Assises du livre numérique La littérature de genre en numérique
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Assises du livre numérique La littérature de genre en numérique
Assises du livre numérique 22 mars 2013 – 10h30-18h Salon du livre de Paris – Scène numérique La littérature de genre en numérique Table ronde animée par Patrick Gambache, secrétaire général du groupe La Martinière, viceprésident de la commission numérique du SNE, avec : Stéphane Aznar, directeur général des éditions Harlequin Clément Bourgoin, responsable numérique des éditions du Bélial’ Stéphane Marsan, directeur de la publication des éditions Bragelonne-MiladyCastelmore Eléments de contexte Près de 60 % de titres numériques sont vendus dans la catégorie littérature, au sein de laquelle la littérature de genre occupe une place importante. Créée il y a 13 ans, Bragelonne est une maison indépendante spécialisée dans les littératures de l’imaginaire (science-fiction, fantasy, fantastique). Depuis qu’elle a lancé son offre numérique, fin 2010, elle a vendu 400 000 exemplaires par ce biais (4 à 5 % de son chiffre d’affaires global). Egalement indépendante et spécialisée dans l’imaginaire, la maison Le Bélial’, créée en 1996, a lancé son offre numérique en 2010, d’abord via sa propre plateforme puis en partenariat avec les distributeurs et les libraires. Le numérique représente 13 % des ventes de sa plateforme et 3,5 % de son chiffre d’affaires global. Pour sa part, l’éditeur canadien Harlequin, constitué en France en joint-venture avec Hachette Livre, est positionné sur le segment de la romance sentimentale et de la fiction grand public romanesque féminine. Le numérique, qu’il développe depuis fin 2008, représente 10 % du chiffre d’affaires français. Les lecteurs numériques de genre Des lecteurs avides Les livres de genre se vendent particulièrement bien en numérique – notamment dans les genres peu représentés en librairie traditionnelle. Et pour cause, les lecteurs de genre sont de grands et d’avides lecteurs. Une lectrice Harlequin, par exemple, lit 30 romans papier par an en moyenne. D’où le succès des maisons d’édition de littérature de genre qui suivent une stratégie volontariste en termes de développement numérique pour proposer une offre abondante. Les éditeurs de fantaisie ou de science-fiction trouvent aussi un réel intérêt à utiliser le numérique dans la mesure où ils publient de nombreuses séries. Or seul le numérique permet d’assurer la disponibilité permanente de chacun des tomes, ou des formats condensés. C’est ainsi que figure parmi les meilleures ventes numériques du Bélial’ l’intégrale en seul fichier d’un cycle composé de trois romans et cinq nouvelles. L’édition numérique touche autant de nouveaux lecteurs que de lecteurs papier Les études peinent à identifier clairement ces deux segments. Quoi qu’il en soit, le numérique a permis à Bragelonne de toucher de nouveaux lecteurs qui ne connaissaient pas les ouvrages de son catalogue, peu présents en librairie. Dans le même temps, nombre de Syndicat national de l’édition Assises du livre numérique – 22 mars 2013 1 ses lecteurs papier se sont aussi reportés vers le numérique. Pour sa part, Harlequin observe que ce qui fonctionne en numérique est aussi ce qui fonctionne sur papier. Cela laisse à penser que le profil des lectrices est le même pour les deux supports. De la même façon, les best-sellers numériques du Bélial’ sont les mêmes que sur papier. En outre, l’augmentation des ventes numériques n’a pas nui à celle des ventes papier. Le marketing de la littérature numérique de genre Du marketing à l’e-merchandising Pour Bragelonne et Le Bélial’, qui s’adressent depuis toujours à un lectorat communautaire et qui communiquaient déjà de longue date sur Internet, le numérique ne modifie pas véritablement le marketing. En revanche, il a plus significativement changé la donne pour Harlequin, en rendant plus directes les relations avec les lectrices. Cela étant, il est encore relativement compliqué de faire son chemin chez un libraire numérique et beaucoup reste à faire, en termes d’e-merchandising, pour reproduire dans le monde numérique ce qui existe dans le monde physique. A la fin des années 2000, les éditeurs ont pu croire que l’enjeu du numérique serait la conversion et la mise à disposition sous un autre format des catalogues existants. Les choses se sont avérées plus compliquées, d’un point de vue positif. Tout d’abord, la numérisation implique de répliquer le travail effectué pour le papier, avec un véritable directeur de la publication, un véritable commercial, un véritable éditeur, etc. Ensuite, il a fallu inventer et acquérir de nouvelles pratiques commerciales permises par la flexibilité de la commercialisation numérique, comme la possibilité de changer le prix d’un ouvrage du jour au lendemain. Le commerce réinventé Même si le secteur numérique n’est pas le seul à s’arroger la possibilité de faire de la promotion (Cf. « 3 pour 2 Poche » tous les étés), il permet une plus grande créativité pour