L 15174 F: 3,00 - La Tribune Women`s Awards

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L 15174 F: 3,00 - La Tribune Women`s Awards
I I
L 15174 - 154 - F: 3,00 €
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
L’édition collector de La Tribune
En vente > 10.12.2015
femmes
The
Th Next
Generation
Gene
EMMANUELLE DUEZ, FONDATRICE DE THE BOSON PROJECT ET WOMEN’UP,
ET CATHIA LAWSON–HALL, BANQUIER CONSEIL POUR L’AFRIQUE, SOCIÉTÉ GÉNÉRALE :
2 DES 14 CANDIDATES DE LA VIE ÉDITION DES LA TRIBUNE WOMEN’S AWARDS.
© MARIE-AMÉLIE JOURNEL
« LA TRIBUNE S’ENGAGE AVEC ECOFOLIO POUR LE RECYCLAGE DES PAPIERS. AVEC VOTRE GESTE DE TRI, VOTRE JOURNAL A PLUSIEURS VIES. »
DU JEUDI 10 DÉCEMBRE AU MERCREDI 16 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - 3 €
COMMUNIQUÉ
Sophie
Delafontaine,
petite fille du
fondateur de la
Maison
Longchamp et
directrice
artistique de la
marque,
imagine les
collections de
prêt-à-porter et
souliers à partir
des sacs.
STYLE
Longchamp
crée la silhouette globale
Maison familiale et indépendante, Longchamp célèbre l’élégance à la française depuis plus
d’un demi-siècle. De l’incontournable sac Le Pliage® aux souliers et collections de prêtà-porter, la marque est toujours en mouvement. Retour sur un créateur made in France,
diffusé aux quatre coins du monde.
L
’
Mocassins
compensés
Artwalk
excellence française, façon
Longchamp… c’est une
histoire de famille adossée à un esprit visionnaire
qui depuis plus de 60 ans
forge le trait d’un style
audacieux. Car chez les
Cassegrain, l’audace se transmet de génération en génération depuis la création de
la marque en 1948. L’aventure commence
d’ailleurs avec Jean et son idée tout à fait novatrice à l’époque, de galber de cuir les pipes
vendues dans la civette familiale du boulevard Poissonnière à Paris. Succès
immédiat : la pipe gainée va
vite être vendue en gros et
la civette, devenir l’adresse de
référence parisienne des accessoires de
luxe et haut
de gamme.
Mieux encore, les articles vont être disposés dans les plus beaux hôtels de la capitale,
devenant peu à peu la référence du chic parisien. Le réseau commercial s’agrandit. Dès
1955, Jean Cassegrain amorce le marché au
Japon. Cinq ans plus tard, les produits Longchamp sont vendus dans 102 pays ! Pipes,
porte-cigarettes, cendriers, pochettes pour
passeport, porte-cartes… tous gainés de cuir,
connaissent un succès florissant avec un fort
développement à l’international porté par
le tout jeune fils Philippe, passé Directeur
de la maison. Les portefeuilles et pochettes
pour messieurs ont fait leur apparition et
prennent peu à peu le leadership sur un marché « fumeur » qui s’éteint doucement. 1978
est un virage important pour la marque qui
déploie dès lors toute son énergie sur la maroquinerie. Avec ses sacs de voyage, valises,
puis sacs pour dame, la griffe Longchamp
pose son empreinte dans l’escarcelle du luxe,
toujours à contre-courant, toujours là où on
ne l’attend pas.
L’esprit visionnaire
Déjà en 1961, à l’ouverture de l’aéroport d’Orly,
Jean Cassegrain surprend tout son entourage
en décidant d’y ouvrir une boutique Longchamp ; il sera d’ailleurs le premier à y installer un commerce. « Quelle idée de vendre des
articles de bagage et maroquinerie à des voyageurs qui en sont déjà pourvus ? », s’entend-il
seriner. On connaît la suite et le succès sans
précédent et copié de l’initiative. L’histoire de
Longchamp sera, sans discontinuer, marquée
par cet esprit visionnaire et novateur.
Des premiers sacs pour dames inspirés des
trousses de toilette aux sacs de voyage pensés façon trousses de médecin, le succès des
modèles amorce l’emblème de l’élégance à la
française, dont l’élaboration en atelier est savamment mise au secret du savoir-faire tanin.
Et puis, il y a ce fameux jour où Philippe
Cassegrain rentrant d’un voyage au Japon,
imagine un sac sur le modèle de l’art de l’origami nippon. « Une folie ! », pour les chefs de
création et d’atelier. Pas pour le Président de
Longchamp, qui depuis les années 80 élabore
des collections à partir de nylon enduit, garnies de cuir de porc pour les embellir sans les
alourdir. L’air de rien… une petite révolution
dans le milieu du bagage.
Le Pliage®, l’emblème
de Longchamp
1993, le sac Le Pliage® voit le jour. D’un geste
rapide, il se déplie et se replie sans contrainte.
Conçu dans une toile de nylon ultra résistante et légère, garnie de « cuir de Russie »,
Le Pliage® devient la Star de la marque. Vingt
ans plus tard, il est le sac le plus vendu dans
le monde. Revisité de nombreuses fois, il est
passé entre les mains d’artistes et créateurs
de renommée internationale et apparaît en
2012 sous sa forme cuir, ce qui de prime abord
aurait pu paraître improbable. Et pourtant,
les bureaux de création de Longchamp parviennent à fabriquer dans la plus pure tradition de la marque, un sac Le Pliage® en cuir
qui, à l’instar de l’original en nylon, se déplie
et se replie sans qu’aucun pli ne se forme. Aujourd’hui, Jean Cassegrain, petit-fils du fondateur et actuel Directeur Général, rappelle à
l’envi comment le sac Le Pliage® « a contribué
à la croissance rapide de Longchamp au cours
des deux décennies qui viennent de s’écouler. Il
réunit tout ce que notre maison a de meilleur –
savoir-faire français, qualité, modernité, style
et élégance ».
Quand le vêtement
devient l’accessoire
Et puisque chez Longchamp on aime aller
à contre-courant, la maison n’hésite pas à
explorer d’autres territoires que la maroquinerie. En 2009, sous l’impulsion de sa
directrice artistique et petite fille du fondateur, Sophie Delafontaine, la marque lance
sa ligne de prêt-à-porter et de souliers. Mais
sur un concept décalé ! Celui de créer une
silhouette globale Longchamp dans laquelle
les rôles s’inversent. « Chez nous, c’est le sac
qui est l’élément principal de la silhouette et le
prêt-à-porter est l’accessoire ». Pari osé, défi
relevé ! Toutes les collections partent des
sacs ; Longchamp décline les codes de sa maroquinerie sur l’ensemble de ses silhouettes.
Blouson, manteau, robe, jupe, top et souliers
sont imaginés à partir des codes de la maroquinerie. A chaque saison, le sac trouve sa
correspondance dans la collection de prêt-àporter et de souliers. Avec en nec plus ultra,
le cuir, utilisé en fil rouge sur les différents
modèles. Confidentielles à leurs débuts, les
silhouettes globales Longchamp ont depuis
fait leur chemin et sont dignement représentées par les it girls les plus tendances du
moment de Kate Moss à Alexa Chung. L’automne-hiver 2015 s’annonce sous le signe du
Pliage® Héritage allié aux pièces arty et colorées de la saison. Une énergie créative sous
les auspices de l’élégance. Une certaine idée
du Made in Longchamp.
Baskets Le Pliage
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LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
TEMPS FORTS
ÉDITORIAL
État d’urgence économique
PAR
PHILIPPE
MABILLE
SOMMAIRE
© MARIE-AMÉLIE JOURNEL
@phmabille
F
usions à gauche, confusion à droite. Le premier tour des élections régionales en
France a semé la zizanie dans les étatsmajors politiques, pris de court par l’ampleur, pourtant annoncée, de la montée du
Front national. Rien ne dit pourtant que la
carte politique des régions qui sortira du second tour
ressemblera à celle, inquiétante, de dimanche dernier.
La gauche rassemblée pourrait bien remporter plus de
régions que prévu, et la droite, qui manque de réserves
de voix, ne devrait ses principales victoires qu’au harakiri accepté par le Parti socialiste dans le Nord, Paca et
en Alsace, pour tenter de faire barrage au FN. Ce sera le
premier enjeu du second tour.
Avec un peu plus de 6 millions de voix, le Front national
ne réédite pourtant pas son score du premier tour de la
présidentielle de 2012 (6,4 millions de voix), un scrutin
où la participation avait été de près de 80Š%. Marine
Le Pen dispose sans doute de réserves de voix pour
atteindre le second tour de la présidentielle de 2017, surtout si la gauche et/ou la droite y vont divisées. Mais elle
n’a sur la base de ses résultats actuels aucune chance de
l’emporter dans un second tour, lorsqu’il lui faudra obtenir plus de 15 millions de voix.
Il faut donc prendre ces élections régionales pour ce
qu’elles sont, avant de se livrer à des conjectures hasardeuses prédisant à la France un avenir à la hongroise. La
forte poussée du Front national adresse un avertissement, net et clair, aux dirigeants de la droite et de la
ÉVÉNEMENT
8
LA TRIBUNE
WOMEN’S AWARDS
Pour la sixième année
consécutive, notre journal
honore les femmes
entrepreneures d’excellence.
gauche qui se sont succédé au pouvoir depuis le début
de la crise. Et qui se sont montrés, les uns comme les
autres, totalement impuissants à résoudre les difficultés
du pays.
Prenons quelques repères : il y a dix ans, en 2005, la
France comptait 2,4 millions de chômeurs. Avec la
hausse enregistrée en octobre, la France métropolitaine
compte désormais 3Š589Š800 chômeurs…
Partout ailleurs en Europe, le chômage recule. C’est donc
qu’il doit bien y avoir un bogue quelque part dans le fonctionnement de notre économie et de notre marché de
l’emploi. Qu’est-ce que l’on attend pour s’y attaquerŠ? La
detteŠ? Elle était de 64Š% du PIB il y a dix ans. Elle
frôlera les 100Š% du PIB, soit une année de
richesse nationale, en 2016, sans que rien ne soit
fait de sérieux pour inverser cette courbe.
La France affiche un record mondial de dépenses
publiques et de prélèvements obligatoires, et on
ne peut pas vraiment dire que son modèle social
se montre beaucoup plus efficace que celui des autres
pays européens. Au contraire, la pauvreté progresse, tout
comme le sentiment d’exclusion d’une part croissante de
la population qui prend pour cible la classe dirigeante,
les élites, l’Europe, la mondialisation, les « étrangers ».
Pour répondre au message du « peuple », c’est un état
d’urgence économique qu’il faut prononcer. À continuer
à ne rien faire ou si peu, le risque est que la démocratie
n’y survive pas. Or que constate-t-onŠ? Des partis politiques dans le déni qui se renvoient chacun la responsa-
bilité de la montée de l’extrême droite. Nicolas Sarkozy,
qui se voyait élu dans un fauteuil en 2017 en incarnant
l’alternance, vient de voir voler en éclats la stratégie de
droitisation qui l’avait déjà fait perdre en 2012. Elle fait
fuir ses électeurs centristes vers la gauche et elle pousse
ses électeurs de droite à préférer l’original à la copie.
Quelles conclusions va-t-il tirer de ces électionsŠ? On ne
peut pas imaginer que cela restera sans conséquence,
notamment sur la primaire de la droite.
Le seul vainqueur, finalement, de ces élections régionales
pourrait bien être François Hollande qui, tout en encaissant les bénéfices politiques du virage sécuritaire
imposé par la menace d’attentats, pourrait enfin
parvenir à rassembler la gauche, unie par la
peur. Des petits calculs électoraux qui sont loin
de répondre à l’urgence de la situation politique. Et qui, en l’absence de réformes à la hauteur, seront jugés sévèrement par les Français.
Il reste dix-huit mois avant l’élection présidentielle de 2017. Le chef de l’État, qui a lié son sort
à une inversion franche de la courbe du chômage,
est attendu sur cette promesse. Un enjeu qui engage
aussi le patronat qui ferait mieux de se mettre autour de
la table avec les syndicats pour négocier un nouveau
compromis social, plutôt que de se contenter de pousser
des cris, une semaine avant les élections, à la perspective
de voir arriver au pouvoir le Front national… avec un
programme économique proche de celui du parti communiste des années 1970. ■
ENTREPRISES 32
VISION
WATSON, LE ROBOT
D’IBM, CHERCHE
UN EMPLOI
NON AU DIKTAT
ÉCOLOGISTE !
LA TRIBUNE, 30 ANS
D’AVANCE SUR L’AVENIR
Tandis que la #COP21 touche
à sa fin, l’économiste
Jean-Charles Simon s’insurge
ici contre l’idéologie simpliste
de la lutte du bien et du mal
qui sous-tend, selon lui,
la nouvelle doxa écologiste,
et en dénonce les illogismes.
Un propos tonique, où l’auteur
s’engage sans réserve
en faveur de la croissance.
Né le 16 janvier 1985, notre
journal fête ses 30 ans en
proposant sa vision d’avenir,
une anthologie
de ses unes
des trente
prochaines
années. Un
hors-série
de 248
pages.
Parti à la conquête du nouveau
marché du « commerce
cognitif », le groupe américain
cherche à convaincre
les commerçants de souscrire
aux services de Watson, son
système d’intelligence artificielle
qui est censé prodiguer
des conseils en marketing,
prédire et stimuler les ventes.
45
SUPPLÉMENT
EN PLEINE #COP21… « ALERTE ROUGE » À LA POLLUTION SUR PÉKIN !
Pour la première fois, la municipalité de Pékin
s’est déclarée lundi 7 décembre en alerte maximale
« rouge » à la pollution atmosphérique. Elle a de ce fait
adopté des mesures exceptionnelles, alors même
qu’un nouvel épisode « d’airpocalypse » menace
les 21 millions d’habitants de la capitale du premier
émetteur mondial de gaz à effet de serre.
Parmi les mesures mises en place dès le lendemain
par le Bureau de la protection environnementale
de la municipalité de Pékin, on note le retrait
temporaire de 30 % des véhicules de fonction
des autorités, la circulation alternée pour les particuliers,
l’interruption des chantiers en plein air, l’interdiction de
circulation pour les camions du BTP et même l’arrêt
d’activité pour les usines les plus polluantes, tandis
que les écoles et collèges sont par ailleurs appelés à
« suspendre les cours », une mesure « recommandée »
mais cependant non obligatoire. Ces mesures étaient
dans l’ensemble bien accueillies par la population :
« Le gouvernement montre enfin qu’il prend à cœur
la lutte contre ce fléau », relevaient des internautes
sur le réseau social Sina Weibo. Reste que la pollution
de l’air dans les grandes villes chinoises est
un phénomène récurrent, devenu l’un des principaux
sujets de mécontentement de la population et à l’origine
de centaines de milliers de décès prématurés.
© REUTERS
L’HISTOIRE
© ISTOCK
8 I
L’ÉVÉNEMENT
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
VIE ÉDITION DES LTWA
La nouvelle
LES FAITS. Fonceuses,
intelligentes, bardées de diplômes,
drôles et engagées…
Les candidates de la sixième
édition des La Tribune Women’s
Awards (LTWA) apportent
un souffle nouveau à la sphère
du « business ». Elles décoiffent
tout autant qu’elles performent.
LES ENJEUX. Portrait croisé
d’une nouvelle génération,
incarnée à la une de La Tribune
par deux jeunes femmes d’avenir,
Emmanuelle Duez et Cathia
Lawson-Hall, qui figurent parmi les
14 candidates finalistes de l’édition
2015 des LTWA (lire pages 14 à 22).
PAR
ISABELLE
LEFORT
@lefort10lefort
Les femmes
qui aujourd’hui
accèdent aux
responsabilités
sont bien
différentes
des vagues
successives
de leurs aînées
qui réclamèrent
plus d’égalité.
© GETTY IMAGES
CE QUE LES HOMMES DISENT DES FEMMES
Pour les hommes, les femmes sont une chance pour les entreprises. Là encore, les mentalités ont sacrément évolué ces cinq dernières années.
P
armi les figures du CAC 40, Stéphane
Richard, le Pdg d’Orange, s’affirme comme
le chef de file des grands patrons
qui s’engagent à promouvoir les femmes. Après
le départ de Delphine Ernotte-Cunci à la tête de
France Télévisions, il a choisi une autre femme,
Fabienne Dulac, pour la remplacer à la direction
d’Orange France. « Oublier la diversité conduirait
l’entreprise dans le mur. C’est une composante
essentielle du management » affirme-t-il. Autre
entrepreneur engagé, Gérard Mestrallet, qui
a désigné Isabelle Kocher pour lui succéder
en 2016 à la présidence d’Engie, milite pour
la reconnaissance des compétences égales
des femmes et des hommes : « La diversité est
un avantage concurrentiel. Se priver d’éventuels
talents serait une erreur et une faute. »
À la tête de Positive Planet (le nouveau nom
de Planet Finance), Jacques Attali soutient
activement la promotion de l’entrepreneuriat
féminin. « L’économie positive suppose
une société où chacun a sa place et s’épanouit.
L’entrepreneuriat féminin est un des axes
de la vitalité de l’économie et un levier
pour la compétitivité et l’emploi. Une meilleure
représentation des femmes dans l’entreprise est
un préalable à la réussite de l’économie positive. »
Au sein de l’économie sociale et solidaire,
le rôle des femmes est aussi plébiscité.
Pour Jean-Marc Borello, le PDG du groupe SOS,
« l’entreprise ne peut plus se contenter
d’être une structure qui produit des dividendes ».
Au sein de la fondation FACE, il martèle
pour que « les chefs d’entreprise doivent
non seulement mener à bien leurs activités,
mais aussi participer au mieux vivre
ensemble. Pour cela, ils doivent promouvoir
la diversité sous toutes ses formes. »
Avec les femmes, donc. ■
I. L.
C
’
était en 2009, au lendemain de la chute de
Lehman Brothers.
La Tribune publiait
un éditorial s’interrogeant pour savoir si la
crise aurait eu lieu
« si Lehman Brothers s’était appelé Lehman Sisters ». L’article a fait date. La loi Copé-Zimmermann n’était pas encore votée et la rédaction s’engageait à mettre en valeur chaque
année les femmes qui, dans l’économie, faisaient figure de modèles pour donner envie
aux jeunes femmes d’« oser la réussite ». En
l’espace de six éditions, nous avons identifié
en France, grâce à nos partenaires, sur tout le
territoire national, plus de 1Š200 femmes aux
parcours notables. En régions comme à Paris, les dossiers de
candidatures reflètent l’évolution de la parité
dans les entreprises. Six ans après, les choses
ont changé. Sans être parvenues à l’égalité
réelle, les femmes et les entreprises ont brisé
le plafond de verre (lire page 12). Que ce soit
dans le secteur privé ou la sphère publique, la
prise de conscience est générale. Et désormais, aucun secteur, aucune entreprise ne
voudrait être étiqueté sexiste. Ce serait préjudiciable pour les affaires, avec le risque
d’être montré du doigt par les médias, sanctionné par la loi et surtout honni des jeunes,
et donc dans l’impossibilité de recruter de
futures recrues talentueuses.
Les représentantes de la nouvelle génération
qui accèdent aux responsabilités se distinguent de leurs aînées. Après les révolutionnaires à la Olympe de Gouges, les suffragettes
CANDIDATES WOMEN’S AWARDS
ETI
ALINE
AUBERTIN
Directrice des
achats Emea de
GEMS © DR
AGATHE
BOIDIN
Directrice générale
d’OrchestraPrémaman. © DR
ENTREPRENEURE
NUMÉRIQUE
GENEVIÈVE
CAMPAN Directrice
des systèmes
d’information
du CNES. © DR
VÉRONIQUE
TORNER
Coprésidente
d’Alter Way.
© DR
MIREN
DE LORGERIL
PDG du Groupe
Lorgeril, Vins
Pennautier. © DR
CAROLE GARCIA
ET NATHALIE JUIN
Cofondatrices de
Graines de Pastel
Cosmétique © DR
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LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
LA TRIBUNE WOMEN’S AWARDS
génération des « positives »
DES FEMMES QUI
ASSUMENT LEUR FÉMINITÉ
Les figures féminines des grandes entreprises
françaises de ces vingt dernières années, à
l’exemple de Véronique Morali ou de Patricia
Barbizet, incarnent des femmes exemplaires,
aux talents désormais reconnus, honorés et
salués par tous. Mais qui toutes ont pour
point commun d’avoir adopté des allures de
profil bas. À l’image de Claire Chazal dans les
médias, qui appartient à la première promo
mixte d’HEC, elles sont en quête de perfection. Silhouette impeccable, maquillage ton
sur ton, elles fondent majoritairement leur
féminité dans des tenues sages aux tonalités
proches de celles de leurs homologues masculins (comprenez les tonalités des tailleurs
gris, noir, bleu marine). Elles portent jupes ou
pantalons et plébiscitent les mêmes marques,
Ralph Lauren en tête, Agnès B, Chanel pour
les plus audacieuses.
Si Christine Lagarde a montré la voie d’une
garde-robe décomplexée aux tonalités
franches, les égéries de la nouvelle génération
vont plus loin : elles se libèrent totalement
des carcans. En réunion, elles n’hésitent pas
à afficher des ongles couleur vermillon et
portent facilement du rouge coquelicot aux
lèvres. Escarpins de 12 cm, fourrure à poils
longs, boucles d’oreille extra-large, cape
mexicaine… Leurs jupes ont la longueur
qu’elles décidentŠ; plus ou moins courtes
selon leur humeur. Leur garde-robe associe
jeunes créateurs, marques de sport, H&M et
Zara. Elles s’inspirent des pages des meilleurs
magazines de mode pour créer leur propre
style. Elles assument, et plus encore,
s’amusent des attributs de la féminité. Elles
n’en jouent pas pour séduire ou dominer,
mais, simplement, parce que ces femmes
sont bien dans leur vieŠ; elles l’affichent. Elles
possèdent une réelle joie de vivre.
D’où leur vient cette assuranceŠ? Toutes ces
jeunes femmes ont pour point commun des
bases solides. Elles ont suivi les meilleures
écoles, sont bardées de diplômes (HEC,
Essec, Polytechnique, Sciences Po…) et possèdent des compétences incontestables. Audelà, elles affichent majoritairement un fort
ancrage familial. Issues de familles aimantes,
elles ont dès l’enfance appris à s’épanouir
dans l’esprit d’équipe. À la une de La Tribune cette semaine, donc,
Cathia Lawson-Hall et Emmanuelle Duez.
Cathia Lawson-Hall, banquière conseil de la
Banque de financement et d’investissement
MANAGER
CORINNE
HARDY
Head of market
intelligence de
Merial. © DR
(BFI) de la Société générale, responsable de
la relation avec les clients stratégiques de la
banque en Afrique et chargée des clients stratégiques sur ce continent, est née au Togo.
Ses parents l’ont dotée, elle et ses sœurs,
d’une très bonne éducation, incitant chacune
à donner le meilleur d’elles-mêmes, non seulement pour devenir autonomes financièrement, mais surtout pour s’épanouir professionnellement. Aujourd’hui encore, les quatre
filles sont inséparables, elles s’épaulent
et cheminent ensemble, chacune dans sa
branche, mais l’esprit familial fait corps (lire
son portrait page xx).
Emmanuelle Duez, créatrice et présidente de
WoMen’Up et de The Boson Project, a forgé
son appétit d’entreprendre avec ses trois
frères. Aujourd’hui, ceux-ci lui apportent leur
soutien pour réussir The Boson Project, alors
même que leur mère supervise tout l’administratif (lire son portrait page XX et son
texte sur les générations Y et Z page 24).
Au-delà de ce que leurs parents leur ont transmis, toutes ces femmes perpétuent l’idée
d’union sacrée dans leur couple et leur
famille. Dans le bureau de Christel Heydemann, au siège de Schneider Electric, à RueilMalmaison, on découvre la plaque d’immatriculation humoristique « The Boss »Š; c’est
son mari qui la lui a offerte en mode décalé.
Fier et heureux de sa réussite, c’est lui qui l’a
poussée à concourir aux La Tribune Women’s
Awards.
LE MAÎTRE MOT,
C’EST L’ORGANISATION
L’esprit de corps fait sens. La discipline aussi.
Ces femmes sont de grandes travailleuses.
Elles adorent leur boulot, mais refusent pour
autant de sacrifier leur vie privée. Ceci étant,
les journées n’ont que vingt-quatre heures.
Au bureau comme à la maison, le maître mot,
c’est l’organisation.
Le soir et les weekends, Cathia LawsonHall et son mari (luimême poursuit une
carrière à hautes responsabilités) veillent
à l’orchestration pour
que leurs quatre
jeunes enfants soient
tout autant dans le
jeu et l’épanouissement que dans la discipline des devoirs à faire (et bien faire). Le
rythme est intense, mais la quête du juste
équilibre constitue une exigence constante.
Ne pensez pas pour autant que la personnalité
de ces femmes évoque une quelconque rigidité. Elles évoluent dans des univers joyeux de
« numérique créatif ». Elles s’apparentent plus
à des électrons libres, formidablement inventifs, qu’à des cadres policés de la haute administration. Figures de la jeunesse et de la génération « peur de rien », elles s’épanouissent
dans des entreprises libérées où la hiérarchie
est ouverte au dialogue, à l’échange positif.
Leur intelligence étincelleŠ; elles écoutent leur
intuition. Leurs esprits sont libresŠ; elles ne
cherchent pas à dissimuler leurs émotions.
Les faux
semblants,
les non-dits ?
Pas leur truc !
SMART CITY
CHRISTEL HEYDEMAN
Senior Vice-President
Strategy & Global
Alliances de Schneider
Electric. © DR
HÉLÈNE MARTINI
Directrice de
l’École nationale
supérieure de
police de Lyon. © DR
Le plaisir d’entreprendre et de mener à bien
un projet leur sert de marqueur de réussite, le
rire est un moyen de survie pour faire tomber
la pression. Parfois leur langage décontenance,
elles n’hésitent pas à parler vrai. Les faux-semblants, les circonvolutions ou les non-ditsŠ? Ce
n’est pas leur truc, disent-elles. Elles brisent en
éclats le vocabulaire trop formaté qui freine
l’esprit d’innovation de l’entreprise. Elles vont
vite et sont malines. Si un obstacle surgit, elles
ne l’évitent pas, elles l’affrontent. Ce ne sont
pas des guerrières pour autant. Elles réussissent par l’intelligence et l’humour à faire
passer les idées qui permettent d’avancer. Elles
convainquent par le raisonnement. Elles sont
des communicantes nées qui savent que pour
réussir, l’adhésion de tous fera la différence.
Leur franchise ne pourrait être gagnante sans
l’écoute indispensable à la compréhension et
au succès de tout projet. La ténacité et la sincérité vont de pair.
STARTUPPEUSE
MANAGER
EMMANUELLE DUEZ
Fondatrice et gérante
de The Boson Project
Conseils.
CATHIA LAWSON
Banquier Conseil
pour l’Afrique de
Société générale.
EN MODE « ACTIONS
CONCRÈTES »
Engagées, elles le sont mais pas forcément
comme leurs aînées dans des réseaux de
femmes, même si Emmanuelle Duez a commencé avec WoMen’Up. Elles privilégient
l’action sur le terrain. MentorerŠ? Oui. Toutes
encouragent les jeunes filles à suivre leur
propre voie et à ne pas se laisser enfermer dans
un quelconque stéréotype. Fatoumata Kebe,
née en Seine-Saint-Denis dans une famille
d’origine malienne très modeste et à qui personne, dans son enfance, n’aurait donné une
chance de devenir astrophysicienne, n’avait pas
encore franchi le pas de l’Institut Pierre-etMarie-Curie, à l’Observatoire de Paris que déjà,
il lui paraissait presque vital d’insuffler aux
autres jeunes des banlieues la confiance pour
poursuivre leurs études et réussir leur vie par
le biais de son association Éphémérides. Pousser les jeunes filles à suivre des carrières scientifiques, à devenir ingénieures ou à s’engager
dans la voie du numérique est autant le combat
de Véronique Torner (Alter Way) que d’Aline
Aubertin (GE Medical Systems). Tout comme il va naturellement de soi pour
Hélène Martini, la directrice de l’École nationale supérieure de la police de transmettre
aux jeunes recrues, qu’ils soient hommes ou
femmes, le sens du collectif et la nécessité à
chacun d’œuvrer dans l’intérêt général au
bien vivre ensemble. Là encore, ces femmes
privilégient le terrain à la communication.
Elles ne détournent pas les yeux des sujets
qui fâchent, mais adoptent une même tactique pragmatique. Un, observer et analyserŠ;
deux agir et ne pas lâcher.
Il est à parier qu’on retrouvera tout prochainement ces femmes aux sommets, fortes
qu’elles sont de cette méthode. Chacune
dans son domaine, menant sa propre carrière, fera demain avancer à nouveau la cause
des femmes. Et plutôt que de longs discours,
c’est au quotidien, par le recrutement des
jeunes qu’elles réussiront – espérons-le,
enfinŠ! – à ce que l’on ne dise plus que l’égalité réelle, ce sont sept hommes et trois
femmes assis autour d’une table pour
prendre des décisionsŠ! ■
FEMME DE SCIENCES
ET DE TECHNOLOGIE
FATOUMATA KEBE
Doctorante en
astronomie, université
Pierre-et-Marie-Curie,
Observatoire de Paris.
© DR
MÉRIAM CHEBRE
Directrice scientifique
déléguée adjointe
au traitement
numérique
de Total SA. © DR
© MARIE-AMELIE JOURNEL
du début du xxe siècle, les affranchies des
années 1920, les féministes des années 1970,
les femmes libérées aux épaulettes XXL des
années 1980, les femmes d’affaires menant
leur carrière en solo à l’orée du xxie siècle et
les administratrices aux tailleurs impeccables,
ces nouvelles dirigeantes n’ont plus besoin de
mener les combats de ces pionnières remarquables. Les portes leur sont ouvertes, les
entreprises cherchent à les recruter pour relever la proportion des femmes dans leurs
équipes dirigeantes. Légitimes dans leurs
fonctions, elles se moquent des diktats. Et
foncent dans le tas.
LES SEPT CATÉGORIES
DES WOMEN’S AWARDS
ETI - Ce prix récompense
une femme qui est en poste
dans une ETI (entreprise de taille
intermédiaire, entre 250 et 4 999
salariés) et qui se distingue
par sa vision stratégique
du développement.
les performances et
les résultats sont remarqués
(résultats commerciaux,
management, conduite
du changement, innovation…)
SMART CITY
Ce prix récompense
une femme issue du secteur
NUMÉRIQUE public ou privé, qui joue
Ce prix récompense une femme
un rôle particulièrement
entrepreneure ou cadre dirigeante remarquable dans la vision
dont le métier est lié au secteur
de la ville du futur
des nouvelles technologies
au sein de sa structure.
(Internet, électronique, télécoms,
numérique & digital), et/ou qui
FEMME
a su développer la numérisation
DE SCIENCES ET
d’un produit, d’un service ou d’une TECHNOLOGIES Ce prix
organisation dans sa globalité.
récompense une femme en
poste dans une administration
ENTREPRENEURE ou une entreprise exerçant
Ce prix récompense une
une profession scientifique
femme actionnaire majoritaire et technique : mathématiques,
dans une PME (10 à 250
informatique, science
salariés) se distinguant par sa de l’ingénieur, recherche…
vision stratégique et son plan
de développement, avec
STARTUPPEUSE
un minimum de 2 millions
Ce prix récompense
de CA sur le dernier exercice.
une femme fondatrice
et actionnaire majoritaire
MANAGER - Ce prix d’une entreprise (de moins
récompense une femme,
de dix salariés) d’au moins
cadre dirigeante, en poste
un an d’existence, et à fort
dans une entreprise dont
potentiel de croissance.
STARTUPPEUSE
LAURENCE ONFROY
Présidente
et fondatrice
de TemptingPlaces.
© DR
10 I
L’ÉVÉNEMENT / LTWA
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
PARITÉ HOMMES-FEMMES
Au niveau mondial, les inégalités entre les hommes et les femmes se réduisent
dans les domaines politique, économique, de l’accès à l’éducation, du travail notamment.
Mais très lentement. Les écarts de salaires stagnent depuis 2009-2010.
DR
À ce rythme, il n’y aura plus
d’inégalités économiques… en 2133
LA VIE ÉDITION
DES PRIX LTWA,
« LA TRIBUNE
WOMEN’S AWARDS »
JEAN-CHRISTOPHE
TORTORA
DIRECTEUR
DE LA PUBLICATION
@jc_Tortora
P
our la sixième édition
de ses prix La Tribune Women’s
Awards, lancés en 2009,
La Tribune est repartie à la recherche
de femmes d’exception. Cette année,
15 femmes remarquables sont en lice
dans sept catégories :
sciences et technologies,
numérique,
ville intelligente,
startup,
entrepreneure,
ETI,
manager.
Le jury s’est réuni le 3 novembre.
La compétition s’achèvera
par une soirée exceptionnelle,
le 14 décembre, à partir de 19 heures,
dans le somptueux cadre du Théâtre
de Paris. En attendant les résultats,
découvrez le portrait de ces femmes
brillantes et altruistes. ■
AU PLUS PRÈS
DES FEMMES
Au-delà des effets de manche,
des progrès réels mais insuffisants,
les femmes et les hommes
continuent d’être inégaux dans la vie
professionnelle. Quelles que soient
les statistiques, la représentation
des Françaises dans les conseils
d’administration demeure
invariablement autour des 30 %.
Certes, c’est mieux qu’il y a dix ans,
mais les chiffres sont têtus :
trois femmes pour sept hommes
dans un conseil d’administration,
ce n’est pas l’égalité.
À La Tribune, nous avons, dès 2009,
décidé de porter le combat contre
le « plafond de verre ». Nous savons
ce que l’économie doit aux femmes ;
nous connaissons leur formidable
potentiel. Et, nous sommes
intimement convaincus que
la performance des entreprises
nécessite de placer la diversité
au cœur de tout business model.
Demain, nous avons tous intérêt
à réussir ensemble, à être forts
ensemble.
C’est pourquoi nous allons plus
encore nous engager, nous projeter
dans l’avenir et accompagner
la dynamique du changement avec
la VIe édition des Tribune Women’s
Awards. Notre volonté ? Mettre
en avant les femmes exemplaires
qui jouent un rôle décisif pour
le monde de demain.
Qu’elles soient pionnières dans
les disciplines scientifique, de la
recherche, entrepreneures ou cadres
dirigeantes du numérique, actrices
des smart cities, startuppeuses,
à la tête d’une PME ou d’une ETI,
managers d’une entreprise
du CAC 40 ou du SBF 120, il est
temps pour chacune d’entre elles
d’être lancées dans la compétition.
Les équipes de La Tribune
à Bordeaux, Toulouse, Lyon,
Marseille, Montpellier et Deauville
ont sélectionné les meilleures
candidates. Rendez-vous est pris
à Paris, le 14 décembre 2015,
pour la consécration des finalistes.
Messieurs, soyez les premiers
à encourager les femmes à afficher
leurs réussites. Mesdames, osez,
soyez fières de vos parcours.
C’est important pour vous, mais
cela l’est aussi pour nous tous, et
surtout pour les jeunes générations.
Ensemble, faisons œuvre utile.
Pour le bonheur d’entreprendre
et de réussir. Aujourd’hui et plus
encore demain. ■
D
epuis 2006, les inégalités
entre
hommes et femmes
ont diminué de 4Š%
dans les domaines
de la santé, de l’éducation, de l’économie et de la représentation politique. Tel est le constat
© ISTOCK
mitigé du rapport des genres 2015 (Global
Gender Gap) du Forum économique mondial, publié le 19 novembre. Il faudrait au
total 118 ans pour combler l’écart économique (salaires, participation au marché
du travail, fonctions dirigeantes), selon
l’étude. Dix pays, dont la France, sont parvenus, en dix ans, à combler les inégalités
concernant le
niveau scolaire et
la santé. L’Hexagone a fait plus
d’efforts que la
moyenne, se classant 15e cette
C’est, au rythme actuel, le temps
année. Il a gagné
nécessaire à combler l’écart
un rang par rapéconomique au niveau mondial
port
à 2014 et pas
entre hommes et femmes.
moins de 55 rangs
depuis 2006 (il se
classait à la 70 e place cette année-là).
Dans les domaines de la santé et de l’éducation, la France est en haut du podium
depuis 2006. Mais elle n’est qu’à la 19e
place pour la représentation politique
(60e en 2006) et à la 56e place quant à
l’économie (88e en 2006).
Mais aucun pays n’a résolu totalement à
la fois le problème des écarts de salaires,
Aujourd’hui,
à l’échelle
mondiale,
les femmes
ont accès aux
mêmes niveaux
de salaire que
les hommes…
en 2006 !
118 ans
LE PROCESSUS
DE SÉLECTION
de l’accessibilité à l’emploi et de l’accès au
pouvoir politique, révèle le rapport.
Concernant les revenus, l’écart s’est réduit
de 3Š% depuis 2006. Pis : l’évolution vers
l’égalité des salaires et vers la parité sur le
marché du travail est en stagnation depuis
les années 2009-2010. L’étude indique que
dans le monde les femmes ne gagnent
aujourd’hui que l’équivalent du salaire des
hommes en 2006. Ainsi, à ce rythme, il
faudrait encore 118 ans pour combler
l’écart économique, estime l’étude.
Autre mauvaise nouvelle, dans 22Š% des
pays, le fossé s’est creusé dans l’éducation.
L’Iran, le Tchad, la Syrie, le Pakistan et le
Yémen sont en dernières positions. Si les
pays d’Europe du Nord (du premier au cinquième dans le classement général : Islande,
Norvège, Finlande, Suède, Irlande) font
figure de modèles dans l’éducation ou la
représentation politique, les mauvaises performances des pays africains et du MoyenOrient sont pointées du doigt par le rapport.
L’Iran, le Tchad et la Syrie sont respectivement 141e, 142e et 143e. Avant-dernier, le
Pakistan pâtit notamment du manque
d’opportunités pour les femmes dans le
monde du travail. Elles sont 26Š% à travailler, contre 86Š% des hommes.
Le Yémen est 145e et dernier du classement. Ce pays offre également peu de
possibilités aux femmes dans le domaine
des opportunités économiques. Ainsi,
elles sont 26Š% à avoir accès au monde du
travail, contre 74Š% des hommes. Et les
catégories de dirigeants d’entreprise et de
législateurs sont composées à 98Š%
d’hommes et à 2Š% de femmes. ■ J.-Y. P.
Entre mai et juillet - En écho
à l’événement parisien, les
événements en région permettent de
mettre en valeur des talents féminins
sur l’ensemble du territoire français.
La méthodologie en région
est la suivante : les membres du jury
(partenaires privés, institutionnels
et médias) soumettent des noms
de candidates pour chacune de leurs
catégories. Le comité de pilotage
du prix vérifie l’éligibilité des dossiers
et sélectionne des nominées pour
chacune des catégories. Le jury se
réunit ensuite pour élire une lauréate
dans chaque catégorie. Les lauréates
régionales sont récompensées lors
d’une cérémonie de remise de prix
qui a lieu dans leur région respective.
Enfin, les lauréates régionales sont
présentées au comité de pilotage
national, qui étudie l’éligibilité
de leur dossier à l’édition nationale.
