alicaments quand la minceur épouse le cholestérol

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alicaments quand la minceur épouse le cholestérol
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Dossier
ALICAMENTS
QUAND LA
MINCEUR ÉPOUSE
LE CHOLESTÉROL
L’explosion des produits minceur
a fait réfléchir : l’émergence des
« alicaments » antihyperchoslétérolémiants se confirme.
Commentaires courroucés du
ministère de la Santé et de
l’Afssaps qui dénoncent une
« instrumentalisation de la
santé ». Une certitude :
l’allégation thérapeutique
entretient une confusion
diagnostique dont les assurances
complémentaires tirent
aujourd’hui profit pour
contractualiser directement avec
les consommateurs « patients ».
Après la MAAF, les AGF
envisagent à leur tour un
partenariat avec un géant
de l’agro-alimentaire. Tour
d’horizon des produits, des
chiffres et de l’évolution des
ventes.
——————
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algré des chiffres moins élevés que
chez ses proches voisins, la France
enregistre une progression spectaculaire des ventes de compléments alimentaires chaque année. Une progression qui pourrait exploser avec le
décret devant paraître ces jours-ci
pour réglementer ces produits (voir encadré). En 2005, les
compléments alimentaires représentent 552 millions d’euros de chiffre d’affaires pour 38 millions d’unités vendues en
pharmacie et parapharmacie (+11 % en valeur, +10 % en volume par rapport à 2004). Un secteur profitable pour les
officines qui concentrent 87 % des ventes1 (progression de
9,9 %), et récupèrent ainsi les marges perdues sur le développement des génériques, non compensées par le faible
apport de l’automédication, et le déremboursement de médicaments. De plus, François Thévenin, directeur d’IMS
Consumer Health, remarque l’implication croissante des laboratoires pharmaceutiques dans la production de compléments alimentaires. « C’est le cas de Merck. Ses forces
de vente vont naturellement vers les officines pour les démarcher sur leurs médicaments et en profitent pour présenter leurs compléments alimentaires. » Il reconnait cependant que « la croissance s’est un peu ralentie cette
année, en particulier sur le segment de la ménopause qui
chute de 16 %, soit 10 millions d’euros de perte ». La minceur
et les toniques continuent à bien se porter et de très fortes
hausses sont à noter pour les compléments « dont l’importance est moindre en volume comme l’ophtalmologie
(+33 %), les reminéralisants osseux (+69 %), les défenses immunitaires (+38 %) ». Pour François Thévenin, il s’agit d’un
« changement de la consommation, introduite par la recherche du bien-être et qui se développe maintenant sur
des segments orientés santé ».
Jacques Karlsson, secrétaire général de Synadiet (Syndicat national des fabricants de produits diététiques, naturels
et compléments alimentaires) complète en indiquant le
chiffre d’affaires total : « au moins 850 millions d’euros, dont
55 % sont imputables aux officines, le reste se répartissant
entre les grandes et moyennes surfaces, ventes par correspondance, ventes directes et surtout ventes via Internet ».
Il insiste sur le fait que le marché français est en retard par
rapport aux autres états européens : « on a beaucoup pro-
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Le partenariat
MAAF/Unilever
autour de la
gamme Fruit d’Or
pro-activ, censée
aider à lutter
contre le
cholestérol, est
vivement
critiquée par les
associations de
consommateurs.
gressé mais on devrait déjà dépasser les 2 milliards d’euros
santé dont la population des pays développés comme la
de ventes. Cela s’explique par notre retard réglementaire déFrance n’a guère besoin. Et si carences il reste, elles peufavorable aux fabricants français sur le marché national et
vent être comblées par une alimentation équilibrée et vaeuropéen et par le manque de références scientifiques fariée, incluant notamment fruits et légumes.
