La réforme du système éducatif - SNEA-B
Transcription
La réforme du système éducatif - SNEA-B
Introduction Il est un truisme de dire que l’école burkinabé est en crise. Fruit de l’héritage coloniale, elle n’a jamais été adaptée aux réalités socioculturelles par les différents régimes qui se sont succédés afin de lui permettre d’être une école véritablement démocratique, au service des populations et capable de poser les bases d’un développement réel et durable de notre pays. Bien au contraire ; sous la houlette des puissances internationales et particulièrement financières, les pouvoirs successifs ont mis en œuvre diverses reformes dont l’impact concret sur le développement et surtout l’efficacité de notre système éducatif reste à démontrer. Le pouvoir de la 4è République, champion dans l’application des recettes des institutions financières internationales qui orientent les politiques socio-économiques de nos pays, s’est engagé dans cette perspective depuis l’entrée dans nos pays dans le cycle infernal des Programmes d’Ajustement Structurel (PAS) aux débuts des années 90. Il a souvent plaqué les recommandations d’institutions impérialistes comme la Banque mondiale et le FMI sans grand souci de leurs conséquences sur un système déjà très fragile. Dans ce sens, le lundi 30 juillet 2007, l’Assemblée Nationale a adopté par 95 voix pour, 0 contre et 10 abstentions, la Loi N° 013-2007 / AN Portant Loi d’orientation de l’Education comportant 66 articles. Cette loi fixe donc le cadre juridique de la réforme que le Gouvernement de la IVème République est en train de mettre en œuvre. Dans le cadre de cette réforme, le gouvernement de la IVème république agite depuis des années des slogans démagogiques sur la gratuité et l’obligation scolaire jusqu’à l’âge de 16 ans. Sept ans après l’adoption de la loi d’orientation, tout le monde constate que la scolarité n’est obligatoire ni gratuite jusqu’à 16 ans. C’est dans un tel contexte qu’intervient le transfert du préscolaire et du post-primaire au MENA qui est sensé introduire un continuum entre les niveaux préscolaire, primaire et le premier cycle du secondaire dit post-primaire. Ce volet de la réforme lancé sous les injonctions et l’engagement massif tant au plan technique que financier de la Banque Mondiale, est censé atteindre les objectifs de la scolarisation universelle que le programme de l’Education Pour Tous (EPT), adopté en grande pompe à Dakar en 2000, a été incapable d’atteindre. Le présent exposé visera à : • Situer les origines de cette réforme ; • Présenter ses principaux éléments de contenu ; • Faire une analyse des conséquences. • Ebaucher des perspectives. I. DES ORIGINES DE LA REFORME. Dans le cadre de développement de sa politique néolibérale, de soumission au diktat des institutions financières internationales, véritables gestionnaires dans le système capitaliste et face à la crise qui tenaille le système éducatif depuis des années, le pouvoir de la 4è République, a décidé de fermer aux enfants du peuple l’accès à une éducation de haut niveau et de qualité. Et ce, par le biais de la privatisation de l’éducation, ainsi que des réformes qui sont conçues contre la qualité de l’enseignement. En effet, dans le cadre des politiques néolibérales qui sont devenues la règle dans le système capitaliste impérialiste, d’importantes réformes sont entreprises par les pays et institutions impérialistes pour rendre l’éducation (enseignement secondaire et supérieur notamment) plus marchande et moins accessible aux enfants du peuple. L’hebdomadaire « l’économiste » du 16/09/2013 indique que sur 1 631 Etablissements évoluant dans l’Enseignement Secondaire Général, 893 sont du privé. S’inspirant du processus dit de Bologne aux réformes des universités en Europe, le gouvernement a enclenché des changements à l’enseignement supérieur avec notamment le système LMD qui a abouti au blocage de l’université. Pendant que les effectifs explosent dans tous les ordres d’enseignements, la réduction des budgets de l’éducation reste à l’ordre du jour dans le cadre des Programmes d’Ajustement Structurel qui se poursuivent sous d’autres appellations comme la Stratégie de Croissance Accélérée pour le Développement Durable (SCADD), etc.