Août - Les membres du jury
soumettent des noms de candidates
pour chacune des sept catégories
nationales.
Le 3 novembre - Réunion du jury
national et vote.
Le 14 décembre - Cérémonie
de remise des prix des VIes LTWA,
au Théâtre de Paris.
Inscription obligatoire :
www.latribunewomensawards.fr/
inscription/
Le best-of de la cérémonie 2014 :
www.latribunewomensawards.fr
BANQUE ET CITOYENNE
12 I
L’ÉVÉNEMENT / LTWA
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
QUOTAS : OÙ EN EST
LA LOI
COPÉ-ZIMMERMANN ?
V
otée en 2011, la loi CopéZimmermann a créé un
véritable effet de levier
pour faire grimper les femmes
aux postes d’administratrices dans
les entreprises. Selon Ethics & Boards,
elles sont désormais 32,5 % dans
les conseils du CAC 40. Vingt-cinq
pour cent des conseils du SBF 120
comptent 40 % de femmes. Ils ont
ainsi devancé le seuil à atteindre exigé
par la loi d’ici à 2017. C’est nettement
mieux que nos amis et concurrents
britanniques (les administratrices
ne sont que 9 % dans le FTSE 100),
allemands (3,3 % dans le DAX 30)
et américains (0 % dans le DJIA 30).
Parmi les bons élèves au palmarès
de féminisation des instances
dirigeantes, Sodexo arrive nettement
en tête avec 38,5 % d’administratrices
au conseil, 50 % au comité
de rémunération, 80 % au comité
de nomination, 42,9 % au Comex
et 30,5 % dans le top 100. Le titre
de champion de la féminisation
est d’autant plus mérité que Sodexo a
annoncé fin septembre la nomination
d’Anna Notarianni à la tête du groupe
en France. Et en janvier 2016, Sophie
Bellon doit prendre les rênes
de l’entreprise fondée par son père
Pierre Bellon, dans les années 1960.
Elle sera alors la seule femme
présidente à la tête d’une entreprise
du CAC 40. Elle sera suivie en mai
2016 par Isabelle Kocher, pour Engie. ■
LE SBF 120
RECHERCHE 164
ADMINISTRATRICES
À
un an environ de l’échéance
de la loi Copé-Zimmermann,
force est de constater
que la parité est encore loin d’être
de mise dans les conseils
d’administration des grands groupes
français. Comme le révèle Deloitte
dans une étude récente, il manque
à ce jour 164 administratrices au sein
des conseils des sociétés du SBF 120
pour que la proportion des 40 %
de femmes soit atteinte en 2017.
Certes, le taux de féminisation
est en augmentation cette année
au sein des conseils d’administration,
avec un tiers des sièges occupé par
des femmes, mais l’objectif de 40 %
est atteint dans dix entreprises
seulement. Il reste donc du chemin
à parcourir. Concernant la plus haute
fonction de l’entreprise, la marge
de progression est considérable
puisque l’on compte deux femmes
PDG seulement au sein du SBF 120
— Valérie Chapoulaud-Floquet
(Rémy Cointreau) et Virginie Morgon
(Eurazeo) — et aucune
dans le CAC 40 depuis
le départ d’Anne
Lauvergeon
en 2011. L’arrivée
en 2016 d’Isabelle
Kocher à la tête
d’Engie,
dont le conseil
d’administration
est le plus féminisé
du CAC 40, va-t-elle
faire bouger
les lignes ? ■
Isabelle Kocher. © DR
En matière
d’intégration
des femmes
dans le monde du
travail, la France,
qui était classée
à la 88e place
du Global Gender
Gap en 2006,
est désormais
au 56e rang.
© ISTOCK
L’ÉGALITÉ DES SEXES EN FRANCE
Vers la fin du plafond
de verre ?
La publication le 19 novembre dernier de la dixième édition du Global
Gender Gap du World Economic Forum a de quoi en satisfaire plus d’une.
L’étude témoigne du formidable bond en avant qui s’est opéré en France.
Serions-nous pour autant à l’égalité réelle ? Le chemin est encore long.
C
ocorico… Selon la dernière étude du World
Economic Forum sur
le gender gap, en dix
ans, la France est passée du 70 e rang au
15e rang pour la place
qu’elle accorde aux
femmes sur notre territoire. Si en matière
d’éducation et de santé, l’égalité règne et
ne fait plus débat (exception faite de
maladies spécifiques, comme le VIH, un
fléau chez les femmes immigrées notamment), les femmes ont vu leur place
confortée sur de nombreux points. Le
point essentiel d’amélioration se situe
dans le monde du
travail. Depuis longtemps déjà, dès la
fin des années 1960,
les femmes y sont
arrivées en masse.
c’est le pourcentage de femmes
Cantonnées longdans les conseils d’administration
temps aux tâches
des sociétés du SBF 120.
secondaires, butant
sur ce que l’on appelait le plafond de verre, elles ont enregistré une très nette amélioration de leur
position dans la sphère professionnelle.
Notre pays qui était classé à la 88e place
en 2006 est désormais au 56e rang (lire
aussi page 10). C’est beaucoup mieux que
cela n’a été, grâce notamment à une forte
réduction des écarts de rémunération
selon les chiffres récoltés par Gender Gap.
Serait-on enfin parvenu plus de quarante
ans après à l’application du célèbre principe de la loi de 1972 « À travail égal,
salaire égal »Š? Le Gender Gap salue pour
sa part les progrès en la matière, même si
d’aut res associat ions de fem mes
contestent ces résultats.
33 %
En revanche, la situation des femmes dans
la hiérarchie se transforme fortement.
Depuis 2011, la France a nettement amélioré ses positions avec l’adoption de la loi
Copé-Zimmermann (lire l’encadré cicontre). Désormais, notre pays est le deuxième mieux classé pour le nombre d’administratrices de sociétés cotées, après la
Nor vège. Les conseils du SBF 120
comptent 33,3Š% de femmes, les comités
exécutifs (Comex) 14,5Š% . Cela étant, ne
nous trompons pas : lorsqu’un conseil
d’administration se déroule en moyenne
avec quatre femmes et treize hommes
autour de la table, peut-on parler d’égalité
réelleŠ? C’est beaucoup mieux, mais on est
loin de la parité.
GOUVERNEMENTS PARITAIRES,
PARLEMENT SEXISTE
Dans l’administration et la haute fonction
publique, la progression est là encore
notable : +Š41Š% . Pour autant, l’égalité est
loin de régner dans certains secteurs
publics, la culture par exemple, l’agriculture ou la finance. Les chantiers pour
changer les mentalités et faire entrer les
femmes aux plus hautes responsabilités
sont en cours.
Sur le plan politique, l’étude Gender Gap
salue les trois gouvernements paritaires
(ceux de 2008, 2012 et 2015) : ils contribuent grandement à la très nette amélioration de notre pays dans le palmarès.
Mais, cette bonne nouvelle est immédiatement contrariée par la faible représentation féminine au sein du parlement :
26Š% . C’est nettement insuffisant. Et ce
d’autant que les débats ces dernières
semaines n’ont pas manqué parfois d’être
perturbés par des remarques sexistes hors
d’âge qui ont nécessité le rappel à l’ordre
du président de l’Assemblée nationale.
Pour Julia Mouzon, à la tête de la startup
Femmes & Pouvoir qui accompagne les
futures parlementaires, ministres et
autres politiciennes, « depuis 2000 et le
vote de la loi sur la parité, les femmes se sont
invitées sur les listes électorales à égalité avec
leurs collègues masculins. Encore minoritaires au niveau national, les élues locales
sont aujourd’hui 48ƒ% des élus des communes
et des régions, dans les villes et communes de
plus de 1ƒ000 habitants, où la loi s’applique.
Là comme ailleurs, leur arrivée au pouvoir
est scrutée et analysée. […] Plus souvent
jeunes et issues de l’immigration que les
hommes politiques, elles sont rarement éduquées depuis l’enfance à viser haut et grand
– les femmes apprennent la politique toutes
seules, elles incarnent des regards neufs, de
nouveaux styles de leadership et de communication, des idées peut-être identiques mais
marquées d’éducations et d’expériences de
vie encore très différentes. »
Sommes-nous parvenus à l’égalité réelle
telle que le prône la loi de Najat VallaudBelkacem adoptée en 2014Š? Loin de là…
Mais on s’en approche. Les décrets d’application des mesures phares de la loi du
4 août 2014 ont été publiés. Ils devraient
contribuer notamment à conditionner
l’accès aux marchés publics au respect par
les entreprises de l’égalité professionnelle
et étendre à tous les champs de responsabilité le principe de parité.
Les entreprises et les responsables politiques qui n’auraient pas encore entendu
le message ont tout intérêt à s’y préparer.
Il est plus que jamais nécessaire de
prendre en compte la diversité. Il s’agit là
d’un atout compétitif. ■
I. L.
Innovation.
Imaginer ensemble la santé de demain
Chez Janssen, imagination rime avec innovation.
Demain, la santé s’appuiera sur la médecine transformationnelle pour
prévenir et intercepter les maladies avant qu’elles ne se révèlent.
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Les patients attendent.
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JANSSEN-CILAG, Société par Actions Simplifiée au capital social de 2.956.660 Euros,
immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le n° B 562 033 068,
dont le siège social est au 1, rue Camille Desmoulins, TSA 91003, 92787 Issy-les-Moulineaux.
PHFR/ 20151113COM5960
14 I
L’ÉVÉNEMENT / LTWA / CANDIDATES
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
Doctorante en astronomie à l’université
Pierre-et-Marie-Curie, à l’Observatoire de Paris
F
atoumata Kebe
est une doctorante en astronomie déjà très
en vue. Le Club
xxi e siècle et
l’association Deuxième génération l’ont honorée pour son
parcours exemplaire. Née
dans le « neuf trois », à Montreuil-sous-Bois, dans une
famille d’origine malienne
aimante mais modeste, elle
découvre les étoiles grâce à
une encyclopédie offerte par
son père : elle se passionne
pour l’univers spatial au point
que, à l’issue d’un baccalauréat scientifique, alors que sa
mère n’imagine pour elle
qu’un avenir de caissière, elle
intègre la filière physique
chimie, mécanique et électronique (EPMC) de l’Institut
Pierre-et-Marie-Curie. Résultat : à 29 ans, après avoir
financé ses études grâce à des
petits boulots, elle s’adonne
à sa passion, l’espace, avec
pour spécialité, les débris
spatiaux.
Engagée pour aider les jeunes
issus des classes populaires à
réaliser leurs rêves, dans l’association qu’elle a fondée,
Éphémérides, membre de
Femmes et sciences et de
Women in Aerospace, Fatoumata refuse néanmoins de se
laisser enfermer dans le seul
rôle de modèle d’intégration
réussie.
Parallèlement à ses travaux
scientifiques, pour financer
ses études notamment, elle a
suivi une formation en entreprenariat grâce à la Satt
Lutech, la société d’accélération du transfert de techno-
Mériam Chèbre, une
chercheuse philosophe
Directrice scientifique déléguée
adjointe au traitement numérique
et à la modélisation de Total
M
ériam Chèbre illustre
la parfaite réussite
d’une femme au parcours exemplaire.
Engagée pour la promotion de l’égalité
homme-femme, en particulier dans le
domaine de la recherche, c’est elle qui a
lancé l’antenne de l’association Elles
bougent, en Rhône-Alpes, ainsi que le Café
des centraliennes.
Donner, transmettre va désormais de soi
pour celle qui reconnaît volontiers que la
thématique de la parité n’a longtemps pas
été un sujet pour elle, tant il lui paraissait
éloigné de ses préoccupations. Tout au long
de sa carrière, son professionnalisme l’a
naturellement imposée dans un domaine
largement dominé par des hommes.
Mais, en tant que responsable très impliquée à l’agenda très chargé et mère de
trois enfants, s’engager dans une association de femmes n’était pas sa priorité. La
prise de conscience s’est faite tardivement,
à 45 ans. Depuis, rejetant toute discrimination positive, elle multiplie les actions
pour soutenir celles qui, comme elles,
sont passionnées de sciences mais qu’il
faut accompagner pour qu’elles gardent
confiance en elles et osent s’adonner à leur
passion. Sans flancher.
BIO EXPRESS
Je suis diplômée de l’ECL (École centrale de Lyon), promotion
1989, avec un DEA master recherche en automatique
appliquée ECL-INSA Lyon. Je suis aussi titulaire d’une licence
de philosophie. J’ai passé deux ans au lycée Saint-Louis
à Paris, en maths sup, maths spé et au foyer des lycéennes,
internat d’excellence pour les jeunes filles en CPGE (classes
préparatoires aux grandes écoles), avec un bac scientifique,
option maths, mention très bien, au lycée Lyautey
de Casablanca, au Maroc. D’abord ingénieur de recherche
en automatique, puis chef de projet en intelligence artificielle
chez Elf, je prends ensuite un poste de contrôle avancé
à la direction technique du raffinage, puis à la direction
industrielle du raffinage chimie de Total, en charge
de l’optimisation en temps réel des mélanges de bases
pétrolières pour la fabrication des grands produits en raffinerie.
Mériam Chèbre a grandi à Casablanca.
C’est là, au lycée Lyautey, qu’elle obtient
une mention « très bien » au baccalauréat
scientifique qui lui permet d’intégrer la
prestigieuse prépa du lycée Saint-Louis,
à Paris. Puis, direction Centrale Lyon
pour un DEA qu’elle entame, parallèlement à une licence de philosophie, via le
téléenseignement, avec l’université de
Reims. Ses études sont brillantesŠ; elles lui
valent en 1989 les félicitations du jury
pour l’ensemble de sa scolarité. Mais
Mériam ne se contente pas d’être une
scientifique à la tête bien faite. Après
avoir pratiqué la danse classique, elle joue
du piano, s’adonne au tennis et obtient
un galop 4 en équitation.
POSÉE, PRAGMATIQUE
ET CLAIRVOYANTE
Très vite repérée, elle est embauchée, dès
la sortie de l’ECL, par le groupe Elf en tant
qu’ingénieure de recherche en automatique,
puis devient chef de projet en intelligence
artificielle. Par la suite, elle occupe un poste
de contrôle avancé à la direction technique
du raffinage, rejoint la direction industrielle
du raffinage chimie de Total, chargée de
l’optimisation en temps réel des mélanges
de bases pétrolières pour la fabrication des
grands produits en raffinerie.
C’est en octobre 2014 qu’elle est nommée
déléguée scientifique adjointe au traitement numérique et à la modélisation du
groupe. Sa missionŠ? Réfléchir et élaborer
les programmes de recherche sur les carburants de demain, notamment avec des
équipes mixtes de chercheurs. C’est elle
qui établit des partenariats scientifiques
avec les grands corps académiques, mais
aussi qui quantifie et finance les programmes de recherche et développement
dans le domaine du traitement numérique
et de la modélisation.
Posée, pragmatique mais aussi clairvoyante,
Mériam Chèbre paraît solide, engagée et
profondément humaniste. Autant de traits
de caractère qui témoignent de son autre
passion : la philosophie. ■
I. L.
© DR
FEMME DE SCIENCES ET TECHNOLOGIES
© DR
Fatoumata Kebe
La promesse des étoiles
logies rattachée à l’université
Pierre-et-Marie-Curie. Résultat, elle vient de créer deux
entreprises. La première,
DEB, se consacre à la gestion
des déchets spatiaux et à la
prévention des risques de collisionŠ; la seconde, Connected
Eco, vise à améliorer l’irrigation dans les zones arides,
grâce à l’installation de capteurs solaires connectés mis
en place par les agriculteurs
pour utiliser la quantité d’eau
nécessaire et éviter tout gaspillage.
« Je me suis réellement lancée
dans la création d’entreprise
lorsque j’ai remporté des
concours. Étant seule et n’ayant
pas les ressources financières et
humaines pour oser entreprendre, travailler sur les dossiers de candidature m’a permis
d’avoir une vision plus claire
sur les objectifs à atteindre et
surtout définir l’équipe à mettre
en place. »
NE JAMAIS BAISSER
LES BRAS
Son agenda est chargé, à la
hauteur de son ambition.
Pour réussir, son secret, audelà des préjugés et des
bêtises énoncées, est de ne
jamais baisser les bras et
d’avoir confiance en elle.
« Chaque jour, je fais une liste :
les tâches à accomplir et les
objectifs à atteindre pour une
journée de travail. Cela me permet d’être plus efficace et aussi
de prévoir mon temps libre et
mes week-ends en famille ou
avec des proches. » Son prochain défiŠ? « En mars 2014,
j’ai répondu à un appel à idées
pour apporter des solutions
d’analyse, de simulation, de
valorisation et de prévention du
problème posé par les débris
spatiaux. Cet appel a été lancé
par Aerospace Valley, un pôle de
compétitivité, et l’agence spatiale française (Cnes). Mon dossier a reçu une réponse favorable et je suis actuellement en
négociation pour déterminer le
financement qui me sera
alloué. » Une jeune femme à
suivre et à accompagner, sans
nul doute. ■
I. L.
BIO EXPRESS
Après un bac scientifique,
j’ai intégré la filière physique,
chimie, mécanique
et électronique (PCME)
de l’université Pierre-et-MarieCurie. J’y ai obtenu une licence
en ingénierie mécanique,
mention « assez bien », ainsi
qu’un master de mécanique
des fluides, mention « très
bien ». Tous les stages
nécessaires à la validation
de mon cursus ont été faits
dans le domaine du spatial.
J’ai effectué mon premier stage
au sein du laboratoire Icare,
établi à Orléans. Je devais
déterminer les effets
de l’atmosphère d’un satellite
de la planète Saturne (Titan)
sur la sonde spatiale Huygens.
Par la suite, j’ai effectué
un stage de trois mois à
l’Agence spatiale européenne
sur une méthode de freinage
de sonde spatiale à l’aide
de l’atmosphère de la planète
Vénus. En avril 2009, je me suis
rendue au Japon pour un an
afin d’être formée à l’ingénierie
spatiale au sein du laboratoire
Intelligent Space Systems and
Small Satellite, spécialisé dans
la construction et l’exploitation
de nanosatellites. Par la suite,
j’ai participé à une formation
intensive autour des activités
spatiales au centre Nasa Ames,
aux États-Unis. Avant
de commencer ma thèse, j’ai
effectué un stage de six mois
à l’Onera (Office national d’études
et de recherches aérospatiales).
Je travaille actuellement
à la création de deux entreprises :
Connected Eco, l’utilisation
des objets connectés pour
l’agriculture, et DEB, spécialisé
dans la gestion des débris
spatiaux. L’entreprise Connected
Eco propose des capteurs
fonctionnant à l’énergie solaire
liée à un système d’irrigation.
Ce système permet d’irriguer
des champs en quantité précise
afin d’éviter tout gaspillage
d’eau. L’entreprise DEB propose
un suivi des petits débris
spatiaux ainsi qu’un logiciel
d’évaluation des risques en cas
d’explosion dans l’espace.
I 8
L’EXPERT
COMMUNIQUÉ
LA tribune
TRIBUNE -- VENDREDI
6 DÉCEMBRE2015
2013- -NN 154
70 -- WWW.LATRIBUNE.FR
la
JEUDI 10 DECEMBRE
www.latribune.fr
oO
Entretien exclusif avec Alice Holzman
Directrice du digital et de la communication de La Banque Postale
« nous avons tout intérêt à promouvoir les
femmes sur l’ensemble de nos métiers »
A
lice Holzman a rejoint La Banque Postale le 1er octobre dernier, à la tête
de la Direction du Digital et de la Communication. C’est elle qui désormais,
sous la responsabilité de Remy Weber, le Président du Directoire, va piloter,
orchestrer et structurer la transformation digitale de la Banque. L’établissement bancaire, qui fêtera bientôt son dixième anniversaire, s’est mis en ordre
de marche pour se transformer, accélérer son développement et accroître
son efficacité opérationnelle. Il a impulsé nombre de grands projets, qui sont
portés par un plan d’investissement et de transformation majeur, dont le
digital fait partie.
Un beau challenge pour Alice Holzman, 47 ans, diplômée de l’ESSEC, qui a
déjà une belle carrière à son actif et une réputation de pro dans le domaine
du numérique. Conseillère chez Gemini Consulting à ses débuts, elle a fait
ses preuves au sein de France Télécom-Orange. Elle a en particulier lancé les
premières offres de convergence « Open » pour Orange combinant une box
internet et des forfaits mobiles, et l’offre low cost
« Sosh » accessible uniquement sur internet et destinée aux jeunes digitaux.
Elle était depuis juin 2013 Directrice Générale Adjointe en charge de la distribution France du groupe Canal+ et avait la responsabilité des activités
marketing, ventes et services clients.
Les banques ont-elles pris le virage du
Digital ?
aller de l’avant, travailler sur ce qui fera
les préoccupations des français demain !
Les modèles de développement des
banques à réseau sont challengés par la
montée en puissance des usages digitaux des clients, mais aussi par les nouveaux modèles que sont par exemple les
banques en ligne ou dans un autre
registre, les plateformes de financement
participatif. La question n’est donc plus
de savoir si mais quand y aller ! L’ensemble du secteur bancaire a pris la
mesure des changements radicaux qui
sont en train de s’opérer sur les pans
technologiques, comportementaux et
concurrentiels. La transformation digitale des banques est en marche, c’est
une réalité. Reste à savoir à quel rythme
et comment en maîtriser les coûts !
La place accordée aux femmes participe-t-elle à la mutation de l’entreprise
dans sa globalité ?
Quel est la stratégie de La Banque Postale en la matière ?
La Banque Postale est une entreprise
fortement ancrée dans les territoires et
l’économie réelle. Elle compte 10 000
conseillers dans 17 000 points de contact
partout sur le territoire, 11 millions de
clients particuliers et plus de 400 000
clients entreprises, professionnels,
acteurs de l’économie sociale et du secteur public local. C’est donc une banque
proche des Français, et à leur écoute :
son prolongement digital sera forcément
à l’image de la Banque : innovant, accessible, simple, utile et transparent et pour
tous. Nous allons le construire étape par
étape ! Les nouvelles technologies et
services foisonnent et il faut faire les
bons choix, les choix qui garantiront à
nos clients d’avoir ce qu’ils attendent. Il
faut avoir l’esprit ouvert tout en gardant
le cap clairement identifié. Il est tout
aussi primordial d’obtenir l’adhésion de
tous les collaborateurs à cette transformation. Etre banque et citoyenne, c’est
Oui, à 100 % ! Une composition équilibrée d’hommes et de femmes dans les
équipes créent les conditions de la réussite. La mixité dans les équipes, quelle
qu’elle soit d’ailleurs, pas uniquement en
matière de parité, c’est la garantie d’une
richesse de points de vue différents,
complémentaires. La Banque Postale est
très active en la matière. L’égalité homme
femme est intrinsèquement prise en
compte dans toutes ses dimensions :
recrutement, formation, promotion et
rémunération. Dès 2006, elle a reçu le
label égalité hommes / femmes de
l’AFNOR (pour les Services Financiers). La
moitié de ses effectifs en CDI (45 %) sont
aujourd’hui des femmes. Idem pour les
embauches ; à chaque niveau de l’entreprise, une attention particulière est portée au respect de la parité. Nous avons
tout intérêt à promouvoir les femmes sur
l’ensemble de nos métiers.
Quel regard portent les femmes sur
leur parcours professionnel ?
Durant ma carrière, j’ai souvent croisé
des femmes qui doutaient de leurs capacités à prendre un poste, à assumer de
nouvelles responsabilités, tout en
conservant l’équilibre dans leur vie personnelle. Il faut les aider à passer le cap.
C’est pourquoi faire la promotion des
femmes rôles modèles, comme le font
Les Tribune Women’s Awards, est capital !
On participe à encourager les femmes,
et à changer plus globalement les mentalités.
Et je crois que l’éducation est aussi une
clé essentielle.
Alice Holzman - Directrice du digital et de la communication de La Banque Postale
Je crois beaucoup à notre mécénat L’envol, le campus de La Banque Postale en
faveur de l’égalité des chances. Il vise à
soutenir de la seconde à la troisième
année du cycle universitaire des jeunes
méritants, jeunes hommes ou jeunes
femmes, pleins de potentiels, issus de
milieux modestes. Nous les
accompagnons autant dans le soutien
scolaire que nous les sensibilisons à la
culture, à la connaissance et découverte
institutionnelle et sociétale. C’est là où
nous affirmons complètement notre statut de banque et citoyenne.
dans leurs usages. Nous considérons que
nos clients attendent une réponse glo-
bale. Une fois encore, nous ne vendons
pas une commodité. L’offre de SonVideo.com c’est tout à la fois de la
culture et un mode de vie. C’est l’association réussie de la fonction et de la
forme. Nous sommes dans la technologie au service du son et dans l’esthétique.
NUMÉRIQUE
16 I
L’ÉVÉNEMENT / LTWA / CANDIDATES
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
© OLIVIER EZRATTY
Véronique Torner
Modèle emblématique
Coprésidente d’Alter Way
V
éronique Torner est une
femme résolument tournée vers l’avenir. « J’ai la
chance d’avoir une activité
professionnelle très riche,
dans un secteur passionnant, avec d’un côté une activité d’entrepreneur dans Alter Way, une PME aux ancrages
technologiques forts, assortie de valeurs
d’ouverture fondamentales et des challenges
quotidiens. Et de l’autre, avec Syntec numérique, l’administration d’une activité associative forte dans un syndicat professionnel
pour la défense d’un collectif et la promotion
de la filière numérique. »
Diplômée de CPE Lyon, Véronique Torner
a démarré son parcours entrepreneurial en
1996 avec la cocréation de Black Orange,
société d’e-commerce qu’elle a revendue
par la suite aux Éditions Atlas. Après la
direction générale de Masterline en 2001
(cédée à Alti en 2005) aux côtés de Philippe Montargès, ils cofondent Alter Way
en 2006. C’est désormais la première
entreprise à avoir fédéré les acteurs historiques de l’open source autour d’un projet
d’industrialisation du marché. En 2014, elle
a réalisé 11 millions d’euros de chiffre d’affaires avec 120 salariés.
« Mon associé Philippe Montargès et moi
avons engagé Alter Way sur un plan stratégique pour les cinq prochaines années. Ce projet, que nous avons appelé Born2run vise à
nous développer principalement sur nos activités de run – TMA, support et infogérance de
cloud – en France et en Europe pour atteindre
40 millions d’euros de chiffre d’affaires fin
2020. Pour s’assurer cette réussite, la société a
rejoint la galaxie Econocom en juin dernier.
Le groupe va épauler le développement d’Alter Way, en qualité d’investisseur et de partenaire industriel. Forte de ses appuis avec ses
BIO EXPRESS
J’ai suivi un cursus scientifique : bac C, prépa maths sup/spé puis une école d’ingénieur CPE Lyon (École supérieure de
chimie physique électronique) – à mon époque ICPI –, filière électronique, spécialisation traitement du signal. Diplômée
en 1996. Je démarre ma carrière en 1996 en tant que développeuse dans une petite SSII, Masterline, pour travailler sur
les bases de données orientées objet. J’y fais une rencontre déterminante : Philippe Montargès, fondateur et président
de Masterline, qui va devenir mon ami et associé actuel. En 1998, je cofonde en tant que CTO, avec Francis Lelong
(ex-PDG-fondateur de Sarenza) et Pierre-Édouard Sterin (PDG-fondateur de SmartBox) BlackOrange, premier site
d’e-commerce de logiciels B2B et B2C proposant des livraisons en quatre heures chrono sur Paris. En 2000, après deux
ans incroyablement intenses, nous cédons BlackOrange. Philippe Montargès, qui y avait investi, me propose de le
rejoindre chez Masterline pour prendre la direction de la filiale Internet. En 2005, Masterline est vendu au groupe Alti
et nous décidons avec Philippe de monter un nouveau projet, à 50/50, dans un secteur qui nous séduit par son modèle
alternatif : l’open source. Alter Way est né en juillet 2006 avec l’envie de créer en Europe un acteur majeur dans l’open source.
120 salariés, l’entreprise va s’attaquer à de
nouveaux marchés et accéder aux grands
comptes européens. »
UNE DES GRANDES FIGURES
DE L’« OPEN SOURCE »
Parallèlement, Véronique et son associé
sont très engagés pour la promotion de
l’open source à travers l’Open CIO Summit,
« le sommet de l’open source par les DSI,
pour les DSI ». Et elle a poussé la réflexion
jusqu’à écrire un livre blanc pour figurer
les vrais enjeux de l’open source pour les
DSI. Adepte du management participatif,
elle s’affirme comme l’une des grandes
figures de l’open source en Europe. Ainsi qu’une des cheffes d’entreprise parmi
les plus investies pour la promotion des
femmes dans le numérique, en qualité
d’administratrice de Syntec numérique. De
l’avis même de son associé, Philippe Montargès, Véronique Torner sait, en raison de
sa force de caractère et de sa personnalité,
faire avancer les débats sans clivage, sans
« guerre ». Elle contribue à l’industrialisation du marché de l’open source dans le bon
sens du terme. Ce sont ses qualités intrinsèques de manager capable d’investissement personnel, d’écoute et d’exécution,
qui lui ont permis de construire son parcours de femme dans le numérique. Un
mélange d’engagement, de réflexion et
d’allant qui caractérise un tempérament
positif et audacieux. ■
I. L.
SMART CITY
Christel Heydemann L’exemplarité visionnaire Vice-présidente senior Strategy & Global Alliances de Schneider Electric
C
hristel Heydemann affiche
un parcours modèle de
l’excellence à la française.
« Aînée d’une famille aux
racines savoyardes, bordelaises et allemandes, j’ai
grandi bercée par les voyages aux États-Unis
de mon père qui travaillait pour une startup
de la Silicon Valley, inspirée par l’engagement
de ma mère professeure d’université, engagée
au sein de l’association Femmes et mathématiques, mais aussi enthousiasmée par les
vacances au milieu des vignes du Bordelais
chez mes grands-parents. Je rêvais de devenir
ingénieur comme mon père. »
Bac scientifique mention très bien, Polytechnique, spécialisation en gestion et
financement de projet à l’École des ponts
et chaussées, elle parachève sa formation
scolaire à Harvard avec le programme
« Global Leadership and Public Policy for the
21st century ». Son fait d’armeŠ? « Avoir été nommée DRH
d’Alcatel-Lucent à 36 ans, devenant ainsi la
benjamine du comité exécutif d’un groupe du
CAC 40, et y avoir pleinement tenu mon rôle.
J’ai compris que je savais être un leader dans
la crise et faire face aux incertitudes, notamment lorsque j’ai dû gérer seule avec le conseil
d’administration la transition de CEO. »
Entrée il y a moins d’un an chez Schneider
Electric, elle est chargée des partenariats
stratégiques du groupe et de la mise en
œuvre de l’Internet des objets connectés,
et veille à accélérer l’arrivée des solutions
intégrées de gestion efficace des infrastructures et des ressources du groupe (en eau,
©JMO PHOTOGRAPHY
énergie et bâtiments). « Je travaille avec un
écosystème de partenaires et gère entre autres
les relations avec Microsoft, IBM et Cisco. Je
suis très fière de travailler pour l’entreprise la
plus “durable” du CAC 40, avec une volonté
affichée de promouvoir la diversité hommesfemmes, j’agis au quotidien dans ce sens en
tant que manager et cadre dirigeant. »
À la veille de COP21, elle œuvre pour la
ville du futur durable. « Les technologies
existent pour rendre l’énergie plus fiable, plus
efficace et plus productive. Je m’investis au
nom de Schneider Electric avec nos partenaires, mais aussi en tant que citoyenne européenne. Je souhaite véritablement contribuer
et m’engager plus encore. »
UNE RÉUSSITE COMME
EXEMPLE POUR LES FEMMES
Énergique, positive, confiante en l’avenir,
comme elle se définit elle-même, elle
encourage les jeunes de la Fondation des
Ponts et de Polytechnique à évoluer dans
un monde mondialisé et à avoir des expériences à l’international. Nommée Young
Global Leader à Davos en 2012 et Rising
Talent du Women’s Forum, cette sportive,
adepte de la course à pied, cumule les distinctionsŠ; elle figure notamment parmi les
100 dirigeants économiques de demain en
France de l’Institut Choiseul, et fait partie
des « 40 under 40 » du Global Telecom
Business. « Je suis consciente de ma chance.
Je veux être un modèle pour que plus de jeunes
femmes s’orientent vers des études d’ingé-
nieur. » Donner sens à sa vie semble
comme aller de soi. Comme un précepte à
toute décision. Faisant sienne la phrase de
Gandhi « Live as if you were to die tomorrow,
learn as if you were to live forever ». ■ I. L
BIO EXPRESS
Après un bac scientifique mention très bien,
je suis entrée à l’École polytechnique à 19 ans,
et ai eu la chance d’effectuer un service militaire
comme élève officier. J’ai fini mon cursus à l’École
des ponts et chaussées avec une spécialisation
en gestion et financement de projet. En 2014,
j’ai complété ma formation à la Harvard Kennedy
School avec le programme « Global Leadeship
and Public policy for the 21st century ». Je rejoins
Alcatel en 1999 en financement de projet,
puis évolue vers des fonctions commerciales
pour Alcatel France : je deviens responsable
de comptes clés (Orange et SFR) puis directeur
commercial et membre du comité exécutif
d’Alcatel-Lucent France. En 2009, je pars
m’installer en Californie nommée par le PDG pour
négocier et gérer une alliance stratégique avec
HP. À 36 ans, le PDG me demande de revenir à
Paris et de devenir DRH du groupe Alcatel-Lucent,
devenant ainsi la plus jeune membre du comité
exécutif du groupe et probablement du CAC 40.
Je dois alors gérer les difficiles transformations,
notamment des réductions d’effectifs et l’arrivée
d’un nouveau DG. À mon retour de congé
maternité, je décide de rejoindre Schneider
Electric et de mettre mon leadership au service
de la transition énergétique et de la ville du futur.
I 17
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
NUMÉRIQUE
Geneviève Campan
L’esprit collectif
G
eneviève Campan est une
des grandes dames du
spatial en France. Entrée
au Centre national des
études spatiales (Cnes) à
l’occasion d’un stage
pendant son DEA en mathématiques
appliquées, elle a mené toute sa carrière
au Cnes. « J’ai intégré l’établissement
public en tant qu’ingénieur en mécanique
spatiale. Ensuite, j’ai gravi les échelons. J’ai
rejoint la filière management à 34 ans, je
suis devenue sous-directrice exploitation et
opération à 45 ans, ce qui m’a amenée à
gérer une équipe de 250 personnes chargées
des opérations des satellites contrôlés par le
Cnes, jusqu’à 18 satellites. »
C’est en 2011 que les dirigeants lui
confient la direction du système d’information du Cnes. Membre du comité exécutif, elle pilote désormais la transformation de l’établissement et l’avènement
du Cnes numérique avec plus de 150 collaborateurs qui gèrent tout ce qui sert
aux métiers du spatial : les réseaux,
l’architecture et la sécurité informatique,
les données de stockage, notamment les
mégadonnées, mais aussi la partie
« matériels ». LA MIXITÉ PLUTÔT QUE
LA TOTALE FÉMINISATION
Au quotidien, pour souder ses équipes,
Geneviève Campan prône l’exemplarité
comme modèle de management : « Je crois
à l’exemplarité et je cherche à l’inculquer.
Partant du principe qu’on n’est jamais à
l’abri d’une bonne idée, j’ai toujours apprécié
les échanges à travers les réseaux techniques,
nationaux et internationaux à chaque étape
de ma vie professionnelle. »
Exigeante, parfois, de son propre aveu,
trop impatiente, elle veille à la mixité des
équipes dans une volonté d’atteindre
l’équilibre. Une équipe trop féminine n’est
pas à ses yeux la panacée. Mais une touche
BIO EXPRESS
Je suis née à Chamalières et j’ai beaucoup déménagé au gré des mutations professionnelles
de mon père. Petite, j’étais déjà très intéressée par les sciences et surtout les maths.
Mais je n’avais pas d’idée précise de ce que je voulais faire plus tard.
Aujourd’hui je manage 150 personnes et je suis membre du ComEx du Cnes. C’est un poste
transverse au sein du Cnes, je gère à la fois tout ce qui concerne la partie standard nécessaire
à l’entreprise, mais aussi tout ce qui sert aux métiers du spatial : les réseaux, l’architecture
informatique, la sécurité informatique.
féminine transforme le comportement
d’une équipe. Il faut se battre pour cela,
tout en ayant le souci permanent que le
choix d’une femme à un poste ou une promotion soit légitimeŠ!
Cette volonté de jouer collectif, de vivre
son quotidien professionnel comme une
aventure en équipe, elle le doit certainement à son enfance. « Seconde – et première
fille – d’une famille de quatre enfants, nous
vivions au rythme d’un déménagement tous
les trois-quatre ans pour suivre mon père au
gré de ses affectations au sein d’EDF. Ma
mère a mis sa vie professionnelle entre parenthèses pour s’occuper de nous. »
Cette figure maternelle forte, impliquée
et déterminée lui sert de modèle. C’est
une marque essentielle de sa personnalité, tout comme son attachement à Toulouse, qui fait figure de refuge à ses yeux.
C’est ici, dans la ville rose, qu’elle a fait
ses premiers pas dans l’ingénierie mais
aussi a pris le goût du partage et du désir
de faire « ce que j’aime avec ceux que j’aime
et comme je veux ».
Chevalière de l’Ordre national du mérite
(1987) et chevalière de la Légion d’honneur (2005), son prochain défi se joue
une nouvelle fois dans la sphère numérique : il s’agit de mener à bien le projet
Reboost qui vise à faire réfléchir les
équipes ensemble, pour non seulement
réussir à promouvoir le bien-être collectif, mais aussi à se transformer. Là
encore, l’esprit commun a tout à y
gagner. ■
I. L.
© DR
Directrice des systèmes d’information du Cnes
© EMMANUEL FOUDROT
Directrice de l’École nationale supérieure de police D
ans un monde traditionnellement dirigé par
des hommes, Hélène Martini a su, au fil des
ans, s’imposer avec tact et détermination.
À la direction de l’École nationale supérieure de la police, elle s’emploie à faire
changer les mentalités en matière de comportement et de respect des genres.