vorables ». Une certitude : l’explosion des compléments
D’où le Programme National Nutrition-Santé (PNNS) lancé
minceur qui représentent un tiers du chiffre d’affaires des
en 2001 par le gouvernement pour inciter les Français à faire
compléments alimentaires, loin devant les toniques (16 %)
attention à leur alimentation. Parmi ses objectifs, la
et les compléments indiqués pour la ménopause (10 %).
consommation accrue de fruits et légumes est en bonne
Le marché de la minceur n’est d’ailleurs pas la chasse garplace, tout comme le sport, la réduction du cholestérol, la
dée des compléments alimentaires. Les
lutte conte l’obésité. Là où le bât blesse,
groupes agro-industriels ont bien compris
Des aide-minceur c’est que le PNNS disposait d’à peine 6 milque la santé faisait vendre.
lions d’euros en 2003, tous supports
trop souvent
confondus, pour promouvoir les fruits et lésurvendeurs
Des carences inexistantes. Margarines,
gumes, face à des industriels qui ont déyaourts, laits, céréales, œufs, thés… sont prépensé 1,3 milliards pour la seule publicité
sentés comme un « plus » pour lutter contre le cholestérol,
télévisée 2. Aujourd’hui, les rayons recèlent d’aliments santé
présentés comme indispensables à la croissance, au bienl’ostéoporose, les agressions bactériennes journalières…
être, au transit intestinal… Sans oublier les aide-minceur
et entrent facilement dans l’alimentation quotidienne. Plus
trop souvent survendeurs. Passons aux têtes de gondoles acchers que leurs cousins sans allégation santé, ceux qu’on aptuelles : le fameux yaourt Danacol de Danone et toute la
pelle désormais les « alicaments » font fureur dans le pagamme de Fruit d’Or pro-activ développée par Unilever, nunier du consommateur. Au grand dam des associations de
méro un mondial de l’industrie agroalimentaire. Des proconsommateurs qui s’inquiètent de ces habitudes proches
duits qui font d’autant plus parler d’eux qu’ils développent
de l’acte thérapeutique. Les professionnels de santé affirun nouveau marketing, via des partenariats avec des com- ment d’ailleurs que ces produits affichent une allégation
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plémentaires santé. Quoi de mieux pour
appuyer une allégation santé ? Un marketing annoncé en grande pompe en novembre dernier autour des produits proactiv, enrichis en stérols végétaux. C’est
ce que MAAF Assurances et Fruit d’Or
pro-activ nomment « un partenariat précurseur dans la lutte contre l’hypercholestérolémie » à travers le lancement de
l’opération « Pur Bonus Santé ». Ainsi, sur
présentation des preuves d’achats, la
MAAF rembourse jusqu’à 40 euros ses
adhérents consommant la gamme Fruit
d’Or pro-activ. La levée de boucliers ne
s’est pas fait attendre. Le ministre de la
Santé et des Solidarités, Xavier Bertrand,
rappelle que « la santé ne doit pas être
instrumentalisée ». Et les associations de
consommateurs tirent à boulet rouge.
L’UFC-Que Choisir s’élève contre ce « pas
supplémentaire dans l’instrumentalisation scandaleuse de la santé à des fins purement marketing ». L’association souligne le danger de
« faire passer pro-activ pour un médicament miracle » et demande « le retrait pur et simple de ce projet et de toute exploitation publicitaire qui pourrait en être faite ». Olivier Andrault, chargé de mission agriculture et alimentation
souligne que la MAAF et Unilever « ont le beurre et l’argent
du beurre : ils mettent en avant un produit qui se fait passer pour un médicament sans avoir à subir toutes les vérifications pour son autorisation de mise sur le marché et ils
bénéficient de surcroît de la publicité, interdite pour les médicaments ».
