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2004-03 Comment mesurer la performance des plans d’options sur actions (stock-options) ? Les liens inévitables entre le social et le financier. Chloé Guillot-Soulez Doctorante GREGOR Introduction Les plans d’options sur actions (POA) ont été introduits en France par la loi du 31 décembre 1970 qui autorise toutes les sociétés par actions, qu’elles soient cotées ou non en Bourse, à offrir à certains salariés ou à l’ensemble du personnel des options de souscription ou d’achat d’actions. D’abord peu utilisées, les stock-options se sont développées à la fin des années 80 avec les privatisations et la loi sur l’épargne (1987), mais surtout depuis le milieu des années 90 avec la publication en France du Rapport Viénot (1995) sur le gouvernement d’entreprise qui préconise les stock-options comme instrument privilégié du contrôle par le conseil d’administration de la rémunération des dirigeants. Depuis, la crise boursière et les différents scandales financiers (affaires Enron, Worldcom, Vivendi…) ont relancé le débat sur le système de gouvernance des entreprises mais également sur la place et le rôle des stockoptions. En France, l’année 2003 ne sera pas parvenue à clore le débat déjà engagé sur les stock-options. En janvier, Le Monde revenait sur « la crise des stock-options » suite à la dégradation de la conjoncture boursière (12-13 janvier 2003) tandis qu’en février Les Echos affirmaient : « les stock-options survivent à la bulle. Pour les entreprises, elles restent un “bon outil” », en revenant sur le rôle des stock-options comme outil de motivation et de fidélisation des salariés malgré la chute des cours boursiers (11 février 2003). Le débat continue avec l’annonce du « crépuscule des stock-options » (Le Figaro Economie, 11 juillet 2003) suite à l’abandon de leurs programmes par Microsoft aux Etats-Unis, Daimler Chrysler et SAP en Allemagne, la banque BBVA en Espagne, même si d’autres affirment que « les stock-options n’ont pas dit leur dernier mot » (Management, septembre 2003). Dans le même temps, les rapports sur la gouvernance d’entreprise, avec leurs recommandations en matière de stockoptions, continuent à se succéder avec Le gouvernement des sociétés cotées (Rapport AFEPMEDEF d’octobre 2003 issu de la consolidation des rapports Viénot I (1995) et II (1999) et du rapport Bouton (2002)) et le Rapport Clément de la Mission d’information sur la réforme du droit des sociétés (novembre 2003). De plus, le passage aux nouvelles normes comptables IFRS 2 à partir de 2005 amène les entreprises à s’interroger sur la place future des plans de stockoptions dans leurs politiques de rémunérations. Malgré ces controverses, les stock-options n’en restent pas moins un outil financier et une pratique de gestion des ressources humaines stratégique pour les entreprises : un outil financier dans la mesure où elles représentent un mode de résolution des conflits d’agence (Desbrières, 1999), un outil RH dans la mesure où elles représentent un mode de rémunération fiscalement avantageux et aux objectifs propres, comme nous le développerons par la suite. De par la nature même des stock-options, il paraît impossible de dissocier les aspects financiers des aspects ressources humaines dans leur analyse. La connaissance et la compréhension de ce mécanisme au regard de ce double cadre, financier et RH, apparaissent comme souhaitables (D’Arcimoles, 1996) notamment dans la mesure de la performance des plans d’options sur actions. L’objectif est ici de présenter les aspects théoriques justifiant les politiques de stockoptions et de s’interroger sur la pertinence des mesures de la performance des plans d’options tout en montrant que la performance sociale et la performance financière sont inévitablement liées avec ce mode de rémunération. Il conviendra tout d’abord de revenir sur les aspects théoriques qui justifient la mise en œuvre de plans de stock-options (1.) avant de présenter les recherches menées pour mesurer la performance des plans de stock-options en finance, d’une part, et en gestion des ressources humaines, d’autre part (2.). Enfin, nous montrerons que les recherches sur les stock-options doivent mettre en parallèle les aspects financiers et les aspects RH et, plus particulièrement, que la performance sociale des stock-options doit être mesurée au regard de la performance financière tout en respectant certaines conditions de gestion des ressources humaines (3.). IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2004-03 - 1 Justifications théoriques de l’utilisation des plans d’options sur actions 1.1 Les stock-options : un outil financier… 2 Les stock-options trouvent leur justification théorique dans deux grandes théories financières : la théorie des droits de propriété et la théorie de l’agence. En 1776, Adam Smith soulignait déjà les problèmes posés par les relations d’agence dans les grandes sociétés par actions, caractérisées par une séparation des fonctions entre les dirigeants et les propriétaires. Berle et Means (1932) soulignent, à leur tour, le conflit inéluctable entre la « logique traditionnelle de la propriété » et la « logique traditionnelle des profits » en raison de l’absence de motivation patrimoniale des dirigeants. La théorie des droits de propriété (Alchian et Demsetz, 1972) formalise la divergence d’objectifs entre le dirigeant et les actionnaires, le dirigeant cherchant à maximiser sa fonction d’utilité tandis que les actionnaires recherchent la maximisation de leur richesse. La théorie de l’agence (Ross, 1973 ; Jensen et Meckling, 1976) décrit