Cour du travail de Liège (13e ch.) - Arrêt du 21 janvier 2014

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Cour du travail de Liège (13e ch.) - Arrêt du 21 janvier 2014
Cour du travail de Liège (13e ch.) - Arrêt du 21 janvier 2014 Rôle n° 2013-AN-43
Arrêt
COUR DU TRAVAIL DE LIEGE
Section de NAMUR
Audience publique du 21 janvier 2014
R.G. n° 2013/AN/43
13ème Chambre
Réf. Trib. trav. Namur, 4e ch., R.G. n°09/2284/A
Réf. I NAM I : RN : 700418/026-59
EN CAUSE DE :
Madame Claudine V.D
appelante, comparaissant personnellement assistée par M. Yves Debouck, délégué de mutuelle.
CONTRE :
L'INSTITUT NATIONAL D'ASSURANCE MALADIE-INVALIDITE, en abrégé I.N.A.M.1., établissement public dont
le siège est sis à 1150 BRUXELLES, avenue de Tervuren, 211
intimé, comparaissant par Me Alex Geubelle, avocat.
MOTIVATION
L'arrêt est fondé sur les motifs suivants
Quant à la recevabilité de l'appel.
Le jugement dont appel a été notifié le 26 février 2013. La requête d'appel a été déposée au greffe de la Cour le
14 mars 2013.
L'appel, régulier en la forme, est recevable.
1. Les faits.
- Mme V. D, ci-après l'appelante, a exercé une activité de foraine en tant qu'aidante pour sa famille (depuis l'âge
de 11 ans) puis avec son ex-mari (depuis l'âge de 18 ans). Avec ce dernier, elle tenait un lunapark Bulldozer du
moins est-ce la dernière activité exercée au moment du début de son incapacité de travail.
- En 2005, des douleurs apparaissent aux pieds puis s'étendent à l'ensemble du corps.
- Le 1er août 2008, elle tombe en incapacité de travail reconnue par son organisme assureur. Il est fait état de
multiples douleurs diffuses, voyageantes et quotidiennes, d'un épuisement, d'idées noires, de perte d'élan. A ce
tableau, il faut ajouter qu'elle est analphabète (ne sait ni lire, ni écrire).
- Le 8 mai 2008, il lui est reconnu 15 points sur 18 dans le cadre de la fibromyalgie.
- Le médecin-conseil transmet le dossier à l'I.N.A.M.I. (avec le diagnostic de « fibromyalgie, troubles
dysthymiques et analphabétisme) et note : « semble ne pas répondre à l'article 20 sinon ITT sans doute définitive
3. La décision.
Par décision du 23 juillet 2009, le C.M.I. de l'I.N.A.M.I. met fin à l'état d'invalidité au motif que l'appelante n'est pas
incapable d'exercer toute activité quelconque dont elle pourrait être chargée équitablement. Les médecins du
service ont estimé que « l'examen clinique ne démontre pas de limitation fonctionnelle » et qu'il n'y a pas de signe
de dépression majeure, la dramatisation étant entretenue par la surmédicalisation.
4. Le jugement.
Le tribunal confie au docteur et professeur J.-Ph. HAUZEUR une mission d'expertise.
Il conclut son rapport le 10 octobre 2011 comme suit :
« La fibromyalgie est un syndrome de douleurs. Un syndrome veut dire qu'il s'agit d'une association de
symptômes et que le processus pathologique fondamental n'est pas éclairci. [L'appelante] rentre dans les critères
diagnostiques de cette affection tels que décrits par l'Association Américaine de Rhumatologie.
Ce syndrome semble lié à un désordre du système nerveux central avec une mauvaise gestion des flux
périphériques. Autrement dit l'alarme que représente la sensation de douleurs se déclenche de façon inadéquate.
Cela veut donc également dire qu'il n'y a pas de pathologie identifiée en périphérie, entre autres, directement au
niveau des articulations et des muscles douloureux.
L'évolutivité de l'affection peut être fluctuante et n'est pas nécessairement irréversible. Elle ne conduit pas à des
handicaps structurels définitifs.
