Burundi: Le long chemin de la reconstruction

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Burundi: Le long chemin de la reconstruction
Burundi
“Le Burundi est l’un de
ces beaux pays du monde
qui semblent une fois pour
toutes avoir été bénis de
Dieu et qui nous rappellent
que l’œuvre divine est
perpétuellement enviée par
un diable jaloux.”
© Elise Pirsoul
Philippe et Jean Castermans1
Le long chemin de la reconstruction
Niché au cœur de l’Afrique, séparé de son
voisin géant, la RD Congo, par le lac Tanganyika,
partageant, au Nord, une longue frontière
commune avec son “jumeau”, le Rwanda, et à
l’Est avec la Tanzanie, ce petit pays de la taille
de la Belgique bénéficiait d’une nature variée et
généreuse.
L
a conjugaison de sa position équatoriale, son altitude
élevée, et une pluviosité abondante lui procure un climat
plutôt agréable et généralement propice à l’agriculture. La
légende raconte que le Burundi était jadis un paradis naturel
habité par des chasseurs-cueilleurs qui n’avaient qu’à tendre la main
pour récolter des fruits, et que leurs flèches ne pouvaient manquer
l’un des nombreux gibiers qui peuplaient ses forêts… Au-delà du
mythe, il est vrai que le pays bénéficiait d’une relative autosuffisance
alimentaire jusqu’en 1993, année de la grande “crise”…
Aujourd’hui, le Burundi figure parmi les pays les plus pauvres au monde
(167ème sur 177 pour l’Indice de Développement Humain). Une grande
partie de ses habitants est déplacée de ses terres, ou réfugiée dans
un autre pays et dépend de l’aide humanitaire. Des milliers de gosses
sont à la rue, et le spectre de l’insécurité alimentaire menace à chaque
aléas climatique ou sécuritaire, résultat déplorable de 12 années de
guerre civile et d’instabilité politique. Pourtant, on parle peu de ce pays
resté dans l’ombre du génocide rwandais. À la différence de celui-ci, le
conflit burundais s’est étalé sur plus d’une décennie.
Flashback. En juin 1993, le Burundi connaissait sa première élection
présidentielle libre et démocratique : Melchior Ndadaye était élu
premier président hutu dans un Burundi jusqu’alors dirigé par une
minorité tutsie. Quelques mois plus tard, il était assassiné par des
militaires tutsis. La nuit même, commençait le massacre de Tutsis et
de Hutus modérés, entamant un nouveau cycle de violence nourri
de représailles réciproques.
Depuis la signature des accords de paix d’Arusha en août 2000 et
l’accord global de cessez-le-feu signé en 2003 entre le mouvement
rebelle du CNDD-FDD et le gouvernement de transition, le pays se
remet peu à peu de la guerre civile. En 2005, de nouvelles élections
libres et démocratiques ont ouvert la porte aux espoirs de stabilité
et à la perspective d’investissements à plus long terme. La situation
politique actuelle est pourtant loin d’être sereine. La recrudescence
du banditisme et des exactions est facilitée par la présence massive
d’armes dans le pays. Par ailleurs, l’inflation, la hausse des prix des
denrées alimentaires et du pétrole réduisent les quelques avancées
économiques obtenues depuis 2005.
Douze années de conflit ont provoqué de profonds changements
dans la société burundaise. Peu de familles ont été épargnées par les
violences, voire la perte des siens, et par la dégradation du niveau
de vie déjà modeste. Des centaines de milliers de déplacés et réfugiés2 ont laissé derrière eux leur unique moyen de subsistance : la
terre. De nombreux orphelins vivent dans des conditions précaires
(nous nous sommes penchés sur cette situation p.7 et 10). Outre la
dégradation des infrastructures et de la situation sanitaire, le conflit
a laissé des traces dans les mentalités et les consciences. Les valeurs
cristallisées dans le mot kirundi “ubuntu”, qui sacralisaient le respect
1. “Au Burundi”, éd. Didier Hatier, 1990.
2. Déplacées se dit des populations qui ont fuit pour s’installer dans une autre région du même pays. Les réfugiés, eux, se sont installés dans un pays étranger.
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Burundi
de la vie d’autrui, la solidarité et l’humanité envers les plus faibles, ont
volé en éclats. Les conflits non résolus et l’impunité ont contribué à
accroître la méfiance mutuelle au sein de la société : les victimes et
leurs présumés bourreaux partagent le même espace. La population
a soif de vérité et de justice…
Justice, paix, état de droit : voilà donc les éléments-clés nécessaires à
la reconstruction d'une société forte, réconciliée avec elle-même et
prête à regarder vers l’avenir. La coopération belge et internationale
est active dans ces domaines via la Consolidation de la paix (voir article
p. 5), et les aides bilatérales (en encadré). Des domaines plus classiques, mais fondamentaux pour le développement et le bien-être de
la population tels que la santé, l’éducation, et l’agriculture, continuent
à être appuyés.
