Guy Alloucherie et les Veillées Un théâtre du vivre

Transcription

Guy Alloucherie et les Veillées Un théâtre du vivre
Jean-baptiste Roybon
Guy Alloucherie et les Veillées
Un théâtre du vivre ensemble.
Exigence partielle à la certification finale
Manufacture – Haute école de théâtre de Suisse romande
Mai 2012
Remerciements
2
Bonjour,
Je tiens à vous faire un petit résumé de l’état de mon mémoire.
Mon introduction et conclusion ne sont pas encore faites.
Ma première partie est là même que vous avez déjà lu. Je ne l’ai pas encore
retravaillée. Il s’agit de mêler un historique sur le théâtre politique des année 90 aux
parcours de Guy Alloucherie en n’y insérant la description du lieu ou il travail et ces
paroles qui se trouvent à la fin de la partie.
La deuxième partie est complète, peut être un peut trop.
La troisième partie est incomplète. Cependant j’ai fait des résumés des deux
dernières sous partie que je n’ai pas fini d’écrire.
Voilà c’est un premier jet, avec toutes les difficultés pour écrire que se m’a
demandé, cependant j’ai de plus en plus de plaisir à avancer sur ce mémoire.
Je vous souhaite une très bonne lecture.
Cordialement Jean-baptiste.
3
Sommaire
Introduction ..........................................................................................5
1.
PRESENTATION DE LA COMPAGNIE HVDZ, DE SONT FONDATEUR ET
METTEUR EN SCENE GUY ALLOUCHERIE ET DE LEUR LIEU DE RESIDENCE,
LA BASE 11/19............................................................................................................................ 6
1.1.
REJOINDRE LE CŒUR DE LA BASE 11/19............................................................... 6
1.2.
PRESENTATION DU PARCOURS DE GUY ALLOUCHERIE ET DE LA COMPAGNIE
HVDZ.
2.
.............................................................................................................................. 7
LES VEILLEES....................................................................................................... 11
2.1.
QU'EST CE QU'UNE VEILLEE ? ............................................................................ 11
2.2.
LA VEILLEE DE DUNKERQUE .............................................................................. 13
2.2.1.
Les Interviews ............................................................................................. 14
2.2.2.
Lecture sur scène ........................................................................................ 19
2.2.3.
Travail avec les scolaires ........................................................................... 23
2.2.4.
Portait des gens du quartier ....................................................................... 24
2.2.5.
Images d'étudiants ...................................................................................... 25
2.2.6.
Image du quartier ....................................................................................... 26
2.2.7.
Vidéos des danses et acrobaties dans la ville ............................................. 26
2.2.8.
Danses et acrobaties sur le plateau. ........................................................... 27
2.3.
3.
LES FONDEMENT DE LA VEILLEE ........................................................................ 28
UN THEATRE DU VIVRE ENSEMBLE, MAIS A QUEL PRIX ? .................. 29
3.1.
UN THEATRE DU VIVRE ENSEMBLE. ................................................................... 29
3.2.
LA VEILLEE, UNE FORME DE DEMOCRATISATION CULTURELLE ? ..................... 31
3.3.
LA VEILLEE, UNE MEDIATION CULTURELLE. UNE DERIVE ? ............................. 31
Conclusion .............................................................................................?
4
Introduction
Il y a dans la réalité historique même, la réalité précise, la réalité datée,
une poésie si effarante que toute invention strictement personnelle paraît
malingre en comparaison.
Arthur Adamov.
Avant de rentrer à la Manufacture et de décider de devenir comédien, j’ai exercé
pendant sept ans le métier d’éducateur spécialisé. Je travaillais en prévention
spécialisée, ce que l’on appelait jadis éducateur de rue. Finalement je n’ai fait que
changer de scène. Mon travail consistait à aller à la rencontre des gens dans le cartier où
j’étais missionné, écouter leurs histoires et créer du mouvement là où leur vie semblait
se carencer. Bien évidement c’est un résumé très grossier de ce travail, mais l’essentiel
pour mon sujet se trouve dans cette phrase. Cette posture d’écoute que je devais tenir
m’a souvent semblé fragile et dérisoire face à la densité des récits de vie. J’asseyais
d’imaginer que j’assistais à une représentation pour avoir la bonne distance pour tout
entendre. Seulement il me manquait le public avec lequel on aurait pu débattre et ainsi
inscrire les paroles de ces gens comme des histoires tout autant singulières
qu’universelles et donc nécessaires à la collectivité.
(Je ferais mon introduction plus tard, je préfère avancer sur les parties du corps du
texte. Néanmoins je vous envois ce début qui vous permet de comprendre l’origine du
sujet).
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1.
Présentation de la compagnie HVDZ, de sont fondateur et
metteur en scène Guy Alloucherie et de leur lieu de
résidence, la Base 11/19
Je vais en premier temps vous parler du lieu où réside la compagnie. Cet endroit à
un sens symbolique très fort et donne forcément à la compagnie une couleur, un
caractère une direction à leur travail. Pour Guy, sont arrivée sur cet ancien carreau de
mine, étant lui-même fils de mineur, va signer un changement radical dans son
parcours.
1.1. Rejoindre le cœur de la base 11/19
Il est 12h05, le train me dépose à la gare de Lens. Olivier qui est administrateur de
la compagnie est venu me chercher en voiture. La Fabrique Théâtrale de Loos-enGohelle de son vrai nom Base 11/19 (ancien puits de mine de charbon) se trouve dans la
périphérie de Lens. Au cours du voyage le paysage architectural se transforme, les
immeubles de la ville laissent place à de grandes rues toutes droites encadrées de part et
d’autre d'habitations unifamiliales étroites, à un étage, avec un petit jardin. Ce sont les
corons, ces habitations ouvrières où vivaient les mineurs. Les premiers corons que nous
traversons sont de petites maisons blanches indépendantes avec leur petit jardin et leur
portail. Olivier m’explique que c’était le quartier des ingénieurs. Progressivement ces
maisons deviennent plus petites, collées les une aux autres, elles appartenaient aux
contremaitres. Puis au croisement d’un carrefour le crépi blanc laisse la place à la brique
rouge, les haies à de petits murets, les portails à de petites portes en fer : c’est le quartier
des mineurs. Rapidement, il n’y a plus rien d’autre autour de nous que l’assemblage
successif de ces petites maisons rouges.
Où sont les commerces, les boulangeries, les bistrots, les églises ? Des milliers de
petites maisons en brique comme une ancienne partie de « Tetris » que l’on n’aurait
jamais finie.
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Nous empruntons une petite route qui progressivement nous surélève des corons
pour s’effacer soudainement par l’absence de goudron devant les portes du site minier.
Ces portes ce sont « les jumeaux du 11/19 », comme on les surnomme dans la région.
Deux terrils de 187 mètres couvrent une surface de 90 hectares, ce sont les plus hauts
d’Europe. Ces petites montagnes sont les déchets pierreux (schiste noir) qui ont été
écartés lors de l’extraction du charbon. Derrière se trouvent les bâtiments, La base 11/19
dont une partie est devenu la Fabrique Théâtrale. Au dessus des bâtiments s’élève le
chevalement (une sorte d’échafaudage en forme de cône) et la tour 19 s’élançant à plus
de trente mètres au-dessus du sol qui est en quelque sorte la cage de l’ascenseur qui
descendait dans le puits.
C’est ici que je rejoins Guy Alloucherie. Il me propose de faire l’interview dans
l’une des salles de théâtre, « l’endroit sera plus adéquat que mon bureau » me dit-il.
Nous traversons la grande salle appelée « salle des pendus ». Guy m’explique que ce
nom fut donné à l’immense hall dans lequel les mineurs suspendaient, en hauteur, leurs
vêtements, puis il rajoute : « comme autant de formes humaines dévitalisées flottant
dans l’air ». Soudain, je ne vois plus cette salle de spectacle de la même manière, je
distingue encore à travers le gril les crochets qui servaient à suspendre leurs habits. La
sensation est étrange, je ne sais pas si ça me dérange ou si ça me fascine, sûrement un
peu des deux. Finalement, c’est dans une petite salle de répétition, qui servait jadis de
réfectoire, que nous nous installons. Guy y dispose une table, deux chaises, un thermos
de café et deux petites tasses. Tout est prêt pour commencer.
