Farida Naceur

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Farida Naceur
Farida Naceur, « La problématique de la dominance masculine au niveau des espaces urbains : cas des
villes algériennes ». Texte initialement publié dans Femmes et Villes, textes réunis et présentés par Sylvette
Denèfle, Collection Perspectives « Villes et Territoires » no 8, Presses Universitaires François-Rabelais,
Maison des Sciences de l’Homme « Villes et Territoires », Tours, 2004, p. 239-248.
Ce texte est mis en ligne sous format électronique par les Presses Universitaires François-Rabelais
et le Centre de Ressources Électroniques sur les Villes dans le cadre de leur programme commun de
rétroconversion d’ouvrages épuisés, collection « Sciences sociales de la ville ».
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LA PROBLEMATIQUE DE LA
DOMINANCE MASCULINE
AU NIVEAU DES ESPACES URBAINS :
CAS DES VILLES ALGERIENNES
Farida NACEUR
Université de Biskra, Algérie
INTRODUCTION
Alors que les villes occidentales se caractérisent par leur haut degré
d’ouverture et leur mixité d’usage, dans les villes arabes les espaces urbains
sont encore marqués par une dominance masculine.
Le cas des villes algériennes est éloquent. En effet à l’encontre de certaines
villes arabes où l’on voit émerger une tendance d’ouverture des espaces
ludiques et culturels aux catégories féminines1, dans les villes algériennes, et
particulièrement les villes intérieures, la dominance des espaces masculins
aux dépends des espaces féminins continue à peser lourdement non
seulement sur le vécu quotidien des habitants, et spécialement des femmes,
mais aussi sur le niveau de sécurité dans ces espaces eux-mêmes. Les aspects
de cette dominance sont nettement perceptibles au niveau des espaces
publics à caractère culturel ou ludique ainsi qu’au niveau des espaces urbains
extérieurs, rues et places.
Ce papier tend à explorer ce phénomène à travers le cas d’une ville
1
Dazi-Heni Fatiha, « Du souk aux grands centres commerciaux Consommation et
sociabilité dans le Golfe », Revue Monde arabe, Maghreb Machrek, numéro spécial, 1er
trimestre 1994, p. 93-94.
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LA PROBLEMATIQUE DE LA DOMINANCE MASCULINE
algérienne intérieure moyenne, la ville de Batna, ville de 240 000 habitants2
située dans l’est algérien.
L’étude privilégie les techniques d’observation des modes d’appropriation
des espaces urbains à travers la ville. Elle est complétée par une enquête par
questionnaire portant sur un échantillon de 250 habitants choisis à travers
deux quartiers populaires de la ville (Bouakal et Chikhi), le but du
questionnaire étant la comparaison selon le sexe du taux de fréquentation des
équipements culturels et ludiques ainsi que les variations de la perception de
l’insécurité au sein des deux quartiers.
Par le biais de l’observation du vécu quotidien et du taux de fréquentation
des équipements culturels et ludiques, on soulèvera la question des inégalités
d’usage des espaces urbains entre les deux sexes. Cela nous permettra dans
un second temps de nous interroger sur leurs incidences tant sur la qualité de
vie urbaine que sur le niveau de sécurité dans la ville.
L’analyse comparative de la perception de l’insécurité urbaine entre les
deux sexes nous permettra ensuite de faire ressortir les malaises vécus, des
malaises allant de la difficulté d’accessibilité des femmes à certains espaces
urbains pendant la nuit, ou même pendant certaines heures tardives de la
journée, jusqu’à l’appropriation quasi exclusive par certaines catégories
marginalisées des jardins, parcs d’attraction… et leur détournement en foyer
de délinquance.
DISPARITES D’USAGE DES LIEUX PUBLICS DE DIVERTISSEMENT AU
DETRIMENT DES FEMMES
En dehors des lieux de travail et de transport qui admettent une certaine
mixité, dans tous les lieux de divertissement socioculturels, sportifs ou
ludiques, la présence féminine est extrêmement réduite.