que trois principales sources de conflits entre les actionnaires (les principaux) et les dirigeants (les agents) (Desbrières, 1999) : La moindre diversification du patrimoine des dirigeants (les dirigeants placent à la fois leur capital humain et leur capital financier dans l’entreprise) qui peut les inciter à sous investir et à privilégier les financements propres à l’endettement ; Les divergences d’horizon d’investissement pouvant conduire les dirigeants à ajuster leurs décisions stratégiques et financières en fonction de la durée de leur présence probable à la tête de l’entreprise ; Les prélèvements effectués par les dirigeants au détriment de la richesse des actionnaires. De plus, la relation d’agence conduit à l’apparition de trois types de coûts (Jensen et Meckling, 1976) : Les coûts de surveillance supportés par l’actionnaire pour essayer de limiter le comportement opportuniste du dirigeant ; Les coûts d’obligation que le dirigeant peut être obligé d’engager pour donner confiance à l’actionnaire ; Les coûts d’opportunité, équivalents à la perte d’utilité subie par l’actionnaire du fait de ses divergences avec le dirigeant. L’actionnariat des dirigeants apparaît donc comme un moyen efficace pour réguler les conflits inhérents à la séparation des fonctions de propriété et de décision dans les firmes. L’adoption de rémunérations incitatives à long terme témoigne de la volonté d’accroître le lien entre la rémunération des dirigeants et la valeur créée par la firme qu’ils gèrent, que ces plans soient à l’initiative des actionnaires (hypothèses fiscale et d’incitation) ou à l’initiative des dirigeants (hypothèse de signalisation) (Desbrières, 1991). 1.2 … et un outil de gestion des ressources humaines 1.2.1 Des justifications RH inspirées des justifications financières La mise en place de stock-options, au même titre que les autres outils de participation financière (intéressement, participation, régimes d’actionnariat ou de participation au capital…), vise à améliorer la performance de l’entreprise en agissant sur les attitudes des bénéficiaires (incitation à l’effort, plus grande coopération, meilleure circulation de l’information, diminution de l’absentéisme et du roulement du personnel). Cette hausse de l’efficacité trouve aussi sa justification dans le cadre de la théorie de l’agence : en liant plus étroitement les intérêts des actionnaires et ceux des bénéficiaires de stock-options, ceux-ci seront incités à travailler pour augmenter la performance de l’entreprise. Desbrières (1991) présente un second avantage lié à l’adoption des stock-options et intéressant l’entreprise dans la gestion de sa politique de rémunération : les stock-options constituent un mode de rémunération fiscalement avantageux pour l’entreprise comparativement aux salaires plus lourdement taxés ; elles permettent d’éviter des augmentations individuelles difficilement réversibles et des sorties immédiates d’argent (permettant à l’entreprise d’engager d’autres dépenses). 1.2.2 Les justifications strictement RH des stock-options La politique de rémunération est aujourd’hui devenue un outil stratégique de la gestion des ressources humaines pour les entreprises, comme le souligne Péretti (1998) : IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2004-03 - 3 Rémunérer ne signifie plus seulement payer, mais aussi attirer, motiver, retenir les salariés performants dont la fidélisation est indispensable à la réussite de l’entreprise. La rémunération devient une composante essentielle et reconnue de la stratégie des ressources humaines. Les systèmes et les politiques de rémunération sont aujourd’hui l’objet de profondes transformations. Partie intégrante de la politique des ressources humaines, support indispensable à la stratégie de l’entreprise, instrument de création de valeur, ils sont un outil clé du succès de l’entreprise. De plus, de nombreuses études théoriques et empiriques ont mis en évidence le rôle crucial des ressources humaines dans la performance de l’entreprise (notamment Arthur, 1994 ; Huselid, 1995 ; Huselid et Becker, 1996 ; Becker et Gerhart, 1996). Dans ce cadre, les stock-options représentent un mode de rémunération stratégique pour les entreprises dans la mesure où elles permettent d’atteindre plusieurs objectifs essentiels dans la gestion de leurs ressources humaines : • Attirer les talents dans l’entreprise Les entreprises qui utilisent des plans de stock-options et qui souhaitent embaucher des salariés attentifs à la création de valeur pour l’actionnaire pourront signaler aux candidats, lors du processus de recrutement, l’existence de stock-options rattachées au poste proposé. Cette information constituera un signal (Spence, 1973) pour le candidat sur les attentes de l’entreprise. D’après la théorie du signal, seuls les candidats partageant l’objectif de création de valeur devraient continuer la procédure de sélection (et ce d’autant plus si l’attribution de stock-options est liée à une réduction du salaire fixe proposé). L’entreprise (le principal) peut ainsi espérer voir les candidats procéder à une autosélection et obtenir davantage d’informations sur l’agent (le candidat). • Augmenter la motivation, la satisfaction et l’implication des salariés Plusieurs cadres théoriques peuvent être mobilisés pour expliquer les changements dans les attitudes des salariés : théories de la motivation et de la satisfaction, théorie des attentes, théorie de l’équité, approches unidimensionnelle et pluridimensionnelle de la satisfaction liées à la rémunération (Commeiras, 2001). Concernant plus spécifiquement