1.2. Présentation du parcours de Guy Alloucherie et de la
compagnie HVDZ.
Guy Alloucherie est metteur en scène. Il débute au théâtre dans les années 80.
Alors étudiant à Lille, il suit les ateliers théâtre du Prato où il rencontre Eric Lacascade,
ensemble, ils créent une compagnie le Ballatum théâtre qu’ils co-dirigeront pendant
quinze ans. En 1997, ils accèdent à la direction du Centre Dramatique National de Caen.
Quelques mois après, Guy Alloucherie décide de quitter cette aventure et de créer la
compagnie Hendrick Van Der Zee (HVDZ). En 1998 ils s’installent en résidence à la
Fabrique Théâtrale à Loos-en-Gohelle et collaborent depuis, au titre d’artistes associés,
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au projet artistique et culturel de Culture Commune – Scène Nationale du Bassin minier
du Pas-de-Calais. Ce lieu fut réhabilité et revalorisé comme patrimoine minier en 1998
par Culture Commune. La Fabrique théâtrale est un espace mis à la disposition des
artistes qui y écrivent, montent, peaufinent leurs spectacles.
La création de cette compagnie et son installation à la base 11/19 marque un
tournant important pour Guy Alloucherie. Pendant sont spectacle « Les Sublimes » en
2003, Guy raconte sur scène des parties de son histoire. Il dit au sujet de cette période :
« Pour dire la vérité, en ce qui me concerne, je pense qu’en arrivant sur le site du 11/19,
j’étais sérieusement largué. Après avoir co-dirigé le Ballatum Théâtre et, le temps d’une
étincelle, le Centre Dramatique National de Caen, je ne savais plus du tout à quel saint
me vouer, ni pourquoi j’avais pris la décision un jour de faire du théâtre. Si ce n’est
pour faire comme et avec mon camarade Eric Lacascade. Je me suis souvent demandé à
quoi je pouvais servir, pourquoi je faisais ce métier, pour quelle utilité. J’ai longtemps
cru que ce n’était qu’une question existentielle et je me suis rendu compte en arrivant au
11/19 que c’était une question sociale, politique pour ainsi dire. »
Depuis la compagnie HVDZ en est à son douzième spectacle, dont le dernier
« les Atomics » est en création, et à leurs trentièmes veillées. « Marie » fut le premier
spectacle (en 1997) mis en scène par Guy après son départ du Balatum Théâtre. Ce
spectacle va être l’acte fondateur de la compagnie rassemblant Martine Cendre (qui
travaillait déjà au Balatum Théâtre avec lui comme dramaturge), Marie Lettellier
(danseuse chorégraphe) et Jachy Auvray (chorégraphe). Puis il va suivre dans la même
année « C’est pour toi que je fais ça » qui fut la première expérience avec les arts du
cirque créé avec des élèves du Centre National des Arts du Cirque de Chalons. En 1998
ils vont créer « Quoi l’éternité ? » en mêlant le théâtre et la danse. Avec la compagnie
Anomalie en 2000 ils croisent le cirque, le théâtre, la danse, la musique et présentent
« Et après on verra bien ».
En 2001 Guy met en scène Kader Baraka dans un spectacle appelé «Je m’excuse »
à partir du témoignage de vie dans le bassin minier que Kader va lui livrer. C’est le
premier spectacle où Guy va utiliser le témoignage. Martine Cendre, me confie lors de
mon entretien avec elle : « Après ce travail, les choses n’ont plus jamais été comme
avant pour Guy. La parole portée par Kader était extrêmement dure, extrêmement
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engagé, extrêmement politique. Guy était déjà très engagé, mais tout d’un coup il y a eu
une prédominance du matériau humain. C’est devenu assez existentiel pour la
compagnie. »
En 2002, « Clown littéraire avec élastique » est un travail sur la parole, le
témoignage, l’enfance, la mémoire. Puis en 2003 ils vont créer « Les Sublimes ». C’est
un spectacle important pour la compagnie qu’ils nomment « spectacle-bilan, un état des
lieux ». C’est la première fois qu’ils utilisent des interviews recueillies auprès de
mineurs et qu’ils vont projeter sur scène. Guy Alloucherie y raconte son parcours de fils
de mineur devenu metteur en scène de théâtre. Son enfance, son départ, puis son retour
dans le pays minier, l'installation de sa compagnie à la Fabrique théâtrale. Tout ce qui a
induit une mise en question du théâtre qu'il fait. Et les questions sous-jacentes surgissent
au fil du spectacle : pourquoi, pour qui, comment faire du théâtre ? Sur le site internet
de la compagnie HVDZ, Guy dit à propos de ce spectacle : « Les Sublimes, c'est l'envie
et le besoin indispensable de parler du monde d'aujourd'hui. L'envie de faire coïncider
engagement militant, action culturelle et recherche artistique. « Les Sublimes » ne
raconte pas une histoire mais mille histoires. L'histoire prend corps, existe sous forme
de bribes, de pistes à suivre : La parole, l'acrobatie, la danse s'enchaînent en plansséquences. On est dans une forme de théâtre particulier, comme au music-hall. On est
dans un lieu où l’on peut prendre la parole. »
A la suite de ce travail, Culture Commune va proposer à la compagnie HVDZ et
KompleXKapharnaüm, dans le cadre de Lille 2004 - Captiale Européenne de la culture,
de créer un spectacle sur le bassin minier à partir des gens qui y vivent. « La tournée des
grands Ducs » va naitre à la suite de 9 mois de travail sur le terrain. C’est un spectacle
déambulatoire mêlant arts vivants et vidéo retraçant les rencontres accumulées pendant
cette période. C’est en écho à ce travail que la compagnie va créer les Veillées. Je
reviendrai plus précisément, dans le chapitre suivant, sur l’historique et les fondements
des Veillées étant le sujet que j’ai décidé de traiter.
En 2007, ils créent « Base11/19 ». Ce fut un « gros » spectacle qui va tourner sur
de grandes scènes comme l’Odéon. De même que « Les Sublimes », « Base11/19 »
mêle les comédiens, les acrobates et les danseurs, afin d’allier le corps, le geste à la
parole. Le corps comme prolongement d’une idée, politiquement, artistiquement,
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intimement. Guy me dit lors de notre entretien : « Tout est lié au 11/19, c’est dire à quel
point ça compte pour nous. D’ailleurs on a appelé ce spectacle-ci « Base11/19 ». A se
demander si tout ce qu’on fait à Loos-en-Gohelle ne s’appelle pas comme ça :
Base11/19. »
En 2010 Guy créer « journal de bord » à l’école de cirque de Montréal avec
laquelle il collabore depuis les années 2000. Le directeur de cette école, Howard
Richard est aussi le chorégraphe de la compagnie HVDZ.
Actuellement ils sont sur la création des « Atomics ». Ils appellent ça la Veillée
des Veillées. Guy écrit à propos de ce travail sur leur site internet : Les Atomics, c'est
réfléchir à sept ans de Veillées. Sept ans durant lesquels elle a parcouru les villes, ici,
ailleurs, jusqu’au Brésil, à la rencontre des quartiers, des gens qui les habitent, à la
quête d’une parole qui dit la vie, le monde, l’art, les regards sur l’art. Fabuleuse matière
engrangée, richesse inouïe de l’expérience vécue : « qu’est-ce qu’on fait de tout ça ? »
se sont interrogés les Veilleurs.
La manière que Guy à de parler des Veillées est toujours très touchante et efficace.
Afin de bien cerner ce travail il me parait important de lire ce que Guy Alloucherie dit
de ces Veillées.