Coopération belgo-burundaise : justice, paix, Etat de droit et
développement
Pendant que le Burundi était maintenu à l’écart des préoccupations
de la communauté internationale, les liens de coopération avec la
Belgique se sont maintenus. La crise de 1993 avait en effet provoqué
une chute brutale du niveau de l’aide internationale de 300 M USD à
27 M USD par an. Ceci ajoutait encore aux malheurs du pays pour qui
l’aide globale au développement au début des années nonante représentait pratiquement un quart du PIB, et rapportait deux fois plus de
devises étrangères que les exportations. L’embargo décrété par la
communauté internationale en 1996 n’a fait qu’aggraver la situation.
Si la détérioration de la situation politique, le coup d’état de 1996 et
les sanctions imposées par les pays voisins ont provoqué le “gel” de
la coopération bilatérale directe belgo-burundaise jusqu’aux accords
d’Arusha, cette coopération n’a jamais été totalement suspendue.
Par la suite, la Belgique a notamment soutenu le processus électoral
et la consolidation de la société en général.
Le nouvel élan de la coopération bilatérale directe a été donné au
cours de la Commission mixte en octobre 2006. Cette commission, chargée de planifier la coopération de la Belgique avec les
partenaires burundais, a arrêté un nouveau programme indicatif de
coopération pour les années 2007-2009 d’un montant de 60 millions EUR. Compte tenu des particularités du pays - son manque de
ressources, l’impact des années de crise, et la faiblesse de l’Etat -, le
programme de coopération vise principalement l’appui institutionnel,
l'aide d'urgence, la dimension humanitaire, la sécurité alimentaire et
la prévention des conflits. C'est dans cette logique également que
s'inscrit le programme d'urgence pour le Burundi (15 millions EUR).
Il vise à améliorer rapidement l'infrastructure de base (routes et
adduction d'eau potable) et l'équipement (livres et mobilier scolaire).
La Belgique soutient également l’effort du gouvernement burundais
dans l’instauration de l’éducation primaire gratuite pour tous.
Le nouveau programme de coopération au développement entre les deux
pays s’aligne sur le Cadre Stratégique de Lutte Contre la Pauvreté (CSLP) du
Burundi et ses efforts de relance de l’économie. Les secteurs prioritaires
du programme sont les suivants : la bonne gouvernance (Etat de droit,
sécurité : 15,5 millions EUR), l'économie et agriculture (9 millions EUR),
les soins de santé (10 millions EUR), l'éducation (10 millions EUR), ainsi que
diverses interventions multisectorielles (7,5 millions EUR).
n
EP
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Dans un pays de la taille de la Belgique, à densité élevée (8 millions d'habitants),
et dont 95 % de la population vit de l'agriculture, la pression démographique sur
les terres est source de conflit. Le retour imminent de réfugiés de Tanzanie réclamant les propriétés qu'ils ont laissé il y a plus de dix ans risque de provoquer de
nouveaux conflits fonciers sur des terres déjà excessivement atomisées.
Programme d’appui
à la gouvernance et à la sécurité
Le gouvernement issu des élections démocratiques d’août 2005 a indiqué
dans son programme que la paix, la sécurité et la bonne gouvernance constituent le socle sur lequel il veut bâtir le développement socio-économique du
Burundi. La contribution de la Belgique en ce domaine porte sur :
•L’appui au secteur de la justice et au renforcement de l’Etat
de droit
La coopération belgo-burundaise contribue à augmenter l’accès à la
connaissance de la loi par le biais de son appui institutionnel au Centre
d’Etude de Documentation Judiciaire (Codes et lois, le Bulletin
officiel du Burundi, traduction des lois en Kirundi, diffusion, etc.).
Elle vise également à améliorer l’indépendance, le professionnalisme et
l’éthique de la magistrature par l’appui à la formation professionnelle
des magistrats et des agents de l’ordre judiciaire.
•L’appui à la police et au secteur de la sécurité
La situation sécuritaire du pays demeure un axe prioritaire du gouvernement et une condition sine qua non pour la relance du secteur
économique et la réconciliation nationale. Dans ce contexte le soutien
de la coopération belgo-burundaise au secteur de la sécurité s’inscrit
dans la continuité de l’appui en cours apporté à la formation de la
police nationale et à la dotation des moyens logistiques et matériels
au corps de police.