La littérature internationale recommande donc l'absence d'handicap fonctionnel définitif lié à cette maladie. Par
contre, il peut y avoir des épisodes de douleurs tels que la fonction (par exemple dans les activités
professionnelles) est trop perturbée et conduit à une inaptitude au travail temporaire.
[L'appelante] est en incapacité de travail depuis 2008, soit 3 ans [Note de la Cour : sans tenir compte de la
décision de fin d'invalidité avec effet au 1er août 2009].
Elle a la particularité d'avoir, comme activité professionnelle, essentiellement de l'activité de forain. Elle n'a jamais
fait d'autres études particulières ni d'autres expériences professionnelles que la foire. Cela peut signifier
beaucoup de postes de travail différents. Comme le mentionne le Dr. D. [médecin-inspecteur de l'I.N.A.M.I.],
certaines activités, telles que tenir un stand ou tenir une caisse de manège, ne sont pas des activités
particulièrement fatigantes.
Le traitement actuel suivi par [l'appelante] est à revoir puisqu'elle cumule plusieurs antidépresseurs et de la
cortisone. En fin de compte elle ne fait pas d'activité de rééducation fonctionnelle telle que recommandé [Note de
la Cour : s.e. par la littérature médicale], à savoir gymnastique aérobic, pour lutter contre le syndrome de
déconditionnement à l'effort. Peut-être que ceci n'est pas réellement nécessaire. Elle a bien toujours une certaine
activité dans son ménage [Note de la Cour : selon le rapport, elle prépare les repas de midi et du soir et s'occupe
du linge mais pas de l'hygiène de l'habitat] ».
L'appelante dépose des certificats nouveaux (établis en 2012), notamment du service de médecine interne de
l'Hôpital de Mont-Godinne qui fait état d'allergie à la pénicilline, d'une recrudescence des crises douloureuses
quotidiennes, d'une tentative de suicide.
Le tribunal entérine le rapport et déboute l'actuelle appelante de son recours.
5. L'appel.
L'appelante relève appel au motif que son état ne s'améliore pas et que les douleurs sont permanentes. Elle
signale à l'audience suivre un traitement régulier à l'hôpital de jour de Vilvorde ce qui implique des déplacements
pénibles. Elle affirme avoir vendu sa maison et vivre du capital reçu en l'absence de toute autre possibilité de
revenus, étant divorcée.
6. Fondement.
6.1. Les textes.
En vertu l'arrêté royal du 20 juillet 1971 instituant une assurance indemnités et une assurance maternité en faveur
des travailleurs indépendants et des conjoints aidants,
Article 19 :
Au cours des périodes d'incapacité primaire, le titulaire est reconnu se trouver en état d'incapacité de travail
lorsque, en raison de lésions ou de troubles fonctionnels, il a dû mettre fin à l'accomplissement des tâches qui
étaient afférentes à son activité de titulaire indépendant et qu'il assumait avant le début de l'incapacité de travail.
il ne peut en outre exercer une autre activité professionnelle, ni comme travailleur indépendant ou aidant, ni dans
une autre qualité.
Le travail volontaire au sens de la loi du 3 juillet 2005 relative aux droits des volontaires n'est pas considéré
comme une activité professionnelle, à condition que le médecin-conseil constate que cette activité est compatible
avec l'état général de santé de l'intéressé.
Lorsque, au moment ou débute l'état d'incapacité de travail, le titulaire n'exerçait plus d'activité professionnelle,
l'état d'incapacité est apprécié en fonction de l'activité de travailleur indépendant qu'il a exercée en dernier lieu.
Article 20 :
Au cours de la période d'invalidité, le titulaire est reconnu se trouver en état d'incapacité de travail lorsqu'il est
satisfait à l'article 19 et, qu'en outre, il est reconnu incapable d'exercer une quelconque activité professionnelle
dont il pourrait être chargé équitablement, tenant compte notamment de sa condition, de son état de santé et de
sa formation professionnelle.
Pour l'évaluation de l'état d'incapacité de travail, visé à l'alinéa 1er, il est tenu compte des compétences
professionnelles acquises lors d'un programme de réadaptation professionnelle au terme d'une période de six
mois prenant cours à l'expiration du mois pendant lequel ledit programme a été achevé.
