saint vincent de paul
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SAINT VINCENT DE PAUL Cet exposé est grandement inspiré du livre : Saint Vincent de Paul 1581 – 1981, Au temps de Saint Vincent de Paul et aujourd’hui, réalisé par l’équipe d’Animation Vincentienne, dans la collection des « fiches vincentiennes ». HISTOIRE D'UN REGARD SUR LE PAUVRE Un regard qui se forme, un regard qui cherche Un regard de l'intérieur (1581 – 1595) : Un regard de pauvre sur les pauvres Un regard de l'extérieur (1595 – 1617) Un regard qui se forme, un regard qui se fixe (1617) Gannes – Folleville, 25 janvier 1617 Châtillon, 20-23 août 1617 Un regard qui s’élargit et s’universalise (1618-1648) De la rencontre d’un pauvre à la découverte de tous les pauvres Du pauvre à Jésus-Christ, de Jésus-Christ au pauvre SAINT VINCENT, LE PARTAGE ET NOUS ! Notre rapport à l’homme… Tournez la médaille Les pauvres, nos seigneurs et nos maîtres Vous y trouverez Dieu Notre rapport à Jésus Il faut vivre comme Jésus-Christ, le vrai modèle Renoncez à vous-même, portez votre croix et me suivez Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres Justice et charité Aimons Dieu… Mais que ce soit aux dépens de nos bras Nous faisons justice et pas miséricorde Que tous les pauvres gagnassent leur vie HISTOIRE D'UN REGARD SUR LE PAUVRE Un regard qui se forme, un regard qui cherche Vous connaissez l'opération optique appelée l'accommodation : elle amène, progressivement et souvent par tâtonnement, l'oeil à des images de plus en plus nettes. C'est ainsi que le regard de Saint Vincent s'est formé et cherché : au début trop près, trop impliqué, puis trop éloigné. Un regard de l'intérieur (1581 – 1595) : Un regard de pauvre sur les pauvres Les premiers regards de Saint Vincent sur les pauvres ont été les regards portés sur ses parents, sa famille, ses voisins, son milieu. Vincent est né en avril 1581, dans une famille de pauvres laboureurs landais. C'est là qu'il vécut les 14 premières années de sa vie, très tôt soumis à la vie rude des gens des champs. Il expérimente ainsi de manière personnelle la pauvreté. Au cours de sa vie, la relation de Saint Vincent de Paul aux pauvres a été juste, parce que dès son enfance, il a perçu de l’intérieur les valeurs mais aussi les limites et les travers du monde dans lequel ces gens vivent. Il s’est rendu compte que ni les bonnes pensées, ni les belles paroles, ni même les ferventes prières ne suffisent devant la pauvreté, la misère et l'injustice. Un regard de l'extérieur (1595 – 1617) A 14 ans, le jeune Vincent quitte la ferme paternelle. Il veut changer de milieu social et s’écarter des pauvres. Son but est d’obtenir une situation qui lui permette de venir en aide à sa famille. Pour cela, Vincent s’oriente vers l’état ecclésiastique, voie d’ascension sociale la plus accessible pour les pauvres de l’époque. Après plusieurs années de formation, qu’il finance en travaillant, il est ordonné prêtre à 19 ans. En 1608, il entre dans le groupe d'aumôniers de la Reine Marguerite de Valois. Peu après, il devient pendant 16 mois responsable de la paroisse de Clichy, en milieu rural. C'est la première fois, depuis 12 ans de prêtrise, qu'il se retrouve en situation pastorale « au milieu des pauvres gens des champs ». Pourtant, Vincent refuse de rester à Clichy. En septembre 1613, il devient précepteur dans la grande famille des Gondi. Qu'en est-il alors de son regard sur le pauvre ? Depuis 1595, il s'est concentré sur l’acquisition d’une situation. Ce n'est pas de l'égoïsme : il considère que sa réussite et le retour au pays qui suivra sont un juste moyen de témoigner sa reconnaissance à sa famille. Les visites qu’il fait aux malades de l'Hôpital de la Charité en compagnie de Mme de Gondi affectent sa relation aux pauvres. Il voit en effet que la charité des Grands à l’égard des pauvres est entachée d’une volonté de sortir d'eux-mêmes, de leurs problèmes intérieurs, de leurs scrupules... Il voit aussi combien leurs grandes ressources matérielles et morales peuvent servir les pauvres. Un regard qui se forme, un regard qui se fixe (1617) En janvier 1617 donc, M. Vincent est