Elevée dans le respect des valeurs républicaines, enfant d’enseignants, Hélène Martini s’est orientée vers le service public
dès l’obtention de son baccalauréat littéraire. Après sa maîtrise
de droit public à l’université de Nice, elle intègre l’école des
commissaires de police en 1977. Son diplôme en poche, c’est
dans un commissariat de quartier, à Ivry-sur-Seine, qu’elle se
frotte pour la première fois à la réalité du métier. Son goût de
l’aventure et de l’expérimentation va très vite la conduire à
mener une carrière au-delà des frontières, au Cameroun, puis
à Washington en tant qu’attachée de police à l’ambassade de
France, mais aussi à Rome. Nommée expert international de
la lutte contre la drogue par l’ONU, elle conseille de 2004 à
2007 le secrétaire général du Conseil de la sécurité intérieure
de la présidence de la République. « Ces trois années au palais
de l’Élysée m’ont aidée à comprendre le fonctionnement de l’État à
son sommet, ses exigences, ses contraintes. Ma plus grande fierté
reste une procédure d’externalisation qui signifiait le départ de
34 personnes, gérée sur une période d’un an. Opération qui s’est
déroulée de manière satisfaisante au plan humain. Et qui a nécessité une grande implication personnelle. »
LA RECHERCHE DU JUSTE ÉQUILIBRE
C’est en 2010 qu’elle prend son poste actuel en qualité de
directrice de l’ENSP. Depuis, elle s’emploie à transmettre les
valeurs et l’éthique aux 1Š650 commissaires de police et
9Š000 officiers de police en cours de formation. Avec le rapprochement des deux structures de formation, elle a mis en
œuvre de nouvelles entités (conseil pédagogique et conseil
scientifique) qui favorisent une relation plus étroite entre le
terrain, la réalité professionnelle et la formation. Officier de
la Légion d’honneur, ancienne présidente de la Fédération
sportive de la police nationale, présidente de l’Association
des collèges européens de police (AEPC), Hélène Martini a
toujours refusé de sacrifier sa vie personnelle à sa carrière :
« J’ai appris à faire confiance, à déléguer. Responsabiliser pour
valoriser, mais aussi reconnaître l’investissement des collaborateurs pour mieux les remercier. »
Cette exigence de la recherche constante du juste équilibre
est un des messages phares qu’elle livre aux jeunes femmes
qui s’engagent dans la police à travers l’Association des
femmes de l’intérieur, en qualité de mentor. Tout comme
celui, non moins important, de la nécessité de dialoguer, audelà de tous stéréotypes et certitudes, et pour chaque jour
veiller à conforter la fonction de tout policier comme un
maillon essentiel de la cité, dans un monde toujours plus
rapide, soumis à des pressions grandissantes. Hélène Martini
milite pour une police humaine et déontologiquement exemplaire. Son credo : les policiers ont des tâches exorbitantes
mais aussi, en corollaire, des devoirs exorbitants. ■
I. L.
SMART CITY
Hélène Martini Au service de la sécurité
BIO EXPRESS
Début de carrière en commissariat de région parisienne (Ivry-sur-Seine puis Chennevièressur-Marne) ; départ pour quatre ans de coopération technique (police judiciaire)
au Cameroun ; plusieurs postes de directions centrales à Paris dans la coopération
internationale ; nommée expert international de lutte contre la drogue par l’ONU.
1994-1997 - Attachée de police à l’ambassade de France à Washington.
1997-2000 - Même poste à Rome.
2000-2004 - Directrice du centre d’études et de formation de Gif-sur-Yvette.
2004-2007 - Conseiller auprès du secrétaire général du Conseil de la sécurité intérieure
à la présidence de la République.
2007-2010 - Chef du bureau des audits à l’Inspection générale de la police à Paris,
2010 - Nommée directrice de l’École nationale supérieure de la police.
18 I
L’ÉVÉNEMENT / LTWA / CANDIDATES
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
© MARIE-AMÉLIE JOURNEL
START-UPPEUSE
Emmanuelle Duez À la proue
de la génération « peur de rien »
Fondatrice et gérante de The Boson Project
E
mmanuelle Duez figure déjà comme l’une des
figures de proue de la génération qui n’a peur
de rien. Emmanuelle va vite, elle n’a pas de
temps à perdre. « L’entrepreneuriat n’est pour
moi qu’un moyen au service d’une fin : faire bouger
les lignes, avoir de l’impact, embarquer derrière
moi des convaincus et futurs convaincus. » ConcrètementŠ?
« Je suis née à Amiens dans une famille italiano-chti, j’ai grandi
dans le Nord entre les tartes au maroilles et les lasagnes, puis migré
à Clermont-Ferrand. À 14 ans, j’avais les cheveux rouges, à 15 ans,
roses, à 16 ans sept piercings dans les oreilles et autant d’années
de pratique des arts du cirque. Niveau rêves, je voulais devenir
“justicier”, un concept très personnel, savant mélange de détective
privé, criminologue et flic. J’ai eu l’immense chance de grandir
dans une famille soudée, où la liberté des choix de vie est absolue.
J’ai trois petits frères qui sont le socle de mon existence. »
Emmanuelle est une formidable communicante. Elle capte
l’attention d’une salle en un clin d’œil. Mais, ses mots ont un
sens, son parcours s’appuie sur des bases solides. Licence de
droit à Clermont-Ferrand, Sciences Po Paris, master de l’Es-
BIO EXPRESS
J’ai intégré la faculté de droit de Clermont-Ferrand
(licence), à la recherche de la filière « justicière » qui
n’existait pas. J’ai atterri à Sciences Po Paris (master
grandes écoles). Après un passage en cabinet
ministériel, j’ai intégré l’Essec en apprentissage
(master grandes écoles), je me suis spécialisée dans
l’entrepreneuriat. J’ai conclu ma formation par
un échange à l’université Bocconi de Milan
et par le séminaire Grandes écoles de l’IHEDN.
J’ai enchaîné les petits boulots étudiant, puis
les stages, avant de vivre ma première vraie
expérience professionnelle : la création
de l’association WoMen’Up au cours de ma scolarité.
sec avec une spécialisation dans l’entrepreneuriat et la diversité, suivi d’un séjour à l’université Bocconi de Milan et d’un
séminaire grandes écoles de l’IHEDN.
RÉSERVISTE CITOYENNE
DE LA MARINE
« En bonne représentante de la génération Y, j’ai enchaîné les petits
boulots étudiants (hôtesse pendant quatre ans, équipière McDonald, vendeuse de piscine, animatrice de colo des neiges, etc.), puis
les stages (Le Printemps, le ministère des Finances, Deloitte, SFR),
avant de vivre ma première vraie expérience professionnelle avec
la création de WoMen’Up, au cours de ma scolarité. » Première
association mêlant les diversités de genre et de génération,
WoMen’Up vise à sensibiliser et mobiliser la nouvelle génération de femmes et d’hommes autour des thématiques d’égalité, diversité, équilibre, etc., avec une quarantaine de bénévoles, plus de 50 écoles partenaires et des dizaines
d’événements organisés en France et à l’étranger. Très vite,
Son objectif : sensibiliser et mobiliser la nouvelle
génération de femmes et d’hommes autour
des thématiques d’égalité, de diversité, d’équilibre
etc. Une quarantaine de bénévoles, plus de 50 écoles
partenaires, des dizaines d’événements organisés,
des études internationales annuellement publiées
et de nombreuses prises de parole militantes, en
France et à l’étranger. C’est à cette occasion que
je suis intervenue et ai travaillé pour le Women’s
Forum, puis l’OCDE, et suis devenue ambassadrice
pour la France de One Young World, le Davos
des jeunes. J’ai ensuite fondé une startup de conseil
pour faire bouger les lignes dans les entreprises
en mettant les collaborateurs au cœur du processus,
The Boson Project. Il y a un an enfin, j’ai épousé
une cause qui pourrait paraître surprenante mais qui,
en réalité, est très liée à mes engagements au service
des femmes et de la jeunesse. J’ai été recrutée
par la Marine nationale pour intégrer la Réserve
citoyenne et créer des ponts entre les marins
et la société civile, sur deux axes : mettre en lumière
les femmes militaires et les carrières au féminin
au sein de la Marine, et travailler sur les connexions
entre les jeunes marins et la nouvelle élite politique
et économique, afin d’ouvrir et de tirer ces deux
mondes vers le haut. Dans ce contexte, j’ai notamment
embarqué sur un porte-hélicoptère en mer de Chine,
accompagnée d’une délégation d’entrepreneurs.
Emmanuelle a été repérée par le Women’s Forum (où elle
intervient depuis quatre ans), mais aussi par l’OCDEŠ; elle est
devenue ambassadrice pour la France de One Young World,
le Davos des jeunes.
« J’ai ensuite fondé, directement après la Bocconi, la startup
The Boson Project, un cabinet de conseil très alternatif, spécialisé dans la transformation des organisations vers des modèles
plus agiles et centrées sur l’humain. Notre caractéristique est
d’utiliser comme levier de transformation organisationnelle et
culturelle la nouvelle génération de collaborateurs, dont nous
sommes convaincus qu’elle est intrinsèquement porteuse d’un
nouveau modèle d’entreprise. »
Autre particularité dans son parcours : il y a un an,
Emmanuelle a été recrutée par la Marine nationale pour
intégrer la Réserve citoyenne. Sa missionŠ? « Créer des
ponts entre les marins et la société civile, mettre en lumière
les femmes militaires et les carrières au féminin au sein de la
Marine, et travailler sur les connexions entre les jeunes
marins et la nouvelle élite politique et économique, afin d’ouvrir et de tirer ces deux mondes vers le haut. » Dans ce
contexte, Emmanuelle Duez a ainsi notamment embarqué sur un porte-hélicoptère en mer de Chine, accompagnée d’une délégation d’entrepreneurs. En a-t-elle été
impressionnéeŠ? IntimidéeŠ? Non, pourquoiŠ? Quand on
vous dit qu’elle fait figure de modèle de la génération YŠ!
Indéniablement, c’est une personne à suivre. ■
I. L.
Lire aussi son article, page 24.
Miren de Lorgeril Une cheffe d’orchestre
© DR
ENTREPRENEURE
PDG du groupe Vignobles Lorgeril
É
«
levée en région parisienne, sixième de sept
enfants, de père avocat et
de mère femme au foyer,
je me suis mariée très
jeune (18 ans). Passionnée de relations internationales et de grands
sujets politiques, je m’imaginais plus spectatrice qu’actrice… Mais la découverte du monde
économique m’a enthousiasmée et aidée à
exprimer un tempérament actif et dynamique.
J’ai saisi les opportunités de
formation et d’ouverture
qui se sont offertes au
gré de mes études
pour me préparer à
aborder le monde
économique.
Petit à petit, j’ai
osé m’imaginer
manager. » Après
un master de
commerce international à l’Institut
d’étude des relations
internationales, une
licence d’histoire
à la Sorbonne
et un DESS
en droit
de la vigne
et du vin,
Miren de
Lorgeril
crée sa première entreprise, Vignobles
Lorgeril en 1992, pour développer les
activités du domaine familial, dont l’origine
remonte à 1620.
UN CHÂTEAU INSPIRÉ
PAR VERSAILLES
Le château de Pennautier est une bâtisse
d’exception du xviie siècle. En 2005, Miren
décide de miser sur celui-ci, avec la société
Vigny, une entreprise de développement touristique spécialisée dans la restauration et la
mise en valeur de sites pour la valorisation
en BtoC de l’offre des vins et du bien-être.
En 2007, elle va encore plus loin et se lance
dans la restauration complète du château.
« Aujourd’hui, nous sommes propriétaires de six
domaines viticoles (350 hectares de vigne), partenaires durables de 20 domaines indépendants
(350 ha) et négociants spécialisés dans la distribution de vins premiums du Languedoc. » Présidente du groupe et de ses filiales, Miren de
Lorgeril développe et anime également
quatre sites touristiques pour l’accueil du
public, la mise en valeur des vins et la valorisation du patrimoine. Situé à cinq kilomètres de la cité de Carcassonne et du canal
du Midi, le château de Pennautier, monument historique classé, est devenu un centre
de séminaires et un ensemble hôtelier de
prestige quatre étoiles (doté de 25 chambres
et de 800 m² d’espaces de réception et de
réunion) très recherchéŠ; il attire majoritairement des entreprises dont les équipes sont
séduites par le cadre patrimonial qu’offre le
château, inspiré à sa conception par Versailles, avec son parc dessiné par le jardinier
Le Nôtre. C’est un franc succès. Ainsi, en
2015, le groupe devrait finir l’année avec un
chiffre d’affaires de près de 9 millions d’euros en hausse de10Š%. En quinze ans, le
nombre de salariés est passé de cinq à 60
emplois directs. « Je n’ai pas “inventé” de nouveau métier ou de nouveaux marchés, mais j’ai,
avec des atouts existants, mis au point des outils
et des produits, conquis des marchés, mis en
musique et orchestré une gestion solide pour
asseoir le développement national et international (60ƒ% d’export) et faire de nous l’un des
acteurs incontournables de notre région. »
Pour garantir la réussite, Miren de Lorgeril
le sait, tout est une question de détails.
« L’escalier se balaye par le haut : si je ne donne
par l’exemple, je ne serai pas suivie. » Son énergie et sa capacité à fédérer les individus, en
privilégiant la confiance, l’ont conduite à
devenir la présidente de l’AOC Cabardès.
Dans un secteur traditionnellement dominé
par les hommes, sa philosophie fait mouche.
« Notre métier unit par nature une mixité des
métiers car nous allons du produit brut au
consommateur par la transformation et le service. Chaque collaborateur exerce une partie du
métier mais tous doivent s’accorder efficacement
pour que l’orchestre fonctionne. » À chacun de
I. L.
jouer sa partition. ■
BIO EXPRESS
1987 : Ileri (Institut libre d’étude des relations
internationales, Paris), DEA (Master 2)
commerce International, licence d’histoire,
La Sorbonne, Paris.
1988 : DESS droit de la vigne et du vin,
Aix-en-Provence.
1989 : IHEDN (Institut des hautes études
de la Défense nationale, Paris), auditrice
Session nationale 2004, stage à l’Inao
(Institut national des AOC, premiers « signes
de qualité » en France).
1990 : Chantal Comte Diffusion SA (distribution
de vins et alcools). Chantal Comte,
une pionnière des créatrices d’entreprises
en France, me confie la responsabilité
commerciale du nord de l’Europe.
1992 : création de ma première entreprise,
Vignobles Lorgeril, société de distribution
et négoce de vins.
2005 : création de la société Vigny, société
de développement touristique : restauration
et mise en valeur de sites touristiques pour
la valorisation en BtoC de l’offre des vins
et du bien-être.
2007-2009 : pilotage de la restauration
complète du château de Pennautier, monument
historique du XVIIe siècle, pour l’accueil
de séminaires de prestige.
2011 : ouverture d’un bureau en Chine.
2015 : ouverture d’un nouveau pôle d’accueil
du public avec chais à visiter, boutique et gîtes.
Aujourd’hui je suis PDG du groupe et des filiales.
I 19
Laurence Onfroy
À la conquête du monde
des boutiques-hôtels
Présidente et fondatrice de TemptingPlaces
L
travaillé à l’étranger toute sa vie. Le désir de l’ailleurs, l’esprit du voyage l’habitentŠ; ils sont sa passion. Elle en a fait son métier. Après un diplôme
d’anglais et de sociologie à l’université Le Mirail,
à Toulouse, elle a intégré l’école de communication l’Efap, à Paris, puis l’Institut catholique des
hautes études commerciales (Ichec), et, forte de
ses deux masters, elle a bénéficié du programme
Women Entrepreneur Executive, sponsorisé par
BNP Paribas. Après des expériences dans la communication et le marketing, elle a lancé l’aventure
© DR
aurence Onfroy a un rêve : « Faire
de TemptingPlaces le Relais & Châteaux du xxie siècle. » Rien de moins,
et, pour réaliser son ambition, elle
déploie une énergie et des talents à
360 degrés. « J’innove et dépoussière
un secteur traditionnel en accompagnant une nouvelle génération d’hôteliers qui révolutionnent l’industrie du tourisme. »
Originaire de Toulouse, Laurence Onfroy a grandi
dans une famille de globe-trotteurs, elle a vécu et
TemptingPlaces en 2010. La marque est un label
international de qualité, dont les hôteliers bénéficient pour affirmer leur positionnement et l’excellence de leur offre et services sur un marché en
pleine croissance. Grâce au Travellers Club, les
voyageurs bénéficient d’un service de conciergerie
de voyage en réservant aux meilleurs prix avec des
avantages VIP.
L’UNE DES 100 STARTUPS
OÙ INVESTIR
« En tant que startup, il est essentiel de considérer le
potentiel de développement avec la mise en place d’un
plan de développement ambitieux à trois ansƒ; c’est-àdire, notamment, avoir dans notre collection les
600 meilleures boutiques-hôtels du monde d’ici à
2018. » Aujourd’hui, la société compte six salariésŠ;
elle ambitionne d’atteindre un effectif de
50 employés d’ici à trois ans. Accompagnée par
BPI, TemptingPlaces a ouvert son capital en 2014
et 2015 avec l’entrée d’investisseurs privés et d’un
fonds d’investissement, le groupe Astek, présidé
par Jean-Luc BernardŠ; elle va poursuivre sa levée
de fonds en 2016 pour conforter son développement à l’international. Entreprise lauréate en 2014
du Welcome City Lab au Paris Incubateurs, considérée comme l’une des 100 startups où investir
par le magazine Challenge, TemptingPlaces est en
bonne place parmi les leaders de demain.
« Je suis foncièrement optimiste et positive, audacieuse et ambitieuse. Comme tout entrepreneur, la
création et la nouveauté sont les moteurs quotidiens.
Je me dois, en tant que dirigeante, d’être performante
sur le maximum de sujets, quelquefois éloignés de ma
formation ou de mes expériences précédentes. L’entreprenariat est un mode de vie qui embarque l’entrepreneur et sa famille dans une formidable aventure
avec ses hauts et ses bas, sans formule magiqueƒ! C’est
un jeu d’équilibre délicat, et j’ai la chance d’avoir un
soutien sans faille de ma famille. Mon mantra est
“AOA” (audace, opportunité, agilité). » ■
I. L.
START-UPPEUSE
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
BIO EXPRESS
Originaire de Toulouse, issue
d’une famille de globe-trotteurs,
j’ai vécu et travaillé à travers
le monde pendant de nombreuses
années. Cette expérience de vie
a développé ma passion pour
les voyages et, aujourd’hui, j’ai fait
de ma passion mon métier.
1996 : bi-Deug anglais et sociologie,
université de Toulouse Le Mirail.
1998 à 1999 : attachée de presse
Tourisme & hôtels Agence
Columbus Communications France.
1998 : master en communication,
Efap Paris.
1999 : chargée de marketing Moët
Hennessy UDV France (LVMH).
2000 à 2002 : responsable
communication et marketing
international, Robert Half
International Europe & Oceania
(basé en Belgique).
2001 : master en marketing
management, Ichec Bruxelles.
2004 à 2006 : directrice Corporate
Communications & Public affairs,
Egg France.
2005 : Women Entrepreneur
Executive Program (sponsorisé
par BNP Paribas), université
de Stanford.
De 2006 à 2009 : cofondatrice
de LoveTicket.com (e-commerce
de cartes cadeaux) et BOG (centre
de « wellness powerplate »).
Depuis 2010 : fondatrice et CEO
de TemptingPlaces. 2006 à 2007 :
responsable marketing
et communication
du groupe Les jeudis.
ENTREPRENEURE
Carole Garcia et Nathalie Juin
Un duo pragmatique et visionnaire
Cofondatrices de Graine de pastel
mois de gestation et de complicité éprouvée.
« Aujourd’hui, Nous codirigeons l’entreprise. Notre
équipe a parfois du mal à nous reconnaître, heureusement l’une est blonde, l’autre brune… » Carole
veille à l’image de l’entreprise, au commercial,
à la finance et aux affaires industrielles. C’est
elle qui pilote les ouvertures de magasins et le
déploiement à travers un réseau de franchisés.
De son côté, Nathalie « couve » l’entreprise, et
pilote les aspects marketing et R&D.
UN PARI RISQUÉ DANS
UN PAYS RICHEMENT DOTÉ
Du champ à la boutique en passant par le
laboratoire de recherche, tout est orchestré
par les deux associées. Elles gèrent Graine de
BIO EXPRESS
Pour Carole, une classe préparatoire, puis Sup
de Co à Bordeaux (Kedge) et un diplôme à 20 ans.
Ensuite c’est la vie parisienne à l’université
Paris-Dauphine, en master 2 stratégie marketing.
Pour Nathalie, une licence en biologie puis
un master 2 en pharmacologie et conception
du médicament : il fut un temps où elle portait
une blouse blanche et travaillait dans
un laboratoire. Une première vie très sérieuse
pastel comme une entreprise familiale, qui
table sur une forte croissance dans les trois
ans à venir, pour passer de 1,7 à 6 millions
d’euros de chiffre d’affaires. Déjà, elles
exportent 25Š% de leur production. Bénéficiant du crédit impôt recherche, elles réinvestissent 15Š% de leur CA en R&D. « La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est
dans l’ADN de notre société. » C’est la clef de
leur réussite. Lancer une marque cosmétique
en France, dans un pays déjà richement doté
sur ce marché, est un pari risqué. Mais,
ensemble, Carole Garcia et Nathalie Juin sont
en train de réussir. C’est une aventure entrepreneuriale qui avance à cadence sûre, évoquant la réussite d’une marque comme celle
de Nuxe, à ses débuts. C’est tout ce qu’on
leur souhaiteŠ! ■
I. L.
dans l’industrie cosmétique et pharmaceutique,
pendant huit ans. Puis, en 2001 : la rencontre.
« Deux formations, deux personnalités, tout nous
oppose et tout nous réunit. Nous mettons par écrit
ce qui sera la base de notre entreprise : faire revivre
une plante médicinale oubliée, remettre
en lumière un pan du patrimoine français dans
des produits cosmétiques innovants et écologiques.
Nous créons Graine de pastel en 2003 après
dix-huit mois de gestation. »
© POLO GARAT
N
«
ous sommes toutes les
deux labellisés poulettes fermières du
Sud-Ouest, où nous
avons été très entourées par notre familleƒ;
cet équilibre familial est notre socle. La vie en poulailler, ça nous connaît. », déclarent en chœur
Carole Garcia et Nathalie Juin. Enfants, la première voulait devenir présidente de la République, écrivain ou cheffe d’entreprise, imaginant une vie de voyages au bout du mondeŠ; la
seconde voulait sauver la planète, porter la belle
parole d’un monde meilleur.
Le parcours de Carole la conduit en classe
préparatoire, puis Sup de Co, à Bordeaux
(Kedge), avec un diplôme à vingt ans. Ensuite
c’est la vie parisienne à l’université ParisDauphine, en master 2 stratégie marketing.
Nathalie opte pour une licence en biologie
puis un master 2 en pharmacologie et
conception du médicament.
Leur rencontre date de 2001. Chacune a derrière elle une première vie professionnelle
dans l’industrie cosmétique et pharmaceutique. Elles imaginent de relancer une plante
oubliée, le pastel, originaire de la région, dont
les vertus étaient déjà vantées par Henri IV.
« Nous avons voulu remettre en lumière ce pan
du patrimoine français, en concevant des produits
cosmétiques innovants et écologiques. »
Graine de pastel naît en 2003, après dix-huit
Inséparables Carole Garcia (à gauche) et Nathalie Juin.
20 I
L’ÉVÉNEMENT / LTWA / CANDIDATES
ETI
© CÉLINE ZANCA
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
Aline Aubertin
La passion d’aller de l’avant
Directrice des achats Emea (EuropeMoyen-Orient-Afrique) de General Electric
Medical System (GEMS).
«
I
Directrice générale d’Orchestra–Prémaman
N
ée d’un père expertcomptable et d’une
mère commerçante,
Agathe Boidin est la
troisième fille d’une
famille de quatre
enfants. Née à Lille, elle a obtenu une mention bien à son baccalauréat scientifique
avant d’entrer en prépa HEC et de suivre la
voie d’une école de commerce, Eslsca Paris,
option finance. Celle qui rêvait, adolescente,
de travailler dans la finance internationale,
obtient en parallèle son diplôme d’expertise
comptable. Après différentes expériences
chez Coopers & Lybrandt et Sara Lee Personal Products, maison mère de DIM, dont
elle devient contrôleur financier des filiales
exportation, elle rejoint Orchestra Kazibao
à Montpellier en 2000 en tant que directeur
administratif et financier.
Les sept premières années, elle accompagne le groupe dans sa croissance externe
en mettant en place avec ses équipes l’organisation financière adéquate. En 2007,
Pierre Mestre, le président fondateur du
groupe, lui propose de rejoindre la direction générale au sein de la holding financière Mestre. Puis en 2011, il lui demande
de gérer l’intégralité des activités du
groupe après le rachat de la société Prémaman. Aujourd’hui, l’activité d’OrchestraPrémaman couvre la fabrication et la distribution de produits textiles et de
puériculture pour les enfants de 0 à 14 ans
dans 40 pays, avec en tout 600 magasins.
BIO EXPRESS
Lors de mes premières années en cabinet d’expertise
comptable et d’audit, je complète ma formation en passant en
parallèle mon diplôme d’expert-comptable. En 1993, je rentre
chez Coopers &Lybrandt. En 1996, je rejoins le groupe Sara Lee
Personnal Products, maison mère de Dim, où pendant quatre
ans, le groupe va me faire évoluer sur les différents postes
au sein du département financier, pour terminer en tant que
contrôleur financier des filiales exportation de DIM. En 2000,
je rejoins Orchestra à Montpellier en tant que DAF. À cette
époque, le groupe fait 12 M € de CA. En 2007, Pierre Mestre me
propose de rejoindre la holding financière Mestre en tant que
DG. Pendant trois ans, j’ai développé les activités patrimoniales
(hôtellerie, vins, immobilier…). En 2011, Pierre me demande
de revenir à Orchestra en tant que DGD des opérations puis
me nomme DG à la suite du rachat de la société Prémaman.
« Au sein du groupe, mon rôle est d’échanger
sur la stratégie avec Pierre Mestre, et une fois
cette stratégie validée de la mettre en œuvre
avec mon équipe et de participer à toutes les
opérations de croissance externe. » De 2012 à
2014, le chiffre d’affaires est passé de 371 à
513 millions d’euros, avec un résultat opérationnel courant consolidé de plus de
33 millions d’euros à la clôture des comptes
en février 2015. Cette réussite s’appuie sur
l’attention portée à l’innovation et à la qualité. Ces trois dernières années, le groupe
a investi annuellement l’équivalent de près
de 2Š% de son chiffre d’affaires dans la
recherche et développement.
management commercial.
Aujourd’hui, en qualité de
directrice des achats Europe,
Moyen-Orient, Afrique pour le
service et les accessoires de
GE Healthcare. Au sein de ce
chef de file mondial de la fabrication d’équipements d’imagerie médicale, son rôle est stratégique et opérationnel.
UN ENGAGEMENT
VALORISÉ PAR GE
Ses équipes sont garantes de la
disponibilité des pièces et des
services nécessaires à la maintenance internationale des
équipements biomédicaux
– soit une influence sur plus de
3 milliards de dollars de chiffre
d’affaires. Une responsabilité
qui ne l’empêche pas de codiriger le réseau du Cercle InterElles, au titre de vice-présidente, et en tant que membre
du comité de pilotage du GE
Women Network et représentante de General Electric.
Aline Aubertin est également
engagée au sein du Global
Summit of Women. Elle
contribue et milite à la féminisation du monde de l’ingénierie, anime des ateliers
dans les lycées et organise
des tables rondes pour
encourager les jeunes filles à
devenir ingénieurs.
Son action associative lui a
valu d’être distinguée et
d’être promue chevalier de la
Légion d’honneur en 2014.
On dirait que ses journées de
travail comptent double.
Engagée, courageuse, motrice
et tenace, elle peut parfois
être perçue comme fonceuse
et directe. « Je suis travailleuse
et focalisée sur l’efficacité et le
résultat. Je peux être difficile à
suivre. » D’aucuns diront
work addict. D’autres, plus
justement, la qualifieront de
femme passionnée. ■
I. L.
© DR
Agathe Boidin
La ténacité et le courage
ssue d’une
famille champenoise d’agriculteurs, d’artisans et de
fonctionnaires,
de parents qui m’ont soutenue
dans mes choix scolaires, sans
tabous, je savais très tôt que je
ferais des études et serais financièrement autonome. Motivée
par différents stages et petits
boulots d’étudiant en entreprise,
j’ai rejoint une école d’ingénieurs chimistes, puis je me suis
formée au cours de ma carrière
en marketing à l’ISM, et au
management via le MBA d’HEC.
J’ai trouvé dans le “B to B” mon
épanouissement via le challenge,
la communication, l’expertise et
la créativité. Après un début de carrière
dans la recherche, puis la
vente et le marketing, Aline
Aubertin a rejoint Général
Electric Medical System il y a
huit ans pour un poste de
AUTOUR D’ELLE, UNE
ORGANISATION BIEN HUILÉE
« Je suis comme un hélicoptère, je dois avoir
une vision globale de notre groupe et être
capable à certains moments de descendre dans
le détail, comme cela a été le cas en 2009, lors
de la crise grecque. Notre master franchisé
s’est retrouvé en grosse difficulté. Nous avons
créé une filiale, racheté ses magasins puis
avons passé l’intégralité du réseau en commission affiliation. Résultat, nous avons redressé
la situation. Aujourd’hui, la Grèce est notre
troisième pays avec 35 millions d’euros de
chiffre d’affaires et le deuxième pays en termes
de rentabilité. » Rien n’est inéluctable : « Je
crois que tout est toujours possible. À condition
d’avoir envie de le faire. »
Si Agathe Boidin dit avoir parfois des difficultés à gérer ses émotions, pouvant se
montrer impulsive et un peu obstinée, elle
s’appuie sur une organisation bien huilée
pour éviter les écueils professionnels et
personnels au quotidien. « Mon mari me
soutient dans ma carrière, nous nous partageons les tâches et mes enfants sont fiers de
leur maman. Ils me soutiennent également. »
Pudique, cette femme sensible n’en dira
pas plus sur sa famille. Elle s’exprime ici
sur le plan professionnel. « À l’avenir, notre
ambition est de développer le groupe pour
atteindre le milliard de chiffre d’affaires en
adaptant les organisations et en accompagnant les collaborateurs pour que ceux-ci
puissent progresser avec l’entreprise, afin
qu’Orchestra garde sa culture d’entreprise
d’une société agile et dynamique, tout en étant
internationale et efficiente. » ■
I. L.
BIO EXPRESS
Par méconnaissance de l’entreprise et l’absence de modèles, j’ai eu des difficultés à trouver ma voie.
Mon goût à la fois des sciences et de la communication m’a conduit à l’université, en maîtrise de biologie
et biochimie. Motivée par différents stages et petits boulots d’étudiant en entreprise, j’ai rejoint une école
d’ingénieur chimiste, sésame de l’entreprise. Puis, je me suis formée au cours de ma carrière, en marketing
à l’ISM, puis au management, via l’e-MBA d’HEC. J’ai commencé par la recherche, où je me suis sentie
enfermée dans le sujet et les locaux. Refusant un doctorat payé, j’ai rejoint une PME franco-suédoise, pour y
apprendre la vente et le marketing. Après une expérience de la vente de terrain, indispensable à la crédibilité
d’une « marketeuse », j’ai occupé toutes les fonctions du marketing opérationnel, puis stratégique, jusqu’au
management. J’ai rejoint General Electric, il y a huit ans, dans un poste de management commercial,
et je m’épanouis aujourd’hui de l’autre côté de la relation commerciale, dans une direction achats,
avec un rôle de management international. Dès le début de ma carrière, j’ai évolué dans un monde d’hommes
et j’ai ressenti le besoin de rejoindre un réseau de femmes : l’association Femmes ingénieurs. Élue au conseil
d’administration depuis une vingtaine d’années, j’ai maintenant l’honneur de présider et gérer l’association.
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Retraite
22 I
L’ÉVÉNEMENT / LTWA / CANDIDATES
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
Cathia Lawson Le charisme et le dynamisme
Dernière étape d’importance : elle vient de
rejoindre en septembre dernier le conseil de
surveillance d’un des plus grands groupes du
monde – Vivendi – en tant que président du
comité d’audit. « Je n’appartiens à aucun réseau,
mais suis souvent invitée en tant qu’intervenante
dans des clubs, colloques, séminaires et forums, en
particulier sur des thèmes liés à la diversité et aux
femmes managers. J’admire les femmes indépendantes qui se battent pour leurs convictions politiques
ou économiques. J’ai une immense admiration pour
Simone Veil et Ngozi Okonjo-Iweala, femmes politiques engagées dans la lutte pour le droit des femmes
et contre les discriminations. »
© MARIE-AMELIE JOURNEL
MANAGER
Banquier conseil pour l’Afrique de la Société générale
UNE ORGANISATION
DE VIE TRÈS ORCHESTRÉE
J
«
© FOTSO 2012
e suis souvent qualifiée de personne ayant le sens de l’écoute
et suis convaincue de l’utilité
économique de la mixité dans
les instances dirigeantes. »
Forte personnalité, enthousiaste, Cathia Lawson présente un savant
mélange de profonde humanité engagée et de
professionnalisme exigeant. « Je suis née au Togo,
où j’ai passé les premières années de mon enfance.
Puis ma famille s’est installée en France, où mes
sœurs et moi avons grandi. J’y vis depuis plus de
trente ans. J’ai été scolarisée dans une école avec un
projet très clair : nous aider à grandir en humanité,
nous donner du courage et une solide formation
intellectuelle, des capacités créatrices et le sens du
devoir et des responsabilités. Je me suis épanouie
dans cet établissement, connu pour sa rigueur intellectuelle. Enfant, je rêvais de devenir soprano,
Proust ou… détective privéƒ! »
Après un baccalauréat scientifique et des études
supérieures en économie et en finance, Cathia
Lawson a hésité entre le monde universitaire
(doctorat) et les marchés financiers. « Par inclination pour les chiffres et par goût du défi, je me suis
dirigée vers la finance de marché où j’ai débuté comme
analyste financière. » Elle travaille à la Société générale (SG) depuis maintenant seize ans. Comme
managing director, banquier conseil, responsable
de la relation avec les clients stratégiques de la
banque en Afrique, elle élabore et propose des
solutions globales avec le concours de toutes les
lignes métiers du groupe SG. « J’ai un rôle transversal, étant à la fois l’interlocuteur privilégié des
grands clients et chef d’orchestre en interne pour
répondre au mieux aux besoins des comptes que je suis
– conseil stratégique en haut de bilan, opérations complexes à haute valeur ajoutée, financements, restructurations financières, etc. –, mais aussi à la stratégie
de développement définie par la banque. »
Insatiable, impatiente, Cathia avoue un goût
certain pour le risque et les nouveaux défis. Mère
de quatre enfants (de 13, 11, 9 et 7 ans), elle possède une très grande capacité de travail qui
s’appuie sur une organisation de vie très orchestrée. Ses collaborateurs saluent tout autant son
dynamisme que son charisme. Son appétit pour
la vie se traduit souvent par l’organisation de
dîners entre amis et collaborateurs. « J’essaie de
promouvoir le recrutement et les évolutions des parcours féminins. Je suis convaincue de l’utilité économique de la mixité et de la complémentarité hommesfemmes. Mentor du programme de la Société
générale Front Women Development, visant à
promouvoir les jeunes femmes et leur permettre
d’accéder à des postes à responsabilité, j’accompagne
deux femmes dans leur développement professionnel
et personnel pour les aider à obtenir des postes de
management. J’aimerais largement contribuer à
féminiser les organes de direction de la banqueƒ! C’est
un véritable défi aujourd’hui, car la banque d’investissement a toujours été un monde très masculin,
principalement dirigé par des ingénieurs. » ■ I. L.
BIO EXPRESS
Je suis diplômée de l’École centrale de Lyon,
promotion 1989, avec un DEA master
recherche en automatique. Après
un baccalauréat scientifique et des études
supérieures en économie et en finance,
j’ai hésité entre le monde universitaire et les
marchés financiers. Par inclination pour les
chiffres et par goût du défi, je me suis dirigée
vers la finance de marché où j’ai débuté
comme analyste financier avant de faire
du conseil en financement puis de devenir
banquier conseil en charge des grands clients
africains de la Société générale.
J’ai débuté dans une société de Bourse
comme analyste financier. En parallèle,
j’ai donné des cours de finance d’entreprise
à l’université Paris-Dauphine. Enseigner
m’a permis de satisfaire mon goût pour
les échanges, le dialogue, la transmission
de savoirs. Cette étape importante m’a offert
l’opportunité d’unir deux univers
que j’apprécie : le monde académique
et l’environnement professionnel auquel
j’appartenais. Autre étape importante :
lorsque j’ai rejoint la Société générale,
d’abord comme analyste crédit chargée des
télécommunications et des médias, puis en
intégrant l’équipe de conseil en financement
avant de devenir banquier conseil pour
les principales entités du continent africain
dont je suis originaire. Je travaille
à la Société générale depuis maintenant seize
ans. Dernière étape d’importance :
en septembre 2015, j’ai été cooptée en qualité
de membre par le conseil de surveillance
de Vivendi, leader mondial dans les médias,
en tant qu’administratrice indépendante,
présidente du comité d’audit.
Corinne Hardy
Le sens de l’engagement
Head of market intelligence de Merial
L
yonnaise de cœur et de naissance, Corinne Hardy
est une femme pragmatique et engagée, résolument tournée vers les autres. Depuis quatre ans,
elle s’est fait connaître dans la région lyonnaise
pour sa capacité à diriger un département stratégique du groupe Sanofi, au sein de Merial, et
à mener une activité intense en faveur de la mixité femmes/
hommes dans un univers professionnel traditionnellement
très masculin.
Depuis vingt-trois ans, elle a forgé son expertise professionnelle en se frottant aux études de marché, la veille concurrentielle, les prévisions de vente et la modélisation, l’économie
de la santé, les analyses de marché, l’évaluation du porte-
BIO EXPRESS
Biologiste — j’ai acquis une double maîtrise en biochimie et biologie
moléculaire —, j’ai ensuite effectué un MBA en marketing à l’EM Lyon,
j’ai suivi une formation d’administratrice de société avec le cabinet
HerValues et l’EM Lyon. Après mon MBA, j’ai rejoint une startup du
secteur de la biotech puis j’ai travaillé quatre ans dans un laboratoire
pharmaceutique, auprès du PDG pour mettre en place le premier plan
stratégique de l’entreprise. J’ai rejoint Sanofi Pasteur, le leader
mondial des vaccins en 1991 où j’ai occupé pendant vingt-trois ans
différentes fonctions : études de marché, veille concurrentielle,
prévisions de ventes et modélisation, économie de la santé, analyses
de marché, évaluation du portefeuille de recherche, gestion du mode
opératoire de prévisions de ventes à dix ans de la société. J’ai rejoint
Merial, branche de santé animale de Sanofi, en octobre 2014.
feuille, la recherche et la gestion du mode opératoire de prévisions de vente à dix ans. Elle a rejoint Merial, la division
santé animale du groupe Sanofi, en octobre 2014 en qualité de
Head of Market Intelligence. À ce poste, elle a la responsabilité
globale au plan mondial pour soutenir le management de
l’entreprise, les franchises et les régions.
ELLE MILITE POUR LA PROMOTION DES
FEMMES AUX POSTES DE RESPONSABILITÉ
« Mon département – une équipe de 12 cadres de haut niveau,
établis à Lyon et à Atlanta, qui travaille de façon transverse –
contribue à la prise de décision sur les orientations stratégiques de
la société, ses décisions d’investissements industriels, de R&D ou
commerciaux grâce aux données et analyses, apportant une vision
claire de notre marché et de notre environnement, de la stratégie
de nos concurrents et des attentes de nos clients. »
Elle possède profondément en elle le sens du collectif. Avec
une collègue, elle a créé le réseau WoMen in Sanofi Pasteur
qui réunit 2Š400 membres dans 55 pays. Présidente de l’association Alliance pour la mixité en entreprise (AME) qui
regroupe les responsables de réseaux de 17 grandes entreprises
(Total, Areva, Sodexo…), elle milite pour la promotion des
femmes aux postes de responsabilité et le respect de l’égalité.