6.2. Leur interprétation.
En période d'invalidité, visée par l'article 20 de l'arrêté royal du 20 juillet 1971, le travailleur doit remplir d'abord
les conditions de l'article 19 mais aussi réunir des conditions plus exigeantes et plus larges. « Il doit être reconnu
inapte par rapport à toute activité professionnelle, salariée ou indépendante, dont il pourrait être chargé
équitablement par référence à sa condition, sa formation professionnelle, son état de santé ; « l'équité »
commande en l'occurrence l'atténuation de la portée de l'exigence de l'inaptitude à toute activité professionnelle ;
il ne peut y avoir déclassement ou disqualification par le biais des références professionnelles à considérer pour
évaluer cet état personnalisé ; la connaissance des critères de condition, de formation professionnelle et d'état de
santé est essentielle pour cette appréciation personnalisée et en équité exigée par la norme légale ; les « facteurs
étrangers à la personne » de l'intéressé, ainsi de la situation économique sont irrelevants(1) ; l'article 20 exige
pour la reconnaissance de l'état d'invalidité un reclassement équitablement impossible et non pas seulement
malaisée(2) »(3).
Le critère qui différencie l'incapacité primaire de l'invalidité est la référence à toute activité professionnelle quelle
qu'elle soit sans plus se limiter à l'activité précédemment exercée(4), ni même à une activité que l'assuré social
aurait exercée.
A défaut d'un barèmes, il faut se référer à la « grille d'évaluation » de l'article 20, à savoir les « paramètres ou
facteurs personnels du travailleur (condition socio-économico-culturelle, formation professionnelle et intellectuelle,
état de santé, les autres facteurs propres du travailleur) qu'il y a lieu d'examiner avec rigueur et dans le détail.
Cette grille permet une appréciation personnalisée et concrète de l'état d'invalidité telle que voulue par le
législateur, c'est-à-dire en équité »(6).
Comme le rappelle la cour du travail de Mons, « en matière d'assurance maladie-invalidité, l'évaluation de
l'incapacité est individualisée. Sont pris en compte l'exercice antérieur d'une activité professionnelle et des
facteurs propres à l'assuré social (possibilité réelle de reclassement, nationalité, langue, formation, rééducation
professionnelle) »(7).
L'inaptitude à exercer une activité professionnelle ne peut être totale, la preuve de l'existence d'une incapacité de
travail de 100% n'étant pas exigée(8).
Il faut, avec Ph. Gosseries(9), rappeler qu'il « ne serait pas conforme à l'objectif de l'article 56 [et à celui de
l'article 20 en ce qui concerne les travailleurs indépendants] de déclarer capable de travailler une personne dont
l'aptitude au travail restante rend la reprise du travail illusoire ou chimérique » et que « sans réelle aptitude au
travail ou à un poste de travail concret et convenable, il n'y a pas de capacité de gain tandis qu'à aptitude réduite
au travail, il y a réduction de capacité de gain ».
Ainsi, il faut écarter « les activités que pourrait encore, selon l'expert, exercer l'assuré social [mais qui] n'existent
plus ou ne sont pas assimilables à une profession car elles ne peuvent atteindre un seuil de rentabilité qui lui
permettrait d'assurer sa subsistance »(10).
Il n'est donc pas conforme à l'article 20 de ne pas reconnaître l'état d'invalidité à un travailleur indépendant au
motif qu'il serait apte à exercer un emploi à temps partiel. L'activité dont l'exercice est considéré comme possible
doit consister en une activité professionnelle et non pas se rapprocher d'un passe-temps. Cette activité doit
permettre au travailleur indépendant de vivre de son activité, sans déclassement professionnel(11).
Il a été jugé, en matière d'allocation de remplacement de revenus accordée à une personne handicapée, que la
situation de la personne handicapée doit être comparée avec celle d'une personne valide exerçant une activité à
temps plein(12). Mutatis mutandis, l'appréciation de la capacité de travail d'un travailleur (salarié ou indépendant)
doit également, sauf s'il s'agit d'un travailleur n'ayant exercé qu'une activité à temps partiel (ce qui peut être le cas
pour un travailleur salarié mais est plus rarement le cas d'un indépendant), être comparée avec la capacité de
travail d'une personne exerçant une activité professionnelle à temps plein.