•L’appui au développement local et à la participation citoyenne
Le développement local et la participation citoyenne sont parmi les
moyens que le gouvernement entend privilégier pour renforcer la culture
démocratique. La décentralisation constitue à ce titre un élément fondamental de la reconstruction au Burundi. La coopération belgo-burundaise
envisage ainsi un appui ciblé sur la province de Kirundo : élaboration
des plans de développement locaux avec un renforcement de la participation des communautés, budgétisation, exécution et bonne gestion des
finances communales, administration et résolution des conflits.
P. Simons / DGCD
© Iriba
Burundi
La consolidation de la paix au Burundi
Après une guerre civile qui a duré des années,
le Burundi entame une marche prudente vers
la paix. La communauté internationale reste
méfiante, mais la Belgique n’entend pas tourner
le dos au Burundi. Le service Consolidation de la
Paix a soutenu d’innombrables initiatives pour le
rétablissement d’une société viable.
L
orsqu’ en août 2000, les accords de paix d’Arusha furent
signés, le défi à relever était énorme : un gouvernement
de transition devait mener le pays vers des élections avant
de céder le flambeau à un gouvernement élu de manière
légitime destiné à travailler à la reconstruction de l’état, à l’amélioration des conditions de vie de la population, et au développement
du pays. Le Burundi semblait néanmoins avoir été oublié par la
communauté internationale. Suite à l’embargo imposé pendant
plusieurs années à l’encontre du pays, qui a surtout touché la population, le gouvernement du pays a dû attendre longtemps avant de
pouvoir inspirer à nouveau confiance.
Burundi
2004
2005
2006
2007
Totaux
en eur
3.578.107
3.434.173
3.352.327
4.873.211
15.237.818
Financement des programmes “Consolidation de la Paix”
La Belgique a toujours été un ardent défenseur, et parmi les premiers,
de la reprise de la coopération au développement avec le Burundi.
Il faudra pourtant attendre octobre 2006 pour voir se réunir une
première Commission mixte belgo-burundaise. Dans l’intervalle, le
gouvernement belge avait néanmoins pu faire appel, entre autres, aux
fonds destinés à la “Prévention des conflits” et la “Diplomatie préventive”
gérées par le service Consolidation de la Paix.
L’appareil judiciaire
Après une longue période d’insécurité, de violations des Droits de
l’Homme et d’impunité, le rétablissement de l’appareil judiciaire
s’affiche comme priorité absolue. Un tiers du budget en faveur de
la prévention des conflits au Burundi est allé au cours des quatre dernières années aux ONG spécialisées comme Avocats sans
frontières, Réseau des Citoyens – Citizens’ Network (RCN) Justice &
Démocratie, et à Penal Reform International. Leur mission : soutenir
le gouvernement et la société dans le cadre du développement d’un
état de droit fiable et efficient. D’autres acteurs bilatéraux et internationaux rejoignent maintenant les initiatives et efforts qui ont été
entrepris en ce domaine par ces associations “pionnières”.
La démocratie
La deuxième priorité est le renforcement des institutions démocratiques. Par le truchement de l’Association des parlementaires européens
pour l’Afrique (AWEPA), le parlement burundais bénéficie depuis
plusieurs années d’une aide, tandis que les élections de 2004 ont été
soutenues financièrement, grâce à la participation d’autres donateurs
(notre pays a accordé une subvention de 2 millions EUR).
La démocratie ne peut fonctionner que si la liberté d’expression est
garantie. Au Burundi, plusieurs tentatives ont été faites pour museler
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Burundi
la presse, mais grâce, entre autres, au soutien actif de la Belgique,
elles se sont toutes soldées par un échec. Le pluralisme est essentiel au bon équilibre de la société, d’où la diversification du soutien
accordé aux médias par le service Consolidation de la Paix: la radio et
la télévision nationales ont obtenu une aide à hauteur de 3 millions
EUR (voir encadré). Mais parallèlement aussi, des radios libres (Radio
Publique Africaine, Radio Isanganiro), le magazine Iwacu, la production
d’un feuilleton radiophonique pour la prévention des conflits, des
projections de films dans les villages sur le thème du dialogue et de la
réconciliation (caravane cinéma itinérant, Iriba), ainsi que des projets
pour la formation de la presse écrite et parlée par le biais des ONG
comme Panos et Infosud ont bénéficié de notre soutien.
Les réfugiés et les armes
Qui dit guerre, pense inévitablement aux réfugiés et aux armes.
Ce n’est donc pas par hasard qu’un montant de 1,5 million EUR
a été prévu pour la préparation et l’accompagnement du retour
des réfugiés grâce à des organisations telles que CARAES, le Conseil
norvégien pour les réfugiés, et le Refugee Education Trust (qui accorde
une attention spéciale au rapatriement des enseignants et des élèves). Un projet spécifique concerne notre soutien au Commissariat
des Nations-Unies pour les réfugiés. Ce projet vise à aider le gouvernement tanzanien à mettre en œuvre sa décision d’accorder la
nationalité tanzanienne à 200.000 Burundais réfugiés depuis 1972,
qui se sont entre-temps entièrement intégrés. Un exemple dont
pourraient s’inspirer beaucoup d’autres pays !
