Du client «roi» au client «déviant» (PDF Available)

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Du client «roi» au client «déviant» (PDF Available)
Session 2 - 21
Du client « roi » au client « déviant »
Isabelle Barth (HuManiS) & Lionel Bobot (NEGOCIA)
Isabelle Barth
Professeur des Universités
Ecole de Management de Strasbourg
HuManiS (EA 1347)
61 avenue de la Forêt Noire
67085 Strasbourg Cedex
Tél : +33 (0)6 84 51 41 05
Fax : +33 (0)3 90 41 42 70
Mail : [email protected]
Lionel Bobot
Professeur
Negocia (CCIP)
8, avenue de la Porte de Champerret
75838 Paris cedex 17
Tél : +33 (0)1 44 09 35 40
Fax : +33 (0)1 44 09 35 99
Mail : [email protected]
Résumé :
Le personnel au contact est celui qui est directement et personnellement impliqué dans la
relation client dans le cadre de la production d’un service (seul ou associé à un produit).
Depuis des décennies, les entreprises cherchent à construire des organisations « orientées
clients », dont le personnel au contact sont des « têtes de pont ».
Alors même que le marketing a développé et « glorifié » la relation client, on constate que le
client peut-être aussi « déviant » et donc nuisible pour l’entreprise et sa performance.
L’objectif de cette recherche est de comprendre les comportements du client « déviant » à
travers la méthode des récits de vie. Elle permet de mettre au jour une relation client
complexe, hétérogène, risquée et multilatérale, on est passé en quelques années du client roi
au client ROI et maintenant au client « hub ».
Mots clés : marketing service, client déviant, récits
Session 2 - 22
Du client « roi » au client « déviant »
Le personnel au contact est celui qui est directement et personnellement impliqué dans la
fabrication d’un service avec le client (Barth et Antéblian 2007 ; Eiglier 2002). Il assure toute
ou partie de la prestation de service et matérialise le service aux yeux des clients. De par sa
position, le personnel au contact est amené à gérer toutes les facettes de cette relation : gérer
les dilemmes, convaincre, comprendre … de façon à satisfaire et fidéliser le client pour faire
de lui un partenaire durable de l’entreprise (reposant sur l’hypothèse que plus cette relation est
pérenne, plus elle est rentable pour l’entreprise).. Une partie de son activité consiste à trouver
le bon compromis entre logiques et contraintes diverses, à négocier les termes de la réponse la
plus satisfaisante pour le client et pour l’entreprise (David et Huguet 1998).
L’encadrement de l’entreprise est amené à conjuguer l’individuel à l’organisationnel en vue
de construire un comportement « orienté client » dans l’entreprise et tout particulièrement
chez le personnel au contact. Or, alors même que le marketing a développé et « glorifié » la
relation client, force est de constater que le client peut-être aussi « déviant » et donc nuisible
pour l’entreprise.
Ce constat bouscule et met en cause la conception d’une relation client homogène, stable, et
bilatérale, et amène à reconsidérer les fondements de la gestion de la relation client.
Nous présentons dans cet article dans un premier temps les cadres théoriques de la relation
client et du client « déviant ». Dans une deuxième partie, nous explicitons la méthodologie de
notre étude, enfin, nous proposons les résultats obtenus, les prolongements attendus et les
limites identifiées de ce travail.
1 – La figure du client : du client roi, au client R O I, vers le client « hub »
11. La figure du client roi
Si les marchés ont toujours été peuplés par les marchands et leurs clientèles (Braudel 1985), la
figure du client moderne est une invention très récente, qui trouve d’abord son origine du côté
de la grande entreprise capitaliste.
Aujourd’hui, la « figure du client » investit non seulement les marchés – où les visages des
consommateurs animent le jeu concurrentiel (Barrey et al. 2000 ; Dubuisson- Quellier 1999) –
mais aussi les administrations et les services publics – où la « satisfaction de la clientèle » se
substitue parfois aux « droits de l’usager » (Fijalkow 2002) mais encore les entreprises où
l’exercice du management « au nom du client » fonde la professionnalisation du marché
(Dondeyne 2002) comme la transformation des organisations (Benghozi 1998 ; Neuville 1999
; Lévy 2002).
Vers la fin du XIXe siècle, la croissance des entreprises et le développement de la production
de masse ont accru les problèmes de débouchés (Chandler 1988). Pour assurer l’écoulement
de biens produits en grande série sur un marché de plus en plus vaste, lointain et difficile à
cerner, les grandes entreprises ne pouvaient plus s’en remettre au seul jeu de l’offre et de la
demande dont les fluctuations devenaient intolérables pour les fondements d’organisations de
moins en moins flexibles. Pour pallier l’incompatibilité croissante entre rigidités industrielles
et incertitudes marchandes, les grandes entreprises se sont efforcées de mettre en place des
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stratégies et des dispositifs destinés à adapter l’offre à la demande autant que la demande à
l’offre, et donc à favoriser la prévisibilité et la stabilité du rapport marchand. Or l’ensemble de
ces stratégies et de ces dispositifs ont eu pour préalable et pour fondement l’invention d’une
nouvelle figure du client (Cochoy 2002).
Pour diversifier leurs productions et pour trouver de nouveaux créneaux, les entreprises eurent
l’idée de « segmenter » leur marché en fonction des caractéristiques sociographiques des
populations, c’est-à-dire d’inventer (au sens de découvrir) une pluralité de clients dans la
texture jadis homogène du marché (Cochoy 1999). À partir de là, pour séduire ces clientèles
diversifiées, pour les mettre en confiance et pour leur vendre davantage, les acteurs du
commerce instaurèrent la « satisfaction garantie » (les grands magasins affichèrent leur
intention de rembourser les clients mécontents), ils inventèrent le « client roi » (Katona 1960).