l’actionnariat salarié, les travaux mettent en avant une relation positive entre l’actionnariat et les attitudes des salariés au travers de trois modèles principaux : modèles de la satisfaction intrinsèque, de la satisfaction instrumentale, de la satisfaction extrinsèque (Poulain-Rehm, 2003b). Les POA, comme les autres éléments de rémunération, et en particulier les autres modes d’actionnariat, vont donc avoir une influence sur les attitudes des salariés bénéficiaires et sur la modification de leurs états psychologiques. • Fidéliser le personnel Les POA permettent une fidélisation « technique » du fait des caractéristiques juridiques qui peuvent être associées aux plans (délais d’exercice, obligation de conservation des actions, obligation de rester dans l’entreprise pour retirer les gains financiers…). Au-delà, les stock-options font partie de la rémunération, variable extrinsèque du personnel-mix sur laquelle l’entreprise peut agir pour réduire le turnover et fidéliser ses ressources humaines (Paillé, 2004). Par ailleurs, Poulain-Rehm (2000) précise que les théories de la satisfaction et de l’implication constituent deux volets des théories de la fidélisation et que c’est donc en agissant sur la satisfaction et l’implication au moyen d’outils tels que les stock-options que l’entreprise réussira à réduire l’absentéisme et surtout la rotation du personnel. Desbrières (1988) résume ces trois principaux avantages RH des stock-options : « la principale motivation à la création d’un POA est l’espoir de stimuler les efforts du personnel, surtout des cadres et des dirigeants, grâce à cet avantage pécuniaire. (…) La création d’un POA peut aussi être un moyen pour les entreprises de recruter et de s’attacher des cadres et des dirigeants de valeur ». Par rapport aux salaires et aux primes à court terme qui ont une influence limitée sur le recrutement, la motivation et la fidélisation, les POA permettent d’envisager un gain proportionnel à l’accroissement de la valeur de l’action (Desbrières et al., 2000). Après la présentation des éléments théoriques financiers et Ressources Humaines justifiant les politiques de plans d’options, voyons les études réalisées, soit en finance, soit en GRH, qui ont cherché à mesurer la performance des stock-options par rapport aux objectifs attendus. IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2004-03 - 4 2 Les recherches sur la mesure de la performance des plans d’options sur actions 2.1 La performance financière des stock-options : l’essentiel des mesures La première partie a montré que la théorie de l’agence et la théorie des droits de propriété apportent en finance des justifications théoriques à l’utilisation des stock-options comme outil de résolution des conflits d’intérêt entre les actionnaires et les dirigeants, ce que de très nombreuses recherches économiques et financières ont tenté d’évaluer. Au moyen de méthodologies très différentes, ces recherches ont étudié les conséquences des politiques de stock-options, de l’annonce de la mise en œuvre d’un plan aux conséquences à moyen / long terme des plans. Il est possible de diviser les études financières sur les stock-options en deux grandes catégories. Un premier groupe d’études utilise des données boursières en testant, le plus souvent au moyen d’études d’événements, la relation entre l’annonce ou le lancement d’un plan et la valeur boursière de l’entreprise. Un second groupe d’études s’intéresse aux liens entre les plans de stock-options et des données économiques, comptables ou financières (résultat de l’entreprise, endettement, dépenses en R&D…). Les conclusions des recherches réalisées dans le domaine financier sont présentées dans le tableau 1. Ce tableau permet de constater que, même si un certain nombre de recherches ont déjà été menées pour étudier les conséquences financières des stock-options, les conclusions sont loin d’être tranchées. En effet, si les stock-options semblent avoir un effet positif sur divers indicateurs comptables et financiers à court terme, les effets sont moins nets quand l’échéance s’allonge. Les études recensées s’appuient en majorité sur des échantillons antérieurs aux années 2000 et à la chute des cours de bourse et aux divers scandales financiers, les résultats doivent donc être resitués dans une période de développement des pratiques de stock-options. Certaines études (notamment celle de Martin et Thomas, 2003) laissent entrevoir une remise en cause de l’efficacité des stock-options et un changement dans leur perception avec le développement de l’opposition des actionnaires aux plans de stock-options. D’autres études sur les liens entre des formules de rémunérations mixtes (salaire + stock-options par exemple) ont été réalisées mais ne sont pas présentées ici dans la mesure où elles ne permettent pas d’évaluer le rôle spécifique des stock-options. Même si les études réalisées en finance sur les liens entre les stock-options et la performance financière de l’entreprise apportent des conclusions encore incertaines, elles sont cependant plus nombreuses que les trop rares études réalisées en gestion des ressources humaines. IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2004-03 - 5 Tableau 1 : Résultats des études sur les liens entre les POA et la performance financière de l’entreprise Variables indépendantes Variables dépendantes Influence positive Annonce de l’adoption d’un Valeur boursière des POA ciblé actions à court terme (dirigeants et cadres) Larcker (1983) Brickley et al. (1985) Defusco et al. (1990) Yeo et al. (1999) Morgan et Poulsen (2001) Annonce de Valeur boursière