Di6dent #13 : le numéro maudit

Transcription

Di6dent #13 : le numéro maudit
édito
Édito
foutus corbeaux...
C’est qu’ils ont failli avoir notre peau, ces emplumés. Il faut dire qu’on l’a jouée un
brin provocateur avec notre thema Malédiction, qui s’est bien vite retourné contre
nous. Le mauvais sort, c’est comme un Croc face à un bouquin de Nephilim : mieux
vaut ne pas le titiller.
Il faut dire que la malédiction, dans le jeu de rôle, est quelque chose de puissant,
comme on a pu s’en rendre compte lors de la rédaction de ce numéro. Pour un
projet béni des dieux, combien ont accumulé les tuiles ?
Sa
mp
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Je terminais l’édito du numéro 12 en affirmant «nous, nous sommes vivants». Et je
suis heureux de pouvoir continuer à le dire, cinq ans après nos débuts dissidents,
malgré les départs, les retards, les différences d’opinion, bref, toutes les vicissitudes d’une rédaction qui se respecte. Di6dent change, évolue, recrute, mais s’il y a
bien une chose qui, on l’espère ne changera pas, c’est le soutien que toi, lecteur, tu
nous témoignes au détour des salons et des conventions. Un soutien indéfectible
qui nous permet encore de dire, aujourd’hui, qu’on ne fait pas tout ça pour rien.
Longue vie à toi, lecteur, car tant que tu seras là, on fera en sorte de l’être aussi !
Julien De Jaeger
et la rédaction de DI6DENT
.ours .sommaire
Illustrateurs : Frédéric Genêt, Julien De Jaeger
Maquette et Direction Artistique: Julien De Jaeger
Sa
DI6DENT est publié par plansix
16, rue Charles Ferrand
62 210 Avion (France)
[email protected]
7
Vox Populi : éditions collector, goodies...
et pour quelques euros de plus
13
L’interview 100% JdR : John Grümph
16
Avant j’étais rôliste : Fabrice Lamidey
22
Le syndrome du panda : Casus Belli 2, le bug
de l’an 2000 ?
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Avant-première : le Lapin Marteau
et l’auberge
32
À saisir : Night Witches
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Mon truc à moi... : la vie professionnelle en entreprise, un jeu de rôle grandeur nature ?
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Inspi : No Escape
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Le pain et la planche : introduction
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54
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THEMA LE NUMÉRO MAUDIT
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Remerciements : Jérémie Rueff, LG, Fabrice Lamidey, Sébastien Célerin, Tristan Lhomme, Didier
Guisérix, Cege, Samuel & les Éditions Sans-Détour, Franck Plasse & les XII Singes, Benoît Attinost pour sa patience mise à l’épreuve, Laurent
Rambour & Game Fu, Soleil, Jidius, Dr. Psych.
Marc Bersier, Damien Coltice & Black Book Éditions, les camarades de chez Casus, Vincent Lelavechef & Sci-Fi Universe, Julien Pirou & Nolife
À chaud
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Rédacteurs : Benjamin «Macbesse» Kouppi, Khelren, Éric Dubourg, Thomas Munier, Willy Dupont,
Nicolas Henry, Michel Fagherazzi, Benoît Attinost
5
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Rédacteur en Chef : Julien De Jaeger
Responsable «magazine» : Vincent Ziec
Responsable «thema» : Julien Clément
Comité de Rédaction : Matthieu «Celewyr» Carbon,
David «davidalpha» Robert, François-Xavier
«Xaramis» Cuende, Sanne «SaSti» Stijve, Guillaume
«Tuin» Agostini, Laurent «Bob Darko» Devernay,
Romain «Rom1» d’Huissier, Romuald «Aliath»
Renaud, Coralie David, Jérôme «Brand» Larré
distribué par Millennium
Parc d’Activité du Casse • 6, Rue du Casse
31 240 Saint Jean (France)
http://millenniumdist.com
imprimé par PixartPrinting
L’éditeur et la rédaction ne sont pas responsables
des articles, qui n’engagent que leur auteur. Toutes
les illustrations contenues dans ce magazine sont
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accord écrit de l’éditeur.
Si vous êtes éditeur, auteur, distributeur,
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voir vos productions abordées dans nos
pages, n’hésitez pas à nous faire parvenir
vos réalisations (sous format physique ou
électronique) à l’adresse de la rédaction, ou
à prendre contact avec nous par e-mail à
[email protected]
Panorama : Maudits ! Ils sont mauuudiiiiits !
Aide de jeu : funestes oracles, ou œdipe rôliste
Analyse : alors, à quoi ça sert la frite,
si t’as pas la moule ?
Aide de jeu : twist sur la malédiction
Mini-campagne med-fan : T’ai-je demandé,
Créateur, de me façonner homme ?
Scénario Inflorenza : l’Autoroute des Larmes
Scénario officiel Byzance An 800 :
la bénédiction d’Ithaqua
113À froid : Tenebrae
113
Critique
116
Interview : Franck Plasse
119
Scénario : l’habit ne fait pas le moine
125PLAY
126
Scénario générique Polar : Récepteurs
135
Scénario officiel PUNCH Unit : les pieds
dans le guacamole
145
Scénario Maléfices : lorsque l’esprit paraît ?