Ses points fortsŠ? « L’énergie, la force de travail. J’aime conduire
mon équipe vers un objectif avec bienveillance et respect de la parole
d’autrui. » Sportive aimant tout aussi bien la neige et le ski
que les bains de mer, cette fan de rock s’appuie sur la tendresse et la chaleur de sa famille pour trouver son équilibre
I. L.
et se ressourcer. ■
24 I
L’ÉVÉNEMENT / LTWA
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
L’EFFET GÉNÉRATIONNEL
Quand les Z achèvent le travail des Y
© M-A JOURNEL
En septembre dernier, au Positive Economy Forum,
Emmanuelle Duez a fait une intervention qui génère un buzz
formidable sur Internet, avec près de 70 000 vues…
Son propos ? Analyser à travers le prisme des générations Y
et Z le devenir des entreprises. Diagnostic : chaud devant !
PAR
EMMANUELLE
DUEZ
FONDATRICE
DE WOMEN’UP
ET DE THE BOSON
PROJECT
J
e commence à en avoir assez
que l’on parle de la Génération
Y. On en dit tout et n’importe
quoi. Baptisée chochotte aux
États-Unis, poule mouillée en
Allemagne, Me-Me Generation
en Angleterre, Yotori (pour
agneau) au Japon, de Digital Naive ou de
génération soumise, le sujet Y cristallise les
aigreurs. Ou oserai-je dire la peur de la perte
de sa propre jeunesse par ceux qui s’évertuent tant à la critiquer.
Y OU LE SYMPTÔME
D’UN MONDE EN MUTATION
Regardons cette génération avec bienveillance. En réalité, elle est le symptôme d’un
changement qui la dépasse largement.
La génération Y, c’est la génération « Quoiƒ?
Quoiƒ? Quoiƒ? », mais surtout, c’est la première
génération mondiale. En effet, pour nous, la
terre est plate. Il y a aujourd’hui plus de
points communs entre un Africain, un Américain, un Asiatique et un Français de 25 ans
qu’avec l’un de nos aînés de 55 ans.
Mondiale donc, mais également la prochaine grande génération. Aujourd’hui, 50Š%
de la population mondiale a moins de
30 ans. Que l’on nous aime ou pas, peu
importe, nos comportements deviendront
la norme par le seul effet volumique. Nous
sommes aussi la première génération dite
postmoderneŠ; nous sommes à l’aube d’une
nouvelle ère où tous les modèles économiques, politiques, sociétaux, financiers et
environnementaux doivent être réinventés.
Kofi Annan parle de nous comme des héritiers sans héritages.
Grande, mondiale, postmoderne donc, mais
surtout, nous sommes la première génération numérique. Michel Serres parle à ce
titre de la troisième révolution anthropologique majeure de l’humanité. Celle qui a
changé la face du globe et qui a accouché
d’un enfant, la génération Y. Une génération,
façonnée par les valeurs de transparence, de
transversalité, d’ouverture, de fluidité, d’interconnexion, d’agilité…
Et la vague numérique, en bouleversant les
usages, a bouleversé nos manières de faire,
en profondeur. Nous sommes la première
génération « omnisciente ». Nos cerveaux
sont à portée de main, dans nos poches de
jeans, à un clic de la connaissance mondiale.
Ce « 207e os » dont parle l’amiral Lajous ou
cette présomption de compétence dont parle
Michel Serre, changent le rapport à l’autorité, au père, au statuaire, à la hiérarchie et
donc à l’entreprise.
Finalement, n’est-ce pas cela la génération
Y, une génération massive qui arrive dans
un monde à réinventer avec un super-pouvoir entre ses mains : le numérique.
Aujourd’hui, un clavier suffit pour faire tomber un gouvernement. L’individu n’a jamais
été aussi puissant Et si c’était cela le sujet
Tous les samedis à 13h30
Le rendez-vous de l’innovation sur Arte
En partenariat avec
FutureMag est le rendez-vous hebdomadaire bi-média
à suivre sur tous les écrans pour explorer les inventions qui,
demain, vont transformer nos vies.
Au programme
samedi 12 décembre :
> Le spectacle
le plus innovant du monde
À retrouver dès 14 heures
sur latribune.fr et arte.tv/futuremag
« La génération Y fait un pari : faire passer le pourquoi avant le comment, la flexibilité avant
la sécurité, l’exemplarité avant le statutaire, l’ambition de s’accomplir avant celle de réussir. » © ISTOCK
Y : un momentum, un contexte, un pouvoir et des hommesŠ?
Le sujet Y dans les entreprises fait des
étincellesŠ! Il vient d’un monde ou l’agile
mange l’inerte. Et aujourd’hui, il entre de
manière massive par la base de la pyramide des organisations.
QUAND LE Y PERCUTE
L’ENTREPRISE
Il arrive dans le royaume où jusqu’à présent c’était le gros qui mangeait le petit.
Le sujet Y se cogne la tête sur des modèles
de leadership, de management, d’organisation, qu’il ne comprend pas, qu’il ne reconnaît pas. Que fait-ilŠ? Il se casse ou
débranche la prise. C’est ça le symptôme
Y, malgré un taux de chômage incompressible, nous sommes sur une population
avec des taux de mouvement (turnovers)
en hausse. On assiste à des compétitions
de démission ( job out) : « Hey, j’ai démissionné de mon CDI au bout de six mois, qui
fait mieuxƒ? » Les adultes, nos parents, ne
comprennent pas. Leur réflexe : « C’est
quoi cette génération d’enfants “pourrigâtés”,
qu’on a trop aimésƒ? Ils ont vu le marché de
l’emploiƒ? Ils croient vraiment qu’autre chose
est possibleƒ? »
La réponse est : peut-être. La génération
Y porte sur l’entreprise un regard radicalement différent. Elle est en mesure de
transformer profondément l’entreprise de
l’intérieur. Cette jeunesse fait un pari :
faire passer le pourquoi avant le comment,
la flexibilité avant la sécurité, l’exemplarité avant le statutaire, l’ambition de s’accomplir avant celle de réussir. Elle juge son
épanouissement à travers ses propres yeux
et non ceux des autres.
Cette jeune génération sait que personne
ne l’attend sur le marché de l’emploi, alors
elle rêve d’un autre monde. Elle sait que
l’entreprise ne pourra pas lui promettre ce
qu’elle a promis à ses parents. Alors elle
s’invente une autre épopée et se dit plutôt
que d’aller très haut, très vite, très loin :
j’irai à côté. Bébé de la précarité, subie ou
intégrée, je dessinerai ma vie comme un
chapelet avec une série d’expériences professionnelles toutes différentes, « kiffantes », à hautes valeurs ajoutées. Et je me
dirai qu’à la fin cela fait sens, et ce sens,
ce sera le mien.
AUX ÉTATS-UNIS, PLUS DE
« FREELANCES » QUE DE CDI
Alors même que les uns commencent à
comprendre ce qu’est la génération Y, voici
que débarquent les Z… Nous avons interrogé 3Š000 jeunes de moins de 20 ans pour
connaître leur vision de l’entreprise. Nous
cherchions à savoir si, comme l’espèrent les
chefs d’entreprise et le prédisent Strauss et
Moss, les deux spécialistes de l’intergénérationnel, il y aura guerre entre nos générations. Les Z vont-ils terrasser les YŠ? Que
disent-ilsŠ? Leur réponse tient essentiellement en trois mots : « l’entreprise est dure,
cruelle : c’est une jungle. »
La bonne nouvelleŠ? Cinquante pour cent
d’entre eux imaginent dans l’avenir devenir
entrepreneurs. C’est-à-dire devenir leurs
propres patrons. Avant, l’entreprise faisait
l’honneur à un salarié de lui donner un job.
Avec la génération Y, on est passé de la
subordination à la collaboration. Les jeunes
sont dans une relation gagnant-gagnant de
court terme : « Montrez-moi ce que vous avez
à m’offrir, je vous dirai ensuite si j’ai envie de
m’engager. » La génération Z achève la
transformation : « Ce n’est pas l’entreprise
qui va me faire l’honneur de me donner un
travail, c’est moi qui ferai l’honneur à une ou
plusieurs entreprises de mettre à disposition
mon talent et mes compétences. » Le changement de paradigme est total. Le centre
d’emploi n’est plus l’entreprise, c’est le Z.
D’ailleurs, aux États-Unis, pour la première
fois, il y a plus de travailleurs indépendants
que de CDI. C’est une tendance lourde.
Quand on leur demande combien de
métiers les Z auront demain, ils répondent
l’infini. Ils n’ont pas tort. On prévoit d’ores
et déjà que demain les moins de 30 ans pratiqueront environ 13 métiers dans leur vie,
la plupart de ces métiers n’existant pas
encore aujourd’hui.
Les Z s’interrogent donc, et à juste titre :
« Dans un monde régi par l’obsolescence des
compétences, à quoi sert de passer un
bac + 1ƒ000 pour préparer un job qui n’existe
pas encoreƒ? À quoi ça sert l’écoleƒ? Le
diplômeƒ? » Que signifie dès lors « Bonjour,
M. X, 55 ans, Insead… » Plus grand-chose.
Le Z sera donc l’entrepreneur de sa propre
formation. Demain, l’entreprise qui sera
en mesure de le séduire et de le retenir
sera une entreprise apprenante. Elle
deviendra une école. ■
Entrepreneurs,
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MARTINIQUE 05 96 59 44 73
MAYOTTE 02 69 64 35 00
RCS 507 523 678
ALSACE 03 88 56 88 56
04/12/15 14:29
26 I
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
LE TOUR DU MONDE DE L
De l’autoroute paysagère
à la centrale qui stocke le carbone
Chaque semaine, La Tribune vous propose de partir à la découverte
des petites et grandes innovations qui annoncent l’avenir.
1
5
COTONOU – Benin
Pikiz, la plateforme
des « early adopters »
ESTEVAN – Canada
Marketing. Lorsqu’une startup lance
une application ou un nouveau service
en ligne, elle a besoin de créer un
engouement auprès de ses premiers
utilisateurs, les early adopters. Certains
internautes s’en font même une
spécialité et deviennent très influents.
Encore faut-il attirer leur attention.
Pour faciliter la mise en relation entre
les nouveaux produits et les early
adopters, les équipes de l’accélérateur
TEKXL, au Bénin, ont créé Pikiz, une
plateforme sur laquelle des
entrepreneurs du monde
entier peuvent se faire
connaître. Des centaines de
nouveaux utilisateurs s’y
inscrivent tous les jours.
Une centrale électrique à charbon
qui stocke le carbone qu’elle produit
Réchauffement climatique. Chaque année,
36 milliards de tonnes de CO2 sont rejetées dans
l’atmosphère, ce qui contribue au réchauffement
de la planète. Pour moins polluer, la centrale électrique
fonctionnant au charbon Boundary Dam, a mis au point
une solution pour capter le gaz carbonique avant qu’il
ne s’échappe dans l’atmosphère. L’objectif : récupérer
un million de tonnes de CO2 par an. Pour cela, il a fallu
construire une tour d’absorption capable d’isoler le CO2.
En s’élevant dans la tour, les fumées issues de la centrale
sont mélangées à de l’eau contenant des produits chimiques
conçus pour se coller au gaz carbonique, qui
se retrouve piégé dans le liquide. Le CO2 part
ensuite dans un compresseur, qui le fait passer
d’un état gazeux à un état quasi liquide.
La substance est ensuite enterrée dans le sol.
6
1
© ARTE
2
ARLINGTON – États-Unis
3
Une puce dans le cerveau
pour améliorer la mémoire
Albina Ruiz réduit
la pollution et la pauvreté
Implants. Demain, sera-t-il possible de venir
à bout des trous de mémoireŠ? Des chercheurs
américains ont annoncé avoir réussi à influer
sur la mémoire d’individus grâce à des implants
électriques intégrés au cerveau de patients.
Concrètement, des électrodes sont placées dans
les régions du cerveau s’occupant de la mémoire
déclarative (se rappeler une liste de courses, par
exemple). Au moment de se souvenir, il est possible
d’envoyer une minidécharge pour
stimuler le cerveau. Une aide qui
pourrait s’avérer précieuse pour
les personnes souffrant de troubles
de la mémoire.
3
4
Environnement. Améliorer le niveau
de vie des Péruviens les plus pauvres
tout en rendant la ville plus propre,
tel est le défi qu’Albina Ruiz relève avec
succès depuis 1996 à Lima. Son ONG,
Ciudad Saludable (ville saine), organise
un réseau de 35 micro-entreprises
qui gèrent 600 ramasseurs de déchets
recrutés parmi les citoyens les plus
pauvres. Le fait de structurer
à grande échelle la collecte des déchets
permet d’en récupérer
davantage et de mieux
payer les ramasseurs, qui
gagnent jusqu’à dix dollars
(7,50 euros) par jour.
© ALEX PROIMOS
PLUS D’ACTUALITÉS
ET D’INFOGRAPHIES
SUR LATRIBUNE.fr
LIMA – Pérou
MATO GROSSO – Brésil
Fibria boucle
la boucle
Valorisation. Pour fabriquer sa pâte
à papier, Fibria produit de la cellulose issue
de l’exploitation de plantations d’eucalyptus.
Bien que ces plantations soient gérées dans
le respect d’une réglementation nationale
très stricte, la quantité de déchets issus
de l’industrie de la cellulose est non
négligeable. Afin d’éviter des transports
réguliers et coûteux vers des centres
d’enfouissement, Fibria transforme
désormais ces déchets organiques pour
obtenir un nouveau produit : le correcteur
d’acidité des sols. Ce produit
est ensuite utilisé dans
les plantations forestières
de Fibria et des exploitations
voisines. Et la boucle est bouclée ! > http://bit.ly/1Rz60Ly
© VEOLIA-ZUT
2
4
5
I 27
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
L’INNOVATION
FINLANDE – Helsinki
Showerloop, la douche qui
consomme très peu d’énergie
Économie circulaire. Jason Selvarajan, un jeune
ingénieur finlandais, a mis au point un prototype
de douche écologique, qui filtre l’eau en temps
réel et sans interruption. Pas moins de 10 litres
d’eau sont gaspillés chaque minute passée sous la
douche. Face à ce constat, Jason Selvarajan a mis
au point un prototype qui permet de recycler l’eau
de la douche en circuit fermé. Il utilise une pompe
qui récolte l’eau et la pousse vers le pommeau
de douche. Avant d’être réinjectée, un filtre
la purifie grâce à du sable qui retient
les particules, du charbon actif qui capture
les substances chimiques, et des rayons
ultraviolets mangeurs de bactéries. Baptisée
Showerloop, cette douche sans fin consomme
donc peu d’eau, mais aussi peu d’énergie.
En effet, la chaleur utilisée par la
première douche est captée pendant
le processus de recyclage
pour chauffer l’eau de la douche
suivante. Et ainsi de suite, à l’infini.
8
SÉOUL – Corée du Sud
Une autoroute transformée
en jardins suspendus
Espaces verts. Et si on recouvrait le béton
de verdureŠ? C’est l’idée du projet Seoul Skygarden,
qui vise à créer un jardin suspendu de près
d’un kilomètre en lieu et place d’une autoroute
en hauteur désaffectée. L’objectif : rendre la ville
plus verte et plus agréable pour les passants qui
voudraient emprunter la voie à pied
ou à vélo pour traverser la ville.
Y seront plantées 254 espèces
d’arbres, de fleurs et de plantes. Le
projet devrait aboutir en 2017.
9
TOKYO – Japon
Les dieux au secours de la lutte contre
les dépôts sauvages de déchets
> http://bit.ly/1jJzjNK
Civisme. Garder la ville propre est un défi pour les autorités,
même au Japon, réputé pour la propreté de ses rues. Pour
lutter contre le dépôt sauvage d’ordures sur le bord des routes,
certaines villes ont décidé de faire appel aux dieux.
Des minitoriis (portail traditionnel japonais, situé à l’entrée
d’un sanctuaire shintoïste) ont été installés dans les endroits
où les gens n’hésitent pas à jeter des déchets
ou à uriner. Avec des résultats surprenants :
leur présence suffit à réduire drastiquement
les mauvaises pratiques grâce au respect qu’ils suscitent
de la part des citoyens, qu’ils soient croyants ou pas.
7
© ISTOCK
© MVRDV
7
8
9
10
SYDNEY – Australie
Un arsenal technologique inédit
pour traquer les requins
6
Sécurité. Face à la recrudescence des attaques de
requins (15 depuis le début de l’année, contre trois
en 2014), l’État de Nouvelles-Galles du Sud se mobilise
en lançant un plan « multiforme » faisant appel aux
technologies les plus avancées. D’un coût de
16 millions d’euros, ce plan sur cinq ans prévoit
d’assigner des drones pour surveiller le littoral
en temps réel. Mais aussi de construire des « stations
d’écoute » dans les zones à risques pour surveiller
les requins équipés de balises acoustiques. L’État
immergera aussi des bouées équipées
de sonars pour détecter leur présence
et investira dans des barrières électriques
alimentées par l’énergie des vagues.
Objectif : zéro mort.
COPENHAGUE – Danemark
Des traceurs de téléphones pour
indiquer le temps d’attente à l’aéroport
10
© ISTOCK
Services. Se déplacer d’un bout à l’autre d’un aéroport et faire
la queue dans les files d’attentes peut prendre beaucoup de temps.
Un délai qu’il est difficile d’anticiper. L’aéroport de Copenhague
teste actuellement le système BlipTrack. Celui-ci consiste à utiliser
des capteurs qui surveillent le mouvement des téléphones à travers
l’aéroport. À chaque appareil est attribué
un identifiant unique, crypté, qui permet, à l’aide
de balises, de déterminer précisément les durées
d’attente ou de trajets. Une manière d’éviter
les sprints de dernière minute.
© ISTOCK
SÉLECTION RÉALISÉE
PAR SYLVAIN ROLLAND
@SylvRolland
ARTICLE PARTENAIRE
PVSI, un pôle national pour
le démantèlement nucléaire
Les activités de démantèlement nucléaire représentent d’ores et déjà un marché important,
évalué à plusieurs centaines de millions d’euros par an pour certains sites nucléaires en France.
Les 14 et 15 décembre à Marcoule, dans le Gard, le Pôle de valorisation des sites industriels
(PVSI) rassemblera 300 acteurs de « l’équipe de France » du démantèlement.
C
’
est une filière en
pleine phase de
structuration. À
la pointe de la
construction et
de l’exploitation
d’installations
nucléaires depuis
des décennies, la France souhaite s’appuyer
sur son expertise pour se poser en leader
du démantèlement. Centrales nucléaires
et réacteurs expérimentaux bien sûr, mais
aussi usines du cycle du combustible,
laboratoires et réacteurs de recherche ou
encore reprise et reconditionnement de
déchets anciens… Dès les années 1980, des
premières opérations de démantèlement
ont vu le jour, avec un coup d’accélérateur
à partir du milieu des années 1990, en particulier sur le site nucléaire de Marcoule,
LES ACTEURS DE PVSI
Les fondateurs de PVSI sont au nombre de sept :
le CEA Marcoule, la CCI Nîmes, la Communauté
d’agglomération du Gard rhodanien, la grappe
d’entreprises Cyclium, l’agence de développement
Invest In Gard, l’UPE 30 et l’UIMM Gard-Lozère.
le berceau historique du nucléaire français. Aujourd’hui, les choses s’accélèrent
encore avec, d’une part, l’arrivée en fin de
vie d’installations très diverses en France
et, d’autre part, les perspectives ouvertes
à l’international.
Un marché mondial
potentiel de 220 milliards
L’État en a fait l’une de ses priorités industrielles et stratégiques. Dès 2013, le Comité
stratégique de la filière nucléaire (CSFN)
recommandait de « renforcer la filière française du démantèlement, pour répondre aux
importants besoins à venir dans tous les pays
concernés ». Il faut dire que le marché mondial s’annonce colossal. D’après une étude
du cabinet Arthur B. Little, il est estimé à
220 milliards d’euros d’ici à 2030 et porte
autant sur les réacteurs que sur toutes les
usines du cycle du combustible.
En France, pays qui dispose de l’un des
parcs nucléaires les plus importants au
monde, EDF a déjà entamé la déconstruction de neuf de ses réacteurs. Les exploitants nucléaires français (EDF, Areva et
le CEA principalement) ont provisionné,
comme l’impose la loi, les budgets
pour faire face aux futurs chantiers de
démantèlement.
À Marcoule, un écosystème
du démantèlement
Dans le Gard, une filière d’excellence s’est
construite autour du CEA Marcoule, en
bordure du Rhône. Dans la filière française
du démantèlement, le CEA tient un rôle
clé : deux tiers des installations nucléaires
en fin d’exploitation lui appartiennent. Dès
le début des années 1980, le site de Marcoule s’est engagé dans des chantiers de
démantèlement qui ont fait référence dans
le monde. Et ce, sur des installations de
toute nature : réacteurs de première génération construits
à la fin des années
1950, usine de
retraitement UP1,
laboratoires, installations de traitement de déchets…
« C’est à Marcoule
que se situent les plus
grands chantiers et c’est de Marcoule que sont
pilotées les opérations d’assainissement et de
démantèlement réalisées sur les centres du
CEA à Saclay, Fontenay-aux-Roses, Cadarache et Grenoble qui vient de se terminer
dans les délais prévus », précise Philippe
Guiberteau, le directeur du centre gardois
du CEA et président de PVSI. Marcoule,
qui réalise également la R&D du CEA
dans le domaine de l’assainissement et
du démantèlement, et la qualifie sur des
chantiers réels, dispose de l’ensemble des
compétences nécessaires pour gérer ces
opérations d’une grande technicité.
À la clé, les retombées économiques sont
déjà importantes. La filière nucléaire dans
le Gard rhodanien représente 10Š% de la
part industrielle du PIB de LanguedocRoussillon. Chaque année, ce sont de
l’ordre de 300 millions d’euros qui sont
engagés par le CEA rien que pour le
démantèlement des installations du site de
Marcoule, où un
chantier comme le
démantèlement
prochain du réacteur Phenix est évalué à lui seul à plusieurs centaines de
millions d’euros sur
trente ans. Résultat,
un écosystème très riche s’est créé dans ce
bassin d’emploi. Avec de grands groupes
spécialisés en assainissement-démantèlement, mais aussi des petites entreprises
dont certaines à fort potentiel technologique. Sans oublier un environnement académique et de la formation très fertile,
avec la présence de l’Institut national des
Des opérations
d’une grande
technicité
COUSTER
sciences et techniques nucléaires et son
« chantier-école » du démantèlement, mais
aussi l’université de Montpellier ou encore
l’École des Mines d’Alès. Un master
« démantèlement » vient d’ailleurs d’ouvrir
en septembre 2015 à Marcoule.
PVSI : l’accélérateur
national
Philippe Guiberteau, président de PVSI
indique : « Notre objectif est de créer de la
valeur et de l’emploi par l’innovation en
regroupant près des grands chantiers de Marcoule, les industriels, les organismes de
recherche dont le CEA et les organismes de
formation. » Rassemblée au bord du Rhône,
la filière française du démantèlement a
franchi en 2014 une nouvelle étape avec la
constitution, par sept membres fondateurs,
du PVSI : le Pôle de valorisation des sites
industriels. Au-delà de l’ambition de dynamiser l’écosystème régional, les 19 acteurs
de la recherche, de l’industrie, du développement économique et de la formation qui
le composent aujourd’hui, travaillent à
asseoir une position désormais reconnue
de premier plan national.
« Ce qui nous guide, est la nécessité de contribuer à la structuration de toute une filière »,
souligne Luc Ardellier, vice-président de
PVSI et du groupement d’entreprises
Cyclium (50 membres, dont 17 dans le
démantèlement). Celui qui est aussi président d’Oreka Solutions, une startup qu’il
a fondée dans la simulation 3D de scénarios de démantèlement, souligne que
« PVSI a désormais un rôle reconnu nationalement de fédération par l’innovation ».
Innovation technologique bien évidemment, avec par exemple une halle technologique qui verra le jour pour faciliter les
développements de projets collaboratifs
avant leur test en conditions réelles sur les
chantiers du CEA. Mais innovation également dans le domaine de la formation des
opérateurs, de la contractualisation des
projets, de la réglementation… Le Pôle
lance un observatoire du démantèlement,
destiné à affiner encore l’estimation du
volume d’affaires du secteur, tant en
France qu’à l’international. « Notre défi est
de faire en sorte que le démantèlement de sites
nucléaires, qui est aujourd’hui encore perçu
comme une charge et une crainte de perdre des
milliers d’emplois, devienne une opportunité
de business », avance Philippe Patitucci,
président de l’UIMM Gard-Lozère. Une
chose est sûre, « plus notre écosystème sera
renforcé, plus nos entreprises seront en mesure
de remporter les grands appels d’offres », rappelle Éric Giraudier, président de l’UPE 30
(Union pour les entreprises).
Un savoir-faire ouvert à
d’autres secteurs d’activité
Les compétences du démantèlement
nucléaire peuvent être dès aujourd’hui
étendues à d’autres « milieux hostiles »,
pour se relier à des secteurs tels que l’aéronautique, en Midi-Pyrénées et la
construction navale en Paca (ProvenceAlpes-Côte d’Azur), ou encore la
déconstruction de plateformes de chimie
industrielle. « Pour cela, il faudra continuer
d’investir dans la recherche et le développement, et surtout multiplier les transferts de
technologie », lance Éric Giraudier. De nombreuses techniques (valorisation et recyclage des métaux, travail en environnements confinés, décontamination,
robotique appliquée, etc.) seraient transposables. Pour les aéronefs, le gisement
mondial est estimé à 10Š000 avions de
ligne d’ici à 2030. « Ce sont des opportunités
à saisir, surtout que nous allons fusionner
avec la région Midi-Pyrénées », insiste Henry
Douais, président de la CCI Nîmes. En
tout cas, « le BIC Innov’up, un incubateur
de projets et d’entreprises innovantes, fondé
en 1988, est déjà “connecté” sur le sujet »,
précise-t-il. Selon lui, tout l’enjeu pour
réussir sera de conjuguer l’engagement des
majors et des PME.
Le pôle souhaite aussi s’appuyer sur la
filière numérique pour numériser et modéliser en 3D ces opérations. « Aujourd’hui,
tout ou presque est modélisable. Les possibilités
sont infinies. Dans ce domaine, à nous de valoriser notre savoir-faire. Des contacts existent
déjà avec Airbus », dévoile ainsi Jean-Christian Rey, président de la Communauté
d’agglomération du Gard rhodanien.
Un marché
mondial d’envergure
Autre cible visée par PVSI : le marché
mondial des sites et sols pollués (SSP).
Celui-ci était estimé par l’Ademe à plus
de 43 milliards d’euros par an dans un
rapport en 2011. En France, il concerne
plus de 200 sociétés d’ingénierie et de
travaux. Des marchés qui font appel à des
compétences en partie similaires (géochimie, génie civil, chimie, génie des procédés, métrologie et modélisation, écotoxicologie, géologie, hydrogéologie,
physique…) à celles utilisées pour le
démantèlement de sites nucléaires. En
France, on recense ainsi plus de
4Š000 sites et sols pollués, nécessitant
dépollution des sols, traitement ou
déconstruction des bâtiments. Chaque
année, la production de déchets industriels dangereux se situe à environ
240Š000 tonnes par an. « La notion de valorisation des sites industriels prend ici tout son
sens », remarque Philippe Broche, président d’Invest In Gard.
Aujourd’hui, PVSI jouit déjà d’une bonne
visibilité. Au plan national, réforme territoriale oblige, la nouvelle région qui
associera Languedoc-Roussillon avec Midi
Pyrénées se retrouvera de fait en « pole
position » sur des actions qui, au-delà de
la maîtrise des chantiers de démantèlement nucléaire eux-mêmes, ouvrent à
l’innovation dans des domaines du recyclage et de l’écoconception.
Au plan international, enfin, le pôle a été
présenté à Bruxelles par son président,
en présence de responsables du CEA,
d’Areva et d’EDF. PVSI a eu une présence
remarquée à la première édition du World
Nuclear Exhibition (WNE, salon international du nucléaire, qui se tient tous les
deux ans) en 2014 au Bourget. Des jalons
ont déjà été posés, notamment aux ÉtatsUnis lors du salon mondial Waste Management de Phoenix.
La filière est sur de « bons rails » et
consciente qu’il ne faut pas rater ce virage
stratégique pour s’imposer sur le grand
marché du démantèlement nucléaire, tout
en se positionnant sur d’autres secteurs
d’activité de l’économie circulaire.
Opération-test
de découpe
par le bras-robot
Maestro,
fruit d’un
codéveloppement
entre le CEA
et la société
Cybernetix.
© CEA/DR
LE DÉMANTÈLEMENT TIENT
SES « ASSISES » ANNUELLES
O
rganisée par PVSI, la troisième
édition des Assises
du démantèlement, qui se déroulera
les 14 et 15 décembre prochains,
à Marcoule et Laudun, aura un rôle clé
pour l’ensemble des acteurs. Cette année,
les réflexions vont porter sur le cadre
réglementaire des chantiers
de démantèlement, l’innovation
technologique, la sous-traitance,
les ressources humaines, les déchets,
ainsi que les perspectives à l’international.
Avec des intervenants de premier plan :
des représentants de l’Autorité de sûreté
nucléaire, du ministère de l’Économie,
de l’Industrie et du Numérique, du ministère
de l’Écologie, du Développement durable
et de l’Énergie, d’Areva et de l’Andra, de
l’Institut national des sciences et techniques
nucléaires, ainsi que des entreprises (OTND,
Cyclium, Nuvia…) et l’Association
des industriels français exportateurs
du nucléaire. Sans compter, bien sûr, des
rendez-vous d’affaires, qui ont été un beau
succès lors de la précédente édition. En 2014,
l’événement avait attiré 300 participants,
dont 40 % d’acteurs nationaux et des
industriels belges et américains. Cette
année, pour franchir une nouvelle étape,
une « Route du démantèlement », associant
écoles et industriels, ainsi qu’un Observatoire
du démantèlement, prendront leur envol.
© CEA/DR
Préparation
d’une
intervention
du CEA sur
un chantier de
démantèlement,
à Marcoule
(Gard). © CEA / LE
En lien avec la priorité nationale qu’est le
recyclage, PVSI vise aussi à accroître le
transfert aux éco-industries nationales du
savoir-faire acquis dans le démantèlement
nucléaire. La thématique des déchets est
tout particulièrement ciblée (réduction
du volume, conditionnement…). D’autant
qu’avec des procédés adéquats, le traitement des déchets peut « adresser » le
secteur du recyclage des matières stratégiques et autres métaux critiques.
Cette diversification, qui entend placer
PVSI au cœur de l’économie circulaire, est
d’autant plus importante, que le démantèlement d’un site nucléaire est très étalé
dans le temps, parfois sur vingt ans. « Le
marché ne décolle pas assez vite pour nos
entreprises », observe Henry Douais.
ARTICLE PARTENAIRE
PVSI,
des partenaires
très engagés
Autour du CEA à Marcoule, un écosystème de grande
qualité s’est créé dans le démantèlement nucléaire. Nous
avons interrogé plusieurs acteurs de premier plan de la
filière – des industriels français tels que Nuvia, KEP Nuclear,
Derichebourg – à propos de leur positionnement stratégique
sur ce marché. Ils évoquent aussi les défis technologiques,
qui restent encore à surmonter. Nous avons également
donné la parole à la société mixte d’aménagement
Languedoc Roussillon Aménagement, qui nous dévoile
les outils mis en œuvre pour attirer les entreprises sur le
territoire. Une opportunité pour la filière nationale, comme
pour la grande région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées.
NUVIA : « CE SONT DES MARCHÉS TRÈS CONCURRENTIELS »
BRUNO LANCIA, est directeur général du groupe Nuvia, spécialisé dans le nucléaire civil et militaire
et un des acteurs du démantèlement. Un groupe, qui emploie 3 000 salariés
et réalise 360 millions d’euros de chiffre d’affaires. Il nous explique le positionnement
de l’entreprise sur ce marché du démantèlement de sites nucléaires.
« Nous intervenons à tous les stades du cycle de vie
des installations nucléaires. Des études de conception
et la construction jusqu’au démantèlement, en passant
par l’exploitation et la maintenance. Nous avons
onze métiers au total, répartis en trois secteurs
d’activité : ingénierie, services et travaux et
produits. Avec notre filiale Nuvia Process,
implantée depuis plus de trente ans à
Marcoule, nos équipes interviennent
quotidiennement sur les installations
du CEA où nous sommes l’un des
plus vieux acteurs du démantèlement.
Dans l’Hexagone, nous employons
plus de 1Š500 personnes et sommes un
des leaders du démantèlement et de
l’assainissement. Autre particularité,
Nuvia est l’un des rares groupes français,
prestataires de services dans le nucléaire, aussi présent à
l’internationa, où nous sommes implantés dans onze pays.
Sur le démantèlement nucléaire, nous sommes en mesure
d’intervenir sur l’ensemble du processus, de la conception
de l’opération de démantèlement, avec notamment
des maquettes numériques, jusqu’aux travaux
sur place. Et ce, quel que soit le type
d’installations nucléaires.
Les marchés de démantèlement sont
très souvent complexes, à risques, à forts
enjeux techniques et humains, des
marchés qui sont très concurrentiels,
avec des incertitudes techniques, et
aussi, par conséquent financières. Ces
projets font appel à beaucoup de savoirfaire d’autant plus qu’aucun chantier ne
se ressemble. »
KEP NUCLEAR : « NOUS NOUS POSITIONNIONS
COMME EXPERT DE LA MESURE NUCLÉAIRE »
CHRISTOPHE MATHONAT, est responsable du site de Kep Nuclear à Bagnols-sur-Cèze,
à proximité du site de Marcoule. Cette société, entité du groupe KEP Technologies
(400 personnes, 48 millions d’euros de chiffre d’affaires) conçoit, développe et commercialise
des produits innovants dans le domaine de la caractérisation des matières et déchets nucléaires.
Contrôles radiologiques lors du démantèlement d’un laboratoire nucléaire
du CEA à Grenoble. © CEA/DR
« KEP Technologies est positionné dans des
technologies de pointe, sous-traitance pour
l’aéronautique et instrumentation. Fin 2014, nous
avons créé Kep Nuclear, une filiale spécialisée dans
la mesure nucléaire. Nous nous sommes implantés
en juillet 2015 à Bagnols-sur-Cèze pour être au plus
près des grands donneurs d’ordres, en l’occurrence
du CEA de Marcoule, et ainsi créer des liens avec
les différentes sociétés et acteurs du domaine en
France. Notre force est notre capacité à savoir
quantifier la matière radioactive sur un
site, grâce à nos instruments et nos
experts dans la connaissance
du cycle du combustible et
de la modélisation. Il y a
une demande importante
aujourd’hui et nous offrons
une solution particulière très
précise qui s’appuie sur la
calorimétrie. Les données
obtenues permettent ensuite
de transporter et stocker
cette matière de la manière plus
adéquate et efficace possible.
KEP Nuclear se positionne comme expert de la
mesure nucléaire et de plus spécifiquement de la
calorimétrie pour laquelle nous sommes les seuls à
avoir un niveau d’expertise élevé. À Bagnols-sur-Cèze,
nous avons déjà embauché quatre personnes,
ingénieurs et docteurs de haut niveau… Et, dès l’année
prochaine, nous allons doubler nos effectifs. En outre,
nous investissons fortement dans la recherche pour
accroître notre gamme d’outils de mesure.
Notre objectif est de nous développer sur le
marché français, mais aussi étranger. Nous
avons des contacts avancés en Inde,
Corée et Japon. Les temps de
décision avant le lancement des
marchés de démantèlement dans
l’Hexagone sont longs, alors il faut
s’ouvrir vers d’autres marchés.
Nous espérons également que le
PVSI va nous permettre d’aller plus
vite et nous aider à trouver des
partenaires pour financer nos
programmes de recherche. Avec à
la clé, des solutions différenciantes,
par rapport à la concurrence. »
Au bord
du Rhône, le site
de Marcoule,
berceau
du nucléaire
industriel
français. Créé
dans les années
50, il réunit
aujourd’hui une
concentration
sans équivalent
de chantiers de
démantèlement.
© CEA/LE COUSTER
LANGUEDOC-ROUSSILLON
AMÉNAGEMENT : « FACILITER
L’ARRIVÉE DES ENTREPRISES
DANS LA RÉGION »
NELLY FRONTANAU est Présidente
de Languedoc-Roussillon Aménagement,
société d’économie mixte pour
l’aménagement et le développement
économique, qui associe la région
Languedoc-Roussillon à des partenaires
privés et des établissements financiers.
Simulation 3D
d’une
intervention de
démantèlement
robotisée. © CEA/DR
« Tout a commencé lorsqu’en 2006, Georges Frêche,
alors président de la Région, décide de développer
17 parcs économiques à thèmes sur des zones, où il y
avait du foncier disponible, avec pour ambition
d’aménager ces parcs pour attirer des entreprises sur
le territoire régional. Aujourd’hui, neuf sont en cours
de réalisation, ce qui crée 900 emplois directs. Au total,
270 communes et 900Š000 habitants sont impactés
positivement par cette politique. Par exemple, sur le
parc Marcel Boiteux, autour de Marcoule, où des
parcelles de 2Š000 à 10Š000 m2 sont proposées sur une
surface de 30 hectares, nous avons su rassembler une
partie de l’écosystème, car nous leur proposons un vrai
accompagnement : des bâtiments modernes, de haute
qualité environnementale et équipés en fibre optique.
Un premier hôtel d’entreprises est achevé, d’autres
vont être lancés. Et outre les entreprises intéressées
de la filière du démantèlement, le parc accueillera la
future halle technologique de PVSI.
Par ailleurs, nous investissons sur des systèmes de
réseaux intelligents pour relier les entreprises entre
elles et générer des économies d’échelle et d’énergie.
Notre mission est d’offrir des conditions optimales
d’implantation aux entreprises régionales, nationales
et internationales. Ceci passe par l’organisation et la
conduite des procédures administratives, la
coordination des études et des travaux, l’acquisition
des terrains, prise à bail ou à constitution de droits
réels sur les terrains inscrits dans le périmètre
des projets…
Le rôle de Languedoc-Roussillon
Aménagement, qui dispose
d’une équipe d’une
cinquantaine de personnes,
est d’être un facilitateur pour
faire venir les sociétés dans la
région et tisser des liens avec
les laboratoires de recherche
et l’Université. On favorise
ainsi des partenariats
efficients entre le monde de
l’entreprise, le monde de la
recherche et celui de
l’enseignement supérieur. C’est un
cercle vertueux que nous nous imposons.
Les acteurs locaux sont associés à nos
démarches à travers des syndicats mixtes qui gèrent
ces parcs.
Aujourd’hui, le site de Marcoule représente
5Š000 emplois sur le bassin de Bagnols-sur-Cèze. Le
parc Marcel Boiteux compte aujourd’hui 300 emplois.