des l’adoption d’un actions à court terme POA élargi Hager (2003) Morgan et Poulsen (2001) Valeur boursière des actions à court terme Dépenses de R&D ou d’investissement Defusco et al. (1990) Mehran (1995) Agrawal et Mandelker (1987) Influence négative Martin et Thomas (2003) Martin et Thomas (2003) Defusco et al. (1990) Poulain-Rehm (2000) Yeo et al. (1999) Performance boursière à long terme Volatilité du cours boursier Endettement Adoption d’un Rendement en POA dividendes Agrawal et Mandelker (1987) Defusco et al. (1990) Lambert et al. (1991) Agrawal et Mandelker (1987) Defusco et al. (1990) Larcker (1983) Poulain-Rehm (2000) Résultats Defusco et al. (1990) Mehran (1995) Rentabilité économique Poulain-Rehm (2000) à court et long terme Versement de dividendes à court Defusco et al. (1990) terme et long terme Jensen et Murphy (1990) Valeur boursière à Aboody (1996) court terme Hall et Liebman (1998) Cormier et al. (1999) Valeur boursière à long terme Endettement Lambert et Larcker (1991) Lemgruber (1986) Poulain-Rehm (2000) Lembruger (1986) Poulain-Rehm (2000) Defusco et al. (1990) John et John (1993) Dépenses en investissement à long terme Dépenses en R&D John et John (1993) Defusco et al. (1990) Valeur des dettes Octroi d’options en vertu d’un POA Résultats existant Non significatif Larcker (1983) Lembruger (1986) Lambert et al. (1991) Yeo et al. (1999) Lambert et al. (1989) Lewellen et al. (1987) Fenn et Liang (2001) Murphy (1985) Aboody (1996) Rakotosoa (1999) Cormier et al. (1999) Gaver et al. (1992) Dechow et Sloan (1991) Smith et Watts (1992) Mehran (1992) Source : Tableau établi par l’auteur et inspiré de Desbrières et al. (2000) et Poulain-Rehm (2003a) 2.2 La performance sociale des stock-options : de trop rares mesures Alors que les recherches sur les liens entre certains éléments de la rémunération (rémunération fixe, actionnariat, intéressement, rémunération des compétences…) et les IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2004-03 - 6 attitudes des salariés sont nombreuses, celles concernant les stock-options demeurent extrêmement rares. 2.2.1 La description des POA en France Les études réalisées jusqu’à présent en France sur les POA adoptent pour l’essentiel un point de vue descriptif visant à mieux connaître les objectifs recherchés (cf. tableau 2) lors de la mise en place d’un POA et les caractéristiques des plans. Tableau 2 : Principaux objectifs recherchés par les entreprises grâce aux POA Etude Objectifs des POA 1. Motiver et inciter les personnes à améliorer les résultats de l’entreprise 2. Attirer et fidéliser les meilleurs éléments DARES (Fagnot, 3. Récompenser les performances individuelles 1999) 4. Inciter les personnes à se préoccuper de la performance à long terme de l’entreprise 1. Fidéliser les cadres à haut potentiel en créant une communauté d’objectifs avec l’entreprise Poulain-Rehm 2. Motiver les bénéficiaires à la performance future 3. Récompenser les meilleurs éléments (2000) 4. Défiscaliser les rémunérations différées 5. Développer un management axé sur l’EVA (Economic Value Added) L’étude de la DARES (Fagnot, 1999) et celle de Poulain-Rehm (2000) mettent toutes les deux en avant le caractère sélectif des attributions de stock-options dans les entreprises françaises puisque celles-ci s’adressent avant tout aux dirigeants et aux cadres. Poulain-Rehm (2000) précise que la sélectivité est à la fois qualitative, au niveau des bénéficiaires (en majorité des dirigeants sociaux), et quantitative, au niveau du pourcentage de capital concerné. Plus de la moitié des entreprises (54,3%) allouent des stock-options à moins de 3% de leur personnel et 39% à plus de 5% de leurs salariés. Les critères d’attribution des POA témoignent également de cette sélectivité : 1° Le niveau hiérarchique ; 2° La performance individuelle du bénéficiaire ; 3° Le potentiel du bénéficiaire ; 4° La performance collective dans l’entreprise ; 5° L’ancienneté du bénéficiaire (Poulain-Rehm, 2000). L’étude de Hirigoyen et Poulain-Rehm (2000) vient compléter ces résultats en comparant les politiques de stock-options d’entreprises cotées familiales (24 entreprises) et non familiales (37 entreprises). Les résultats concluent là encore à la sélection qualitative (moins de 3% du personnel est concerné) et quantitative (part du capital concernée inférieure à 3%) des attributions, même si l’utilisation des stock-options se développe. Les auteurs comparent les objectifs recherchés (objectifs proches de ceux de Poulain-Rehm (2000)) par les deux types d’entreprises avec l’attribution de stock-options et concluent à l’absence de différences fondamentales entre les politiques de stock-options des entreprises familiales et non familiales. Les auteurs font également une remarque intéressante par rapport à l’objectif de fidélisation : alors que les gestionnaires de plans interrogés affirment que les stock-options permettraient de fidéliser les salariés, les données de l’étude montrent que la proportion de salariés conservant leurs stock-options plus de 3 ans est inférieure à 40% (avec une durée de détention plus longue dans les entreprises familiales). 