En dépit du très faible taux de fréquentation des équipements culturels,
l’enquête a révélé des disparités dans leur usage selon le sexe, même pour
les catégories juvéniles. 92,2 % de jeunes filles contre 82,3 % de jeunes
hommes ont répondu n’avoir jamais fréquenté une maison de jeunes. 99 %
de femmes contre 92,6 % d’hommes ont répondu n’avoir jamais fréquenté
un cinéma.
Ces disparités se font ressentir davantage au niveau des espaces de loisirs :
jardins publics et parcs d’attraction. 89,2 % de femmes contre 65,9 %
d’hommes ont répondu n’avoir jamais fréquenté de jardin public.
96,1 % de femmes contre 79,3 % d’hommes n’ont jamais fréquenté de
parc d’attraction.
2
A.N.A.T : Agence Nationale de l’Aménagement du Territoire (siége Biskra), direction
régionale, plan directeur d’aménagement d’urbanisme, commune de Batna, Sud/Batna, juin
1998.
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Ces résultats révèlent les disparités d’usage des lieux publics de
divertissement au détriment des femmes. Cela montre aussi les difficultés
que ressentent ces dernières quotidiennement contraintes à s’enfermer au
sein des habitations pendant leur temps libre où, en dehors des taches
ménagères, regarder la télévision avec la parabole constitue leur unique
moyen de distraction.
PREDOMINANCE MASCULINE AU NIVEAU DES ESPACES URBAINS PUBLICS
La prédominance masculine au niveau des espaces urbains est de plus en
plus manifeste. Elle va des espaces les plus publics (places et jardins)
jusqu’aux espaces les plus privés : espaces limitrophes aux habitations
(seuils des habitations et trottoirs).
L’activité générée par une place, sa situation, sa conception formelle, son
aménagement sont autant de facteurs qui affectent sa fréquentation et son
utilisation3.
A Batna, des défauts inhérents à l’aménagement, à la conception, à la
situation des places font qu’elles ne peuvent être utilisées par toutes les
catégories auxquelles elles sont destinées, et spécialement les femmes.
La place principale de la ville de Batna située au centre ville est connue
par sa dominance masculine. Sa situation à proximité d’une zone
commerciale intense, la nature de ces commerces (gargotiers, marchés de
légumes, denrées alimentaires…) lui ont attribué un caractère plutôt
masculin. Sa conception très ouverte, ses défauts d’aménagement (mauvaise
disposition des siéges, absence de lieux réservés…), tous ces facteurs
associés découragent toute tentative d’utilisation de cette place par les
femmes.
La qualité de l’espace et la nature des commerces constituent deux facteurs
pertinents dans l’attraction des catégories féminines envers un espace urbain.
L’exemple des nouveaux espaces commerciaux en vogue actuellement
communément appelés : « Bazars » et construits selon le modèle des espaces
commerciaux intérieurs illustre cet état de fait. Batna comprend de
nombreux bazars, il s’agit d’un ensemble de boutiques regroupées autour
d’un espace intérieur.
Les bazars se distinguent à la fois par leur nouveau mode de conception à
la fois interne et relativement clos qui permet une certaine intimité et
également par leur très haute qualité d’aménagement : (pavage, revêtement
de sol, boiseries, décorations intérieures…). Leurs qualités architecturales, la
3
Sablet M., Des espaces urbains agréables à vivre : Places, rues, squares, jardins, Paris,
Editions Moniteur, 1988 ; Bertrand M.J. – Listowski H., Les places dans la ville, Paris,
Editions Bordas, 1984.
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LA PROBLEMATIQUE DE LA DOMINANCE MASCULINE
nature des commerces : habillement de luxe, bijoux, articles féminins
favorisent non seulement l’attraction d’une certaine catégorie d’usagers à
revenus relativement élevés mais encore celle des femmes. Les bazars
tendent à devenir les futurs lieux de divertissement et de promenade pour la
majorité des femmes et surtout les plus jeunes d’entre elles.
