements
proposé à la Figure III-29 et découlant de l'orthogonalisation de la matrice. Il peut cependant
facilement lui être ramené.
Pour l'identification des résistances et inductances supplémentaires des échelles par rapport au
schéma précédent (Figure III-34), on montre que la variation d'impédance atteint 50% de la
variation totale à la fréquence
fC =
r*
2π l S − l S*
(XII.2-13)
et que la pente de l'inductance est maximale à la fréquence
fM =
r*
2π 3(l S − l S* )
(XII.2-14)
Le relevé de ces deux fréquences permet donc de déterminer les valeurs r* et lS*. Une démarche
similaire peut être appliquée pour les impédances parallèles. Cette méthode d'identification est
fondamentalement très proche de celle proposée pour deux échelons dans le schéma CCS. Le
LEG n'envisage pas des échelles à plus de deux échelons, bien que rien n'empêche de le faire dans
le principe.
XII.2.5 Conclusion
Contrairement au schéma CCS, l'option prise par le LEG consiste à modéliser tous les effets
capacitifs. Pour un schéma à deux enroulements, qui est le seul cas étudié, il faut donc introduire
six capacités.
L'identification de ces six capacités passe par la réduction du transformateur en un vrai quadripôle
électrostatique. En pratique, cette opération est réalisée sans difficulté en connectant une
terminaison primaire à une terminaison secondaire. Le schéma réduit ne compte alors plus que
trois capacités qu'on identifie, ainsi que les autres éléments du schéma, sur base du comportement
asymptotique des impédances.
En variant la connexion entre primaire et secondaire, on peut déterminer plusieurs ensembles de
valeurs des capacités du schéma réduit, qui permettent finalement de déterminer les six capacités
du schéma complet.
Les variations des impédances dues aux effets quasi-statiques sont d'autre part modélisées par des
échelles à deux échelons, utilisées à la fois pour l'impédance série et pour l'impédance parallèle.
L'identification est similaire à celle utilisée pour deux échelons dans le schéma CCS.
Les confirmations expérimentales montrées dans [12] et [33] indiquent que le schéma LEG
complet à deux enroulements ci-dessus permet effectivement de mieux tenir compte de la
XII.2 - Schémas LEG: Schéma complet à deux enroulements
III - 411
variation des impédances en fonction de la fréquence. En particulier, les fréquences de résonance
du modèle reproduisent fidèlement celles du transformateur réel, ce qui est évidemment permis
par le plus grand nombre de variables disponibles de ce point de vue. Le schéma LEG couvre
donc une plus grande gamme de fréquence (quatre voire cinq décades) que le schéma CCS, ce qui
en fait un candidat de choix lorsqu'il s'agit d'étudier une alimentation résonante.
Ces conclusions sont cependant à nuancer: d'une part parce qu'elle sont données sous réserve
d'une étude plus approfondie, puisque nous n'avons pas nous-mêmes implémenté et testé le
schéma LEG et d'autre part parce que le LEG ne propose pas à notre connaissance de schéma
complet à plus de deux enroulements69.
Au moment de finaliser notre texte (septembre 1999), le LEG publie un article proposant un schéma à trois
enroulements comportant un nombre réduit de capacités (par rapport aux quinze théoriquement nécessaires) [179].
69
XII.2 - Schémas LEG: Schéma complet à deux enroulements
III - 412
XII.3 Conclusion
L'approche du Laboratoire d'Electrotechnique de Grenoble poursuit les mêmes buts que ceux qui
ont amené au développement du schéma CCS. Des options différentes sont prises, qui mènent à
deux solutions partielles: un schéma inductif multisorties et un schéma complet à deux
enroulements.
La démarche originale appliquée pour le schéma inductif multisorties consiste à orthogonaliser, par
la méthode de Schmidt, la matrice impédance d'un système de n enroulements. Cette idée permet
de faire disparaître les mutuelles du schéma, ce qui réduit asymptotiquement de moitié le nombre
de ses éléments par rapport au schéma CCS. Tous les éléments du schéma (inductances et rapports
de couplage) sont directement mesurables. Les inductances sont positives.
D'autre part, pour le schéma complet à deux enroulements, deux particularités peuvent être
soulignées. La première est que des échelles d'impédance sont utilisées à la fois pour les
impédances série et pour les impédances parallèles, ce qui est une nouveauté par rapport au
schéma CCS. La seconde est que les effets capacitifs sont pris en compte de manière exhaustive,
par l'intermédiaire de six capacités. Leur identification est réalisée sur base du comportement
asymptotique d'un schéma réduit à trois capacités, correspondant à un quadripôle électrostatique.
Les six capacités permettent de modéliser les résonances série, ce qui donne à ce schéma un
domaine de validité en fréquence plus étendu que le schéma CCS.
L'idéal serait évidemment de généraliser ce dernier schéma à davantage d'enroulements. Cette
démarche n'est cependant pas forcément souhaitable telle quelle car elle mènerait rapidement à un
nombre de capacités très important dont une partie est peut-être inutile70. N'ayant pas eu
l'occasion d'approfondir l'étude du schéma LEG, nous en soulignons dans le cadre de ce travail les
éléments marquants:
- l'orthogonalisation des inductances,
- la modélisation de l'impédance parallèle par une échelle d'impédance,
- la multiplication des capacités et la méthode d'identification par un schéma réduit qui
lui est associée.
En restreignant le nombre de capacités et sur base soit d'un schéma CCS soit d'un schéma inductif
orthogonalisé, il nous semble possible de tirer profit de l'ensemble des idées données dans ce
chapitre et dans le chapitre précédent pour obtenir un schéma multisorties valable sur une gamme
de fréquence plus large que le schéma CCS.
70
Voir la note de bas 69 (page précédente).