Comme l'a rappelé Ph. Gosseries(13), il faut que le travail en fonction duquel une aptitude a été constatée soit
pratiquement réalisable par le travailleur et qu'il constitue une véritable activité professionnelle(14).
Il ne faut pas perdre de vue que le travailleur indépendant peut, en période d'invalidité, être autorisé à reprendre
son activité professionnelle ou une autre activité professionnelle mais dans le respect de conditions strictes
posées par les articles 23 et 23bis de l'arrêté royal du 20 juillet 197115. Le travailleur ne peut y être forcé mais
doit au contraire solliciter lui-même cette faveur et obtenir une autorisation (préalable) du médecin-conseil,
autorisation limitée dans le temps qui peut viser soit une reprise totale ou partielle d'une autre activité
professionnelle soit une reprise partielle de son activité antérieure mais qui présuppose en toute hypothèse une
continuité dans la reconnaissance de l'état d'invalidité en ce compris pendant cette reprise temporaire de travail.
Il n'est donc pas conforme aux articles 20 et 23 de l'arrêté royal de considérer comme apte au travail un
travailleur indépendant au seul motif qu'il est capable de reprendre une autre activité professionnelle à temps
partiel alors que devant une telle éventualité, la reprise partielle devrait suivre une demande de l'assuré social
ainsi que l'accord du médecin-conseil et impliquerait le maintien de la reconnaissance de l'état d'invalidité.
Concrètement, il ne faut donc pas limiter le champ d'investigation aux activités professionnelles précédemment
exercées ni même à un secteur déterminé surtout lorsque le travailleur indépendant est encore jeune et
disposerait d'un état de santé qui devrait lui permettre de travailler dans d'autres secteurs où il pourrait trouver
des emplois de type plus léger nécessitant des efforts physiques moins soutenus ou adaptés à son handicap. Il
incombe à l'expert de préciser quels emplois le travailleur indépendant pourrait exercer malgré son handicap et
ce sans réadaptation professionnelle préalable(16). Tous les emplois sont ici concernés, qu'il s'agisse d'emplois
exercés en tant que travailleur indépendant ou salarié".
Mais il faut en outre tenir compte de ce qu'un emploi requiert des déplacements et donc inclure les difficultés
rencontrées par l'assuré social pour se rendre à son travail. Les douleurs qu'occasionnent les déplacements
s'ajoutent à celles engendrées par l'exercice de l'activité professionnelle(18).
Les emplois de type légers n'exigent pas tous une formation particulière. Ce n'est pas en outre à l'assurance
indemnités à s'occuper de formation professionnelle ni à pallier à l'absence de couverture chômage au profit des
travailleurs indépendants(19).
Le travailleur ne peut par ailleurs pas subir un déclassement professionnel. L'équité(20) impose qu'il en soit
ainsi(21).
L'âge du travailleur indépendant, sa formation, son expérience professionnelle et son état de santé sont des
critères essentiels pour apprécier son état d'invalidité.
C'est ainsi qu'un agriculteur n'ayant géré qu'une petite exploitation laitière ne pourrait valoriser son expérience
professionnelle auprès d'une exploitation plus importante, plus mécanisée, utilisant des méthodes de gestion plus
moderne qu'il n'a pas connues. Si cet agriculteur de 54 ans doit suivre une reconversion nécessitant un
apprentissage pour entamer un travail qui compte tenu de son état de santé ne peut être lourd, une telle reprise
d'activité est irréaliste et son invalidité doit être reconnue(22).
De même, il a été admis que « Un indépendant de 56 ans qui durant toute sa vie a exclusivement travaillé de ses
mains et, lorsqu'il a entamé l'activité de garagiste, a laissé la partie administrative de cette activité entre les mains
de son conjoint n'est pas capable d'entamer une activité de vendeur de voiture ou de produits de carrosserie si
comme le relève l'expert, il souffre d'affections qui l'empêchent de surcroît de marcher plus de 300 mètres et s'il
subit une fatigue importante avec nécessité d'une sieste journalière. Il faut en effet tenir compte des aptitudes
physiques et intellectuelles à exercer ce métier. Or, l'appelant n'a pas terminé ses études primaires et la
description de son état de santé ne correspond pas à celle attendue d'un vendeur qui doit accrocher le client
»(23).