LA PREDOMINANCE MASCULINE GAGNE LES ESPACES DE VOISINAGE
L’urbanisme traditionnel permettaient aux femmes de s’octroyer librement
les espaces limitrophes aux habitations grâce aux formes urbaines ellesmêmes, d’un côté et aux processus sociaux qui régularisaient l’accessibilité
au sein du voisinage, de l’autre.
Les quartiers modernes qu’ils soient planifiés ou auto-construits ne
permettent plus cette flexibilité d’usage des espaces de voisinage de façon à
maintenir leur appropriation et utilisation par les femmes.
Dans les ensembles d’habitat collectif, les espaces adjacents aux
habitations forment des vastes espaces ouverts, ces no man’s land4 ne
permettent aucune forme d’appropriation.
Leur très haut degré d’ouverture ne favorise guère leurs appropriations par
les riverains et encore moins celle des femmes. Ces espaces extérieurs sont
aussi dépourvus de tout dispositif de sélection et de contrôle de
l’accessibilité. Ils constituent ainsi des lieux de passage pour des populations
diverses étrangères aux cités. Cela accentue l’anonymat à l’intérieur des cités
et fait monter les risques d’intrusion et par là les vols et les exactions. Les
espaces extérieurs sont ainsi une source d’anxiété pour les habitants.
Facilement accessibles, ils deviennent à certaines heures tardives du soir ou
pendant certaines heures de la journée des lieux de regroupement pour les
marginaux. Des adolescents de la cité ou même des étrangers utilisent ces
espaces pour se livrer à des pratiques douteuses (abus d’alcool, de drogue,
jeux de cartes...). Ces regroupements leur permettent aussi de guetter les
déplacements et mouvements des habitants pour procéder aux cambriolages.
Quant aux espaces collectifs intérieurs (escaliers et paliers), ils se réduisent
généralement au simple passage et ne favorisent aucune forme
d’appropriation par les femmes, à cause de leur étroitesse et de leur
inadéquation aux regroupements. Au contraire ces espaces sont les plus
prédisposés aux dégradations5.
Ces conceptions de cités collectives condamnées par certains scientifiques6
4
Newman Oscar, Defensible Space, New York, Macmillan, 1972.
Naceur F., La dégradation des espaces urbains Cas d’étude : BATNA, Thèse de magister :
Centre universitaire de Biskra, 1995.
6
Newman Oscar, Creating defensible space, U.S. Department of Housing and Urban
Development Office of Policy Development and Research, 1996, p. 31-56 ; Coleman Alice,
5
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continuent pourtant à connaître une large expansion dans les villes
algériennes.
Dans les quartiers auto-construits qui forment la figure la plus dominante
du paysage urbain des villes algériennes, on constate également un
rétrécissement de l’espace féminin à l’intérieur de l’habitation et une
réduction des formes d’appropriation de l’espace urbain au simple droit de
passage. La tendance à masculiniser l’espace urbain a gagné même les
espaces les plus limitrophes à l’habitation.
Dans les rues de quartier, il est courant de croiser des vieux, assis sur les
seuils des maisons et sur les trottoirs discutant entre eux, observant le
spectacle de la rue ou encore s’adonnant à des jeux traditionnels divers :
(cartes, dattes, domino…).
Quant à la présence des jeunes hommes dans les rues de voisinage, qui a
été interdite dans le passé par les règles coutumières et les traditions, elle est
aujourd’hui de plus en plus manifeste et considérable. Sous la pression du
chômage, les rues de voisinage sont à leur tour envahies par les jeunes
adossés contre les murs des maisons. Les discussions, l’observation des
allées et venues, et spécialement celles des jeunes filles, constituent pour eux
un passe temps favori. Le vocable de « hittiste »7 connoté négativement
traduit parfaitement cet état de fait. Certains jeunes se forment en petits
groupes aux coins des rues pendant la nuit ou à des heures tardives de la
journée pour s’adonner à l’alcool ou la drogue. Ce phénomène inquiète
terriblement les populations des quartiers car ces regroupements douteux
génèrent fréquemment des querelles, des coups et parfois aussi des querelles
avec usage d’armes.