En ce qui concerne les armes, le service Consolidation de la Paix a
accordé au cours des années passées plus d’un million EUR d’aide
à Handicap International et à Dan Church Aid pour la lutte contre les
mines anti-personnel et pour le déminage. Le Centre régional pour
la lutte contre les armes légères (RECSA) reçoit, de pair avec l’ONG
belge GRIP, une aide financière pour l’élaboration d’un plan national
sur cette problématique.
Les femmes
Enfin, à l’issue d’un conflit grave, le rôle des femmes est généralement
sous-estimé alors que leur contribution est pourtant d’un intérêt
capital. C’est pourquoi la Belgique a consacré, au cours des quatre
dernières années, plus d’un million EUR pour soutenir le programme
de Search for Common Ground, qui encourage les femmes à s’impliquer
activement dans la démocratisation de la société burundaise.
Même si notre coopération bilatérale est devenue entre-temps
beaucoup plus intense, le rôle spécifique du service Consolidation de
la Paix est encore loin d’être terminé. De nouveaux projets sont en
gestation : le dernier groupe rebelle (FNL) devra encore être réintégré dans les forces de sécurité, les institutions publiques et la société.
Il est également prévu qu’il abandonne définitivement la lutte armée
pour se transformer en parti politique. Cela aussi a un coût, non seulement en termes de prise en charge, mais aussi de formation. Dès
lors, pourquoi ne pas songer, d’emblée, une initiative de formation
dont pourraient bénéficier tous les partis politiques ? Et comment
le Burundi s’y prendra-t-il pour gérer son passé violent ? Notre aide
devrait permettre aussi prochainement aux institutions de justice
transitionnelle (Commission Vérité et Réconciliation et Tribunal Spécial)
de répondre le mieux possible à la nécessité de faire toute la lumière
sur les violences qui ont endeuillé le peuple burundais depuis plus
de quarante ans, de faire œuvre de justice, et de permettre ainsi la
réconciliation. Restez donc à l’écoute !
n
Marc Van Wymeersch et Ivan Godfroid
Pour la démocratie, réhabilitation de la Radio-Télévision
Ce projet de mutation de la Radio-Télévision Nationale du Burundi (RTNB) a germé en 2002, quand le Burundi est entré dans une phase
cruciale de transition politique. L’idée était de permettre à cette institution, identifiée depuis toujours à un pouvoir autoritaire, de jouer
un rôle dans la démocratisation du pays : s’il fallait partager le pouvoir, pourquoi ne pas faire de la radio-télévision nationale un vrai service
public, pluraliste et utile à tous les citoyens ?
La mutation a été menée en plusieurs étapes depuis les premières missions exploratoires en 2002 et 2003, la création de l’ASBL Kabondo
et le lancement des opérations en septembre 2004. Elles ont été clôturées en 2007 sur un constat général de succès. Sur le plan technique, la réussite est totale. La RTNB, qui était pratiquement en ruine, avec des matériels en fin de vie, a été entièrement numérisée,
jusqu’à la diffusion par serveurs, en radio comme en télévision. C’est peut-être un record du monde audiovisuel de mutation technologique. L’informatique est partout, les équipements de production sont neufs, le personnel a été formé à tous les échelons pour les faire
fonctionner.
Au plan des programmes et de l’information, l’évolution a été nette, impressionnante pour ceux qui connaissaient l’ancienne station au
contenu monolithique. La démonstration du changement a été faite dès les élections de 2005 : la radio-télévision nationale a couvert
tout le processus électoral (pas moins de six scrutins) avec une maîtrise déontologique qui a d’abord étonné puis forcé le respect. Les
programmes eux aussi se sont diversifiés et améliorés dans le sens de la rigueur et de l’utilité publique (nouvelles grilles pour la télévision
et pour la deuxième chaîne radio). Les turbulences politiques de fin 2006 et 2007 n’ont pas facilité les choses, mais le pluralisme est
demeuré la règle de base.