154
Le gros morceau : scénario Wulin
170 Old School : Rêve de Dragon
À chaud ! prenez la température de la Rédaction
à chaud !
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Pas un jeu cette fois-ci, mais une philosophie :
avec Yno et ses Shooters, et LG et sa collection
Chibi en fers de lance, l’auto-édition renaît de ses
cendres encore tièdes. Petits formats, petits prix,
vite lus... vite joués ? Pas forcément. En tout cas,
cette mouvance alternative, si elle ne permet pas à
leurs auteurs d’en vivre (ne nous mentons pas), leur
donne au moins une totale liberté de ton, de format
et de prix. Aujourd’hui, Lulu.com regorge de petits
bijoux (mais pas que) à vils prix, créant un (petit)
marché parallèle dégagé des intermédiaires. Alors,
visionnaire ou éphémère ?
saviez-vous que...
le
mp
Rushmore, Dragon de
Poche2, Grey Ranks,
le rythme de croisière de Casus, Sur
les Frontières
5
Sa
on a aimé...
Chez Di6dent, on aime bien taper sur le crowdfunding, ce n’est
un secret pour personne. Et pourtant, oui, nous avons été les
premiers à utiliser Ulule pour du jdr en février 2011. Ce n’est pas
le système qui nous déplaît, c’est sa systématisation et son usage
inadapté par une bonne partie des projets jdr qui y ont recours.
Budgets mal maîtrisés, stretch goals ridicules, communication
absente, nombreux sont les projets qui y démontrent leur amateurisme.; Et sans même évoquer la qualité du produit fini (et les
délais parfois homériques...)
on attend...
Degenesis comme
tout le monde !
on est déçus...
Certains hacks
d’Apocalypse World,
vite faits, sans notion
de game design,
sans angle d’attaque
convaincant, un peu
comme au temps
du D20 system. Des
noms ? Legacy, ou encore Urban Shadows...
THE RETURN OF THE BÂTON
Oui, encore le crowdfunding qui est
épinglé, que voulez-vous... Mais
entre les financements ratés de
Vampire : Requiem (la première
fois, du moins) et Crimes (qui va revoir sa copie), la mascarade Antika,
on a de quoi s’interroger. D’autant
plus que les Ludopathes, blacklistés
par Ulule, semblent englués dans
des problèmes juridiques et voient
certains de leurs auteurs quitter
le navire avec pertes et fracas
(Subabysse)... Ambiance...
Benjamin, rookie +2
Vincent / La Grande Nuit (campagne
Toute l’œuvre de Ballard : les
nouvelles complètes, la trilogie
de béton et la tétralogie de l’Apocalypse.
Il y a tout dans Ballard : l’espace absolu et le temps arrêté, la joie de la
régression et l’abandon total, la folie
et le désir, la réalité et la surréalité,
les géographies érotiques et l’omniprésente image.
Benjamin / Fiasco
la rédac en un camembert
le
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rituel d’invocation de
rédac’ chef en période
de bouclage
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6
réorganisation de la
rédaction et recrutement
de jeunes talents (et moins
jeunes)
Ce jeu est extraordinaire. Tout est mis en
œuvre pour faciliter l’improvisation, il n’y a
pas une mécanique de trop, et quel ambiance !
Mon petit cœur d’amateur du cinéma des
frères Coen a battu très fort quand les terroristes amateurs qui voulaient égaler mon
œuvre - ou m’offrir une preuve d’amour - ont
oublié de me prévenir qu’ils posaient la bombe
sur le super-chalutier où je me trouvais.
file
ambiance
recherche d’un
carton de mooks
perdu par UPS lors
d’Octogônes
La Brigade Chimérique)
Excellente campagne ! L’époque, le côté
super héroïque, la variété des intrigues et
des ambiances, des PNJ hauts en couleurs.
J’en garderai un très bon souvenir, au point
d’avoir envie de l’acheter juste pour le plaisir
de la lire et de «revivre» ces moments.
Pour rester sur la Brigade Chimérique, le jeu
a clairement changé notre façon de jouer,
vers quelque chose de plus décomplexé.
Khelren / Breaking the Ice
Un jeu court et extrêmement bien designé. Rien
d’inutile. Une merveille pour faire naître une
qualité tant perdue en ces âges d’Internet et
de chevaliers du «moi je sais mieux que toi»:
l’empathie et la compréhension de l’autre, de
ses différences.
