Résumés des interventions DAVID BOUVIER : L`ironie de Socrate et

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Résumés des interventions DAVID BOUVIER : L`ironie de Socrate et
Résumés des interventions
DAVID BOUVIER : L'ironie de Socrate et le rire de la comédie
Entre 423 et 421, les poètes comiques entament le procès pour rire de Socrate. Dans sa comédie des Nuées,
Aristophane imagine un Socrate suffoquant dans l'incendie criminel du Pensoir. En 399, le philosophe est condamné
à mort par les Athéniens. Entre la mise à mort fictive de Socrate dans les Nuées et sa mise à mort réelle dans la cité,
Platon a perçu un lien direct. Dans l'Apologie, il dénonce la responsabilité d'Aristophane : le rire comique a conduit à
la mise à mort de Socrate. Le thème va inspirer les philosophes stoïciens qui reviennent sur l'épisode et décrivent
l'attitude de Socrate qui fut spectateur de la comédie qui le ridiculisait et le faisait mourir pour rire. La philosophie
stoïcienne construit ainsi un Socrate, sage et serein, indifférent à la moquerie : au-dessus du débat lancé par
Aristophane. Mais ce Socrate des Stoïciens n'est pas celui de Platon.
Si le rire est l'arme de la comédie, l'ironie est celle de Socrate qui ne manque pas de tourner ses adversaires en
ridicule. Comment Socrate rit-il de lui et des autres dans les dialogues de Platon?
Plusieurs textes relatifs à ces questions seront soumis au débat.
AURELIE MATTHEY : Le poète avec ou contre le philosophe ?
Dans les Grenouilles d’Aristophane, au terme de la joute qui oppose, chez les morts, Eschyle et Euripide, le chœur
introduit abruptement le troisième terme d’un conflit nouveau (v. 1492) : Socrate, une figure qui, dans les jeux
d’opposition construits par le texte, se superpose et éclipse en même temps le personnage d’Euripide. La rivalité n’est
plus seulement celle des poètes : avec l’apparition de Socrate, elle devient celle du théâtre et de la philosophie. La
présence de Socrate derrière le masque d’Euripide aura, comme chacun le sait, une large postérité et trouve ses
premiers échos dans les récits plus ou moins légendaires qui encerclent la figure socratique (D. L. II, 5, 18 ; 22 ; 44).
Ces récits seront, bien des siècles plus tard, encore le signe pour Nietzsche de la parenté idéologique et intellectuelle
qui relie Euripide et Socrate, le tragédien et le philosophe. Il sera dès lors fructueux de repenser la relation de Platon
et de son personnage – Socrate – avec le théâtre, en l’insérant dans les termes d’un conflit ou d'une alliance qui à la
fois précède et prolonge l’écriture des dialogues.
PIERRE SANCHEZ : Du guide éclairé de la démocratie athénienne au modèle à suivre pour l’empereur: la
construction de la figure de Périclès dans la littérature antique, de Thucydide à Plutarque.
Plus l’on s’éloigne dans le temps du personnage historique de Périclès et plus les informations que l’on trouve sur
son compte dans l’historiographie antique sont riches et variées. D’où viennent les détails que l’on trouve chez
Diodore et le Pseudo-Aristote, héritiers de l’historiographie attique du IVe siècle, ou chez le moraliste Plutarque,
mais qu’on ne trouve pas chez Thucydide, ni chez les poètes comiques contemporains de Périclès ? Quelle image ces
informations donnent-t-elles de Périclès et de la démocratie athénienne ; quelle fonction ces épisodes remplissent-ils
dans l’économie interne des œuvres où ils apparaissent ? Quel crédit leur accorder ? Peut-on cerner le « vrai »
Périclès ?
ALAIN CORBELLARI: Aristote, Merlin, Abélard et les autres: les malheurs du sage au Moyen Âge
Au Moyen Âge, la littérature cléricale en latin et en langues vernaculaires foisonne de figures de savants (plus
ou moins) antiques dont on hésite pas à se moquer: Aristote, Hippocrate, Virgile, mais aussi des personnages
légendaires comme Nectanébus ou Merlin, et même des "contemporains" comme Abélard sont les héros de récits
plus ou moins irrévérencieux et à coup sûr parfaitement exemplaires, à la fois de l'admiration et de la méfiance dont
le SAVOIR ("sagesse" aussi bien que "science" en ancien français) est entouré au Moyen Âge. Passage obligé entre
l'Antiquité et notre modernité, cette période se révèle ainsi capitale dans la construction (avec toutes les nuances dont
elle peut se revêtir) de la figure du "savant fou" qui n'a pas cessé de nous hanter.