XII.3 - Schémas LEG: Conclusion
III - 413
XIII. Autres types de schémas équivalents
Dans ce dernier chapitre, nous présentons divers types de schémas équivalents élaborés selon des
méthodes variées. Certaines de ces approches sont encore partielles mais livrent des pistes
intéressantes, s'écartant souvent des schémas plus classiques des deux chapitres précédents. Sans
avoir l'ambition de mener une étude exhaustive, nous complétons ainsi notre tour d'horizon des
modèles de pièces magnétiques.
Plan du chapitre
XIII.1 Méthode des réluctances ..................................................................................... 415
XIII.2 Schéma équivalent électromagnétique.............................................................. 418
XIII.3 Schéma LEG basé sur la notion de propagation ............................................. 421
XIII.4 Analyse modale ..................................................................................................... 427
XIII.5 Conclusion............................................................................................................. 428
XIII - Autres types de schémas équivalents
III - 414
XIII.1 Méthode des réluctances
Dans ce chapitre regroupant des schémas divers, nous présentons une approche souvent utilisée
qui consiste à identifier les chemins magnétiques et les réluctances à partir du modèle géométrique,
de manière à tirer de celui-ci un schéma équivalent.
XIII.1.1 Méthode des réluctances
Comme on l'a rappelé dans le chapitre X, la réluctance est l'équivalent pour les phénomènes
magnétiques de la résistance. On écrit en effet:
φ=
N2
i = Li
ℜ
(XIII.1-1)
analogue de la loi d'Ohm, avec pour définition de la réluctance d'un tube de flux de longueur l et
de section S constante:
ℜ=
l
(XIII.1-2)
µS
L'analyse des phénomènes magnétiques peut donc notamment se faire selon une approche
géométrique, basée sur la décomposition du transformateur en chemins magnétiques et en
réluctances, comme le montre l'exemple de la Figure III-37.
φin
φair
φout
Rin
Rair
Rout
y
x
Figure III-37: Un exemple de décomposition en réluctances
pour un transformateur à deux enroulements
De ces réluctances, on déduit un schéma "magnétique" auquel il suffit ensuite d'appliquer une
transformation duale pour obtenir un schéma équivalent électrique comme à la Figure III-38 [45].
XIII.1 - Autres types de schémas équivalents: Méthode des réluctances
III - 415
Ce schéma peut être ramené, par l'intermédiaire d'une transformation "triangle/étoile", au schéma
classique.
N1i1
φin
φair
φout
Rin
Rair
Rout
LS=N12/Rair
i1
LP1=
N12/Rin
v1
N2i2
i2
η
p
LP2=
N12/Rout
p
v2
Figure III-38: Schéma en réluctances (en haut) et schéma équivalent
électrique (en bas) du transformateur de la figure précédente
Lorsque le transformateur comporte plus de deux enroulements bobinés sur la jambe centrale d'un
noyau classique, on obtient le schéma de la Figure III-39 [45][176][206].
LS1
LS2
LS3
η12
p
v1
LP1
η13
p
p
v2
LP2
η14
p
p
v3
LP3
p
v4
Figure III-39: Schéma équivalent d'un transformateur multisorties obtenu par la méthode des réluctances
Le schéma équivalent obtenu en finale dépend de la décomposition en réluctances effectuée. On
peut par exemple choisir de négliger certains flux de fuite ou de décomposer plus ou moins
finement la géométrie du noyau. La décomposition en elle-même est relativement laborieuse.
Les schémas en réluctances sont généralement utilisés lorsqu'on accorde une attention particulière
à la géométrie du noyau. Ils sont généralement complétés par un petit nombre d'éléments parasites
XIII.1 - Autres types de schémas équivalents: Méthode des réluctances
III - 416
supplémentaires (résistances et capacités), ce qui limite forcément la portée des modèles. Un
exemple de schéma relativement complet à deux enroulements est donné dans [40].
Notons que Wang, Witulski et al. [206] proposent, sur base d'un calcul de l'énergie, un schéma en
réluctances qui tient compte du champ orthogonal dans la fenêtre de bobinage.
XIII.1.2 Modèle gyrateur/capacités
Sur base de la même décomposition en réluctances, Dixon propose un modèle alternatif appelé
schéma "gyrateur/capacités" [45]. En introduisant un élément appelé "gyrateur", défini comme
étant un quadripôle dont un port a une impédance inverse de l'autre, on peut éviter l'étape de
transposition en un schéma dual dans la méthode précédente. Le schéma final possède ainsi une
topologie déduite directement des chemins magnétiques identifiés à la première étape de la
méthode. Les réluctances y sont modélisées par des capacités.
XIII.1.3 Conclusion
La méthode des réluctances est une analyse géométrique des flux dans le transformateur. Elle est
généralement appliquée lorsqu'on s'intéresse particulièrement au noyau et est rarement complétée
d'éléments auxiliaires destinés à modéliser les autres types de phénomènes. A notre connaissance,
elle est peu appliquée dans les transformateurs de puissance multisorties, du moins dans le cadre
de simulations du convertisseur.
XIII.1 - Autres types de schémas équivalents: Méthode des réluctances
III - 417
XIII.2 Schéma équivalent électromagnétique
Ce schéma, développé par les universités de Madrid et d'Oviedo, a déjà été détaillé dans la seconde
partie de ce travail en tant que moyen de calcul des champs 2D dans le transformateur. Il peut
cependant également être utilisé lors de simulations du convertisseur. On part également ici de la
géométrie de la pièce magnétique, dont on extrait un schéma équivalent modélisant les champs
électromagnétiques.
