Résumés de jurisprudence appliquant et interprétant des
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Résumés de jurisprudence appliquant et interprétant des instruments internationaux de droit uniforme CONVENTION INTERNATIONALE POUR L’UNIFICATION DE CERTAINES REGLES EN MATIERE DE CONNAISSEMENT (Bruxelles, 1924) CONV. BRUX. 1924 (CONNAISSEMENT) − FRANCE Articles 1(a) et 3(3) de la Convention. COUR DE CASSATION (Ch. com., fin. et éco.) − 5.XI.2003 − N° pourvoi: 00-19521 − Cie CMA contre Sté Power Shipping Company. TRANSPORTEUR MARITIME − Clause du connaissement attribuant la qualité de transpor- teur au propriétaire et à l’affréteur à temps du navire − Qualité revendiquée par l’émetteur du connaissement − Validité de la clause (oui) − Opposabilité à l’émetteur du connaissement (oui). Des conteneurs renfermant des fûts de phosphore sont transportés du port de Hong Kong au port de Gênes (Italie), suivant connaissement maritime. Les marchandises ayant provoqué un incendie au cours du transport, ce dernier assigne le chargeur devant le Tribunal de commerce de Marseille en réparation des dommages subis par le navire. Après avoir rejeté l’exception d’incompétence soulevée par le chargeur, le tribunal et la cour d’appel déclarent la demande irrecevable pour défaut de qualité à agir. En effet, l’émetteur d’un connaissement désignant comme transporteur maritime le propriétaire et l’affréteur à temps n’a pas la qualité de transporteur et ne peut donc pas rechercher la responsabilité contractuelle du chargeur. Invoquant les articles 1 a) et 3-3 de la Convention, le demandeur soutient au contraire que le transporteur est la personne juridique par laquelle le connaissement est émis et que la clause “identity of carrier” est prohibée par la Convention et par la loi française du 18 juin 1966. La Cour de cassation rejette l’argument : d’une part, la clause d’un connaissement relative à l’identité du transporteur n’est prohibée ni par la Convention ni par la loi française ; d’autre part, cette clause ayant été stipulée à son seul bénéfice, l’émetteur du connaissement ne peut pas en invoquer l’inopposabilité pour revendiquer le droit d’agir contre le chargeur en la qualité de transporteur maritime qu’il a expressément attribuée au propriétaire du navire ou à l’affréteur à temps. En revanche, la cour d’appel aurait dû répondre aux conclusions du demandeur qui soutenait qu’en l’absence de contrat le liant au chargeur, il était fondé à se prévaloir d’une action de nature quasi-délictuelle. www.legifrance.gouv.fr ; extraits publiés au Bulletin des transports et de la logistique 2003, 757. Sommaire aimablement communiqué (en français) par Mlle Anne-Isabelle Anfray. Rev. dr. unif. 2004-1 195 Résumés de jurisprudence – Droit maritime CONV. BRUX. 1924 (CONNAISSEMENT) − URUGUAY Article 4(5) de la Convention. SUPREMA CORTE DE JUSTICIA, Decisión 296, 18.IX.2002 – The Nipón Fire & Marine Insurance Co. c/ Nedlloyd Lijnen and others. LIMITE DE RESPONSABILITE de 100 livres sterling par colis ou par unité en vertu de la Convention – Interprétation de “colis” – Un conteneur n’est pas un colis – Effet de l’émission d’un connaissement net – Loi applicable à un transport successif maritime puis fluvial – Compétence en vertu du Traité de Montevideo de 1940 sur la navigation commerciale internationale. Un transporteur a reçu des marchandises à transporter de Yokohama (Japon) à Montevideo (Uruguay), où elles ont été déposées dans un entrepôt portuaire et ensuite embarquées pour Asunción (Paraguay). Les marchandises consistaient en 75 colis de vêtements, stockés dans deux conteneurs. Les conteneurs sont arrives à Asunción, et contenaient non pas des vêtements mais des déchets. Le demandeur a intenté l’action pour inexécution contre le transporteur maritime, contre les l’Autorité nationale des Ports et le transport fluvial. Les tribunaux uruguayens étaient compétents en vertu de l’article 27 du Traité de Montevideo de 1940 sur la navigation commerciale internationale, le défendeur ayant son domicile en Uruguay. La loi applicable en vertu de l’article 26 du Traité de Montevideo était celle du lieu de l’exécution, à savoir le Paraguay, qui a ratifié la Convention de Bruxelles de 1924. Le premier juge a décidé qu’aux fins d’établir les limites de responsabilité, et de savoir ce que l’on devait entendre par colis, le conteneur ou les différents lots à l’intérieur du conteneur, il fallait se référer aux mentions du connaissement. Si les colis y étaient spécifiés individuellement comme en l’espèce, la limite de responsabilité en vertu de l’article 4(5) était une limite par colis; si ce n’était pas le cas, la limite s’appliquait au conteneur. En outre en l’espèce, l’émetteur du connaissement n’avait pas soulevé d’objections concernant le chargement du conteneur. La Cour a ajouté que le conteneur était un “auxiliaire de chargement” ce qui en faisait une “unité de fret”, tandis que les limites de responsabilité ne se référaient qu’à une “unité”, ce qui devait s’interpréter comme une “unité de chargement”. La Cour d’appel a confirmé la décision du premier juge, précisant que le défendeur avait un “domicile spécial” en Uruguay au regard du contrat. Il a aussi indiqué que c’était le transporteur et non l’expéditeur a qui revenait la charge de la preuve du lieu et du moment du vol. La Cour suprême a confirmé à l’unanimité la décision de la Cour d’appel, estimant que l’agent maritime était bien le représentant légal du propriétaire du navire et que le transport maritime mettait certes en cause des personnes privées, mais impliquait aussi des considérations d’ordre public qui justifiait l’intervention de l’Etat dans cette activité. Cela justifiait l’intervention ex lege de l’agent du propriétaire même dans des questions de procédure. Revista de Transporte y Seguros nº 16, 2003, 9-25. Sommaire aimablement communiqué (en anglais) par la Prof. Cecilia Fresnedo de Aguirre. 