précepteur dans la famille des Gondi. Il traverse alors une grave crise spirituelle et morale et vit dans le désenchantement. Deux événements vont le bousculer et redonner sens à sa vie. Gannes – Folleville, 25 janvier 1617 Un jour, Vincent est appelé auprès d’un mourant dans le village voisin ; le vieillard lui fait une confession publique et générale. Le lendemain, à la demande de Mme de Gondi, il lance un appel à la confession au cours d’un sermon dans la paroisse de Folleville. La réponse massive des villageois à cet appel lui fait brusquement prendre conscience de la vanité de sa vie de prêtre telle qu’il l’a vécue jusqu’à présent. En recherchant une place parmi les plus grands, il a laissé à l’abandon tous les pauvres gens des campagnes qui n’ont personne pour leur apporter le Christ ! Il décide alors de laisser tomber les Gondi pour aller évangéliser les pauvres paysans de Châtillon, dans la région de Lyon. Châtillon, 20-23 août 1617 Peu après son arrivée, on rapporte à Vincent le cas d’un malade vivant dans une situation misérable. Vincent et quelques femmes du village sont pris de compassion. Le prêtre, alors très occupé, demande aux femmes d’aller secourir le malheureux. Quelques jours après, il crée ce qui deviendra la toute première Fondation de Saint Vincent, une association de dames chargées de visiter et secourir tous les pauvres de la paroisse. Cet épisode lui fait prendre conscience qu’on ne peut évangéliser les pauvres qu’en les secourant, et que les laïcs ont un rôle capital à jouer dans cette mission. Pour le prêtre, il est nécessaire d’accorder aux pauvres la même attention qu’aux Grands. Bien plus, il faut avoir tout son regard, toute sa vision du monde centré sur les pauvres. Il pense alors rester toute sa vie un simple curé de campagne. Un regard qui s’élargit et s’universalise (1618-1648) Quelques mois après, cédant aux instances répétées des Gondi, Vincent quitte Châtillon. Il ne reprend pas pour autant sa place de précepteur et décide de se consacrer aux pauvres qui vivent sur les terres de la famille. Son action s’étend bien vite au-delà du territoire qu’il s’est assigné. De la rencontre d’un pauvre à la découverte de tous les pauvres A la suite de la visite d’un hôpital, Vincent élargit la mission des confréries fondées à la prise en charge des malades hospitalisés. Sa fonction d’aumônier général des galères, qui le met face à une nouvelle forme de misère, le pousse à élargir encore le champ d’action des Confréries. Petit à petit, les divers organismes fondés par le prêtre (les Confréries devenues mixtes, les Filles de la Charité, etc.) prennent en charge un nombre de plus en plus important de misères (enfants, vieillards, chômeurs, etc.). Le lieu géographique de l’action est lui aussi élargi, et s’étend jusqu’à Madagascar ! Vincent est sensible à toutes les formes de pauvreté, où qu’elles soient, et chaque fois qu’il en rencontre une nouvelle, il tente d’y apporter une réponse, jusqu’à sa mort en 1660. Du pauvre à Jésus-Christ, de Jésus-Christ au pauvre Peu à peu, Vincent apprend à relire sa vie à la lumière des Ecritures. Il est convaincu que c’est Dieu qui l’a conduit à la rencontre du pauvre… Deux phrases le frappent particulièrement : « Tu m’as envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres » (Lc 4,17) et « Ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » (Mt 25,46). La profondeur de sa démarche est résumée par cette évidence : « Le pauvre, c’est Jésus-Christ, et Jésus-Christ est dans le pauvre ! ». C’est pour cela que les pauvres sont « nos maîtres et seigneurs », et que nous devons avoir envers eux l’attitude de serviteurs (pas de condescendance). Le service du pauvre devient prioritaire pour tous les organismes qu’il a fondés, et Vincent souhaite qu’il le devienne pour l’Eglise entière. Ainsi, tout est simple : le pauvre est présent dans la prière, et Dieu présent dans les pauvres que l’on sert. SAINT VINCENT, LE PARTAGE ET NOUS ! Saint Vincent, comme tous les saints, est une personne qui nous bouscule dans notre manière de voir la vie chrétienne… Au fil de ses textes, il nous invite à emprunter un véritable chemin