XIII.2.1 Schéma équivalent 1D
Pour rappel, la méthode du schéma équivalent électromagnétique, que nous avons déjà présentée
au chapitre IV de la seconde partie, consiste à exprimer les équations de Maxwell sous forme de
schéma équivalent électrique. Dans le schéma obtenu, le courant représente le champ magnétique
dans la fenêtre de bobinage et la tension représente le champ électrique dans les conducteurs. Cette
méthode, qui peut être utilisée dans une analyse à une ou à deux dimensions, amène à modéliser
chaque conducteur par un ensemble de cellules R-L, qu'il faut encore lier aux courants et tensions
"électriques" aux ports du transformateur.
La Figure III-40 donne l'exemple du schéma 1D d'un transformateur à deux enroulements. Le
transformateur concerné pourrait par exemple être celui de la Figure III-37 déjà étudié au point
précédent.
v*=Ez
primaire
secondaire
i*=Hy
i1
N1/bw
p
i2
N2/bw
p
p
v1
p
v2
Figure III-40: Schéma équivalent électromagnétique d'un transformateur à deux enroulements
Les éléments en bleu dans la figure ci-dessus appartiennent à la partie électromagnétique du
schéma. Les courants et tensions i* et v* y représentent les champs magnétique et électrique. Les
cadres en trait interrompu indiquent les deux conducteurs tandis que les trois inductances situées
en dehors de ces cadres modélisent l'air dans la fenêtre de bobinage. Enfin les deux coupleurs
réalisent la transition entre les grandeurs électriques propres au transformateur et les grandeurs
électromagnétiques.
XIII.2 - Autres types de schémas équivalents: Schéma équivalent électromagnétique
III - 418
Dans une approche 2D, les échelles d'impédance figurant dans les encadrés sont remplacés par des
réseaux à deux dimensions comme on l'a expliqué au §IV.3.
XIII.2.2 Analyse des possibilités
Parmi les modèles présentés dans cette troisième partie, le schéma équivalent électromagnétique
est quelque peu particulier puisqu'il modélise les champs électromagnétiques dans le
transformateur. Il s'agit donc d'un modèle qui va singulièrement plus loin que les schémas
classiques se contentant de modéliser le transformateur vu de l'extérieur. C'est d'ailleurs la raison
pour laquelle ce schéma a été détaillé dans la seconde partie, consacrée à l'analyse des champs.
Une autre particularité de ce schéma est qu'il ne demande pas d'étape d'identification. Ses éléments
sont en effet déduits directement de la géométrie du transformateur. Compte tenu du fait qu'il peut
être aisément implémenté dans un simulateur de circuit, on peut envisager d'utiliser ce schéma au
sein d'une simulation complète de convertisseur, du moins si on se limite à un modèle 1D.
L'analyse 2D génère par contre des schémas trop volumineux pour imaginer d'associer au
transformateur les éléments du convertisseur71.
Tel que présenté ci-dessus, le schéma se contente de modéliser les effets magnétiques et les pertes
cuivre, en ce compris leurs variations quasi-statiques. La gamme de fréquence est limitée, du côté
supérieur, par le nombre d'échelons choisi dans les conducteurs. On note l'absence de
modélisation des effets électrostatiques, mais rien n'empêche de compléter le schéma par un
système de capacités, comme dans le schéma LEG par exemple. Enfin, d'après les auteurs, on peut
tenir compte grâce à des inductances supplémentaires dans la partie électromagnétique du schéma
d'éventuels entrefers ou de non-linéarités du noyau.
XIII.2.3 Schéma classique de l'université de Madrid
Citons encore un schéma plus classique, développé également à l'université de Madrid, et présenté
dans [3] et [4]. La Figure III-41 en montre une version à deux enroulements, dans laquelle on
constate un caractère matriciel assez marqué dans les impédances série et les capacités. La
modélisation électrostatique utilise seulement trois capacités. La particularité du modèle est de faire
appel, au travers d'un coupleur "K" dont la nature n'est pas précisée, à un modèle non linéaire du
noyau (symbolisé par le rectangle Zcore).
On cite dans [3] la possibilité d'utiliser des réseaux (échelles) pour modéliser la variation en
fréquence des impédances série. Un schéma à trois enroulements, contenant six capacités, six
impédances série et une inductance parallèle, y est également présenté.
Il ressort de nos discussions avec M. Cobos (Université de Madrid) que la version 1D du schéma électromagnétique
est utilisée dans le logiciel "PEMag" d'Ansoft. Des schémas équivalents 2D peuvent également être générés dans ce
logiciel, mais ils sont alors basés sur des simulations en éléments finis.
71
XIII.2 - Autres types de schémas équivalents: Schéma équivalent électromagnétique
III - 419
C12
Z12
Z1
Z2
p
η
p
K
C1
C2
Zcore
Figure III-41: Le schéma à deux enroulements (ou plus) développé par l'université de Madrid
L'identification des différents éléments est réalisée sur base des coefficients d'impédances, par
intégration de la densité d'énergie comme exposé au §X.2.3. On se reportera à [160], que nous
avons déjà cité, pour une analyse plus détaillée de la modélisation des effets capacitifs.
Ce schéma n'appelle pas de commentaire particulier puisqu'il présente simplement quelques
variations sur une base tout-à-fait classique. Dans le même ordre d'idées, on pourra également se
reporter aux travaux de Chan [28], qui présente un modèle tenant compte de l'hystérèse, et de Hui
[88][89] qui adapte le schéma classique au cas particulier d'un petit transformateur d'isolation sans
noyau utilisé à des fréquence élevées (plusieurs mégahertz) pour la commande d'un transistor.
