MOTEURS A PETROLE - Œuvre du Marin Breton
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MOTEURS A PETROLE - Œuvre du Marin Breton
Almanach 1906 : P. 117 MOTEURS A PETROLE Beaucoup de marins nous demandent notre avis sur les moteurs à pétrole pour bateaux de pêche. Bateaux de pêche à voile avec des moteurs auxiliaires au pétrole. D’une manière générale, nous pensons que le moteur, l’installation et la consommation coûtent encore trop cher pour que les pêcheurs se lancent à en faire l’essai à leurs frais ; nous leur conseillerions volontiers de laisser faire, pendant deux ou trois ans, encore les expériences par de plus riches qu’eux. L’année 1905 a vu se construire un certain nombre de bateaux de pêche à voile avec des moteurs auxiliaires au pétrole, particulièrement à Boulogne et à Nantes. A Brest, à Saint-Malo, au Kernevel, à Concarneau, il y a plusieurs bateaux à pétrole faisant des services de passagers : on ne tardera guère à savoir exactement ce que ça coûte au juste. Presque tous ces bateaux ont des moteurs qui utilisent l’huile de pétrole dite « lourde », et non pas l’essence, comme la plupart des moteurs pour voitures. On considère généralement l’essence comme plus dangereuse à bord que le pétrole lourd ; cependant, nombre de gens sont d’avis différent : un ingénieur américain a même démontré que, dans un endroit fermé, l’essence s’évaporant très vite produit rapidement un mélange dit « trop riche » et qui ne pourrait pas faire explosion mais simplement brûler lentement ; tandis que la lente évaporation du pétrole lourd produit avec l’air un mélange détonnant qui reste très longtemps dans les proportions voulues pour faire explosion facilement. L’huile de pétrole coûte moins cher que l’essence ; mais comme on en consomme davantage, on ne peut pas bien dire de quel côté est l’économie. Ce qui est certain, c’est que les moteurs à essence sont plus légers, moins encombrants, coûtent moins cher, et, s’encrassant beaucoup moins, ont besoin de moins de soins de nettoyage; enfin, comme pour faire partir les moteurs à pétrole lourd, on doit, si on ne réchauffe pas le pétrole, se servir d’essence pour le départ, on est tout de même alors obligé d’avoir de l’essence à bord. Cependant, dans le moment en France, le pétrole lourd est à la mode ; c’est de ce coté que se tournent les recherches de la plupart de ceux qui s’occupent de la question des bateaux de pêche. Déjà plusieurs carburateurs peuvent utiliser le pétrole lourd dans les moteurs à essence ordinaires. Certains constructeurs font des moteurs spéciaux pour pétrole lourd et pour la navigation, comme MM. Baudouin de Marseille et Cazes de Boulogne ; ce dernier constructeur a fourni entre autres le moteur du bateau de Beg Meil à Concarneau, et ceux de plusieurs bateaux de pêche de Boulogne qui fonctionnent déjà. Ces derniers bateaux ne font que la pêche dite aux cordes, qui n’est guère pratiquée dans nos parages : ils ont de sept à dix mètres de long, leurs moteurs sont de quinze à vingt chevaux et leur vitesse est de sept à huit nœuds ; la consommation du moteur de vingt chevaux est de huit litres de pétrole lourd à l’heure, (soit un litre par mille parcouru). (M. Cazes fournit le pétrole à quinze centimes le litre à Boulogne). Plusieurs nouveaux bateaux de pêche en construction et destinés à faire le chalut vont être munis du même moteur. A l’Ile-Tudy, M. Séchez a fait deux essais intéressants. En 1904, l’Araok, destiné à la pêche à la sardine : c’est une embarcation de dix mètres de longueur environ, munie d’un moteur « Abeille » ordinaire de vingt chevaux, mais avec carburateur spécial pour utiliser le pétrole lourd, après mise en marche à l’essence. Ce bateau file sept nœuds ½ ; sa marche à la voile est assez bonne. Cependant, nous ne pensons pas que l’augmentation des bénéfices, obtenue par l’avantage d’avoir un moteur, ait compensé l’augmentation des dépenses. En 1905, M. Séchez, désireux de faire avancer la question, a mis en service un autre bateau mixte muni d’un moteur de quatre chevaux à deux temps. Il paraît réaliser un progrès sensible, mise en marche instantanée, fonctionnement régulier, dépense moyenne (moteur Ixion ; coût, 1 200 francs) et facilités d’entretien par le premier venu, voilà les qualités que lui attribue M. Séchez : attendons des essais plus prolongés, avant de conclure. Quand aux moteurs étrangers, ce sont toujours les «Dan» (danois), les «Volvérine» (américains), qui sont les plus répandus. V*** Nous croyons devoir terminer cette note par les appréciations du patron de l’un des grands canots munis de moteurs de trente-cinq chevaux à pétrole lourd, en service dans le Finistère. Voici son opinion, après trois mois d’un fonctionnement quotidien. « Mon moteur est bon, mais il faut un soin minutieux ; il ne serait pas pratique pour un bateau de pêche non ponté : un coup de mer éteindrait les brûleurs et il faudrait un temps infini pour les rallumer de nouveau... Il faut un mécanicien bien au courant... Si on ne consacre pas chaque matin deux heures, à deux hommes, au nettoyage, on est certain d’avoir des pannes... Il consomme 10 litres à l’heure. Nous payons le litre 0 fr. 25. Un pêcheur n’arriverait sans doute pas à couvrir les frais... Je crois qu’il faut attendre un système plus pratique et plus économique »…