En ce qui concerne plus spécifiquement un travailleur indépendant atteint de fibromyalgie, la Cour de céans a
déjà précédemment été amenée à examiner un dossier dans lequel l'expert (le docteur HAUZEUR également)
terminait son rapport par les ternies suivants : « Un élément dont il convient de tenir compte est que les
publications internationales sur le sujet ont bien montré que la mise en incapacité de travail prolongée, et plus
particulièrement la réduction des activités physiques et de stimulation liée à l'activité professionnelle, pouvait
conduire plutôt à une aggravation de la situation qu'à une amélioration. ll convient donc de faire le nécessaire
pour que la patiente reprenne une activité régulière, peut-être après un travail de reconditionnement à l'effort
(incapacité de travail depuis 5 ans). Ce programme pourrait être suivi régulièrement dans une organisation de
réadaptation fonctionnelle et de kinésithérapie (elle répond à ce titre aux critères de reconnaissance en
pathologie de type F donnant accès à un programme de réadaptation professionnelle prolongé). Ce programme
ne semble pas incompatible avec une reprise d'une activité professionnelle d'emblée ».
Elle a fait observer à cet égard que « La question n'est pas de savoir si à l'issue d'un « reconditionnement »,
l'assurée sociale sera à même de reprendre le travail mais si elle l'est indépendamment de celui-ci. Certes, il est
souhaitable que le patient atteint de fibromyalgie reprenne une activité physique, professionnelle ou non, mais la
Cour est saisie de la régularité de la remise au travail à une date déterminée et doit se positionner sur cette
question »(24).
La cour de céans a aussi fait observer que : « Il faut à cet égard cesser de culpabiliser les assurés sociaux qui,
aux yeux des médecins-conseils ou inspecteurs, ne démontrent pas leur volonté de s'en sortir en suivant des
traitements ou en se prenant énergiquement en charge »(25).
La Cour a aussi récemment jugé que « En ce qui concerne l'absence de démarches, l'expert part du principe que
« Rappelons qu'il convient qu'un patient démontre sa volonté de surmonter ses problèmes médicaux par une
démarche diagnostique et thérapeutique adéquate et soutenue pour récupérer dans les délais les plus brefs son
aptitude professionnelle ». Cette démarche proactive de l'assuré social n'est pas une obligation laquelle n'est en
effet ni mentionnée dans la disposition légale, ni admise en jurisprudence. Un assuré social doit être reconnu
incapable de travailler s'il remplit les critères légaux et il ne peut lui être reproché de ne pas suivre des
traitements qui pourraient l'aider à recouvrer une capacité de gain dès lors qu'il faut apprécier sa capacité de gain
en fonction de la situation réelle et non théorique »(26).
6.3. Leur application en l'espèce.
Le syndrome de fibromyalgie est posé et non contesté. Il est sérieux vu le nombre de points reconnus (15 sur 18).
En soi déjà un tel état empêche un travail régulier à temps plein même s'il peut permettre occasionnellement
quelques activités occupationnelles telles que la préparation du repas ou le repassage du linge.
C'est à tort que l'expert, suivi par la premier juge, a approuvé l'observation du médecin-inspecteur de l'I.N.A.M.I.
selon lequel certaines activités, telles que tenir un stand ou tenir une caisse de manège, ne sont pas des activités
particulièrement fatigantes et qu'elles peuvent être tenues par l'appelante. L'activité de forain ne peut être «
saucissonnée » et être réduite à une partie seulement de ce qu'elle implique.
L'I.N.A.M.I. doit examiner concrètement si le travailleur indépendant est capable d'exercer une activité
professionnelle, c'est-à-dire lucrative susceptible de le faire vivre, compte tenu de son état de santé réel et non
une activité purement hypothétique. Une activité de forain qui lui permettrait de rester assise à sa caisse et verrait
les autres activités être effectuées toutes seules ou par des tiers n'existe pas sans compter qu'il n'est pas sérieux
de soutenir que l'appelante pourrait, au vu de son état, rester assise des heures durant sans bouger.