L’invention dans les années 1920 d’une « gestion scientifique des marchés » calquée sur le
taylorisme industriel, l’extension à partir des années 1930 des outils statistiques de sondage
permettant une représentation « technique » du consommateur puis, dans les années 1950, la
promotion du « marketing concept », qui proposait de subordonner la réalisation des profits à
la satisfaction préalable du consommateur (Cochoy 1999), tous ces éléments permirent de
promouvoir la figure du client comme principe de gestion.
12. Du client roi au client ROI (Return On Investement)
Depuis le début des années 90, sous l’influence conjointe des travaux de Porter (1985)
consacrant le concept de « Chaîne de Valeur » et des travaux de Kaplan et Norton (1996),
l’entreprise orientée « produit » qui résultait quasi inévitablement de cette vision taylorienne
de l’organisation fait place progressivement à une entreprise orientée « client ». Cette
nouvelle vision de l’organisation est marquée par la dominance des fonctions de distribution
et de relations avec la clientèle ainsi que par des structures de pouvoir et de contrôle souples
et s’adaptant rapidement à un environnement concurrentiel et commercial en évolution
perpétuelle et rapide. Elle se veut surtout fortement réactive aux évolutions de plus en plus
rapides des attentes et des besoins de clients devenus aujourd’hui « arlequins » (Dubois 1996),
acteurs essentiels d’un environnement économique en mutation constante au sein duquel ils se
parent de facettes sans cesse nouvelles. Il est ainsi aujourd’hui admis que les comportements
du personnel font partie intégrante de la « servuction » et participent largement au succès de
l’interaction entreprise-client (Parasuraman et al 1985 ; Hartline et Ferrell 1996). Cette
interaction est décisive dans la qualité du service et la pérennité de la relation client.
Dans cette perspective, la gestion de la relation client (GRC), appelée également CRM
(Customer Relationship Management) a connu un engouement certain dans toutes les grandes
entreprises depuis la fin des années 1990 (Des Garets et al. 2003).
Cette évolution progressive de l’entreprise orientée « produit » vers l’entreprise orientée
« client » s’est traduite, dans nombre d’entreprises, par une évolution de leur organisation, de
leur structure, de leur mode de décision et de leur processus de contrôle, la dimension « client
» étant à présent placée au cœur de la réflexion stratégique et des processus opérationnels de
ces entreprises (Aurier et al. 2004 ; Monroe 2003 ; Woodruff 1997).
S’appuyant sur ces réflexions, Saxe et Weitz (1982) ont étendu la mise en œuvre du concept
marketing au niveau dyadique client-vendeur et avancent qu’un vendeur hautement orienté
client évite les actions pouvant sacrifier l’intérêt du client au lieu de conclure une vente
immédiate forcée. Ainsi, le processus de la perspective orientée client construit la rétention du
client et son attachement à la consommation des produits de l’entreprise. Cette approche
connaît un réel essor et des travaux, notamment de Brown et al. (2002) ont approfondi
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l’orientation client chez le personnel en contact avec la clientèle dans les activités de services.
Par ailleurs, certains auteurs (Esslimani 2006 ; Matilla et Enz 2002) font entrer en ligne de
compte le facteur affectif (ou émotionnel) spécifique à la rencontre de service clientprestataire et la volonté éprouvée par le vendeur pour satisfaire le client.
13. Un client « Hub »
Dans des contextes d’abondance de l’offre, le client mène donc la danse depuis des siècles et
garde le pouvoir de dire « non ». Avec le marketing, l’entreprise a affiné le « grain » de sa
lecture du marché, et est maintenant capable de déchiffrer, parmi les très grands nombres, les
comportements les plus individualisés.
Paradoxalement, l’usage de plus en plus intensif de l’informatique dans la GRC a fait
redécouvrir l’importance de la relation humaine et a également repositionné l’acte de vente
avec le multicanal.
Le client est maintenant pris dans un faisceau de contacts, situés à tous les moments du
processus d’achat, initiés par des sources très hétérogènes dans leurs origines (entreprise,
réseaux sociaux, prescripteurs, média …) comme dans leur canal de communication (Internet,
téléphone, courrier…).
Sur le lieu de vente ou de prestation de service même, qui nous intéresse plus précisément
dans cette recherche, ce client est de la même façon confronté à des stimuli nombreux et
diversifiés, qui sont autant de points d’appui dans son évaluation du service offert (par
définition invisible et immatériel)., comme l’ont montré nombre de théories en marketing des
services (Langeard, Eiglier, 1996). Sa satisfaction se construit sur ce maillage complexe et
éphémère.
Des travaux sur la foule (Dion 2002), sur les files d’attente (Aubert-Gamet et Cova, 1999), les
évolutions des métiers de contact (Suquet 2009) pointent cette complexité et amènent les
entreprises et les organisations à mieux gérer, non plus le client seul dans une relation
bilatérale, mais bien un client « hub » d’interactions multiples et continues.
14. Un Client « déviant » voire « violent »
Aujourd’hui le vendeur ou le personnel au contact se trouvent confrontés à de nouveaux défis,
rendus plus difficiles par la pression des managers: on assiste en effet à l’apparition de
différents types de consommateurs qui adoptent des comportements de résistance multiples
(Hollet et Lavorata 2008).