de conversion intérieure ! Jugez plutôt… Notre rapport à l’homme… Tournez la médaille « Je ne dois pas considérer un pauvre paysan ou une pauvre femme selon l’extérieur, ni selon ce qui paraît de la portée de leur esprit ; d’autant que bien souvent, ils n’ont pas presque la figure ni l’esprit de personnes raisonnables, tant ils sont grossiers et terrestres. Mais tournez la médaille, et vous verrez, par les lumières de la foi, que le Fils de Dieu, qui a voulu être pauvre, nous est représenté par ses pauvres. » (XI, 32) Saint Vincent nous invite à poser sur chaque personne rencontrée un regard nouveau. Il nous propose de ne pas nous arrêter aux apparences, à l’image que l’autre nous renvoie de lui-même à travers son attitude, ses gestes ou ses paroles. Au contraire, il nous dit de voir en l’autre, quel qu’il soit, le visage du Christ… Et moi, le regard que je porte sur les autres n’est-il pas déformé par le modèle que véhiculent nos sociétés ? Est-ce que je ne mesure pas trop souvent la valeur de l’autre à sa réussite matérielle ou sociale ? Que signifie concrètement pour moi « voir en l’autre le visage du Christ » ? Les pauvres, nos seigneurs et nos maîtres « Il y a une certaine compagnie, je ne me souviens pas du nom, qui appelle les pauvres nos seigneurs et nos maîtres, et ils ont raison. Oh ! Que ce sont de grands seigneurs au Ciel ! Ce sera à eux d’en ouvrir les portes, comme il est dit dans l’Evangile. Voilà donc ce qui vous oblige à les servir avec respect, comme vos maîtres, et avec dévotion, parce qu’ils vous représentent la personne de Notre Seigneur qui a dit : « Ce que vous faites au plus petit des miens, je le tiendrai fait à moi-même ». » (X, 332) Saint Vincent nous remet en mémoire, de façon étonnamment forte, le sens du commandement du Seigneur après la scène du lavement des pieds : se mettre véritablement au service des autres, parce qu’ils sont nos frères… Être le serviteur de ses frères, cela implique de considérer le service presque comme un devoir ! Dans tous les cas, cela veut dire chercher à servir leur intérêt, non pas chercher une gloire personnelle… Et moi, comment je vis les services qu’il m’arrive de rendre aux autres ? Est-ce un moyen d’affirmer une supériorité ? Est-ce que j’en attends une reconnaissance ? Suis-je centré sur moi-même ou sur l’autre ? Vous y trouverez Dieu « Servant les pauvres, on sert Jésus-Christ. Ô mes filles, que cela est vrai ! Vous servez Jésus-Christ en la personne des pauvres. Et cela est aussi vrai que nous sommes ici. Une sœur ira 10 fois le jour voir les malades, 10 fois par jour elle y trouvera Dieu… Allez voir de pauvres forçats à la chaîne, vous y trouverez Dieu. Ô mes filles, que cela est obligeant ! Vous allez en de pauvres maisons, mais vous y trouvez Dieu. Ô mes filles, que cela est obligeant encore une fois… » (IX, 252) Saint Vincent nous donne le sens et l’origine de la charité chrétienne : dans chacun de ceux que nous servons, jusque dans les plus pauvres et les plus insignifiants, le Christ est présent, et c’est bel et bien Lui que nous servons à travers les autres… Suis-je capable de voir dans celui que je sers, le Christ présent en lui ? Le service est-il pour moi aussi important que la prière dans la construction de ma relation à Dieu ? Notre rapport à Jésus Il faut vivre comme Jésus-Christ, le vrai modèle « Ressouvenez-vous, Monsieur, que nous vivons en Jésus-Christ, par la mort de Jésus-Christ, et que nous devons mourir en Jésus-Christ, par la vie de Jésus-Christ, et que notre vie doit être cachée en Jésus-Christ, pleine de Jésus-Christ, et que, pour mourir comme Jésus-Christ, il faut vivre comme Jésus-Christ. » (1, 295) « Se revêtir de l’Esprit de Jésus-Christ… Se revêtir de l’Esprit de l’Evangile… Mais qu’est-ce que l’Esprit de Notre Seigneur ? C’est un esprit de parfaite charité. » (XII, 107-108) Saint Vincent l’affirme avec force : toute la vie chrétienne est centrée sur le Christ. Nous avons à rechercher sans cesse à Le suivre, à se mettre humblement à son école, pour pouvoir L’imiter toujours davantage… Et moi, est-ce que je cherche à imiter le Christ ? Est-ce que ma manière de rendre