… Dans la conception de sa politique éducative, le gouvernement revendique régulièrement la souveraineté de ses orientations. Dans le volet de la réforme portant sur le transfert, on peut utilement se rappeler quelques éléments d’un rapport de la Banque Mondiale daté de 2010, intitulé Stratégie de la Banque Mondiale pour l’éducation à l’horizon 2020 : Apprentissage pour tous Investir dans l’acquisition de connaissances et de compétences pour promouvoir le développement. Ce document révèle clairement l’ambition de la Banque Mondiale d’orienter la conception des réformes actuelles au niveau mondial. L’objectif de cette stratégie est « l’apprentissage pour tous, au-delà de la scolarisation obligatoire ». Les experts de la banque expliquent que cet objectif se justifie par le fait que « en dernière analyse, le moteur du développement sera ce que les individus apprennent, dans les écoles comme à l’extérieur, de la maternelle au marché du travail. La nouvelle stratégie de la Banque, qui couvre une période de 10 ans, vise à atteindre l’objectif global de l’ « Apprentissage pour tous » par la promotion de réformes des systèmes éducatifs nationaux et par la constitution d’une base de connaissances mondiales suffisamment robuste pour orienter ces réformes. » On constatera à travers cet objectif la négation de l’exigence de l’éducation au profit de l’apprentissage et cela dès la petite enfance jusqu’au marché de l’emploi. Une telle vision, on le voit vise à mettre l’homme à la remorque du marché et non pas de le doter de connaissances indispensables à son développement social. Cela est une remise en cause d’un droit fondamental des enfants. Pour atteindre cet objectif de l’apprentissage pour tous, la Banque mondiale orientera ses interventions dans le secteur suivant deux axes stratégiques : « la réforme des systèmes éducatifs nationaux et la constitution d’une base de connaissances de haute qualité pour la réforme de l’éducation au niveau mondial ». Sur le plan des opérations, « la Banque orientera davantage son aide financière et son assistance technique vers des réformes systémiques qui favorisent les résultats d’apprentissage. » On comprend donc aisément la frilosité des autorités du pouvoir de la 4è République et leur agacement lorsque notre peuple avec en position avancée, les acteurs directs du système éducatif, s’élèvent contre de telles orientations ; elles qui voient essentiellement la manne financière qu’une telle opportunité leur permettra d’engranger. Comme dirait l’autre, il y a de « l’argent frais » à gagner. Le souci de la qualité passe de ce fait au second plan. II. PRINCIPAUX ELEMENTS DE CONTENU DE LA REFORME. 1. Des orientations de la réforme. Un nouveau découpage du système éducatif qui comprendra : L’éducation de base à savoir l’éducation de base formelle qui comprend désormais l’éducation préscolaire (3-6), l’enseignement primaire (6-12) et l’enseignement post-primaire (12-16ans). La réforme est caractérisée par l’extension de l’enseignement de base qui comprend désormais l’enseignement primaire et le premier cycle de l’actuel enseignement secondaire. (du cp1 à la 3e) ; l’éducation de base non formelle (9ans et plus) qui comprend dans la pratique l’alphabétisation / formation pour le développement : elle prend en charge les personnes de plus de 15 ans qui apprennent à lire à écrire à compter en langue nationale. Les formules alternatives d’éducation de base non formelle : elles offrent des possibilités de passerelles du formel et au non formel et vice versa. Les formules alternatives prennent en charge des enfants de 9à15ans déscolarisés en leur donnant accès à un cycle complet d’éducation de base à dominante pratique et professionnelle. L’enseignement secondaire (16-20ans) qui comprend l’enseignement secondaire général et l’enseignement secondaire technique et professionnel. L’enseignement supérieur. La généralisation actuelle du système « Licence, Master, Doctorat » constitue l’axe principal de la professionnalisation des formations dans nos universités. L’obligation scolaire de 6 à 16 ans : cela implique qu’aucun enfant ne doit être exclu du système éducation avant ses 16 ans révolus. La gratuité de l’enseignement de base public (du CP1 à la 3e). Ce principe renvoie à celui de la progressivité ; à la suppression des frais d’inscription et à la distribution gratuite des manuels scolaires. La mise en œuvre des cycles terminaux : Enseignement général : avec un Premier cycle terminal : classe de troisième ; sanctionné par le BEPC ; et un Deuxième cycle terminal : classe de terminale ; sanctionné par le Baccalauréat (BAC) d’enseignement général. Enseignement technique et professionnel : 1er cycle terminal : durée 4ans à partir du CM2, sanctionné par le CAP. 2e cycle terminal : durée 2ans à partir du BEPC ou du CAP, sanctionné par le BEP. 3e cycle terminal : durée 3ans à partir du BEPC, sanctionné par le Baccalauréat technologique (Btn). 