« Le but du jeu est d’aller à la rencontre des gens. À un moment donné, je ne
savais plus très bien le sens de ce qu’on faisait. On faisait des spectacles sur des scènes
de théâtre et j’avais l’impression qu’ils s’adressaient toujours aux mêmes gens, alors
qu’il y avait tout un public que je ne voyais jamais au théâtre. Comment ce fait-il que
tous ces gens-là ne venaient pas ? J’ai donc pensé qu’il devait y avoir de bonnes raisons,
que ce n’est pas uniquement parce qu’ils n’étaient pas informés. Apparemment, ils
n’étaient pas sensibles à la forme de théâtre que nous proposions. L’idée de départ était
d’aller voir les gens, les uns après les autres, avec comme point de départ de parler de
culture. D’aller les rencontrer en se disant que de toute façon tout le monde a une
définition de la culture. Et, je ne sais pas plus que les autres ce qu’est la culture. Il serait
donc intéressant d’avoir l’avis de tout le monde, puisqu’il n’y a pas de vérité en ce qui
concerne l’art et la culture. En plus, comme on est situé sur un ancien site minier, on est
entouré de cités ouvrières et les ouvriers n’ont pas vraiment dans leurs pratiques
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habituelles d’aller au théâtre ou d’aller voir de la danse. On s’est demandé : « Mais que
doit-on faire, qu’est-ce qu’on peut faire pour trouver le lien, pour créer une œuvre qui
intéresse, pour laquelle les gens se sentent concernés par ce qui se dit et ce qui se fait ?
» On est donc allé à la rencontre des gens dans les quartiers, dans un premier temps ici
tout autour, dans les quartiers populaires. Après, on est parti un peu partout, en France,
au Brésil, et on va sans doute le faire au Canada l’année prochaine. Mais l’idée de
départ était celle-là : puisque les gens ne viennent pas, allons vers eux. Personne ne
détient de vérité sur le sujet de l’art et de la culture. Peut-être que la meilleure façon de
faire, c’est d’inventer avec les gens… En étant au milieu des cités ouvrières, il était
impossible de continuer à faire un théâtre qui soit complètement en dehors des réalités
du quartier. Cela aurait été du cynisme de ma part. C’est pourquoi, on est allés à la
rencontre de tout le monde. Les Veillées sont des spectacles faits pour rencontrer les
gens, discuter avec eux et pour parler de la mémoire ouvrière et de la culture ouvrière.
Mais, pas que de la mémoire : les gens nous racontent aussi le présent, comment on vit
dans le quartier, comment on vit ensemble. Après une résidence de dix jours à trois
semaines, on monte un spectacle, avec des acteurs et des acrobates, dont les gens et le
quartier sont les acteurs principaux. Le but est de tout mettre au service de l’idée que
l’œuvre d’art se construit ensemble.
2. Les Veillées
2.1. Qu'est ce qu'une Veillée ?
Comment parler des Veillées qui ont déjà éclos dans trente villes depuis sept ans
et qui, cependant, ont toutes leurs singularités à l'image des lieux dans lesquels elles
naissent, puis s’éteignent une fois la représentation finie. Comme tout spectacle, il y a le
temps de la création qui, pour les Veillées dure entre deux et trois semaines et celui de
la représentation qui va de 1h15 à 1h40. La particularité des Veillées c'est que le temps de
création qui est structuré autour d'un protocole est la partie pérenne du travail, tandis
que les représentations théâtrales sont éphémères et ne se jouent qu'une seule fois.
Les Veillées consistent à créer et à écrire à partir de ce que les gens leur
racontent et à partir de ce que la compagnie a besoin de dire sur le monde.
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Martine Cendre, me dit qu’il s’agit d’aller à la rencontre des habitants et en
rendre compte à la manière d’artistes qui s’emparent du réel et qui prennent position
politiquement et artistiquement.
Au préalable ce sont soit des commandes des villes ou d’une scène nationale soit
des propositions de la compagnie. Il y a toujours, ou du moins majoritairement un
partenariat avec une scène nationale locale ou un théâtre. En effet, le contrat est que la
représentation de la Veillée soit donnée dans un théâtre. En amont, la compagnie
rencontre les différents protagonistes pour organiser leur résidence qui sont
majoritairement les Maisons de Quartiers. Ainsi, le théâtre, la maison de quartier et les
écoles préparent les habitants à leur venue.
Les Veillées sont conçues en trois temps : donner, recevoir, restituer. Sur une
période de deux à trois semaines, des rendez-vous sont proposés à la population sur leur
lieu de vie, dans leur quartier, pendant lesquels la compagnie occupe l’espace, sans
intrusion, en proposant des actions artistiques impromptues : des chorégraphies, des
acrobaties sur une place publique, dans une allée du marché, sur un rond point, sous un
arrêt de bus, dans la cour d’une école, d’un collège ou d’un lycée, dans une cage
d’escalier… , en favorisant les échanges de paroles. « Nous sommes conscients que le
risque est réel! » me dit Marie Lettelier, « Il nous faut trouver notre position, ce
décalage, marque de l’art, qui doit susciter la réaction. » Cette notion du risque je la
développe dans la partie 3.
Les matériaux collectés : films de scènes de rue, interviews d’habitants…
servent de substances à la Veillée, qui a lieu au terme de ces deux ou trois semaines.
Chaque Veillée est différente. C'est un langage du présent de l'éphémère de l'instantané,
il n'y a pas de moment plus important que d'autres. Le spectacle se tisse ainsi au fil de
ces découvertes, de ces mises en jeu et se termine par une représentation témoignant de
la cité, de l’art, avec, bien sûr, aux côtés des artistes la précieuse participation et
création des habitants. « Des gens qui autrement ne se seraient jamais rencontrés. » Me
dit Guy, « C’est ça l’histoire, c’est ça le risque ! Sinon à quoi bon ? »
C'est le combat ordinaire de ces gens qui soudain prend toute son importance car
ils s'expriment ensemble au cœur d'une même œuvre, réunis dans un théâtre. Dès lors
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comme le dit Piscator «il n'y a plus une scène face au public, mais une salle de réunion
commune et gigantesque, un gigantesque champ de bataille, une gigantesque
manifestation». Je reviendrai sur cette idée de faire et vivre ensemble l’œuvre théâtrale,
dans la partie suivante.
Pour éclairer et comprendre cette démarche de travail, il m’a semblé plus
intéressant de choisir une seule Veillée qui est celle de Dunkerque et de décortiquer le
résultat. J'ai choisi cette Veillée pour sa particularité. Elle est un peu plus longue que les
autres, elle a duré trois semaines et s'est intéressée à quatre quartiers de la ville. En
général, les Veillées durent deux semaines et s’implantent dans un ou deux quartiers.
Cette Veillée a été financée par des subventions d’état, de la région et du conseil
général, par la ville de Dunkerque et la scène nationale de la ville le Bateau Feu, qui ont
accompagné la compagnie tout le long du processus ainsi que Culture Commune qui
soutient une partie des actions de la compagnie. Ils furent en résidence du 3 au 2 octobre
2011, en partenariat avec les Maisons de Quartier du Méridiens, de Rosendaël-centre,
de la Tente Verte et de la Maison pour tous de Leffrinckoucke.
2.2. La Veillée de Dunkerque
Le spectacle de la Veillée réunit :
•
Une sélection de vidéo prises pendant la présence de l'équipe sur le terrain selon
une liste de protocoles énoncés en annexe. Elles sont projetées sur deux grands
écrans disposés côte à côte en fond de scène.
•
Des lectures de textes aux micros, faites par les acteurs de la compagnie sur trois
tabourets à cour, disposés les uns derrière les autres légèrement décalés. A leurs
côtés, côté cour se trouve la régie qui est à vue et perpendiculaire au public.
L'ensemble des acteurs de la compagnie sont présents à cet endroit (danseurs,
comédiens, circassiens, dramaturge, techniciens).
•
Des danses et des acrobaties sont exécutées sur le reste de la scène, devant les
écrans.
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La Veillée de Dunkerque dure 1h38 et se compose de 42 séquences. Elles durent
entre une et trois minutes et se structurent en fonction des différentes combinaisons
présentes sur le plateau (lecture, danse ou acrobaties, vidéos). J'ai repéré quatre formes
de combinaisons :
1.
Deux vidéos différentes ou identiques sur chaque écran qui sont soit muettes
avec un fond musical ou dont l'une d'entre elles est sonore (témoignages).