2.2.2 La mesure de la performance sociale : des résultats parcellaires Les recherches menées en France et à l’étranger sur la performance sociale des POA demeurent encore relativement peu nombreuses et ne permettent pas d’apporter de conclusions définitives sur la capacité des stock-options à remplir leurs objectifs en matière de gestion des ressources humaines. L’étude de Copeman (1986)1 est la première à évaluer l’influence des stock-options sur le comportement et les attitudes des salariés. La recherche s’appuie sur des questionnaires recueillis auprès de 192 entreprises britanniques parmi lesquelles 51% ont mis en place un régime de partage du profit, 72% un plan d’options à l’attention des non-dirigeants et 78% un plan d’options à l’attention des dirigeants sociaux. D’après cette enquête, alors que les stockoptions semblent améliorer la compréhension par les salariés de la situation financière de l’entreprise ainsi que leur loyauté et leur enthousiasme, les résultats sont beaucoup plus 1. Etude citée par Poulain-Rehm (2003c) IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2004-03 - 7 réservés sur l’influence des stock-options concernant l’amélioration de la productivité, le recrutement et la réduction du taux de rotation. Une enquête réalisée auprès de 122 grandes entreprises canadiennes (Booth, 1990)2 relativise l’efficacité des plans d’options par rapport à d’autres régimes de rémunérations incitatives. Sur une échelle allant de 1 à 5 (5 représentant le succès le plus grand), les répondants ont évalué à 3 le succès des options par rapport à trois objectifs : Offrir une rémunération compétitive ; Motiver les cadres à réaliser les objectifs à long terme ; Inciter les cadres à s’identifier aux actionnaires. Ce résultat est inférieur à l’estimation que les répondants font de l’efficacité de tous les autres régimes de rémunération incitative (régimes d’octroi d’actions, d’achat d’actions, de participation aux profits, de primes et de partage des gains de productivité). Poulain-Rehm (2000) a mesuré les effets des plans de stock-options sur l’implication de 178 bénéficiaires dans 7 entreprises au moyen de l’échelle de Porter et al. (1979) adaptée aux stock-options. Les résultats de la recherche concluent à un effet positif des stock-options sur le niveau d’implication des cadres moyens et supérieurs. La recherche montre de plus que c’est l’attribution d’options en elle-même qui est à l’origine de l’adhésion aux objectifs de l’entreprise, quelles que puissent être les caractéristiques intrinsèques et les modalités du système. De plus, les stock-options, en augmentant l’implication des bénéficiaires, seraient source de fidélisation. Cette étude est pour l’instant la seule ayant cherché à mesurer le lien entre l’attribution d’options et l’implication des bénéficiaires en France. 2.2.3 Performance RH des stock-options : l’identification des conditions de réussite De nombreuses études sur les régimes de participation financière3 ont montré que l’efficacité de ces régimes est fonction de leurs caractéristiques, de la qualité de l’information communiquée et de la formation dispensée par l’entreprise ainsi que de l’implication du personnel. Concernant les POA, quelques études ont également cherché à en identifier les conditions de réussite. Saint-Onge et al. (1999) ont interviewé des dirigeants canadiens et identifient trois facteurs clés dans l’efficacité d’un POA : 1. Le gain : l’efficacité d’un plan d’options est conditionnée par le gain, potentiel ou réalisé, s’y rattachant. Les bénéficiaires doivent percevoir un lien étroit entre 1° leurs efforts et la performance boursière, 2° la performance boursière et le gain réalisé ou potentiel (ce gain devant être significatif). 2. Les caractéristiques de gestion du régime : il ne faut rendre admissibles à ces régimes que les personnes qui ont une influence sur la valeur des actions ou qu’il est important de retenir et de motiver ; le succès est fonction de la qualité et de l’ampleur des informations communiquées aux détenteurs d’options ; les règles du jeu doivent être stables dans le temps, simples, comprises par les détenteurs d’options. 3. Les caractéristiques organisationnelles et environnementales : la phase du cycle de vie dans laquelle se trouve l’entreprise (plus efficace quand l’entreprise est en démarrage ou en croissance), la taille de l’entreprise (plus efficace dans les petites entreprises), la culture organisationnelle (culture entrepreneuriale plus efficace), l’attitude de la direction, le secteur industriel, l’évolution du cours boursier (hausse motivante), l’état des marchés boursiers et les intervenants externes (analystes financiers, presse...) influencent la réussite d'un POA. Poulain-Rehm (2000), d’après son étude réalisée auprès de 178 cadres détenteurs de stock-options, montre que le montant des options attribuées et les gains résultant de leur exercice n’influencent pas significativement l’implication de ces bénéficiaires. En revanche, les facteurs suivants ont une influence significative : l’importance perçue des stock-options relativement aux autres formules de rémunération et de participation financière ; les notices explicatives individuelles et collectives ainsi que les réunions d’information pour la mise en œuvre et le suivi des plans ; l’équité perçue des stock-options comme dispositif de partage du profit ; l’importance du lien entre l’attribution des options et la performance individuelle ; un style de management participatif ; une perception favorable des relations avec les supérieurs hiérarchiques et avec les 2. Etude citée par Saint-Onge et al. (1996) 3. Pour plus de détails, voir notamment Commeiras (2001) IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2004-03 - 8 collègues de travail. Les études présentées sont pour l’instant les rares qui ont été menées pour mesurer la performance des POA en matière de GRH. Leur nombre et leur caractère partiel ne permettent pas de tirer des conclusions définitives sur l’efficacité des stock-options par rapport à leurs objectifs RH et méritent d’être approfondies en faisant, notamment, davantage ressortir les liens entre la performance sociale et la performance financière, condition nécessaire à la réussite des plans. 