Nous devrions passer à 800 d’ici à cinq ans. Des
retombées intéressantes pour un parc dont les travaux
ont commencé en 2013. »
CEA : « LA FRANCE EST L’UN DES LEADERS INCONTOURNABLES
SUR LE DÉMANTÈLEMENT NUCLÉAIRE »
LAURENCE PIKETTY, directrice
de l’assainissement et du démantèlement
nucléaire au CEA, rappelle les atouts
de notre pays dans ce secteur d’avenir
et dessine également les enjeux
technologiques des prochaines années
« Le CEA travaille sur le démantèlement
nucléaire depuis le début des années 1990.
Aujourd’hui, une vingtaine d’installations
sont en cours de démantèlement. Ce sont des
programmes complexes, en raison notamment de
la radioactivité et des procédures de traitement
des déchets historiques. Des déchets qu’il
faut reprendre en amont et entreposer
ailleurs en aval. Tout est très
réglementé. À titre d’exemple, il
faut savoir qu’il est obligatoire de
déclarer l’arrêt de l’exploitation
d’une installation nucléaire trois
ans auparavant, puis ensuite
demander l’autorisation de la
démanteler.
La plupart des chantiers importants
sont pilotés à Marcoule par le CEA. Un
écosystème de grande qualité s’est créé sur
place. Nous y avons développé, entre autres, des
compétences en robotique, en caractérisation,
en conditionnement des déchets. Nous sommes
aussi très en pointe sur la réalisation de scénarios
de démantèlement, qui s’appuient désormais sur
des technologies de réalité virtuelle.
Tout ceci permet à la France d’avoir une longueur
d’avance sur la scène internationale en matière
de chantiers complexes de démantèlement
nucléaire. Dans l’Hexagone, nous avons acquis
une longue tradition et expertise dans le
nucléaire. Et, le CEA, en particulier à Marcoule,
a développé, au fil des années, un savoir-faire
d’exception, et ce sur tous types de chantiers de
démantèlement de sites nucléaires. À l’image de
ce qui a pu être fait à Grenoble qui a montré
à l’échelle d’un site que l’on savait
mener à leur terme ces opérations
avec des technologies éprouvées et
gérer les grandes quantités de
déchets générées.
Cela étant, il nous reste encore
quelques progrès technologiques à
faire, notamment sur la robotique,
pour accélérer le démantèlement
de sites nucléaires et accroître encore
la protection du personnel. Il faut durcir la
résistance des composants électroniques des
robots afin qu’il puisse aller sur des sites tels que
Fukushima. »
DERICHEBOURG : « AUJOURD’HUI, NOUS SOMMES À L’AUBE
DU DÉMANTÈLEMENT INDUSTRIEL »
MICHEL VALENTIN, directeur du pôle ingénierie & projets de l’activité « milieux sensibles » au
sein du groupe Derichebourg – acteur majeur sur le plan international des services externalisés
aux entreprises et aux collectivités, 28 000 collaborateurs, 2,56 milliards d’euros de chiffre
d’affaires –, nous dévoile sa stratégie pour s’imposer sur le marché du démantèlement nucléaire.
« Présents depuis presque dix ans
chez les principaux donneurs
d’ordres du nucléaire sur des
prestations de logistique et de
traitement de déchets, nous
avons depuis décembre 2012,
implanté notre sixième établissement sur la commune d’Orsan
(Gard), près du site de Marcoule.
Fort de plus de 45 collaborateurs,
ingénieurs, techniciens et agents
de maîtrise, notre pôle est notamment présent sur les études de
maîtrise d’ouvrage, les investigations physiques des installations,
la conception d’équipements destinés aux traitements des déchets,
mais aussi en matière de travaux
neufs de génie électrique et de
ventilation nucléaire. Nous nous
positionnons ainsi sur la partie
amont du démantèlement avec la
préparation des opérations depuis
la détermination de l’état initial
jusqu’à l’installation des disposi-
tifs d’intervention en passant par
la modélisation de toutes les données d’entrées (3D en restitutions
télévisuelles ou télémétriques et
radiologiques).
À ce jour, nous sommes à l’aube
du démantèlement nucléaire.
Nombre de robots émergent,
mais certaines technologies
doivent encore être perfectionnées pour effectuer des
investigations à un vrai
stade industriel.
Nos développements se situent
sur cet axe d’industrialisation de
technologies de
robotique intrusive miniaturisée,
issues de la R&D. Nous
avons ainsi mis au point de
la “robotique sur câble”, qui
permet une surveillance périphérique d’une installation ou
d’une intervention humaine en
milieu hostile, avec un relevé en
temps réel des éléments environnementaux (radiologique,
température, hydrométrie…).
Sans interférence, car évoluant
en hauteur, le RIC (Robot d’Inspection sur Câbles) peut par
conception s’adapter aux installations anciennes ou récentes. Il
est équipé à la demande de
matériels d’investigations spécifiques.
Nos technologies
et nos méthodes
en A&D, sont
déployées selon la
culture du groupe
D e richebourg,
dans le respect de
l’environnement, la
santé de nos travailleurs et
l’impact sur les futures générationsŠ; à ce titre Derichebourg est
partenaire officiel de la COP21. »
32 I
ENTREPRISES
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
« COMMERCE COGNITIF »
Le groupe américain cherche à convaincre les commerçants de souscrire aux services
de Watson, son système d’intelligence artificielle censé prédire les ventes, prodiguer
des conseils en marketing, voire jouer le rôle de conseiller de vente. Entretien d’embauche.
Watson, le robot d’IBM, cherche
un emploi dans la distribution
I
l joue à Jeopardy, tente des pronostics sportifs, se fait remarquer par
le président des États-Unis pour
son rôle dans le domaine médical…
Watson, le programme « d’intelligence artificielle » développé par
IBM, cherche du travail auprès des
commerçants. Son objectifŠ? Leur vendre ses
services de prédiction des achats et de
conseils en marketing, récemment empaquetés dans une nouvelle formule payante et sur
abonnement : « IBM Commerce Insight. » Il
a donné un aperçu de ses capacités en matière
de détermination des tendances d’achat avec
un site gratuit et ouvert au public, listant les
100 produits les plus « populaires » du
moment aux États-Unis dans trois catégories :
technologie, jouets et santé.
Pour faire sa réclame, IBM s’est même offert,
en guise de recommandation, l’intervention
de Bob Dylan (qui vilipendait la publicité dans
sa chanson It’s Allright Ma (I’m Only Bleeding),
sortie en… 1965). Mais ferait-il pour autant
une bonne recrue pour un distributeurŠ? Le
bilan avec le concours de Céline Zouari, directrice e-commerce à IBM France.
UN MARCHÉ AMÉRICAIN
ÉVALUÉ À 50 MILLIARDS $
Ce programme informatique, conçu dans les
années 2000, doit son nom à Thomas Watson,
dirigeant de CTR (Computing Tabulating
Recording) Company en 1914, qu’il avait
renommé IBM en 1924. Le logiciel Watson
succède à Deep Blue, l’ordinateur qui avait
battu Gary Kasparov aux échecs en 1997. Dans
un marché de « l’intelligence artificielle » évalué à 50 milliards de dollars aux États-Unis
par Deloitte, Watson cherche à devenir « leader ». Les équipes d’IBM ont même forgé un
terme pour évoquer son application dans la
distribution : le « commerce cognitif ».
« Nous estimons qu’en 2020, chaque individu sur
la planète produira 1,7 mégaoctet de données par
seconde », assure Céline Zouari. Pour se faire
une idée, cela signifie qu’en naviguant sur
Internet, en échangeant sur des réseaux
sociaux ou en utilisant des objets connectés,
chaque individu produira assez de données
pour remplir la mémoire d’un smartphone de
16 Go en moins de trois heures. Avec son programme d’intelligence artificielle, IBM compte
non seulement se frayer un chemin parmi ces
milliards de milliards de bits produits sur la
planète et qui ne cessent de s’accroître, mais
il veut aussi « comprendre » ces données et
en tirer des conclusions susceptibles d’augmenter les revenus des commerçants.
Une ambition décrite ainsi par Céline
Zouari : « La partie cognitive, c’est la possibilité
de comprendre le sens profond de ces données :
donc les subtilités liées au langage, capter une
conversation sur Facebook ou Twitter mais aussi
sa substantifique moelle, dans le ton, l’humeur,
au même titre qu’un cerveau humain. C’est comprendre l’ironie. » Pour l’instant, Watson parle
anglais et « comprend » le français, et il
devrait être capable de communiquer dans
la langue de Molière courant 2016. Par ail-
PAR
MARINA
TORRE
@Marina_To
leurs, il « apprend » le japonais dans le cadre
d’un contrat avec la banque SoftBank. Des
adaptations en espagnol et en allemand sont
également prévues.
De ses capacités linguistiques, le fournisseur
de services tente aussi de tirer d’autres applications. Ainsi, avec Fluid, une startup récemment acquise, les ingénieurs du groupe ont
développé un « chatbot » – un assistant virtuel – qui permet de dialoguer à l’écrit en
langage naturel avec les clients d’un site d’ecommerce par exemple. La marque de vêtements sportifs The North Face expérimente
cette fonction qui permet de répondre aux
requêtes des clients sur des demandes précises de produits… comme le ferait un vendeur ou un employé de centre d’appels.
PLUS QU’UN ROBOT,
WATSON EST UN ASSISTANT
Michael Rhodin,
le responsable
d’IBM Watson,
lors d’une
conférence
à New York,
en janvier 2014.
Il annonçait alors
que le groupe
allait investir
plus de 1 milliard
de dollars dans
le projet Watson.
© REUTERS/BRENDAN
MCDERMID
Une machine plutôt qu’un humain pour
répondre aux questions des cyberacheteursŠ?
Ses prétentions vont bien au-delà. « C’est plus
qu’un robot, c’est vraiment un assistant. D’ailleurs, quand vous êtes en contact avec un centre
d’appels, vous n’obtenez pas toujours de l’information très personnalisée. Il y a souvent des
réponses très standard. Cette technologie est
capable d’intégrer rapidement un nombre très
important d’informations, bien plus que le cerveau humain », assure Céline Zouari. De
même, employé comme « expert en marketing », il serait en mesure de faire le travail
d’un spécialiste. Par exemple, à la question
« Pourquoi mon shampoing se vend mal à
Parisƒ? », il répondra sous forme de graphiques en indiquant le niveau des stocks
disponibles par rapport à la demande, sa
popularité ou son impopularité sur les
réseaux sociaux par catégorie sociale ou
encore l’état de l’opinion sur les produits
concurrents. « Nul besoin d’orienter la question.
C’est un processus statistique qui détermine le
niveau de corrélation entre chaque facteur »,
précise Henri Thouvenin, directeur du service des business analytics à IBM.
L’entreprise envisage même de développer
une nouvelle fonctionnalité qui consisterait à
répondre automatiquement à chaque cas de
figure par des actions concrètes. Par exemple,
si le shampoing se vend mal, il pourra suggérer de réduire son prix de 10Š% pour une catégorie de consommateurs potentiels ciblés.
« Nous laissons toujours le libre arbitre au professionnel, le but n’est pas non plus de remplacer
l’humain à 100ƒ% », tempère la responsable
commerciale de la filiale française.
Au palmarès des produits les plus tendance
du moment, l’Apple Watch figure sur le
podium rayon « tech » et les boîtes de Lego
Star Wars sont numéro un dans le jouet. Fallait-il vraiment tant d’intelligence pour deviner que les nouveaux jouets de la marque à la
pomme et du fabricant danois ont toutes les
chances de faire beaucoup parler d’eux en ce
momentŠ? Surtout, dans le dernier cas, lorsque
l’on observe le dispositif publicitaire et commercial d’une ampleur inédite mis en place
avant la sortie du septième opus de la saga
créée par George Lucas.
L’usage de Watson se justifierait moins par la
liste elle-même du top 100 que par les explications associées à chaque produit. C’est du
moins ce qui semble avoir convaincu le Washington Post. Ce dernier relève par exemple que,
dans le cas de Lego, la machine d’IBM identifie un effet halo : non seulement les boîtes à
l’effigie de Star Wars risquent de se vendre en
grande quantité, mais la marque danoise
bénéficie d’un effet d’entraînement pour
vendre aussi ses autres boîtes de jeu.
Par ailleurs, pour les commerçants en ligne,
l’aspect « prédictif » permettra d’anticiper ses
volumes de stocks. Surtout lors de périodes
très tendues comme le « Black Friday » et le
« Cyber Monday » où les transactions, même
si le volume des ventes tend à se réduire,
atteignent des dizaines de milliards de dollars.
Seulement, de telles périodes se préparent
bien en amont. Alors, jusqu’à combien de
temps avant le jour J Watson est-il pertinentŠ?
Pour le jouet, il serait capable de détecter des
tendances « dès qu’il y a des échanges sur les
réseaux sociaux, en ce qui concerne ces produits.
Les enfants commencent leur liste au Père Noël
environ un mois avant, c’est là que commencent
les conversations dans les cours de récréation ou
sur les réseaux sociaux », affirme Céline Zouari.
De quoi laisser assez de temps pour « gérer le
réapprovisionnement », estime-t-elle.
DES ATOUTS PAR RAPPORT
À LA CONCURRENCE
IBM est loin d’être la seule entreprise à investir massivement dans l’intelligence artificielle : Google, Facebook et bien sûr Amazon
s’engouffrent aussi dans cette voie, tout
comme des startups. Les porte-parole de
Watson mettent surtout en avant sa capacité
à comprendre le langage humain en fonction
du contexte et ses capacités d’apprentissage,
un graal dans le domaine de l’intelligence
artificielle. Par ailleurs, la largeur de ses
sources est présentée comme un autre avantage. Pour sa fonction « conseiller en marketing », Watson en compulse 10Š000 différentes, qui vont des réseaux sociaux aux
blogs en passant par les avis des clients sur
les produits postés en ligne, les relevés météo
provenant de The Weather Company, récemment acquise, et bien sûr, le cas échéant, les
niveaux de stocks et de ventes des entreprises ayant confié ces données à IBM.
L’abonnement au module Commerce Insight,
le tableau de bord dynamique pour les merchandiser coûte 200 euros par utilisateur et
par mois. Le coût de l’application de « chatbot » n’est pas détaillé. La marque américaine
de vêtements Carhartt est pour l’instant la
seule à avoir officialisé « l’embauche » de
l’outil d’analyse de données commerciales.
Impossible encore de connaître l’effet réel de
Watson sur l’accroissement du nombre de
transactions par rapport aux visites sur les
sites d’e-commerce qui l’ont adopté.
C’est donc avec les seules démonstrations
théoriques de ses performances que les commerciaux d’IBM tenteront d’en convaincre
d’autres, lors du congrès organisé chaque
année par la National Retail Federation
(fédération américaine de la distribution) en
janvier 2016, ou dans des salons en Europe.
En France, ils invitent leurs clients et prospects dans des locaux à Bois-Colombes où
sont reconstitués des lieux susceptibles
d’adopter leurs services comme un magasin,
un arrêt de bus, etc.
Car, avant de convertir Watson en oracle
pour marketeurs, IBM gère des plateformes
d’e-commerce pour des grands comptes.
Parmi ses clients français figurent Boulanger,
Darty, Manutan, SFR (pour la VOD), Zara,
Massimo Dutti ou C&A. ■
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34 I
ENTREPRISES
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
NOUVEAUX USAGES
Faut-il avoir peur
du paiement sans contact ?
à la crainte des Français de voir leurs données
bancaires piratées : d’après un sondage publié
début juin par l’institut CSA pour le compte
de Bercy, les trois quarts des personnes interrogées considèrent que le paiement sans
contact les expose davantage au risque de
fraude. « Le paiement sans contact ne génère pas
de risque particulier, d’autant plus qu’il ne
concerne que des paiements inférieurs ou égaux à
20 euros », affirme Gérard Nébouy.
En 2015, le nombre de paiements par carte sans contact s’élève déjà
à 110 millions dans l’Hexagone, selon Visa Europe France. Après un démarrage
plutôt tranquille, les comportements des consommateurs évoluent…
SEULS 8 % DES FRANÇAIS
ONT PAYÉ AVEC LEUR MOBILE
R
égler par carte en magasin
sans taper son code sur le
terminal de paiement, ce
n’est plus de la science-fic@chlejoux
tion. Au cours du seul mois
de septembre, la France a
enregistré près de 22 millions de paiements par carte sans contact,
soit un triplement en l’espace de douze mois,
selon une étude publiée le 23 novembre par
le cabinet Galitt. Les efforts déployés depuis
cinq ans par les promoteurs de la technologie
sans contact commenceraient-ils enfin à
payerŠ? Ce serait aller un peu vite en besogne,
estime en substance Galitt, qui souligne que
les 22 millions de transactions sans contact
réalisées en septembre représentent 3Š% seulement du nombre total de paiements par
carte effectués sur la même période. Reste
que les paiements
sans contact ne
peuvent aujourd’hui
dépasser le seuil de
20 euros par transaceuros
tion. À l’aune de cette
par transaction, c’est la somme
limite, les 22 millions
à ne pas dépasser pour
de transactions sans
les paiements sans contact.
contact de septembre
revêtent une tout
autre ampleur, puisqu’elles pèsent 30Š% du
total des paiements par carte inférieurs à
20 euros, d’après Visa Europe.
Pour mémoire, lors de la présentation des
résultats annuels de l’émetteur européen de
cartes bancaires, le 27 janvier dernier,
Gérard Nébouy, directeur exécutif de Visa
Europe France, avait fait le pari que le
nombre de paiements par carte sans contact
atteindrait cette année les 100 millions dans
l’Hexagone, contre 22 millions en 2014,
année qui avait déjà vu les transactions sans
PAR
CHRISTINE
LEJOUX
20
Selon
une étude
publiée
le 19 novembre
par Deloitte,
seuls 8 % des
propriétaires de
smartphones
interrogés
ont déjà utilisé
leur mobile
pour payer
en magasin.
© ISTOCK
contact multipliées par huit. Pari gagné :
« Cette année, le nombre de paiements par carte
sans contact s’élève déjà à 110 millions en
France, ce qui représente un chiffre d’affaires
de 1,1 milliard d’euros. Le démarrage du sans
contact avait certes été plutôt tranquille, mais
on assiste aujourd’hui à un changement du
comportement des consommateurs, qui voient
dans ce mode de paiement un gain de temps
considérable », indique Gérard Nébouy.
INQUIÉTUDES
SUR LA SÉCURITÉ
Outre cette évolution sociétale, les infrastructures indispensables à l’essor du sans
contact sont désormais en place. Environ
40 millions de cartes de paiement sans
contact ont pris place dans les portefeuilles
des Français, ce qui représente 60Š% du total
des cartes. « Les banques ont diffusé massive-
INNOVONS ENSEMBLE
ment les cartes sans contact. Quelque 23,7 millions de cartes Visa sans contact sont ainsi en
circulation en France, soit 52ƒ% du nombre total
de porteurs de cartes Visa », renchérit Gérard
Nébouy. Et d’ajouter : « Parallèlement, le cycle
de renouvellement des terminaux de paiement
permet d’avoir aujourd’hui 500ƒ000 commerçants – dont un nombre croissant de grandes
enseignes – équipés du sans contact, soit 30ƒ%
du parc global. » Pour le dirigeant, « une
masse critique a ainsi été atteinte, tant sur le
plan du nombre de cartes sans contact que sur
celui du nombre de terminaux équipés ».
Il faut dire que le gouvernement pousse à la
roue, bien décidé à moderniser les moyens de
paiement. Le 15 octobre, lors du lancement
d’une stratégie nationale des moyens de paiement, Michel Sapin, le ministre des Finances,
avait ainsi indiqué que la totalité des terminaux de paiement des commerçants devraient
être équipés de la fonction sans contact, d’ici
au 1er janvier 2020. Des efforts qui se heurtent
AVEC
De fait, le 9 juillet, en présentant le rapport
annuel de l’Observatoire de la sécurité des
cartes de paiement, Christian Noyer, qui était
alors gouverneur de la Banque de France,
avait indiqué qu’à 0,015Š% du montant total
des paiements, le taux de fraude sur les paiements par carte sans contact était à peine
plus élevé que celui des paiements par carte
en magasin (0,010Š%), et très inférieur au
taux de fraude sur les paiements par carte à
distance (0,248Š%). De plus, pour Gérard
Nébouy, un sondage n’est qu’un sondage :
« Le fait que le nombre de paiements par carte
sans contact ait dépassé la barre des 100 millions
cette année prouve que les consommateurs ne
nourrissent pas de craintes particulières. »
Pourtant, c’est bien un sentiment d’insécurité qui est invoqué par 49Š% des quelque
2Š000 Français interrogés par Deloitte pour
expliquer leur frilosité au paiement sans
contact, non pas par carte cette fois-ci,
mais par mobile. Selon une étude publiée
le 19 novembre par le cabinet d’audit, seuls
8Š% des propriétaires de smartphones
interrogés ont déjà utilisé leur mobile pour
payer en magasin. Et 59Š% de ceux qui n’ont
jamais tenté l’expérience n’ont aucune
envie de franchir le pas.
La partie ne semble donc pas gagnée pour
les auteurs des diverses initiatives en cours
dans ce domaine, l’une des dernières en date
étant Orange Cash. La donne changera peutêtre lorsque Apple Pay arrivera en France, la
firme à la pomme s’y entendant pour dicter
les tendances. « Nous soutenons Orange Cash,
nous sommes associés à Apple Pay au RoyaumeUni et nous travaillons également avec d’autres
acteurs, pour développer des solutions sous
Android dans le cloud [fonctionnalité HCE
(host card emulation), ndlr] », indique
Gérard Nébouy. « En matière de paiement
mobile, qui vient en complément des paiements
par carte, nous sommes agnostiques », insiste
le patron de Visa Europe France. En attendant de voir laquelle de ces solutions s’imposera au marché. ■
ET
Améliorer l’esthétique des parements de béton, c’est l’activité de
LR Vision, société toulousaine de 20 personnes créée en 2004
par deux docteurs en Génie Civil, Érick Ringot et Guillaume
Lemaire. « Les architectes réclament du béton brut, et nous
avons mis en place des outils métrologiques qui permettent de
statuer de manière objective sur ses qualités esthétiques »
précise Érick Ringot, co-gérant. En 2005, la start-up toulousaine
développe des lasures pour béton - des produits semi
transparents et teintés qui ne modifient pas l’aspect minéral du
béton - pour apporter des corrections esthétiques. Des produits
applicables sur béton coffré dans les chantiers ou pour les
bétons préfabriqués. « Un fabricant qui veut du béton teinté dans
la masse avec un pigment peut avoir des surprises au décoffrage
au niveau de la couleur. À Galway en Irlande, des dalles en
composites de couleur rose sont sorties complètement
hétérogènes. Le fabricant a fait appel à nous pour uniformiser
les dalles sans dénaturer le béton » ajoute le co-gérant de LR
Vision. La société possède un portefeuille de brevets, surtout
pour les procédés d’ingénierie. Bpifrance a aidé la PME avec un
crédit d’impôt recherche de 50 000 euros en 2010 pour un projet
de lasures protégeant les surfaces bâties de la pollution, et un
autre du même montant en 2012 pour des lasures pour le bois.
Bpifrance a également accordé à la PME de Castanet Tolosan
(Gironde) des prêts remboursables de deux fois 100 000 euros
pour une nouvelle gamme de produits et une aide à l’export.
« Nous avons aussi racheté un fonds de commerce pour une
distribution exclusive de résine avec un emprunt bancaire garanti
à hauteur de moitié par Bpifrance pour 150 000 euros. Nos
interlocuteurs sont multi-compétences, c’est très positif. Le
niveau de confiance avec eux est excellent. Ces aides nous ont
permis de booster notre chiffre d’affaires de plus de moitié cette
année » apprécie Érick Ringot.
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36 I
ENTREPRISES
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
vaillé avec les équipes de Qwant en amont,
Qwant Junior se dote aussi d’une dimension
pédagogique. Disponible depuis le 1er décembre
dans les écoles et collèges, il espère devenir le
moteur de recherche par défaut des établissements et un outil pour les professeurs. Un bon
calcul alors que le Plan numérique pour l’éducation prévoit d’équiper 100Š% des enseignants
en PC et tablettes à l’horizon 2020. Afin de
continuer à améliorer la pertinence des
recherches, les équipes enseignantes peuvent
aussi signaler et supprimer elles-mêmes des
informations qu’ils jugent inadaptées aux
élèves, mais qui seraient parvenues à détourner le filtre des contenus indésirables.
UNE DÉMARCHE
DE « MARKETING ÉTHIQUE »
Développé
depuis un an
par les équipes
de Qwant,
en lien avec
l’Éducation
nationale,
Qwant Junior
s’impose
comme
le premier
moteur
de recherche
sécurisé
et conçu
spécialement
pour
les 6-13 ans.
© REUTERS
PAR SYLVAIN
ROLLAND
@SylvRolland
FILTRER LE WEB
Qwant Junior préserve
ses jeunes utilisateurs
Le moteur de recherche français lance Qwant Junior.
Ce portail destiné aux enfants et aux professeurs se veut épuré
de contenus violents, sexuels et de liens commerciaux.
F
aites le test : tapez « attentats Paris » sur le moteur de
recherche Qwant (ou sur un
service concurrent). Vous
tomberez immédiatement
sur des images violentes,
des corps ensanglantés,
mutilés… Une plongée brutale dans l’horreur, y compris pour des adultes.
Puis, faites la même recherche, mais sur Qwant
Junior, le nouveau moteur de recherche pour
enfants lancé vendredi 4 décembre. Si vous
cliquez sur l’onglet « Images », les résultats
traduisent aussi la réalité des attentats : débris
dans les rues, passants en pleurs, forces de
l’ordre en action. Mais pas de sang ni de corps
déchiquetés en pleine rue. Éric Léandri, le
cofondateur de Qwant, explique : « Il ne s’agit
pas de censurer Internet, mais de mettre à
l’écart des contenus inadaptés à un public jeune.
Cela inclut la violence, la drogue et la pornographie. Ces précautions permettent à l’enfant de
surfer sans risques et de rassurer les parents,
souvent inquiets de ce que leurs enfants peuvent
trouer sur la Toile. »
Développé depuis un an par les équipes de
Qwant, en lien avec l’Éducation nationale,
Qwant Junior s’impose donc comme le premier moteur de recherche sécurisé et conçu
spécialement pour les 6-13 ans. Comme son
grand frère, la version pour têtes blondes respecte la vie privée, garantit le chiffrement des
recherches, n’enregistre pas les données de
navigation et ne comporte aucune publicité.
De quoi rassurer les parents, à l’heure où 62Š%
des sites consultés par les enfants ne disposent
ni de contrôle parental, ni d’un contenu surveillé pour éviter des pages inappropriées.
Mais comment déterminer ce qui convient
ou pas aux enfantsŠ? Pour cela, Qwant Junior
bannit de son indexation tous les contenus
issus de la liste noire de l’université Toulouse 1 Capitole, soit 1,6 million de sites.
L’algorithme repère aussi des contenus incongrus grâce aux mots clés et aux associations
de mots. Il prend aussi en compte l’actualité.
« En ce moment, on peut tomber sur des images
très violentes en tapant “Bataclan”, donc nous
faisons attention à bien filtrer le contenu, à faire
remonter les images de la devanture et de
concerts, tout en permettant à l’enfant de s’informer sur le sujet », précise Éric Léandri.
Grâce à la mobilisation de la Direction du
numérique pour l’éducation (DNE), qui a tra-
De plus, un onglet « Éducation » a été ajouté.
Il contient uniquement des contenus « à caractère pédagogique », sélectionnés dans une « liste
blanche » de plus de 1 million de sites. Enfin,
et contrairement aux autres moteurs de
recherche, Qwant Junior ne fait pas apparaître
les liens pour acheter en ligne. Le premier
résultat de la recherche « maths CE2 », par
exemple, ne sera donc pas l’annonce d’Acadomia comme sur Google, mais un site de cours
et d’exercices gratuits.
Sans publicité ni utilisation des données, comment Qwant rentabilise-t-il ce nouveau serviceŠ? « On ne se rémunère pas », balaie Éric
Léandri. Et pour cause : Qwant Junior est du
« marketing éthique ». « On espère juste que,
Qwant étant adopté par le maximum d’écoles et
de collèges, les enfants devenus adultes utiliseront
ensuite la version normale de Qwant, sur laquelle
on gagne de l’argent grâce à l’onglet Shopping »,
avance le cofondateur. Malin… D’autant plus
que Qwant Junior, tout comme son grand
frère, a de grandes ambitions. Ses créateurs
aimeraient l’imposer partout en Europe. Des
versions anglaise et allemande sont déjà prêtes,
d’autres langues suivront d’ici à 2017.
Alternative de plus en plus crédible à Google
malgré une part de marché toujours très faible
(seulement 6 millions de recherches par jour
environ, soit à peine 1Š% du marché de la
recherche en ligne français), Qwant ne cesse
de gagner des aficionados : +Š300Š% depuis
l’automne dernier. Si bien que l’entreprise
française, qui séduit grâce à son approche
éthique et non invasive de la vie privée, a reçu,
fin novembre, le soutien de poids de la Banque
européenne d’investissement (BEI), qui va
investir 25 millions d’euros pour développer
Qwant dans d’autres pays d’Europe. ■
MONNAIE VIRTUELLE
Goldman Sachs veut concurrencer le bitcoin
Plus d’un an après avoir publié un rapport au vitriol sur le bitcoin,
la célèbre banque d’affaires américaine a finalement décidé de l’imiter, en introduisant
le SETLCoin, qui sera utilisé pour faciliter ses opérations de courtage.
I
l n’y a que les imbéciles qui ne
changent pas d’avis, dit-on. Après
avoir publié un réquisitoire de
25 pages contre le bitcoin (« qui ne
peut vraisemblablement pas fonctionner
comme une monnaie ») en mars 2014,
la banque d’affaires Goldman Sachs
a décidé de l’imiter en lançant sa
propre monnaie cryptographique. De fait, la
banque avait tout de même salué la sophistication technique de Blockchain, la plateforme
utilisée par le bitcoin et dont elle s’inspirera pour
sa nouvelle monnaie, baptisée SETLCoin. Goldman Sachs compte sur cette innovation pour lui
permettre de faciliter ses opérations de courtage
ainsi que leur règlement, selon les brevets déposés en ce sens auprès des autorités américaines.
Le bitcoin est une monnaie alternative et virtuelle, c’est-à-dire qu’elle n’a pas d’existence
physique au sens traditionnel du terme (fiduciaire) et qu’elle se manipule via des infrastructures informatiques (centres de données,
serveurs, réseaux, terminaux…), sous une
forme cryptée (d’où le terme de crypto-monnaie) pour d’une part sécuriser les transactions de pair à pair et d’autre part les réaliser
en tout anonymat.
Si les salles de marché de grandes banques et
de maisons de courtage disposent d’ordinateurs
effectuant des opérations en millièmes de
secondes, il faut encore des jours pour que
l’argent et les titres ou produits financiers
changent effectivement de mains. Cette procédure est connue sous le nom de règlement. Or,
pendant ce laps de temps, l’acheteur ou le vendeur peut avoir fait faillite. C’est ici qu’intervient le SETLCoin, à même selon Goldman
Sachs de garantir « une exécution et un règlement
quasi instantanés » des échanges.
En effet, pour ne pas se laisser dépasser par la
révolution des crypto-monnaies, des grandes
banques traditionnelles testent depuis des mois
la technologie Blockchain dans l’espoir d’offrir
ensuite leur propre monnaie virtuelle. Il s’agit
du logiciel qui alimente, régule, et permet,
in fine, d’authentifier les transactions en monnaie bitcoin grâce à une ligne de code. Chaque
nouvelle transaction apparaît sous la forme
d’une ligne de code chiffrée et s’inscrit dans une
sorte de liste (visible par tout le monde) appelée « blockchain » (chaîne de blocs), en fait une
base de données en temps réel où elle est stockée à jamais et ne peut plus être modifiée. Bref,
un historique des transactions inviolable.
Ses partisans mettent en avant la transparence de ce grand livre comptable public, à
bas coûts et rapide. Ils soulignent que cette
technologie Blockchain est plus rapide et
moins onéreuse que les systèmes utilisés
actuellement par les banques pour le transfert
de l’argent. Les banques britannique Barclays,
américaine Citigroup et espagnole Banco Santander mènent actuellement des tests séparément sur leur propre crypto-monnaie. Un
consortium de banques comprenant HSBC et
UBS travaille de son côté avec la startup R3
pour l’utilisation de la technologie Blockchain
dans le système financier mondial. ■
38 I
© DR
CLIMAT #COP21
Le chiffre
Le prix de 60 %
des émissions
de CO2 est égal à zéro
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
+
AU-DELÀ DE LA CONFÉRENCE
L’après-COP
a déjà commencé
Quels que soient les détails du texte sur lequel les États se seront
mis d’accord lors de la COP21, plusieurs indices montrent que le monde
est à l’aube de bouleversements qui vont modifier le cadre
dans lequel évolueront les entreprises dans les prochaines décennies.
Combien coûtent effectivement
les émissions de carbone provenant
de la consommation d’énergie ?
Bien moins que ce que vaut leur
dommage climatique, regrette l’OCDE
dans un rapport publié le 7 décembre.
En additionnant les taxes spécifiques
sur l’énergie, les taxes sur le carbone
ainsi que les prix des systèmes
d’échanges de quotas d’émissions
pratiqués dans les 34 pays membres
de l’OCDE et sept économies partenaires,
l’organisation révèle que seulement 10 %
des émissions prises en compte
ont un prix total supérieur à 30 euros par
tonne, ce qui correspond à l’estimation
minimale des effets nocifs sur le climat
d’une telle quantité de CO2. Parmi
ces émissions, 60 % ne sont d’ailleurs pas
du tout tarifées. En dehors du secteur du
transport routier, ce sont par ailleurs 70 %
des émissions qui ont un prix égal à zéro.
L’idée
Un mini-scooter
électrique transportable
comme un chariot
© FREEWAY PRO
C’est l’une des trouvailles les plus
amusantes que l’on peut repérer en
visitant « Solutions COP21 », l’exposition
du Grand Palais consacrée, le temps
de la conférence sur le climat,
aux propositions des entreprises,
associations et collectivités locales
contre le réchauffement climatique.
Imaginé par le « l’inventeur en série »
Raoul Parienti – quatre fois lauréat
du célèbre concours Lépine et titulaire
de quelque 150 brevets –, Freeway est
un mini-scooter électrique à trois roues,
pouvant atteindre la vitesse de 25 km/h.
Son atout est qu’il peut être plié,
pour rentrer dans le coffre d’une voiture
ou… être transporté à la main comme un
chariot. Le véhicule, qui pèse 14 kg, peut
être rechargé quasi complètement en
deux heures, et dispose de 30 kilomètres
d’autonomie. Une subvention européenne
va permettre d’en financer la production
à grande échelle, pour au moins
satisfaire les 2 500 intentions d’achat
déjà exprimées selon son inventeur.
Il coûtera moins de 1 000 euros.
C
e n’est sans doute pas la nouvelle qui a fait le plus de bruit
au cours des deux dernières
semaines, pourtant c’est peutêtre le signe le plus évident que
l’économie a entamé sa mue.
Un rapport publié en début de
semaine montre que, pour la première fois
depuis des décennies en période de croissance,
la quantité d’émissions produites au cours d’une
année dans le monde pourrait diminuer légèrement en 2015, après avoir stagné en 2014. Une
légère baisse, estimée à 0,6Š%, à mettre en regard
d’une croissance du PIB mondial de 3,4Š% en
2014 et 3,1Š% en 2015. Cela est largement dû à la
baisse de consommation du charbon en Chine,
mais pourrait préfigurer ce que sera l’avenir,
avec une rupture de la corrélation entre croissance et émissions. C’est le fameux découplage,
qui seul rend envisageable un avenir bas carbone
sans décroissance.
Cette baisse de la demande en charbon, particulièrement sensible en Chine, premier marché
mondial, se ressent plus largement. Devant
cette situation, de plus en plus de détenteurs
d’actifs ont décidé de retirer (totalement ou
partiellement) leurs fonds de ce secteur. L’ONG
350.org, qui a beaucoup fait pour amplifier le
phénomène, a annoncé pendant la COP un nouveau record de 3,4 milliards de dollars (3,13 milliards d’euros) désinvestis par 500 institutions
en un an. Parmi elles, de nombreuses banques
dont les françaises Crédit agricole, Natixis,
Société générale, BNP Paribas ou Caisse des
dépôts, des assureurs comme Axa ou plus
récemment Allianz, mais aussi des villes, dont
Dijon, Bordeaux ou Saint-Denis…
Da façon générale, le secteur financier s’organise pour mieux prendre en compte les risques
liés au changement climatique. Dernière
annonce en date : le Conseil de stabilité financière (FSB), qui regroupe les banques centrales
des pays du G20, vient de confier à Michael
Plusieurs
initiatives,
notamment
We Mean
Business, RE 100
et Science Based
Targets,
montrent que
de nombreuses
entreprises
n’attendent pas
pour avancer
sur la voie de
la décarbonation.
© AFP
Bloomberg, ancien maire de New York et envoyé
spécial des Nations unies pour le climat, l’animation d’un nouveau groupe de travail qui doit
définir le cadre dans lequel les assureurs, les
banques, les investisseurs devront publier les
informations concernant leur gestion du risque
climat. Cette initiative montre que le sujet
« risque climatique » atteint désormais les plus
hautes sphères de la finance.
LES ENTREPRISES S’ENGAGENT
MÊME SANS PRIX DU CARBONE
Pour accélérer leur mutation vers un monde bas
carbone, les entreprises réclament dans un bel
ensemble que soit fixé un prix du carbone leur
permettant de rentabiliser leurs investissements.
En marge des négociations elles-mêmes, une
prestigieuse brochette de chefs d’État sont venus,
aux côtés de la Banque mondiale et du FMI, dire
tout le bien qu’ils pensaient d’un tel dispositif et
porter sur les fonts baptismaux la Carbon Pricing
Leadership Coalition qui regroupe 73 États et
régions, ainsi qu’un millier d’entreprises et investisseurs. Les membres de We Mean Business,
groupement d’entreprises fondé par le patron de
Virgin Richard Branson, ont également appelé
les gouvernements à fixer un objectif clair et de
long terme dans le cadre de l’accord.
Pourtant, de nombreuses entreprises n’ont pas
attendu pour avancer sur la voie de la décarbonation. Au sein de l’initiative RE 100, elles sont
plus de 50, dont le groupe La Poste, à viser un
approvisionnement en énergie à 100Š% renouvelable. Certaines sont également membres de
Science Based Targets, initiative par laquelle
plus d’une centaine d’entre elles s’engagent à
aligner leurs objectifs de réduction d’émissions
de gaz à effet de serre sur les recommandations
des scientifiques du Giec, pour maintenir l’augmentation de température moyenne mondiale
bien en dessous de 2Š°ŠC.
Mais les entreprises ne sont pas les seules à
s’être engagées de la sorte en marge de la COP.
Lors du Sommet des élus locaux pour le climat
organisé à l’initiative d’Anne Hidalgo, ce sont
près de 1Š000 édiles qui se sont mobilisés. Promettant de réduire leurs émissions annuelles
de façon significative d’ici à 2030, ils se prononcent eux aussi en faveur d’une énergie
100Š% renouvelable d’ici à 2050. Et cela n’est
qu’une des nombreuses actions des acteurs
locaux présentées au sein du Plan d’actions
Paris-Lima, consacré à la société civile dans le
cadre de la COP.