FILIP KARFIK : Socrate à Careggi
Dans son commentaire sur le Banquet de Platon qui accompagne sa traduction latine de ce dialogue, Marsile Ficin
recrée le banquet platonicien. Ce sont ses contemporains, ses amis du cercle médicéen, qui se réunissent le 7
novembre 1468 à Careggi près de Florence pour fêter, par une série d’éloges de l’amour, l’anniversaire de la
naissance et de la mort de Platon. Leurs discours reprennent les thèmes des sept discours du dialogue de Platon.
Parmi les orateurs de Careggi, c’est Tomaso Benci qui assume le rôle de Socrate. Que devient Socrate représenté par
Benci ? Que deviennent les autres orateurs ? Que devient la sagesse de Diotime ?
HANS-GEORG VON ARBURG : La leçon de Diotime ou la résurrection de la Grèce chez Hölderlin
Qui était Diotime? On ne sait presque rien d’elle. Les dictionnaires de l’antiquité nous rapportent seulement que cette
prêtresse de Mantinée apprend à Socrate « des choses concernant l’amour » (éros) et l’amène à la theoría, à la vision
des idées. Champ ouvert donc pour toutes sortes de projets et de projections au croisement des histoires de la
philosophie et des utopies de l’amour. Philosophe amateur qu’il fut, l’éminent poète et penseur allemand Friedrich
Hölderlin s’y lança. Comme beaucoup de ses contemporains autour de 1800, Hölderlin déplora le déclin de la Grèce
moderne sous le joug du règne turque et rêva de la résurrection de la Grèce antique à travers l’insurrection du peuple
grec de son temps. Indubitablement, cette « traversée » exigea un médium, et c’est ce médium précis que Hölderlin
crut avoir trouvé dans la personne de Diotime. Mystérieuse et susceptible de toutes interprétations, Diotime est
modelée dans le roman Hyperion, oder der Eremit in Griechenland (1797/99) selon ces besoins. Mais tout en
s’inscrivant dans cette vision collective, le nom de Diotime eut encore des résonnances intimes pour Hölderlin : en
protégeant son amour fou pour Susette Gontard, épouse de son riche employeur à Francfort, d’un pseudonyme
littéraire. A relire donc la double leçon de Diotime dans ses perspectives politiques et sentimentales.
PIERRE BÜHLER : La figure de Socrate chez Kierkegaard et chez Dürrenmatt
Friedrich Dürrenmatt a dit de lui-même : « En tant qu’écrivain, je ne suis pas à comprendre sans Kierkegaard. » Un
des nombreux points sur lesquels cette parenté entre le philosophe danois et l’écrivain bernois se concrétise, est leur
rapport à Socrate. L’exposé s’attachera donc à explorer ce triangle Dürrenmatt – Kierkegaard – Socrate. Socrate
apparaît en différents endroits de l’œuvre de Dürrenmatt, en particulier dans le projet, demeuré inachevé, d’une pièce
de théâtre consacrée à la mort de Socrate (sous forme de narration dans : Turmbau, Werkausgabe in 37 Bänden,
Zurich, Diogenes, tome 29, pp. 144–156 ; (mauvaise) traduction française dans : L’édification, Lausanne, L’Âge
d’Homme, 1999, pp. 106–114). Nous tenterons d’observer dans quelle mesure la reprise dürrenmattienne de Socrate
est redevable de la relecture de Socrate qu’opère Kierkegaard, qui fait du philosophe grec son principal allié dans la
lutte contre les systèmes philosophiques et en faveur d’une philosophie de l’existence (cf. déjà sa thèse de doctorat de
1841 : Le concept d’ironie constamment rapporté à Socrate, Œuvres complètes, tome 2, Paris, Orante, 1975, pp. 1–
297).