Forêt et société dans les Vosges du Nord du Moyen Age à la
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Forêt et société dans les Vosges du Nord du Moyen Age à la
Forêt et société dans les Vosges du Nord du Moyen Age à la Révolution Philippe Jehin Du Moyen Age à la Révolution, la population des Vosges du Nord entretient des relations très étroites avec la forêt qui constitue la ressource fondamentale. Toutes les activités reposent sur l’exploitation de la forêt. Dans une région au sol peu fertile, c’est grâce à la forêt que la population a pu s’implanter et subsister. Un besoin vital de bois Pour la population des Vosges du Nord, du Moyen Age à la Révolution, la forêt constitue une ressource vitale. L’essor démographique, en particulier aux XVIe et XVIIIe siècles, entraîne le développement de la construction ainsi qu’une consommation croissante en bois de chauffage. Pour la charpente comme la menuiserie intérieure de leurs maisons, les habitants bénéficient de droits d’usage pour le bois de construction ou bois de marnage « Bauholtz ». Jusqu’au XVIIe siècle, la profusion de bois n’encourage pas la parcimonie. Il arrive souvent que les habitants coupent beaucoup plus d’arbres qu’ils n’en ont réellement besoin pour la construction ou la réparation d’un bâtiment. En 1580, le gruyer (responsable forestier) de Bitche déclare : « lesdits habitants de la seigneurie de Bitche ont droit de prendre tous les bois pour bâtir et en coupent beaucoup plus qu’il ne leur en faut, et bien souvent le laissent pourrir ». Dans le comté de La Petite Pierre, les autorités seigneuriales veillent davantage à la préservation de la forêt. Le règlement forestier de 1592 prévoit que les sujets remettront une demande écrite au représentant seigneurial, précisant la quantité et la qualité des bois ainsi que l’utilisation prévue. Le gruyer seigneurial veillera à son emploi exact afin qu’il ne soit pas vendu à un tiers. Après la Guerre de Trente ans (1618-1648), la réglementation précise que la quantité de bois demandée doit être vérifiée au préalable par un charpentier juré. Au XVIIIe siècle, le bois de marnage est défini de façon de plus en plus restreinte parce que la région connaît une forte croissance démographique. Les forêts sont sollicitées de façon exponentielle. L’essence la plus prisée pour le bois de construction est incontestablement le chêne. La maison construite, il faut ensuite cuire ses aliments et se chauffer. Peu d’informations permettent d’évaluer la consommation réelles des foyers en bois de chauffage, appelé affouage ou « Brennholtz ». Au Moyen Age, les habitants ont un libre accès à la forêt et y prélèvent librement le bois nécessaire. A partir du XVIIe siècle, la délivrance de bois de chauffage est encadrée. Habituellement, un officier seigneurial, appelé garde-marteau, procède au martelage des arbres à abattre pour le bois d’affouage des particuliers. Toutes les essences sont utilisées, mais on note une large prédilection pour le hêtre. Un paysage modelé par les activités agricoles Jusqu’à la Révolution, l’essor démographique se fait largement au détriment des forêts, par l’extension des finages et le développement de l’élevage. Les paysans à la recherche de nouvelles terres déboisent des parcelles forestières lors des phases de croissance démographique comme les XVIe et XVIIIe siècles. Il s’agit souvent de défrichements temporaires par l’essartage. Le feu réduit en cendres les plantes herbacées et les arbustes. Le défrichement ne signifie pas déforestation irrémédiable. En effet, la nature du sol ne permet pas une mise en valeur rentable et durable à cause de son infertilité. Les champs ainsi gagnés sur la forêt sont exploités pendant deux ou trois ans, puis ils sont abandonnés à la forêt pendant une longue période de jachère de 10 à 30 ans. Les essences pionnières comme le bouleau ou le noisetiers regagnent le terrain abandonné. Pour pallier le faible rendement des terres agricoles, les paysans consacrent une large partie de leurs activités à l’élevage. Celui-ci