LES VILLES, LEVIERS DE LA
COMMANDE PUBLIQUE « VERTE »
Pendant que les États peinent à parvenir à un
accord, cette mobilisation des acteurs « infranationaux » est de bon augure pour les entreprises
qui développent des solutions bas carbone. Elles
représentent en effet autant de marchés pour
des produits et services qui leur sont indispensables pour atteindre leurs objectifs. En marge
de la réunion des municipalités des capitales
européennes en mars dernier, Paris, Bruxelles et
Rome se sont d’ailleurs regroupées pour des
commandes communes en électricité verte et
véhicules électriques.
Interrogé sur la nécessité d’un « objectif de long
terme » précis dans le texte de l’accord pour
donner un signal clair aux entreprises, un
industriel n’y va pas par quatre chemins : un
objectif fixé par les États pour 2050Š? Toutes
les entreprises n’ont même pas de plan stratégique à trois ans… et d’ici là, la moitié des entreprises qui existent aujourd’hui auront disparu.
En revanche, des règles stables dans le temps
et imposant que la commande publique soit
désormais réservée aux solutions bas carbone,
voilà de quoi les pousser à accélérer sur leur
lancée ! ■
DOMINIQUE PIALOT
L'ÉGALITÉ RÉELLE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES
EST À LA PORTÉE DE CETTE GÉNÉRATION
© UN Women/Karin Schermbrucker
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75205 Paris 13
40 I
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
MÉTROPOLES
L’EMPIRE DES MÉGAPOLES
Les nouveaux défis
de l’urbanisation chinoise
Avec 15 mégalopoles de plus de 10 millions d’habitants, la Chine s’est dotée
d’infrastructures géantes, au prix d’effets pervers considérables : spéculation
foncière, pollutions et gaspillage des ressources. Alors que le nombre d’urbains
va passer de 55 % à 70 % en 2030, comment faire mieux et plus écologique ?
PAR
VIRGINIE
MANGIN,
À PÉKIN
L
es chiffres sont vertigineux, l’échelle presque
inhumaine. Depuis le
début des réformes
économiques, lancées
il y a plus de trente ans,
le pays agricole qu’était
la Chine concentre
aujourd’hui les plus grandes villes du
monde. Concrètement, cela signifie qu’en
trois décennies, plus de 500 millions de
ruraux ont été reconvertis en urbains,
parfois de force. On trouve en Chine,
selon un rapport de l’OCDE publié cette
année, 15 villes de plus de 10 millions
d’habitants… En incluant ses faubourgs,
Shanghai compte 34 millions d’habitants,
et Pékin 23,9 millions.
Certes, cette urbanisation accélérée a été
un vrai succès d’ingénierie civile. La Chine
a désormais le plus grand réseau TGV
du monde. Toutes les villes de plus de
500Š000 habitants y sont reliées. Shanghai
vient d’inaugurer cette année sa « Shanghai Tower », deuxième tour plus haute du
monde. Un gratte-ciel futuriste qui passe du
vert au violet, au jaune puis au rouge tout en
s’élevant dans le ciel. Dans les années 1990,
au même endroit, il n’y avait que des marécages insalubres… D’ailleurs, la ville qui a
accueilli l’Exposition universelle de 2010 est
à elle seule une vitrine de modernité architecturale, et ses immeubles, connus pour
leurs sommets excentriques, figurent désormais dans de nombreux films de Hollywood.
UNE VILLE INHUMAINE,
OÙ LA VOITURE EST REINE
Mais ce n’est pas la seule ville chinoise qui
s’inscrit dans le livre des records. Chengdu,
dans le Sud-Ouest, possède le plus grand
centre commercial du mondeŠ; Zheng-
zhou, capitale de la province du Henan,
au centre, la plus grande gare TGV. Au vu
de ses simples infrastructures, la Chine a
accompli la tâche quasi-impossible de passer d’un pays sous-développé à un des plus
modernes du monde à peine une génération. Cette urbanisation éclair a permis à la
Chine non seulement d’assurer des taux de
croissance supérieurs à 10Š% pendant trois
décennies, mais surtout de sortir de la pauvreté plus de 500 millions de personnes en
leur fournissant un toit, l’électricité, l’accès
à des réseaux de transports en commun et
à de meilleurs soins hospitaliers. Contrairement aux autres pays en développement,
elle a évité la case bidonvilles insalubres et
violences urbaines.
Mais l’ardoise laissée par cette croissance
effrénée et obsessionnelle est lourde :
gares et aéroports vides, villes fantômes,
surcapacités dans toute la chaîne de production, pollution de la terre, du sol et
de l’eau, gaspillage des ressources, une
population de travailleurs migrants – sans
eux, ce défi n’aurait jamais pu voir être
relevé – qui ne bénéficient d’aucun droit
social hors de leur ville de naissance.
De plus, l’urbanisation a souvent été faite
en dépit du bon sens. Prenons l’exemple
de Pékin. Certes, la capitale de la deuxième
économie mondiale s’est dotée d’un réseau
de lignes de métro qui couvre maintenant
plus de 470 km, soit plus du double de celui
de Paris. Mais les stations sont créées non
pour répondre à un besoin, mais de manière
systématiquement équidistante l’une de
l’autre. Même souci d’équilibre mathématique pour les croisements et ronds-points.
Selon le bureau de l’urbanisme municipal, il
doit y avoir une artère tous les 500 mètres et
une route à huit voies tous les kilomètres. Le
résultat : une ville inhumaine, où la voiture
est reine faute d’un réseau de transports en
commun adéquat, traversée par des boule-
vards embouteillés de la taille d’autoroutes.
Il faut parfois marcher pendant 15 minutes
avant de traverser une rue, sans parler de
la quasi-absence de trottoirs assez larges
pour les poussettes… Le Pékinois passe deux
fois plus de temps dans sa voiture pour aller
travailler qu’un New-Yorkais.
Il faut rappeler que, traditionnellement,
les villes chinoises des années 1950 ont été
construites autour d’unités de travail : l’entreprise prenait en charge la vie de l’employé
du lever au coucher. La manière de penser
la ville n’a pas tellement changé (le métro
de Pékin avait été construit pour des raisons militaires et non civiles), alors que la
société, elle, s’est métamorphosée. En bref,
le premier souci des gouvernements locaux
a été la croissance, encore la croissance, et
peu ou pas de souci pour l’humain. C’est
toujours le cas aujourd’hui.
UN MODÈLE
À BOUT DE SOUFFLE
Mais le modèle est à bout de souffle. Les inégalités se creusent. Les images de villes englouties par un nuage épais de pollution sont
légion. En mars 2014, la Banque mondiale,
en partenariat avec un institut de recherche
chinois proche du gouvernement, a mis en
garde contre l’urbanisation telle qu’elle a été
réalisée jusqu’ici. Ce document de 244 pages
épingle l’urbanisation chinoise décrite comme
« inefficace » et qui « a atteint ses limites ». « La
croissance de la Chine a été tirée par l’investissement plus que par la productivité. Or, les
investissements deviennent de moins en moins
efficaces pour générer de la croissance, tant
au niveau national qu’au niveau des villes »,
peut-on y lire. « L’urbanisation dépend de
manière excessive de la conversion des terres
et d’un financement grâce à la vente de terres
agricoles. Cela a pour conséquence une étendue
urbaine incontrôlée et par la même occasion des
villes fantômes et un gaspillage du développement
immobilier. » Selon le document, il existe
deux principaux problèmes qui bloquent
une meilleure gestion urbaine. En premier
lieu, le fait que les fermiers ne sont pas propriétaires de leurs terres. Cela permet aux
gouvernements locaux de les exproprier à
moindre coût puis de revendre le terrain
avec une forte plus-value aux promoteurs.
Deuxièmement, le « hukou », qui lie une
personne à son lieu de naissance et lui
donne accès aux services publics – écoles,
hôpitaux, retraites –, et dont des millions
de travailleurs migrants sont aujourd’hui
exclus. C’est donc une véritable réforme
fiscale et sociale qu’il faut mettre en œuvre.
Le gouvernement est tout à fait au courant
des problèmes et, alors que la croissance
chinoise s’essouffle, il a besoin plus que
L’ÉCHEC ANNONCÉ DU MIRAGE DES ÉCOCITÉS
C’
était le mot à la mode il y a dix ans.
Les « écocités », concept hybride en Chine, qui
chapeaute tant l’utopie d’une ville zéro carbone
qu’un espace urbain un peu plus vert que la norme,
ont poussé comme des champignons dans tout le pays.
C’était un moyen de collecter des subventions,
des technologies étrangères et un peu d’attention
médiatique. Aujourd’hui, le bilan est maigre et, sur
les 100 et quelques écocités en construction, il est
difficile de faire le tri entre celles qui verront le jour
et celles qui sont vraiment écologiques. À ce jour, pas
une seule vraie écocité n’a vu le jour et ne fonctionne.
L’écocité de Dongtan, aux environs de Shanghai, a été
abandonnée à l’état de plan. Le quartier ville durable qui
doit être développé à Wuhan en partenariat avec
la France a pris plusieurs années de retard. Et
Huangbaiyu, en Mandchourie, dessinée par une vedette
du design écologique, William McDonough, est une longue
liste d’incohérences et ne répond nullement aux besoins
de la population locale, qui refuse d’y habiter.
Seule l’écocité de Tianjin, construite avec la ville
de Singapour, peut se vanter d’être plus verte que
le reste de la zone et d’avoir su attirer quelques
habitants. Pourtant, ce quartier, qui se trouve aux abords
du centre de Tianjin sur un ancien marécage, émet plus
de CO2 que Londres, utilise plus d’eau par habitant que
la capitale britannique et possède moins d’espaces verts.
Elle partage en outre le même air brunâtre que Tianjin.
Selon Li Xun, secrétaire des études urbaines pour
la Société chinoise, pas une seule « écocité » chinoise
n’est un tant soit peu écologique.
Pourtant, sur le papier, ces projets, aux ambitions
parfois démesurées, sont toujours très beaux à voir.
Immeubles aux dernières normes, espaces verts, énergies
renouvelables pour alimenter les besoins en électricité…
Sauf que, dans la réalité, ils se heurtent autant à la vanité
des architectes étrangers qu’aux besoins
de financements. Ou, tout simplement, aux réalités
des villes chinoises et des impératifs des gouvernements
locaux, pour qui continuer à gérer un afflux de migrants
et réaliser leurs objectifs de croissance est plus
important que de s’investir dans des microquartiers
écologiques. ■
V. M.
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LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
JING-JIN-JI, C’EST SIX FOIS NEW YORK !
D
errière cette association de mots
qui sonne comme le début
d’une comptine de Noël, se
cache la réunion de Pékin, la ville de
Tianjin et la province environnante du
Hebei, en un immense complexe
urbain. Soit six fois la population de
New York sur un territoire grand
comme l’Écosse et l’Angleterre.
Le but est de constituer une immense
mégalopole intégrée économiquement,
qui unit ces trois zones et compterait
130 millions de personnes (10 %
de la population chinoise). Le tout
en relançant une croissance
économique bien moins dynamique
que dans le Sud. Le partage
des ressources doit, à terme,
désengorger Pékin, qui ne fera plus
que remplir son rôle de capitale
et non plus celui de centre
de production. Cette concentration
de villes, inscrite dans le dernier plan
d’urbanisation publié en 2014, est
devenue une priorité pour
le gouvernement qui, à Pékin, a déjà
commencé à raser la zone de Tongzhou,
à l’est de la ville, pour y construire
de nouveaux centres administratifs.
À terme, la région va être divisée
en zones économiques : la culture
et les services à Pékin, l’industrie
lourde dans le Hebei, les activités
portuaires et de R&D à Tianjin.
Les entreprises ont déjà commencé
à quitter la capitale. Le géant Internet
Alibaba va déménager une partie
de ses activités à Tianjin.
Le constructeur automobile Baic
s’installera dans le Hebei. Quant
aux grandes entreprises d’État,
elles sont aussi fortement incitées
à quitter Pékin, qui a déjà commencé
à se vider de ses travailleurs migrants.
La zone sera reliée par des trains qui
faciliteront les échanges et réduiront
les temps de transport. Vingt-sept
nouvelles lignes de métro et RER sont
prévues. Actuellement, la classe
moyenne et les migrants ne peuvent
plus payer un logement dans le centre
de Pékin. Aussi, beaucoup passent-ils
plus de quatre heures dans
les transports en commun pour
se rendre sur leur lieu de travail.
Le coût de cette vaste réorganisation
de l’espace géographique et humaine :
612 milliards d’euros. ■
V. M.
MYTHES ET RÉALITÉS
DES VILLES FANTÔMES
L
jamais de compter sur l’urbanisation pour
donner à la Chine de nouveaux relais de
croissance. Alors que faireŠ?
Li Keqiang, Premier ministre depuis
2012, l’a dit et redit, l’urbanisation va
continuer de plus belle… Il compte loger
encore 250 millions de personnes dans
les villes d’ici à dix ans, soit 25 millions
par an. Car c’est bien cette population
urbaine amenée à consommer qui va
être le moteur de la croissance chinoise
à venir. Le taux d’urbanisation doit passer d’environ 55Š% aujourd’hui à 70Š%
en 2030. « Toutes ces nouvelles villes sont
censées être le moteur de la croissance et
sevrer la Chine de sa dépendance vis-àvis des investissements », explique Karen
Seto, expert d’urbanisme à Yale, dans
un commentaire sur le nouveau plan
d’urbanisation chinois. Ce dernier, sous
le nom de « Plan national d’un nouveau
type d’urbanisation », a été rendu public
en mars 2014. Il cerne en partie les problèmes en prônant un développement
urbain « centré sur l’humain ».
ENCORE UNE CENTRALE
AU CHARBON PRÈS DE PÉKIN
Le plan prévoit notamment de légaliser la situation de 100 millions de travailleurs migrants en leur donnant un
« hukou » urbain. C’est-à-dire qu’ils
pourront scolariser leurs enfants et avoir
accès aux services sociaux sur leur lieu
de travail. La deuxième grande nouveauté
est la création de « mégacités » qui rassembleraient géographiquement plus de
100 millions de personnes. Trois sont
prévus : autour de Pékin, de Shanghai et
la dernière dans le Pearl River Delta, au
Sud. « Le but de ces mégacités est de rendre
les villes plus efficaces dans l’utilisation des
ressources », explique Biliang Hu, professeur d’économie et doyen de l’Université
normale de Pékin. « Pékin, par exemple, va
devenir une ville culturelle. Toutes les industries vont être délocalisées dans le Hebei, la
province voisine. »
Cependant, le plan, qui s’étend jusqu’en
2020, laisse de côté de nombreuses questions, dont le financement de toutes ces
nouvelles villes alors que les gouvernements locaux sont encore lourdement
endettésŠ; un héritage du dernier boom
des investissements de 2008-2009. Le
problème épineux de l’accès à la propriété des habitants ruraux n’est pas non
plus résolu. Et surtout, la question environnementale est à peine mentionnée.
Pour preuve, le fait qu’une nouvelle
centrale thermique au charbon est en
construction juste derrière les limites
géographiques de Pékin. Elle a une capacité de 700 mégawatts et ce en dépit des
annonces répétées du gouvernement
chinois et municipal de réduire le rôle du
charbon dans la production d’électricité.
« Vous avez lu le nouveau planƒ? Eh bien,
vous n’y verrez presque aucune allusion
à la protection de l’environnement et à la
pollution atmosphérique. L’accent a été mis
ailleurs », remarque Biliang Hu.
À la question de savoir pourquoi, le professeur, ancien économiste à la Banque
mondiale, hoche la tête et répond qu’il
n’en sait rien. « Le plan ne prend pas en
compte l’économie de marché pour régir une
ville. Cela veut dire qu’une ville peut être
créée dans un endroit aride et sans accès
à l’eau juste parce que le gouvernement l’a
décidé ainsi. C’est dans la tradition chinoise
de planifier, mais cela ne fonctionne pas. » ■
En trois
décennies, plus
de 500 millions
de ruraux ont été
reconvertis
en urbains,
parfois de force.
Le gouvernement
compte loger
encore
250 millions
de personnes
dans les villes
d’ici à dix ans,
soit 25 millions
par an.
© STRINGER SHANGHAI
a ville de Kangbashi, à Ordos,
en Mongolie-Intérieure, est
devenue le symbole des villes
fantômes chinoises. Construite entre
2005 et 2010, avec une capacité
d’accueil d’un million de personnes,
ses stades, avenues et gratte-ciel
restent désespérément vides.
La Chine est ainsi parsemée de villes
sans vie. Quelques-unes se rempliront,
exode rural oblige ; une partie d’entre
elles mettront des décennies
à se peupler et d’autres resteront
à jamais un musée, vitrine
de la surcapacité et de la mauvaise
allocation des ressources.
Un article publié par l’agence de presse
officielle Xinhua, en octobre, a mis
en lumière l’ampleur du phénomène.
Chaque capitale provinciale construit
actuellement de quatre à cinq nouveaux
quartiers. Cela amènera la Chine
à loger 3,4 milliards d’habitants, soit
presque trois fois plus que la population
chinoise actuelle. Une étude de MIT
estime qu’il y a 50 villes vides en Chine.
Comment une telle frénésie est-elle
possible ? D’une part construire permet
aux gouvernements locaux de générer
du PIB. Tous se disent qu’avec le temps,
Kangbashi,
à Ordos,
en MongolieIntérieure, est
devenue
le symbole des
villes fantômes
chinoises. Malgré
une capacité
d’accueil
d’un million
de personnes,
ses stades,
avenues et
gratte-ciel
restent
désespérément
vides. © DAVID GRAY
les espaces vides se rempliront
forcément. Avoir construit
un « nouveau quartier » est
indispensable sur la carte de visite
du gouverneur d’une ville,
en compétition avec son voisin pour
attirer les ruraux. Le problème,
c’est qu’en attendant, ces espaces vides
coûtent de l’argent aux banques, qui
se voient obligées de reconduire
des prêts stériles plutôt que d’investir
dans des PME innovantes.
D’autre part, la vente de terrains
est la seule source de revenus
des gouvernements locaux qui
ne reçoivent pas l’impôt local. Pour
l’instant, la réforme fiscale en cours
n’a pas permis de changer ce système
pervers de financement, qui fait que
les villes s’étendent de manière inefficace,
créant ainsi toute une suite
de problèmes : embouteillages,
expropriation de fermiers, pollution…
Et la politique d’urbanisation lancée
par l’actuel Premier ministre n’a fait
qu’accentuer le phénomène. Finir l’exode
rural commencé il y a trente ans est
sa priorité. Ainsi espère-t-il amener
encore 500 millions de ruraux dans
les villes d’ici à 2025. ■
V. M.
42 I
MÉTROPOLES
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
SMART CITY
#Cities4Climate, des villes
pour le climat et pour la vie
Les villes sont à la fois fortes
contributrices à l’effet de serre
et victimes du réchauffement
climatique. Aucune solution en la
matière ne peut être trouvée sans
leur adhésion et leur participation.
Elles ont des actions concrètes
à proposer, complémentaires
de celles des États.
PAR
CARLOS
MORENO
Professeur,
entrepreneur,
conseiller
scientifique
expert de la ville
intelligente
@CarlosMorenoFr
À
quelques jours de la fin
de la COP21, la mobilisation des villes a
représenté un remarquable esprit nouveau
qui a soufflé dans ce
grand défi concernant
le climat qui se joue à Paris. En effet, pour
la première fois dans l’histoire des conférences des parties (COP), des maires du
monde entier se sont mobilisés pour écrire
une page nouvelle dans l’histoire de ce
rendez-vous planétaire. À l’initiative de la
maire de Paris, Anne Hidalgo et de l’exmaire de New York et envoyé spécial de
l’ONU sur les villes et le changement climatique, l’initiative « Cities for Climate »
a réuni à l’Hôtel de Ville de Paris, des
maires de tous les continents, désireux
d’apporter leur contribution pour peser
François
Hollande, la maire
de Paris Anne
Hidalgo et
l’envoyé spécial
de l’ONU pour
le changement
climatique et
ancien maire de
New York, Michael
Bloomberg (au
micro), lors du
Sommet des élus
locaux pour le
climat, à l’Hôtel
de Ville de Paris,
le 4 décembre
2015. © JACQUES
WITT/POOL/REA
dans la réflexion et propositions d’actions
dans le cadre de la COP21, elle-même lieu
de concertation entre les États. Ce Sommet des élus locaux pour le climat, s’est
proposé avec succès d’être un élément de
« pression positive ». Pour la première fois
pendant une COP, les principaux réseaux
européens et mondiaux de villes (tels que
CGLU, ICLEI, C40, l’AIMF ou CCRE) se
s ont r a s s e m blé s s o u s le s i g ne
« 1Š000 maires pour s’engager en faveur du
climat » en proposant des engagements et
des actions concrètes sous la forme d’une
déclaration commune.
Les villes, dans un monde fortement urbanisé et toujours en forte croissance, sont
un grand contributeur à l’effet de serre et
en même temps beaucoup des effets du
changement climatique touchent les citadins, partout dans le monde. La population
mondiale urbanisée génère deux tiers des
émissions mondiales de gaz à effet de
serre. Au siècle des métropoles, aucune
solution sur la planète ne peut être trouvée
sans leur adhésion et leur participation
active. Anne Hidalgo et Michael Bloomberg
ont explicité la position engageante et
dynamique des villes : « Accord contraignant ou pas, il faut agir. » À travers cette
mobilisation sans précédent des villes et
des élus locaux, ces derniers sont dans
cette COP21 à la table des négociations aux
côtés des autres parties prenantes.
Les villes ont des solutions concrètes à
apporter et leur démarche est complémentaire de celle des États. L’urbanisation de
nos vies a créé un cadre dans lequel la mise
en œuvre de pratiques exemplaires permet
la mise en place de réponses précises à
l’aide d’outils participatifs. Les maires, par
la proximité avec leurs administrés, sont
aujourd’hui la colonne vertébrale du capital
confiance des citoyens envers le monde
politique. Pour défendre la qualité de vie
du citoyen dans leurs villes, objectif majeur
de chaque élu municipal, les maires sont en
capacité de traduire en actions une réelle
vision systémique reliant qualité de l’air, de
l’eau, mobilité, habitat, santé, climat… La
déclaration finale de « Cities for Climate »
précise que « nous ne pouvons pas continuer
sur la même trajectoire d’émissions de gaz à
effet de serre, qui aurait des conséquences
désastreuses pour nos enfants, pour l’environnement et la biodiversité ».
LES MAIRES PLUS AMBITIEUX
QUE LES ÉLUS NATIONAUX
Il est intéressant de lire l’étude comparative réalisée par l’université de Yale à propos des engagements de réduction de gaz
à effet de serre des États avec ceux des
villes à partir de l’« Agenda des solutions » :
les acteurs locaux vont plus vite et plus loin
que les acteurs nationaux. À titre
d’exemple, le bilan en 2014 de 1Š268 engagements provenant de 1Š192 villes et régions
représentent 2,7 milliards de tonnes de CO2
pour une population de 1,26 milliard d’habitants, soit 17Š% de la population mondiale.
Pour 2030, l’objectif des maires réunis à
Paris à « Cities for Climate » va encore plus
loin, car il s’agit d’obtenir une réduction de
3,7 milliards de tonnes avec l’ambition
d’aboutir à l’horizon de 2050 à 100Š%
d’énergie renouvelable et une réduction de
80Š% de gaz à effet de serre sur leurs territoires. Ces 3,7 milliards représentent 30Š%
de la différence entre les engagements des
États actuels et le niveau d’émissions
recommandé par la communauté scientifique dans le but de limiter le réchauffement de la planète à 2Š°ŠC.
Certes, face au défi des 50 milliards de
tonnes de CO2 , le chemin est encore long
et la négociation à Paris de la COP21 est
ardue, mais comme l’a signalé Christina
Figueres, secrétaire exécutive de la
Convention cadre des Nations unies sur les
changements climatiques (CCNUCC),
« c’est une impulsion exemplaire ».
Un autre sujet majeur pour nos vies et nos
villes : la résilience. C’est un thème fréquemment abordé dans ces colonnes, la
vulnérabilité et la fragilité de nos vies,
villes et territoires. Les 1Š000 maires ont
également acté dans leur déclaration finale
leur décision visant à « produire et mettre à
l’œuvre des stratégies participatives de résilience et des plans d’action afin de s’adapter
au nombre croissant de catastrophes liées aux
changements climatiques d’ici à 2020 ».
À l’heure où des engagements financiers
forts, ainsi que la participation citoyenne
et la mobilité des écosystèmes dans les
territoires, sont indispensables – pour
transformer en actions concrètes des
déclarations solennelles comme celle de la
COP21 –, il devient également stratégique
de se poser la question de la gouvernance
et de la marge d’autonomie dont doivent
disposer les villes et les métropoles face
aux États. C’est le dernier point qui a été
abordé par cette déclaration pour le climat : « Accéder à la finance verte, disposer
d’une plus large autonomie budgétaire et
d’une capacité réglementaire afin d’amplifier
leur action. »
RENDEZ-VOUS À
MARRAKECH POUR LA COP22
Présent en Afrique au moment où cette
initiative avait lieu à Paris, je dois signaler
également l’importante mobilisation que
suscitent dans cette partie du monde ces
engagements. La récente création de l’initiative « Smart Africa » sera sans doute un
élément majeur pour assurer le développement de ce continent, vers une voie d’avenir alliant villes, nouvelles ressources énergétiques et comportements de vie.
La présence de Bamako, Dakar, Accra,
Johannesburg à côté d’autres villes-monde
fait partie de cette volonté de transformation, sur un continent où, d’ici à vingt ans,
habitera un Terrien sur trois. La COP22,
aura lieu au Maroc, à Marrakech, du 7 au
18 novembre 2016. Cette nouvelle COP
sera déterminante, car elle sera le point
d’étape entre les engagements pris, nous
l’espérons tous, par les États à l’issue de la
COP21 et la mise en place du plan d’action,
qui sera le seul critère définitif dans sa
réussite : que chacun des engagements soit
tenu afin de se donner une chance, pour
la planète, pour l’humanité, pour nos villes
et pour la vie sur Terre des prochaines
générations.
La COP20 en Amérique latine, à Lima,
l’année dernière, fut celle des négociations,
la COP21 à Paris est celle des décisions, la
COP22 au Maroc sera celle de l’action. Il
est significatif qu’elle ait lieu en Afrique,
continent fortement marqué par les effets
criants du changement climatique. Doublement affecté par la fragilisation de son
environnement et de ses ressources, ainsi
que par le développement urbain non maîtrisé, qui, avec de grandes concentrations
sur tout le continent, engendre des mégalopoles qui démultiplient les effets et les
ravages causés par l’activité humaine.
Plus que jamais, la reconnaissance de la
place prise par les villes à cette COP21
marque d’une manière indélébile et irréversible le rôle moteur que les maires, élus
et écosystèmes urbains vont jouer dans les
prochaines décennies. Notre engagement
pour des villes vivantes, humaines et porteuses des intelligences sociales, urbaines
et technologiques, voilà notre plus bel
engagement pour la vie. ■
french tech
la filière numérique
d’un territoire
40 000 salariés
7 000 entreprises
8
milliards d’euros
de chiffre d’affaireS/an
4 sites emblématiques
DGAPM Ville de Marseille
Pôle Média de la Belle-de-Mai
Technopôle de Château-Gombert
Centre Européen d’Entreprises d’Innovation de l’Arbois
Zone d’activité de la Constance
Plus d’infos sur www.amft.io
I 8
L’EXPERT
COMMUNIQUÉ
LA tribune
TRIBUNE -- VENDREDI
6 DÉCEMBRE2015
2013- -NN 154
70 -- WWW.LATRIBUNE.FR
la
JEUDI 10 DECEMBRE
www.latribune.Fr
oO
Entretien exclusif avec Philippe Carré, PDG de Son-Video.com.
«Quels sont les grands enjeux de la
distribution Hi-Fi en France ?»
Les passionnés du son et de la hifi et les esthètes trouveront de quoi satisfaire leur curiosité sur le site SonVideo.com. Une vraie caverne d’Ali Baba où les plus belles marques du secteur se côtoient. Pourtant, SonVidéo.com ne vend pas des produits mais une expérience sensorielle exceptionnelle. A l’origine de cette
entreprise qui associe désormais des points de vente à son site de vente on line, un jeune dirigeant passionné de musique et de haute fidélité. Nous avons rencontré Philippe Carré. Ses choix ont été judicieux.
Le bon positionnement associé à une stratégie de croissance vertueuse. Un sans faute sur un marché
atypique où les consommateurs sont un peu plus que des clients…
Je viens de passer quelques
minutes sur votre site dans l’onglet télévision et je me suis
demandé si je n’étais pas sur un
forum d’experts…
Je comprends votre réaction mais
nous sommes différents des
autres distributeurs. Pourquoi ?
Parce que la distribution a beaucoup changé en quelques années.
Sur le marché de l’électronique
grand public, il y a deux grands
pôles mass market : la télévision
et le téléphone. Nous sommes
présents sur le marché de la télévision mais pas pour faire la même
chose que les autres. Nous avons
gardé le Premium de la télévision.
Et ça marche ?
Oui, regardez comment évolue la
stratégie des principaux acteurs
du métier. La Grande distribution
réduit ses rayons non alimentaires
quand elle ne les ferme pas. Le cas
des grandes surfaces spécialisées
est différent : elles se regroupent
comme par exemple Darty et la
FNAC. De notre côté, nous avons
voulu constituer un pôle très différencié. Il s’adresse à un public
exigeant, souvent très expert.
Pour ce public, l’échange d’information et le partage du savoir
technologique sont essentiels.
Alors, c’est vrai que notre site est
orienté par l’expérience client. On
ne peut pas se permettre l’à peuprès… Nous avons voulu adresser
une part de marché exigeante. Il
faut des réponses précises et
documentées à ces demandes.
Vu de l’extérieur, on a le sentiment
que le marché de la télévision est
très « rupturiste ». Est-ce le cas ?
Oui, c’est un marché qui fonctionne autour de ruptures technologiques. Toutes ces ruptures ne
sont pas couronnées de succès. La
3D qui devait être une révolution
est un flop commercial. Mais, on
est passé de l’écran plat qui était
en son temps une rupture à un
écran dit « curve ». C’est un retour
au point de départ, un tournant
très marketing. Aujourd’hui, nous
en sommes à la version UHD, Ultra
Haute Définition, la 4K dont la
valeur ajoutée est cette fois incontestable. Nous vendons de la télévision, mais notre vrai métier c’est
d’abord le son. On retrouve là des
noms de marques connues et respectées quand on a de l’intérêt
pour la très haute fidélité.
Votre stratégie de niche est la
même dans le son que dans
l’image ?
Oui, nous ne vendons pas de pro-
duits communs, pas de produits
de grande consommation, ces
« 20/80 » que la Grande distribution vend à un public moins exigeant. Si vous ouvrez l’onglet Hifi
sur le site son-video.com, vous
allez rencontrer des marques
comme Marantz ou Denon qui
sont peu connues du grand
public. Vous trouverez aussi des
éléments d’aide à la décision
d’achat, sur des enceintes compactes ou des enceintes colonnes,
sur l’importance du caisson des
basses, vous trouverez des
réponses à la question « Quel
amplificateur choisir », « Comment
placer ses enceintes ». Nous
sommes nous-mêmes des passionnés.
Est-ce que le marché du son a lui
aussi changé par rupture, comme
celui de la télévision que vous
décriviez tout à l’heure ?
Oui et parfois avec les mêmes
phénomènes. On peut parler de
révolution du vinyle, si on admet
l’idée qu’une révolution, c’est
360°, c’est à dire un retour au
point de départ. La « galette » de
vinyle est redevenue à la mode.
On retrouve la pureté et la profondeur du son pour un public de
plus en plus large. Il y a un peu de
nostalgie dans ce phénomène. Le
retour dans l’adolescence et le
désir de réécouter les disques
qu’on a gardé dans son grenier…
Après le disque vinyle, il y a eu les
CD, plébiscités par le public pour
leur aspect pratique, mais la qualité du son était écrasée. Puis le
MP3, avec un niveau de qualité
encore plus faible. La rupture
actuelle est celle de la norme AAC,
on a supprimé de la bande passante les éléments non perçus
par l’oreille humaine, puis de
fichiers haute résolution (FLAC par
exemple) : avec le digital, on
retrouve des niveaux de qualité
très élevés. C’est absolument
essentiel pour alimenter le marché haut de gamme. Quand le
fichier est de qualité, il faut être
fidèle à sa pureté
Les produits que vous vendez
appellent un service de très haute
qualité. Comment vous y êtesvous pris pour adapter le conseil
au niveau de marché ?
Chez nous, les clients sont savants
mais j’ai envie de dire que nos
vendeurs le sont encore plus. Ce
n’est pas toujours le cas dans la
Grande distribution. Nous entrons
sur le marché avec des gammes
élevées en qualité. Nos offres
Access portent déjà une exigence
de qualité constante. Nous ne
mettrons pas n’importe quoi sur
le site pour faire un coup. Nous
sommes inscrits dans le temps
avec un politique de sélection
rigoureuse adossée à une stratégie de long terme. Nous apportons des services et des conseils
et…un SAV ultra performant. Le
SAV est un point essentiel ; pour
des clients qui ont fait un choix de
consommation exigeant, l’aprèsvente est toujours de la vente et
une attente élevée. Vous savez,
nous vendons des jouets hauts de
gamme. Nous sommes aussi dans
l’imaginaire.
Comment envisagez-vous l’omni
canalité ?
Nous avons un point de rencontre
physique historique à Champignysur-Marne où se trouvent nos
stocks. Les clients qui viennent sur
place peuvent venir de très loin.
Ils expliquent qu’ils ont eu un bon
contact téléphonique et ils
viennent pour le poursuivre et
pour nous rencontrer et obtenir
des conseils. Le besoin de rencontre incarnée est réel. Dans les
Salons par exemple, les visiteurs
demandent les vendeurs et les
conseillers en les appelant par
leurs prénoms. Il faut utiliser
chaque canal de vente pour ce
qu’il apporte. Internet, c’est
d’abord la flexibilité et pour nous
le contenu. Le point de vente,
c’est la rencontre, le partage d’expériences, les essais.
Finalement, Internet ne suffit
pas…
Sur Internet, tous nos concurrents
sont dans la même rue. C’est une
formule pour dire que les offres de
Hifi sont toutes sur la même page
dans le cadre d’une recherche
naturelle. Il faut se différencier.
Notre nom de marque n’est pas le
plus fort du marché même si nous
sommes perçus comme des
experts de notre secteur. Notre
nom commercial est une association de nom commun ! Il faut
donc trouver des outils de reconnaissance.
Comme quoi par exemple ?
Comme par exemple les newsletters et des catalogues papier que
nous publions régulièrement. Ils
sont très riches en contenu pour
un public très attentif à l’actualité
du secteur. Nous cherchons par
tous les moyens à élargir l’expérience client. Pour une entreprise
comme la nôtre, le contact avec le
client final est très important.
C’est aussi ce qui justifie votre
déploiement dans des points de
vente ?
Philippe Carré, PDG de Son-Video.com
Oui, nous sommes déjà à Paris,
dans notre point de vente de
l’avenue Friedland et nous
ouvrons Lyon (sur les quais du
Rhône) et Nantes qui sont deux
capitales régionales puissantes.
Internet a produit un besoin d’immédiateté mais le lien digital n’est
pas exclusif. Les consommateurs,
surtout les nôtres qui choisissent
de réaliser un investissement
significatif, sont exigeants. Nous
vendons des produits qui
touchent au plaisir, aux sensations. C’est de la technologie, mais
une technologie qui produit du
rêve…
Vous êtes propriétaire de la
marque Elipson. Tous ceux qui
sont musiciens ou amoureux de
musique connaissent cette
marque de puristes. C’est une
fierté pour vous et un moyen de
revenir aux sources de votre parcours d’entrepreneur ?
Vous faites allusion à la création
d’une platine de lecture analogique pour accompagner la génération qui revient au vinyle. Nous
avons repris Elipson dont l’ADN
est « la forme au service du son ».
Nous préservons le capital de
marque avec une démarche technique et esthétique intégrale.
Pour la platine vinyle, nous avons
respecté un cahier des charges
précis. L’harmonie, c’est le lien
entre la matière et le mouvement.
Pour le reste il faut marier la tradition aux contraintes du digital.
La platine vinyle doit pouvoir se
connecter au numérique et fonctionner sans fil. On peut réenchanter des produits qui
avaient disparu mais il faut y ajouter les attributs de la modernité.
La platine est un objet iconique.
Une marque comme la nôtre doit
être à la pointe. Nous proposons
un univers complet. Dans nos
points de vente et sur notre site,
nous produisons les meubles
Norstone et les écrans de projection Lumene, des meubles et des
écrans esthétiques, pratiques,
exceptionnels dans leur qualité et
dans leurs usages. Nous considérons que nos clients attendent
une réponse globale. Une fois
encore, nous ne vendons pas une
commodité. L’offre de Son-Video.
com c’est tout à la fois de la
culture et un mode de vie. C’est
l’association réussie de la fonction
et de la forme. Nous sommes dans
la technologie au service du son
et dans l’esthétique.
Propos recueillis par PPI.
I 45
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
VISIONS
VITE DIT, AVANT L’APOCALYPSE …
Non au diktat écologiste !
La COP 21 bat son plein. Dramaturgie bien ficelée,
avec menaces de fin du monde, pas moins, concert
politique et médiatique à l’unisson… Et discours
dissonant totalement proscrit. Jusqu’à l’éviction
d’un journaliste météo de France 2 ! C’est dire s’il
faut faire silence, et si l’on veut étouffer tout débat…
© DR
C
PAR
JEANCHARLES
SIMON
ÉCONOMISTE,
FONDATEUR DE FACTA
RETROUVEZ LE BLOG
DU CONTRARIAN
SURLATRIBUNE.FR
omme tout projet
politique, le discours écologiste a
ses propres intérêts
et finalités. Il ne saurait résulter d’une
seule évidence
scientifique, quand bien même il s’appuierait opportunément sur un discours
de cette nature. Il ne s’agit pas d’engager
ici une énième controverse sur le
réchauffement climatique. Il y a bien sûr
des théories farfelues proférées par des
« climatosceptiques ». Et parmi les supporteurs politiques de ces thèses, on
trouve bien, notamment aux États-Unis,
un ramassis peu recommandable de
contestataires de l’évolution des espèces
ou des grandes lois de la physique…
Mais il est également déplacé d’être
péremptoire en matière de climat. Si
une très grande majorité d’experts de
cette discipline convergent en effet sur
l’essentiel d’un diagnostic – toutefois
plus subtil, par essence, que les résumés
de rapports du Giec à destination des
décideurs –, il reste de très nombreuses
interrogations sur leurs travaux, portées
par des scientifiques éminemment respectables. La jeunesse des savoirs impliqués – dont les balbutiements
remontent seulement au xixe siècle – et
la complexité considérable des mesures
et plus encore des projections futures,
n’autorisent clairement pas l’arrogance
et le ton définitif souvent employé par
certains. À l’inverse de l’esprit scientifique, justement, qui doit laisser toute
sa place à la critique fondée et à la plus
grande humilité.