000 Rev. dr. unif. 2004-1 197 Résumés de jurisprudence – Droit maritime CONVENTIONS INTERNATIONALES POUR L’UNIFICATION DE CERTAINES REGLES EN MATIERE DE PRIVILEGES ET HYPOTHEQUES MARITIMES (Bruxelles, 1926 et 1967) CONV. BRUXELLES 1926 (PRIVILEGES & HYPOTHEQUES MARITIMES) – AFRIQUE DU SUD – AFRIQUE DU SUD Articles 2(5) et 9 de la Convention. CONV. BRUXELLES 1967 (PRIVILEGES & HYPOTHEQUES MARITIMES) Article 11 de la Convention. HIGH COURT, Cape of Good Hope Provincial Division, 12.VI.2003 – Bridge Oil Ltd. v. MV MEGA S. “CREANCE PRIVILEGIEE” EN VERTU DE LA CONVENTION DE 1926 – La fourniture de carburant ne donne lieu à créance privilégiée que si elle a été commandée par le capitaine en vertu de ses pouvoirs légaux et hors du port d’attache du navire. EXTINCTION DES PRIVILEGES PAR VENTE JUDICIAIRE – La saisie et la vente judiciaire au Danemark d’un navire sous pavillon turc éteint tous les privilèges antérieurs. VALIDITE DE L’IMMATRICULATION AU REGISTRE MALTAIS NON SOUMISE A LA RADIATION AU REGISTRE TURC – Droits du créancier en vertu du droit turc inopposables dans la vente judiciaire du navire maltais par un tribunal sud-africain. Sur ordre des propriétaires ou des administrateurs d’un navire turc, du carburant a été livré à Singapour et en Chine. Le fournisseur n’ayant pas été payé, il a obtenu un “droit de gage” en vertu du droit turc dans une action ex parte engagée devant un tribunal turc. Le navire a fait l’objet d’une saisie à la demande d’autres créanciers au Danemark puis d’une vente judiciaire, et l’acheteur a procédé à une nouvelle immatriculation à Malte. Cependant, le bateau n’a pas été radié du registre turc. Après quelque temps, le navire a de nouveau été saisi par de nouveaux créanciers et vendu par ordre d’un tribunal maritime sud-africain. Le fournisseur de carburant ont invoqué la priorité de leur créance sur les produits de la vente en vertu du droit turc. Le juge sud-africain a relevé que la fourniture de carburant ne constituait pas une créance maritime en vertu du droit turc qui a mis en œuvre la Convention de 1926 parce que l’article 2(5) de la Convention n’accorde de créance privilégiée que pour les services fournis en vertu de contrats passés par le capitaine en vertu de ses pouvoirs légaux et hors du port d’attache. La Cour a également observé que la vente du navire par le tribunal maritime danois pour satisfaire les demandes des créanciers privilégiés qui avaient obtenu la saisie éteignait tous les droits antérieurs tant en vertu de l’article 9 de la Convention de 1926 qu’en vertu du droit danois qui est calqué sur l’article 11 de la Convention de 1967. Enfin, la Cour a estimé que si le navire n’avait jamais été radié du registre turc, une telle radiation n’était pas une condition en vertu du droit maltais pour une nouvelle immatriculation sous pavillon maltais. En conséquence, le navire se trouvait immatriculé à Malte lors de sa saisie et de sa vente en Afrique du Sud, de sorte que les droits que le fournisseur aurait pu tenir du “droit de gage” turc à l’encontre d’un navire battant pavillon turc ne pouvaient être exécutés sur les produits de la vente du navire sous pavillon maltais. Décision non publiée. Sommaire aimablement communiqué (en anglais) par Michael Marks Cohen, Esq. Rev. dr. unif. 2004-1 199 Résumés de jurisprudence – Droit aérien CONVENTION POUR L’UNIFICATION DE CERTAINES REGLES RELATIVES AU TRANSPORT AERIEN INTERNATIONAL (Varsovie, 1929) CONV. VARSOVIE 1929 − FRANCE Articles 24, 26 et 30 de la Convention. COUR D’APPEL DE VERSAILLES (12ème Ch.) − 4.IX.2003 − Sté Mutuelle électrique d’Assu- rances et autres contre Cie Royal Air Maroc. DROIT D’ACTION contre le transporteur aérien − Question de savoir si un commissionnaire de transport ne figurant pas sur la lettre de transport aérien, mais ayant indemnisé son commettant, a qualité pour agir contre le transporteur aérien (oui). Chargé d’acheminer des marchandises de Casablanca (Maroc) à Dreux (France), un commissionnaire de transport organise leur transport par air jusqu’à l’aéroport d’Orly, où des avaries sont constatées par un transitaire. Trois jours plus tard, le destinataire adresse des réserves écrites au commissionnaire, qui les transmet au transporteur par l’intermédiaire du transitaire. Après avoir été partiellement indemnisé par ses assureurs, le commissionnaire de transport indemnise son commettant et se retourne ensuite, avec ses assureurs, contre le transporteur aérien. Leur action est déclarée irrecevable en première instance pour défaut de qualité à agir, mais le jugement est partiellement infirmé en appel. En application des articles 24(1) et 30(3) * de la Convention, le droit d’action contre le transporteur aérien est strictement limité aux parties au contrat de transport, c’est-à-dire à l’expéditeur et au destinataire dont les noms figurent sur la lettre de transport aérien ou à ceux qui leur sont régulièrement subrogés. Or, en l’espèce, le commissionnaire de transport n’est mentionné sur la lettre de transport aérien ni en qualité de destinataire, ni en qualité d’expéditeur. Toutefois, en indemnisant son commettant, il a exécuté son obligation légale de garantie et s’est trouvé légalement subrogé dans les droits du destinataire. Par conséquent, le commissionnaire de transport a qualité pour agir contre le transporteur aérien − d’autant plus que le destinataire a régulièrement protesté dans le délai de quatorze jours prévu par l’article 26 de la Convention, des réserves écrites ayant été adressées au transporteur aérien par l’effet d’une chaîne de réclamations. En revanche, les assureurs du commissionnaire de transport ne disposent pas d’une telle qualité pour agir : subrogés dans les droits et actions de leur assuré antérieurement à la subrogation légale consentie au commissionnaire, ce dernier n’a pas pu leur transmettre un droit d’action dont il n’était pas encore titulaire. * Il faut observer que l’article 30 de la Convention, invoqué au soutien d’une stricte limitation de la qualité à agir contre le transporteur aérien, concerne exclusivement l’hypothèse d’un transport exécuté par plusieurs transporteurs par air successifs, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Bulletin des transports et de la logistique 2003, 798. Sommaire et commentaires aimablement communiqués (en français) par Mlle Anne-Isabelle Anfray. 000 Rev. dr. unif. 2004-1 201 Résumés de jurisprudence – Droit aérien CONV. VARSOVIE 1929 − FRANCE Article 26 de la Convention. CONV. GUADALAJARA 1961 − FRANCE Article 1(c) de la Convention. COUR D’APPEL DE PARIS (5ème Ch., section A) − 24.IX.2003 − SA Air Afrique contre SA Saga Air Transport et autres. TRANSPORTEUR DE FAIT − Question de savoir si le transporteur aérien qui sous-traite l’exécution effective du transport est un transporteur de fait (non) − Conséquence : recevabilité de son recours en garantie contre le sous-traitant, malgré une clause de renonciation à recours de la compagnie exploitante à l’égard de la compagnie assistante. RESPONSABILITE du transporteur de fait − Marchandises présumées intactes en l’absence de réserves à la prise en charge − Réserves dûment émises à destination − Responsabilité. Un expéditeur confie à la société Saga Air Transport l’acheminement de marchandises par voie aérienne de Lyon (France) à Bangui (République centrafricaine). Cette société sous-traite l’entière opération à Air France qui émet une lettre de transport aérien et transporte la marchandise de Lyon à Roissy, avant de confier le transport sur le reste du trajet à Air Afrique. A destination, des dommages sont constatés et des réserves sont portées sur la lettre de transport aérien. Une action en réparation est alors engagée contre les sociétés Saga Air Transport et Air France, cette dernière appelant en garantie la société Air Afrique en qualité de