service trouve sa source dans la contemplation de l’exemple donné par Jésus, à travers la lecture des Evangiles ? Renoncez à vous-même, portez votre croix et me suivez « Que dit Notre Seigneur à cet homme de l’Evangile auquel il voulait enseigner le moyen d’arriver à la perfection ? Si vous voulez venir après moi, renoncez à vousmême, portez votre croix et me suivez. Or, je vous demande… Qui renonce plus à soimême que celui qui ne fait jamais sa volonté, mais toujours celle de Dieu ? » (XI, 318) Renoncer à soi-même, porter sa croix… Voilà des paroles difficiles ! Saint Vincent les rattache à l’attitude d’abandon nécessaire à la volonté de Dieu pour chacun de nous. Vaste programme… ! Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres « Nous sommes, en cette vocation, fort conformes à Notre Seigneur JésusChrist, qui ce semble, avait fait son principal, en venant au monde, d’assister les pauvres et d’en prendre soin. « Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres »… Et si on demande à Notre Seigneur : - Qu’êtes-vous venu faire en cette terre ? - Assister les pauvres. - Autre chose ? - Assister les pauvres. Ainsi, ne sommes-nous pas bien heureux d’être en la mission pour la même fin qui a engagé Dieu à se faire homme ? » (XI, 343) Nous devons suivre le Christ… Pour Saint Vincent, cela passe aussi par l’imitation de ce qui semble être sa mission principale : l’assistance aux pauvres. Nous devons aider les plus pauvres, oui, mais comme le Christ le fait, en remettant les autres debout, en leur offrant la possibilité d’une renaissance, dans la joie de pouvoir ainsi L’imiter. Est-ce que le service est pour nous une corvée, quelque chose que l’on fait en renâclant ? Ou est-ce que nous voyons le service comme un moyen privilégié de rejoindre la vie du Christ ? Justice et charité Aimons Dieu… Mais que ce soit aux dépens de nos bras « Aimons Dieu, mes frères, aimons Dieu, mais que ce soit aux dépens de nos bras, que ce soit à la sueur de nos visages. Car bien souvent, tant d’actes d’amour de Dieu, de complaisance, de bienveillance, et autres semblables affections et pratiques intérieures d’un cœur tendre, quoique très bonnes et très désirables, sont néanmoins suspectes quand on n’en vient point à la pratique de l’amour effectif. » (XI, 40) « Ce n’est pas en me disant « Seigneur, Seigneur » qu’on entrera dans le Royaume des Cieux » (Mt 721)… Saint Vincent a très bien entendu cette parole de Jésus. Pour lui, l’amour de Dieu est un amour qui engage. Les bonnes paroles, les bonnes pensées ne suffisent pas ! Et moi, quelle est ma manière de vivre la foi et l’amour de Dieu dans le quotidien ? Est-ce qu’il m’arrive de reculer devant les difficultés que la vie chrétienne ne manque pas de poser ? Qu’est-ce que l’amour me fait inventer, concrètement, face aux misères et aux souffrances de toutes sortes ? Nous faisons justice et pas miséricorde « Dieu vous fera grâce, Monsieur, d’attendrir nos cœurs vers les misérables, et d’estimer qu’en les secourant, nous faisons justice et non pas miséricorde. » (VII, 98) Rendre service, donner de l’argent… Est-ce pour moi une manière de me donner bonne conscience ou un devoir de justice ? Que tous les pauvres gagnassent leur vie « On voudrait faire aussi que tous les pauvres gens qui n’ont pas de terre gagnassent leur vie, tant hommes que femmes, en donnant aux hommes quelques outils pour travailler, et aux filles et femmes des rouets et de la filasse ou de la laine pour filer, et cela aux plus pauvres seulement. » (VIII, 75) Le service véritable, pour Saint Vincent, ce n’est pas se contenter de donner (ce qui maintient l’autre en condition de dépendance). Au contraire, le vrai service doit amener l’autre à s’en sortir par luimême, d’où l’idée de lui procurer du travail. Dans l’Evangile, nous voyons le Christ relever ceux qu’il secourt, pour leur permettre de renaître à la vie… Quel est mon but lorsque je rends un service à quelqu’un ? Est-ce que je cherche à montrer que je suis indispensable, ou est-ce que je fais tout pour que l’autre grandisse ? Est-ce que ma vision de la charité et de la justice coïncide avec celle du Christ ?