Téléchargement au format PDF
Transcription
Téléchargement au format PDF
164 Dossier I L’interculturalité à l’Ile de la Réunion I Les Sinwa de La Réunion : exister au milieu de plusieurs milieux Par Live Yu-Sion, maître de conférences en sociologie, université de La Réunion L’anniversaire de Guan Di 2006 © Live Yu-Sion Les Sinwa sont, dans leur grande majorité, les enfants et les petitsenfants de Chinois arrivés dans les années vingt à quarante à La Réunion. Le contexte racialisé de la société réunionnaise fait qu’ils sont régulièrement renvoyés à leur statut de Chinois. Cette situation amène à des questionnements identitaires, qui poussent certains d’entre eux à un retour aux sources “chinoises” promue par des associations au sein de l’île. Cependant, retourner à la culture chinoise est un chemin long et éreintant, qui peut aboutir à un nouvel exil culturel. I hommes & migrations n° 1275 Identité réelle et identité attribuée Dans les phénomènes de contacts culturels, la problématique des origines ethniques est une donnée constante dans la mesure où le phénotype – que sont les traits physiques – est fréquemment utilisé pour attribuer à un individu son appartenance ethnique ou culturelle. Les Réunionnais ont l’habitude de s’appeler, de s’interpeller et de s’identifier selon leur phénotype. Le langage populaire désigne les différentes composantes anthropologiques de l’île sous des expressions de Kreol – Métis aux origines multiples –, Malbar – d’origine tamoule –, Kaf – origine afro-malgache –, Zarab – origine indo-musulmane –, Zoreil – Français –, Yab – origine européenne –, Sinwa – origine chinoise –, etc. Ces dénominations ethniques résultent du regard que portent les Réunionnais les uns sur les autres. Le phénotype demeure un critère de différenciation ethnique et sociale. Cependant, cette perception, émanant du sens commun, dissimule un aspect bien problématique. Si elle caractérise les individus selon les attentes normatives définies dans la société réunionnaise, elle ne définit guère l’identité des individus, des écarts culturels subsistent entre l’identité réelle et l’identité attribuée. Notre propos s’inscrit dans la problématique de l’identité individuelle qui taraude les Chinois de la Réunion, comme l’ensemble des Réunionnais. Nous tenterons de cerner la représentation culturelle des Chinois de leur propre identité et le sens qu’ils confèrent à cette dernière, au travers des actions qu’ils mènent pour se réapproprier une partie de la culture chinoise. Les Sinwa Cette étude concerne les descendants de Chinois, nés, scolarisés et socialisés à la Réunion, appelés par facilité de langage les “deuxième et troisième générations”. Nous préférons, pour les nommer, l’expression créole Sinwa. Les mots ont leur sens et leur poids est symbolique, dans toute démarche heuristique. La langue créole définit des réalités propres à la société réunionnaise. Nous distinguons ainsi le Chinois du Sinwa. Le Chinois est né et a vécu jusqu’à un certain âge en Chine, en général jusqu’au sortir de l’adolescence. Il a acquis les éléments de base de la culture chinoise avant d’immigrer à la Réunion. Le Sinwa est un Réunionnais qui ne sait plus parler chinois – le cantonais ou le hakka sont les langues des migrants chinois – et qui a perdu l’essentiel des éléments de la culture chinoise. Pour lui, l’acquisition des langues s’est développée dans un 165 166 Dossier I L’interculturalité à l’Ile de la Réunion I bilinguisme avec le créole et le français, non avec le cantonais ou le hakka. Il est imprégné du modèle culturel français et créole et, dans une moindre mesure, du modèle chinois. Le témoignage suivant donne une esquisse de son profil identitaire: “Mes parents sont tous deux originaires de Chine. Ils sont venus à La Réunion à cause de l’invasion japonaise dans les années trente. La langue de communication, dans la famille, entre