2.
Lecture de textes au micro et deux vidéos différentes ou identiques muettes sur
un fond musical.
3.
Danse ou acrobatie sur le plateau avec la combinaison 1 (citée ci-dessus).
4.
Danse ou acrobatie sur le plateau avec la combinaison 2 (citée ci-dessus).
Je ne pense pas que la description des séquences soit nécessaire pour ce travail,
néanmoins j'ai repéré huit thématiques qui permettent d'avoir une vision globale de la
Veillée.
2.2.1.
Les Interviews
Elles consistent à rencontrer un habitant, un responsable associatif, un animateur,
un dirigeant de structures culturelles ou sportives, etc. Les interviews sont menées selon
trois axes de questions : rapport au lieu : ville, quartier (ce qu’implique : « habiter
ici »), rapport au travail : conditions de travail (syndicalisme, structure de l’emploi
localement, usines, chômage…), rapport à la culture : aux pratiques culturelles (quelle
fréquentation des structures culturelles… ?). Dans la Veillée de Dunkerque, j'ai repéré
deux genres d'interviews.
•
Interviews des salariés, des bénévoles et des adhérents des Maisons de Quartier.
Ces témoignages sont présents dans quatorze séquences et abordent ces institutions
selon différents points de vue. Il y a les interviews des salariés et des bénévoles qui
occupent des responsabilités au sein des Maison de Quartier. Voici des extraits de leurs
paroles :
« Je suis présidente de la Maison de Quartier de La Tente Verte. Il
fallait faire rouler la culture, ce n'était pas évident. Puis est arrivée l'offre
du Bateau Feu avec le théâtre hors les murs, alors là ça été le point de
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départ et ça a explosé [...]. Il y a tout un lien social qui se fait par
l'intermédiaire des Maisons de Quartier. C'est une politique au sens premier
du terme, on fait avec les gens. Les Maisons de Quartier ont vraiment fait
beaucoup pour l'éducation populaire et la démocratie participative.»
« J'ai travaillé toute ma vie dans l’industrie et maintenant je suis vice
président de la Maison de quartier, bénévole, depuis le 1er juillet. Faut pas
attendre que l'on vienne vous chercher, jamais ! C'est du socialisme mais
pas politique. On donne une valeur à nos idées, on ne devient pas bénévole
on est bénévole, car on a eu une famille qui nous l'a appris. Tout le monde
n'a pas envie de faire du bénévolat, mais une Maison de Quartier c'est
important, c'est un vivier, c'est la mixité sociale, la porte ouverte à tous. »
« J'ai 25 ans et je suis animatrice à la petite enfance. Ma mission est
de créer du lien entre les générations et favoriser la mixité sociale. On
essaie de démocratiser au maximum la culture, elle peut aussi émerger
d'ici. »
Il y a celles qui sont récoltées parmi les adhérents participant à une activité,
comme l'atelier couture ou le club de danse :
«- Comme il y a des activités et que l'on a besoin de moi je viens ici. On a besoin de vous ? eh bien oui, on fait des soutien-gorge pour la ligue
contre le cancer. Il y a de la solidarité dans notre quartier, il y en a toujours
eu.
« Je suis venue à l'atelier couture quand je suis devenue veuve. Il y a
beaucoup de veuves dans notre quartier car nos époux ont tous été plus ou
moins atteints par l'amiante, l'usine n'a pas été reconnue et ça n’a pas été
reconnu comme maladie professionnelle. »
« Une fois je suis allée faire un ourlet, j'ai trouvé que ça coûtait trop
cher, alors je suis venu ici pour apprendre moi-même. Je travaillais à l'usine
de charbon, dans le puits, j'ai arrêté car j'ai eu un accident [...]. Ce qui me
plaît ici c'est les copines ! »
« Je fais de la danse ici depuis que j'ai quatre ans, ça va faire dix ans
que j'en fais. Ça me permet de me déstresser, de mettre en mouvement se
que je pense. »
« Quand je vais pas bien je viens ici et je danse ! »
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Enfin, il y a les témoignages de bénévoles qui s’expriment sur la relation entre la
Maison de Quartier et leur vie. Ces témoignages sont souvent réalisés chez les
personnes et durent plus longtemps que les autres ; une forme plus intime et plus
personnelle s'en échappe :
« J'ai 91 ans, je suis une dame âgée, je ne suis pas une vieille femme !
Mon projet à la Maison de Quartier c'est l’inter-génération. Car on se
connaît pas, on nous voit plus ! On n’apporte plus rien, on ne fait plus rien,
on n'apporte plus rien à cette machine de la société ! C'est pas parce que
l'on est âgé que l'on perd toutes ces possibilités mentales ! »
« J'ai 45 ans, j'ai débarqué à la Maison de Quartier en 2007 à
l'atelier cuisine puis, après, j'ai fait du théâtre et du chant, j'adore chanter !
Beaucoup de gens ne vont pas au théâtre, ils disent que ce n'est pas notre
place. J'avais un copain qui disait :"Quand j’entends le mot culture, je sors
mon revolver." [...]La Maison de Quartier m'a permis de tisser du lien et de
rencontrer beaucoup de gens. Quelqu'un qui souffre de solitude peut venir à
la Maison de Quartier pour parler. On peut parler c'est déjà pas mal [...] !
J'étais impressionné par les collectes alimentaires, tous ces gens qui
viennent chercher de quoi vivre, produits de première nécessité. C'est du
social à l'état pur ! »
« J'ai eu une étape difficile dans ma vie alors je suis allée à la Maison
de Quartier. Ça m’a permis de me ressourcer de voir les choses
différemment. Ça évite l'isolement, ça évite de s’écarter de la vie sociale,
alors je m'y investis [...]. J'ai envie que ce monde change. Je défends ces
structures car c'est important pour les habitants. La Maison de Quartier
m’a permis de faire des petits boulots. Je ne m’estime pas fainéante mais
l'emploi ne vient pas ! Pour moi c'est un échec de ne pas travailler, pourtant
je suis prête à prendre n'importe quel boulot [...]. Grâce à la maison de
Quartier je vais au théâtre avec mes enfants. La culture c'est une ouverture
sur le monde, si vous n'avez pas de culture vous n’existez pas quelque
part. »
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•
Interviews des habitants des quartiers.
Ces témoignages sont présents dans six séquences. Ils donnent une vision
singulière de chaque personne : leur parcours de vie, leurs passions, leurs combats... En
voici quelques extrais :
« Je suis présidente de l'Association les Pirates de Rosendaël. J'aime
le carnaval, évidemment ! Un jour on m'a demandé d'amener une personne
handicapée en fauteuil au carnaval. L'année d’après plusieurs personnes
m’ont sollicitée. Alors j'ai demandé à mon mari de me fabriquer un bateau
qui pourrait les transporter et que l'on puisse tracter. Il fut nommé le Bateau
Pirate. D'année en année nous avons eu tellement de monde que l'on a dû se
monter en association et créer un géant de trois mètres quatre-vingt qui se
nomme Léonard puis son épouse Victoria de trois mètres soixante-quinze,
les deux en matériaux de récupération. [...]. C'est grâce à l'entraide des gens
que cette aventure perdure. »
« Je suis resté 38 ans à la NPE. A l'époque en 1973 on embauchait
des anciens professeurs, instituteurs ou éducateurs, des gens qui venaient du
social, je dirais entre guillemets des gens humains. Au fil des années, on
s'est rendu compte qu'il fallait faire de moins en moins de social. On a
embauché des gens qui venaient du commerce, de la comptabilité et même si
il y avait des syndicats, le combat est devenu de plus en plus difficile.