faire découvrir les contenus et provoquer l’achat. Ainsi, Bragelonne travaille avec le diffuseur numérique e-Dantès, qui a créé les « opérations K » (vente de x titres du catalogue à 99 centimes durant 24 heures), relayées par Twitter. En l’occurrence, la dernière opération en date a permis de vendre 100 000 exemplaires en 36 heures. Le livre n’est en rien dévalorisé, puisqu’il retrouve ensuite son plein prix. Cette nouvelle forme de commerce reposant sur la communication permet de relancer les ventes des autres titres du catalogue, notamment les tomes précédents dans le cas d’une série. Chez Harlequin, l’opération « decouvreharlequin.fr » permet de mettre régulièrement en avant les 10 romans les plus représentatifs en les proposant gratuitement. Chaque session entraîne un pic des ventes numériques. Par ailleurs, dans le cadre de l’opération « Le printemps de la romance », 20 e-books sont vendus à 1,99 euro durant quelques jours. Dans tous les cas, il importe que ces opérations de promotion restent ponctuelles afin que les lecteurs n’identifient pas l’e-book à un prix très bas. Perspectives Lever les freins par l’information et la pédagogie Comme la musique numérique en son temps, le développement du livre numérique se heurte encore à de nombreux freins. Plus d’information et de pédagogie permettraient à coup sûr de mettre à mal certaines appréhensions (piratage, complexité technologique, etc.), Syndicat national de l’édition Assises du livre numérique – 22 mars 2013 2 de faire évoluer la conception très conservatrice de l’édition en France, mais aussi de fluidifier les relations avec les auteurs et les ayants droit. Il convient notamment de faire comprendre aux futurs lecteurs numériques que la lecture sur un format numérique est à la fois très simple et très confortable. Qui plus est, la grande diversité de formats et de contenus permet différentes expériences de lecture. Ainsi, les formats courts se prêtent particulièrement bien à un trajet de métro. Souligner les spécificités de la lecture numérique permettra au marché de décoller plus rapidement. Le développement des labels numériques Chacune des trois maisons d’édition a lancé un format numérique spécifique, dédié à l’édition primo-numérique. La même qualité étant recherchée que pour le papier, ce format suppose la mise en place d’une équipe à même d’assurer un véritable travail d’édition. A l’instar d’un laboratoire, l’édition primo-numérique permet de donner leur chance à des auteurs à des coûts très intéressants, de tester le retour du public, mais aussi d’éviter la contrainte de la notion de point mort. Elle représente aussi une belle opportunité pour la forme courte qu’est la nouvelle, difficile à publier car difficile à vendre en librairie physique traditionnelle. En outre, d’un point de vue patrimonial, certains ouvrages qui ne peuvent pas être réédités en papier pourront l’être en numérique. En science-fiction notamment, de très nombreux ouvrages ne sont plus édités. Le numérique permet de les rééditer, ou d’inciter leurs auteurs à en publier de nouveaux. Pour Harlequin, le format numérique HQN est une double innovation dans la mesure où il permettra aussi de publier des manuscrits français de romances contemporaines qui se déroulent sur notre sol. Jusqu’ici, tous les ouvrages en langue française étaient des traductions de manuscrits nord-américains. Le développement de l’auto-édition numérique Les trois maisons d’édition s’accordent à considérer que l’auto-édition ne constitue pas un véritable ennemi, dans la mesure où elle n’est pas toujours synonyme de qualité. Le rôle de l’éditeur, intermédiaire entre l’auteur et le lecteur, est et restera essentiel ne serait-ce que pour découvrir des textes et les optimiser de façon à toucher du mieux possible le lectorat. A cet égard, il semble difficile de reproduire l’expérience de libraire conseil en numérique. Le succès spectaculaire de certains auteurs auto-publiés, principalement aux Etats-Unis, fait réfléchir, y compris en termes de communication et de marketing viral. En tout cas, il serait dangereux d’envisager l’auto-édition comme un moyen de se passer des éditeurs. Force est d’ailleurs de constater que nombre d’auteurs auto-publiés finissent par signer chez un éditeur pour se consacrer à leur métier d’écrivain et laisser l’éditeur fait le sien. Les e-books enrichis Pour les trois maisons d’édition, l’enjeu est de rendre disponible en numérique le catalogue existant et non créer de nouveaux objets multimédias – d’autant qu’il s’agit d’un autre métier que celui d’éditeur de fiction littéraire. Harlequin part en outre du principe que seul le contenu intéresse ses lectrices. Cela étant, dans le cadre du dernier numéro de sa revue trimestrielle, intitulé « rock et science-fiction », Le Bélial’ a proposé à ses lecteurs d’écouter des éléments sonores gratuits sur son blog qui a été enrichi du texte, ce qui est rendu possible par l’absence de limite d’espace. Syndicat national de l’édition Assises du livre numérique – 22 mars 2013 3