Plus inquiétant, le client peut avoir des comportements « déviants » (Suquet 2009 ; Ughetto
2010). Ce n’est que récemment que quelques auteurs ont cherché à donner une image moins
simple du client (Harris et Reynolds 2003, 2004), allant à l’encontre de l’idéologie dominante
(Fullerton et Punj 1997). Récemment pourtant, un nombre croissant de travaux en
comportement du consommateur ont porté leur attention sur les « dysfunctional behavior »
(Harris et Reynolds 2003, 2004) ou encore les « jay customers » (Lovelock 1994), soulignant
la fréquence jusqu’ici ignorée de comportements problématiques pour les organisations de
service. Les sociologues de la déviance ont démontré qu’il faut au moins un acteur pour «
étiqueter » un comportement, et le reconnaître comme déviant (Becker 1985). Ainsi, une
organisation ne rencontrerait pas des comportements déjà déviants mais contribuerait de façon
paradoxale à leur constitution (Suquet 2009).
Les nouveaux comportements observés ouvrent des brèches dans ces orientations théoriques
et managériales. L’entreprise (ou l’organisation) apprend peu à peu, souvent à ses dépens, à
« piloter son client », le mettant au travail, l’éduquant, le « punissant » le cas échéant (cas des
chaines de cinéma UGC qui ont privé de cartes d’abonnement illimité des « mauvais clients
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»). Le constat est que le client peut avoir un comportement « déviant » et donc
potentiellement « destructeur de valeur », en détruisant la qualité de service (vandalisme sur
des sièges de métro), en pesant sur la consommation d’expérience de ses pairs (pop corn ou
discussion téléphonique dans une salle de cinéma), en distillant le soupçon ou la peur auprès
des autres clients (cas des forums Internet), en portant atteinte à l’intégrité du personnel au
contact (agression verbales ou physiques). Ils mettent aussi les entreprises face à leurs limites
de leur politique de qualité et de contrôle du client. Ces comportements de sabotage peuvent
être intentionnels, ou pas, leur impact est tout aussi néfaste.
Plus grave encore, la relation commerciale peut se transformer en violence (Livian 2006). La
violence au travail a fait l’objet récemment de nombreux travaux. Sous cette rubrique, on a
recensé les attaques physiques, les vols, les menaces ou les agressions morales dont peuvent
être victimes des individus au travail (Chappel, di Martino 1998). Plusieurs auteurs,
spécialistes de la gestion et sociologues, ont utilement élargi l’analyse de ces phénomènes en
les replaçant dans le cadre des méthodes actuelles de management des organisations (Aubert,
de Gaulejac 1991 ; Brunstein 1995 ; Courpasson 2000). Cette “violence au travail” n’est pas
cantonnée à l’intérieur des frontières de l’organisation mais elle peut apparaître aussi
malheureusement dans la relation client-vendeur. La violence, comme phénomène de société,
se traduit dans les organisations, plus particulièrement dans les services publics, par une réelle
augmentation, constante, des agressions externes et internes. Partout, on constate une violence
sociale des clients, qui sont de plus en plus exigeants, plus querelleurs, plus virulents et
surtout de moins en moins respectueux des règles en société (Livian 2006).
2 – L’étude terrain
21. La méthode des récits
A côté des méthodes qualitatives classiques (entretiens,..) s’est développé ces dernières
années une approche dite « expérientielle » (Holbrook et Hirschman 1982), issue des courants
postmodernes et des disciplines sociologiques.
Parmi les différents instruments d’étude de l’enquête expérentielle (observation participante,
observation par contextualisation,.. (Dion 2008), nous avons choisi le « récit de vie ».
Ainsi, en complément de l’entretien, le récit de vie raconte ce qui a été fait, recueille les
détails et les raisonnements empiriques de la vie quotidienne (Andréani et Conchon 2002 ;
Dion 2002 et 2008). Il est rédigé ou retransmis à l’aide d’un guide aide-mémoire. Les
participants auto-conduisent leur observation en filmant, en photographiant ou en enregistrant
leur comportement et en faisant un inventaire de ce qu’ils font. Le récit de vie est assumé par
les enquêtés eux-mêmes : récit direct, immédiat (au moment de la consommation) ou différé
(à partir de souvenirs sur ce qui s’est passé). L’observateur s’intègre totalement au cadre de
vie des observés et se mêle à leur existence quotidienne. Il regarde comment se déroulent
certaines activités ou certains évènements et recueille des faits réels constatés directement. Il
décide ou non de rentrer en contact avec les observés, de se joindre ou non à eux, de dévoiler
ou non sa mission, d’avoir des rapports personnels ou non avec les enquêtés... et il note sur un
journal d’enquête toutes ses observations. Ainsi en observation directe, les chargés d’étude ne
peuvent compter que sur leurs propres facultés pour mener l’observation : sur leur acuité et
leur mémoire (Dion, 2008). Il est cependant bien sûr nécessaire de prendre un certain nombre
de notes pendant l’observation.
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Les chercheurs avec l’aide d’étudiants ont choisis un lieu de consommation de service
(cinéma, métro, gare, magasin,..) et de narrer à la première personne leur expérience en tant
que consommateur de service, comment ils ont été (mémorisation) ou sont (sur le champ)
victime de la destruction de valeur de service qu'ils consommaient avec des verbatims.
A partir des 21 récits réalisés (présentés en annexe), nous proposons une répartition des
comportements déviants observés selon quatre catégories.
22. Client négligeant et faible degré de nuisance auprès des tiers
Dans cette situation, le client produit des nuisances sans réelle volonté et celles-ci restent
modestes, même si le client porteur de l’observation les identifient bien comme nuisibles et
les considèrent comme perturbatrices. Nous illustrons cette situation par le récit suivant :
Encadré n°1 : Enfant et maman à Décathlon
On est jeudi après midi le 2ème jour des soldes. Une femme et son fils de 4 ans se baladent
dans les rayons de Décathlon Madeleine à Paris. Le fils semble très agité et cours un peu
partout.