XIII.2.4 Conclusion
Le schéma équivalent électromagnétique, déjà présenté au chapitre IV, est ici donné dans sa
version complète, prête à être implémentée dans un simulateur de circuit. Il s'agit d'un schéma
particulier par le fait qu'il modélise le comportement interne, c'est-à-dire les champs
électromagnétiques, de la pièce magnétique. On peut néanmoins imaginer de l'utiliser dans une
simulation de convertisseur, spécialement aux premières étapes de la conception puisque ses
éléments sont calculés sur base de la géométrie du transformateur. On se limitera dans ce cas à un
schéma 1D à compléter des traditionnelles capacités parasites.
L'université de Madrid propose d'autre part un schéma plus classique, basé essentiellement sur une
approche matricielle, qui montre un exemple de variation typique à partir du schéma de base.
XIII.2 - Autres types de schémas équivalents: Schéma équivalent électromagnétique
III - 420
XIII.3 Schéma LEG basé sur la notion de propagation
Compte tenu des fréquences utilisées, on néglige en général toute notion de propagation dans les
transformateurs de puissance (§II.1.3). Le Laboratoire d'Electrotechnique de Grenoble (LEG)
propose cependant un schéma basé sur la propagation d'une onde électromagnétique dans un
milieu multicouches [102][178]. Le transformateur est alors décomposé en lames d'impédances
suivant un modèle unidimensionnel.
XIII.3.1 Milieu multicouches
Au chapitre XII, nous avons présenté deux schémas équivalents développés par le Laboratoire
d'Electrotechnique de Grenoble et basés sur une approche relativement classique (quoique
contenant certains aspects fort originaux). Constatant les limites de ce modèle, le LEG s'est lancé
récemment dans le développement d'un autre schéma en partant cette fois des phénomènes de
propagation. Ce schéma se limite pour l'instant à une décomposition unidimensionnelle du
transformateur.
ferrite
air
milieu
multicouches
cuivre
y
x
z
Figure III-42: Modèle 1D d'un transformateur à deux enroulements
(les parties inférieure et supérieure du noyau sont supposées de perméabilité infinie)
L'idée de départ est de considérer qu'un transformateur est constitué d'une suite de couches
possédant des propriétés différentes (cuivre, air/isolant, ferrite), c'est-à-dire forme un milieu
multicouches comme illustré à la Figure III-42 ci-dessus. Ce milieu voit une onde plane incidente
qui se propage perpendiculairement aux couches (Figure III-43). On peut vérifier que les
orientations des champs sont cohérentes avec celles constatées dans un transformateur.
XIII.3 - Autres types de schémas équivalents: Schéma LEG basé sur la notion de propagation
III - 421
ex
y
ey
Hy(z)
x
Ex(z)
z
propagation
ez
Figure III-43: Orientation des champs et direction de propagation
Cette modélisation est typique de l'optique. Dans l'hypothèse où les différentes milieux sont
isotropes, homogènes et linéaires et que l'onde est monochromatique, chaque milieu est décrit
uniquement par une perméabilité µ et une permittivité ε complexes. Ces deux valeurs tiennent
notamment compte des pertes fer et des pertes cuivre.
jω ε = σ + jωε
(XIII.3-1)
µ = µ '− jµ ' '
(XIII.3-2)
On définit sur base de ces valeurs l'impédance caractéristique de chaque milieu par:
ZC =
µ
ε
(XIII.3-3)
L'onde incidente traversant un milieu subit dans celui-ci une atténuation et un déphasage traduits
dans le coefficient complexe A:
A = e − jϕ
(XIII.3-4)
où
ϕ = e zω µ ε
(XIII.3-5)
On montre enfin que le milieu considéré peut être caractérisé par le schéma équivalent de la Figure
III-44 dans lequel:
Z1 = Z C
1− A
⎛ϕ ⎞
= Z C j tan⎜ ⎟
1+ A
⎝2⎠
XIII.3 - Autres types de schémas équivalents: Schéma LEG basé sur la notion de propagation
(XIII.3-6)
III - 422
Z2 = ZC
2A
1
= ZC
j sin (ϕ )
1 − A2
Z1
H1
Z1
(XIII.3-7)
H2
Z2
IS
E1
p
η
E2
p
VS
ES
Figure III-44: Schéma équivalent d'une couche du transformateur
considéré comme milieu multicouches
Dans cette figure, le coupleur tient compte d'un éventuel champ uniforme ES supplémentaire dans
un milieu conducteur, correspondant à l'application d'une tension VS sur un enroulement. Le
rapport de couplage vaut dans ce cas:
η=N
ex
ey
(XIII.3-8)
où N vaut le nombre de tours de l'enroulement.
XIII.3.2 Particularisation aux milieux considérés
Le schéma général ci-dessus peut être particularisé aux milieux rencontrés dans les transformateurs
de puissance. Trois milieux sont identifiés:
•
un milieu "isolant non absorbant et non rayonnant", qui possède une permittivité et une perméabilité
purement réelles. Il s'agit en pratique des isolants et plus particulièrement de l'air. Le
développement en série des expressions (XIII.3-6) et (XIII.3-7) en fonction de la fréquence
montre que dans ce cas Z1 est une inductance et Z2 une capacité. Aux fréquences usuelles
cependant, le schéma complet de la Figure III-44 se réduit à une simple inductance série. On
retombe donc sur le résultat du §XIII.2.1 (schéma équivalent électromagnétique), qui découle
fondamentalement d'une démarche analogue. On constate également que le fait de considérer
au départ la propagation n'est pas contradictoire puisqu'on retrouve à basse fréquence des
résultats déjà établis.