transporteur de fait. Après avoir condamné Saga Air Transport dans la limite des plafonds de responsabilité prévus par la Convention de Varsovie, le tribunal de commerce condamne Air France, en qualité de transporteur contractuel, et Air Afrique, transporteur de fait, à garantir respectivement Saga Air Transport et Air France de cette condamnation. Faisant appel de ce jugement, la société Air Afrique conteste le recours en garantie d’Air France. Elle invoque en effet l’existence, dans la convention d’assistance conclue avec cette dernière, d’une clause de renonciation à recours de la compagnie exploitante à l’égard de la compagnie assistante. Mais la cour d’appel rejette cet argument : Air France ne peut pas être qualifiée de compagnie exploitante puisque, en plus de figurer expressément au contrat comme compagnie assistante, elle n’est pas transporteur de fait au sens de la Convention de Guadalajara applicable en la cause. En effet, c’est la société Air Afrique qui a effectué le transport de Paris à Bangui, Air France ayant la qualité de transporteur contractuel pour ce trajet. Quant à la responsabilité de la société Air Afrique pour les dommages causés à la marchandise, la cour d’appel observe que des réserves ont été émises à Bangui dans le délai et les formes prévues par l’article 26 de la Convention de Varsovie, qu’elles ont été visées par Air Afrique et qu’elle lui sont donc opposables. En outre, la société Air Afrique ne justifie pas avoir formulé de réserves lors de sa prise en charge de la marchandise à Paris, qui est dès lors présumée lui avoir été remise intacte. Arrêt obtenu auprès de la Cour d’appel de Paris ; extraits publiés au Bulletin des transports et de la logistique 2003, 775. Sommaire aimablement communiqué (en français) par Mlle Anne-Isabelle Anfray. 000 Rev. dr. unif. 2004-1 203 Résumés de jurisprudence – Droit aérien / Transport routier CONV. VARSOVIE 1929 – ETATS-UNIS D’AMERIQUE Article 17 de la Convention. SUPREME COURT OF THE UNITED STATES, 24.II.2004 – Olympic Airways v. Husain. “ACCIDENT” – Refus de l’assistant de vol de consentir à la demande d’un passager asthmatique d’être changé de place dans une zone non-fumeur de l’avion constitue un “accident” en vertu de la Convention. Sur un vol entre la Grèce et les Etats-Unis d’Amérique, un passager assis à quelques rang de la zone fumeurs a demandé à une hôtesse à être changé de place. L’hôtesse a refusé à trois reprises, alors qu’il y avait des places libres et que d’autres passagers auraient pu accepté de lui céder leur place. Le passager est décédé durant le voyage, par suite d’une réaction anaphylactique à la fumée de cigarette. L’inaction de l’assistant de vol dérivant de son refus de replacer le passager a été le fait ayant produit le préjudice, et parce qu’il s’agissait d’un comportement inattendu et inhabituel, il constituait un “accident” au sens de l’article 17 de la Convention de Varsovie. La Supreme Court n’a pas suivi le raisonnement de la jurisprudence anglaise et australienne des cours d’appel s’agissant du défaut des compagnies aérienne de mettre en garde contre le risque de thrombose veineuse – mais elle n’a pas débattu de la question de savoir si cette jurisprudence était contraire à sa propre conclusion. 124 S. Ct. (West’s Supreme Court Report) 1221 (2004). Sommaire aimablement communiqué (en anglais) par Michael Marks Cohen, Esq. 000 CONVENTION RELATIVE AU CONTRAT DE TRANSPORT INTERNATIONAL DE MARCHANDISES PAR ROUTE (CMR) (Genève, 1956) CONV. GENEVE 1956 (CMR) − AUTRICHE Article 31 de la Convention. OBERSTER GERICHTSHOF (Cour suprême) – 12.VI.2001 – (4 Nd 508/01). Champ d’application – Compétence juridictionnelle – Compétence internationale. Le demandeur a intenté une action contre les défendeurs en paiement des frais de transport pour le transport à vide. Le défendeur avait passé un contrat avec le demandeur pour transporter des marchandises d’Allemagne en Autriche et ce dernier avait sous-traité le transport à un autre transporteur. Le défendeur a résilié le contrat de transport 90 minutes avant de charger les marchandises et le demandeur, qui a été dans l’impossibilité de trouver un chargement de remplacement a été contraint de faire voyager le camion à vide au lieu de destination en Autriche. La compétence internationale des juridictions autrichiennes était notamment en cause. L’article 31 CMR règle la compétence internationale, et le tribunal interne est ensuite déterminé ratione materiae par application du § 28 des règles de compétence autrichiennes (JN). Rev. dr. unif. 2004-1 205 Résumés de jurisprudence – Transport routier Il faut toutefois établir si l’article 31 exige qu’il y ait eu un transport effectif puisque son libellé se réfère à la prise en charge de la marchandise par le transporteur. La Cour a jugé que la CMR s’applique au contrat de transport en tant que tel et n’exige pas que le transport à proprement parler ait commencé, puisqu’il se réfère implicitement à l’article premier qui soumet à la CMR les contrats de transport. En outre, la Cour a jugé que l’article 31 permet de déterminer la compétence internationale aussi pour ce qui est des réclamations pour inexécution puisqu’il prévoit que toutes les actions concernant l’exécution partielle du contrat de transport devront être intentées devant les mêmes juridictions. En conséquence, les juridictions autrichiennes sont compétentes en vertu de l’article 31(1)(b). Rechtsinformationssystem Justiz (http://www.ris.bka.gv.at/jus/). Sommaire aimablement communiqué (en anglais) par le Professeur Karsten Otte. 000 CONV. GENEVE 1956 (CMR) − AUTRICHE Articles 3, 14, 15, 16(2) et 17 de la Convention. OBERSTER GERICHTSHOF – 16.V.2002 – (6 Ob 90/02g). EMPECHEMENTS à la livraison – Entreposage intermédiaire de la marchandise en vue de son transport par un transporteur successif – Fin du transport (non) – Responsabilité du transporteur (oui). Un transporteur a été chargé de transporter des lampes et d’autres marchandises en Autriche. Le camion articulé du transporteur n’a pu parvenir à destination, de sorte que le commissionnaire a demandé au transporteur de décharger, d’entreposer provisoirement les marchandises, et de les recharger sur un véhicule plus petit pour poursuivre le transport. Les marchandises ont disparu alors qu’elles se trouvaient sous la garde du transporteur substitué. Une action a été intentée contre le commissionnaire, qui a invoqué pour l’essentiel que le transport avait pris fin conformément à l’article 16(2) CMR et que lui-même et le transporteur ne devaient répondre que du choix fautif du sous-traitant. La Cour a considéré que s’agissant en l’espèce d’un transport collectif, en vertu du § 413 HGB (Code de commerce autrichien), la loi spécifique du transport était applicable et que, en vertu du § 439a HGB, la CMR régit aussi le transport routier purement interne. Si lors du transport, le lieu de livraison ne peut être atteint pour des raisons techniques par le premier véhicule choisi, et le transporteur routier décide de transférer les marchandises sur un véhicule plus petit appartenant à un autre transporteur routier (le transporteur substitué) pour exécuter le transport, un tel transfert (avec déchargement et nouveau chargement) n’implique pas la fin du transport au sens de l’article 16(2) CMR. L’entreposage intermédiaire doit être considéré comme intégré dans le transport dès lors que le transporteur entend poursuivre le transport en transférant les marchandises sur un autre véhicule appartenant à un transporteur substitué. Le premier transporteur répond du choix du transporteur qu’il s’est substitué (bien que la violation de l’obligation de diligence ne soit pas aisée à rapporter), mais il répond également de la faute du transporteur substitué si les marchandises sont endommagées ou perdues pendant qu’elles sont sous la garde de ce dernier.