Je suis en train de ranger les chaussures, quand la dame me demande un conseil sur le
textile running. Elle voudrait se remettre au sport mais avec le froid ne sait pas trop quoi
porter. Elle semble très gentille, je garde quand même un œil sur son fils qui sautille d’une
jambe sur l’autre.
Je ne comprends pas trop sur le moment et me re-concentre sur la dame. Je lui propose
différents produits .Quand elle se retourne vers son fils et s’exclame « bah qu’est ce que tu
fais », et se retourne de nouveau vers moi et me dit « mon fils a pisser par terre », comme si
je pouvais faire quelque chose pour elle.
Les clients autour étaient choqués, et désolé pour moi. Ils se sont écartés du rayon, et pour
certain parti du magasin.
L’impact sur le long terme n’est pas vraiment mesurable, mais il est certain que sur le court
terme, il aura été de faire fuir les clients dans le rayon et donc de perdre des ventes
potentielles.
23. Client négligeant et fort degré de nuisance auprès des tiers
Dans ce cas non plus, nous n’identifions pas de réelle volonté de nuire mais les conséquences
de l’acte « déviant » sont ressenties plus violemment. Cet exemple montre aussi la difficulté
de l’appréciation du degré de perturbation, car il est finalement lié à chacun et très contingent.
Nous illustrons cette situation par le récit suivant :
Encadré n°2 : Musique dans le train
Jeudi dernier, 4 février 2010, comme tous les jours je me rends à la gare des Clayes sous
Bois, ma ville, pour prendre le train de 7h43 en direction de Paris Montparnasse afin de me
rendre à Négocia, mon école située dans le 17ème arrondissement de Paris, pour assister à
mon cours d’anglais.
Les yeux encore un peu collés, et après quelques minutes d’attente sur le quai, je rentre
dans le second wagon du train, déjà en prévision de perdre le moins de temps possible
lorsque je m’élancerai dans ma course vers le métro à Montparnasse…qu’est ce qu’on ne
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ferait pas pour dormir un quart d’heure de plus le matin ! Bref ; je m’installe sur un siège et
ouvre mon sac pour lire un ouvrage que j’ai emprunté à l’infothèque dans le but de trouver
la grosse demie heure de trajet moins longue.
Après quelques pages de lecture paisible, suite à la fermeture des portes à l’arrêt de Saint
Cyr, un jeune garçon venant d’entrer, ne s’est semble-t-il pas rendu compte qu’il n’était pas
seul dans le wagon ! En effet, c’est en balançant de la tête qu’il continue fièrement
d’écouter, à partir de son téléphone portable, le son à fond, le dernier titre de Kerry James
qui ressemble à tout, sauf à une musique appropriée pour un réveil en douceur ! Toutes les
personnes déjà présentes dans le wagon, et qui tentaient elles aussi de faire passer le temps,
en lisant, jouant à la console, pianotant sur leur clavier d’ordinateur ou celles qui s’étaient
assoupis témoignant d’une nuit difficile et de la fatigue accumulée depuis le début de
semaine se redressent, retirent leur oreillettes pour certains, et cherchent du regard vers
l’arrière du wagon, la provenance de ces basses et son émetteur. Une fois ce dernier
identifié, s’instaure un ensemble d’éléments de communication silencieuse, toute une batterie
de moues, de regards stupéfaits, de gestes d’incompréhension et de désapprobation échangés
entre les autres occupants du convoi. Une sorte de plainte silencieuse mais également une
recherche de soutien ou de confirmation de la part d’autrui, que ce comportement, pourtant
de plus en plus régulier, n’est absolument pas respectueux et ne peux être toléré.
Malheureusement, et comme dans la plupart des situations quotidienne de nuisance
voire même de violence, la majorité des gens préfèrent se taire et attendre que cela passe,
personne ne s’interpose. Peut être parce qu’on estime que c’est à chacun de connaître les
règles de vie en communauté, peut être parce qu’on pense que l’autre va intervenir pour soi,
ou encore parce qu’on pense que c’est à la SNCF de prendre en charge le problème.
En effet, les couloirs des gares sont parsemés d’affiches présentant les horaires réaménagés
des trains durant les jours de grève à venir, de statistiques qu’on a du mal à croire sur la
ponctualité des transiliens, mais jamais encore à ma connaissance, sur les comportements
citoyens à adopter dans les transports en commun pour veiller à la tranquillité de tous.
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24. Client déviant et faible degré de nuisance auprès des tiers
Ici, le client se met délibérément en situation de déviance par rapport au code de « bonne
conduite » dans un lieu public, mais l’impact reste faible sur le client spectateur. Nous
illustrons cette situation par le récit suivant :
Encadré n°3 : Vieilles chaussures à Décathlon
Décathlon Madeleine, 16 janvier 2009, les soldes ont commencé depuis 10 jours. Les rayons
sont pleins de monde, on est samedi après midi. Tous les vendeurs du rayon conseillent les
clients au niveau des chaussures et du textile running.
Je passe au milieu du rayon accessoire de course à pied et voit 2 pairs de chaussures enfants
par terre.
Il y a tellement de monde que je ne m’attarde pas. Durant la 1/2 h qui suit je vois et revoit les
pairs et me disant que les enfants devaient essayer et être dans le coin.
Au bout d’une heure, j’appelle les vigiles et leur demande de regarder dans le magasin s’il
n’y avait pas 2 enfants avec des paires de chaussures neuves.
Au bout de 10 min, on retrouve les enfants à la caisse avec leur mère. Les chaussures sont
payées, mais la mère n’a juste pas trouvé bon d’emporter les vieilles chaussures avec elle,
pensant que c’était notre devoir de faire le ménage et de les mettre à la poubelle.