3 La mesure de la performance des stock-options : la nécessaire mise en parallèle du financier et du social Parmi les études présentées précédemment, le travail réalisé par Poulain-Rehm (2000) présente l’originalité de tester à la fois les hypothèses financières et les hypothèses RH associées aux POA. Ses résultats l’amènent à conclure à l’inefficacité des stock-options comme moyen d’aligner les intérêts des dirigeants sur ceux des actionnaires donc comme outil de création de valeur (contrairement aux hypothèses de la théorie financière – théories de l’agence et des droits de propriété) alors même que les stock-options exercent une influence positive sur le niveau d’implication des cadres bénéficiaires (validant l’hypothèse RH). Cette recherche montre l’intérêt de relier les aspects financiers et les aspects Ressources Humaines de manière à améliorer la connaissance et la compréhension du mécanisme des stockoptions. 3.1 La performance financière des stock-options, condition nécessaire à la performance sociale Les études présentées précédemment sur l’efficacité des POA en tant qu’outil de GRH ont mis en évidence différentes conditions de réussite liées aux caractéristiques de l’entreprise, aux caractéristiques intrinsèques du plan et à sa gestion ainsi qu’à la perception par les salariés de la politique de stock-options de l’entreprise. Au-delà de ces conditions de réussite, il apparaît que la performance financière des plans va influencer les comportements des salariés (comme l’ont identifié Saint-Onge et al. (1999)). Le cours boursier représente une valeur centrale dans la gestion de leurs options par les bénéficiaires, dans la mesure où il influence les stratégies d’exercice des options puis de cession des actions et donc les plusvalues retirées par les bénéficiaires (voir les modélisations et les tests empiriques réalisés en économie et en finance notamment par Huddart et Lang (1996), Carpenter (1998), Hall et Murphy (2000) aux Etats-Unis ou Desbrières (1991) en France). L’étude de Dunford et al. (2001) présente l’originalité de mettre en parallèle le côté financier et le côté RH des politiques de stock-options. Leur étude est la première à prendre en considération le cours boursier et à montrer son importance dans l’atteinte de certains objectifs RH des plans. Ils testent en effet l’influence d'un cours boursier inférieur au prix d’exercice de l’option sur les intentions des bénéficiaires d’options de quitter l’entreprise. Les auteurs partent du constat que la performance financière des stock-options joue un rôle essentiel dans la guerre pour s’approprier et conserver les talents et que, face à de mauvaises performances boursières, les entreprises se voient obligées de réévaluer les stock-options (politiques de repricing). Leur étude s’appuie sur 404 questionnaires recueillis auprès d’un échantillon de cadres et de managers pour évaluer les facteurs liés aux stock-options qui incitent les bénéficiaires à entreprendre une démarche de recherche d’emploi. Les résultats montrent qu’il existe une corrélation positive entre le pourcentage d’options dont le cours boursier est inférieur au prix d’exercice (options « underwater » ou « sous performantes ») et la recherche d’emploi, surtout si la richesse liée à l’ensemble des options détenues ne se matérialise pas ou n’est pas significative (cette relation étant cependant modérée par des variables individuelles et situationnelles). En revanche, les employés qui accordent une valeur symbolique à l’argent auront moins tendance à rechercher un autre emploi. Cette recherche fait donc apparaître le prix de l’option comme un point de référence psychologique important dans le façonnement des comportements des employés et leur intention de quitter l’entreprise. Beaucoup d’entreprises se sont rendu compte de l’importance de la performance financière des stock-options et des effets négatifs de la crise boursière depuis 2000-2001 pour motiver et retenir les salariés bénéficiaires. De plus en plus d’entreprises ayant attribué des options aux niveaux de cours les plus élevés, options devenues sous performantes, ont été incitées à mettre en œuvre des politiques de repricing visant à réévaluer le prix d’exercice de ces options de manière à en préserver le pouvoir incitatif et l’effet fidélisant. Cependant cette pratique est très critiquée du fait de son coût pour les actionnaires qui eux-mêmes subissent directement les chutes de cours. L’étude de Daily et al. (2002) a mesuré l’influence du repricing IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2004-03 - 9 sur la capacité des stock-options à fidéliser les bénéficiaires. Les auteurs ont étudié le cas de 103 entreprises ayant pratiqué des politiques de repricing en 1997 et 1998 et mesuré le turnover des membres de la direction durant les deux années suivantes. Les résultats font ressortir une hausse du turnover des dirigeants malgré le repricing, cette hausse étant même plus forte que celle enregistrée dans les entreprises de contrôle n’ayant pas pratiqué une telle politique. Les auteurs se montrent eux-mêmes surpris par ce résultat et ne parviennent à l’expliquer que partiellement en avançant l’idée que la politique de repricing est vraisemblablement le révélateur d’une crise financière et organisationnelle plus profonde de l’entreprise. L’étude de Chidambaran et Prabhala (2003) complète ce résultat. En étudiant 213 cas de