4e cycle terminal : durée 2ans à partir du BEP, sanctionné par le BAC professionnel (BAC pro) L’établissement des passerelles L’innovation consistera à recevoir des élèves en provenance des structures non formelles par voie de passerelles. Les passerelles sont les dispositifs qui permettent le passage d’un sous-système non formel à un sous-système formel et vice versa, ou d’un enseignement général à un enseignement technique et professionnel. Les élèves sortant de l’éducation de base, en fonction de leurs itinéraires ou de leurs projets personnels, se voient offrir les possibilités suivantes : - rejoindre un cycle d’enseignement général dans un lycée ; - poursuivre les études dans les lycées techniques ou dans les lycées professionnels ; - rejoindre un centre de formation technique et professionnelle ; - s’orienter vers des formations qualifiantes de courte durée (BEPC ou BAC+1an de formation en informatique, mécanique, électricité, etc.) ; - exercer un métier. En ce qui concerne la fin du second cycle terminal, les possibilités suivantes sont offertes : - aller dans une école ou un institut de formation technique et professionnelle ; - poursuivre les études universitaires ; - suivre une formation qualifiante de courte durée ; - exercer un emploi. L’introduction de nouveaux programmes L’introduction des langues nationales Sur la base des expériences d’éducation bilingue en cours depuis plus d’une décennie, les nouveaux curricula introduiront les langues nationales ou mieux, celle maîtrisée par l’enfant avec une transition vers le français au niveau de l’éducation de base. Au niveau du secondaire, les langues nationales seront introduites en tant que médium et matière d’enseignement. 2. La stratégie de mise en œuvre. La mise en œuvre de la réforme a été programmée en deux phases. La phase I : 2007 à 2011 comprenait : à la rentrée 2007-2008 : • Accès gratuit au cp1 pour tous les enfants de 6 à 7ans dans les 45 départements choisis en raison d’un département par province ; • Tous les enfants titulaires du CEP dans les 45 départements choisis seront admis en classe de 6ème. • Introduction de nouveaux programmes au CP 1 et en 6ème dans ces départements ; • Dans les autres départements du Burkina Faso une réduction de 50% des frais d’inscription dans le premier cycle de l’enseignement secondaire. de 2008 à 2011 • poursuite de la gratuité et de l’obligation scolaire dans les 45 départements choisis en l’étendant à toutes les classes (du CP1 à la 3ème) ; • extension progressive de la gratuité de l’enseignement de base dans les autres départements ; • extension de l’application de nouveaux programmes à tous les départements et toutes les classes du CP1 à la 3ème. ; • adoption de textes réglementaires pour compléter le dispositif juridique du système éducatif ; • Disponibilité du rapport d’état du système éducatif national (RESEN). La phase II : 2011 à 2015 : • l’extension des infrastructures éducatives dans tous les départements du Burkina Faso jusqu'à l’obtention de 100% de taux d’accès au CP1 ; • l’extension de la gratuité et l’obligation scolaire à tous les départements du Burkina Faso ; • l’extension de l’application de nouveaux curricula dans toutes les classes du CPI à l’université et à tous les départements du Burkina Faso. En Juin 2012, les syndicats de l’éducation du préscolaire, du primaire et du secondaire ont été invités à participer, « dans le cadre des transferts du préscolaire et du post-primaire au MENA », au sein d’un « comité chargé de développer les stratégies de sa mise en œuvre… ». Par la mise en place de ce comité, le gouvernement entendait créer le cadre de réflexion pour « l’opérationnalisation du continuum » de l’éducation de base. En rappel, signalons que selon la loi d’orientation scolaire, l’Education de base va du préscolaire à la fin du premier cycle de l’enseignement secondaire (appelé post-primaire). C’est là la mise en œuvre d’un des aspects de la réforme consistant à créer un cycle appelé « Education de base » avec au centre, les aspects tels que : L’adoption d’un Plan de développement du secteur de l’éducation de base (PDSEB) ; Le