Les clients n’ont pas vraiment remarqué cet incident, car c’était les soldes et il y avait donc
beaucoup de monde.
25. Client déviant et fort degré de nuisance auprès des tiers
Enfin, la situation la plus emblématique est celle de la volonté du client de transgresser la
relation « normale » à entretenir avec le personnel au contact, avec un impact fort ressenti sur
les personnes présentes.
Nous illustrons cette situation par le récit suivant :
Encadré n°4 : Scandale chez l’assureur
Lundi 1er février 2010. Il est 17h30.²Je suis assise dans la salle d’attente, remplie de monde,
de mon agence d’assurance MACIF à Châtillon.
C’est alors qu’une dame, âgée d’environ une quarantaine d’années et fort bien vêtue, entre,
et demande au conseiller responsable de l’accueil de parler au responsable du Point
d’Accueil. Son empressement est certain et elle ne semble pas vouloir donner la moindre
explication. Devant l’insistance et la détermination de cette femme, l’employé informe son
responsable, Mr. N. de sa requête.
Le responsable fait son apparition quelques minutes plus tard et demande des explications à
cette femme, dont nous découvrons l’identité : elle s’appelle Mme B.
Les autres sociétaires et moi-même assistons à l’intégralité de la scène.
Cette dame, qui apparaît au premier abord gentille et calme, explique les raisons de sa visite
: Elle a appelé Macitel (centrale d’appels) quelques jours auparavant, au sujet de plusieurs
dommages qu’elle a sur son véhicule et qui résultent d’incidents différents. Le conseiller
Macitel l’a informée, qu’en de telles circonstances, elle allait devoir payer une franchise par
sinistre. Mme B. a insisté et a demandé s’il n’était pas possible qu’elle puisse
exceptionnellement avoir une franchise globale. Elle refusait en effet d’accepter la règle, au
motif de son ancienneté (20 ans), de son nombre restreint d’accidents, et a insisté pour
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bénéficier d’un arrangement. C’est alors que le conseiller lui a dit de se rendre dans une
agence et de voir cela directement avec le responsable.
Ce dernier semble étonné d’entendre ce discours, lui répond qu’il est normal qu’elle ait une
franchise par sinistre et que le conseiller Macitel a fait une erreur en lui disant de se rendre
à une agence. Il ajoute également qu’il n’y a aucune raison qu’elle soit avantagée par
rapport à tous ceux qui déclarent leurs chocs au fur et à mesure de leur survenance.
Suite à cette réponse, la cliente devient très vite agressive et hausse fortement le ton.
Elle accuse la compagnie d’être une assurance qui revient cher et qu’il est inadmissible
qu’elle n’obtienne pas d’arrangement, surtout au vu de son ancienneté.
Le responsable lui répond, calmement, qu’il n’y a aucune raison de lui dire oui à elle et non
aux autres.
C’est à ce moment qu’elle se met à hurler dans toute l’agence. Elle accuse alors le
responsable d’être un menteur. Elle est certaine qu’il a des avantages en tant que salarié et
qu’il ne paie probablement pas de franchise et ajoute qu’il lui aurait certainement fait une
cadeau si elle avait souscrit plus de contrats.
Face à un tel comportement, le responsable la blâme de mettre en doute son honnêteté et
d’être agressive. Il maintient son refus, puis lui dit de reprendre ses papiers et de sortir.
Mme B. crie de plus belle. Elle le regarde avec un ton hautain en lui disant que c’est elle la
cliente. Enfin, elle ajoute en criant : « De toute manière, vous êtes seulement bons pour
prendre le pognon des gens », puis jette des papiers par terre, renverse violemment une
chaise, avant de claquer la porte du point d’accueil.
Plus aucun bruit dans l’agence.
Personne ne dit rien et le responsable retourne dans son bureau.
A noter que les gens ont très certainement eu peur de se prendre une chaise ou quelque
chose dans la tête. En effet, certains ont même fait des mouvements de recul de la tête. Il est
évident que le comportement et les gestes agressifs de Mme B. les ont mis mal à l’aise et
qu’ils auraient préféré ne pas avoir à assister à une telle situation, surtout après leur
journée de travail qui avait certainement du être déjà pénible. Certains ont par ailleurs
soupiré.
Puis, seules quelques personnes s’échangent des regards en faisant de gros yeux. Choquée
par ce comportement des plus irrespectueux, je leur demande si elles ne trouvent pas ça
inadmissible. Elles se contentent de lever les yeux au ciel et de me répondre ; « Que voulezvous donc qu’on en dise ? ». Leur réaction et leur manque de réactivité m’étonnent
beaucoup.
Fascinée devant l’attitude du responsable qui avait su garder tout son calme, je décide de
frapper à son bureau pour recueillir ses impressions.
Il a l’air attristé. Il me dit que ce genre d’évènements est courant et qu’il est très stressant et
dur d’avoir à les gérer, surtout qu’il a l’obligation, dans le cadre de son travail, de rester
calme et courtois. Il rajoute qu’il a été extrêmement humiliant, frustrant, fatiguant et
blessant pour lui de se faire crier dessus et traiter de menteur. Il m’avoue même se
demander, en partant travailler le matin, à quelle genre d’agression il devra faire face dans
la journée. En ce qui concerne Mme B., je lui demande ce qu’il compte faire.
Il me dit écrire une note dans le dossier de cette dame, indiquant qu’elle s’était montrée
agressive et qu’elle voulait faire une fausse déclaration. Il a précisé qu’il ne faudrait pas la
croire si elle déclarait prochainement que tous les dommages résultaient bien d’un seul et
même « évènement ».