Comment appâter les gens ? Ben par l'argent. Ce fut de plus en plus difficile
d'inscrire les gens, il fallait vérifier s’ils étaient, entre guillemets, rentables
(leur projet, leur mobilité, leur diplôme...) et tout ça fonctionnait par un
système de prime. Il nous a fallu adopter une mentalité que l'on n’avait pas,
c'est-à-dire le côté financier. »
« Je suis la championne du monde de décorticage de crevettes,
membre du conseil de quartier et je préside le groupe de majorettes de
Leffrinckoucke. Le concours consiste à éplucher le plus grand nombre de
crevettes en dix minutes. Cette année et l'année passée, j'ai fait 186 grammes
en dix minutes.[...] J'ai travaillé dans une usine de confection de vêtements,
les patrons étaient des chinois, il fallait travailler très vite de ses mains, c'est
comme ça que j'ai appris à travailler vite. »
« Je suis son mari, je suis retraité. J'étais marin pêcheur, mais j'ai
arrêté et je suis allé travailler dans le bâtiment. J'ai arrêté la pêche car je
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n'ai pas vu mes enfants grandir. On pêchait la nuit on vendait le poisson le
matin, je rentrais à dix heures du matin et je repartais à quatre heures de
l’après midi, voilà ! »
« Je suis présidente du club du jeu de bouchons. C'est un jeu fort
populaire, il a plus de cent ans. N'importe qui peut venir jouer, vous passez,
vous venez ! J'ai travaillé pendant 25 ans en usine [...]. En 1968 ça a fait
énormément pour les femmes. Il faut se défendre dans la vie. Sans syndicats
maintenant on est foutu ! Nous les femmes, on n'est toujours pas l’égale de
l'homme. On fait le même travail, on n'est pas rémunéré pareil. Pendant un
moi, un garçon et moi, on a fait la même chose et bien quant on a eu notre
fiche de paie j'avais un quart de moins que lui. On a intérêt à continuer à se
défendre. »
Je suis né en 1945, j'ai commencé à faire carnaval depuis 1955. Je
fais partie de l'Association Les Acharnés depuis 1963. Et puis de fil en
aiguille je suis arrivé à la droite de Dieu depuis cette année, à la fonction de
Tambour Major du carnaval de Dunkerque [...]. A Dunkerque on a pas un
temps excellent, le boulot ne court pas les rues, les gens ont un tas de
problèmes et puis y a carnaval, c'est carnaval, c'est la petite soupape, on
vide le trop plein.
Les interviews sont les formes les plus présentes dans cette Veillée. Ceux-ci
montrent l'importance que la compagnie porte aux paroles des habitants qu'ils nomment
les acteurs "principaux" de la Veillée. Les témoignages relatifs aux Maison de Quartier
sont deux fois plus nombreux que ceux des habitants des quartiers. Cette disproportion
peut donner l'impression que le sujet d'un quartier se résume à la vie et au
fonctionnement des Maisons de Quartier. Je vais aborder ce constat dans la partie
suivante. En effet, il pose un certain nombre de questions quant aux retours que j'ai eus
des habitants de Dunkerque. Néanmoins, les interviews des Maisons de Quartier
témoignent clairement des idéologies que la compagnie défend.
Guy Alloucherie et son équipe font entendre ce théâtre du vivre ensemble à
travers la parole de ces habitants engagés : « La Maison de Quartier m'a permis de tisser
du lien et de rencontrer beaucoup de gens, quelqu'un qui souffre de solitude peut venir à
la Maison de Quartier pour parler. On peut parler c'est déjà pas mal ! », « Ça évite
l'isolement, ça évite de s’écarter de la vie sociale », « Il y a de la solidarité dans notre
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quartier », « on fait avec les gens ». On retrouve des thèmes auparavant utilisés dans les
pièces de théâtre où la révolution et les idéologies socialistes étaient centrales : « ici il y
a du lien social », « les Maison de Quartier ont fait beaucoup pour l'éducation populaire
et la démocratisation participative », « c'est du socialisme mais pas politique », « on
cherche à démocratiser la culture, elle peut émerger ici », « c'est du social à l'état pur ».
La différence avec les Veillée c'est que le sujet c'est le peuple et non la révolution ou le
socialisme et que ces idées émergent de leur parole.
On retrouve une autre idée importante pour la compagnie qui est de montrer la
beauté singulière de chaque personne. Dans les interviews des habitants du quartier (je
les prends comme exemple mais ce ne sont pas les seules) les plans durent un peu plus
longtemps que les autres et sont filmés chez eux. On découvre leur passion insolite
comme la championne du monde de décorticage de crevettes, la présidente du club du
jeu de bouchon, le tambour major... Le tout est entremêlé de leur histoire ouvrière pour
la plupart, mais aussi de leur lutte (le droit de la femme, exister en tant que personne
âgée, ou encore cette employée de l'ANPE qui dénonce la dérive de ce service vers un
fonctionnement capitaliste). Pendant la représentation de la Veillée, ces témoignages
créent beaucoup de réactions et sont souvent suivis d’applaudissements. Pendant un
temps, leur image et leurs paroles deviennent un événement théâtral qui leur donne de
l’importance, qui les sublime.
2.2.2.
Lecture sur scène
Les lectures sont composées d'une partie du journal blog qui est créé par la
compagnie tout au long de la Veillée, mêlées à des textes politiques très ouvertement
engagés. Elles sont parsemées tout au long du spectacle et présentes dans sept
séquences.
Le journal blog est un journal de bord qui relate les rencontres faites par les
Veilleurs : les anecdotes, l'histoire du quartier, l'itinéraire de l'équipe, leurs points de
vue mais aussi les débats qui les animent inspirés par le quartier ou par l'actualité. Il y a
aussi des photos. Il est écrit tous les jours. Plusieurs fois par jour, des Veilleurs
19
collectent les expériences de chacun et les retranscrivent. Ainsi, leur travail a une
grande lisibilité et peut être vu et lu par tout le monde.
Ces lectures sont toujours accompagnées de musique et sont exprimées de façon
très rythmée avec une diction assez proche du slam. Guy Alloucherie me dit à propos de
cette diction slamée, qu’elle leur permet de garder une distance et d'éviter de tomber
dans le pathos. Aussi, me dit-il, elle permet de garder le rythme du spectacle. Ce style
de lecture fait forcément écho au rap et au hip-hop qui est une culture populaire venant
de la rue et fondée sur le thème de la révolte. Lors des lectures des textes politiques le
rapprochement est flagrant, bien que les textes ne riment pas. Ils peuvent aussi rappeler
les manifestations politiques des années soixante-dix. Ainsi, il semble que cette forme
de lecture permet de toucher plusieurs générations. Cet exemple témoigne de
l'importance pour la compagnie de toucher le plus grand nombre et de tendre vers une
culture pour tous.
Leurs textes politiques décrivent ouvertement leur engagement social, politique et
culturel. En voici quelques extraits :
On ne parle des ouvriers dans les médias que lorsque les usines
ferment, délocalisent. Avec l'image que l'on donne d'eux, les ouvriers ont
l’impression de faire partie d'une race en voie d’extinction. Donner cette
idée là à la classe ouvrière permet au libéralisme de maintenir les gens dans
la crainte de la disparition de leur métier, les maintenir dans la peur de
réagir aux injustices dont ils font l'objet où dont ils sont témoins.
Le néolibéralisme en précarisant le monde du travail et en privatisant
l’espace public a considérablement asséché les poches de solidarité au sein
des couches populaires.
Malgré tout, les nouvelles couches du salariat ont appris à résister
ensemble à la mondialisation capitaliste. Dans ce renouveau, des luttes
internationales se profilent, autant d’expériences fondatrices qui permettent
de croire à l'élaboration d'un projet de société crédible. Le socialisme et le
communisme au XIXème siècle, sont nés de la dialectique entre la réflexion :
Fournier, Marx, Enguel, et les expériences de luttes d'organisation
d'opprimés. C'est d'en bas qu'est venu l’espoir, c'est d'en bas qu'il renaîtra !
L'éducation populaire, ils n'ont non pas voulu ! dit Christiane Fort.
Une éducation politique et culturelle pour tous qui donne le pouvoir à
20
chacun, qui amoindri les injustices sociales, ils n'ont pas voulu ! La culture
n'est plus le lien d'un peuple, elle est un outil d’ascension sociale donc
exclusif et excluant. ça sous entend que la culture ne luttera pas contre les
inégalités, elle ne fait que proposer de nouveaux critères pour une
hiérarchie, un nouveau système de classe, non plus sur les bases du travail,
mais sur celles du savoir : exit la conscience de classe.