rattachement du préscolaire et du 1er cycle de l’enseignement secondaire au MENA matérialisé par l’adoption du décret N°2013-542 PRES/PM/MENA/MESS/MASSN.MEF du 05 juillet 2013 ; La création de Complexes intégrés d’éducation de base (CIEB) ; Etc. A l’enseignement supérieur, l’introduction du système LMD en 2009 et sa généralisation à un grand nombre d’UFR est la mise en œuvre du volet de la réforme concernant ce niveau d’enseignement. Le système LMD qui est une création de l’Europe dans le processus d’uniformisation de l’enseignement supérieur dans l’espace de l’Union Européenne (appelé processus de Bologne), est conçu pour faire face à la crise de l’enseignement supérieur et permettre une bonne adaptation aux nouvelles exigences du marché du travail d’une économie partout libéralisée. Il a déterminé trois grades dans l’enseignement supérieur : Licence Master Doctorat. Adapté (on peut dire copié) au Burkina il se fixe comme objectifs déclarés de moderniser les offres de formation de l’enseignement supérieur dans le but de : Assurer la réussite et réduire autant que possible les échecs ; Promouvoir un système lisible et comparable au niveau international ; Renforcer l’apprentissage des compétences transversales ; Développer la professionnalisation des formations supérieures ; Faciliter la préparation de l’étudiant à la vie active. Le système LMD est un système de formation avec une architecture en 3 grades : Licence-Master-Doctorat avec des contenus organisés en domaines pluridisciplinaires et transdisciplinaires comportant des parcours diversifiés. Le domaine recouvre plusieurs disciplines et leurs champs d’application, notamment professionnels. Il exprime les grands champs de compétence. Le domaine ne coïncide pas toujours avec le découpage des UFR et Instituts existants ; Selon ses adaptateurs au Burkina, il présente les spécificités suivantes : LA SEMESTRIALISATION : L’enseignement est organisé non plus en année, mais en semestre qui devient la durée périodique de base des Unités d’Enseignement. 1 semestre = 15 semaines = 12 semaines d’enseignement + 3 semaines d’évaluation ; LA CAPITALISATION : Les contenus sont découpés en Unités d’Enseignement (UE) que l’étudiant acquiert une à une et qu’il capitalise (validation définitive) ; L’UNITE D’ENSEIGNEMENT (UE) : Une UE constitue une subdivision autonome à l’intérieur d’un parcours : c’est un ensemble cohérent impliquant un ou plusieurs champs disciplinaires. Chaque UE a une valeur mesurée en crédits ; LE CREDIT : 1 crédit mesure la charge de travail de l’étudiant (cours, TD, TP, stages..., + travail personnel). 20h à 24 h (en moyenne), 1 semestre = 30 crédits soit 600 à 720 h étudiant. Filière générale 240 h présentiel + 360 h travail personnel soit 600 h de travail étudiant par semestre. Filière professionnalisante 300 h présentiel + 420 h travail personnel soit 720 h de travail étudiant par semestre. Licence = 6 semestres = 180 crédits ; Master = 4 semestres = 120 crédits ; Doctorat = 6 semestres = 180 crédits. COMPENSATION : La compensation n’intervient qu’entre les UE d’un même semestre. Elle s’effectue par l’établissement d’une moyenne générale, obtenue sur l’ensemble des UE du semestre considéré, pondérée sur les crédits académiques. Si cette moyenne est supérieure ou égale à la moyenne requise, l’étudiant valide toutes les UE du semestre considéré, ainsi que les crédits correspondant ; LE REGIME DES ETUDES : Deux régimes : le régime normal et le régime salarié. La durée du contrat d’étude est de cinq (5) ans pour la licence et de trois (3) ans pour le master pour le régime normal des études. Les étudiants bénéficiaires du régime salarié ne sont autorisés à s’inscrire pédagogiquement dans un semestre qu’à des UE totalisant au maximum 20 crédits. Les étudiants bénéficiaires du régime salarié participent au coût de leurs formations. La durée du contrat d’étude « régime salarié » n’est pas limitée. 3. RESULTATS ATTENDUS. A l’horizon 2015 la réforme est censée produire : * 10% de taux de scolarisation dans le préscolaire, * 100% de taux d’accès gratuit à la classe de CPI pour tous les enfants en âge d’y aller, * gratuité de l’enseignement de base * 30% de taux de scolarisation au secondaire, * 10% de taux d’admission au supérieur * tout sortant du système éducatif à quelque niveau que ce soit aura reçu une formation lui permettant soit de poursuivre ses études soit de pouvoir exercer un métier. III. Analyse des conséquences de la réforme. 