* * La 6ème chambre s’est ici prononcée dans un sens différent de la jurisprudence de la 2ème chambre. Voir : cf. OGH 15.IV.1993, 2 Ob 591/92. Transportrecht 2002, 403. Sommaire aimablement communiqué (en anglais) par le Professeur Karsten Otte. Rev. dr. unif. 2004-1 207 Résumés de jurisprudence – Transport routier CONV. GENEVE 1956 (CMR) − FRANCE Article 32 de la Convention. COUR D’APPEL DE PARIS (5ème Ch., section A) − 28.V.2003 − Sté SET Poilleux contre Sté IBM France et autres. FAUTE LOURDE − Marchandises tombées du véhicule lors du déchargement − Contrat de transport en cours (oui) − Déclarations mensongères du commissionnaire-expéditeur quant au poids des marchandises − Obligation du transporteur de vérifier d’office le poids (non) − Faute lourde du commissionnaire-expéditeur (oui) − Délai de prescription porté à trois ans. Une société anglaise confie à deux commissionnaires de transport l’acheminement de matériels informatiques à destination de sa filiale à Montpellier (France). L’envoi est scindé en deux transports routiers que les commissionnaires sous-traitent à un voiturier, ce dernier se substituant à son tour un confrère. Une lettre de voiture internationale est alors émise, mentionnant l’un des commissionnaires comme expéditeur. Une partie de la marchandise étant tombée du véhicule lors du déchargement à Montpellier, les sociétés expéditrice et destinataire assignent en réparation chacun des intervenants de la chaîne de transport. C’est ainsi que le dernier transporteur est condamné à réparer l’intégralité du préjudice, en raison d’une faute lourde retenue à sa charge en première instance. Il fait appel de cette décision. Après avoir écarté l’argument tiré de la terminaison du contrat de transport au moment de l’accident − peu important que des colis aient été préalablement déchargés dans un autre local du destinataire −, la cour d’appel recherche les causes du sinistre. Un rapport d’expertise constate que la marchandise a été dessanglée trop tôt par le transporteur, mais il révèle surtout que les grilles de retenue du camion ont cédé en raison d’une surcharge, le poids réel de l’envoi étant de 13 tonnes, au lieu des 4,5 tonnes déclarées sur la lettre de voiture par le commissionnaire-expéditeur. Le voiturier a donc commis une faute, mais elle est légère, ce qui permet d’appliquer les limites de responsabilité prévues par la Convention. En outre, elle n’aurait pas eu d’incidence si les informations fournies quant au poids de l’envoi avaient été correctes, ce que le transporteur n’avait pas l’obligation de vérifier d’office. En revanche, le commissionnaire-expéditeur a délibérément inscrit une fausse information sur le document de transport, commettant ainsi une faute lourde confinant au dol qui porte le délai de prescription à trois ans en application de l’article 32 de la Convention. Arrêt obtenu auprès de la Cour d’appel de Paris ; extraits publiés au Bulletin des transports et de la logistique 2003, 435. Sommaire aimablement communiqué (en français) par Mlle Anne-Isabelle Anfray. 000 CONV. GENEVE 1956 (CMR) − FRANCE Article 2 de la Convention. COUR D’APPEL DE PARIS (5ème Ch., section B) − 25.IX.2003 − Sté SCAC Méditerranée contre SA Compagnie Marocaine de Navigation. Rev. dr. unif. 2004-1 209 Résumés de jurisprudence – Transport routier TRANSPORT SUPERPOSE − Remorque chargée en pontée − Tempête provoquant des avaries − Question de savoir si le transporteur maritime a commis une faute en opérant un chargement en pontée (non) − Question de savoir si l’émetteur de la lettre de voiture peut se prévaloir de la tempête comme cause d’exonération en application du droit maritime (non). Une société se voit confier le transport de plusieurs colis de vêtements de Casablanca (Maroc) à Saran (France). Après avoir chargé la marchandise dans une remorque et émis une lettre de voiture internationale couvrant l’ensemble du trajet, elle se substitue, pour la partie maritime de Casablanca à Sète (France), un transporteur maritime qui charge la remorque en pontée. Pendant la traversée, une tempête provoque d’importants dommages à la remorque et à son chargement. Une action en réparation est alors engagée contre la société, qui appelle en garantie le transporteur maritime. Déclarée seule responsable des avaries par le tribunal de commerce, elle fait appel de cette décision et avance deux arguments : d’une part, elle dispose d’un recours en garantie contre le transporteur maritime qui, aux termes de la loi française du 18 juin 1966, a commis une faute en opérant un chargement en pontée sans l’aviser ; d’autre part, la tempête constitue un événement non imputable au transporteur maritime qui l’exonère de sa responsabilité, en qualité de transporteur international routier, par application combinée des articles 2 de la CMR et 27 a) de la loi de 1966. La cour d’appel rejette ces prétentions. Sur le chargement en pontée, elle relève que le connaissement sous lequel a été effectué le transport maritime comporte une clause autorisant un tel chargement. En signant ce document, la société appelante en a donc nécessairement pris connaissance. En outre, en sa qualité de commissionnaire de transport tenu de la bonne exécution du transport de bout en bout, elle aurait dû donner au transporteur maritime l’instruction de charger les marchandises en cale. Ce dernier n’a donc commis aucune faute et ne peut être appelé à garantir l’appelante. Quant à l’exonération de responsabilité sollicitée sur le fondement du droit maritime français, la cour d’appel estime que l’appelante ne démontre pas la survenance d’un événement non imputable au transporteur *. En effet, la tempête ne présentait pas, dans la zone (Atlantique) et à l’époque (décembre) où elle s’est produite, un caractère exceptionnel ni une violence inhabituelle caractérisant les conditions d’imprévisibilité et d’irrésistibilité. En outre, il n’est pas exclu