Benjamin / Sur les Frontières
recherche d’un
maquettiste pour
le Fix...
qui convienne au
patron (ce qui
n’est pas gagné
d’avance !)
tentatives de
caler un comité
de rédaction via
Skype
remplissage d’arrêts
de travail survenus
lors de la rédaction
de ce numéro
En se focalisant sur un groupe de jeunes gens
envoyés sur les frontières dans le cadre d’un
rite de passage, le jeu est d’une grande concision et d’une remarquable efficacité. Tout
est donné pour structurer une campagne de
5-6 séances autour des mises à l’épreuve
des personnages. Ils seront au centre, dans
la mesure où elles dérivent de leurs historiques et croyances. Mais emprunter la voie
du héros, c’est emprunter un chemin pavé de
désillusions. Le jeu pose alors deux grandes
questions, la première sur le libre-arbitre, la
seconde sur la place du souvenir - je n’en dis
pas plus, ce serait dévoiler l’intrigue et la mécanique la plus innovante du jeu.
À noter enfin qu’il bénéficie d’une bonne rejouabilité, d’une part grâce à ses tables qui
permettent de facilement définir la frontière,
d’autre part grâce à ses cadres qui permettent
d’adapter à un autre univers.
vox populi
par Julien De Jaeger & la rédaction
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vox populi : éditions collector, goodies...
photos de Jérémie Rueff
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«Je ne me ferai plus avoir.
J’ai financé un jeu, je n’ai toujours rien
trois ans plus tard. En plus l’éditeur
est un escroc, il refuse
de me rembourser.»
Joe le rôliste témoin,
amalgame conversationnel
édition augmentée (couverture rigide, coffret, plus d’illustrations, etc.)
édition collector/limitée
contenu bonus (supplément à paraître, scénarios supplémentaires, autres livres de l’éditeur)
goodies de jeu (dés spéciaux, écran, carte,
feuilles de personnage, etc.)
goodies hors jeu (ex-libris, mention dans les
remerciements, posters, maltraitance de Croc, etc.)
le
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Comme souvent, la plupart de vos réponses
ont révélé un paradoxe parfaitement rôliste :
beaucoup d’entre vous se jettent sur des
éditions collector, ou financent un jeu en
fonction de ses goodies, tout en pestant, qui
sur leur prix, qui sur l’absence de couverture
rigide, etc. Alors, à qui la faute ? À l’éditeur
qui appâte le collectionneur qui sommeille en
tout rôliste et lui propose un nouveau shoot ?
Nous avons pris l’exemple de 10 souscriptions
qui nous ont semblé assez représentatives :
l’Appel de Cthulhu 7è édition (Sans Détour), Numenéra (Black Book Éditions), INS/MV Génération Perdue (Raise Dead Éditions), Vampire : Requiem (Agate), Occultisme et Lune Noire pour
les Ombres d’Esteren (Agate), Broken World
(Oh My Game), Venzia (les XII Singes), Wulin
(Game Fu), Antika (Ludopathes) et Steamshadows (JdR Éditions), et déterminé comment se
répartissaient les différents paliers ou autres
stretch goals. Le résultat est sans appel...
file
On pourrait croire que Di6dent aime à tirer
sur l’ambulance. Sur une ambulance déjà
bien cartonnée, qui plus est. Mais au détour
des salons, certains sujets de conversation
reviennent systématiquement. Pourquoi on
ne parle jamais de tel éditeur (remplacez
«tel» par un chiffre et «éditeur» par une
forme géométrique, pour vous faire une
idée). Pourquoi on ne se cherche plus des
poux avec Casus. Et, invariablement, arrive
le sujet «crowdfunding».
«En bon client boulimique de JDR, j’ai été
victime des plans marketing des éditeurs :
Sans-Détour, BBE, Descartes, Edge,
Ludopathes, 7è Cercle, Matagot, etc.
Dois-je porter plainte pour abus de faiblesse ?
Non, car je suis fier de certains ouvrages…
mais certains seulement !
Trop de ces versions spéciales
encombrent aujourd’hui mes étagères.»
Nicolas Tauzin
La corde commencerait-elle à lâcher ? On
peut ressentir une certaine lassitude généralisée, passé «l’âge d’or participatif», et ce,
malgré les succès récents des mastodontes
l’Appel de Cthulhu ou encore INS/MV (mais
qui avaient derrière eux une communication
huilée et professionnelle, ce que ne peuvent
se permettre 80% des éditeurs «crowdfundés»). Alors, un peu marre ?
«Oui, clairement. Et j’ai la rassurante
impression que je ne suis pas le seul.
Est-ce l’âge, la raison ? Probablement.
Ou peut-être que j’en ai simplement marre
qu’on me prenne pour une vache à lait.
Pourquoi paierais-je une version similicuir
aussi buggée que l’édition classique
qui coûte près de 40% moins cher ?»
Nicolas Tauzin
Des arguments recevables, en somme. Mais
l’éditeur, quelque part, ne fait-il pas juste son
travail en essayant de donner à ses produits
la meilleure visibilité possible ? Évidemment,
il y a bien des moutons noirs qui usent et
abusent de la passion de leur clientèle, mais
ils ne sont pas bien difficiles à démasquer,
tout compte fait. Et ils ne sont pas si nombreux. Et côté éditeur, justement, comment
voit-on les choses ? Histoire d’avoir un avis
d’expert, nous avons demandé à Jérémie
Rueff (voir encadré) de répondre à quelques
questions sur le sujet