1. Observations sur ses objectifs et son contenu. Selon le gouvernement, l’objectif général de la réforme est de « rendre le système éducatif cohérent, plus fonctionnel et plus adapté aux besoins de développement socio-économique et culturel du Burkina Faso ». Mais en réalité, comme nous l’avons indiqué dans la partie précédente, les vrais fondements de la réforme résident dans la mise en œuvre du plan d’ajustement structurel de l’éducation et de la formation imposé par la Banque Mondiale et le FMI à notre peuple avec la complicité du pouvoir de la 4ème République. Il s’agit surtout d’une part de faire en sorte que les bénéficiaires de l’éducation et de la formation que sont les élèves et leurs parents prennent en compte une part importante des charges éducatives et d’autre part de fermer les études secondaires et supérieures aux enfants du peuple. La reforme induit des changements importants dans le système. Ils concernent notamment l’extension dans le système éducatif de la notion de compétences ; l’intégration du premier cycle de l’enseignement secondaire à l’éducation de base ; l’obligation scolaire de 06 à 16 ans ; la gratuité de l’enseignement de base public (du CP1 à la 3è) ; la création de structures de concertation comme le Conseil National de l’Education et les Conseils Régionaux de l’Education ; une institutionnalisation de l’enseignement privé ; l’institutionnalisation des cycles terminaux ; la réaffirmation des entraves aux libertés ; l’introduction des langues nationales ; le transfert du préscolaire et du post-primaire au MENA, l’introduction du système Licence Master Doctorat à l’enseignement supérieur, etc. Nous choisirons de nous attarder sur quelquesuns de ces changements plus de Cinq ans après le lancement de la réforme par l’adoption de la loi d’orientation de l’éducation. Par l’option de privilégier le développement des « compétences » en lieu et place de celle de développement des connaissances comme Buts du système éducatif burkinabé à l’article 14, cette réforme réduit la formation à l’acquisition de capacités opérationnelles pour le système de production. Elle ne se soucie donc pas de formation de cerveaux aptes à la recherche, à l’invention et à l’innovation, au développement des pensées. Il en résultera une brisure des capacités de notre peuple à planifier et à organiser son développement, et même à imaginer un destin différent de celui que nous imposent les puissances et institutions impérialistes. La volonté politique affirmée depuis quelques années par le gouvernement de développer l’enseignement technique et professionnel (qui est nécessaire pour notre pays) semble être un alibi commode pour le choix de cette orientation. Outre cela, la nouvelle réforme consacre la notion de cycles terminaux qui se traduit dans la loi par la délivrance de diplômes de fin de cycle. Cette mesure avancée depuis les Etats généraux de l’éducation en 1994, est en réalité l’institutionnalisation de freins aux possibilités pour la jeunesse de notre pays de poursuivre normalement des études. Le gouvernement concrétise là un des objectifs de la Banque Mondiale consacré dans son programme d’ajustement du secteur de l’éducation en Afrique subsaharien visant à « la réduction du nombre annuel de diplômés de l’enseignement supérieur dans certaines disciplines tout en freinant son augmentation dans la plupart des autres ». L’option de la scolarisation obligatoire de 6 à 16 ans vise dans ce contexte à mettre un terme au cursus scolaire de la majorité des enfants issus des couches sociales les plus défavorisées et faire d’eux une main d’œuvre non qualifiée et employable à vil prix. Une part belle sera ainsi faite aux entreprises qui auront toute la latitude pour se faire du profit. Les parents qui n’auront pas les moyens de payer des études secondaires et supérieures de plus en plus privatisées seront obligés de subir un tel système. Il est fort à parier que ce sont les enfants du peuple qui se verront fermer les portes des études secondaires et supérieures à cause de la massification prônée par le nouveau système qui aggravera inéluctablement les pléthores dans les classes avec comme conséquences : la baisse du niveau des apprenants. Enfin, selon les réformateurs, « sur la base des expériences d’éducation bilingues en cours depuis plus d’une décennie, les nouveaux curricula introduiront les langues nationales ou mieux celle