repricing sur la période 1992-1997, ils montrent que le turnover des dirigeants est réduit si le programme de repricing les concerne directement mais, en revanche, le turnover des dirigeants s’élève lorsque le repricing concerne uniquement les non cadres. Pour leur part, Carter et Lynch (2004) comparent le turnover des 135 entreprises ayant pratiqué un repricing en 1998 et celui de 135 entreprises ne l’ayant pas pratiqué et montrent au contraire qu’il n’y a pas de différence entre les deux groupes d’entreprises. Cette absence de différence peut s’expliquer par le fait que, dans les entreprises qui ne pratiquent pas le repricing, la perte associée aux options sous performantes n’a que peu de conséquences sur la variation de richesse des bénéficiaires mais aussi par le fait que ces entreprises réussissent à empêcher une hausse du turnover en attribuant d’autres formes de rémunération à leurs salariés. D’autres études seraient naturellement nécessaires pour confirmer ces résultats sur l’influence du repricing sur le comportement des bénéficiaires. Les recherches reliant la performance financière et la performance sociale des stockoptions en mesurant l’influence du cours de bourse sur l’atteinte des objectifs RH des plans s développent mais sont encore peu nombreuses. Il apparaît toutefois clairement que le cours de bourse et les gains retirés des plans d’options sont des variables essentielles de l’efficacité des stock-options pour attirer, motiver et fidéliser les bénéficiaires. Cependant, compte tenu des caractéristiques techniques des POA, il faudrait mener des recherches longitudinales pour permettre une meilleure compréhension des attitudes des bénéficiaires en tenant davantage compte des variations des cours de bourse dans la durée et de leurs conséquences sur le montant des plus-values. 3.2 La performance financière, condition non suffisante : l’exemple des attributions élargies de stock-options Les politiques de POA ont évolué dans les grandes entreprises vers la fin des années 90 : au départ réservées aux principaux dirigeants, les stock-options deviennent un mode de rémunération qui descend dans la hiérarchie et qui est parfois proposé à l’ensemble des salariés de l’entreprise, sur le modèle des « start-up ». Cependant, si les plans de stockoptions dits « élargis » apparaissent comme efficaces dans les petites entreprises d’après les premières études qui leur ont été consacrées, l’efficacité de cette pratique semble plus réduite dans les grandes entreprises. Dans les petites entreprises (notamment les start-up), les stock-options peuvent constituer un mode de rémunération financièrement intéressant et un moyen d’atteindre les objectifs RH déjà cités : attirer, motiver et fidéliser les salariés (Sesil et al., 2002). L’élargissement des plans de stock-options consiste à attribuer des stock-options non seulement aux dirigeants mais aussi aux niveaux hiérarchiques situés en dessous, voire à tous les niveaux hiérarchiques. Il trouve sa justification dans les théories de l’agence et des droits de propriété dans la mesure où les actionnaires transfèrent simultanément des droits aux salariés les plus compétents pour gérer l’entreprise et des rémunérations incitatives pour aligner les intérêts de ces salariés sur les leurs afin de les inciter à la création de valeur (Sesil et al., 2002). Les études menées jusqu’à présent sur les plans de stock-options élargis dans les petites entreprises sont peu nombreuses et ne permettent pas de tirer de conclusions définitives sur l’efficacité de ce mode de rémunération, en particulier sur l’efficacité RH dans la mesure où les recherches sont essentiellement économiques et financières (Ittner et al., 2001 ; Core et Guay, 2001 ; Sesil et al., 2002 ; Oyer et Schaefer, 2002). Parmi ces études, deux d’entre elles présentent des conclusions intéressantes du point de vue de l’efficacité RH des plans d’options élargis. Tout d’abord, Oyer et Schaefer (2002) précisent l’importance de la taille de l’entreprise : pour les entreprises d’environ 10 salariés, les plans d’options élargis ont des effets incitatifs sur tous les niveaux hiérarchiques. Sesil et al. (2002) le confirment en faisant remarquer que, quand le nombre d’employés augmente dans l’entreprise, les efforts des employés et le cours de l’action de l’entreprise sont moins directement liés ce qui peut provoquer l’apparition de comportements de hasard moral et d’opportunisme. Ces premiers IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2004-03 - 10 résultats montrent l’efficacité et l’intérêt des attributions d’options au-delà des niveaux hiérarchiques les plus élevés dans des entreprises de taille réduite. Dans les grandes entreprises, les politiques de plans d’options évoluent vers un élargissement des populations bénéficiaires (allant parfois jusqu’à l’ensemble du personnel) et vers des niveaux hiérarchiques moins élevés (cadres, non cadres). En France, deux exemples sont emblématiques, même si leurs opérations restent exceptionnelles dans les grandes entreprises : ceux de Vivendi et d’Alcatel. Vivendi a décidé d’attribuer 10 options d’achat d’actions à chacun des 250 000 salariés du groupe dans les métiers de l’Environnement et de la Communication et Alcatel, avec l’opération baptisée « Al », a permis à près de 59 000 salariés (soit un salarié sur deux) de bénéficier de stock-options par l’intermédiaire d’une augmentation de capital réservée. Aucune recherche n’a porté sur les politiques de stockoptions élargies des grandes entreprises, mais la recherche de Dunford et al. (2002) amène à se montrer prudent