enfants et parents, est le créole. Mon père nous parle toujours en créole, ma mère en créole et en hakka. Notre éducation s’est faite dans le contexte réunionnais car l’endroit où l’on habitait était situé dans les écarts. Dans ce coin, il n’y avait que nous comme Chinois. Les relations avec les voisins créoles étaient bonnes. Comme mes parents étaient bien acceptés, ce sont les voisins qui nous ont amenés à nous faire baptiser. Pratiquement toute la deuxième génération est baptisée catholique. Il y a eu des périodes où je me suis posé la question : ‘Suis-je Chinois, Français, Réunionnais ou rien du tout ?’ Franchement, à vingt ans, je me suis posé la question… Plus maintenant. J’ai des amis de ma génération à qui cela pose un problème : c’est un besoin intellectuel. Souvent ces personnes se sont senties rejetées […]. Pour ce qui concerne le mariage, nos parents tenaient à ce que nous épousions des Chinoises. Mais l’un de mes frères a épousé une Française, et ce fut un choc pour eux. Devant le fait accompli, mon père a ensuite accepté ma belle-sœur. Dans les mariages mixtes, il y a bien sûr des différences culturelles dans le couple. J’ai des amis français qui n’arrivent pas à comprendre les Chinois de La Réunion. On dit qu’il n’y a pas de problèmes raciaux à La Réunion… mais quand même, ça existe, les problèmes sont latents – il ne faut pas se cacher la face –, indépendamment des Chinois, qui sont une minorité. Dans la famille, tous ceux qui ont eu du temps, à un moment, sont allés au moins une ou deux fois en Chine. Là-bas, ils se sont rendu compte que la Chine de leurs parents n’a plus grand-chose à voir avec eux, qu’il y a de trop grandes différences. Ils se sont rendu compte que c’est le rêve de gens de culture créole et française qui s’est évanoui, et qu’ils n’ont plus rien à voir avec la culture chinoise.”(1) Ce profil identitaire s’inscrit dans un mouvement dynamique de l’histoire de La Réunion et de l’histoire de l’immigration chinoise dans cette île. Dynamiques sociales à La Réunion Dans ses grandes lignes, la société réunionnaise s’est formée, en différentes époques, par l’immigration de colons – au XVIIe siècle –, par l’importation de populations d’esclaves – au XVIIIe et XIXe siècles –, le recrutement de travailleurs contractuels – au XIXe siècle –, etc. Pendant plus de trois siècles, les contacts des langues, des cultures, des croyances et des philosophies venues d’Afrique, d’Asie, I hommes & migrations n° 1275 d’Arabie, et d’Europe ont généré trois dynamiques sociales : une première dynamique a produit un mouvement d’uniformisation culturelle, qui se traduit par la créolisation de l’île depuis son peuplement au XVIIe siècle ; une deuxième dynamique s’est déployée dans un mouvement de francisation, amorcé depuis le milieu des années soixante jusqu’à nos jours, années où l’État français décida de développer l’île par l’amélioration de divers domaines – école, santé, infrastructure routière, mass médias, etc. ; une troisième dynamique a fait naître, depuis le milieu des années quatre-vingt, un mouvement de diversification culturelle par la reconnaissance des langues, des cultures et des croyances non européennes. C’est dans le contexte de ces trois dynamiques sociales – créolisation, francisation, diversification – que s’inscrit le malaise identitaire des Sinwa. Certains, parmi eux, éprouvent un sentiment de frustration du fait de ne pouvoir vivre leur sinité, et un mal-être existentiel, ressenti comme un éclatement du moi. C’est pour atténuer ou soulager le sentiment de dispersion identitaire qu’ils vont chercher à se “resiniser”, à acquérir les référents culturels chinois qui sont les ressources de leur identité culturelle. Ces deuxième et troisième générations de Sinwa sont, dans la grande majorité, les enfants et petits-enfants de migrants chinois arrivés entre 1920 et 1940 à La Réunion. Ils