que les avaries par mouille résultent également de la mauvaise étanchéité de la remorque. * Cet arrêt suscite quelques remarques. D’abord, on peut s’interroger sur l’application de la loi française dans le contexte international de l’espèce, ce qui s’explique peut-être par le refus des juges d’appliquer la Convention de Hambourg de 1978, seule en vigueur au Maroc mais non ratifiée par la France. Ensuite, on peut douter que les juges aient réellement mis en œuvre le mécanisme de l’article 2 de la CMR, visé seulement dans les conclusions de l’appelante qui allègue sa qualité de transporteur international routier. N’ont-ils pas plutôt tiré les conséquences logiques de la qualification, précédemment retenue, de commissionnaire de transport tenu de la bonne exécution du transport de bout en bout ? Un commissionnaire est en effet garant de son substitué dans les conditions et limites applicables à ce dernier, à savoir, en l’espèce, dans les conditions et limites du droit maritime. Inutile, pour cela, de recourir à l’article 2 de la CMR ; d’autant plus que ce texte permet d’opérer un renvoi aux seules “dispositions impératives” de la loi concernant le transport de marchandises par le mode non routier, en l’absence desquelles on revient à la CMR. Or, dans la loi française du 18 juin 1966, comme dans la Convention de Bruxelles de 1924, le transport maritime en pontée ne fait l’objet d’aucune disposition impérative. Dès lors, soit la cour d’appel n’a pas fait application de l’article 2 de la CMR, soit elle n’en a pas tiré toutes les conséquences. Arrêt obtenu auprès de la Cour d’appel de Paris ; extraits publiés au Bulletin des transports et de la logistique 2003, 793. Sommaire et commentaires aimablement communiqués (en français) par Mlle Anne-Isabelle Anfray. 000 Rev. dr. unif. 2004-1 211 Résumés de jurisprudence – Transport routier CONV. GENEVE 1956 (CMR) − FRANCE Article 17(2) de la Convention. COUR DE CASSATION (Ch. com., fin. et éco.) − 8.X.2003 − N° pourvoi: 02-10877 − Sté Aig Russia contre Sté Sagatrans Sud. EXONERATION de la responsabilité du transporteur − Vol avec agression sur le parking d’une station-service en Allemagne − “Circonstances que le transporteur ne pouvait pas éviter et aux conséquences desquelles il ne pouvait pas obvier” (oui). Chargé d’acheminer des produits cosmétiques depuis la France vers la Lituanie, la Lettonie et la Russie, un commissionnaire de transport se substitue un transporteur routier pour la réalisation de l’opération. Au cours du transport, les marchandises sont volées, le chauffeur alléguant avoir été agressé dans les toilettes d’une station-service allemande. Une action en réparation est alors engagée contre le commissionnaire, qui appelle en garantie le voiturier ; mais la cour d’appel rejette la prétention du demandeur sur le fondement de l’article 17(2) de la Convention, considérant qu’en l’espèce le vol avec agression exonère le transporteur et le commissionnaire de toute responsabilité. Au pourvoi, le demandeur reproche à la cour d’appel d’avoir inversé la charge de la preuve : c’est au transporteur qu’il incombe de rapporter la preuve de circonstances exonératoires de sa responsabilité ; or il ne démontre pas que le vol n’a pas été commis par son chauffeur − contre lequel il a d’ailleurs porté plainte −, de même qu’il ne prouve pas avoir pris toutes les mesures nécessaires pour en éviter la réalisation. Mais la Cour de cassation considère que les juges du fond, en retenant l’absence d’implication du chauffeur dans le vol, ont exercé leur pouvoir souverain d’appréciation des éléments de preuve. Par ailleurs, ils ont correctement fait ressortir que le transporteur avait pris toutes les mesures nécessaires pour éviter la réalisation du vol avec agression, celui-ci ayant eu lieu en Allemagne, sur le parking d’une station-service, “c’est-à-dire dans un pays sans dangerosité particulière et dans un lieu de parking normal pour un chauffeur” *. * L’indulgence dont fait preuve la Cour de cassation dans cet arrêt contraste avec l’attitude sévère parfois adoptée dans des cas d’espèce similaires. Ainsi, par exemple, l’attaque à main armée d’un chauffeur stationnant sur une aire de repos d’autoroute en France n’a pas été considérée comme exonératoire au sens de l’article 17(2) de la Convention (Cour de cassation (Ch. com., fin. et éco.) − 15.X.2002 − N° pourvoi : 00-14203 − Sté Transports Maes contre Sté Lévi Strauss − www.legifrance.gouv.fr). www.legifrance.gouv.fr ; extraits publiés au Bulletin des transports et de la logistique 2003, 690. Sommaire et commentaires aimablement communiqués (en français) par Mlle Anne-Isabelle Anfray. 000 CONV. GENEVE 1956 (CMR) − FRANCE Convention inapplicable. COUR D’APPEL DE PARIS (5ème Ch., section A) − 12.XI.2003 − SA Calberson Europe Ile-deFrance contre Cie Axa Corporate Solutions et autres. DETERMINATION DU DROIT APPLICABLE − Vol survenu dans les locaux d’un entrepo- sitaire − Convention inapplicable. Rev. dr. unif. 2004-1 213 Résumés de jurisprudence – Transport routier Suivant lettre de voiture internationale, une cargaison de parfums est confiée à un commissionnaire de transport pour être acheminée de France en Grande-Bretagne, dans les locaux d’un prestataire chargé de l’entreposer avant livraison aux destinataires finaux. Un vol étant survenu dans ces locaux, l’assureur de l’expéditeur assigne le commissionnaire et son substitué devant le tribunal de commerce de Paris. Celui-ci juge que l’entrepositaire a commis une faute lourde le privant, ainsi que le commissionnaire, des limitations de responsabilité prévues par la Convention. En appel, l’un et l’autre défendeur revendiquent l’application de la loi anglaise et des conditions générales standard de la British International Freight Association (BIFA) qui prévoient une exonération de responsabilité en cas de diligence raisonnable. Ils soutiennent en outre qu’il n’y a pas eu faute lourde les privant du bénéfice des limitations de responsabilité prévues tant par les conditions BIFA que par la Convention. Sur le droit applicable, la cour d’appel considère que, si les conditions BIFA s’appliquent dans les relations contractuelles du commissionnaire avec son substitué, elles ne sont pas opposables à l’expéditeur. En effet, une action contractuelle directe ne peut être exercée par l’expéditeur contre un opérateur auquel recourt le commissionnaire de transport que si la prestation considérée est accessoire au contrat de transport. Or ce n’est pas le cas d’une prestation d’entreposage distincte du contrat de transport qui, en l’espèce, avait pris fin à la livraison de la cargaison dans les locaux de l’entrepositaire désigné comme destinataire dans la lettre de voiture. Pour cette même raison, la Convention n’a d’ailleurs pas non plus vocation à s’appliquer, laissant la place au droit français pour apprécier les responsabilités. De là, la cour d’appel caractérise l’existence de plusieurs fautes lourdes imputables à l’entrepositaire − engageant ainsi la responsabilité solidaire du commissionnaire de transport − et juge qu’il y a lieu à réparation intégrale. Arrêt obtenu auprès de la Cour d’appel de Paris ; extraits publiés au Bulletin des transports et de la logistique 2003, 773. Sommaire aimablement communiqué (en français) par Mlle Anne-Isabelle Anfray. 