•
un milieu "conducteur non magnétique" destiné à représenter les enroulements et caractérisé par
une perméabilité relative unitaire et une permittivité diélectrique nulle. Aux fréquences
usuelles, ces propriétés font apparaître sans surprise l'épaisseur de peau δ dans les expressions
XIII.3 - Autres types de schémas équivalents: Schéma LEG basé sur la notion de propagation
III - 423
complètes de Z1et Z2. Une première approximation (conservant uniquement le premier terme
du développement) mène à considérer que Z1 est une inductance et Z2 une résistance. Le
schéma obtenu est cependant très limité en fréquence puisqu'il ne prend pas en compte les
variations quasi-statiques. On lui préfère donc le schéma plus évolué ci-dessous:
lC/2
lC/2
H1
H2
6rC
6rC
rC
IS
E1
p
lC/6rC2
Z2
E2
η
p
VS
ES
Figure III-45: Schéma équivalent du milieu conducteur non magnétique
où
rC =
1
σ ez
(XIII.3-9)
lC = µ 0 e z
(XIII.3-10)
On reconnaît dans ce schéma une impédance série proche d'une modélisation en échelle. La
gamme de fréquence est encore relativement limitée.
•
un milieu "magnétique dissipatif" représentant la ferrite. Au premier ordre, le modèle se réduit à
l'équivalent R-L parallèle bien connu. Le LEG propose cependant un modèle plus complexe,
représenté à la Figure III-46, qui permet de tenir compte d'une résonance de la ferrite
apparaissant aux environs du mégahertz, voire déjà à des fréquences inférieures.
Lf
Rfm
H1
E1
Rfe
H2
Cf
E2
Figure III-46: Schéma équivalent du milieu magnétique dissipatif
XIII.3 - Autres types de schémas équivalents: Schéma LEG basé sur la notion de propagation
III - 424
XIII.3.3 Schéma complet
Pour obtenir un schéma complet du modèle 1D, il suffit de mettre bout-à-bout les schémas
équivalents des différents milieux. Dans l'hypothèse où le flux de fuite hors de la ferrite est
négligeable, on peut court-circuiter les bornes extrêmes puisque les ampères-tours y sont nuls
(Figure III-47).
p
η1
p
p
V1
ferrite
air
η2
p
V2
enroulement 1
air
enroulement 2
air
ferrite
Figure III-47: Première étape pour obtenir le schéma complet
En retravaillant quelque peu le circuit, on obtient pour notre exemple à deux enroulements le
schéma final de la Figure III-48. Dans celui-ci, la variation des impédances série en fonction de la
fréquence est finalement modélisée par une échelle classique et certaines simplifications ont été
opérées compte tenu des ordres de grandeur des différents éléments [178].
enroulement 1
enroulement 2
i1
i2
air
N2/N1
p
p
V1
V2
ferrite
Figure III-48: Schéma final obtenu par la méthode de la décomposition en lames d'impédance
Le schéma obtenu est finalement fort classique. L'intérêt de la décomposition en lames apparaît
très peu puisque le seul élément atypique, à savoir la modélisation de l'impédance parallèle par
quatre éléments, ne découle pas spécifiquement de cette approche. On s'étonnera d'autre part du
petit nombre de capacités, qui ne permet pas une modélisation complète des effets
électrostatiques. D'après les auteurs, cette démarche encore à compléter promet cependant des
avancées intéressantes.
XIII.3 - Autres types de schémas équivalents: Schéma LEG basé sur la notion de propagation
III - 425
XIII.3.4 Schéma de J. Laeuffer
Concernant les modèles utilisant la notion de propagation, citons également l'article de J. Laeuffer
[105], qui étudie la propagation de l'énergie dans les transformateurs en considérant la ferrite et le
cuivre comme des matériaux parfaits (c'est-à-dire respectivement de perméabilité et de
conductivité infinies). L'article débouche sur un schéma équivalent contenant de nombreuses
cellules L-C qui nous paraît difficilement utilisable dans une simulation de convertisseur.
XIII.3.5 Conclusion
En s'inspirant d'une modélisation typiquement utilisée en optique, le Laboratoire
d'Electrotechnique de Grenoble considère le transformateur comme un milieu multicouches
voyant une onde électromagnétique incidente. Dans cette approche, un schéma équivalent partiel
peut être associé à chaque milieu et particularisé suivant les propriétés physiques de la ferrite, des
conducteurs et des isolants. En finale, on obtient un schéma résultant de la concaténation des
schémas de chaque milieu.
Exploitant les simplifications d'usage aux fréquences utilisées dans les convertisseurs, on retombe
néanmoins sur un schéma très classique dont la seule particularité, la modélisation de la ferrite par
quatre éléments, ne découle pas de la méthode présentée. Les spécificités de cette méthode
n'apparaissant qu'à plus haute fréquence, on peut se demander quel est l'apport véritable de cette
méthode, sinon le développement théorique qui en est la base. Il nous paraît cependant intéressant
d'être attentif à ses éventuels développements futurs.
XIII.3 - Autres types de schémas équivalents: Schéma LEG basé sur la notion de propagation
III - 426
XIII.4 Analyse modale
Pour terminer, citons encore une technique particulière de modélisation développée au départ
pour l'analyse des transformateurs de distribution: l'analyse modale. Celle-ci est spécialement
destinée à l'étude des transitoires rapides.
Quatre articles de Wilcox et al. décrivent l'analyse modale [209][210][211][212]. Cette méthode
consiste à décomposer chaque enroulement en "sections" auxquelles on attribue des effets propres
et mutuels. Le principe est tout-à-fait le même que la décomposition effectuée par Evans au §IV.2,
mais étendu aux effets capacitifs et éventuellement dissipatifs.
Chaque section est ensuite représentée par un schéma équivalent partiel très proche de ceux
utilisés dans l'étude des lignes de transmission. L'analyse modale consiste à organiser et résoudre
d'une manière particulière que nous ne détaillerons pas ici le système d'équations obtenu pour le
transformateur complet à n enroulements. A titre d'exemple, la Figure III-49 montre un schéma
grossier de transformateur à deux enroulements.