Si on veut l'égalité, c’est cette échelle sociale de classe qu'il faut
revoir, c'est ce à quoi travaillait l'éducation populaire et c'est ce pourquoi
ils n'ont n’on pas voulu. Alors maintenant on fait quoi ?
Ces textes politiques, qui sont écrits par la compagnie ou extraits d'un livre, nous
révèlent très clairement la position politique de Guy Alloucherie et de son équipe. Par
ces lectures, ils annoncent des valeurs qui fondent leur travail artistique : défendre et
représenter les classes ouvrières, les "gens d'en bas", promouvoir l'éducation populaire,
informer les gens sur le fonctionnement politique et son histoire, défendre une culture
qui relie les gens et non les hiérarchise. De nouveau, on retrouve ces sujets dans le
théâtre politique des années soixante-dix mais cette fois-ci, ce sont les paroles des
acteurs de la compagnie. Cependant, ces interventions sont les moins nombreuses dans
l'ensemble du spectacle car comme je l'ai dis plus haut, le sujet c'est les habitants.
Un autre point qui me paraît important, ce sont les extraits du journal blog. Il
permet de montrer aux spectateurs où se trouvent les acteurs de la compagnie dans cette
création. Afin de mieux éclairer mon propos je vais en extraire quelques passages :
La mer. Les gens parlent peu de la mer. Pourtant il y a les maisons de
pêcheurs. On a vu l'école des beaux Arts dans l'ancien Hôpital. On a vu un
chœur de quatre-vingt dix personnes à la Maison de Quartier de Rosendaël.
Impressionnant. On voit Dunkerque à travers le filtre de la maison de
quartier. On n'a pas vu les dockers, les pêcheurs et les sidérurgies. Ni le
carnaval. Les gens parlent encore avec nostalgie de la fermeture des
chantiers navals en 1987. Dunkerque est une ville qui a souffert. Elle a été
détruite à quatre-vingt pour cent pendant la guerre. Le 14 juillet les élus
jouent au jeu du bouchon.
Les gens n'ont rien à cacher. Beaucoup de fenêtres sans rideau. Pas
de publicité. On voit souvent ça sur les boîtes aux lettres quand on fait du
21
porte à porte [...]. On dépose nos invitations dans toutes les boîtes. Pour un
spectacle avec et pour les habitants du quartier. On entend les gens qui
parlent chez eux par les fenêtres ouvertes. On imagine leur vie. Les noms des
rues sont écrits en jaune sur rouge. Au coin de la rue de Roubaix et de la rue
du Général Hoche il y a plein d’animaux en bois à la fenêtre d'une maison.
Du cimetière, on entend les cris d'enfants de l'école.
Rue des poètes. Rue de l'audace. Rue des souvenirs. Rue des soupirs.
Rue des pélicans. Rue des martinets. Rue des mouettes. Rue des Courlis. Rue
des goélands. Rue des hirondelles. On a marché dans Malo jusqu'au rond
point des quatre vents.
Il y a les matins à l’hôtel Borel. Il y a ce vent à dérider les plus
obscurs. Il y a cet homme devant la maison de quartier de Rosendaël qui
pleurait toutes les larmes de son corps. Il y a notre déménagement
aujourd'hui à la maison de quartier du Méridien à Malo-les-Bains. Il y a les
acrobates et danseurs qui vont danser sur le marché de Malo. Il y a des
livres et des livres. Il y a une manifestation cet après midi à Dunkerque à 15
heure, contre la politique d'austérité et cette politique qui fait payer la crise
aux plus pauvres. Il y a ce travail de co-construction de co-création
artistique qu'on mène avec les habitants.
Par ces textes les Veilleurs se mettent en scène. On les imagine dans leur travail
d’investigation et de découverte de la ville. C'est comme si on ouvrait le rideau qui
montre les ficelles du spectacle. Ainsi, les habitants redécouvrent leur ville à travers un
regard étranger à ce lieu. Cette mise en abîme du spectacle participe à la volonté
d’effacer les frontières entre le public, la scène et le temps de création. Comme ils le
disent au-dessus, la Veillée est un travail construit et créé avec les habitants. Alors, le
moment de la représentation est comme le dit Piscator, une grande manifestation. Il n'y
a plus vraiment un public et une scène mais une réunion où l’on présente un travail
collectif mis en scène par la compagnie.
22
2.2.3.
Travail avec les scolaires
Dans la Veillée, j'ai repéré trois sortes de travaux fait avec les élèves, ils sont
présents dans trois séquences. Tout d’abord, le travail qu'ils ont mené avec les élèves
des Beaux Arts sur Antigone. Je vais restituer le résumé qui est écrit dans le protocole,
qui donne une idée très claire du résultat.
Dans des classes de lycée, dans des groupes, il s'agit de parler de qui
est Antigone, la rebelle, la révoltée. Parler de l’indiscipline. Imaginer
qu’Antigone vient d’arriver dans le lycée ou le quartier. Qu’est-ce qu’elle
fait ? Qui elle est ? A quoi ressemble-t-elle ? Par petits groupes, imaginer
des petites saynètes auto mises en scène, qui racontent un bout de l’arrivée
d’Antigone. Y ajouter des textes originaux d’Anouilh, Sophocle, Bauchau,
Brecht... La séance est filmée. On travaille sur le rapport à la caméra, sur le
cadrage et la gestion de l’espace-studio. Le tout donne lieu à un montage
dynamique.
Ensuite, ils ont travaillé avec des collégiens à partir de citations littéraires. Les
élèves expliquent devant la caméra, ce que signifie pour eux la citation qu'ils ont
choisie. Voici quelques exemples de ces citations : « Un jardin n’est jamais fini, comme
la prose. », « Rien ne finit, tout commence. », « Il faut porter du chaos en soi pour
accoucher d’une étoile qui danse. » « Et lui le révolté, qui cherche la tempête, comme si
dans la tempête régnait la paix. »
Enfin, ils ont réalisé un travail sur un extrait de En attendant Godo de Becket avec
des élèves d’âges différents. Didier, l’un des veilleurs joue Vladimir, et les élèves,
chacun à leur tour, jouent les mêmes répliques d’Estragon. C’est une scène de dispute.
A mesure que le dialogue avance, le ton monte. Les répliques sont ensuite montées de
sorte que Didier : Vladimir, donne la réplique à l’ensemble du groupe : Estragon.
Ce sont les seuls moments dans la Veillée où des œuvres de théâtres sont abordées
et jouées. Utiliser le théâtre pour aborder les jeunes générations, témoigne d'une volonté
de transmettre ce savoir faire et de les sensibiliser à cet art. L'enseignement du théâtre
est une idée que l'on retrouve dans l'éducation populaire. En entend la parole de ces
23
adolescents sur leur manière de percevoir le monde à travers l'explication des phrases
littéraires qu'ils ont choisies. Voici un exemple :
" Mon cœur est un piano précieux fermé à double tour dont on aurait
perdu les clefs."
C'est quelqu'un de réservé qui ne veut pas encore s'ouvrir à cause de
quelque chose qui s’est passé dans sa vie. Il est vraiment difficile que l'on
pénètre son cœur parce que c'est quelqu'un qui souffre.
Il y a là aussi une volonté de positiver la jeunesse et de la rendre belle à travers la
littérature. Ceux-ci participent à détruire ces murs invisibles qui se sont construits sur
des préjugés, entre jeunes et anciens, chômeurs et salariés, autochtones et immigrés....
Enfin, on retrouve le thème de la révolution à travers le travail fait sur Antigone.
Dans le journal blog Martine et Didier expliquent qu'ils ont raconté aux étudiants
qu’Antigone, la célèbre héroïne du théâtre grec qui incarne la rébellion et la résistance
au pouvoir tyrannique, est arrivée cette année aux Beaux Arts. A partir de cela ils ont
travaillé sur ces thèmes et ce qu'ils en pensent. N'y aurait-il pas, pour la compagnie un
petit désir de sensibiliser la jeunesse à l'idée de révolte et d'insoumission, quand nos
dirigeants nous sensibilisent plutôt à une pensée individualiste fondée sur la peur et
l'insécurité ?