000 GENEVA CONV. 1956 (CMR) – ALLEMAGNE Article 12(5)(a) de la Convention. BUNDESGERICHTSHOF – 4.VII.2002 – (I ZR 302/99). NOUVELLES INSTRUCTIONS AU TRANSPORTEUR – Instructions communiquées orale- ment – Impossibilité du transporteur de respecter les instructions – Transporteur responsable (non). Un vendeur allemand a fait transporter un chargement de tissus à un acheteur destinataire à Athènes (Grèce) par un transporteur allemand et un transporteur substitué grec. Le vendeur a donné instructions par téléphone au transporteur de ne pas livrer la marchandise à l’acheteur qui était en difficultés financières. Le transporteur a communiqué par télécopieur ces instructions au transporteur substitué grec qui n’a pu joindre à temps son chauffeur, et la marchandise a été livrée. L’acheteur destinataire n’a pas versé la totalité du paiement et le vendeur a subi un préjudice Celui-ci a mis en cause la responsabilité du transporteur. Dans une relation contractuelle soumise à la CMR, les parties sont en droit de modifier leur contrat initial par des instructions écrites et elles peuvent convenir que de telles instructions s’imposent au transporteur alors même que les conditions de forme établies à l’article 12(5)(a) Rev. dr. unif. 2004-1 215 Résumés de jurisprudence – Transport routier CMR ne sont pas respectées. En l’espèce, l’expéditeur n’avait pas remis de lettre de voiture au transporteur ainsi que le requiert l’article 5(1) CMR, et les instructions n’y étaient donc pas reportées. Le Bundesgerichtshof a estimé qu’un accord de cette nature (qui n’avait pas été fait par écrit et qui n’était pas reporté dans la lettre de voiture) devait être soumis à des conditions strictes puisqu’il entraînait pour le transporteur la perte de la protection en vertu de l’article 12(5)(a). Une telle perte de protection ne pouvait pas être présumée si le transporteur avait accepté les marchandises sans lettre de voiture, ou si le transporteur avait bien voulu par courtoisie exécuter les instructions données oralement. Enfin, il fallait tenir compte du fait que le défendeur transporteur ne pouvait s’assurer que les instructions étaient transmises au conducteur du transporteur substitué qui, en l’occurrence, était déjà en train de livrer la marchandise à l’acheteur destinataire et que l’expéditeur ne pouvait pas escompter que le transporteur serait en mesure de le faire. Transportrecht 2002, 399; 37 European Transport Law (2002), 817. Sommaire aimablement communiqué (en anglais) par M. le Professeur Karsten Otte. 000 CONV. GENEVE 1956 (CMR) − ALLEMAGNE Article 31(2) de la Convention. BUNDESGERICHTSHOF – 20.XI.2003 (I ZR 294/02) BUNDESGERICHTSHOF – 20.XI.2003 (I ZR 102/02). COMPETENCE JURIDICTIONNELLE – For du transport – Compétence – Lis pendens – Action en constatation de non-responsabilité formée avant l’action en exécution – Application à l’article 31(2) CMR des principes d’interprétation de la Convention de Bruxelles de 1968 (non). Dans l’affaire I ZR 294/02, le demandeur (assureur de l’expéditeur A) a intenté une action en responsabilité contre le commissionnaire défendeur devant le Tribunal de Hambourg pour la perte des marchandises. Le commissionnaire avait sous-traité le transport à K, qui avait luimême mandaté un autre transporteur. Le dernier sous-traitant était un transporteur hollandais, W. Transport B.V., qui a perdu une bonne partie du chargement durant le transport entre Rotterdam (Pays-Bas) et Langenfeld (Allemagne). Le défendeur contestait la compétence du tribunal allemand du fait que le transporteur K avait formé à l’encontre de l’assureur devant la Cour de Rotterdam une action en constatation de non-responsabilité en vertu de l’article Article 31(1) CMR. Dans l’affaire I ZR 102/02, le demandeur était également l’assureur d’un commissionnaire allemand qui avait formé une action en 2000 devant un tribunal allemand contre un transporteur hollandais pour des dommages dus à la perte de la marchandise durant un transport effectué par un transporteur successif belge entre l’Allemagne et la Belgique. L’action en déclaration de non-responsabilité du transporteur hollandais contre l’assureur, sur le fondement de l’article 31(1) CMR était pendante en Belgique depuis décembre 1999. Le Bundesgerichtshof a estimé que dans les deux cas (malgré le fait qu’il ne s’agissait pas des mêmes parties dans la première affaire), il n’y avait pas lieu d’accueillir le moyen de la lis alibi pendens pour les actions formées antérieurement à Rotterdam et en Belgique en vertu de Rev. dr. unif. 2004-1 217 Résumés de jurisprudence – Transport routier / Transport par chemin de fer l’article 31(2) CMR – contrairement aux conclusions de la Cour de Justice des Communautés européennes dans les affaires Gubisch/Palumbo et Tatry/Maciej Rataj concernant l’article 21 de la Convention de Bruxelles sur la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale. La CMR doit être interprétée de façon autonome : l’article 31(1) offre le choix du for au demandeur créancier pour intenter l’action se rapportant à l’exécution, aux dommages-intérêts ou au paiement en vertu du contrat de transport, mais ne s’applique pas aux actions en déclaration de non-responsabilité car le choix du for se trouverait affecté par un jugement déclaratif de non-responsabilité du débiteur. Juris (www.juris.de.) Sommaire aimablement communiqué (en anglais) par le Professeur Karsten Otte. 000 COTIF 1980 – REGLES UNIFORMES CONCERNANT LE CONTRAT DE TRANSPORT INTERNATIONAL FERROVIAIRE DES MARCHANDISES (CIM) COTIF–CIM 1980 – AUTRICHE Articles 1 et 51 des Règles Uniformes CIM. OBERSTER GERICHTSHOF, 28.II.2001 – 7 Ob 275/00t. DROIT APPLICABLE A LA RESPONSABILITE – Commissionnaire de transport à coûts fixes – Caractère impératif des Règles uniformes CIM – Assurance Une SARL dont le siège est à Vienne (Autriche) a été chargée du transport de lait en poudre d’Allemagne en Turquie par voie ferrée à coûts fixes par tonne (“Fixkostenspediteur” – ci-après commissionnaire de transport à coûts fixes). Les coûts supplémentaires à régler, entre autres une assurance, ne représentaient qu’une part relativement minime. Les parties ont convenu l’application des “AÖSp” (Allgemeine Österreichische Spediteurbedingungen – Conditions générales des commissionnaires autrichiens). Une durée maximale de transport de 10 jours avait été convenue entre les parties. Cependant, la durée effective était d’un mois. A cause de ce dépassement du délai de