UNE IDÉOLOGIE DE LA
LUTTE DU BIEN ET DU MAL
Cette absence de recul a de nombreuses
implications. Car, en niant toute erreur
possible sur les diagnostics et les projections les plus répandues, ainsi que sur
leurs impacts, les « réchauffistes »
vendent un projet politique lourd de
conséquences. Ils veulent imposer un
programme tout ficelé qu’ils n’ont pas
réussi à faire prévaloir au cours des
décennies précédentes par les élections,
et qu’ils entendent désormais matraquer
sous couverture d’évidences scientifiques supposées. Les politiques commencent à paniquer, et nombre d’agents
économiques abondent, soit par crainte
de s’opposer à un discours devenu écrasant, soit par intérêt très direct. Il s’agit
en fait, économiquement, de justifier
des choix présents dont le coût, bien
que potentiellement gigantesque, apparaîtra toujours faible en comparaison du
prix actualisé de l’inaction dans ces scénarios dramatisés.
Des tentatives de cette nature existent
depuis les années 1970, quand on voulait
faire peur sur la démographie de la planète, et notamment la capacité de l’agriculture à nourrir la population. Ou
quand on projetait le fameux « pic
pétrolier » pour le lendemain… avant de
devoir piteusement le repousser à plus
tard. Une idéologie de la décroissance,
et pour le dire clairement, de rejet viscéral de l’économie de marché. Si l’agitation des peurs n’a pas fonctionné,
parce qu’elles étaient à trop courtes
échéances et donc trop vite démenties
par les progrès de l’innovation et de la
productivité, il en va autrement cette
fois. La perspective de l’apocalypse climatique à l’horizon 2100 est astucieuse :
bien trop lointaine pour risquer de faire
douter des projections au fur et à
mesure du constat de l’évolution réelle
du climatŠ; trop proche – à portée d’espérance de vie des enfants nés depuis le
début du siècle – pour s’en désintéresser
et ne rien faire.
Alors que jamais la pauvreté, la faim, de
très nombreuses maladies ou l’âge
moyen de décès n’ont autant reculé sur
la planète qu’au cours des dernières
décennies d’économie plus libéralisée et
mondialisée que jamais, c’est bien son
procès qui est en place. Il faudrait
contraindre nos habitudes et nos modes
de vie pour laisser place à des comportements vertueux – car c’est de vertu, et
de la lutte du bien contre le mal qu’il
s’agit souvent dans les discours. Peu
importe ce qui en résulte en matière de
chômage, de perte de pouvoir d’achat,
de conditions de vie dégradées. Un
scientifique aussi remarquable que Jean
Tirole peut ainsi affirmer que perdre 2Š%
de pouvoir d’achat n’est pas si grave en
comparaison de l’enjeu : on en revient
au coût actualisé gigantesque d’un futur
terrifiant. Mais perdre du pouvoir
d’achat aujourd’hui pour ceux qui
souffrent déjà de conditions financières
difficiles est dramatique, tout de suiteŠ!
AU MOINS
DEUX ILLOGISMES…
Inégalités internes, inégalités globales,
rationnements en tout genre mais aussi
débauches de subventions en faveur
des activités dites « propres ». Car plus
subtilement que l’antienne gauchiste
de la décroissance fleurant bon le Larzac et pouvant continuer d’alimenter
les résistances et les inquiétudes, ce
projet politique déterminé sait aussi
utiliser quand il le faut l’alibi de la
« croissance verte ». En fait, un vaste
programme d’arrosage aussi peu
réfléchi que subtil de tous ceux qui
viennent vendre des « solutions » labellisées écologiques. Très habile, car cela
profite immédiatement à tout un éco-
système – dès lors supporteur numéro
un des prophéties les plus sombres sur
le changement climatique –, dans le
bâtiment, dans l’énergie, dans les
transports…
Outre le fait de transférer leurs coûts et
leurs marges aux consommateurs prisonniers de nouvelles normes, ces secteurs se trouvent gavés d’avantages fiscaux divers et variés. C’est-à-dire de
ressources prélevées indirectement sur
l’ensemble des autres activités économiques, ainsi deux fois mises à contribution. Or, ces choix conduisent à des
développements hasardeux voire contreproductifs, en soutenant des filières sans
avenir, en renchérissant encore plus les
prix de production ou même le recours
aux énergies les plus polluantes afin de
faire face à des pointes d’activité qu’elles
seules peuvent gérer.
Pire encore, la logique malthusienne que
l’on cherche à imposer à quantité d’activités et de pays semble en partie vouée
à l’échec au regard des buts environnementaux poursuivis. C’est d’ailleurs
pourquoi il paraît si difficile de parvenir
à des engagements nationaux qui, mis
bout à bout, conduiraient à une réduction des émissions de gaz à effet de serre
suffisante pour infléchir autant que
recherché les prévisions des modèles
des climatologues. Pénalisations tout de
suite, mais garantie qu’elles seront malgré tout insuffisantes pour sauver le
monde : rien de mieux pour entretenir
le caractère anxiogène du débat.
Sans prêcher l’inaction, au moins deux
illogismes interpellent. Il paraît
d’abord étonnant qu’un certain nombre
de sujets absolument acquis d’un point
de vue scientifique, comme la dangerosité pour la santé de certaines particules ou composants, ne soient pas des
priorités plus évidentes. Plutôt que de
privilégier des enjeux gigantesques aux
causes et effets encore incertains, il est
paradoxal que ce qui apporterait un
mieux-être rapide aux populations ne
soit pas davantage une politique prioritaire. Plus encore, si des efforts
importants et coûteux à technologies
inchangées semblent devoir être insuffisants, alors ce sont bien la recherche
fondamentale et les sauts technologiques qu’il faut soutenir.
PLUS DE CROISSANCE
POUR FINANCER LA R&D
En somme, plutôt que de se méfier du
progrès technologique et pour certains
de le dénoncer, il faut en cohérence
être plus que jamais supporteurs de ce
progrès. Le financer et l’encourager à
ses racines scientifiques premières. En
restant agnostiques, pour éviter les
mauvaises allocations de ressources,
tant il paraît difficile aujourd’hui de
savoir quelles technologies pourraient
être les meilleures, en matière d’émissions nouvelles comme de captage des
stocks émis.
C’est bien d’innovations majeures, sur
lesquelles nous aurions tort d’être pessimistes, que viendront les bouleversements les plus extraordinaires en
matière énergétique. Donc les solutions
à des problèmes encore incertains et
imprécis. Et pas du rationnement de
principe. Pour financer ces investissements en R&D, il faut ainsi encore plus
de croissance, de gains de productivité
et de portes ouvertes à de nouveaux
modèles économiques qui naîtront,
comme toute vague d’innovation, d’un
environnement particulièrement propice
à la transformation des découvertes
scientifiques en progrès technologiques.
Augmenter les prélèvements obligatoires
sur les facteurs de production serait ainsi
une folie et un contresens dans une telle
période, seuls des transferts d’assiette
étant au plus concevables, et en se
méfiant des distorsions indésirables
qu’ils peuvent créer, y compris au nom
des meilleures intentions. ■
Et si le rêve
d’un monde
« meilleur »
qui permettrait
d’échapper
à celui
du cauchemar
climatique
annoncé n’était
qu’une chimère ?
©ISTOCK
46 I
VISIONS
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
PRODUCTIVITÉ ET CROISSANCE
Les raisons d’être
optimiste… à long terme
© DR
F
IVAN BEST
RÉDACTEUR EN CHEF
ADJOINT,
@Iv_Best
aut-il craindre une « stagnation séculaire », autrement dit
une longue période de stagnation des économies industrielles
? La très faible croissance que connaît la zone euro
depuis 2009 va-t-elle perdurer
? Deux économistes américains
défendent cette thèse – Robert Gordon et Lawrence Summers – qui rencontre bien sûr un écho important dans le
marasme actuel. Un marasme fait de croissance anémique et de sousemploi. Par-delà les chiffres officiels, faisant état d’un très faible chômage
– aux États-Unis, en Allemagne… – le sous-emploi reste, de fait, dominant :
ces taux de chômage très bas cachent mal des emplois précaires ou des
travailleurs découragés, ayant renoncé à figurer sur les listes des organismes censés aider les chômeurs.
Summers insiste sur la surabondance d’épargne à travers le monde, autrement dit sur la faiblesse de la demande.
Robert Gordon souligne, lui, le paradoxe majeur des dernières années. Alors
que le numérique s’impose partout, gage d’efficacité et de plus grande productivité, une réalité statistique s’impose : les gains de productivité ont
rarement été aussi faibles. Et, pour lui, ils risquent de le rester, les dernières
innovations – comme les smartphones – apportant plus de confort que d’efficacité. Or, sur le long terme, la croissance est corrélée à la productivité.
L’économiste français Daniel Cohen a repris cette thèse dans un ouvrage
récent, tout en récusant toute adhésion à ce pessimisme. Il réfute le pessimisme de Gordon, en estimant que le progrès technique est encore possible. Mais, que va-t-il apporter
?
« Il y avait auparavant une relation de complémentarité entre le progrès
technique et le travail, qui a permis à toute la société de devenir productive »
soulignait Daniel Cohen lors d’une entrevue à La Tribune. « Les agriculteurs
quittaient les champs en raison des progrès de la productivité agricole, et
ils devenaient encore plus productifs à l’aide des machines qu’ils faisaient
tourner à l’usine. La situation est aujourd’hui radicalement différente. Pour
au moins 50„% de la population, le progrès technique fonctionne comme un
substitut. Les robots, ordinateurs, remplacent l’homme, ils ne décuplent plus
sa force. La distribution des bénéfices du progrès technique, en termes de
capacité à accroître la productivité des gens, est beaucoup plus faible qu’au
xxe siècle. Il en résulte une croissance atone et un pouvoir d’achat beaucoup
moins dynamique. »
C’est à cette thèse pessimiste sur la productivité – et donc sur la croissance – que veulent répondre Gilbert Cette, professeur à l’université d’AixMarseille, et Ramon Fernandez, directeur général adjoint d’Orange. Pour
ce dernier, des politiques européennes plus favorables pourraient doper
le numérique, au service de la croissance. Gilbert Cette insiste, lui, sur
l’apport de l’innovation, dont on ne voit encore que les prémices. ■
RAMON FERNANDEZ, directeur général adjoint d’Orange
Pour une politique européenne
favorable au numérique
LA TRIBUNE – Beaucoup
d’économistes soulignent
le décalage entre une révolution
numérique qui s’intensifie,
théoriquement gage de progrès
technique, et la grande faiblesse
des gains de productivité récents
dans les pays industriels. Comment
expliquer ce paradoxe ?
Il est assez difficile de mesurer l’impact
de cette révolution numérique. Nous la
voyons bien dans notre vie quotidienne,
mais les grands agrégats macroéconomiques habituels – PIB, emploi – ont du
mal à l’appréhender. Ce que ces agrégats
savent mesurer, ce sont les investissements en infrastructures. Jusqu’au milieu
des années
2000, les statisticiens n’avaient
donc pas de
problème pour
prendre en
compte cette
révolution.
Mais, avec son
intensification,
le développement de nouveaux produits,
ils sont aujourd’hui à la peine. Et il
n’existe pas à ma connaissance d’étude
récente évaluant précisément l’impact
net de la révolution numérique sur les
économies des pays industriels.
« La fiscalité
des Gafa devrait
aussi être revue »
On le mesure dans les pays
en développement ?
Oui, le seul déploiement des infrastructures de télécoms, par exemple, y a un
effet important. Pour le Sénégal, par
exemple, une étude a pu établir que 23Š%
de la croissance de l’économie
entre 2005 et 2013 est due au numérique.
Les pays européens semblent
en outre en retard par rapport
aux États-Unis ou à l’Asie…
Absolument. En moyenne, au sein des
pays de l’OCDE, le numérique représente 5,5Š% de la valeur ajoutée. Or, en
France, nous ne sommes qu’à 4Š%. Si
nous étions un peu au-dessus de 5,5Š%,
cela représenterait 25 milliards d’euros
de valeur ajoutée supplémentaire.
Et ailleurs en Europe ?
Ce n’est pas beaucoup mieux. Seuls
l’Allemagne et le Royaume Uni sont respectivement à 5 et 6Š%. L’environnement
européen n’est clairement pas assez
favorable au développement du numérique. Les États-Unis, le Japon, la Corée
du Sud, ont su mettre en place des politiques industrielles, de concurrence,
soutenant le numérique, qui le protègent et l’aident à créer de la richesse.
Ce n’est pas encore le cas sur le Vieux
Continent.
Que faudrait-il faire ?
Il faudrait définir un niveau optimal
d’intensité concurrentielle, trouver le
bon arbitrage entre protection du
consommateur, via la concurrence, et
protection de la capacité à investir. En
Europe, il existe une véritable tension
entre une politique de la concurrence
qui prédomine, motivée par la recherche
du prix le plus bas pour le consommateur, et la création de richesse pour le
pays dans le numérique.
Ce qu’il faudrait donc mettre en œuvre,
c’est une politique européenne développant le rôle des acteurs européens du
numérique. Via une politique de la
concurrence adaptée – cherchant peutêtre moins à faire baisser les prix immédiatement –, des incitations à l’investissement, et une fiscalité plus favorable
aux télécoms.
Cette branche, qui représente près de
60Š% du chiffre d’affaires du numérique,
paie presque 90Š% des impôts et taxes
du secteurŠ! Pour remédier à cette distorsion, la fiscalité touchant les Gafa
devrait bien sûr être revue aussi. Il faudrait enfin stimuler une vraie politique
de l’innovation. Au total, une stratégie
en faveur du numérique aurait un
impact positif sur l’investissement et in
fine sur la croissance et l’emploi. Et
même sur les prix, en dernier ressort,
car l’innovation les ferait baisser.
Daniel Cohen le souligne après
d’autres : le numérique va affecter
fortement l’emploi dans
des secteurs comme la banque
et l’assurance. Compte tenu de
la polarisation du marché du travail,
des salariés à la qualification
moyenne qui y sont aujourd’hui
employés n’auront comme
perspective que de retrouver des
emplois peu qualifiés. D’où une
© DENIS ALLARD/REA
Le numérique pourrait contribuer plus fortement
à la productivité et à la croissance, si l'Europe était capable
de promouvoir une politique favorable à ce secteur.
perte de productivité globale pour
l’économie. Comment y faire face ?
Incontestablement, il existe une polarisation du marché du travail. Mais de là
à penser que cette révolution va plonger
dans la misère des populations entières,
c’est une vision un peu pessimiste.
Les opportunités sont nombreuses.
S’agissant du secteur financier, en
Afrique, la banque mobile permet l’accès à la finance à des millions de personnes qui en étaient jusqu’alors
exclues. La France est plutôt bien positionnée en matière de « fintech », secteur porteur de nouvelles opportunités,
y compris d’emploi. Plus généralement,
on constate effectivement une « ubérisation » de l’économie.
Mais comment évaluer l’impact sur
l’emploi d’Airbnb, par exempleŠ? C’est
assez difficile à calculer. Ce qui est certain, c’est que le numérique est créateur de revenus, qui ne prennent pas la
forme d’un salaire, mais correspondent
bien à une création de richesse. ■
I 47
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
GILBERT CETTE, professeur à l’université d’Aix-Marseille
Pourquoi les théoriciens de la stagnation
séculaire se trompent
Faire le pari de la stagnation séculaire, c’est ne pas prendre en compte l’effet futur sur
la productivité des innovations existantes. Et surtout, ne pas voir les produits à venir.
© C. LEBEDINSKY/CHALLENGES-REA
tantes, des changements importants,
des révolutions phénoménales vont
apparaître dans de nombreux
domaines, susceptibles de doper la productivité et donc la croissance pendant
longtemps.
Quelles sont ces révolutions ?
LA TRIBUNE – Alors que le numérique
se développe à grande vitesse,
la productivité ralentit. Comment
expliquer ce paradoxe ?
La productivité ralentit dans tous les
pays développés, sauf l’Espagne pour des
raisons très spécifiques, depuis le début
des années 2000, donc avant la crise. Ce
ralentissement intervient après une
vague de croissance de la productivité
associée aux TIC, ce qu’on a appelé la
troisième révolution industrielle. Cette
vague est beaucoup moins importante
que la précédente, celle correspondant à
la deuxième révolution industrielle
(moteurs à explosion, électricité, révolution des transports…) et que la première (machine à vapeur, chemins de
fer…). De cette petite vague, nous
sommes sortis avec un ralentissement
très net de la productivité.
Et maintenant ?
Que va-t-il se passer ?
Le clan des pessimistes, animé par Gordon, repris par Cohen, estime que cette
situation va perdurer, avec des conséquences très négatives pour la croissance
des économies : sur le long terme, celleci est largement commandée par la productivité. Moins de TIC, l’émergence de
biens nouveaux terminée : plus rien n’est
de nature à bouleverser nos modes de
consommation. De quoi alimenter le
pessimismeŠ!
Les optimistes s’appuient sur différents
éléments. Certes, la loi de Moore – qui
veut que les performances des microprocesseurs doublent tous les deux
ans – s’épuise. Mais l’histoire n’est pas
finie, des innovations comme la puce
3D peuvent changer la donne et insuffler une nouvelle vie à la loi de Moore.
Au-delà, une autre révolution peut
s’amorcer : avec les technologies exis-
On parle aujourd’hui parfois du « more
than Moore process ». De quoi s’agit-ilŠ?
Dans le domaine de la robotique, nous
en sommes aux balbutiements de l’appropriation d’immenses potentialités
de calcul liées aux technologies déjà
existantes. Les modes de travail vont
être bouleversés, l’économie de la
santé, l’économie pharmaceutique et
aussi le domaine de la recherche vont
changer profondément. Auparavant,
partager un projet de recherche en
temps réel avec un chercheur en Australie était d’une complexité inouïe.
Aujourd’hui, c’est parfaitement possible.
Par ailleurs, le nombre de chercheurs
dans le monde va littéralement exploser.
Certes, la probabilité que chacun d’entre
eux trouve une innovation diminue fortement, car il devient de plus en plus
difficile d’innover, mais le nombre de
chercheurs explose, par exemple avec
l’arrivée des Chinois sur le « marché », et
ce second aspect l’emporte largement sur
le premier. Autant de facteurs d’optimisme. En outre, en Europe continentale, nous sommes en retard dans la diffusion des TIC par rapport aux
États-Unis. Nous avons donc des réserves
de productivité.
N’y a-t-il pas aujourd’hui
un problème de mesure de
la productivité, les grands agrégats
(PIB) ayant du mal à prendre
en compte la nouvelle économie ?
Effectivement, le PIB peine à appréhender cette nouvelle économie. Il est de
plus en plus imparfait pour mesurer des
améliorations de notre niveau de vie. De
fait, nous avons accès à beaucoup de services gratuits, mal pris en compte dans
les statistiques. Facebook, par exemple,
n’est absolument pas pris en compte
dans le PIB, puisque le service est gratuit.
Le numérique ne contribue-t-il pas
paradoxalement à freiner
la productivité, en polarisant
le marché du travail, en supprimant
beaucoup de jobs moyens, pour
en créer quelques-uns en haut
de l’échelle, et beaucoup en bas ?
Joël Mokyr, un historien de l’économie
qui enseigne dans la même université que
Formule
Robert Gordon, a une réponse à ce type
de raisonnement : cet argument, on
l’entend depuis aussi longtemps que le
progrès technique existeŠ!
Quand les porteurs d’eau ont été supprimés à Paris, on l’entendait déjà. Dans la
capitale parisienne, on comptait au
xixe siècle 20Š000 porteurs d’eau qui
l’amenaient dans les étages, alors même
que la région comptait dix fois moins
d’habitants qu’aujourd’hui… la création
de canalisations a fait hurler nombre
d’observateurs, inquiets pour le sort de
ces travailleurs. Il en va de même du
poinçonneur de tickets dans le métro et
de nombreux autres emplois…
Des économistes célèbres, Keynes compris, ont fait l’erreur de croire que le
progrès technique réduisait globalement
le volume de l’emploi. Keynes estimait
nécessaire de réduire fortement la durée
du travail, évoquant à terme quinze heures
par semaine, en raison de la disparition
de certains emplois. L’idée était simple :
pour produire la même chose, on aura
besoin de beaucoup moins de gens, ou
en tout cas de moins d’heures de travail.
On a vu que c’était une erreur. Les créations d’emplois sont nombreuses par ce
que de nouveaux biens et services
émergent et sont produits.
Le problème, c’est que les postes
créés vont l’être souvent dans
des services à la productivité plutôt
faible. Des salariés des banques
ou du secteur de l’assurance vont
perdre leur emploi moyennement
productif, pour des jobs de service
qui le sont encore moins…
Peut-être, mais on a vu l’industrie perdre
du terrain depuis des années, au profit
des services, sans empêcher l’accélération de la productivité aux États-Unis
dans les années 1990. Simplement, de
nouveaux services ont émergé.
Au début du xxe siècle, quand ces théories ont fait florès, nul n’imaginait l’apparition de biens et services nouveaux.
Personne n’anticipait alors la démocratisation du téléphone, celle des biens de
consommation. C’est peut-être aussi le
cas aujourd’hui : nous sommes myopes
et incapables de dire quels sont les produits nouveaux ou les services qui vont
émerger dans les vingt années qui
viennent. Quel visionnaire crédible imaginait l’Internet ou le smartphone dans
les années 1970Š? Dans quinze ans, peutêtre aurons-nous tous des robots chez
nous. Qui nous feront la cuisineŠ!
Serons-nous plus productifs pour
autant ? Le smartphone, grande
INTÉGRALE
IN
TÉGRAL
ÉGRALE
Avec l’édition abonnés
La Tribune, prenez
les bonnes décisions
innovation de ces dernières années,
rend des services, on peut
désormais réserver des billets
d’avion depuis la plage… mais
il n’accroît pas la productivité
de son propriétaire. En tout cas
pas de manière mesurable.
Pour reprendre cet exemple, il fallait
auparavant de nombreux salariés derrière les guichets des agences de voyage
pour vendre des billets d’avion. Cela
n’est plus nécessaire, il y a donc gain de
productivité. Si par exemple ils s’occupent des personnes âgées, ce nouveau
service, qui se développe, augmente le
PIB. Finalement, le PIB
augmente à
nombre de salariés constants,
ce qui signifie
que des gains
de productivité
auront été
constatés au
niveau global,
même si les
nouvelles activités ne sont
pas à forte productivité. Quand Gordon
nous dit que nous avons tous un réfrigérateur, une cuisinière… et que l’extension des biens et services à consommer
est derrière nous, il se trompe. Des bouleversements sont possibles, qu’on est
incapable d’anticiper le plus souvent.
Nul n’imagine les biens nouveaux qui
nous entoureront dans dix ans.
« Dans quinze
ans, peut-être
aurons-nous
tous des robots
chez nous »
On constate tout de même un fort
ralentissement de la productivité
depuis dix ans ?
Il y a un problème de mesure. Et les
techniques ont évolué tellement vite
qu’elles ne sont pas encore pleinement
utilisées. Quand l’énergie électrique
s’est répandue dans le monde, les usines
fonctionnaient avec l’organisation correspondant à l’énergie à vapeur. C’est
seulement dans un deuxième temps
qu’une prise de conscience a eu lieu,
qu’il était possible de bouleverser l’organisation de l’entreprise, et obtenir des
gains de productivité phénoménaux.
Aujourd’hui, on n’a pas encore tiré parti
de l’ensemble des technologies disponibles. On peut imaginer, par exemple,
la disparition des caissières de supermarché : tout sera scanné automatiquement. Voilà donc un travail non qualifié
qui va disparaître. Au total, des gains de
productivité immenses sont possibles
dans les services. Ils vont bouleverser
l’économie. ■
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48 I
VISIONS
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
SIGNAUX FAIBLES
#COP21
© DR
Le nucléaire, outil contre
le changement climatique ?
PAR PHILIPPE
CAHEN
PROSPECTIVISTE
@SignauxFaibles
Radicalisation
et entreprise
La cellule Stop djihadisme a analysé
3 645 individus signalés en vingt mois.
Les résultats sont surprenants : 40%
sont des femmes, 20 % ont moins
de 18 ans, la moitié sont des convertis
dont certains de très fraîche date.
Ces individus vivent en France, seuls 10 %
sont partis au moment ou très peu
de temps après le signalement reçu.
Ceux qui sont passés à l’action en France
étaient des hommes autour de 30 ans,
musulmans d’origine. Il n’y a pas d’étude
semblable pour les zadistes qui
s’opposent violemment à différents
projets d’aménagement. Ils seraient,
selon la sociologue Irène Pereira, issus
de la classe moyenne, généralement
diplômés et précaires, plutôt jeunes.
Les partis politiques de gouvernement,
les syndicats dominants, les religions
ont des encadrements entre 50 et 60 ans
pour ne pas dire plus âgés. C’est une
rupture générationnelle qui s’élargit,
quasi semblable à celle de mai 1968, avec
des sujets différents. Bien sûr, il y a
le rejet de la société de consommation,
du modèle environnemental. Il y a aussi
la recherche de valeurs de référence,
la recherche de héros. Et puis, il y a
l’effet pervers du chômage français,
trop élevé, en hausse, qui écarte
durablement de l’emploi tant celui-ci
est protégé. Il crée des exclus.
Que peut l’entreprise ? Elle est
une source d’innovation attractive,
un champ d’exploration pour
de nombreux jeunes. Elle est un rêve
de création. Mais elle se trouve
confrontée au manque de courage
des politiques, notamment vis-à-vis
de la laïcité, au manque de poids
des syndicats, souvent trop
conservateurs et débordés. L’entreprise
n’est pas l’ambulance sociale du mal-être
français, mais elle est un lieu de dialogue,
d’échange et de construction.
L’ouvrage le plus récent de Philippe Cahen :
Les Secrets de la prospective par les signaux faibles,
Éditions Kawa, 2013.
À découvrir aussi sa contribution à l’ouvrage collectif
Rupture, vous avez dit disrupture ? Le futur est déjà
derrière nous, Éditions Kawa, 2015.
L
© DR
Radicalisation, déradicalisation. Depuis
les drames du 13 novembre, on n’entend
que ces mots pour expliquer les attentats
et comme réponse afin d’éviter qu’ils
ne se renouvellent. À observer de près
la radicalisation, le sujet est plus large
et plus fondamental. L’affaire de
la « chemise déchirée », un DRH
et un autre cadre frappés en comité
central d’entreprise, est une autre
radicalisation. Elle rappelle celle
du démontage du McDo de Millau, en fait
une démolition, encore des radicaux.
Noter le vocabulaire utilisé pour
minimiser l’action. Il y a quelques jours,
des radicaux masqués jetaient
les bougies et les pots de fleurs amassés
autour de la statue de la République pour
agresser la police. La radicalisation est
religieuse, politique, sociale, syndicale,
intellectuelle, voire dans l’éducation…
Tentons de trouver une explication
et une réponse.
S’agissant du changement climatique, les bénéfices du nucléaire sont trop
peu souvent relevés. De fait, ses émissions de CO2 sont très faibles, voire
quasi nulles si l’on ne prend en compte que la production d’électricité.
PAR
NICOLAS
MAZZUCCHI
GÉOÉCONOMISTE,
DOCTEUR
EN GÉOGRAPHIE,
CHERCHEUR
ASSOCIÉ À L'IRIS
orsque l’on s’intéresse
à la question du
nucléaire, les problématiques environnementales surgissent
i m m é d i a te m e n t.
Avant même de mentionner la technologie, la compétitivité économique ou les
aspects régaliens de l’énergie atomique,
l’environnement est la première question
qui apparaît quand est prononcé le mot
« nucléaire ». Les détracteurs de l’énergie
atomique pointent invariablement la gestion des déchets issus de la production
électrique, signe pour eux du danger
structurel lié à la fission de l’atome sur
un plan énergétique. En revanche, peu de
voix s’élèvent pour s’interroger sur les
bénéfices éventuels que peut apporter le
nucléaire dans l’optique de la lutte contre
le changement climatique. Le sujet pourrait presque apparaître tabou. Heureusement la COP 21, qui se tient cette année
à Paris, offre l’opportunité de s’y intéresser en profondeur.
UNE ÉNERGIE TRÈS PEU
ÉMETTRICE EN CO2
Les tours
de refroidissement
de la centrale
nucléaire
de Saint-Vulbas
en Bugey,
à quelque 45 km
de Lyon.
© ROBERT PRATTA /
REUTERS
Il appartient ainsi de poser un regard
dépassionné et critique sur la question
des émissions de gaz à effet de serre
dans le secteur de l’énergie pour comprendre si, oui ou non, le nucléaire est
une solution pertinente pour équilibrer la délicate balance énergétique
des pays, qui regroupe accès à l’énergie, sécurité énergétique et lutte
contre le changement climatique. Des
études ont ainsi été menées sur la question des émissions de gaz à effet de
serre – dans ce cas, majoritairement de
CO2 – du secteur électrique.
La plupart des travaux s’intéressent à
l’ensemble du cycle de vie des installations de production d’électricité
nucléaire, prenant en compte la tota-
lité de la chaîne de valeur allant de
l’extraction d’uranium au retraitement
des déchets en passant par la
construction et l’opération des centrales. Le rapport « The Role of
Nuclear Energy in a Low Carbon
Energy Future » de l’OCDE, paru en
2012, synthétise les résultats de nombreux travaux scientifiques pour aboutir à la conclusion suivante : le
nucléaire est, en moyenne, une énergie particulièrement peu émettrice de
CO2. Alors que le charbon, première
source d’énergie de l’OCDE et, de fait,
de nombreux pays européens, émet en
moyenne 888 tonnes de CO2 par GWh
produit, et le gaz naturel 499 t/GWh,
le nucléaire s’établit à 29 t/GWh, soit
à peu près l’équivalent des énergies les
moins émettrices, l’hydraulique et
l’éolien (environ 26 t/GWh).
Néanmoins, la production d’électricité
elle-même n’émet quasiment pas de
CO2 puisque la quasi-totalité des émissions est due à l’amont du cycle
(extraction de l’uranium) et à la
construction des installations.
Cela signifie donc pour notre pays
qu’il est particulièrement vertueux, au
niveau de son secteur électrique, dans
l’optique de la lutte contre le changement climatique.
En effet si l’on s’intéresse aux émissions de CO2 de la France, tous secteurs confondus, celles-ci s’établissent à 370Š000 kt en 2014
(données EdgarŠ; Commission européenne), à comparer avec les 840Š000
de l’Allemagne, les 5Š300Š000 des
États-Unis et les plus de 10 millions
de la Chine. Au niveau des émissions
par habitant, la France atteint les
5,7 tonnes, à comparer là aussi avec
les 10,2 tonnes pour l’Allemagne, 8,5
tonnes pour la Pologne, 7,5 tonnes
pour le Royaume-Uni ou 6,4 tonnes
pour l’Italie. En comparant la France
aux autres grands pays européens, par
l’économie ou la population, il appa-
raît que notre pays est bien plus
sobre en carbone que ses voisins.
AUGMENTER LA PART
DU NUCLÉAIRE ?
Cette sobriété, comparativement au
niveau de développement et d’industrialisation de notre pays, est avant
tout due à la faiblesse des émissions
du secteur de l’énergie.
En effet l’électricité produite en
France est très majoritairement
– environ aux trois quarts – issue du
nucléaire. Les choix politiques opérés
dans les années 1970 à la suite du premier choc pétrolier, ont eu non seulement un effet majeur sur les approvisionnements énergétiques français,
ainsi que sur le développement d’une
filière d’excellence, mais aussi un
impact non négligeable sur la lutte
contre le changement climatique.
Le nucléaire est ainsi une énergie particulièrement importante au regard
des objectifs climatiques fixés par le
GIEC.
De nombreux rapports – le scénario
450 de l’Agence Internationale de
l’Énergie, par exemple – pointent ainsi
la nécessité d’augmenter résolument
la part du nucléaire dans le mix énergétique mondial, laquelle n’est pour le
moment que de 6Š% environ.
Le nucléaire possède l’avantage de
permettre de disposer d’une puissance
installée importante pour chaque réacteur, tout en émettant peu de gaz à
effet de serre.
Toutefois, c’est une énergie qui nécessite une maîtrise technologique certaine et une attention toute particulière aux aspects de sûreté et de
sécurité. Là encore notre pays, en tant
que chef de file technologique, dispose
d’atouts indéniables pour envisager un
futur sobre en carbone, pour la France
et le monde. ■
I 49
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
VU DE BRUXELLES
AU CŒUR DE L’INNOVATION
Un « Schengen
de l’Internet » ?
© DR
FLORENCE
AUTRET
CORRESPONDANTE
À BRUXELLES
RETROUVEZ
SUR LATRIBUNE.FR
SON BLOG
« VU DE BRUXELLES »
« TECHNIQUEMENT,
LA SOLUTION EST SIMPLE :
METTRE SUR “OFF”
LE BOUTON
DU DÉNI D’ACCÈS »
légale. La réforme du droit d’auteur
vous transforme en ambassadeur
de vos propres droits, leur confère
une sorte d’extraterritorialité. Vous
voyagerez à l’avenir nimbé
d’une bulle invisible qui protégera
les abonnements souscrits en France
où que vous mènent
vos pérégrinations. « On crée la
possibilité par un mécanisme légal de
valider les droits d’auteur dans tous les
pays de l’Union, automatiquement »,
explique une porte-parole
de la Commission. Un truc quasi
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au capital de 4 850 000 euros.
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Siège social : 10, rue des Arts,
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Président,
directeur de la publication
Jean-Christophe Tortora.
Vice-président métropoles et régions
Jean-Claude Gallo.
miraculeux qui dispense d’en passer
par une laborieuse – et presque
infaisable – révision de tous
les contrats de cession de droits.
Techniquement, la solution
est simple : mettre sur « off »
le bouton du déni d’accès.
Les détenteurs des droits, maisons
de disques et autres sociétés
de production de films, ne seront
pas enthousiastes, car en pratique
cela signifie que sur un abonnement,
les droits vendus pour la France
ne pourront plus être réclamés
pour l’Allemagne, la Belgique
ou les Pays-Bas. Plus jamaisŠ?
La Commission précise que cette
portabilité sera garantie en cas
de « séjour temporaire »… sans
en préciser la durée qui pourrait
aller de « 1 jour à 2 ans », explique
une source européenne. La question
devra être tranchée entre diffuseurs
et gestionnaires de droit, qui seront
fondés à demander au diffuseur
où se trouve physiquement
le « consommateur » de l’œuvre.
Mais Bruxelles est convaincue que
tout le monde y gagnera, puisque
cela devrait stimuler les souscriptions
chez les abonnés voyageurs.
Est-ce à dire que l’on est sur le point
d’assister à l’abolition des frontières
nationales dans l’InternetŠ?
C’est un peu plus compliqué.
Cette portabilité transfrontalière
ne concerne que les services
à souscription, ceux pour lesquels
vous devez vous identifier.
Les nouvelles règles ne faciliteront
donc pas le visionnage d’une chaîne
librement accessible en ligne comme
Arte, actuellement indisponible
si vous vous trouvez en Espagne
ou en Italie. Pas de souscription,
pas d’identification… donc pas
de portabilité. Pour la même raison,
le problème de la rémunération
des droits d’auteur sur les contenus
diffusés, par exemple, par YouTube,
n’est en rien résolu… mais
des propositions sont à l’étude
pour le printemps prochain.
Dernière bonne nouvelle : non
seulement vous conservez l’accès
à vos abonnements, mais
le téléchargement des films ou
de la musique à l’ « étranger », via
un réseau téléphonique, ne devrait
pas entraîner de surcoût car
l’abolition de l’itinérance surtarifée
est déjà programmée. Le père Noël
a vraiment pensé à tout ! Il ne vous
reste plus qu’à patienter, car tout
cela ne sera en place au mieux
qu’en… 2017. En espérant que
les frontières – physiques – n’aient
pas été rétablies d’ici làŠ! ■
RÉDACTION
Directeur de la rédaction
Philippe Mabille.
Directeur adjoint de la rédaction
Robert Jules.
( Économie - Rédacteur en chef
adjoint : Romaric Godin.
Jean-Christophe Chanut, Fabien Piliu.
( Entreprise - Rédacteur en chef :
Michel Cabirol. Rédacteur en chef
adjoint : Fabrice Gliszczynski. Pierre
Manière, Sylvain Rolland, Marina Torre.
L
DR
C
’
est déjà
Noël pour
les amateurs
de séries TV.
Cette semaine,
Andrus Ansip
et Günther
Öttinger, les deux lièvres de mars
du numérique de la Commission
Juncker, ont proposé pour
les services à souscription en ligne
ce que la fin de l’itinérance (roaming)
est aux utilisateurs de téléphone :
l’effacement des frontières
nationales. Vos vacances d’été au
Portugal vous angoissent à la simple
idée que vous allez rater quelques
épisodes de House of CardsŠ?
Le projet de règlement présenté
cette semaine garantit
la « portabilité des droits » dans
toute l’Union européenne. De même
que bientôt vous pourrez téléphoner
au même tarif où que vous soyez
en Europe, vous aurez accès
– si le texte est adopté – à votre
abonnement Netflix où que vous
soyez, en vacances en Suède ou en
déplacement professionnel en Italie.
C’est une petite révolution
pour l’industrie culturelle qui est
organisée sur une base strictement
nationale, les diffuseurs achetant
les droits pays par pays. D’où le déni
d’accès actuel – dans le jargon du
métier « geoblocking » – en cas de
sortie du territoire. Mais comment
y mettre fin sans chambouler tout
le modèle économique de l’industrie
du divertissementŠ?
Grâce à une… fiction. Une fiction
La voiture privée
va disparaître
CÉDRIC
BROCHIER
DIRECTEUR GÉNÉRAL
FRANCE
DE VIVASTREET
( Finance - Rédacteur en chef
adjoint : Ivan Best. Christine Lejoux,
Mathias Thépot.
( Correspondants Florence Autret
(Bruxelles).
( Conseiller éditorial François Roche.
( La Tribune Hebdo Rédacteur en chef : Alfred Mignot.
Chef de studio : Mathieu Momiron.
Secrétaires de rédaction et révision :
Éric Bruckner, Maya Roux.
a voiture
est devenue
l’ennemi numéro
un des
écologistes.
Cependant, les
transformations
de son usage ne sont pas
uniquement dues à l’évolution
des consciences en matière
de climat. Il y a quelques
semaines, le gouvernement
annonçait notamment la fin
de l’avantage économique sur
le diesel. La transition est déjà
en marche. La Commission
européenne estimait en 2013
que seuls 17Š% des Parisiens
utilisaient leurs voitures pour
se déplacer. Le phénomène peut
s’observer dans la plupart
des grandes villes françaises.
Et si nous allions vers la fin
de l’automobile personnelleŠ?
Aujourd’hui, le « tout-voiture »
n’est déjà plus d’actualité,
notamment dans les grandes
villes. Nombreux sont ceux qui
ne possèdent pas de véhicule
personnel. On compte quatre
Franciliens sur dix – et le chiffre
grimpe pour les Parisiens qui
sont six sur dix – à être piétons.
Naturellement, les chiffres
varient selon le lieu
de résidence. De même,
nous roulons de moins
en moins. Une tendance visible
depuis 2013 puisque le nombre
de kilomètres parcourus par
les Français chaque année
diminue, alors qu’il était en
constante augmentation depuis
la Seconde Guerre mondiale.