Figure III-49: Schéma d'un transformateur à deux enroulements obtenu par analyse modale
Le but de l'analyse modale est de tenir compte des effets répartis de manière plus complète que
dans les méthodes précédentes, en mettant l'accent sur l'étude de transitoires rapides. La méthode
ignore généralement la modélisation des pertes, abordée uniquement dans [210]. Comme on le voit,
les schémas obtenus par cette méthode comptent de très nombreux éléments et apparaissent de ce
fait peu appropriés aux simulations de convertisseurs de puissance.
XIII.4 - Autres types de schémas équivalents: Analyse modale
III - 427
XIII.5 Conclusion
Compte tenu du caractère non exhaustif de cette troisième partie consacrée aux schémas
équivalents, nous avons décidé d'y présenter essentiellement les modèles les plus intéressants en
vue de la simulation d'un convertisseur complet. C'est ce qui nous a poussé, au terme de notre tour
d'horizon des schémas existants, à développer principalement les schémas CCS et LEG aux
chapitres XI et XII.
Il est frappant de constater que quasiment tous les autres modèles figurant dans le présent
chapitre et que nous avons jugés moins immédiatement applicables sont basés sur une étude
géométrique du transformateur. La méthode des réluctances, le schéma équivalent
électromagnétique, le schéma LEG basé sur la notion de propagation ou encore l'analyse modale
consistent tous à d'abord décomposer le transformateur plus ou moins finement pour attribuer à
chacune des cellules un schéma équivalent, du plus basique au plus évolué.
Par rapport aux schémas CCS et LEG, cette approche a deux conséquences:
- l'identification des éléments du schéma est basée sur les propriétés des matériaux et la
géométrie du transformateur et non sur des mesures. Ceci implique d'une part qu'on
peut obtenir le schéma du transformateur dès les premières étapes de conception, mais
d'autre part qu'on ne tient pas compte des spécificités du dispositif réel une fois réalisé
(impédances de connexion, variation d'un transformateur à l'autre, etc);
- la décomposition géométrique est souvent une étape assez laborieuse menant à des
schémas très lourds.
D'un point de vue pratique, dans le cadre du dimensionnement et des simulations d'un
convertisseur, ces caractéristiques expliquent notre préférence pour les schémas des chapitres XI et
XII, plus maniables et plus proches du comportement réel du transformateur. Nous jugeons
cependant les méthodes développées dans ce chapitre tout aussi intéressantes pour les perspectives
plus larges qu'elles offrent quant à la compréhension des phénomènes présents dans les pièces
magnétiques.
XIII.5 - Autres types de schémas équivalents: Conclusion
III - 428
XIV. Synthèse de la troisième partie
Comme pour la seconde partie, nous proposons une synthèse des apports des chapitres
précédents. Rappelons que le but de cette troisième partie était de rechercher les schémas les plus
aptes à modéliser le transformateur dans une simulation électrique du convertisseur.
Elaboration d'un schéma équivalent
Spécificités des transformateurs de puissance
Dans le chapitre X, nous nous sommes tout d'abord efforcés d'identifier les caractéristiques des
schémas nécessaires à la simulation des transformateurs au sein des convertisseurs de puissance
(§X.1). Compte tenu du fait que la ferrite n'entre pas en saturation au cours du fonctionnement
normal du convertisseur, nous avons considéré celle-ci comme linéaire et avons choisi de
modéliser les pertes fer de façon élémentaire.
Notre recherche s'est alors orientée vers des schémas équivalents capables de prendre en compte
un nombre quelconque d'enroulements, sur une gamme de fréquence allant du domaine statique
jusqu'aux résonances du transformateur. C'est la combinaison de ces deux critères qui constitue la
difficulté du problème envisagé.
D'autre part, le schéma ne doit pas poser de problème de convergence du simulateur ni engendrer
un temps de calcul prohibitif, ce qui est une contrainte supplémentaire importante.
Eléments constitutifs
Dans les paragraphes §X.2 à §X.4, nous avons identifié les éléments de base disponibles pour
élaborer un schéma: des coupleurs et des inductances pour les phénomènes magnétiques, des
résistances pour les phénomènes dissipatifs et des capacités pour les effets électrostatiques.
Construire un schéma équivalent revient à combiner ces composants élémentaires –ce qui peut
être fait de très nombreuses façons– pour traduire les imperfections du transformateur réel. En
examinant les schémas les plus courants, nous avons relevé deux approches:
- l'approche "matricielle": elle mène généralement à des schémas symétriques et
rigoureux mais difficiles d'interprétation,
- l'approche classique, qui consiste à construire le schéma en ajoutant à un
transformateur parfait différents éléments parasites: on obtient alors un schéma plus
facile à interpréter mais moins rigoureux.
XIV - Synthèse de la troisième partie
III - 429
Les schémas courants examinés au chapitre X ne répondent pas aux exigences que nous nous
sommes fixées: soit parce qu'ils sont uniquement valables pour deux enroulements, soit parce que
la modélisation qu'ils proposent est trop partielle. L'étude de ces schémas nous a néanmoins donné
l'occasion d'aborder plusieurs notions importantes quant à la modélisation des phénomènes:
- en ce qui concerne les effets inductifs, nous avons discuté le fait qu'il est préférable de
ne pas identifier les rapports de couplage utilisés dans le modèle aux rapports du
nombre de spires des enroulements du transformateur réel (§X.2.4),
- en ce qui concerne les effets dissipatifs, nous avons rappelé les interprétations des
résistances propres et mutuelles d'un système de conducteurs qui, aux fréquences
quasi-statiques, s'écartent quelque peu des définitions habituelles de la résistance,
- en ce qui concerne les effets électrostatiques enfin, nous avons souligné le problème de
la multiplication des variables, qui explique en grande partie pourquoi la plupart des
schémas quelque peu évolués se limitent à deux enroulements.