L’association CLCV (Consommation, logement, cadre de
vie) est tout aussi catégorique : « les allégations santé autour
de ces produits sont de nature à induire des comportements
alimentaires préjudiciables aux consommateurs ». Un argument fort que vient de reprendre l’UFC-Que Choisir pour
assigner la MAAF en justice. Sa décision, annoncée le 24
mars dernier, s’appuie sur trois « omissions » dans lesdites
Un décret pour faire la différence entre maigrir et mincir
« Alors que la France avait la plus forte
absence de réglementation en terme de
compléments alimentaires, elle devient l’un
des pays les mieux dotés », se réjouit
Jacques Karlsson, secrétaire général de
Synadiet (Syndicat national des fabricants
de produits diététiques, naturels et
compléments alimentaires). Le décret
signé le 9 mars par les ministres de
l’Industrie, la Santé, l’Agriculture et les
Finances, transpose la directive
européenne 2002/46/CE et en profite pour
instaurer une véritable réglementation.
Premier apport : une définition statutaire
indiquant que les compléments
alimentaires sont « des denrées
alimentaires dont le but est de compléter le
régime alimentaire normal et qui
constituent une source concentrée de
nutriments ou d’autres substances ayant
un effet nutritionnel ou physiologique ». Il
précise aussi les ingrédients autorisés en
France dans les compléments alimentaires
et encadre leurs conditions d’emploi :
ingrédients alimentaires traditionnels,
vitamines et minéraux, autres substances à
but nutritionnel ou physiologique, plantes
et préparations de plantes, excepté tout
ingrédient ayant des propriétés
exclusivement pharmaceutiques ou
thérapeutiques. S’ajouteront à ce décret
des arrêtés substances et plantes, un
système de listes positives qui
s’allongeront au fur et à mesure des
autorisations. Outre des recommandations
pour mieux communiquer, ce décret
prévoit les procédures d’autorisation pour
les compléments alimentaires contenant
un ingrédient non autorisé en France ou en
Europe. Il instaure ainsi une
« reconnaissance mutuelle » lorsqu’un
fabricant veut utiliser une substance
autorisée dans un état membre autre que
la France, avec le dépôt d’une déclaration
d’intention 2 mois avant commercialisation
auprès de la DGCCRF. Pour les substances
non autorisées en Europe, une demande
d’autorisation nationale est nécessaire.
« Le libre échange est enfin appliqué en
matière de compléments alimentaires mais
ces derniers sont soumis à l’évaluation
pour obtenir une autorisation d’emploi. Une
précaution supplémentaire particulière à la
France. Les Français seront plus
compétitifs et pourront commercialiser
bien plus de compléments alimentaires »,
note Brigitte Lelièvre. Concernant les
allégations santé, « un texte européen
devrait voir le jour au 2e semestre 2006 »,
indique Jacques Karlsson. Un dispositif
attendu – même si les autorités sanitaires
(Afssa, Afssaps, DGCCRF) encadrent déjà
rigoureusement la communication des
produits bénéfiques pour la santé – en
particulier par les associations de
consommateurs qui se méfient des
produits enrichis et autres probiotiques
qu’elles réunissent sous le vocable
d’alicament. Leur obstination est déjà
payante à l’image de CLCV qui a obtenu de
Danone le retrait d’un spot télévisé sur
Actimel, qui vantait trop ses « capacités
défensives ». Pour le Bureau de vérification
de la publicité, tout est dans l’art de
marcher sur le fil. Un produit ne peut se
vanter de « renforcer les défenses
naturelles » mais il peut « aider les
défenses naturelles ». De même, le mot
maigrir est banni de la publicité car
relevant du médicament, mais pas le terme
mincir…
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publicités : « la nécessité de consulter un médecin avant
de consommer ces produits, les autres facteurs intervenant dans le taux de cholestérol, le suivi médical obligatoire
lors d’une consommation prolongée ». Enfin, le Ciss (Collectif inter-associatif sur la santé) déplore ce partenariat qui
dénature la mission des mutuelles complémentaires de
santé car elles « choisissent le marketing agroalimentaire au
détriment de la politique de santé et apportent un label médicament à des produits qui n’en sont pas ».