se pratique essentiellement en forêt, c’est le droit de vaine pâture. La forêt souffre de dégradations appelées abroutissements qui mettent en péril l’avenir de la forêt. Les herbivores ne se contentent pas seulement des plantes herbacées du sous-bois, mais broutent aussi des jeunes pousses et les feuilles à leur portée. Au XVIIIe siècle, le surpâturage en lisière des bois est manifeste. L’impact des activités industrielles sur la forêt La verrerie constitue le facteur essentiel du déboisement et de peuplement des Vosges du Nord. Elles sont à l’origine d’immenses clairières à partir du XVIe siècle. D’abord nomades, les verreries deviennent fixes et obtiennent de larges concessions forestières de la part des seigneurs. Dans un premier temps, les forêts affectées aux verreries sont exploitées de façon pionnière, sans le souci d’une gestion durable de la ressource ligneuse. La sédentarisation des verriers nécessite l’octroi de concessions forestières, les affectations. Le contrat d’implantation définit les surfaces, les modes d’exploitation, la succession des parcelles à exploiter dans le cadre d’une révolution sur plusieurs décennies. Les terres sont déboisées pour être converties en champs ou en prés. D’autres doivent conserver des baliveaux afin de favoriser le reboisement. Cependant, pour toutes les verreries, on constate que les parcelles affectées à leur fonctionnement se révèlent insuffisantes. Les verreries sont parfois contraintes à un chômage de plusieurs années si elles ne peuvent pas acheter du bois au prix fort. La métallurgie, comme la verrerie, est une industrie xylophage. Son implantation dans les Vosges du Nord s’explique par la présence de minerai de fer sur le piémont alsacien, l’utilisation des cours d’eau pour l’énergie hydraulique, mais aussi par l’abondance du bois. La métallurgie exige en effet une forte consommation de bois sous forme de charbon. La première étape de cette industrie consiste donc en un important travail forestier. Plusieurs sites métallurgiques apparaissent à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle à Zinswiller, Mouterhouse et Jaegerthal. En 1789, les besoins en bois des différents établissements De Dietrich se montent à 20 000 cordes de bois par an. La moitié du personnel de l’entreprise travaille alors en forêt en tant de bûcherons, charbonniers ou voituriers. Cette exploitation intense du bois a donné aux Vosges du Nord un caractère industriel précoce et original, basé sur le verre et le fer. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les marines européennes sont en plein essor. Les armateurs hollandais prospectent la vallée du Rhin et jettent notamment leur dévolu sur les Vosges du Nord au début du XVIIIe siècle. Des contrats d’exploitation sont signés avec le duc de Lorraine et les seigneurs alsaciens. Des milliers de chênes sont coupés, grossièrement façonnés en forêt, puis flottés vers les arsenaux où ils sont retravaillés par les charpentiers pour la confection des coques de navires. Des pins sont aussi coupés pour les mâts. En 1739, plus de 6000 pieds sont coupés dans le secteur de La Petite Pierre. Ce commerce très lucratif se poursuit jusqu’à la Révolution. Conclusion Après la description de ces différentes exploitations forestières, il nous reste à tirer quelques conclusions. Du Moyen Age à la Révolution, la forêt représente une ressource indispensable pour l’implantation humaine en lui fournissant matériau et combustible. Pour les paysans, la forêt est perçue comme une réserve foncière, indispensable pour étendre leurs cultures et y parquer leurs troupeaux. Les industries dévoreuses de bois comme la verrerie ou la métallurgie trouvent dans les Vosges du Nord de vastes forêts alors sous-utilisées, qu’elles exploitent intensément avec les encouragements des autorités qui en tirent des revenus conséquents. Mais toutes ces activités se montrent extrêmement préjudiciables au couvert forestier. En 1789, la forêt a considérablement régressé, en surface, mais surtout en qualité : les bois