Nous avons également attiré l'attention sur le fait que l'implémentation des coupleurs au moyen de
sources commandées rend le schéma asymétrique. Une implémentation par coefficient de
couplage, encore à tester, pourrait être préférable.
Schémas multisorties
Outre les schémas précédents présentés à titre d'introduction, deux études ressortent
essentiellement de nos recherches bibliographiques: celle du Virginia Power Electronics Center
(schéma CCS) et celle du Laboratoire d'Electrotechnique de Grenoble (schémas LEG). Toutes
deux proposent des schémas multisorties capables de modéliser la variation en fréquence des
impédances du transformateur. Le fait que deux schémas seulement soient disponibles à cette fin
confirme la difficulté du problème envisagé dans cette troisième partie.
Schéma CCS
Schéma original
L'idée du schéma CCS (chapitre XI) est avant tout de modéliser les couplages entre secondaires.
Dans ce but, le schéma de base est constitué d'un système complet d'inductances propres et
mutuelles représentant l'ensemble des effets inductifs entre secondaires (§XI.1). Le couplage de ces
enroulements avec le primaire est par contre supposé parfait (l'inductance de magnétisation étant
infinie). En pratique, ce système d'inductances peut être implémenté au moyen de boucles
auxiliaires complétant un schéma classique. Ce schéma de base est valable à une seule fréquence.
Dans une seconde étape (§XI.2), on remplace les inductances du schéma de base par des échelles
d'impédance (comprenant des inductances mais aussi des résistances). Le schéma équivalent
permet alors de modéliser les effets inductifs et dissipatifs, ainsi que leurs variations quasi-statiques
sur une gamme de fréquence. Cet apport complique néanmoins l'identification des éléments. Deux
XIV - Synthèse de la troisième partie
III - 430
techniques d'identification possédant un caractère empirique marqué sont proposées dans la
méthode originale.
Enfin, dans une troisième étape, on complète le schéma d'un circuit R-L-C parallèle distribué à
tous les ports (§XI.3). Le but est ici de modéliser l'inductance de magnétisation, les pertes fer ainsi
qu'une partie des effets capacitifs. L'identification de ce circuit se fait classiquement à partir de la
mesure de l'impédance à circuit ouvert.
Implémentation sur tableur
Nous avons implémenté dans un tableur (§XI.4) le schéma CCS complet décrit ci-dessus. A cette
occasion, nous avons tout d'abord montré que les méthodes empiriques proposées par les auteurs
pour identifier les éléments des échelles d'impédance sont fort complexes et peu efficaces. En
particulier, elles ne conviennent pas pour le transformateur de test que nous avons utilisé, un
transformateur de puissance à quatre enroulements utilisé en production chez I.T.S. Mitra. Une
amélioration significative de la modélisation a été obtenue en recourant à des méthodes de
régression classiques (de type Newton ou gradient conjugué).
Moyennant cette correction, les résultats fournis par le schéma CCS se révèlent en excellent accord
avec les mesures réalisées sur le transformateur de test: typiquement moins de 5% d'écart sur une
gamme de fréquence de deux à trois décades à partir des paliers statiques, pour un schéma
comportant entre cinquante et cent éléments.
Ce schéma, parce qu'il ne comporte qu'une seule capacité, est cependant incapable de modéliser les
résonances série faisant intervenir les impédances de fuite du transformateur. La gamme de
fréquence du modèle est donc intrinsèquement limitée en-dessous de ces résonances, ce qui nous
amène à le déconseiller pour les alimentations utilisant les techniques de commutation résonante.
Hormis cette limitation, logique compte tenu des hypothèses retenues lors de son élaboration, les
performances du schéma CCS sont jugées excellentes.
Critique de l'identification des éléments
La procédure de calcul des éléments étant relativement lourde, nous avons également analysé les
étapes et hypothèses de celle-ci. Il apparaît que la distribution des impédances parallèles aux
différents ports ainsi que l'extraction des impédances de fuite à partir des impédances de courtcircuit, deux opérations détaillées dans notre texte, ne se justifient pas réellement: elles alourdissent
le schéma et la procédure de calcul sans apporter d'amélioration significative dans la qualité de la
modélisation. Sous réserve d'une vérification de cette conclusion sur d'autres transformateurs,
nous proposons de les ignorer. Nous proposons également, comme amélioration ultérieure, de
considérer les rapports de couplage comme faisant partie des degrés de liberté du schéma, à
déterminer lors de l'étape d'identification.
XIV - Synthèse de la troisième partie
III - 431
Implémentation sur Delphi
Enfin, après la validation sur tableur, le calcul des éléments a été implémenté dans une application
Delphi (§XI.5). Cette étape a permis d'automatiser le transfert des mesures à partir de l'analyseur
d'impédance ainsi que la génération du schéma équivalent en un sous-circuit Spice, directement
intégré dans une bibliothèque de composants. Ces deux apports ont permis de réduire très
significativement le délai de mise en œuvre du schéma et le risque d'erreur lié à la manipulation
d'un grand nombre de données.
A cette occasion, nous avons testé l'utilisation de la méthode de régression de LevenbergMarquardt, qui s'avère finalement convenir nettement moins bien à ce problème particulier que les
méthodes plus classiques utilisées sur tableur.
En finale, nous disposons donc d'un outil calculant un schéma CCS sur base des mesures
d'impédance d'un transformateur. Cet outil intègre plusieurs améliorations par rapport à la
méthode originale quant à l'identification des paramètres. L'implémentation sur Delphi permet
d'envisager divers développements comme par exemple l'amélioration de la procédure
d'identification, le choix parmi plusieurs types et variantes de schémas, etc.