Hausse du CA des compléments minceur
310
305
300
295
308
290
+ 8%
285
Stratégie payante. Cela n’empêche pas la MAAF et Unilever de revendiquer un partenariat allant dans le sens de la
prévention. Connue pour ses coups marketing choc, la
MAAF a rapidement accepté la proposition d’Unilever, qui
a déjà testé un partenariat de même type avec la complémentaire santé VGZ aux Pays-Bas. Une réussite marketing
(+25 % de ventes) qu’il importe aujourd’hui en France. Après
la gratuité de la couverture santé aux sociétaires au chômage
depuis plus d’un an en 1997, la garantie des accidents thérapeutiques en 1999 et le remboursement du renouvellement de lunettes de vue sans ordonnance en 2004, le groupe
MAAF signe une stratégie payante. « Nous sommes dans
une période de croissance
sur toutes nos offres. Dans
le secteur santé, notre acPro-activ sous le
croissement est deux à trois
feu des critiques
fois plus important qu’ailleurs. Il est trop tôt pour
mesurer les retombées de
ce partenariat, mais il devrait augmenter notre vitesse de développement », indique Didier Bourdonnais, directeur du
marketing et de la communication de MAAF Assurances et
maître d’œuvre du partenariat. « Un projet de loi souhaite
que les assurances santé s’engagent dans deux opérations
de prévention. Cette loi a pris du retard et nous ne voulions plus attendre. Ce partenariat est un engagement dans
la lutte contre le mauvais cholestérol (LDL), pour faire baisser le nombre d’accidents cardio-vasculaires. » Mais alors
pourquoi ne pas proposer le remboursement des consultations auprès de nutritionnistes ou diététiciens ? « Notre
contrat Biorythme comprend huit niveaux, les niveaux 3 à 8
prennent en charge les consultations diététiques », dément Didier Bourdonnais.
Quant à la gamme pro-activ, elle est toujours sous le feu des
critiques. Ce que résume bien Mariette Gerber, membre
du comité d’experts spécialisés en nutrition humaine de
l’Afssa : « en sus du risque de consommation par des personnes qui n’ont pas besoin de stérols et le risque d’une surconsommation (3 grammes par jour de stérols maximum),
la nécessité d’une alimentation équilibrée pour toute personne dyslipidémique n’est pas suffisamment mise en
avant. Les consommateurs vont penser que si c’est bon
pour le cholestérol, c’est bon pour tout. Or, ce type de produit ne convient pas par exemple à des personnes obèses,
car trop calorique. De plus, on ne connaît pas les effets des
phytostérols sur le long terme. Ils font bien baisser le taux de
cholestérol dans le cadre d’un régime approprié, mais rien
ne prouve que cela à un effet sur la morbidité et les risques
cardio-vasculaires ». D’où la réticence à voir cette gamme
dans les rayons des grandes surfaces et en vente libre. D’autant que les stérols sont contre-indiqués dans l’alimentation
des femmes enceintes, allaitantes et les enfants de moins de
cinq ans. Mais Unilever a pris soin de l’indiquer sur chaque
286
280
275
CMA 11/2004
CMA 11/2005
Pharmacie et parapharmacie réunies, les compléments alimentaires minceur voient leur chiffre d’affaires progresser de 8 %, passant de 286 millions d’euros en 2004 à 308 millions d’euros en 2005. Les officines progressent pour leur part de 6 % et occupent 84 % du marché.
La minceur, un tiers des compléments
alimentaires
DIVERS
TOTAL
REMINÉRALISANTS
2% AUTRES
OSSEUX
4%
7%
OPHTALMOLOGIE
4%
MINCEUR
32%
SÉDATIFS
6%
CHEVEUX
PHANÈRES
6%
SOLAIRES
6%
TONIQUES
16%
PEAU
7%
MÉNOPAUSE
10%
Le marché de la minceur reste loin devant les autres familles de compléments
alimentaires, occupant 32 % du marché. Les toniques sont toujours en bonne
place avec 16 % des ventes. A noter cependant une perte de vitesse
importante du secteur de la ménopause avec une chute de 16 %, compensée
globalement par les augmentations surprenantes enregistrées chez des
familles plus restreintes en volume comme les reminélarisants osseux ou
l’ophtalmologie.
emballage produit et la MAAF fait confiance à ses adhérents
pour utiliser cette gamme à bon escient. En outre, l’incorporation de ces stérols dans un aliment n’assure pas qu’ils
soient consommés en bonne quantité. Cela a amené Unilever à élargir sa palette et notamment à mettre au point la
boisson lactée « un par jour ».