représentent la “communauté” chinoise actuelle de La Réunion. Les migrants de l’entre-deux-guerres ont quitté leur pays pour trois motifs essentiels : la guerre civile, l’invasion japonaise et la pauvreté(2). Le tableau suivant donne une idée des effectifs d’immigrants entre 1902 et 1941 : Tableau I - Évolution des effectifs de la population chinoise entre 1902 et 1941 Année Effectifs 1902 1 378 1907 810 1911 884 1921 1 052 1926 1 626 1931 2 242 1936 2 845 1941 3 853 Sources : ADR 6M 1296, Population et Statistiques, “Recensements de la population”, 1902, 1907, 1911, 1921, 1926, 1931, 1936, 1941. Les motivations d’un retour “aux sources chinoises” Depuis la fin des années soixante-dix, un certain nombre de Sinwa, de retour de France après leurs études universitaires, estiment que leur culture d’origine s’est appauvrie, voire perdue, car diluée dans un mouvement de francisation et de créolisation. Par réaction à la déculturation, ils expriment leur volonté de revenir aux “racines chinoises”. Dans cette optique, ils créent des associations culturelles dont l’objectif est de se réapproprier et de diffuser auprès de leurs congénères des élé- 167 168 Dossier I L’interculturalité à l’Ile de la Réunion I ments de la culture chinoise. Les motivations poussant à de telles actions résident dans le questionnement des Sinwa face à leur identité chinoise et réunionnaise ou française, du fait “qu’ils vivent un paradoxe existentiel, se reconnaissent comme Chinois ou descendants de Chinois, ont un phénotype chinois, mais ne possèdent ni la langue, ni la culture chinoise”(3). En outre, cette quête identitaire découle du regard que les autres Réunionnais portent sur eux. Nommer un Sinwa pour un Chinois représente un acte essentiel de son inscription sociale dans un groupe particulier. Cet acte est étroitement lié à un aspect de l’identité d’un individu, celui qui détermine son identité ethnique, mais pas forcément son appartenance culturelle. Cette représentation mentale réduite aux traits essentiels caractérise les Sinwa selon les attentes normatives de la société réunionnaise : des stéréotypes et préjugés – qui peuvent être positifs ou négatifs – sur les Chinois. Ce schéma de perception est bien souvent en décalage avec leur véritable identité culturelle. C’est leur phénotype qui a servi à les identifier comme étant des Chinois, en dépit de leur personnalité plurielle. Dans les sociétés multiculturelles comme La Réunion, la perception des uns à propos des autres, en termes de types “raciaux”, est pratiquée dans la vie de tous les jours : elle permet de différencier ce qui est des leurs et ce qui leur est étranger. Le phénotype génère des rapports sociaux entre les individus, qui tiennent compte des différences sociales. Le regard discrimine les groupes, attribuant une identité ethnique, culturelle ou sociale – voire professionnelle – qui ne correspond pas toujours à la réalité de leur existence (4). L’affirmation identitaire, à La Réunion, devient ainsi un facteur de différenciation sociale et d’attribution identitaire ethnique dans les relations sociales entre différents groupes. Elle est une construction sociale de différenciation des caractéristiques sociales et culturelles des groupes qui entrent en contact. Les facteurs de “resinisation” Tourmentés par des questionnements identitaires, les Sinwa, par l’intermédiaire des associations, ont pris leur courage à deux mains pour instaurer des actions, des savoirs et organiser des événements basés sur des moyens d’expression d’origine chinoise : cours de langue, de calligraphie et de cuisine chinoises, leçons de taï-chichuan, concerts de musique traditionnelle ou de chansons populaires, tournées de troupes d’acrobates, de jongleurs et de danseurs, démonstrations de danses du lion et du dragon dans les rues des grandes villes réunionnaises, etc. Ces manifestations ne prendront pas