En conclusion, il semble donc logique de dire que ce genre d’incidents n’est pas bon pour
l’appréciation du service de la compagnie, que ce soit du point de vue de Mme B., qui va
peut-être vouloir résilier ses contrats, ou celui des sociétaires dans la salle d’attente qui
l’ont vu dégrader l’image de leur assureur.
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Cela a néanmoins montré aux sociétaires présents qu’aucune dérogation n’était acceptée :
les règles sont les mêmes pour tous.
En ce qui concerne la fidélisation des sociétaires, elle ne semble pas avoir été bien écorchée
: ce n’est pas parce que l’on assiste à ce genre de scène que l’on change d’assureur ! Or, le
bouche à oreille peut, lui, faire plus de dégâts quant à l’image de l’entreprise.
A noter que, personnellement, je trouve déjà qu’il n’est pas particulièrement « agréable » de
me rendre chez mon assureur : cela nécessite du temps, et j’aimerais pouvoir faire d’autres
choses plus plaisantes à la place. Alors quand, de surcroît, j’assiste à une scène d’agressivité
comme cela, le moment en est d’autant plus désagréable, surtout que cela me met mal à
l’aise.
De plus, un tel incident ne me donne qu’une seule envie : rentrer chez moi, pour être -enfinau calme, en paix, et loin de tous ces gens énervés.
A noter aussi le remarquable comportement du responsable qui, malgré le fait qu’il se faisait
agresser verbalement, a su prendre sur lui, et gérer la situation et ses émotions avec un
calme impressionnant.
Ces quatre situations sont réparties dans le cadrant suivant, selon deux axes : l’intensité de la
nuisance produite, et la notion de projet de le faire.
+
2 – Musique
dans le train
4 – Scandale
chez l’assureur
1 – Enfant
et maman à
Décathlon
3 – Vieilles
chaussures
Degré de
nuisance /
tiers
_
_
Projet de
nuisance/déviance
+
Figure n°1 : catégorisation de situations de comportements déviants de clients
Session 2 - 31
On peut donc retenir de cette étude menée sur le terrain la présence de façon non anodine de
comportements perçus comme déviants par des clients présents. Cette déviance est multifacettes, avec une palette infinie de ces manifestations, et son impact est très difficile à
évaluer car profondément subjectif.
L’origine de ce phénomène, qui est maintenant en quelques années sorti de la marginalité, est
celle de la prise de pouvoir du consommateur. Erigé en client roi, il a été la cible de toutes les
promesses, les plus démesurées, le « tout, tout de suite » a longtemps été l’adage qu’on lui a
susurré sur tous les tons, et il ne supporte plus l’attente, la sous qualité, le manque de
considération.
Les entreprises et organisations productrices de service se doivent de prendre en compte ce
phénomène, pour éviter de voir leur performance commerciale s’éroder, malgré les très gros
moyens mobilisés pour satisfaire la demande de la clientèle.
C’est dans la troisième et dernière partie que nous allons proposer quelques pistes
managériales pour mieux affronter et gérer cette montée en puissance de la déviance.
3 – Vers une gestion de la relation avec le client déviant
31. Faire face au client déviant
L’objectif pour l’entreprise ou l’organisation non marchande qui a à affronter ce type de
comportements est de pouvoir les gérer afin de réduire l’impact de la déviance, selon deux
voies d’entrée : réduire l’acte en lui-même en termes d’intensité et de durée, minimiser
l’impact sur les autres clients. Il faut ensuite gérer l’ « après » afin d’éviter le phénomène de
défection, dégât collatéral hautement envisageable.
Il ne faut pas non plus oublier les effets sur le personnel au contact : peur, angoisse,
découragement, qui peuvent amener à un turn-over et à un absentéisme difficiles à maitriser,
et pesant sur la performance de l’organisation de façon directe (baisse de CA) ou indirecte
(baisse de réputation).
Le principe est de pouvoir construire des situations types de comportements déviants et
d’imaginer le scénario optimal de gestion de la relation. Comme dans d’autres métiers où
l’imprévisible est au rendez-vous (les métiers de l’urgence par exemple), le script est l’outil
indispensable, sachant qu’il ne peut se substituer à la formation du personnel. Or, il faut bien
admettre que ces métiers du contact sont très souvent des métiers considérés comme à très
faible valeur ajoutée, mal payés, sans formation poussée, avec des recrutements standardisés.
Les entreprises se sont installées dans un cercle vicieux : obsédées par l’informatisation de la
relation client, et la réduction des coûts attendue, elles ont négligé la présence humaine et les
métiers associés, laissant s’installer une relation souvent dégradée qui les pénalisent sur la
durée.
Nos propositions s’inscrivent dans cette exigence d’un projet pour ces métiers et d’une plus
grande considération pour les personnes les occupants, qui passe par une formation solide et
une vraie possibilité d’évolution.
Nous distinguons des cas de gestion différents et adaptés.
Session 2 - 32
32. Client négligeant et faible degré de nuisance auprès des tiers : alerter, signaliser
La situation n°1 représentant un client négligeant et à faible degré de nuisance auprès des
tiers demande une simple action d’alerte et de signalisation. Cette situation semble plus
facilement solutionable pour l’organisation et le personnel au contact car le client n’a pas
l’intention de nuire et son action à un faible effet sur le fonctionnement du point de vente.
L’objectif est d’éviter l’effet « répétition » qui dégrade durablement même si chaque impact,
pris séparément est faible. Une piste à envisager est d’informer les clients sur les règles et
interdits sur le point de vente. La signalétique est alors mobilisée, avec des pictogrammes
connus et facilement interprétables. Le personnel doit savoir aussi dire les choses pour
prévenir une dégradation du comportement.
Une difficulté est que, dans ce type de situation, le comportement déviant relève souvent de la
simple éducation, et interfère donc avec l’histoire et l’intimité de la personne, qui ne voit pas
pourquoi elle se censurerait.