Reste le problème de la gestion, de l’organisation du travail et du fonctionnement des services. La RTNB est une vieille structure, avec des
pesanteurs de tous ordres, des rémunérations trop faibles pour mobiliser le personnel à temps plein et un sous-financement chronique
qui bride les initiatives et limite le champ de la production. Mais contre cela, l’ASBL Kabondo ne pouvait pas grand-chose. Ce combat-là
dépasse l’enjeu audiovisuel, il touche aux fondements de la question burundaise. Bref, comme on dit, “c’est une autre histoire”…
JF Bastin
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Burundi : Interview
Des lunettes ou l’école
Conversation avec des jeunes burundais…
© Iriba
Le lycée de Musenyi était autrefois un établissement
prestigieux qui formait les cadres du pays. Avec la
guerre, il a été tour à tour occupé par des réfugiés,
pillé et abandonné. Depuis quelques années, l’école
et l’internat reprennent vie malgré leurs petits
moyens, le manque d’électricité et l’enclavement de
la commune dû aux mauvaises routes. A quelques
centaines de mètres à peine, 3.000 maisons
accueillent des déplacés, c’est-à-dire des personnes
qui ont fui leur terre et se sont déplacées à l’intérieur
du pays. Certains de ses habitants, quand ils peuvent
payer le minerval, étudient au lycée. C’est le cas de
Dieudonné et Longin, orphelins, déplacés et sans
moyens. Etudier pour eux n’est pas une sinécure…
Dieudonné a 20 ans, il est orphelin de père et de mère depuis
1993 et a, depuis, été déplacé de sa colline natale vers le camp
de Musenyi (3.000 maisons abritant principalement des Tutsis ou
Twas - Pygmées). Pour les déplacés, loin de leurs terres et de leurs
moyens de subsistance, “la survie y est difficile, même pour ceux qui
ont des parents car il faut faire de longues distances pour trouver de
quoi manger, alors payer le minerval, c’est encore plus difficile…” Sans
aide extérieure, il ne peut pas payer le minerval d’entrée au lycée.
“J’ai été aidé par la commune grâce à des attestations d’indigence, mais
elle commence à les refuser, alors il devient compliqué de continuer
les études.” Cependant, ce n’est pas le seul obstacle à ses études :
“Il faut être propre, mais c’est difficile pour quelqu’un qui n’a qu’un seul
habit (…) Ou pire encore, parfois quand il faut venir à l’école sans avoir
mangé, il devient dur d’assimiler les études…”
Heureusement, pour de petites choses, il peut compter sur la solidarité de ses compagnons d’infortune. “Chez nous (NDLR : dans le
camp de déplacés), il y a une bonne collaboration. D’ailleurs, nous avons
formé un club appelé “club des jeunes solidaires”. Par exemple, nous
fabriquons des briques et l’argent reçu pour notre travail est mis dans un
pot commun. Si quelqu’un rencontre un problème, s’il manque un cahier
ou un peu de sous pour le minerval, on l’aide.”
Longin a 22 ans, il vient d’une famille de 15 enfants qui a été
décimée par les massacres. “J’avais 8 ans. Tous mes frères ont été tués.
Il ne reste que moi, ma sœur et ma mère.” C’est alors qu’il a décidé
de prendre la route, comme des milliers d’autres qui deviendront
des déplacés. “Je voulais m’échapper. J’avais peur de ceux qui ont tué
ma famille. Je suis arrivé au camp de déplacés ici à Musenyi. J’ai continué
à étudier ici, au collège communal puis au lycée. Aujourd’hui je vis dans
le camp, seul. Ma mère est retournée dans sa région natale car elle est
handicapée et ne peut plus chercher à manger. Elle a été frappée fort
par des machettes et des matraques. On l’a cassée.”
En attendant, au jour le jour, il faut chercher de quoi vivre et étudier : “Quand l‘année scolaire commence, si tu viens ici sans minerval,
après deux semaines, on te renvoie pour que tu reviennes avec l’argent.”
C’est alors que des souvenirs amers peuvent refaire surface :
“Quand je manque de matériel, je pense à mon père et mes grands frères parce que c’est eux qui s’arrangeaient pour me payer cela. Quand je
regarde des films qui montrent la guerre, je me rappelle qu’on a égorgé
mon père devant moi ! Et celui qui a fait cela m’a ensuite sauvé la vie !”.
Mais il s’investi dans ses études car il a des projets : “Si je trouve un
sponsor, j’aimerais fréquenter l’université. Si Dieu le veut, j’entrerais en
faculté de médecine. Je voudrais soigner les gens…”
Longin souffre régulièrement de migraines, il a besoin de lunettes.
Mais le prix de ces lunettes équivaut au minerval d’une année au
lycée, qu’il a déjà du mal à réunir. (lunettes = 17 EUR, minerval en
interne, 13 EUR). Un dilemme cornélien…
n
Elise Pirsoul
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Burundi : Les enfants
Les enfants, premières victimes de la guerre…
Les premières victimes de la guerre sont souvent les plus innocentes. Au Burundi, les enfants ont été
durement touchés : malnutrition, perte des parents, abandon. Certains se sont réfugiés dans l’armée,
d’autres ont pris la rue pour foyer. Un phénomène impensable avant la guerre dans un pays où l’enfant
“est enfant de tout le monde”. Des hommes et des femmes courageux ont réagi avec, au départ, seuls
leurs forces et leurs petits moyens pour leur redonner une chance…
Maggy, “une sainte en enfer”
Les 25 enfants orphelins sont recueillis par Maggy.