2.2.4.
Portait des gens du quartier
Il y a trois sortes d'image : Les portraits chinois, les pas de porte et les panneaux
citations qui sont tenus en silence ou adressés à la caméra (dans ce cas-là on ne voit pas
le panneau). Ces portraits sont présents dans onze séquences.
Le portrait chinois consiste à faire parler les gens sur leur quartier à travers leurs
références culturelles en répondant à quelques une de ces questions: « Et si votre
quartier était un livre ? un film ? une musique ? et s’il avait un prénom ? » Les réponses
sont filmées et donnent lieu à des séquences en litanies.
Les panneaux citations sont les mêmes que j'ai citées dans le travail avec les
élèves. Ces portraits sont filmés dans la rue ou sur un marché. Ils jouent sur le décalage
24
entre l'image des habitants et la poésie écrite sur le panneau ou dite par eux. Cet écart ne
crée pas du ridicule mais plutôt du sensible.
Les pas de porte sont les vidéos des habitants posant devant leur porte, ils sont
muets et accompagnés de musique. Ces portraits en pied durent trente secondes. C'est
comme une photo mais vivante. Dans le protocole ils disent : « C'est l'occasion de faire
du porte-à-porte pour rencontrer les habitants, sans préjugés, sans critères préalables, ou
plutôt en mettant comme seul et unique critère le fait qu'ils habitent là ».
2.2.5.
Images d'étudiants
Ils ont utilisé trois techniques différentes pour filmer les étudiants. Ces images
sont présentes dans neuf séquences.
Il y a les photos de classes. Les élèves se mettent en place les uns après les autres
dans une configuration de photo de classe, puis ils s'en vont comme ils sont venus,
l'ensemble est filmé. L'autre version consiste à ne pas voir leurs déplacements. Ceci
donne lieu à une multitude de photos qui construit une image puis qui se déconstruit.
Ainsi, on voit chacun se préparer à donner son image à l'intérieur d'un groupe. On peut
imaginer l'architecture du groupe et les rapports entre eux.
Il y a les pas de couloir. C'est une installation qui est photographiée. Le principe
est le même que les pas de porte mais dans un couloir avec une perspective fuyante. Le
film est ensuite projeté sur un écran à l'endroit même où ils ont été filmés. Ce procédé
crée une présence fantomatique, une illusion d'optique et donne à cette installation
photographiée un caractère magique.
Il y a les followings. Il s'agit de filmer un élève comme dans le filme Eléphant.
C'est un long travelling à la main qui suit un élève de dos le long d'un couloir, comme si
la personne ouvrait la voie à une caméra subjective.
Je trouve que ces trois manières de filmer les étudiants apportent du mystère quant
à leur devenir et à ce qu'ils sont. Cette présence de magie, d’illusion et de subjectivité,
donne cette sensation que la jeunesse ne peut être ni résumée ni généralisé. Guy
25
Alloucherie et son équipe nous livrent donc un regard positif sur la jeunesse composé de
mystère mais aussi d’espoir par ce système de followings où la personne ouvre une voie
inconnue.
2.2.6.
Image du quartier
Pendant la représentation, des vidéos d’architectures, de rues, de bâtiments et des
détails de la ville se succèdent... Ce sont des portraits des quartiers en mouvement. C'est
Jérémie Bernaert qui réalise ces images. Il s'occupe de la création visuelle et audio dans
la Veillée. Ces images sont esthétiques, c'est un travail de photographie. Jérémie me dit
lors de notre entretien, qu'il essaie toujours d'avoir un regard neuf et en même temps
réactif. Qu'il faut annuler tout a priori, être dans la rencontre, regarder pour la première
fois. Il filme comme si c'était la plus belle image du monde, afin que les habitants ne
sachent plus si le lieu qu'ils voient est le même que celui qu’ils connaissent. Ainsi ces
images permettent aux habitants de redécouvrir leur quartier sous un autre regard : un
regard artistique.
2.2.7.
Vidéos des danses et acrobaties dans la ville
Pendant leur résidence sur les quartiers, les danseurs et les acrobates arpentent la
ville et évoluent dans des lieux. Certaines danses et acrobaties sont filmées, d'autres
sont simplement offertes aux passants, ou aux personnels et clients d'un salon de
coiffure, d'un super marché...
Les vidéos que l'on retrouve pendant la représentation sont les images de Jérémie
Bernaert. Elles sont présentes dans sept séquences. Il met en scène des lieux. C'est-àdire qu'il repère des endroits et en fonction de la luminosité et de l’ambiance qui s'en
dégagent, quel que soit l'heure, il demande aux danseurs ou aux acrobates de prendre
place sur la scène qu'il vient de choisir. Ainsi, pendant la représentation, on voit
Mathieu Desseigne danser sur un bunker à l'oblique au milieu des dunes, Camille Blanc
et Dorothée Lamy faire l'Adage (danse lente) au milieu d'un marché, Mathieu Renevret
danser sur un banc où est assise une vieille dame, Mathieu Desseigne et Joris Frigerio
26
font des acrobaties dans une cour d'école... Il y a très peu d'improvisations, la majorité
des danses et des acrobaties ont déjà été écrites et sont réutilisées dans chaque Veillée.
Dorothée Lamy me dit que pour elle, offrir des danses chez les gens ou dans la rue
représentent des actions concrètes. On sort de la tour d’ivoire des salles de théâtre pour
se risquer au contacte d'un public "brut". Il faut accepter les refus et les réactions de tout
genre, pour avoir ces moments de vertige où l'on se retrouve à danser dans le salon des
gens. Pour elle ce genre d'actions est une démarche militante, amener l'art dans le
quotidien des gens.
Les vidéos mises en scène par Jérémie transforment l'histoire des lieux. La danse
réalisée par Mathieu sur le bunker déplace l'histoire associée à ce lieu vers une autre
représentation.
2.2.8.
Danses et acrobaties sur le plateau.
Pendant la représentation, des danses et des acrobaties sont réalisées sur scène,
devant les écrans. Elles sont présentes dans onze séquences. Il y a toujours en simultané
des vidéos sur les écrans et /ou des lectures aux micros. Vers la fin du spectacle, les
Veilleurs invitent des élèves d'un club de danse, présents dans le public, à danser
l'Adage avec eux pendant qu'un témoignage est projeté sur les écrans. Cette danse leur a
été enseignée par la compagnie au préalable. De nouveau, on retrouve cette volonté de
briser cette frontière entre la scène et le public et montrer que c'est une co-création entre
les habitants et la compagnie.
Cette co-présence permanente de l'art avec les témoignages et les lectures permet
de solliciter les spectateurs par deux entrées : Ils touchent le public par les émotions
grâce à la danse, au cirque, aux différentes images, et en même temps ils sollicitent la
raison par les témoignages et les lectures. Ils opposent aussi le récit (les lectures), avec
le témoignage. Ces différentes entrées permettent de toucher le plus grand nombre.
27
2.3. Les fondement de la Veillée
En regroupant les thèmes et en comptabilisant leurs apparitions dans le spectacle,
j'ai remarqué que l'on pouvait extraire un ordre de priorité qui fonde leur mission. Les
images des quartiers et les portraits des habitants, que l'on pourrait nommer "Le cadre
de vie et ces habitants", sont présents vingt et une fois. Les témoignages, vingt fois. Les
actions artistiques sur le plateau et en vidéo sont présentes dix-huit fois. L'ensemble du
travail réalisé avec des scolaires, douze fois et enfin les lectures sont présentes sept fois.
Ceci donne une lisibilité sur les axes prioritaires qui construisent leurs démarches
artistiques : le cadre géographique avec les portraits et les paroles de ces habitants est
l'axe principal de leur travail. Nous sommes bien dans un théâtre où le sujet principal est
le peuple.
Ensuite, nous avons les actions artistiques. Cette présence permanente de la danse
et du cirque permet, comme je l’ai dit plus haut, de stimuler l'émotion artistique chez les
gens. Elle permet aussi une sensibilisation culturelle avec un art populaire qui est le
cirque et un art plus abstrait qui est la danse contemporaine.