Il faut donc apprendre à faire passer des messages de façon ferme, montrant qu’aucune
tolérance ne sera possible.
La dimension culturelle n’est pas neutre, pour qui voyage, il est facilement observable que
dans certains pays, la gestion de l’espace commun est plus évidente que dans d’autre. On
retrouve ici la dimension individualisme/collectivisme, mise en évidence par Hofstede (1994).
Figure n°2 : exemples de pictogrammes d’interdiction pour limiter les comportements posant problème
33. Client négligeant et fort degré de nuisance auprès des tiers et Client déviant et
faible degré de nuisance auprès des tiers : comprendre, dialoguer, éduquer
Concernant les situations 2 et 3, client négligeant et fort degré de nuisance auprès des tiers et
client déviant et faible degré de nuisance auprès des tiers, l’organisation et le personnel au
contact devront mettre en place un dialogue avec les clients afin de comprendre les raisons de
ces incidents.
Le « travail d’organisation » (Terssac 2003), c’est-à-dire la gestion quotidienne du décalage
entre organisation prescrite et contraintes concrètes de l’activité, suppose des arbitrages
répétés entre les acteurs, la coordination de leurs intelligences afin de produire des accords
locaux et révisables permettant pour un temps de faire le travail (Detchessahar 2003, 2009).
Lever les contradictions perçues par les vendeurs qui, se trouvant au carrefour des différents
textes et injonctions produits par l’organisation, y sont particulièrement confrontés
(Detchessahar et Journé 2007) suppose l’existence d’espaces au sein desquels ces
contradictions s’expriment, se discutent et se dépassent. Dans cette logique, les directions
d’entreprise doivent institutionnaliser le principe de discussion et structurent des espaces pour
organiser les processus discursifs que ce soit au sein de l’entreprise mais aussi entre vendeurs
et clients. Ces dynamiques communicationnelles sont susceptibles d’alimenter un cercle
vertueux de mise en visibilité du travail, d’explicitation des contraintes et de fabrique de
compromis d’action collective (Detchessahar 2003, 2009).
Session 2 - 33
Ainsi une démarche que l'on peut appliquer à un conflit ou un hyper conflit dans les équipes
commerciales est le cercle de rétablissement (« Workplace Conferencing ») (Bobot 2010).
Ce dernier est un processus dans lequel on regroupe les personnes les plus affectées ou
concernées par des incidents, ou par des comportements intervenus dans leur milieu ou
groupe de travail qui ont entraîné des préjudices importants, afin de les amener à constater
l'impact affectif subi, de déterminer une façon de réparer les torts causés et de convenir
collectivement des moyens à prendre pour éviter la récurrence des incidents ou des
comportements (Moore 2000).
Ce mode de résolution de conflit tire son origine des « family groups » pratiqués par le peuple
indigène Maori de la Nouvelle-Zélande pour réintégrer dans la communauté des gens aux
comportements déviants, ce qui contribue au maintien de leur communauté. Dans les années
1980, cette approche a été expérimentée avec succès dans les écoles de ce pays (« School
Community Forum »), afin d'éviter l'exclusion et la suspension d'élèves, ainsi que dans les
cours juvéniles. Des chercheurs australiens, Moore et Mc Donald du Transformative Justice
Australia ont adapté ce principe de cercle communautaire pour résoudre des conflits en milieu
de travail. Aux États-Unis et au Canada, des praticiens ont été formés par les Australiens, et
ils proposent ces cercles de rétablissement comme complément aux approches existantes de
règlement de conflits.
Contrairement à la médiation, cette approche innovatrice a pour but la réconciliation des
membres d'un groupe et elle permet aux participants d'exprimer leurs sentiments dans le but
de transformer leur émotivité négative en une émotivité positive. Cette prise de conscience
collective des impacts émotifs entraîne un désir commun de rétablissement et la
responsabilisation des parties. Elle est aussi une bonne occasion de revoir la culture du milieu.
Parmi les avantages du cercle de rétablissement, on remarque une amélioration des relations
interpersonnelles, une croissance des sentiments de solidarité et d'entraide, et une forte
adhésion des participants au plan d'action, car ces derniers ont l'impression que justice a été
rendue (Moore 2002).
Le cercle de rétablissement comprend trois étapes : la phase préparatoire, la tenue du cercle et
le suivi (Descary et Morissette 2007).
Un tiers neutre anime le cercle et qui assigne les places aux participants selon leur rôle et leur
degré d'émotivité (Moore 2001). L'animateur enregistre alors les décisions prises par le
groupe et rédige le protocole d'entente sur place. Cette entente comprend un plan d'action et
des échéances. Elle prévoit également des suivis et identifie les personnes qui en seront
responsables. Tous les participants signent l'entente (Moore 2002).
34. Client déviant et fort degré de nuisance auprès des tiers : écarter, désabonner,
isoler
Face aux clients déviants avec fort degré de nuisance auprès des tiers, l’entreprise doit
envisager de punir le cas échéant. Punir peut signifier l’expulsion, avec éventuellement
interdiction de revenir.
Ainsi les chaines de cinéma UGC ont privé de cartes d’abonnement illimité des « mauvais
clients », qui avaient un comportement ingérable dans les salles de cinéma.
On peut aussi en arriver au recours aux forces de l’ordre, avec ce que cela peut signifier
ensuite pour les clients présents, c’est une pratique à laquelle les compagnies aériennes ont de
plus en plus fréquemment recours, et qui restent de l’appréciation et de la responsabilité du
personnel naviguant, ce qui implique un bon niveau d’appréciation de la situation.