maîtrisée par l’enfant avec une transition vers le français de l’éducation de base ». Les résultats obtenus par ces écoles la première année du CEP, méritent pourtant que l’on soit circonspect sur leur généralisation. Mieux quelles langues seront-elles enseignées et par qui ? Comment a-t-on résolu la question des nombreuses langues de notre pays qui ne sont pas encore écrites et la gestion des concepts scientifiques qui ne sont point connus de ces langues ? Le système LMD engagé au forceps, présente lui également des insuffisances graves qui sont en partie responsables du blocage actuel de l’université de Ouagadougou dont la solution est concoctée par le gouvernement en terme de « blanchiment technique », un concept flou et inefficace pour la résolution des problèmes de l’enseignement supérieur. Du reste, de nombreuses voix provenant de l’université ont exprimé leurs inquiétudes par rapport au processus d’application du système LMD. D’abord le professeur Jean Koulidiati ancien président de l’Université de Ouagadougou et actuel ministre. Il disait ceci en 2011 : « Nous avons mis en place le LMD dans les domaines des sciences et des technologies sur l'année 2009-2010, et nous comptons le faire cette année dans toutes les autres filières de l'université. Cela a nécessité une réforme sur les écoles doctorales, les laboratoires de recherche, et il faut reconnaître que ça ne s'est pas très bien passé. Beaucoup d'enseignants ont pensé qu'ils n'avaient pas besoin de formation pour passer au nouveau système. Nous avons organisé des séminaires de professionnalisation, mais globalement le résultat n'est pas glorieux. Les étudiants n'ont pas non plus compris qu'il fallait renouveler l'inscription au semestre 2, et pas forcément compris le système dans sa globalité. » Ce n’est donc pas un hasard si ce sont les filières scientifiques sus citées qui ont le plus de difficultés à l’heure actuelle. Le Professeur ZAGRE Ambroise, ancien vice-président de l’UO et actuel Recteur de l’Université Libre du Burkina (ULB), a eu, quant à lui, ces mots inquiétants pour l’avenir du système universitaire engagé dans le LMD : « Le LMD entretient de vastes réseaux de coopération interuniversitaire. Mais il ne s’agit là que des intentions prêtées au système LMD dans la mesure où ces principes ne sont pas traduits dans les faits sur le terrain. Les résultats obtenus sont certes importants, mais il subsiste de nombreuses insuffisances et des défis non relevés, comme celui du maintien et du renforcement de la qualité, de la professionnalisation et de la diversification des filières, de la bonne gouvernance universitaire, de la meilleure gestion académique, des indicateurs de rendement, des critères de performance, de la transférabilité des diplômes, des enseignants compétents en nombre, de la formation et du perfectionnement des personnels de l’administration, des infrastructures adéquates en nombre… Si ces défis ne sont pas relevés à temps, la crise risque de s’amplifier et d’ébranler les fondements de notre système éducatif en mal d’expression et d’existence et d’avoir de graves conséquences sociales, économiques et politiques sur notre pays. En effet, dans le supérieur, plusieurs études ont été menées, mais à ce jour le problème de l’enseignement supérieur reste posé : faible performance, crises universitaires, l’insatisfaction est générale etc. » Le Comité ad’hoc mis en place dans le cadre de la tenue des états généraux de l’enseignement supérieur qui eut lieu en juin (13, 14, 15) dernier, fait ressortir quant à lui que « des contraintes émaillent encore le projet LMD, notamment les grands effectifs, la non flexibilité des contenus (programmes) et des pratiques d’enseignement (méthodologie et volumes horaires), le manque de moyens humains et financiers, les difficultés liées à la formation professionnelles des acteurs du système, etc. ». Les résultats du forceps du gouvernement dans la mise en œuvre du LMD, on le voit : 20 à 25% de réussite en première année avec un score ahurissant de 2% d’admis (35 étudiants sur 1880) pour l’UFR/SVT en 2011-2012 ; le « blanchiment technique » des années universitaires 2010-2011, 2011-2012, 2012-2013 pour certaines filières touchant environ 10 000 étudiants. C’est dans la suite de cette logique de désorganisation de notre système éducatif que le gouvernement veut opérer le transfert du préscolaire et du post-primaire au Ministère de l’éducation Nationale et de l’Alphabétisation (MENA). 