sont devenus très clairs, remplis de taillis et d’essences pionnières et ponctués de clairières. A partir du milieu du XVIIIe siècle, les autorités seigneuriales et royales imposent des mesures coercitives pour réduire les prélèvements et assurer la survie du couvert forestier. Les premiers résultats paraissent insuffisants : on ne peut priver la population de bois. La véritable mutation économique se déroulera au XIXe siècle avec le déclin de l’agriculture et surtout l’abandon du bois au profit de la houille importée. Bibliographie : Philippe Jéhin. Les forêts des Vosges du Nord du Moyen Age à la Révolution : Milieux, usages et exploitations, Strasbourg : Presses Universitaires, 2005, 398 p. Les usages sociaux de la filière forêt-bois dans le PNR des Vosges du Nord Maurice Wintz, sur la base de l’étude de Vincent Brailly, empêché La charte du Parc a identifié la gestion forestière comme l’un des principaux enjeux du Parc, aussi bien au niveau territorial, économique qu’écologique. La forêt représente environ 66 % du territoire du Parc, dont 80 % de forêts publiques gérées par l’ONF. La question de la gestion forestière ne met pas seulement en jeu la seule dimension technique des modalités d’exploitation de la ressource bois ou même de la préservation des écosystèmes forestiers ; au-delà de l’aspect récréatif et multifonctionnel de la forêt que nous n’aborderons pas ici, elle interroge le rapport que les habitants d’un territoire entretiennent avec une ressource proche, ici le bois, à travers ses diverses utilisations. La présente communication s’appuie sur une étude, réalisée dans le cadre du Programme cadre de recherche du Sycoparc, cherchant à mettre en évidence les logiques qui sont à l’œuvre dans les différents usages du bois sur le territoire du Parc. Il s’agissait dans un premier temps d’identifier les différents types d’acteurs concernés par l’usage du bois en tant que ressource1, tout au long de la « filière » : de l’exploitation forestière aux différents types d’utilisation (construction, mobilier, chauffage…) et les liens et interactions entre ces acteurs. Dans un deuxième temps, il s’agissait de mettre en 1 Ne sont pas pris en compte ici les usages indirects de la forêt comme les aspects récréatifs (promenade, paysage, air « pur »…) mais uniquement les différents usages du bois. évidence les valeurs, motivations et représentations qui caractérisent les différents acteurs identifiés quant aux formes actuelles de production et d’utilisation du bois sur le territoire du Parc et aux évolutions envisagées. La mission de recherche appliquée a été réalisée par Vincent Brailly, doctorant en ethnologie, et s’est déroulée sur la base d’un travail bibliographique, d’un travail de terrain et plus de 60 entretiens avec les différents acteurs identifiés, entre août 2011 et juillet 2012. Les acteurs : une filière complexe en mutation Une première constatation repose sur la grande diversité et la complexité des types d’acteurs du bois et de leurs relations. Intégrés traditionnellement dans une économie locale, les professionnels de la filière sont aujourd’hui engagés dans une phase de mutation, conséquence de la mondialisation progressive du marché du bois. La transformation industrielle de la ressource ligneuse, en provenance d’Allemagne en particulier, impose normes et standardisation de produits auxquelles les artisans des Vosges du Nord n’étaient pas préparés. Ces derniers doivent faire face avec les « moyens du bord » en suivant les tendances du marché et en s’insérant dans des économies de niches, dans un contexte marqué par de grandes inégalités entre les grosses unités (notamment dans le domaine du sciage) et les petites structures. Les politiques sylvicoles françaises sont tournées vers une logique productiviste depuis la fin des années 1990 pour répondre à ce marché du bois. L’organisme gestionnaire traditionnel des forêts publiques françaises, l’ONF, n’a pas échappé à ces transformations et inscrit aujourd’hui son action dans une logique d’entreprise, de