La Cour a déjà rappelé qu'il faut cesser de culpabiliser les assurés sociaux qui, aux yeux des médecins-conseils
ou inspecteurs, ne démontrent pas leur volonté de s'en sortir en suivant des traitements ou en se prenant
énergiquement en charge. L'attitude si elle doit être proactive doit l'être aussi dans le chef des institutions de
sécurité sociale ; or, force est de relever que rien n'a été proposé à l'appelante pendant la durée de sa prise en
charge et que son analphabétisme rend difficile un reclassement dans un métier non manuel qui lui est bien
actuellement et depuis 2008 inaccessible.
A cela s'ajoute le problème dépressif, qui paraît bien avoir été minimisé dès lors qu'il a amené à une tentative de
suicide postérieurement au dépôt du rapport de l'expert mais avant le jugement dont appel.
Tous ces éléments, même si on écarte le problème dépressif pourtant souligné depuis le départ, permettent à la
Cour de ne pas suivre les conclusions du rapport de l'expert qui ne donne qu'un avis médical mais non juridique.
Equitablement, l'appelante ne peut, en l'état actuel de ses problèmes de santé et compte tenu des autres critères
à prendre en considération et notamment de sa condition socio-économico-culturelle et de son analphabétisme,
être renvoyée vers le marché du travail.
L'appel est fondé et l'appelante doit être réintégrée dans ses droits.
La demande de paiement d'intérêts ne peut concerner l'I.N.A.M.I. qui n'est pas l'institution débitrice des
indemnités.
INDICATIONS DE PROCÉDURE
Vu les pièces du dossier de la procédure et notamment le jugement contradictoirement rendu le 15 février 2013
par la 4ème chambre du tribunal du travail de Namur (R.G. n°08/2284/A),
Vu l'appel formé par requête déposée au greffe de la Cour du travail le 14 mars 2013 et régulièrement notifiée à
la partie adverse le jour même,
Vu l'ordonnance rendue le 16 avril 2013 sur la base de l'article 747 du Code judiciaire aménageant les délais pour
conclure et fixant la date de plaidoiries au 15 octobre 2013, date à laquelle l'examen de la cause a été reporté au
17 décembre 2013,
Vu le dossier de l'auditorat du travail de Namur, dossier contenant le dossier administratif, figurant dans le dossier
de procédure du tribunal,
Vu les conclusions de l'intimé reçues au greffe le 25 avril 2013,
Vu les dossiers déposés par les parties à l'audience du 17 décembre 2013 à laquelle elles ont été entendues en
l'exposé de leurs moyens.
DISPOSITIF
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
après en avoir délibéré,
statuant publiquement et contradictoirement,
vu les dispositions de la loi du 15 juin 1935 sur l'emploi des langues en matière judiciaire et notamment son article
24 dont le respect a été assuré,
entendu Madame Corinne LESCART, Substitut général, en son avis oral donné en langue française et en
audience publique le 17 décembre 2013,
reçoit l'appel,
le déclare fondé,
réforme le jugement dont appel en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il condamne l'I.N.A.M.I. aux dépens,
annule la décision administrative dont recours,
rétablit l'appelante dans ses droits depuis le 1er août 2009,
dit non fondée à l'égard de l'I.N.A.M.I. la demande portant sur les intérêts légaux,
met comme de droit, sur la base de l'article 1017, al. 2, du Code judiciaire, à charge de l'intimé les dépens d'appel
liquidés jusqu'ores à zéro € en ce qui concerne l'appelante.
Ainsi arrêté par
M. Michel DUMONT, Président,
Mme Nicole COLLAER. Conseiller,
M. Claude MACORS, Conseiller social au titre de travailleur indépendant, qui ont assisté aux débats de la cause,
assistés lors de la signature de M. Frédéric ALEXIS, Greffier,
qui signent ci-dessous
Le Greffier
Le Conseiller,
Le Conseiller social
Le Président
et prononcé en langue française, à l'audience publique de la TREIZIEME CHAMBRE de la COUR DU TRAVAIL
DE LIEGE, section de Namur-, au palais de justice de NAMUR, Place du Palais de Justice, 5, le VINGT-ET-UN
JANVIER DEUX MILLE QUATORZE par le Président et le
Greffier.M. Frédéric ALEXIS
Le Président M. Michel DUMONT