2. Du transfert du préscolaire et du 1er cycle du secondaire au MENA. L’analyse de ce processus laisse apparaitre des questions importantes qui sont toujours sans réponses précises et appropriées de la part du gouvernement. Ce sont entre autre : • Les missions actuelles du MENA qui sont celles de la gestion de l’enseignement primaire et de l’alphabétisation. Comment y sont intégrées les spécificités de l’enseignement préscolaire et du post-primaire ? Ces spécificités sont-elles effacées ou sont-elles fondues dans celle de l’enseignement primaire ? • Le statut des personnels dans cette nouvelle configuration institutionnelle ? • La problématique de curricula pour un enseignement devant passer de 13 ans à 10 ans pour garantir un système éducatif de qualité ? • L’absence d’un document d’étude prospective indiquant les performances que le transfert actuel apportera à l’école burkinabé ? mais aussi celle d’expériences réussies dans le cadre du rattachement des cycles préscolaire, primaire et « post-primaire » même dans les pays qui s’engagent à vouloir financer une telle option ; • L’apport qualitatif réel de la désorganisation du système actuel en vue de créer une structure (appelée CIEB) consistant à un simple regroupement d’unités différentes du préscolaire, du primaire et du secondaire et dont nous n’analyserons pas ici les contours flous et l’absence d’éléments sur sa gestion ; • Le manque de définition de la forme d’encadrement pédagogique adapté à ce nouveau dispositif ; • Le manque d’information et préparation des acteurs pour leur permettre de comprendre les enjeux du transfert pour son opérationnalisation ; • Le sort réservé aux questions de statuts particuliers en lien avec les transformations prévues ; • L’intérêt du financement à posteriori qu’imposent les bailleurs de fonds dans la mise en œuvre du processus ; • Etc. Dans le cadre de la tenue de la deuxième session du Comité interministériel de suivi du transfert les 13 et 14 Mai, les nombreuses interrogations des organisations syndicales restées sans réponses, laissent transparaitre des problèmes préoccupants. Cependant les recommandations importantes faites par les participants devraient contraindre le gouvernement à une prise en compte des contraintes fortes qui se posent à la poursuite de ce transfert. Au titre de ces recommandations on retiendra : La construction les salles de classes nécessaires d’ici la rentrée scolaire 2014-2015, dans les localités de la réforme qui sont maintenant au nombre de 135 et ce en tenant compte de l’arrêté portant limitation des effectifs dans les classes ; Prendre des mesures d’accompagnement pour les personnels de ces établissements de la réforme ; Pour les autres établissements, tenir compte des états faits par les Directions Régionales du Ministère des Enseignements Secondaire et Supérieur pour les affectations d’élèves en restant dans le respect des effectifs règlementaires. IV. CONCLUSION ET PERSPECTIVES Il est évident que cette réforme ne fera pas avancer notre système éducatif vers plus de qualité et la prise en compte du droit à l’éducation aux enfants du peuple à une éducation de qualité et de haut niveau. Nous devons donc appréhender correctement les enjeux de cette réforme pour nous préparer conséquemment à la lutte pour défendre l’école. Si elle n’est pas de qualité cela se ressentira sur les conditions de travail et d’étude des acteurs, de même que sur les carrières personnels. Les produits qui en sortiront porteront les marques de la médiocrité de la réforme. Pour consacrer l’existence d’une école de qualité et l’effectivité du droit à l’éducation pour la majorité du peuple, en dehors des réformes aventuristes imposées par les diktats des institutions et pays impérialistes, il nous faut nous organiser pour faire prendre en compte les préoccupations du peuple en matière d’éducation par le gouvernement. Au regard de cette situation catastrophique, des perspectives existent : la CCVC, dans le cadre « d’une campagne pour une école démocratique et populaire accessible aux enfants du peuple » devant se dérouler tout ce mois d’Octobre, • dénonce la démission des autorités de la IVème république ; • interpelle les autorités à se pencher diligemment sur les problèmes de l’éducation ; • appelle les populations à s’organiser et à se battre pour une école accessible aux enfants du peuple et pour un changement en leur faveur.