productivité et de baisse des coûts. Les perceptions du bois : une industrialisation plutôt mal vécue L’industrialisation de la filière est plutôt perçue négativement par les acteurs locaux de la transformation, en particulier quand elle contribue à dévaloriser les métiers ; le forestier passe du statut de personnalité respectée à celui de prestataire, certains charpentiers considèrent que le bois façonné industriellement déprécie leur métier et leur savoir-faire. De même, les meubles standardisés, fabriqués et diffusés industriellement sont perçus comme étant défavorables à la valorisation des gros bois. Quant à la forêt, il semble que les perceptions sont en train de changer chez les acteurs du bois : de la forêt « propre » bien nettoyée, on évolue vers une forêt où le bois mort est toléré, dans certaines limites. La mécanisation de l’exploitation est plutôt considérée comme néfaste pour la forêt, voire même pour la qualité des bois récoltés. Ecologie des forêts naturelles Annick Schnitzler Introduction La forêt peut être considérée comme un conservatoire de biodiversité des espèces et des habitats originels de l’Europe. Cet écosystème présente une grande stabilité face aux événements climatiques, évitant extinctions et proliférations des populations grâce à des régulations internes complexes, une dynamique en cycles fermés et la présence de zones refuges. Grâce à une architecture végétale fortement stratifiée, à la complexité des réseaux trophiques et une biodiversité élevée, la forêt est considérée comme l’écosystème le plus performant de notre planète à soutirer l'énergie solaire La forêt, riche de 30% de biomasse ligneuse, est ainsi le champion du recyclage grâce à l'extrême spécialisation des réseaux saproxyliques (il s'agit des espèces de différents règnes qui dépendent pour au moins une partie de leur cycle du bois mort ou mourant). On comprend dès lors que la forêt ne saurait se limiter à une collection d'arbres. Il faut intégrer les éléments de toute la flore, de la flore, de la fonge et des microorganismes, et considérer les interactions entre ces éléments dans tous les compartiments forestiers, au-dessus du sol et dans le sol. La forêt s’appréhende donc à une échelle spatiale très large, de plusieurs centaines de milliers d’hectares (qui correspond aux surfaces nécessaires pour des densités viables d’espèces à grand territoire). L’échelle temporelle est aussi importante, car la forêt intègre également des héritages, naturels ou anthropiques, qui ont parfois eu lieu dans un lointain passé. Substitution et cycles forestiers Il existe plusieurs types de mécanismes dans la dynamique forestière. Le mécanisme de substitution est constant dans les forêts naturelles. Il consiste à remplacer un arbre vivant par un voisin, sans qu'il y ait ouverture marquée de la canopée. Il s’agit donc d’une mortalité pied à pied (1% des arbres de la canopée par an, en milieu tropical). L'arbre qui remplace est déjà présent, à l’état juvénile, parfois en attente depuis des décennies. Il occupe progressivement la place de l'arbre sénescent. La croissance de l'arbre potentiel est ralentie par l'individu plus âgé qui est au-dessus de lui, en raison de l’ombrage et de la compétition pour les ressources dans le sol, mais l’individu dominé bénéficie des pluviolessivats (gouttes de pluie chargées en nutriments après égouttage sur les feuilles de la canopée), et des échanges de myccorhizes. La dynamique forestière (cycles forestiers) s’appréhende en général à l’échelle du « chablis », terme qui correspond à la fois à l’espace libéré par la chute d’un ou plusieurs gros arbres dans la canopée, et les arbres tombés eux-mêmes. L’évolution temporelle de cet espace nouveau, considéré comme une petite unité écologique (écounité) est classiquement décrite en 4 phases (régénération, durant laquelle la canopée reste ouverte, puis aggradation durant laquelle se forme une jeune canopée en voie de croissance, puis la maturité, et la sénescence durant lesquelles la canopée se ferme). Ce processus