En mai 1994, elle convainc l’évêque de lui prêter
le bâtiment d’une école, que les enfants nomment
“Maison Shalom”, du nom d’une chanson entendue
à la radio. Aussitôt, cette œuvre caritative n’a
cessé de grandir. Fin 1994 déjà, en plus du centre
d'accueil des orphelins de Ruyigi, Maggy ouvre
deux autres centres: “Oasis de Pais” à Gisuru, et
“Casa della Pace” à Butezi. Les trois noms ont la
même signification: ce sont les Maisons de la paix.
La Maison Shalom, plus de 10.000 enfants
© Béatrice Petit
La première vocation de l’œuvre est d’apporter
de l’aide aux orphelins de la guerre et du sida
dans tout le Burundi : depuis 15 ans, ce sont plus
de 10.000 enfants qui ont transité par les fratries
de la “Maison Shalom”, et ont été réintégrés dans
la vie sociale. Elle privilégie en effet le retour des
enfants dans leur environnement familial dès que
les conditions le permettent. Et, si un enfant n’a
plus de famille restreinte où être réinséré, l’œuvre
lui achète une parcelle et lui construit une maison
dans un milieu qui lui semble favorable.
Au coeur de cet enfer de la guerre civile burundaise, celle
que tous aujourd’hui appellent “Maggy” a réussi à éduquer
une nouvelle génération de jeunes citoyens qui placent leur
humanité au delà de toute généalogie, de toute appartenance
ethnique et de toute haine.
T
out a commencé pour elle le matin du 24 octobre 1993,
quand des hommes armés de machettes, de gourdins ou
de pierres prirent d’assaut l’évêché de Ruyigi, province
proche de la frontière tanzanienne. Marguerite Barankitsé y
reconnaît un membre de sa famille, et tente de s’interposer, au péril de
sa vie. Grâce à l’intervention d’autres femmes tutsis, elle sera épargnée,
réussissant en même temps à sauver la vie de 25 petits enfants, mais 72
personnes, principalement les parents, seront exécutées sous ses yeux.
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En 2002, en complément d'activités génératrices de revenus favorisant
l'emploi des jeunes, Maggy a également créé la “Cité des Anges”, espace
de rencontres et de loisirs doté d’une piscine et d’un restaurant, mais
aussi espace de culture grâce à sa bibliothèque, et d'apprentissage à la
mécanique, avec son garage. Une association française, “la Maison des
Anges”, la rejoint bien vite et a tôt fait d’y ajouter le “Cinéma des anges”,
seule salle obscure du Burundi en dehors de la capitale. Ces initiatives et
programmes, de nature socio-culturelle, qui concourent efficacement au
désenclavement de Ruyigi, visent d’abord à offrir aux jeunes - dont d’anciens enfants soldats - une véritable éducation à la paix, grâce à l'ouverture sur le monde et sur l'avenir, tout en favorisant leur réinsertion. Ainsi
dynamique et vivante, l'oeuvre de Maggy a contribué au développement
durable de toute sa région. Et le 16 janvier 2002, celle-ci était officiellement agréée par le Ministère de l'Intérieur burundais.
Burundi : Les enfants
Le projet de l'hôpital REMA
Ces dernières années, les efforts de Maggy se sont aussi portés sur la
construction d’un hôpital, dont elle a financé le coût au moyen de dotations1, de dons et de crédits. Pour elle, la nécessité d'un centre de santé
s’est imposée dès 1998, mais les conditions de sécurité consécutives à la
guerre civile (de 1993 à 2003) n'ont pas permis de s'engager dans sa réalisation avant 2005. Dès l’origine, l’œuvre s’est en effet trouvée confrontée aux problèmes qualitatifs et quantitatifs des soins pour les orphelins.
Les plus grandes lésions ont nécessité des hospitalisations et des interventions chirurgicales à l'étranger. L'idée d'un centre médical géré par la
“Maison Shalom” émane des enfants ayant vécu des situations dramatiques liées à la guerre : souffrances physiques et morales, viol, VIH/sida.
Ainsi, Chloé Ndayikunda, survivante des massacres de 1993 et adoptée
par Maggy à 16 ans, a obtenu son diplôme de médecin en février 2005 :
elle a dès lors choisi de s'installer à Ruyigi pour y soigner les enfants à
son tour, et a activement participé à l'élaboration du projet.