Cette dominance masculine pèse lourdement sur le vécu quotidien des
femmes qui voient leurs espaces se rétrécir et leur liberté d’usage se limiter.
Les discussions entre femmes de balcons à balcons ou de seuil à seuil ne
sont plus autorisées, même dans les rues résidentielles. La présence
continuelle des hommes dans les rues contraint parfois les habitants à
condamner complètement les ouvertures : balcons et fenêtres.
LES REPERCUTIONS SUR LES NIVEAUX DE SECURITE URBAINE
Les différences dans le taux de fréquentation des espaces urbains entre les
deux sexes ont des retombées néfastes, non seulement sur la qualité de vie
« Le procès de l’utopie. Vision et réalité dans les conceptions de l’habitat », Les cahiers de la
recherche architecturale et urbaine, n° 1, mai 1999.
7
Khaled Nourredinne, « Jeunesse et temps libre », Les cahiers du Cread, n° 2, trimestre
1991.
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LA PROBLEMATIQUE DE LA DOMINANCE MASCULINE
urbaine, mais également sur le niveau de sécurité urbaine réelle et perçue.
En effet, chez de nombreuses femmes en particulier, on note
l’accroissement de la perception d’insécurité au niveau des quartiers
d’habitat conçus pour être sécurisants. Cette tendance induit indirectement
l’évitement de certains espaces de voisinage alors que la densité d’utilisation
d’un espace est un facteur important de sa sécurité8. Hypothétiquement le
manque de fréquentation de tels espaces accroît la tendance à la dégradation
et à l’insécurité surtout après leur appropriation quasi exclusive par des
groupes de marginalisés et de délinquants. Ce processus a été démontré à
travers la thèse des « browken windows » développée par James et George
Kelling9.
Le niveau de sécurité perçue par les habitants a été tout d’abord
appréhendé par la question principale suivante :
« Le niveau de sécurité au niveau de votre quartier est-il :
Très
satisfaisant,
satisfaisant,
acceptable,
insatisfaisant,
très
insatisfaisant ».
En parallèle certaines questions ont été posées aux interviewés afin de
tester les différences de perceptions des niveaux de sécurité entre les deux
sexes au sein de leurs quartiers.
Les questions ont porté sur les items suivants :
« Existe-il des espaces au sein de votre quartier qui vous font peur ?
Si, oui ces espaces vous font peur : le jour ou la nuit ».
L’enquête a révélé que le sentiment d’insécurité au niveau des deux
quartiers d’habitat est plus intense chez les groupes de femmes interviewées
que chez les hommes et cela quels que soient leurs catégories
socioculturelles ou leur âge.
12,7 % de l’ensemble des interviewées femmes, contre 8,1 % seulement
d’hommes, perçoivent leur quartier comme insécurisant ou très insécurisant.
18,6 % de femmes, contre 6,7 % d’hommes seulement, ont répondu qu’il
existe des espaces qui leur font peur au sein de leurs quartiers.
Contrairement aux hommes, la majorité des femmes qui ont répondu avoir
peur au sein de leur quartier affirment ressentir cette peur durant le jour.
Afin de tester la difficulté d’accessibilité des femmes à certains espaces de
leurs quartiers deux autres questions ont été utilisées.
« En ce qui concerne les espaces qui vous font peur pendant le jour, est-ce
que :
1. Vous ne pouvez les franchir qu’accompagnée
8
Jacobs Jane (1961), The death and life of great American cities, New York, Vintage
Books, 1963.
9
Wilson James Q. – Kelling George, « Broken Windows », Atlantic Monthly, n° 211, 1982.
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2. Vous n’oseriez pas les franchir même accompagnée ».