Aide à la consommation. Les associations de consommateurs relèvent aussi que ces produits sont 20 à 30 % plus
chers que les non enrichis et s’étonnent de la discrimination
latente de ce tarif. C’est là que la MAAF intervient : « il est
plus difficile de bien se nourrir avec peu d’argent car les
fruits, les légumes, le poisson sont chers. C’est aussi le cas
des produits enrichis en stérols. Après calcul, nous avons estimé que la dépense supplémentaire à l’année est de 40
euros si on consomme pro-activ plutôt qu’un produit non-
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enrichi. C’est la somme que nous remboursons. Ce n’est pas
seulement une prime pour récompenser le bon consommateur mais aussi une aide à la consommation et à une
bonne gestion du portefeuille ». Unilever souhaite-t-il redorer son blason ? Ou simplement se diversifier ? Ou développer un créneau porteur ? Toujours est-il que la MAAF
précise : « notre partenariat ne concerne que la gamme Fruit
d’Or pro-activ ». Un partenariat qui a fait couler beaucoup
d’encre, amenant même l’Afssaps à réagir. « La communication de la gamme Fruit d’Or pro-activ a repris des recommandations de l’Afssaps à destination des professionnels de santé, mais de façon partielle. Notre directeur
général a réagi le 6 février dernier pour replacer ces recom-
Les boissons « miracle » sous
haute surveillance
Security Feel Better, l’élixir miracle,
ne fait pas recette auprès des
autorités françaises. Son arrivée dans
les grandes surfaces et l’engouement
de la presse sur le sujet, a entraîné
une levée de boucliers en février de la
part des associations de
consommateurs, de médecins
alcoologues et des structures de
prévention routière. Security Feel
Better est présenté comme une
boisson faisant « baisser le taux
d’alcoolémie trois à six fois plus
vite ». La Direction générale de la
concurrence, de la consommation et
de la répression des fraudes
(DGCCRF) a diligenté une enquête fin
février (toujours en cours) et un
arrêté du 24 février 2006 a
suspendu sa mise sur le marché pour
une durée d’un an, parce que
« présentée au consommateur
comme susceptible de diminuer son
degré d’imprégnation alcoolique ».
De telles allégations « peuvent
induire des comportements
dangereux et des risques pour la
santé : incertitude du taux réel
d’alcool, sentiment de fausse
sécurité, incitation à la
consommation d’alcool avant la
conduite qui va à l’encontre de la
politique de prévention de la sécurité
routière ». En 1999, le Conseil
supérieur d’hygiène publique s’était
prononcé pour une interdiction du
produit et avait souligné l’insuffisance
d’études cliniques et les risques pour
le consommateur. La DGCCRF avait
intenté un procès au fabricant de la
boisson, PPN SA, qui avait abouti à un
non-lieu autorisant la vente du
produit mais pas sa
publicité. « Les
interdictions
spécifiques à la
publicité concernent
les médicaments, les
armes à feu. La liste
n’est pas
exhaustive, la
décision d’un
tribunal peut faire
jurisprudence »,
explique Joseph
Besnaïnou, directeur général du
Bureau de vérification de la publicité
(BVP). « Nous avons déjà demandé le
retrait de boissons comme Moderalco
ou Desalco, pouvant entraîner des
comportements dangereux, d’autant
que l’Afssa indique que cette
allégation n’est absolument pas
prouvée », précise la DGCCRF. Et
Claudine Lemer, membre du Ciss, de
préciser : « la baisse du degré
d’imprégnation alcoolique n’induit
pas la suppression des effets de
l’alcool ingurgité ». La boisson
française va devoir miser sur
l’exportation. Le souci se situe
maintenant dans le principe de libre
circulation des marchandises, en
particulier en Europe mais aussi via
d’Internet. Car depuis quelques mois,
un complément alimentaire en vente
aux Pays-Bays, Paraxine®, vante ses
vertus anti-alcool. Il devra cependant
attendre le décret français sur les
compléments alimentaires pour
demander la reconnaissance
mutuelle… que la France sera en droit
de refuser.