Pour Maggy, l'hôpital REMA2devait permettre d'anticiper pour ne plus
“réparer constamment les pots cassés”, c'est-à-dire limiter le nombre
d'orphelins, agir contre la transmission du VIH/sida de la mère à l'enfant,
et améliorer le rapport à la santé de la population. Il devait prioritairement s’adresser aux mères, aux enfants et aux personnes vulnérables,
et la participation financière devait y être adaptée aux ressources des
bénéficiaires des soins.
Aujourd’hui, l'hôpital REMA vient d’ouvrir ses portes. Le Premier VicePrésident de la République et d'autres autorités burundaises de haut
niveau ont assisté à la cérémonie d'ouverture, le 22 janvier 2008 : l’hôpital est à présent agréé, il sera subventionné par l'Etat, et 120 personnes
devraient y travailler.
Jean-Michel Corhay
Plus d’infos : www.maisonshalom.net
Le projet médical
Reconstruire le système de santé de la région de Ruyigi
en créant et en développant un hôpital d'une capacité de
120 lits avec les services suivants : maternité, obstétrique,
service néonatal, pédiatrie, chirurgie (orthopédique et viscérale), hospitalisation en médecine interne, dispensaire,
consultations externes. Auxquels s’ajoutent des services
annexes pour l'amélioration de la santé : centre de formation permanente pour le personnel, centre de la mère et
de l'enfant, centre de nutrition, centre d’accompagnement
psychologique.
1. d
ont la dotation de 100.000 USD du Prix Nansen pour les Réfugiés décerné par le
HCR en juin2005.
Guerre civile, santé et
scolarité
Les jeunes enfants qui ont été exposés à un conflit violent
accusent un net retard de croissance. Ils vont aussi moins
longtemps à l'école, comme le montre une étude portant
sur les enfants de la campagne burundaise. La guerre civile
a donc incontestablement des effets à long terme sur la
population.
Pour notre étude*, nous avons utilisé les données d'une
enquête nationale de 1998 sur les familles. Nous nous
sommes intéressés à l'état de santé des enfants qui avaient
moins de 5 ans au moment où leur milieu de vie a été
exposé à la violence de la guerre civile. Afin de mesurer
uniquement l'effet de l'exposition au conflit, à l'exclusion
d'autres effets comme la pauvreté, nous avons incorporé
un nombre suffisant d’éléments de contrôle dans notre
étude. Ainsi, nous avons procédé entre autres à la comparaison avec des enfants qui n'avaient jamais été exposés à
un conflit ou qui étaient nés après le conflit. Nous avons
calculé l'état de santé en fonction de la taille atteinte par
chaque enfant pour son âge.
Nos résultats montrent que les enfants issus d'un milieu
qui a été exposé, alors qu'ils étaient très jeunes, à la guerre
civile, sont systématiquement plus petits que les enfants
qui n'ont pas été exposés. Du fait que le retard de croissance n'est pas rattrapé, on peut parler ici d'un effet à long
terme. Ces enfants moins bien-portants vont aussi moins
longtemps à l'école. Il ressort de nos recherches, en effet,
que les enfants qui ont été exposés en moyenne 10 mois
au conflit, entament leur parcours scolaire 5 mois plus
tard. Les enfants exposés arrêtent aussi 8 mois plus tôt de
fréquenter l'école. Ce déficit scolaire fait que, plus tard, ces
enfants touchent un salaire plus bas sur le marché du travail.
Les élèves qui ont suivi quelques années d'enseignement
primaire, gagnent en moyenne 20% en moins, et les élèves
qui ont suivi l'enseignement secondaire, 8%. De plus, les
enfants moins bien-portants sont aussi moins productifs
dans l'agriculture, étant moins forts. Ainsi les effets de la
guerre civile se font-ils sentir encore longtemps après que
les armes se sont tues… n
Philip Verwimp
Université d'Anvers & Households in Conflict Network
www.hicn.org
[email protected]
*B
undervoet T., Verwimp P., et Richard Akresh. 2008. Child Health in
Rural Burundi, Journal of Human Resources, à paraître.
2. R
ema se dit au Burundi pour encourager une personne en difficulté: “Courage,
console-toi, sois debout, reconstruis".
DIMENSION 3 • LE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE • 2/2008
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Burundi : Les enfants
Gaston et les enfants de la rue, une initiative
privée qui grandit
quatre jeunes. Actuellement, en parallèle à son garage, il conduit
une petite ONG nommée “Action humanitaire contre la délinquance”
(AHD). L’objectif de AHD aujourd’hui est de former une trentaine
d’enfants par an. Un bon exemple de petite ONG locale encouragée par la Belgique.
© Elise Pirsoul
La province de Ngozi où se situe le garage et la maison de Gaston
est la seconde du pays, après la capitale, en terme de nombre
d’enfants de la rue. H., 19 ans raconte : “J’ai vécu dans la rue pendant
9 ans. Mes parents ont disparu, il ne restait presque plus personne
de ma famille, je n’avais pas le choix. Pour vivre, je faisais le porteur.”