l’ampleur espérée au départ, malgré les opportunités offertes par I hommes & migrations n° 1275 la mise en place de la politique de décentralisation à La Réunion en 1982. Cette politique accorde des compétences aux autorités régionales pour promouvoir le développement culturel de La Réunion et assurer la préservation de l’identité réunionnaise. De ce fait, depuis la fin des années quatre-vingt, dans l’ensemble de La Réunion, des actions culturelles, occultées ou interdites dans le passé, se sont ainsi exprimées au grand jour : revendications pour la reconnaissance de la langue et de la culture créole ; affirmations identitaires des Réunionnais d’origine africaine, malgache, chinoise, tamoule, etc., et reconnaissance du 20-Décembre, date de l’abolition de l’esclavage ; réhabilitation de l’image du Cafre ; organisation de fêtes traditionnelles tamoules, cafres, comoriennes… Les associations chinoises n’ont pas réussi à jouer le rôle d’institution de transmission et de diffusion culturelle chinoise, comme c’est le cas des associations tamoules. Leurs actions se cantonnent à des sorties en groupe, à donner des cours de chinois mandarin, alors que la grande majorité de la communauté chinoise est d’origine hakka ou cantonaise… ou encore à favoriser les rencontres entre jeunes générations à travers des bals, les repas communautaires, les pique-niques, les randonnées. Le rôle effacé de la religion est, selon toute vraisemblance, l’un des facteurs d’échec de la resinisation des Sinwa. Les temples et les pagodes de l’île souffrent de l’absence de leaders religieux. Or, en dépit des apparences, les religions chinoises comme le taoïsme ou le confucianisme ne sont-elles pas des philosophies sociales ou des pratiques rituelles codifiées plutôt qu’un ensemble de croyances et de dogmes qui définissent le rapport des êtres humains avec le sacré ? 2003, année de frémissement Les relations avec la Chine ne semblent pas non plus aller dans le sens d’une resinisation de la communauté chinoise. D’abord, elles n’ont jamais été intenses dans le passé. L’influence culturelle de la Chine à La Réunion a toujours été discrète. La Chine n’a jamais pu établir jusqu’à ce jour de consulat ou d’ambassade sur le sol réunionnais. La raison le plus souvent évoquée : les Sinwa sont des Français et, par conséquent, il n’y a pas lieu d’installer une délégation diplomatique dans un département français. Ce n’est que depuis les années quatre-vingt, avec l’ouverture de la Chine, que les liens personnels se sont davantage resserrés : tourisme, échanges entre jeunes, retour au village natal des parents ou grands-parents… Néanmoins, il a fallu attendre l’année 2003 pour que la coopération chinoise avec La Réunion connaisse de nouveaux frémissements. Pour la première fois, un ambassadeur de la République populaire de Chine, accrédité à Paris, se rend en 169 170 Dossier I L’interculturalité à l’Ile de la Réunion I visite à La Réunion. Dans son discours, le diplomate déclare être venu “ouvrir une porte sur la route maritime reliant son pays à cette région stratégique de l’hémisphère Sud, passage notamment vers l’Afrique du Sud […], et établir les contacts pour combler un vide non résorbé, depuis trente-neuf années que la Chine et la France sont en relation”(5). Lors de cette visite, des démarches officielles ont été entreprises auprès du gouvernement français à Paris pour qu’un consulat de Chine puisse être établi prochainement à la Réunion. En septembre de la même année, La Réunion reçoit de nouveau la visite d’une nouvelle délégation de dix-huit experts chinois de la municipalité de Tianjin. L’objectif de ce séjour est de resserrer les liens de coopération entre La Réunion et la Chine. Les projets qui pourraient prendre forme concernent : l’implantation d’un centre de recherche de médecine traditionnelle chinoise, d’un hôtel de luxe sur la côte ouest réunionnaise, d’une unité de transformation des produits de la mer, d’une usine de téléviseurs et d’un bureau de représentation de la Chine à La Réunion. 