mandations dans leur contexte », explique Marie-Laurence
Gourlay, directrice du département de l’évaluation de la publicité. « Un encart promotionnel publié dans la presse
grand public s’appuie sur les recommandations de l’Afssaps
pour promouvoir les bienfaits de produits alimentaires réduisant le taux de cholestérol. L’usage détourné et partiel de
ces recommandations conduit l’Afssaps à préciser que la
prise en charge de la réduction du taux de cholestérol nécessite un avis médical et qu’elle s’appuie en premier lieu
sur un régime alimentaire adapté et sur une bonne hygiène de vie », a indiqué l’Agence.
Crises sanitaires. Le partenariat n’a pas encore fini de faire
parler de lui, d’autant qu’il devrait être suivi en avril par un
accord presque identique entre Danone et les assurances
AGF autour du yaourt Danacol. En attendant, beaucoup notent une incohérence entre les déremboursements massifs
de médicaments engagés par l’Etat et le fait qu’une complémentaire santé rembourse un aliment. Plus encore, la
MAAF rembourse une
marque. « Cela revient
« L’alimentation
moins cher à la MAAF de
rembourser 40 euros à l’anen perfusion »
née que des traitements
en hausse
lourds en cas de maladies
ou d’accidents cardio-vasculaires. Mais pour faire de la prévention, il faut rembourser
tous les aliments de même type et non une marque précise.
Du coup, on fait croire aux adhérents de la MAAF que seul
ce produit fonctionne, c’est de la publicité mal déguisée »,
souligne Claudine Lemer, membre de l’Union féminine civique et sociale (UFCS), association faisant partie du Ciss.
C’est ce que l’UFC-Que choisir appelle « une intrusion inadmissible d’intérêts marketing dans la sphère privée » et
« une discrimination flagrante pour les personnes qui ne
consommeront pas pro-activ ».
Toutes ces critiques ne vont pas ralentir la course des industries alimentaires sur le marché de la minceur. Vient
ainsi de débarquer aux Etats-Unis la barre chocolatée censée réduire les problèmes cardio-vasculaires… dont les effets ne sont pas prouvés, et qui ne risque pas de contribuer
à une baisse de la tendance au « grignotage » ou à ce que
les médecins appellent « l’alimentation en perfusion ». Le
marketing santé est aujourd’hui très efficace. Il n’échappe
à aucun secteur alimentaire et profite d’une succession de
crises sanitaires et de la prévalence croissante des maladies liées aux déséquilibres alimentaires pour se faire sa
place au soleil. Mais les instances de régulation veillent,
aussi bien au niveau européen que français, et permettent
d’assurer une certaine sécurité dans les allégations des produits santé tout en empêchant la commercialisation d’aliments dangereux. Déjà des progrès sont notables et les
slogans sans fondement tels que « plein de bon lait » ont
simplement été supprimés. Désormais, les produits déséquilibrés, par exemple très gras, ne peuvent se prévaloir
d’une allégation santé, même s’il est avéré qu’ils sont riches
en calcium… ■
MÉLANIE MAZIÈRE
(1) Données IMS novembre 2005 – voir graphiques
(2) Source : UFC-Que Choisir. Enquête marketing alimentaire :
le double jeu des industriels – 27 avril 2004