Si un coût de plus en plus
dissuasif explique cette
évolution, il n’en est pas
le seul facteur. Le vieillissement
de la population, l’urbanisation
ainsi que les primes pour
l’utilisation des transports
en commun tendent à favoriser
les différentes possibilités.
Les années à venir verront
sans doute la généralisation
d’un nouvel usage de la voiture.
Jusque-là « personnelle »,
elle n’appartenait qu’à une seule
personne. Achetée neuve
ou d’occasion, son propriétaire
l’utilisait avant de la revendre
ou de la déposer à la casse.
Dorénavant, la voiture
n’appartiendra plus à une seule
personne. Ce nouveau véhicule
s’appelle « voiture autonome ».
Contrairement à une
COMITÉ DE DIRECTION
Max Armanet, directeur éditorial
Live Media.
Robert Jules, directeur adjoint
de la rédaction
Thomas Loignon, directeur des projets
numériques et du marketing marque.
Philippe Mabille, directeur
de la rédaction.
Aziliz de Veyrinas, directrice stratégie
et Développement Live Media.
automobile individuelle, celle-ci
sera utilisable à tout moment,
par une ou plusieurs personnes,
sans jamais appartenir à aucun
d’entre eux. Elle pourra être
en libre-service avec les Autolib’
par exemple, ou bien louée
à la demande pour transporter
des objets volumineux ou
effectuer des trajets plus longs.
Une auto pourra également être
achetée à plusieurs afin d’alléger
le coût initial et rentabiliser
une utilisation plus raisonnée.
Le succès du covoiturage
a également changé la donne.
Cette tendance vise
à une rentabilisation optimale
des véhicules. La Californie
réserve même des voies
spécialement pour les
covoitureurs sur ses autoroutes.
Si ce phénomène n’est pas
nouveau, il tend néanmoins
à s’étendre hors des villes,
et c’est là même que tient tout
l’enjeu du véhicule autonome.
D’un point de vue idéologique,
l’attachement à ce mode
de déplacement sera plus
nostalgique. Tout comme
certains regrettent
les déplacements à cheval,
les voitures pourraient bien
devenir des objets de collection.
Exposées dans un garage,
elles ne sortiraient qu’en fin
de semaine pour le plaisir
de leurs utilisateurs occasionnels.
D’ici à 2030, le marché
de la voiture autonome est
estimé à 87 millions de dollars.
Si les voyages hors
des agglomérations
s’effectueront sans doute plutôt
en train, le véhicule autonome
restera prévalent dans les villes.
La tendance est à un usage
modéré. Ainsi, les automobiles
seront moins nombreuses sur
les routes mais transporteront
plus de voyageurs à la fois. De
même, le nombre de véhicules
immobilisés sera plus restreint.
« Rien n’est permanent, sauf
le changement », disait Héraclite
d’Éphèse. En constante
mutation, la société entière
évolue dans ses pratiques
et ses usages. Le domaine
de l’automobile n’échappe
pas à cette logique. Face
aux constructeurs, les solutions
plus économiques et
écologiques se multiplient :
location, transport en commun
ou encore autopartage. ■
CONTACTS
Directeur commercial Hub Média :
Luc Lapeyre (73 28)
Responsable Abonnements :
Martin Rivière (73 13)
Abonnements et ventes au numéro :
Aurélie Cresson (73 17).
ACTIONNAIRES
Groupe Hima, Laurent Alexandre,
JCG Medias, SARL Communication
Alain Ribet, SARL RH Éditions/Denis
Lafay.
Imprimerie Riccobono
79, route de Roissy
93290 Tremblay-en-France
No de commission paritaire :
0519 C 851307.
ISSN : 1277-2380.
50 I
GÉNÉRATION
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
JÉRÉMIE ALLARD
Les ophtalmos
lui font
les yeux doux
Dispensée de levée de fonds grâce à un contrat
financé par la Fondation Bill Gates, Insimo, jeune
société strasbourgeoise, peut devenir championne
de la simulation pédagogique en chirurgie.
PAR OLIVIER MIRGUET
N
és sous une bonne
étoile. En 2013,
quand Jérémie
Allard et ses
anciens collègues,
chercheurs en
simulation médicale, ont créé leur
entreprise, Insimo, ils ne se doutaient pas
de l’intérêt de la fondation de Bill Gates
pour les techniques innovantes de formation des chirurgiens dans l’opération de la
cataracte. BingoŠ! Depuis sept ans, dans leurs
laboratoires de l’Inria (Institut national de
recherche en informatique et en automatique) à Lille, les fondateurs d’Insimo
avaient élaboré un module numérique simulant l’œil humain, adapté à l’apprentissage
en ophtalmologie. Retenue dans un appel
d’offres en groupement avec l’industriel
américain Moog, l’entreprise, présidée par
Jérémie Allard, est devenue fournisseur du
programme HelpMeSee, par lequel Bill
Gates entend éradiquer la cécité par cataracte (opacification du cristallin) sur le
continent africain d’ici à 2030. « Selon l’OMS,
il y aurait plus de 20 millions de personnes
aveugles à cause de la cataracte. La formation
des chirurgiens qui pourraient les opérer est
trop longue », rapporte Jérémie Allard. La
Fondation Bill Gates cherche donc un
moyen pour les former très rapidement au
geste qui consiste à remplacer la lentille
naturelle sans endommager les tissus de
l’œil. La solution, c’est la simulation :
Insimo fournit le modèle numérique de l’œil
humain, mais aussi la copie des outils,
comme le Crescent Knife, scalpel d’ophtalmologie qui permet d’exécuter des incisions
très fines, de l’ordre de 0,3 millimètre. Le
simulateur, de la taille d’une petite commode, a été peaufiné à Strasbourg, où
Insimo a finalement établi son quartier
général. Il dispose de deux bras articulés,
avec lesquels le chirurgien manipule ses
outils, et offre une vue en trois dimensions
sur un œil virtuel. Le modèle mathématique
mis au point par Insimo simule aussi la
déformation des tissus et leur résistance,
variables en fonction de l’âge du patient.
L’entraînement du chirurgien peut être
répété à l’infini : c’est une aubaine, surtout
dans les pays où l’apprentissage sur des
cadavres est limité, voire interdit.
DEUX MILLIONS D’EUROS
DE CHIFFRE D’AFFAIRES
« J’ai réussi à prouver que nous étions les seuls
au monde à pouvoir satisfaire les besoins de
cette formation », affirme sans fausse modestie Jérémie Allard. Résultat : deux millions
d’euros de chiffre d’affaires en deux ans,
dont un million déjà affecté en réserves
dans la comptabilité de la jeune entrepriseŠ!
« Faire fortune n’est pas ma motivation première », reconnaît Jérémie Allard, qui réfute
toute précipitation à l’évocation des prochaines étapes du développement de son
entreprise. La levée de fonds de 300 000 à
500 000 euros, prévue dans le business plan
initial, est remise à plus tard... La situation
d’Insimo, dont la croissance (16 salariés)
s’est autofinancée depuis 2013, est déjà
enviable. Une vingtaine d’automates,
assemblés dans une usine aux Pays-Bas, ont
établi la preuve de concept et le robot sera
prêt à faire ses classes en Inde et en Chine,
en 2016. « La simulation change complètement
la donne dans la formation des chirurgiens, qui
vont effectuer 95ƒ% de leur cursus de formation
sur ce support numérique », prévoit Stéphane
Cotin, cofondateur d’Insimo.
© O. MIRGUET
@olivierm
Zone d’influence : #FrenchTech @LaFTAlsace #startups
#inria_industrie #ophthalmology #cataract @HelpMeSee
Quand ce premier contrat arrivera à terme,
à la mi-2016, la société devra trouver un
levier de croissance. « Nous souhaitons mener
plusieurs projets de front, ne plus dépendre d’un
grand contrat monolithique », propose Jérémie
Allard. D’autres besoins de formation ont été
identifiés, sur d’autres pathologies et avec de
nouveaux organes à modéliser, comme la
rétine ou l’estomac. L’équipe travaille aussi
en phase exploratoire sur un simulateur de
fœtus. Insimo envisage déjà un modèle pour
le développement à bas coût de toutes sortes
de simulateurs pour former les chirurgiens.
« On est encore à 80ƒ000 euros minimum pour
un robot », reconnaît Jérémie Allard. « C’est
acceptable pour les hôpitaux mais beaucoup trop
cher pour des étudiants en médecine ou les cliniciens à titre individuel. »
Passer du rang de prestataire à celui d’industrielŠ? Le modèle économique reste à
définir pour les prochaines années. « Une
croissance financée sur une levée de fonds ne
sera pertinente que si nous pouvons initier nos
propres projets », prévient Jérémie Allard.
« Je n’ai que 35 ans et je suis fan de défis. Nos
technologies sont les mêmes que dans les jeux
vidéo ou les simulateurs de conception assistée
par ordinateur », observe-t-il. Mais pourquoi
devenir un généraliste, quand on maîtrise
déjà une spécialitéŠ? Depuis deux ans à
Strasbourg, cet informaticien a été adopté
par le monde médical. Et il s’y sent bien.
Jacques Marescaux, chirurgien féru de robotique et président de l’Institut de recherche
contre le cancer de l’appareil digestif
Formule
INTÉGRALE
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La Tribune, prenez
les bonnes décisions
(Ircad), a mis 100 mètres carrés de bureaux
à sa disposition. En juin, l’écosystème alsacien dans les technologies médicales (MedTech) a obtenu la labellisation French Tech,
prometteuse d’actions collectives dans
cette spécialité. La communauté numérique, qui trouve chez Insimo des salaires à
l’embauche entre 25Š000 et 40Š000 euros,
apprécie. « Il est important de travailler sur le
site de l’hôpital, à proximité des chirurgiens.
C’est ce qui nous distingue des simples SSII
informatiques », reconnaît Jérémie Allard. La
jeune pousse va encore grandir. ■
21
1979
Naissance.
2001
Maîtrise d’informatique à Orléans.
2005
Doctorat en sciences
informatiques
à l’INP de Grenoble.
2006
Fellowship/
Post-doctorat à Boston.
MODE D’EMPLOI
• Où le rencontrer ? Dans les réunions
de la French Tech en Alsace : dans
la région, ce label se limite au secteur
médical. Dans les locaux de l’Institut
de recherche contre les cancers
de l’appareil digestif (Strasbourg),
où sa société est en incubation.
2007
Chercheur à l’Inria
à Lille.
2013
Création de la société
Insimo à Strasbourg
et spécialisation
en ophtalmologie.
• Comment l’aborder ?
Via Linkedin, Twitter, par mail.
• À éviter ! « L’approximation dans
toutes les approches techniques. »
D’après son ancien patron, Stéphane
Cottin, « on est tous comme ça
à l’Inria ».
Abonnement
€
TIME LINE
Jérémie Allard
/MOIS
SEULEMENT
2016-2017
Nouveau projet
d’entreprise élargi
à d’autres
spécialisations
médicales.
Vite, j’en profite !
PENDANT
1 AN
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Crédit photo : Romain Laurent
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2 I
Rétrospective
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
Le monde de 2015 à 2045
À QUOI RESSEMBLERONT LES TRENTE ANNÉES QUI VIENNENT ?
QUELS POURRAIENT ÊTRE LES ÉVÉNEMENTS MARQUANTS QUI JALONNERAIENT
NOTRE AVENIR ET SYMBOLISERAIENT LES TRANSFORMATIONS DONT
NOUS ALLONS ÊTRE LES TÉMOINS DANS LES PROCHAINES DÉCENNIES ?
POUR CÉLÉBRER LES 30 ANS DE LA TRIBUNE, SA RÉDACTION S’EST ESSAYÉE
À CET EXERCICE DE FUTUROLOGIE EN CRÉANT 30 UNES ENRICHIES D’ARTICLES
EXPLICATIFS QUI POURRAIENT SYMBOLISER LES GRANDES ÉTAPES ÉCONOMIQUES,
SOCIALES, TECHNOLOGIQUES DU FUTUR. CES 30 ILLUSTRATIONS PROSPECTIVES
«
PUBLIÉES DANS NOTRE HORS-SÉRIE « RÉTROSPECTIVE SUR LE FUTUR », NOUS
INVITENT À RÉFLÉCHIR SUR CE QUE SERA LE MONDE DE DEMAIN… UNE INVITATION
À LAQUELLE ONT RÉPONDU DES CHEFS D’ENTREPRISE EN NOUS OFFRANT
«
© DR
© DR
Dix ans
après
sa conquête,
en 2035,
la planète
Mars
n’attire
toujours
pas la
colonisation
escomptée
© DR
LEUR VISION DU MONDE DANS LES TRENTE ANNÉES À VENIR. EXTRAITS.
GILLES AUGUST
NAJOUA ARDUINI-ELATFANI
Dans trente ans, parce qu’on n’a pas
le choix, les retraites sont capitalisées ;
le taux de remboursement des dépenses
de santé varie en fonction des revenus ;
chacun doit changer de métier au moins
trois fois dans sa vie ; nous ne vivons plus
au prix d’un crédit remboursable par
les enfants de nos enfants ; l’Europe est
devenue fédérale. Dans trente ans, parce que
la jeunesse le veut, le digital a transformé
tous les métiers ; le savoir-faire collaboratif
a pris le pas sur le savoir-faire individuel ;
les technologies vertes ont ouvert les voies
d’une nouvelle croissance ; la vie quotidienne
est bouleversée par les objets connectés ;
les réseaux ont remplacé les hiérarchies.
Dans trente ans, parce que c’est déjà là,
le clivage droite-gauche est devenu
une antiquité ; la bioéthique a fléchi devant
les prouesses médicales ; l’intime est devenu
une bizarrerie ; le cancer a été vaincu ;
la pensée de Mimi713 vaut celle de Paul
Ricœur ; le troisième âge commence
à 80 ans ; la liberté continue son
interminable combat contre l’obscurantisme.
Ni meilleur, ni pire : juste différent.
2015 aura été une année marquée par
des événements dramatiques, qui
malheureusement peuvent conduire à
des amalgames et au renforcement de
tendances qu’il faut combattre à tout
prix : peur de l’altérité, repli sur soi,
communautarisme ou entre soi. Or,
nous ne devons pas céder à cela ! La
France, dans trente ans, aura
surmonté ses peurs et réussi à créer
les conditions d’une société apaisée.
Pour y parvenir,
il aura fallu favoriser l’égalité des
chances. La France aura alors donné
une place à chacun de ses citoyens,
elle aura admis que la diversité est
une richesse et fait preuve
d’exemplarité. Chacun à son niveau
doit prendre ses responsabilités pour
faire vivre au quotidien un idéal
collectif dont les piliers d’humanité et
de tolérance sont les valeurs de la
République.
En 2045, la France sera plus forte, car
elle sera fière de ses citoyens, comme
les Français seront fiers de la France.
Associé fondateur chez August & Debouzy
Présidente du Club XXIe siècle
MARIE-CLAIRE CAPOBIANCO
Directrice des réseaux France et membre
du comité exécutif de BNP Paribas
Dans le futur, notre rapport au temps,
aux autres et à l’espace sera transformé,
augmenté, enrichi. La technologie sera
devenue fluide. Nous aurons connu
la saturation d’un monde surconnecté puis
nous aurons su rassembler et simplifier
les signaux multiples des objets qui
peuplent notre vie pour en arriver
à une nouvelle intelligence au service
de besoins essentiels, où les données
auront trouvé leur utilité. Alors, resteront
les vraies connexions, celles qui reposent
sur l’humain, la rencontre et la petite
étincelle d’une idée partagée et créatrice
de progrès ! L’esprit d’entreprise aura
gagné la planète. Entrepreneurs et
intrapreneurs partageront l’envie de faire
et d’oser. Dans ce futur riche d’échanges
à tous les niveaux, confiance et sécurité
seront, plus que jamais, des composantes
indispensables. Mon métier, celui
de banquier, y aura trouvé une légitimité
supplémentaire : celle de la connexion
des hommes, des entreprises, au cœur
des écosystèmes.
I 3
sur le futur
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
« «
© DR
JEAN-CHARLES DECAUX
Président de JCDecaux
La ville intelligente, durable et coconstruite
n’est plus un rêve futuriste. Elle s’anime
sous nos yeux dans le monde physique, autour
des mobiliers connectés dont le design
et l’ergonomie appellent au dialogue numérique.
Ces balises urbaines reçoivent, hébergent,
traitent et distribuent informations
géolocalisées, conseils personnalisés,
opportunités à saisir, messages
de la communauté de quartier… Désormais,
dans la cité en mouvement, le ballet des urbains
s’organise, se fluidifie et s’enrichit grâce
à ces services d’un nouveau genre au bénéfice
des citoyens. L’exercice est naturel tant
l’expérience du réel et du virtuel ne fait
plus qu’un, tant la ville est familière et amicale,
tant chaque mobilier urbain connecté contribue
au vivre-ensemble. L’édition « collective »
de La Tribune titre « JCDecaux atteint son
objectif : la smart city est devenue la personal
happy city ». L’édition « personnelle »
y reviendra pour chacun.
© DR
Difficile d’imaginer le monde de 2045
face aux incertitudes économiques
et à l’instabilité géopolitique actuelles.
Une chose est sûre, les mutations
démographique, environnementale,
énergétique et numérique en cours vont
radicalement changer sa physionomie.
Le virtuel va élargir, presque à l’infini,
le champ des possibles, raccourcir
les distances, rapprocher les territoires
et les continents, redessiner la ville et
recomposer les mobilités. Le numérique va
révolutionner nos modes de vie. En trente
ans, le monde n’aura jamais autant investi
dans les infrastructures. Des infrastructures
intelligentes, connectées, économes en
ressources et en énergie, et même
productrices d’énergie. C’est là que se jouent
les batailles économiques du futur et
la compétition entre les territoires. À nous
de ne pas rater ce virage, si nous voulons
rester dans la course.
AUGUSTIN DE ROMANET
Président directeur général
d’Aéroports de Paris
2045. Le monde n’a cessé de s’aplatir.
Les progrès réalisés depuis les années 1980
dans le secteur des transports se sont
poursuivis. La démocratisation du transport
aérien s’est achevée, profitant aux nouvelles
classes moyennes émergentes.
Des biocarburants bon marché se substituant
aux énergies fossiles ont permis d’accroître
la vitesse de déplacement. Alors que
la réalité virtuelle et la robotique
sont partout dans nos vies quotidiennes,
le besoin d’expériences réelles et de
rencontres humaines n’a jamais été aussi
fort. Au fil des décennies, le tourisme
a connu un essor continu et s’est imposé
comme l’un des principaux secteurs
économiques du monde, représentant
15 % du PIB mondial, presque un doublement
depuis 2015. Les différentes métropoles,
toujours plus liées à leurs aéroports,
rivalisent entre elles pour attirer
ces touristes et voyageurs d’affaires.
Unes
de
2015
à
2045
MARC DONCIEUX
Président directeur général
et fondateur d’Europa Group.
Le 13 novembre 2045 est la 30e célébration
des attentats de Paris, qui ont marqué
une inflexion politique majeure en Europe et
dans le monde. L’Europe, dont le président
français vient d’être élu pour son
quinquennat unique, est unie pour toutes
les fonctions régaliennes et bénéficie
des formidables investissements réalisés
au cours des trois dernières décennies
dans l’éducation. Les enfants de 2015,
devenus les cadres montants des
entreprises et administrations en Europe
insufflent cet état d’esprit fait de liberté
d’entreprendre, de soif continue
d’innovation, d’attention à l’autre et de souci
de la préservation du bien commun. La
numérisation continue de l’économie
a produit les effets attendus, notamment
en facilitant la vie quotidienne de chacun,
laissant un temps important à la formation
et l’information. Cette même digitalisation
a renforcé la quantité et la qualité
des échanges présentiels, l’envie de voyager
et de rencontrer d’autres cultures, qu’elles
soient professionnelles ou personnelles.
© DR
BRUNO CAVAGNÉ
Président de la Fédération nationale
des travaux publics
HORS-SÉRIE
© DR
© DR
L’avenir s’accélère vers
une convergence
des technologies
EMMANUELLE DUEZ
Cofondatrice de The Boson Project
et WoMen’Up
Huit cents signes pour rêver demain,
800 signes, ce n’est presque rien pour décrire
tous les rêves que j’avais, 800 signes
c’est presque trop dans le vide de ces rêves
qui se sont envolés. Nous sommes le
17 novembre 2015 et il m’est demandé
de partager avec vous ma vision du futur.
J’aurais pu vous parler de révolution,
d’audace, de mutation, de jeunesse, de vision.
J’aurais dû mais je ne peux pas. Juste
pour cette fois, je vais décliner. Pardon,
mais je n’arrive plus à rêver demain.
Ce monde qui est le mien, je crois que je n’en
veux pas. Comme beaucoup, je me relèverai,
comme beaucoup je m’engagerai, comme
beaucoup je rêverai de nouveau car c’est
d’utopie dont ce putain de monde a besoin,
d’utopies incarnées, portées et déployées par
des hommes et des femmes courageux. Mais
ce soir, je n’ai pas de vision à partager, juste
un souhait : avoir la chance de vivre dans un
monde où les gens qui s’aiment voudront
encore des enfants.
«
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
«
NICOLAS DUFOURCQ
Directeur général de Bpifrance
On aime tous prévoir mais on sait tous
qu’on se trompe à coup sûr. Tromponsnous donc, en disant que la France
de 2030, telle qu’elle peut être vue par
Bpifrance, n’aura plus rien à voir avec
la France d’aujourd’hui. Dans les quinze
prochaines années, la destruction
créatrice aura soulevé de nouveaux
massifs et en aura englouti d’autres.
Les emplois de service à la personne
continueront d’exploser, ceux liés
à la numérisation de l’économie aussi,
y compris dans l’industrie, qui trouvera
un nouveau sentier de croissance.
De nombreuses barrières régulatoires
auront été abattues, permettant
de déployer de l’activité sur le territoire
français dans de multiples secteurs.
La France sera plus diverse, le chômage
aura enfin baissé par adoption d’un mix
des modèles sociaux de nos voisins
britanniques, allemands et scandinaves.
Les dossiers traités par Bpifrance seront
beaucoup plus souvent représentés
par des femmes, des Français
de la diversité, des étrangers ayant choisi
de venir faire fortune sur notre sol.
La France restera le pays qui intègre
le mieux ses populations d’origine
étrangère. Paris sera reconnu comme
l’une des cinq grandes cités mondiales
de l’innovation et de la science.
NICOLAS HAZARD
Président de CalSo
2045. La fin de notre civilisation est
imminente. Épuisement des ressources
naturelles, explosion des inégalités,
aucune civilisation avant nous n’a
MEHDI HOUAS
Président
du groupe Talan
Qui pourrait aujourd’hui prédire la façon
dont nous vivrons dans cinq ans ?
Mobiles, connectés, en communautés :
tous les usages seront touchés,
transformés, adoptés et révolutionnés.
Inéluctablement, les industries perdent
de leur pouvoir, les clients les forçant
à se transformer ou à disparaître.
Cette révolution est exaltante.
Cependant, ces innovations doivent être
anticipées et accompagnées afin
de prévenir la peur d’une forme
d’« orwellisation » de la société.
L’innovation opérationnelle est présente
au quotidien, notre contribution est
d’accompagner cette transformation
avec des hommes et des femmes
passionnés qui excellent dans
leurs analyses et pratiques, en cocréant
avec nos clients des solutions adaptées
à la société de demain.
© DR
survécu à cette double tension. Des
Mayas aux Romains, en passant par les
Huns, tous ont vu leur empire
s’effondrer sous le poids d’une telle
pression. Nous n’échappons pas à la
règle. Notre civilisation capitaliste est,
en cette année 2045, bel et bien
arrivée à son terme. Tous les
indicateurs montrent que nous sommes
au bord de l’implosion sociale et
écologique. L’affaire n’était pourtant
pas si mal embarquée. Jamais dans
l’histoire de l’humanité, le progrès
technique n’avait connu un tel essor. Un
changement de paradigme était donc
possible : inventer et construire une
nouvelle économie, à la fois inclusive et
durable. Mais qu’avons-nous fait pour
en arriver là ?
© DR
© DR
Les effets du réchauffement
climatique et les progrès
de la science ont déplacé la culture
du blé vers le Nord
© DR
4 I
JACQUES HUYBRECHTS
Cofondateur de la Cité de la réussite
et fondateur du Parlement
des entrepreneurs d’avenir
En 2045, la métamorphose du travail est
accomplie… Le bureau ? Il n’y en a plus.
La pénibilité ? Elle a disparu. Les chefs ?
Ils n’existent plus. Mieux : nous sommes
tous chefs. En 2045, on ne va plus
au travail, c’est le travail qui vient à nous.
Les métiers manuels et répétitifs, la plupart
des services sont automatisés et effectués
par la dernière génération de robots. Moins
physique, moins fastidieux, le travail est
agréable et créatif, et cela vaut mieux car
on arrête de travailler plus tard, pour
ne pas dire jamais : avec une espérance
de vie qui dépasse les 100 ans, la retraite
est repoussée au-delà de 80 ans. Le mot
« carrière » est vidé de sons sens : la vie
professionnelle alterne les périodes
productives, les projets personnels
et familiaux, les formations et les voyages.
La moitié de la population active
ne travaille plus, ou en intermittence.
Chaque citoyen européen perçoit
un revenu minimum de subsistance.
Au fait, en quoi consiste le « travail »
en 2045 ? Il conçoit des process
de production respectueux de
l’environnement, il développe de nouveaux
produits en recyclant à l’infini les matières
premières, il invente des expériences
éducatives, culinaires, artistiques et
culturelles. Responsabilisé, indépendant,
partagé, plus agile aussi, le travail est enfin
devenu plus humain, et il se met au service
du bien commun et du bonheur de tous.
I 5
© DR
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
PIERRE-MARIE LEHUCHER
Président directeur général
de Berger-Levrault
Pourquoi j’ai épousé mon robot ? Il faut
dire que nous nous sommes attachés
l’un à l’autre, si vite : ma créativité
poétique le désarçonne. Nos caractères,
nos habitudes se sont accordés :
il compense sans arrogance ma mémoire
défaillante et je le nourris de mes
connaissances. Il accomplit sans efforts
toutes sortes de démarches pratiques,
et je n’ai plus à m’inquiéter de tâches
administratives. Je lui ai appris à choisir
un bon vin, à reconnaître un parfum,
à retenir ses commentaires, à choisir
un film en fonction de l’humeur. J’aime
lui apprendre de nouvelles recettes,
et ses réactions constructives
m’encouragent à prospérer. Il aime
tracer ma route. La loi sur le mariage le
permet dorénavant, nous nous sommes
unis un jeudi à la mairie de Monweb.
THIERRY JADOT
Président Dentsu Aegis Network France,
Benelux, Mena & Israël
Les trois prochaines décennies vont nous
précipiter dans l’ère d’une l’intelligence
artificielle accessible, de machines
apprenantes et autres robots domestiqués
qui, associés aux sciences du vivant, feront
entrer notre quotidien dans des dimensions
inégalées de prévention, de prédiction
et d’autonomie. Les nouveaux usages
attendus des innovations technologiques
qui s’immisceront jusque dans nos corps,
changeront nos rapports à la mobilité,
à la santé, à l’énergie, à l’espace, au travail,
nous obligeant à réinventer nos façons
d’être au monde et d’être aux autres. Ces
mutations accélérées n’auront de sens que
si elles servent l’amélioration de la qualité
et de l’espérance de vie de tous.
Les acteurs qui construiront cet avenir, et
qui, pour la plupart, n’existent pas encore,
ne réussiront à le rendre pérenne que
s’ils placent l’homme et la nature qui
l’accueille au centre de leurs projets.
© DR
FRANCK JULIEN
Président d’Atalian
Trente années peuvent paraître dérisoires
à l’échelle de l’humanité, mais c’est
une période considérable alors que
la technologie connaît un développement
exponentiel : il y a trente ans le Minitel
se démocratisait et le CD venait
concurrencer la cassette audio.
Aujourd’hui, la mondialisation
de l’information bouleverse déjà
nos modèles économiques et sociétaux.
Alors, quels scénarios pour 2045 ? Je suis
convaincu que notre monde
va profondément muter. Notre rapport
à la technologie va s’adoucir, menant
à une réelle collaboration entre l’homme
et l’outil. Les infrastructures vont se muer
en entités toujours plus connectées
et intelligentes. Véritables neurones
d’un réseau mondial, elles permettront
de développer des services prédictifs et
résolument tournés vers la personne.
© DR
© DR
«
Les années
2040
sont
l’apogée de
l’intelligence
artificielle,
devenue
le moteur
de notre
vie
quotidienne
JEAN-PIERRE LETARTRE
Président d’EY France
EY a identifié six tendances à l’origine
des transformations qui font voler
en éclats les contours du monde tel que
nous le connaissons, pour redessiner
celui dans lequel nous vivrons demain
ou dans un futur plus lointain :
la révolution numérique, l’accélération
de la mondialisation, l’urbanisation
galopante, la prise de conscience
de la limite de nos ressources,
le développement de l’entrepreneuriat, et
la prépondérance des sciences du vivant
et des enjeux liés à la santé. Quel que soit
le niveau de maturité des entreprises,
savoir comment se transformer et quels
leviers activer pour s’adapter,
en intégrant ces ruptures profondes, est
une question de survie. Les dirigeants
qui considèrent leur entreprise comme
un moteur du progrès économique
autant qu’un partenaire du bien-être
social sont et seront les plus performants
sur leurs marchés dans trente ans.
«
6 I
PHILIPPE MONLOUBOU
Imaginez qu’au début du XXIe siècle, nous
ne faisions confiance qu’aux personnes
que nous connaissions ! Notre réseau était
extraordinairement limité. Aujourd’hui,
en 2045, grâce aux outils créant
la confiance entre particuliers sur Internet
(notations, modération par
les plateformes, identité et réputation
digitales) notre réseau a été démultiplié
à l’infini. La confiance décuplée a permis
de tisser des liens entre des individus qui
ne se seraient jamais rencontrés, et
un partage de biens, de connaissances,
de temps, de contenus ou d’argent
à une échelle jusque-là inimaginable.
Notre société s’est ainsi affranchie
de clivages sociaux, culturels ou
générationnels, et a démocratisé l’accès
à des solutions plus adéquates, abordables,
et innovantes, permettant une amélioration
sans précédent de notre niveau de vie.
Le réseau de distribution d’électricité
a entamé, depuis plusieurs années,
une profonde mutation vers un système
plus dynamique, où les échanges se font
à tous les niveaux : national, régional
et local. Celui-ci s’adaptera à toutes
les nouvelles consommations et
les futures énergies douces. Le réseau
électrique sera intelligent
et communicant, se plaçant ainsi
en facilitateur de tous les nouveaux
défis. Je suis convaincu que les résultats
de la transition énergétique et
de la révolution technologique
des compteurs Linky auront permis
de connecter des milliers de nouveaux
usages dont nous ne soupçonnons
pas encore l’existence. L’électricité
est sans aucun doute l’énergie du futur
et la France sera à la pointe de
ce secteur.
© DR
Président du directoire d’ERDF
CÉDRIC MIGNON
Directeur du développement Caisse d’Épargne
Aujourd’hui, entre la Caisse d’Épargne
et ses clients, ce sont plus d’un milliard
de contacts annuels. Ce nombre va doubler
dans les dix ans et la conversation
deviendra plus numérique que physique.
Cela nécessite de s’adapter, en intégrant
les codes des startups et les outils digitaux,
tout en continuant à renforcer la valeur
ajoutée du conseil de proximité. Un atout
majeur des banques est d’être notamment
perçues comme le premier tiers
de confiance face à l’émergence
de nombreux et nouveaux acteurs digitaux.
Cela sera très utile pour répondre
aux besoins croissants des Français
en matière de protection de leur identité
numérique et de leurs documents.
Les 500 000 clients Caisse d’Épargne qui
ont ouvert un coffre-fort numérique
en sont une première preuve, qui nous
ouvre de nouvelles perspectives.
«
© DR
FRÉDÉRIC MAZZELLA
Président fondateur de BlaBlaCar
NICOLAS MOREAU
Président directeur général d’Axa France
D’ici à
2070, tout
le trafic
aérien
devra avoir
basculé
dans l’automatisme,
ce qui
suppose
une fiabilité
extrême
des liaisons
entre
les avions
«
Faire des prévisions à trente ans est
une chose délicate dans l’environnement
bouillonnant qui est le nôtre. Dans les pays
d’Europe, les habitants seront en majorité
des séniors et la population hors solde
migratoire va baisser, les classes moyennes
vont se développer rapidement dans
les pays en voie de développement,
se regroupant dans des mégalopoles
proches des côtes. La santé va faire
des progrès considérables avec les
avancées de la connaissance du génome,
des biotechnologies et de la microchirurgie,
entraînant une augmentation significative
de la durée de vie. Le numérique,
l’impression 3D et le traitement des
données vont continuer à révolutionner
à la fois notre industrie, nos services et
les moyens d’accès pour le consommateur
de ces produits et services : plus
d’immédiateté, de sur-mesure et de choix…
© DR
© DR
© DR
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
CARLOS MORENO
Professeur, conseiller scientifique,
spécialiste international
de la ville intelligente
Dans trente ans, Il y aura sur la planète
10 milliards d’habitants, dont 75 % d’urbains.
Vivre dans une mégalopole et utiliser
massivement des technologies sera un fait
sociétal. L’âge médian aura atteint 50 ans
et 38 % des gens auront plus de 60 ans.
Parmi les dix grandes puissances
démographiques, la seule occidentale sera
les États-Unis. Les émissions de CO2 auront
dû être divisées par deux pour que la Terre
soit vivable. C’est un scénario qui se joue
aujourd’hui. Un tournant où écosystème,
frugalité, modernité, empathie et altérité
riment avec qualité de vie, respect d’autrui
et bienveillance. D’autres relations entre
les hommes seront possibles
si la technologie, la culture citadine
et la manière de vivre ont rencontré
en 2050 esprit et transcendance. Villes
et sagesse ou villes et chaos ? L’écart
est mince entre utopie et dystopie.
«
I 7
LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR
«
Directeur général de la Société générale
Notre société dans trente ans ? Comment
prévoir l’avenir à aussi long terme face à tant
de mutations et d’incertitudes ? La
révolution numérique s’accélère dans tous
les pans de la société, laissant ouvert un
champ d’innovations inimaginable. Les
incertitudes économiques ne laissent pas
entrevoir l’assurance d’un scénario
de croissance linéaire. Quant
aux instabilités géopolitiques, nous savons
malheureusement qu’elles peuvent avoir des
effets imprévisibles
et dramatiques jusque sur notre propre
territoire. L’avenir est incertain, mais,
au nom des générations futures,
nous avons le devoir et le pouvoir de le
construire tous ensemble pas à pas.
Donnons-nous un cap. Une France
entreprenante et confiante dans une Europe
forte, mieux intégrée, au profit de la paix, de
la croissance et
de l’emploi. Cultivons nos valeurs
européennes !
© DR
ALAIN PONS
HERVÉ PUYBOUFFAT
Président de Deloitte France et Afrique
francophone, Deputy CEO Deloitte monde
Président Tagerim Promotion
L’humain au cœur de l’éducation…
Nous avons longtemps sélectionné
par les humanités, puis aujourd’hui
par les maths. Je suis convaincu que
la réforme de fond sera l’apprentissage
de l’humain. La technologie est
un prérequis dans un monde qui multiplie
les interfaces de communication. Mais, si
on n’apprend pas dès le plus jeune âge à
maîtriser l’acte de communication grâce à
l’empathie et à l’émotion, on risque le repli
sur soi. On voit qu’aujourd’hui, notre
utilisation des outils est un acte personnel.
L’homme doit dominer la technologie et
réapprendre le lien social. Nous devons
apprendre à travailler ensemble.
C’est pourquoi je crois au poids
prépondérant des sciences humaines et
sociales dans l’éducation. Il faut évidemment
un socle technique. Mais, entre deux experts,
celui qui saura faire preuve d’empathie sera
le gagnant.
La mutation énergétique des logements
et des lieux de travail est en marche depuis
dix ans, et de plus en plus présente dans
la conscience collective et les débats publics
nationaux et internationaux. Le bâti deviendra
toujours plus respectueux de l’environnement,
plus économe et sera même producteur
d’énergie. Il est déjà d’une qualité d’usage
sans cesse améliorée, et offre un plus grand
choix dans le parcours résidentiel. Toutefois,
un grand défi reste à relever pour que la France
continue d’apporter sa pierre à l’édifice encore
fragile de la protection de notre planète.
Un antagonisme est apparu depuis la création
de la loi sur la solidarité et le renouvellement
urbain, entre la densification de nos villes
face à leur talement et la population
déjà établie. Espérons que nos élus,
gestionnaires du droit des sols, placeront
au-dessus de tous les autres critères
la qualité environnementale à léguer
à nos enfants.
de manière très rapide, très efficace, et très
simple grâce au numérique et au mobile.
Avec le développement de la 3G et bientôt
de la 4G, ainsi que la généralisation de
smartphones bon marché, tous les outils
sont en place pour un rattrapage
économique massif de l’Afrique. Que l’on
parle de e-commerce ou de m-commerce, de
consommation de contenus,
de services bancaires, d’accès à
l’information, ou encore de besoins aussi
essentiels que la santé, l’éducation ou
l’agriculture, on ne mesure pas encore
l’ampleur du progrès numérique que
connaîtra l’Afrique dans les prochaines
années.
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FRÉDÉRIC OUDÉA
THIBAUD SIMPHAL
Directeur général d’Uber France
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En 2045, la population mondiale
dépasse les 9 milliards d’habitants
STÉPHANE RICHARD
Président directeur général d’Orange
D’ici trente ans, il ne fait aucun doute que les
technologies et les réseaux auront pris une
place encore plus grande dans notre vie
quotidienne, ils seront quasiment aussi
nécessaires à l’activité humaine que l’est
aujourd’hui l’accès à l’eau ou à l’électricité.
L’Afrique est dans une situation très
particulière. D’une part, les réseaux fixes y
sont très peu développés, d’autre part,
beaucoup d’Africains n’ont aujourd’hui pas
accès à des services considérés comme
basiques en Europe : commerce en ligne,
services bancaires, divertissement.
Ma conviction, c’est que ce retard peut se
transformer en une véritable opportunité car
tous ces services vont pouvoir se développer
Il y a trente ans, en 1985, nul ne pouvait
se douter que l’irruption d’Internet
bouleverserait notre perception du temps et
de l’espace aussi rapidement. Dans trente
ans, en 2045, nul ne peut dire à quoi
ressemblera précisément notre quotidien.
Nous serons probablement connectés en
permanence, monde réel et monde virtuel
seront plus que jamais mêlés, la distance
sera moins encore qu’aujourd’hui un
obstacle, le temps gagnera encore en valeur.
Le transport sera devenu simple, immédiat,
évident. La difficulté et le stress
des déplacements seront largement effacés
par la technologie. Entreprise ou individu,
il suffira d’un clic, d’un geste pour voyager,
une expérience apaisée désormais consacrée
à la détente, au travail ou à l’échange.
Le futur auquel nous travaillons
chez Uber ressemble à cela :
un futur où la technologie continue
de dompter l’espace et la distance au profit
du temps.
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