cyclique varie en finesse en fonction de nombreux facteurs, dont la taille des chablis et des espèces et processus impliqués, ce qui signifie en d’autres termes que le cycle qui ferme le chablis ne reconstruit l’éco-unité à l’identique. Les chablis ont aussi des dimensions différentes : ceux de petites dimensions se referment la plupart du temps rapidement, par divers processus (croissance latérale des axes des ligneux de la canopée, croissance verticale des espèces des sous-étages). Lorsqu’ils sont plus importants ou plus nombreux, ils tendent à s’agrandir dans un premier temps parce que la trouée a rendu les arbres des bordures plus vulnérables, puis à se fermer à partir de l’intérieur du chablis vers l’extérieur. Mais, quelle que soit l’ouverture provoquée par la chute d’un arbre, la lumière directe qui arrive au sol, les écarts de température se font plus grands, les pluies de graine et de pollen modifient rapidement le microclimat. Ainsi, le sol évolue rapidement : la lumière stimule l’activité bactérienne, la pluie arrive directement, ce qui accélère la décomposition de la litière, et les possibles toxines qu’elle diffuse (cas du hêtre). Le chablis reçoit des pluies de graines apportées par le vent, qui étaient auparavant captées dans le feuillage de la canopée. Il attire aussi des herbivores par développement des herbacées. Outre des feuilles fraiches, la trouée stimule la fructification des buissons et des herbacées ce qui attire les oiseaux et les rongeurs granivores. Mammifères et oiseaux favorisent en retour la dispersion des graines par zoochorie, mais transportent aussi des pathogènes pour les plantes. Les phases suivantes permettent tout d’abord l’élaboration d’une jeune canopée, puis une canopée définitive, sous laquelle s’organise l’architecture des sous-bois. Les phases de maturité et de sénescence constituent une partie peu connue du cycle sylvigénétique, en raison de leur grande rareté dans les forêts exploitées. Les arbres de la canopée deviennent géants, le bois mort s’accumule au pied des gros arbres, le sol s’enrichit et sa faune se complexifie. Forêts primaires, forêts anciennes, forêts jeunes Les forêts primaires présentent une forte hétérogénéité architecturale et un nombre d’habitats très élevé pour de multiples formes de vie. Les quatre phases des cycles y sont représentées, avec des dimensions très variables. Dans une forêt mature, toutes les conséquences d'un régime de perturbation et de stress typiques d'un site sont donc représentées, ce qui permet la conservation des espèces quelles que soient leurs stratégies et leurs fluctuations. Les réseaux trophiques, des bactéries à la grande faune y sont donc présents. Ces forêts ont disparu d’Europe, en dehors de quelques rares très grandes forêts bien préservées comme à Néra en Roumanie. Il existe aussi des forêts en bon état de conservation, qui comprennent toute la grande faune forestière, comme celle du parc national de Bérézinski en Biélorussie (grands carnivores, grands herbivores dont le bison). Mais aucune de ces forêts ne peut atteindre le fonctionnement qui était le sien il y a 7000 ans, car les influences humaines sont trop profondes. Les forêts spontanées qui s’étendent après déprise agricole ou autres abandon des usages peuvent acquérir peu à peu les caractères des forêts primaires, si on les laisse se développer sur le très long terme, et si on les protège efficacement. Mais dans les forêts exploitées peuvent aussi conserver une partie de l’héritage de la biodiversité européenne si on respecte certaines règles, comme la libre évolution dans une partie du massif forestier, par des réserves intégrales et des îlots dits de sénescence, et une faune riche et équilibrée, incluant les grands carnivores. Les forêts de l’Europe de l’Ouest ont perdu une grande partie de cette faune, et les grands et vieux arbres se font de plus en plus rares. Aux espaces protégés de donner le bon exemple, en promouvant un retour vers le sauvage, jusque dans les forêts les plus proches des activités