2004, année de fébrilité L’Année culturelle de la Chine en France en 2004 a été l’occasion d’impulser davantage de projets de développement économique et culturel sino-réunionnais. Tout au long de l’année, plusieurs délégations officielles du gouvernement chinois débarquent dans l’île pour établir la coopération en matière d’énergie solaire – photovoltaïque – et installer un bureau économique de représentation chinois à Saint-Denis. À cette occasion, un journal local titrait : “La Chine ouvre son ‘ambassade’ à La Réunion, mercredi”(6). Ces délégations ont visé aussi, en avril, à mettre en place la formation des praticiens réunionnais à l’acupuncture au Groupe hospitalier Sud Réunion et à inaugurer une exposition sur l’écriture chinoise ainsi qu’à signer deux conventions, celle encadrant l’accueil d’enseignants chinois chargés d’intervenir dans les sections orientales des écoles réunionnaises, et une autre, en juillet, permettant la retransmission à La Réunion de programmes culturels, sportifs et éducatifs de la CCTV, la China Central Television. Dans le domaine des festivités, la foire internationale des Mascareignes, qui se tient tous les ans au mois de novembre dans la ville du Port, est consacrée aux savoirs et aux traditions culturelles de la Chine. Mais l’événement marquant de l’année 2004 est la fête de l’anniversaire de Guan Di, célébrée pour la première fois en grande pompe à Saint-Denis. Tous les ans, vers la fin juillet ou au début août, les Chinois de La Réunion rendent hommage à ce héros guerrier déifié au e XVI siècle. Les familles chinoises et créoles – et parfois des Métis – viennent dans I hommes & migrations n° 1275 l’un des deux temples de la rue Sainte-Anne à Saint-Denis pour se recueillir ou y faire des offrandes et des vœux en brûlant des bâtonnets d’encens. Avec le Nouvel An lunaire, l’anniversaire de Guan Di est devenu l’une des deux fêtes traditionnelles chinoises les plus populaires à La Réunion. Les Réunionnais, attirés par les pétards, les danses du lion, les lampions, les guirlandes et la cuisine chinoise viennent déambuler dans la rue Sainte-Anne, regarder, fouiner, ou acheter des petits souvenirs exotiques étalés sur des stands. Les actions des associations chinoises demeurent, quant à elles, peu efficaces dans la mise en œuvre d’une politique pérenne de resinisation de la communauté chinoise, du fait qu’elles sont organisées de façon épisodique et limitées dans des moments très courts de l’année. Dans le reste du temps, l’existence quotidienne des Sinwa se déroule dans un contexte réunionnais et non dans un univers chinois. Les tentatives de resinisation représentent, en fait, l’illusion d’un retour aux racines chinoises et n’ont pas donné de résultats probants sur le plan culturel. En conséquence, dans le contexte de métissage qui caractérise la société créole, les entreprises de réappropriation de la culture chinoise apparaissent, à bien des égards, problématiques. À la croisée de différentes cultures Dans d’autres sociétés multiculturelles comme au Brésil, “dans la démultiplication des personnalités, […] l’individu n’est pas à la fois indien, africain, portugais ou encore russe, français, italien, mais successivement et, pour une très grande part, selon les circonstances”, ainsi que le rappellent Laplantine et Nouss(7). Le fait d’être sinwa à La Réunion se décline dans une appartenance à deux voire trois univers culturels – chinois, français, créole –, et cela signifie que l’on existe au milieu de plusieurs… milieux – sociaux, culturels. Le Sinwa s’identifie à des groupes, se considère comme appartenant à ces groupes donnés mais, en même temps, il se sent différent des autres membres de ces groupes du fait qu’il peut se dire