Schémas LEG
L'approche du Laboratoire d'Electrotechnique de Grenoble (chapitre XII) est une seconde piste
tout aussi intéressante dans la recherche d'un schéma équivalent multisorties.
Le LEG propose tout d'abord une méthode permettant d'élaborer un schéma inductif pour un
nombre quelconque d'enroulements (§XII.1). Celle-ci est basée sur une orthogonalisation de
Schmidt de la matrice inductance. Cette démarche est tout-à-fait remarquable par sa rigueur, sa
généralité, le petit nombre d'éléments obtenu (asymptotiquement la moitié par rapport au schéma
CCS) et le fait que le schéma reste assez facile à interpréter.
L'inconvénient de ce schéma est évidemment qu'il se limite aux effets inductifs. Le LEG propose
donc par ailleurs un schéma complet à deux enroulements72 (§XII.2). Deux idées particulières
peuvent être relevées dans celui-ci, que nous n'avons malheureusement pas eu l'occasion
d'implémenter:
- l'identification du système de capacités, basée sur le passage par plusieurs schémas
réduits et sur le comportement asymptotique des impédances,
- l'utilisation d'une échelle d'impédances pour la modélisation de l'impédance parallèle
(pertes fer et inductances de magnétisation).
Grâce à la modélisation plus poussée des effets capacitifs, la gamme de fréquence est plus étendue
que celle du schéma CCS, incluant cette fois les premières résonances série. Ce schéma est donc un
72 Les tout derniers développements proposent un schéma quasiment complet (certaines capacités sont omises) à trois
enroulements [179].
XIV - Synthèse de la troisième partie
III - 432
candidat de choix pour la modélisation des transformateurs utilisés dans les convertisseurs à
commutation résonante.
Autres types de schémas
Enfin, nous avons regroupé au chapitre XIII différents schémas qui nous semblaient convenir
moins directement au but recherché. Il est frappant de constater a posteriori que toutes les
méthodes proposées dans ce chapitre sont basées sur une décomposition géométrique du
transformateur, au contraire des schémas CCS et LEG qui adoptent une approche plus "externe".
Nous avons ainsi principalement cité la méthode des réluctances, le schéma équivalent
électromagnétique (à lier au §IV.3 de la seconde partie), le schéma LEG basé sur la notion de
propagation et l'analyse modale.
Deux propriétés typiques de ce type de schémas peuvent être soulignées:
- les valeurs des éléments sont liées à la géométrie du transformateur: elles peuvent donc
être calculées avant la réalisation de la pièce réelle. Elles n'incluent pas par contre
certaines caractéristiques typiques de celle-ci comme par exemple les impédances des
terminaisons;
- les schémas obtenus sont extrêmement lourds à manipuler: on ne peut donc que très
difficilement envisager de les inclure dans le schéma plus général d'un convertisseur.
Cette dernière propriété explique pourquoi nous avons peu approfondi l'étude de ces schémas.
Nous avons néanmoins jugé utile de les évoquer pour les approches complémentaires qu'ils
représentent et certaines idées plus ponctuelles qui pourraient être transposées aux schémas CCS
et LEG.
Conclusion
On pourrait croire que le choix et l'utilisation d'un schéma équivalent de transformateur est un
problème résolu depuis longtemps: la littérature propose d'ailleurs de très nombreux articles à ce
sujet.
En y regardant mieux, on se rend cependant compte qu'il n'en est rien car cette variété de schémas
correspond également à une variété de problèmes qui possèdent chacun leurs spécificités. Ainsi,
pour les transformateurs de puissance utilisés dans les convertisseurs, seules deux approches nous
semblent réellement répondre aux objectifs fixés: celle du schéma CCS et celle des schémas LEG.
Ces deux approches se distinguent d'ailleurs elles-mêmes par la gamme de fréquence du modèle
obtenu.
Le premier de ces deux schémas, le schéma CCS, a été implémenté dans une application originale.
En une heure environ (réalisation des mesures comprise), celle-ci fournit un sous-circuit Spice
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III - 433
contenant le schéma CCS d'un transformateurs multisorties, sur une gamme de fréquence qui peut
aller jusqu'à trois décades.
Ce schéma donne des résultats excellents pour peu qu'on ne doive pas modéliser les résonances
série du transformateur, conformément à ses hypothèses.
Pistes pour les recherches futures
Le travail réalisé dans cette troisième partie propose donc une première solution pratique au
problème de la modélisation. De nombreuses pistes peuvent encore être explorées pour la
compléter.
Nous suggérons notamment:
- une mise en oeuvre du schéma CCS sur un échantillon plus large de transformateurs,
en ce compris une validation au sein de l'alimentation elle-même;
- l'intégration d'un nombre accru de capacités à ce schéma, par exemple selon une
démarche analogue à celle du LEG (système complet) ou éventuellement selon une
approche intermédiaire;
- le développement de l'application Delphi en y intégrant les schémas LEG ou des
méthodes d'identification alternatives des éléments (incluant par exemple les rapports
de couplage dans le schéma CCS), de manière à créer un outil donnant à l'utilisateur le
choix entre plusieurs types de schémas, méthodes d'identification et degrés de
modélisation;
- l'établissement de procédures de calcul des éléments (schémas CCS ou LEG) à partir
de modèles en éléments finis.
Outre ces pistes directement liées au travail effectué, nous pensons qu'il sera indispensable, si l'on
désire étendre la modélisation vers des fréquences plus élevées (typiquement plusieurs dizaines de
MHz), de s'intéresser:
- d'une part aux méthodes de mesure des capacités,
- d'autre part à la modélisation des pertes fer, pour lesquelles on devra probablement
abandonner les modèles élémentaires appliqués jusqu'ici.
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