humaines. Le Critt bois est un centre de ressources situé sur le campus Fibres d’Epinal, et dédié à l’accompagnement des acteurs de la filière bois qui souhaitent développer de nouveaux procédés, de nouveaux produits ou investiguer de nouveaux marchés autour de l’utilisation, la transformation et la valorisation du matériau bois. Innovations et éco-procédés pour une valorisation des ressources locales - construction bois à Tendon et autres exemples Stéphane Ohnimus L’équipe du Critt Bois, composée de 25 personnes est organisée en différents pôles : Etudes, Essais, Systèmes spéciaux, Recherche et Développement ; le Critt Bois propose également des services de veille et formation continue. Dans une filière bois très multiple, aux secteurs d’activités diverses, animée par des acteurs de diverses tailles (TPE, Artisans, PME, grands groupes…), des évolutions permanentes construisent la feuille de route du Critt Bois et ses axes de développement, parmi lesquels : - - Favoriser l’intégration d’une robotisation à forte valeur ajoutée dans les procédés Accompagner les entreprises dans leur démarche de certification de leurs produits pour une mise sur le marché gagnante Offrir des compétences actualisées pour pouvoir intégrer dans la conception des produits les thématiques de réglementation en construction en matière de feu, sismique, acoustique, de rénovation thermique par l’extérieur Etre leader sur les attentes et outils en terme d’eco construction ( intégration de matériaux biosourcés, qualité de l’air intérieur des bâtiments, bilan carbone…) … Dans sa volonté de développer des solutions Eco conçues et des Eco procédés, le Critt Bois a par exemple contribué à la mise au point de la technologie du soudage du bois : Elle permet l’assemblage bois sur bois sans colles ou autres connecteurs, A un coût d’assemblage au m² équivalent à celui d’une colle, Avec une excellente résistance mécanique. 2 technologies ont été éprouvées en laboratoire: SOUDAGE PAR FRICTION LINEAIRE Pression Friction linéaire alternée Rotation et translation Le Campus Fibres propose une plateforme de prototypage unique : Parmi les recherches de nouvelles valorisations du matériau bois, ainsi que des sous-produits et coproduits générés par différents procédés, la « chimie verte », valorisation chimique et biochimique du bois, ouvre de nouvelles voies. Pièce(s) avec trou percé Lig Co SOUDAGE ROTATIFCellulose 35-50% Hémicelluloses 20-35% La chimie verte vise à notamment développer des procédés de pré-traitements (hydrolyse, extraction par solvant, liquéfaction, explosion à la vapeur…) qui permettront d’extraire des composants qui pourront être utilisés dans des matériaux, des colles…dans des produits de la chimie fine, de spécialité…en Pharmaceutique, Nutraceutique, Cosmétique… Divers projets industriels ou à l’échelle de la recherche permettent déjà d’apporter de fortes à très fortes valeurs ajoutées à de nouveaux procédés dans la chaîne de transformation du matériau. Essentielle pour la filière bois, celle de la construction cherche aussi à valoriser des essences locales, essentiellement feuillues. Le Critt Bois a mis en œuvre le hêtre au sein de la structure d’un périscolaire à Tendon (à une vingtaine de km d’Epinal), dans le cadre d’un projet du Cetifab (Centre des Techniques et Innovations de la Filière Artisanale Bois), porté par la Chambre des Métiers et de l’Artisanat des Vosges. Un résumé du cahier des charges de départ était : - Utiliser des essences, produits et acteurs locaux (favoriser la filière courte) - Valoriser les produits habituellement disponibles en scierie artisanale (bois courts, faible section) - Rendre le chantier accessible aux artisans de la filière bois (2nde transformation) Le résultat du travail de conception, dimensionnement, mise en œuvre peut s’illustrer à différents endroits de la construction : - en structure : système de poutre recomposée, système de paroi préfabriquée, ossature bois en esthétique : Revêtement intérieur en hêtre CRITT BOIS, 27, rue Philippe Séguin, Bât 4 - BP 91067, 88051 EPINAL Cedex 9 www.cribois.net [email protected] Perspectives pour les forêts du Palatinat dans le contexte du changement climatique Ulrich Matthes La Rhénanie-Palatinat est une des régions les plus vulnérables au changement climatique. Le centre de compétences de Rhénanie-Palatinat sur les impacts du changement à Trippstadt, établi en 2010, étudie les impacts, les risques et les opportunités du changement climatique pour les forêts du Palatinat dans la réserve de biosphère Pfälzerwald-Vosges du Nord aussi bien que les adaptations nécessaires adaptation. Les forêts du Palatinat sont caractérisées par a variété d’espèces et de types de forêt. Actuellement le pin (33%), le hêtre (26%), le chêne (12%), l’épicéa (10%) et le douglas (7%) sont les essences dominantes. D’autres espèces telles que le mélèze d’Europe, le sapin et d’autres espèces de feuillus jouent un rôle plus marginal. Les forêts sont exposées aux risques. En particulier les évènements climatiques extrêmes comme les tempêtes, la grêle ou les gelées tardives peuvent augmenter en fréquence. Nous devons constater que déjà certains insectes connus comme le scolyte de l’épicéa (Yps typographus) ou les insectes qui s’attaquent au chêne comme Agrilus biguttatus ou la chenille processionnaire (Thaumetopoea processionea) peuvent apparaître de façon plus fréquente. Des changements climatiques sont déjà observés dans la nature : des observations phénologiques sur l’apparition des feuilles dans les forêts du Palatinat montrent que dans les 20 dernières années le printemps a débuté 11 jours plus tôt en comparaison de la période de référence 1961-1990, ce qui prolonge la saison de croissance. D’une part, cela constitue une opportunité pour améliorer la croissance des arbres ; d’autre part, le démarrage de la végétation plus précoce fait courir des risques comme une plus grande vulnérabilité aux gelées. A la station climatique de Bad Bergzabern du Service Météorologique d’Allemagne (Deutscher Wetter Dienst) (DWD) la température moyenne annuelle des 60 dernières années a augmenté de 9,4 à 10,7°C, avec une tendance à la hausse dans les 30 dernières années. Le futur climat en Rhénanie-Palatinat en 2050 (proche futur), ou celui de 2100 (futur lointain) est incertain. Dans le même temps des décisions à long terme doivent être prises : quelles espèces d’arbres privilégier ? Quels mélanges? La base pour l’étude des impacts du changement climatique est le climat actuel. La température moyenne annuelle pour la période 1961-1990 en Rhénanie-Palatinat est 8,6°C. Dans les derniers 130 ans elle a augmenté de 1,3°C. L’été et l’hiver sont plus chauds de 1,2°C. Les fortes précipitations ont augmenté en intensité et en fréquence. Pour estimer le futur climat, on utilise des modèles climatiques régionaux. Pour Rhénanie-Palatinat, les modèles montrent une tendance à l’augmentation des précipitations hivernales, plus fréquentes et des sécheresses estivales plus longues autant que des pluies fortes. Par exemple, le modèle climatique régional WETTREG2010 prévoit une température moyenne annuelle augmentant de 3 à 4°C pour la fin du siècle en tenant compte du scénario A1B des émissions de gaz carbonique pour la région du Palatinat. Les pluies en saison de végétation dépendent du modèle. Le plus extrême montre une chute de plus de 30% d’ici la fin du siècle. Les forêts changeront à long terme, des périodes sèches pendant la saison de végétation pourraient augmenter significativement. Pour les forêts, les questions sont les suivantes : est-ce que les espèces d’arbres de Rhénanie-Palatinat seront capables de continuer d’occuper leur niche écologique naturelle ? Est-ce que l’aptitude climatique des cinq principales espèces de Rhénanie-Palatinat va changer? Est-ce que la croissance des principaux types de forêt de Rhénanie-Palatinat va changer?, comment les besoins en eau du hêtre et de l’épicéa vont évoluer? Qu’est-ce que de tels changements impliquent pour l’aptitude des arbres et la croissance des forêts? Pour analyser