Les réponses recueillies ont affirmé davantage l’insécurité que ressentent
les femmes au sein de leurs quartiers. Parmi les femmes qui ont répondu
avoir peur au sein de leur quartier, 9,3 % ont répondu qu’elles ne peuvent
traverser les espaces en question qu’accompagnée par une autre personne,
9,3 % d’entre elles ont répondu que, même accompagnées par une autre
personne, elles n’oseraient jamais traverser ces espaces.
Les tendances à l’évitement constatées au niveau des quartiers,
correspondent tout d’abord aux franges des quartiers que constituent les
abords de l’oued qui, par sa dégradation et sa pollution, constitue un facteur
de répulsion.
A Bouakal, ce sont surtout les rues sinueuses ou en impasse qui suscitent
la crainte parmi les habitantes interviewées. Les structures viaires
désorganisées induisent la peur de désorientation et suscitent l’insécurité
émotive.
La tendance à l’évitement la plus importante est observée surtout au niveau
des espaces adjacents aux espaces publics de loisirs (parcs d’attraction et
jardins où l’on a relevé des taux de fréquentation extrêmement réduits). A
Chikhi, les espaces situés à proximité du parc d’attraction constituent une
source de peur et d’ennui pour les filles et femmes du quartier.
L’évitement de ces espaces a favorisé leur appropriation par les groupes de
marginalisés et les délinquants. Ces groupes s’emparent de ces espaces et les
détournent de leur usage pour les transformer en des supports adéquats pour
leurs activités délinquantes (abus d’alcool, de drogue...).
A Bouakal et à Chikhi, les franges des deux quartiers représentés par
l’oued, constituent les espaces privilégiés des groupements des délinquants à
n’importe quelle heure de la journée. Les interviewés mentionnent ces
espaces comme étant les plus insécurisants, et les supports de nombreux
actes d’agression (vols, agressions par coups et blessures, querelles à main
armée…).
Quant au parc d’attraction, il s’est transformé en un endroit non seulement
répulsif mais dangereux et douteux.
La transformation de ces espaces conçus pour être sécurisants en espaces
dangereux est un phénomène crucial et alarmant auquel se trouvent
confrontée non seulement la ville de Batna, mais de nombreuses autres villes
algériennes.
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LA PROBLEMATIQUE DE LA DOMINANCE MASCULINE
CONCLUSION
L’étude a révélé des disparités d’usage des espaces urbains qu’ils soient
intérieurs ou extérieurs au détriment des femmes.
En dépit du très faible taux de fréquentation des équipements à caractères
culturels, il existe des disparités dans l’usage de tels équipements au
détriment des femmes. Ces disparités sont plus significatives pour les
équipements à caractère ludique.
En ce qui concerne les espaces urbains extérieurs, on constate un
rétrécissement de l’espace féminin à l’intérieur de l’habitation et une
réduction des formes d’appropriation de l’espace urbain au simple droit de
passage. La tendance à masculiniser l’espace urbain a gagné même les
espaces les plus limitrophes de l’habitation.
Il paraît évident que cette tendance à masculiniser les espaces urbains est
un phénomène relativement récent car, comparativement à la ville
traditionnelle, la ville algérienne moderne est plutôt interdite aux femmes.
L’étude souligne que la fréquentation féminine d’un espace urbain dépend
aussi de sa conception urbaine. Des défauts d’ordre architectural ou urbain
inhérents à leurs situations, à leurs aménagements ou à leurs configurations
spatiales sont susceptibles aussi de décourager toute tentative de leurs
utilisations par les femmes.
En conclusion, il paraît clair que la dominance des espaces masculins au
détriment des espaces et lieux féminins a des retombées néfastes non
seulement sur les femmes mais également sur la qualité de la vie urbaine et
la sécurité des espaces urbains eux-mêmes.
La comparaison de la perception de l’insécurité urbaine entre les deux
sexes a permis, d’un coté, de soulever les malaises que vivent
quotidiennement les femmes contraintes de s’enfermer à l’intérieur de leurs
habitations et, de l’autre coté, la tendance à l’accroissement des espaces
vulnérables et angoissants au sein de la ville.
BIBLIOGRAPHIE
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Editions Bordas.
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