livraison, un dommage s’est produit, étant donné que le destinataire a dû effectuer un achat de couverture, y compris les coûts d’une nouvelle lettre de crédit et frais annexes. L’action en dommages et intérêts a été intentée par le donneur d’ordre contre le commissionnaire de transport à coûts fixes et son assureur. Le tribunal de première instance (Handelsgericht Wien) a rejeté la demande. La demanderesse a fait appel. La Cour d’Appel (Oberlandesgericht Wien) a reconnu que les constatations du tribunal de première instance ne suffisaient pas pour pouvoir juger quelles règles sont applicables et si le cas litigieux est soumis aux Règles uniformes CIM. La Cour d’Appel a déclaré qu’un recours pourrait être porté devant la Cour Suprême (Oberster Gerichtshof), étant donné qu’il n’existe pas de jurisprudence à ce sujet. Les défendeurs ont fait usage de ce moyen. En raison des constatations insuffisantes par le tribunal de première instance, la Cour Suprême, elle non plus, n’a pas été en mesure de décider si les conditions pour l’application des Règles uniformes conformément à leur article 1er § 1 étaient remplies. Selon les Rev. dr. unif. 2004-1 219 Résumés de jurisprudence – Transport par chemin de fer constatations, il était jusqu’alors seulement clair que le territoire de deux Etats membres était emprunté ; il restait cependant en suspens le fait de savoir si une lettre de voiture directe était établie, quel accord était conclu par les parties au sujet des lignes sur lesquelles le transport de l’envoi devait s’effectuer et si ces lignes étaient inscrites sur les listes des lignes CIM (articles 3 et 10 de la COTIF, articles 1er, § 1 CIM). En effet, seul l’itinéraire convenu est déterminant et non celui par lequel l’envoi a été transporté effectivement (SPERA, Internationales Eisenbahnfrachtrecht, 1.3(7)). Il était cependant clair que le commissionnaire de transport à coûts fixes relève du droit de transport, en espèce du droit de transport international ferroviaire, lorsque les conditions requises sont remplies. Il s’agit d’une commission de transport à coûts fixes également dans le cas où seulement certains coûts individuels, qui ne représentent qu’une part minime des coûts totaux, font l’objet d’une facturation séparée. La Cour Suprême a par ailleurs souligné que les dispositions relatives à la responsabilité des Règles uniformes CIM sont à caractère impératif. Cela découle de l’harmonisation voulue du droit de transport ferroviaire spécial dans le cadre du trafic international. Pour cette raison, le commissionnaire de transport à coûts fixes ne peut pas invoquer une possibilité d’exonération de responsabilité en vertu des AÖSp. Dans la mesure où les Règles uniformes CIM prévoient une responsabilité, elles supplantent dans ce domaine l’application des AÖSp convenues. En ce qui concerne une prestation d’assurance résultant d’une assurance SVS (police d’assurance de commissionnaire de transport autrichien), l’application des AÖSp n’est, par contre, pas écartée, étant donné que les Règles uniformes CIM n’interdisent pas la conclusion d’une assurance SVS. Bulletin des transports internationaux ferroviaires, 1/2003, 10-13. Sommaire aimablement communiqué (en français) par Mme Eva Hammerschmiedová. 000 COTIF–CIM 1980 − FRANCE Articles 36 et 37 de la Convention. COUR D’APPEL DE PARIS (5ème Ch., section B) − 2.X.2003 − SA Novatrans contre SARL Logistra et autres. FERROUTAGE − Question de savoir si une société de ferroutage est responsable d’avaries résultant du mauvais verrouillage du conteneur fourni par l’expéditeur (non) − Application des conditions générales de ferroutage qui renvoient à la Convention CIM − “Risques particuliers inhérents“. Chargé d’acheminer un conteneur de riz d’Italie en France, un commissionnaire de transport fait appel, pour le transport de Modane * à Noisy-le-Sec, à une société de ferroutage qui prend en charge le conteneur sans réserve et confie à la SNCF la réalisation du transport ferroviaire. A l’arrivée en gare de Noisy-le-Sec, la société de ferroutage émet des réserves sur l’état extérieur du conteneur, dont une trappe mal verrouillée s’est ouverte en cours de transport, et constate des traces d’humidité sur la marchandise. Elle est alors assignée par le commissionnaire de transport qui souhaite obtenir réparation des avaries sur le fondement de l’article 36 de la Convention. Condamnée en première instance, la société de ferroutage fait appel et soutient que, en application des articles 36-3 et 37-2 de la Convention − à laquelle renvoient les conditions générales de ferroutage −, sa responsabilité ne peut pas être engagée dans la mesure où elle n’a pas pu vérifier le verrouillage du conteneur. En outre, selon ces mêmes conditions générales, elle n’est pas responsable du dommage trouvant son origine dans une anomalie du véhicule expédié. Rev. dr. unif. 2004-1 221 Résumés de jurisprudence – Transport par chemin de fer La cour d’appel accueille ce double argument. En effet, après avoir rappelé les clauses pertinentes des conditions générales de ferroutage, elle constate qu’en l’espèce l’avarie a pour origine un mauvais verrouillage du dôme du conteneur. Or, si la société de ferroutage est responsable du chargement du conteneur sur wagon, de son envoi par fer et de son déchargement, le verrouillage incombe à l’expéditeur − chargé de l’empotage − et rien n’établit qu’elle ait eu la possibilité de le vérifier. L’absence de réserves au chargement ne peut donc pas lui être reprochée. * La cour d’appel situe Modane en Italie, donnant ainsi un caractère international au trajet Modane-Noisyle-Sec, alors que Modane est un poste frontière français. Toutefois, la solution n’aurait pas été différente sans cette erreur. En effet, les conditions générales de ferroutage de l’Union internationale des sociétés de transport combiné Rail-Route (U.I.R.R.) renvoient à la Convention CIM pour déterminer la responsabilité des sociétés de ferroutage en régime international ; or la cour constate justement que l’application du régime international n’est pas contestée par les parties. L’autonomie de la volonté conduit donc à donner un caractère international à une opération de transport qui, géographiquement, ne l’est pas. Arrêt obtenu auprès de la Cour d’appel de Paris ; extraits publiés au Bulletin des transports et de la logistique 2003, 795. Sommaire aimablement communiqué (en français) par Mlle Anne-Isabelle Anfray. 