Sinon, l’entreprise peut envisager d’isoler le client déviant, en le faisant changer de place dans
un transport en commun par exemple. On comprend facilement que toutes ces solutions sont
très exigeantes pour le personnel au contact, et relèvent des mêmes compétences que les
Session 2 - 34
situations d’urgence : non seulement savoir et savoir faire, mais surtout de bonnes capacités
d’anticipation, d’improvisation, d’adaptation, qui sont rarement identifiées dans les
recrutements, et guère compatibles avec la gestion par les scripts qu’on retrouve souvent dans
les entreprises de service, qui ont littéralement « packagé » dans le marketing mix leurs
vendeurs et personnels au contact (Barth et Antéblian, 2007), au nom d’une image homogène
de l’entreprise ;
On imagine le long chemin encore à parcourir pour arriver à une gestion RH compatible avec
les nouvelles exigences de cette relation client.
Cette étude exploratoire a permis de poser les premiers jalons d’une prise de recul sur la
gestion de la relation client dans les entreprises et les organisations. Elle présente de
nombreuses limites même s’il nous semble que les 21 cas retenus saturaient des situations
beaucoup plus nombreuses mais présentant les mêmes caractéristiques comme notre
catégorisation a pu le cartographier.
Il faut maintenant mieux identifier les risques potentiels de coûts cachés pour les entreprises
d’une insuffisance prise en compte de cette question, réfléchir à une gestion adaptée de ces
métiers, et travailler à une scénarisation créative pour optimiser cette relation client si
stratégique pour les entreprises de service.
Conclusion
D’un côté, la mobilisation croissante, par les organisations, d’outils de remontée
d’information témoigne d’une réflexivité étonnante, d’une ouverture des organisations à la
critique ou à l’autocritique (Boltanski et Chiappello 1999). L’orientation client est dans une
large mesure un signe de maturité des acteurs sociaux, qui passent par le regard de l’autre
pour se regarder eux-mêmes. Mais d’un autre côté, ce mouvement semble inachevé, dévié,
bloqué : de même que les professionnels de la distribution n’écoutent pas vraiment ces
consommateurs dont ils recueillent et traitent pourtant les doléances (Barrey et al. 2000), les
acteurs de la RATP ne sont pas forcément réceptifs aux dispositifs de figuration des clients
qu’ils mettent en œuvre (Lévy 2002). De tels mystères ne s’éclairent qu’au terme d’une
analyse organisationnelle fine, qui montre d’une part que les professionnels au contact du
marché ne disposent pas forcément de tous les moyens et de tous les appuis nécessaires pour
« servir » au mieux leurs clients (en externe) et faire « valoir » ces mêmes clients plus en
amont de l’organisation (en interne), et d’autre part que « le “plus d’usager” rhétorique se
traduit par une plus grande rationalisation des processus de production, voire par un
renforcement des outils de gestion existants, créant ainsi une sorte de fossé entre les deux »
(Lévy 2002). On retrouve ici un paradoxe aussi important qu’étonnant : l’ouverture de la
gestion au client, loin de diluer l’organisation dans l’espace du marché comme on le croit trop
souvent, contribue au contraire à distinguer les deux espaces, à accuser leurs spécificités,
voire à compromettre leurs chances de dialogue (Cochoy et Neuville 2000).
L’évolution du comportement client amène un trouble croissant qui s’empare des sociologues
face à ces acteurs « récalcitrants » (Latour 1997) qui se laissent de moins en moins enfermer
dans les théories et les catégories que l’on a forgées pour eux et qui, plongés dans plusieurs
mondes (Boltanski et Thévenot 1991), confrontés à une pluralité de situations (Lahire 1998),
tiraillés entre plusieurs logiques d’action (Dubet 1994), nous amènent à nous déprendre des
approches centrées sur les catégorisations et les variables a priori (Lahire 1998) pour au
contraire accepter leur propre manière de décrire le monde et de s’y situer (Callon 1998).
Session 2 - 35
L’organisation fait alors face à un enjeu par rapport à ces clients « déviants » : comprendre
(pourquoi et comment cela lui arrive) et traiter (circonvenir le risque, le réduire, en empêchant
les comportements problématiques, en les reportant ailleurs, en réduisant leur fréquence, ou
en leur attribuant une probabilité permettant de construire des réponses) (Ughetto 2010).
Le marketing a longtemps cherché à créer de la valeur en s’attachant à satisfaire les besoins et
désirs du consommateur, qu’il identifiait et anticipait. Ensuite, l’idée d’une co-construction de
la valeur s’est développée pendant une vingtaine d’années, sous l’impulsion des théories de la
Gestion de la Relation Client et des stratégies d’entreprises cherchant à mettre leur client de
plus en plus au travail.
Les nouveaux comportements de prise de pouvoir du consommateur (consumer
empowerment) obligent l’entreprise à penser différemment son rapport à ses clients. Elle est
amenée à renouveler sa lecture de la relation client, ce qui implique d’ouvrir ses personnels en
contact à un nouveau champ des possibles en termes de réponses à des situations toujours plus
inédites et inattendues.
Le constat est qu’il est de plus en plus difficile de postuler d’une interaction win win entre
l’entreprise et son client. La valeur recherchée dans l’interaction dépend de plus en plus d’une
capacité d’anticipation et de décryptage, d’improvisation, encore peu prises en compte dans
les recrutements et les formations des personnels en contact. La relation client en présentiel
(en « face face ») n’est décidemment pas, et encore pour un moment, un long fleuve
tranquille.
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Session 2 - 39
Annexe n°1
Tableau des 21 cas
Cas
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
Thème
Enfant et maman à Décathlon
Vieilles chaussures à Décathlon
Echange et remboursement d’une paire de chaussure
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