S'en suit le travail fait avec des scolaires. La Veillée travaille sur le temps présent,
le "ici et maintenant". Cependant cette préoccupation du travail avec les jeunes
générations démontre l'importance qu'ils portent à la transmission. Comme me disait
Guy, l'avenir c'est eux !
Pour finir nous avons les lectures. Ce sont les paroles de la compagnie, leurs
révoltes, leurs réflexions, leurs points de vue. Ils parlent de co-production et de cocréation avec les habitants. De la même manière qu'ils le demandent aux habitants, il est
important pour eux d'annoncer où ils sont, de donner leurs points de vue sur leur
manière d'habiter le monde.
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3. Un théâtre du vivre ensemble, mais à quel prix ?
J’ai observé, dans ma première partie, que le travail de Guy Alloucherie s’inscrit
dans une réémergence d’un théâtre militant qui met le peuple au centre de leur propos.
L’analyse de la Veillée de Dunkerque me permet d’affirmer que leur sujet est les
habitants et plus précisément les habitants des quartiers populaire. Voilà ce que Guy dit
à ce propos :
« Ca à du sens d’être dans les quartier populaire, quant on n’y est plus sa perd un
peut de son sens. Les gens ne vivent pas de la même manière. Dans les quartier
populaire ils on un vie commune, ils y à un investissement associatif, ils vivent
ensembles et sa c’est intéressant pour nous. Dans des quartiers plus bourgeois, plus
riches, les gens ils prennent leur voiture, ils bougent, il y a pas vraiment une vie de
quartier. »
Le travail de Guy Allouchrie fait écho fortement à la politique culturelle et les
thèmes qui en découlent : Démocratie culturelle et médiation culturelle. Avant
d’aborder ces propos je vais préciser ce que j’ai défini comme être un théâtre du vivre
ensemble.
3.1. Un théâtre du vivre ensemble.
Guy Alloucherie et sa compagnie ne nomme pas leur travail comme être un
théâtre du vivre ensemble. J’ai choisi de le définir ainsi car c’est le cœur de leur
recherche dans les Veillées. Ils résident majoritairement dans les Maisons de Quartiers,
là où les habitants se rassemblent pour vivre ensemble des activités. Ils relatent leur
paroles éclairant particulièrement les liens sociaux que chacun entretient avec le
quartier. Ils cherchent à rendre compte que la solidarité existe encore dans les quartiers
populaire et que c’est potentiellement une masse qui peut s’unir et qu’il faut donc lui
donner la parole.
Lors de mon entretient avec Jérémie Bernaert qui est le créateur audio et vidéo, je
lui ai demandé de quoi la Veillé rend compte si celle ci n’est pas un documentaire sur
une problématique précise ? Il m’a répondu, du vivre ensemble, de la manière qu’un
quartier vie ensemble.
29
C’est aussi pour la compagnie de vivres avec les habitants la pratique de leur art.
De les questionnaient sur leur propre place, celle de l’artiste. Guy Alloucherie dit à ce
propos :
C’est ensemble que l’on réfléchi. J’ai trop longtemps cru que au
théâtre on savait et que les autres ne savaient pas. Quel drôle d’idée de
croire ca quant on est artiste, de s’enfermer dans une tour d’ivoire et que
l’on détient la vérité. Il y a un savoir faire qui fait de nous des artisans, mais
on ne détient pas la vérité sur ce que c’est l’art et la culture. C’est une
volonté d’aller vers les gens, de converser de vivre ensemble, c’est même un
appel au secoure de notre côté, de dire aux gens aidé nous car nous on sait
plus comment être artiste. C’est quoi pour vous être artiste ?
C’est aussi un travail qui s’inscrit essentiellement dans le présent. Pour parler de
comment les gens vivent ensemble, elle n’a un poids que si cette parole est inscrite dans
un présent presque immédiat. Didier Cousin me dit à ce sujet : « il s’agit moins d’un
travail sur la mémoire que d’un travail sur comment ca vie ensemble maintenant, car ce
qui est maintenant est vrais. »
Enfin ce partage d’expériences leur permet de construire ensemble le spectacle de
la veillée. Ils font avec et pour les gens. C’est un peut comme la naissance des danses
folkloriques m’explique Martine Cendre. Pour construire les fondations d’une maison,
les propriétaires invitaient les gens du village pour danser sur la terre afin de créer une
chape solide. C’est ainsi que sont nés certaines danses folkloriques. La Veillée c’est un
peut ca. Ils vivent ensemble pendant trois semaines avec de la danse du cirque des
échange de paroles, et à la fin les artisans construisent un spectacle.
Camille Blanc me dit que de travailler sur le terrain de cette manière là est une
démarche politique et que c’est devenu pour elle une nécessité.
Ce théâtre du vivre ensemble semble répondre à une démarche de démocratisation
culturelle. Cependant es ce que celui-ci répond aux différentes conditions qui
définissent une démocratisation culturelle.
30
3.2. La Veillée, une forme de démocratisation culturelle ?
A l’heure du rendu de ce premier jet, je n’ais pas put finir les deux dernières sous
parties qu’il reste. Cependant je vous en livre un résumé.
Dans cette partit il s’agira de montrer que la Veillée remplit tout les point qui
permet de parler de démocratisation culturelle :
•
Que l’accès à l’offre culturelle ne peut pas être refusé à quelque citoyen
que ce soit pour des raisons d’ordre économique, sociale, politique ou
religieux.
Les veillées sont gratuites et pour le reste vu qu’il travail sur l’ensemble du
quartier il n’y à pas de discrimination.
•
Donner aux citoyens la possibilité de dominer la complexité des messages
culturels qui lui sont données, et assimiler les codes sémantiques et
symboliques.
La compagnie créer avec les habitants et ainsi leur donnent les outils pour accéder
aux différent contenu du spectacle.
•
Participer à une expérience sociale
La démarche de résider pendant trois semaines dans le quartier créer une
expérience sociale.
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La fréquentation d’un espace culturel
Les veillées sont toujours présentées à la fin dans un théâtre ou scène national si il
en existe une. Sauf cette fois ci pour le Veillée de dunkerque ou la scène national était
en travaux et du coup ca c’est fait dans la salle de spectacle d’une des maisons de
quartier. Ceux ci à forcément entrainé des conséquences qui m’amène à ma partit
suivante.
3.3. La Veillée, une médiation culturelle. Une Dérive ?
Dans cette partie je vais retranscrire les interviews que j’ai récoltées aux prés des
habitants, un moi après la Veillée. Le discour majoritaire qui en ressort est qu’ils ont
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beaucoup apprécier les trois semaines de résidence mais que le spectacle faisait trop
l’apologie des Maisons de Quartiers. Qu’il avaient l’impression que le quartier se
résumé a ca. Un responsable d’une Maison de Quartier ma dit que c’était une superbe
publicité pour les maison de quartiers, que la captation sera très apprécie par les
politique.
Ainsi les Veillées ne sont elle pas détournées comme médiation culturel au profit
des communes, s’en servant pour justifier leur dynamisme culturel ? Es pour ca quelle
on tant de succès (Il y a déjà deux année de Veillée programmées d’avance) ?
Plusieurs points sont à analyser. Le fait que les gens se sont vu chez eux (maison
de quartiers) plutôt que dans un théâtre, ne participe t’il pas à leur réactions ?
Guy Alloucherie n’a t’il pas été fasciné par le dynamisme des ces maisons de
quartier qui sont si représentatives de ce vivre ensemble ?
Guy alloucherie parle de médiation dans son travail, ainsi c’est peut être tout à fait
conscient chez eux, mais que ces Veillées servent aussi pour la compagnie de matière
permanente pour les autres spectacle qu’ils font à côté.
Enfin le dernier point est qu’il on jouer les Atomics en janvier qui était la Veillées
des Veillées. Dans les interviews ils m’on dit que sa servirait de faire le point et de
savoir si au bout de dix ans, sa à encore du sens de continuer ou nom.
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