sur l’efficacité de cette pratique. Alors que les stock-options ont pour objectif de relier la performance individuelle du salarié et la performance de l’entreprise, Dunford et al. (2002) soulignent que très peu d’employés voient un lien direct entre leurs comportements et le cours de bourse de leur entreprise. Ils proposent de tester le degré avec lequel les bénéficiaires d’options pensent pouvoir agir sur le cours boursier à partir d’un échantillon de 435 cadres. Les résultats montrent que : 1° Plus le pourcentage d’options sous performantes est élevé, plus les attentes des salariés par rapport au cours boursier sont limitées ; 2° Plus les salariés occupent une position hiérarchique élevée, plus leurs attentes par rapport au cours boursier sont élevées ; 3° Les cadres qui ont de bonnes relations avec la direction vont avoir des attentes plus élevées par rapport au cours de bourse. Cette recherche confirme l’importance de la performance financière comme source de performance sociale et comme facteur de réussite d’un POA, mais permet également de dégager d’autres facteurs de motivation et en particulier l’importance non négligeable de la position hiérarchique occupée dans l’entreprise. Ces résultats rejoignent ceux de Saint-Onge et al. (1999), cités précédemment, sur les conditions de réussite des plans et ceux de Hall et Murphy (2003) sur la nécessité de limiter les attributions d’options aux personnes clés de l’entreprise. Ces premières recherches sur les distributions élargies de stock-options montrent donc l’efficacité de cette pratique dans les petites entreprises où elles permettent de relier la performance financière et la rémunération des bénéficiaires et où la taille de l’entreprise rend possible la perception d’un lien entre la performance individuelle et la performance collective. En revanche, l’efficacité de cette pratique dans des entreprises plus grandes semble plus réduite mais là encore, des recherches complémentaires sont nécessaires pour mieux appréhender les relations entre l’attribution de stock-options et l’obtention des objectifs RH recherchés. Conclusion Les plans d’options sur actions constituent un sujet de recherche à la frontière entre la finance et la gestion des ressources humaines puisqu’ils visent à atteindre des objectifs financiers mais également Ressources Humaines. Or, l’essentiel des recherches a jusqu’à présent été mené dans le domaine de la finance. Les quelques rares recherches réalisées en gestion des ressources humaines ne permettent pas d’apporter de conclusions définitives sur l’efficacité des stock-options en tant qu’outil de GRH mais permettent cependant d’identifier un facteur clé de réussite : la performance financière des stock-options. Les études présentées permettent de mettre en avant deux arguments principaux qui illustrent la nécessité de rapprocher les aspects RH et les aspects financiers pour mieux appréhender les pratiques de stock-options. Tout d’abord, alors que les résultats mitigés des études financières conduisent à remettre en cause l’efficacité des stock-options comme mode de résolution des conflits d’agence, la mise en parallèle des aspects RH et financiers montre que les stock-options peuvent avoir une efficacité, en particulier pour atteindre des objectifs de motivation et de fidélisation des bénéficiaires. Ensuite, le mécanisme des stock-options lie inévitablement le social et le financier au travers de la performance financière des plans qui va influencer les comportements et les attitudes des salariés bénéficiaires et donc l’atteinte des objectifs RH. Au-delà des premières recherches développées ici sur la mesure de la performance sociale des stock-options, il convient de s’interroger sur le processus de développement des attributions en se demandant si celles-ci se sont toujours faites dans le but de résoudre des conflits d’intérêts entre actionnaires et dirigeants et d’atteindre des objectifs RH ou si leur développement ne s’est pas fait davantage par mimétisme ou pour la valeur symbolique (Meyer et Rowan, 1977 ; DiMaggio et Powell, 1983, Allouche et Huault, 2003) ou encore par effet de mode (Abrahamson, 1996). Des recherches menées sur la rémunération à long terme IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2004-03 - 11 des dirigeants (dont les stock-options) ont d’ailleurs montré que celle-ci était liée à des considérations de pouvoir et de comparaisons sociales (Sanders et al., 1995 ; Saint-Onge et al., 1999) ou mise en place pour sa valeur symbolique (Zajac et Westphal, 1995 ; Westphal et Zajac, 1998). De nouvelles recherches sur les stock-options semblent donc nécessaires adoptant, si possible, une perspective longitudinale, de manière à mieux connaître cette pratique de rémunération, son développement, son efficacité et à envisager l’avenir de ce mode de rémunération controversé. Bibliographie [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17] [18] [19] Aboody, D. (1996). « Market valuation of employee stock options », Journal of Accounting and Economics, vol.22, n°3, p.357-391. Abrahamson, E. (1996). « Management fashion », Academy of Management Review, vol.21, n°1, p.254-285. AFEP-MEDEF (2003). Le gouvernement des sociétés cotées, Octobre 2003. Agrawal, A. et G. Mandelker (1987). « Management incentives and corporate investment and financing decisions », Journal of Finance, vol.45, n°3, p.828-837. Alchian, A.A. et H. Demsetz (1972). « Production, information costs and economic organization », American Economic Review, n°62, p.777-795. Allouche, J. et I. 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