Sinwa, Malgas, Malbar ou autre, selon la situation ou les circonstances du moment, en raison de son métissage biologique ou culturel. La formation de son identité s’exprime dans les interstices de cette liberté de mouvement. Son identité se façonne, se modifie, et se réorganise tout au long de son existence, selon les transformations de la vie sociale, politique, culturelle ou économique de La Réunion. En conséquence, on peut s’interroger sur le rôle et sur la dimension politique des mouvements de revendications identitaires, qui puisent l’essentiel de leur sens dans les “cultures d’origine” plutôt que dans les inégalités sociales et écono- 171 172 Dossier I L’interculturalité à l’Ile de la Réunion I miques. Ces mouvements s’inscrivent-ils dans la continuité de la construction de l’identité créole, ou dans l’éclatement de l’identité réunionnaise ? Quelle pertinence ont les individus à renouer avec leur culture d’origine ? Retourner à la culture chinoise est en effet un chemin long et éreintant à accomplir ; il peut, en outre, aboutir à un nouvel exil culturel… ■ Notes 1. NM. A-H, entretien réalisé par l’auteur. 2. Live Yu-Sion, “The Overseas Chinese in Reunion Island”, Encyclopeadia of Chinese Overseas, Chinese Heritage Center Publications, Singapore, 1999. 3. Live Yu-Sion, “Illusion identitaire et métissage culturel chez les ‘Sinoi’ de La Réunion”, Perspectives chinoises, n° 78, juillet-août 2003. 4. Live Yu-Sion, “Le multiculturalisme à La Réunion : de la racialisation à l’ethnicisation des relations sociales”, in Ferréol, Gilles et Peralva, Angelina (dir.), Altérité et dynamiques sociales, Paris, LGDJ, “Droit et Société”, 2008. 5. Le Journal de l’Île de La Réunion, 13 janvier 2003. 6. Le Journal de l’Île de La Réunion, 9 mars 2004. 7. Laplantine, François et Nouss, Alexis, Le Métissage, Flammarion, Paris, 1998. Références bibliographiques • Affergan, Francis, Exotisme et altérité, PUF, Paris, 1987. • Balibar, Étienne et Wallerstein, Immanuel, Les Identités ambiguës, La Découverte, Paris, 1988. • Bonniol, Jean-Luc, La Couleur comme maléfice : une illustration créole de la généalogie des Blancs et des Noirs, Albin Michel, Paris, 1992. • Laplantine, François et Nouss, Alexis, Le Métissage, Flammarion, Paris, 1998. • Mannoni Octave, Prospéro et Caliban. Psychologie de la colonisation, éditions universitaires, Paris, 1984. • Poutignat, Philippe et Streiff-Fenart, Jocelyne, Théories de l’ethnicité, PUF, Paris, 1995. • Ricœur Paul, Soi-même comme un autre, le Seuil, Paris, 1990. • Yu-Sion, Live, “The Overseas Chinese in Reunion Island” in Encyclopeadia of Chinese Overseas, Chinese Heritage Center Publications, Singapore, 1999. • Yu-Sion, Live, “Illusion identitaire et métissage culturel chez les ‘Sinoi’ de La Réunion”, Perspectives chinoises, n° 78, juillet-août 2003. • Yu-Sion, Live, “Phénotypes et métissage culturel à La Réunion”, Revi Kiltir Kreol, n° 5, octobre 2005. • Yu-Sion, Live, “Resinisation of the Sinwa in Reunion Island : a new cultural exile or new suffering ?”, Diversity in Diaspora, International Society for the Study of overseas Chinese, African Regional Conference, University of Pretoria, South Africa, 2006. • Yu-Sion, Live, “The Sinwa of Reunion : searching for a Chinese identity in a multicural world”, in Thuno, Mette (dir.), Beyond Chinatown : New Chinese Migrants and China’s Global Expansion, NIAS Press, Copenhague, 2007a. • Yu-Sion, Live, “Patronyme, idionyme et identité chez les Sinwa de La Réunion”, in Latchoumanin, Michel et Malbert, Thierry (dir.), Familles et parentalité : rôles et fonctions entre tradition et modernité, Karthala, université de La Réunion, Paris, 2007b. • Yu-Sion, Live, “Le multiculturalisme à La Réunion : de la racialisation à l’ethnicisation des relations sociales”, in Ferréol, • Gilles et Peralva, Angelina (dir.), Altérité et dynamiques sociales, LGDJ, Paris, 2008 (sous presse).