Comme lui, des jeunes ayant dépassé l’âge de scolarisation sont
recueillis par AHD et formés dans l’atelier de Gaston aux métiers
de mécanicien et de soudeur, après avoir été alphabétisés. Des
jeunes en état d’extrême indigence bénéficient également de ces
formations, c’est le cas de A. : “Ma famille est très nombreuse et
pauvre. Il arrivait que nous ne trouvions pas à manger. Moi, je n’ai pas
réussi à l’école, et je mangeais le repas sans y contribuer. J’ai alors décidé
de quitter la famille pour essayer de gagner de quoi vivre moi-même. J’ai
entendu l’appel de Gaston, alors je lui ai exposé mon cas.”
AHD est une ONG locale aidée par la Belgique à hauteur de
99.700 EUR pour deux ans, durant lesquels elle abritera, nourrira,
alphabétisera, formera et émancipera environ 60 jeunes orphelins.
Gaston, lui, est parti de rien. Des gens l’ont aidé, et il aide à son
tour, au centuple, des enfants de la rue.
“Je viens d’une famille très modeste”, confie Gaston. Après l’école primaire,
ses parents ne pouvaient plus supporter les frais de scolarisation. “Alors,
quelqu’un m’a pris sous son aile pour me payer l’université. Ce sont les bons
côtés de la coutume burundaise : l’entraide.” Il n’oubliera jamais ce geste. Ses
études de mécanicien terminées, il ouvre son propre garage. Un jour, “je
rencontre sur ma route des gamins qui étaient le reflet de mon image petit. Ils
n’avaient rien et certainement pas la chance d’aller à l’école.” Gaston leur ouvre
la porte de son garage, de sa maison, pour les former. “Heureusement
que ma femme m’a compris et encouragé. On a vécu en partageant tout avec
ces gamins”. C’est ainsi, spontanément, qu’il a commencé en 2003, avec
Un autre renchérit : “Quand j’ai perdu mes parents, j’ai voulu me réfugier dans une autre famille qui m’a chassé. Alors, je suis allé dans la rue
et suis devenu un bandit. Je fumais du chanvre, je volais, jusqu’à être emprisonné.
Quand je suis sorti de prison, j’ai entendu que Gaston cherchait des enfants de la
rue à qui apprendre un métier. Je me suis inscrit et j’ai commencé à apprendre.
Maintenant, j’ai un niveau suffisant et je vais commencer un stage”. Les jeunes,
après une formation de six mois “sur le tas” dans l’atelier de Gaston, sont
envoyés en stage à la capitale. Après cette période, ils peuvent s’installer
en association dans leur propre atelier de production et former les nouveaux à leur tour. Quinze jeunes en sont à cette étape. Mais bien souvent,
les garages marquent leur intérêt à engager ces jeunes stagiaires appliqués
au terme de leur apprentissage...
Et comment ces jeunes garagistes en herbe voient-ils leur futur ? “Quand
j’aurai appris mon métier, j’aiderai ma famille, puis je me marierai. J’aurai des
enfants, et je pourrai construire une maison. Et je poursuivrai mon métier. Mais
je ne sais pas ce que Dieu a préparé pour moi dans l’avenir…”
n
EP
La Belgique contre l’emploi des enfants soldats :
L’armée ou la rue. Tel était bien souvent le choix des enfants devenus soudainement orphelins et qui ne trouvaient pas refuge auprès
d’une famille ou d’une institution. La rue, cela signifiait être à la merci de la faim, des intempéries, de la violence des hommes. “C’est ainsi
que des enfants venaient vivre aux alentours des camps militaires”, explique un militaire, “ils y recevaient protection et nourriture en échange de
petits services, comme porter des munitions. Ils devenaient vite une main d’œuvre facile, gratuite et très engagée”. Souvent, c’était un réflexe de
survie. Au bout de quelques années, “il arrivait qu’ils récupèrent l’arme d’un militaire tué au combat et, de fil en aiguille, ils devenaient eux-mêmes
combattants.” Par contre, “les milices rebelles pouvaient enlever des enfants avec l’intention d’en faire des combattants.”
En février dernier, la Belgique a réaffirmé auprès du Conseil de sécurité de l’ONU son fort engagement contre l’enrôlement des enfants
dans les conflits armés ; elle préconise la sanction des groupes ou individus qui recrutent encore des jeunes de moins de 18 ans. Elle
encourage à ce titre un projet de l'UNICEF dans la région des Grands Lacs (Burundi, Rwanda, Tanzanie, RD Congo, et Ouganda), ainsi
qu' une campagne de sensibilisation : http://www.child-soldiers.org/fr/accueil EP
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DIMENSION 3 • LE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE • 2/2008