l’aptitude actuelle et future des arbres, différentes méthodes, chacune avec ses spécificités, ses forces et ses faiblesses, sont combinées. Les enveloppes bioclimatiques sont des indicateurs pour les changements d’aire de répartition liés au changement climatique pour la fin du siècle. Aujourd’hui 100% du hêtre en Rhénanie-Palatinat occupent leur niche climatique naturelle. Dans un futur lointain, le hêtre n’occupera probablement pas la totalité de sa niche climatique ; dans la réserve de biosphère cela inclura le Haardt et les parties septentrionales de la forêt du Palatinat. Pour sa part, l’épicéa occupe sa niche climatique seulement en altitude en montagne. Dans un proche avenir, pourraient apparaître de considérables réductions de son aire de répartition, dans un avenir plus lointain toute la zone forestière de Rhénanie-Palatinat est en dehors de la niche climatique de l’épicéa. Pour une bonne vitalité et une croissance satisfaisante, l’espèce a besoin de froid et de conditions humides. Si le climat devient plus chaud et sec en saison de végétation, l’épicéa ne sera plus dans un contexte favorable sur la totalité de la forêt du Palatinat. Il persistera seulement dans les zones les plus élevées et dans les secteurs les plus froids et humides. La compilation des cartes d’aptitude des arbres fournit des informations leur future aptitude en Rhénanie-Palatinat en lien avec les différentes projections du climat. Sur la base d’une synthèse du potentiel actuel de croissance et de l’aire de distribution, la question est de savoir comment l’aptitude des cinq principales espèces d’arbres peut changer suite au changement climatique (températures annuelles plus élevées, moins de précipitations en saison de végétation). Le hêtre naturellement dominant dans le Palatinat est à présent dans des conditions favorables. Pour la plus grande partie du Palatinat il le restera probablement dans le futur, dans le Haardt et vers la vallée du the Rhin son aptitude à se maintenir diminuera de façon significative. Cela créera des opportunités pour des espèces mieux adaptées à des conditions plus chaudes telles que le châtaignier ou l’alisier torminal. Ce raisonnement s’applique aussi aux autres espèces telles que le chêne, le pin et le Douglas. L’extension du Douglas qui pourrait être un substitut de l’épicéa, doit être discutée. L’aptitude du Douglas à se maintenir diminuera également en cas de changement climatique. Dans les sites forestiers secs et marécageux, la priorité est à la protection de la nature pas au douglas. Il en est de même dans les zones protégées et leurs zones tampon. Sur des sites favorables en utilisant des provenances appropriées cela pourrait être valable en mélange sur de petites surfaces (comme avec le hêtre) en raison de sa stabilité, ses performances de croissance et son faible caractère invasif au regard des observations et expériences effectuées dans le Palatinat. Pour minimiser le risque d’appauvrissement et de modification de la faune et de la flore autochtones, il faudra être sûr que le Douglas s’adapte facilement à l’écosystème et ne devient pas dominant. Parce que le comportement et les effets possibles des espèces d’arbres sur l’écosystème sont fortement difficilement prédictibles, une analyse scientifique sera faite en vue de prendre des mesures pour prévenir toute invasion. Les résultats obtenus pour les principales espèces servent à évaluer les risques et doivent aider à prendre des décisions. Il est nécessaire d’avoir des informations sur la dynamique à l’échelle locale et d’autres expertises, pour renforcer les outils de décisions régionales ou pour les modifier. Dans la perspective actuelle, la stratégie pour les divers types de forêts est d’avoir un mélange des espèces autochtones. En forêt, la diversité contribue à diminuer les risques. Des informations sur les changements climatiques et leurs impacts potentiels sur nos forêts sont accessibles depuis 2011 sur le site Système d’Information sur le Changement Climatique "kwis-rlp" (www.kwis-rlp.de).