000 COTIF 1980 – REGLES UNIFORMES CONCERNANT LE CONTRAT DE TRANSPORT INTERNATIONAL FERROVIAIRE DES VOYAGEURS ET DES BAGAGES (CIV) COTIF–CIV 1980 – ALLEMAGNE Articles 5, 8, 17(2), 35, 36 et 41 des Règles Uniformes CIV. LANDGERICHT HILDESHEIM, 13.II.2003 – 1 S 105/02. DROIT APPLICABLE A LA RESPONSABILITE de l’entreprise de transport ferroviaire – transport transfrontalier par train auto accompagné – Fardeau de la preuve. Par cet arrêt, le Landgericht Hildesheim a statué, en tant que Cour d’appel, sur la demande d’un voyageur dont le véhicule automobile a été endommagé au cours du transport international par train auto accompagné. Les dommages ont été occasionnés par des graffiti de tiers sur le véhicule, alors que celui-ci se trouvait sous la garde du chemin de fer. Il avait déjà été établi dans l’arrêt de la première instance (Amtsgericht Hildesheim) que le voyageur a le droit de l’action en dommages-intérêts contre l’entreprise de transport ferroviaire en vertu des Règles uniformes CIV. Le tribunal de première instance est toutefois parti de l’idée que la partie défenderesse n’avait pu obvier au dommage et que, de ce fait, il existe le motif d’exonération de responsabilité en vertu de l’article 35, § 2 des CIV. Le demandeur a poursuivi avec l’appel les droits qu’il avait fait valoir en première instance. La Cour d’appel a donné suite à la demande étant donné que le chemin de fer est responsable, indépendamment de toute faute, du dommage résultant de la perte totale ou partielle et de l’avarie des bagages survenues à partir de l’acceptation au transport jusqu’à la livraison. Conformément à l’article 17 § 2 et à l’article 41 des CIV, les véhicules automobiles font également partie des bagages. Rev. dr. unif. 2004-1 223 Résumés de jurisprudence – Transport par chemin de fer L’entreprise de transport ferroviaire n’a pas eu le droit d’évoquer le danger émanant des wagons ouverts et n’était pas exonéré de ce fait de sa responsabilité conformément au Règlement allemand relatif aux transports par chemins de fer (Eisenbahn-Verkehrsordnung – EVO), en combinaison avec § 427 du Code de commerce allemand (Handelsgesetzbuch – HGB), étant donné que, conformément au § 1 du EVO, les dispositions de l’EVO ne sont applicables en transport transfrontalier que si et dans la mesure où les Règles uniformes CIV ne stipulent différemment. Le fondement et l’étendue de la responsabilité sont cependant réglés en détail dans les articles 35 et 36 des CIV. L’article 35 § 3 des CIV ne prévoit, contrairement au § 427 HGB et à l’article 36 § 3 des Règles uniformes CIM, pas d’exonération de la responsabilité lors du transport en wagons découverts. L’entreprise de transport ferroviaire n’a pas pu non plus se décharger de sa responsabilité conformément à ses Conditions générales, selon lesquelles elle est uniquement responsable en cas de dol ou de faute lourde, lorsqu’elle enfreint des obligations contractuelles secondaires. Les Conditions générales ne sont pas applicables, dans la mesure où elles tendent à une modification des Règles uniformes CIV, étant donné que les règles relatives à la responsabilité prévues à l’article 35 ss. des CIV ne sont pas à la disposition des parties. Des conditions générales d’une entreprise de transport ferroviaire visant à modifier les Règles uniformes CIV sont, conformément aux articles 5 et 8 des CIV, sans effet. En ce qui concerne le motif d’exonération “événement inévitable”, le fardeau de la preuve incombe, conformément à l’article 36 § 1 des CIV, au chemin de fer *. Un événement est inévitable lorsque le dommage n’aurait pu être évité même en faisant preuve d’une diligence maximale et raisonnable selon les circonstances. En l’espèce, la partie défenderesse s’est limitée en fait à des constatations générales en ce qui concerne des mesures de sécurité. Une entreprise de transport ferroviaire ne satisfait pas à sa charge d’établir et de prouver au sens des articles 35, § 2, et 36 des CIV que les graffiti sur le véhicule d’un voyageur, alors que celui-ci était confié à la garde du chemin de fer, étaient inévitables, lorsqu’elle n’expose pas des mesures de sécurité concrètes visant à protéger les véhicules. Etant donné que la partie défenderesse n’a pas été en mesure de prouver que l’avarie du véhicule a constitué pour elle un événement qu’elle ne pouvait pas éviter et auquel elle ne pouvait pas obvier, la Cour d’appel a décidé que, conformément à l’article 35 des CIV, cette partie était responsable du dommage occasionné **. * Cette règle ne sera également pas modifiée par la nouvelle version de la COTIF/RU CIV (COTIF 1999, pas encore en vigueur) ** Maître Carsten Grau, Brême (Allemagne), constate dans sa remarque publiée dans le Bulletin des transports internationaux ferroviaires, Berne, 2/2003 : “Dans l’ensemble, le Landgericht de Hildesheim a pris une décision directrice qui correspond, de tous points de vue, à la philosophie déclarée de la COTIF : … La partie défenderesse devra adapter ses Conditions générales et prendre des mesures au niveau de l’exploitation afin d’assurer la protection des véhicules de ses passagers contre les graffiti.” Bulletin des transports internationaux ferroviaires, 2/2003, 40-45. Sommaire aimablement communiqué (en français) par Mme Eva Hammerschmiedová. 000 Rev. dr. unif. 2004-1 225 Résumés de jurisprudence – Compétence judiciaire CONVENTION CONCERNANT LA COMPETENCE JUDICIAIRE ET L’EXECUTION DES DECISIONS EN MATIERE CIVILE ET COMMERCIALE (Bruxelles, 1968) CONV. BRUX. 1968 (COMP. JUDICIAIRE) − FRANCE Articles 2, 6 et 10 de la Convention. COUR DE CASSATION (Ch. civ. 1) − 20.I.2004 − N° pourvoi : 01-00415. EXCEPTION D’INCOMPETENCE − Question de savoir si un assureur peut contester la compétence d’une juridiction étrangère devant laquelle il est appelé en garantie par son assuré (non). Au cours d’un transport de véhicules par chemin de fer d’Italie en France, des wagons sont endommagés lors d’un sinistre survenu en Italie. Leur propriétaire assigne en réparation le transporteur ferroviaire français et l’expéditeur italien devant le tribunal de commerce de Paris ; mais l’assureur de l’expéditeur, appelé en garanti par ce dernier, soulève l’exception d’incompétence des juridictions françaises au profit des juridictions italiennes du siège de son assuré et du lieu du sinistre. Le tribunal de commerce de Paris, confirmé en appel, retient sa compétence sur le fondement d’un lien de connexité entre les instances jointes − à savoir les deux actions principales et l’appel en garantie −, ce que conteste l’assureur qui invoque la violation des articles 2 et 6, alinéa 1, de la Convention. La Cour de cassation rejette le pourvoi. Après avoir constaté que l’expéditeur a accepté sans réserve la compétence du tribunal de commerce de Paris, devant lequel elle a assigné son assureur en contestant l’exception d’incompétence soulevée par ce dernier, la Cour retient qu’en application de l’article 10, alinéa 1, de la Convention, l’assureur peut être attrait devant le tribunal saisi de l’action de la personne lésée contre l’assuré, dès lors que cet assureur ne démontre pas la volonté de son assuré de le soustraire artificiellement à son juge naturel. www.legifrance.gouv.fr. Sommaire aimablement communiqué (en français) par Mlle Anne-Isabelle Anfray. 000 Rev. dr. unif. 2004-1 227