L 15174 F: 3,00 - La Tribune Women`s Awards
Transcription
L 15174 F: 3,00 - La Tribune Women`s Awards
I I L 15174 - 154 - F: 3,00 € LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR L’édition collector de La Tribune En vente > 10.12.2015 femmes The Th Next Generation Gene EMMANUELLE DUEZ, FONDATRICE DE THE BOSON PROJECT ET WOMEN’UP, ET CATHIA LAWSON–HALL, BANQUIER CONSEIL POUR L’AFRIQUE, SOCIÉTÉ GÉNÉRALE : 2 DES 14 CANDIDATES DE LA VIE ÉDITION DES LA TRIBUNE WOMEN’S AWARDS. © MARIE-AMÉLIE JOURNEL « LA TRIBUNE S’ENGAGE AVEC ECOFOLIO POUR LE RECYCLAGE DES PAPIERS. AVEC VOTRE GESTE DE TRI, VOTRE JOURNAL A PLUSIEURS VIES. » DU JEUDI 10 DÉCEMBRE AU MERCREDI 16 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - 3 € COMMUNIQUÉ Sophie Delafontaine, petite fille du fondateur de la Maison Longchamp et directrice artistique de la marque, imagine les collections de prêt-à-porter et souliers à partir des sacs. STYLE Longchamp crée la silhouette globale Maison familiale et indépendante, Longchamp célèbre l’élégance à la française depuis plus d’un demi-siècle. De l’incontournable sac Le Pliage® aux souliers et collections de prêtà-porter, la marque est toujours en mouvement. Retour sur un créateur made in France, diffusé aux quatre coins du monde. L ’ Mocassins compensés Artwalk excellence française, façon Longchamp… c’est une histoire de famille adossée à un esprit visionnaire qui depuis plus de 60 ans forge le trait d’un style audacieux. Car chez les Cassegrain, l’audace se transmet de génération en génération depuis la création de la marque en 1948. L’aventure commence d’ailleurs avec Jean et son idée tout à fait novatrice à l’époque, de galber de cuir les pipes vendues dans la civette familiale du boulevard Poissonnière à Paris. Succès immédiat : la pipe gainée va vite être vendue en gros et la civette, devenir l’adresse de référence parisienne des accessoires de luxe et haut de gamme. Mieux encore, les articles vont être disposés dans les plus beaux hôtels de la capitale, devenant peu à peu la référence du chic parisien. Le réseau commercial s’agrandit. Dès 1955, Jean Cassegrain amorce le marché au Japon. Cinq ans plus tard, les produits Longchamp sont vendus dans 102 pays ! Pipes, porte-cigarettes, cendriers, pochettes pour passeport, porte-cartes… tous gainés de cuir, connaissent un succès florissant avec un fort développement à l’international porté par le tout jeune fils Philippe, passé Directeur de la maison. Les portefeuilles et pochettes pour messieurs ont fait leur apparition et prennent peu à peu le leadership sur un marché « fumeur » qui s’éteint doucement. 1978 est un virage important pour la marque qui déploie dès lors toute son énergie sur la maroquinerie. Avec ses sacs de voyage, valises, puis sacs pour dame, la griffe Longchamp pose son empreinte dans l’escarcelle du luxe, toujours à contre-courant, toujours là où on ne l’attend pas. L’esprit visionnaire Déjà en 1961, à l’ouverture de l’aéroport d’Orly, Jean Cassegrain surprend tout son entourage en décidant d’y ouvrir une boutique Longchamp ; il sera d’ailleurs le premier à y installer un commerce. « Quelle idée de vendre des articles de bagage et maroquinerie à des voyageurs qui en sont déjà pourvus ? », s’entend-il seriner. On connaît la suite et le succès sans précédent et copié de l’initiative. L’histoire de Longchamp sera, sans discontinuer, marquée par cet esprit visionnaire et novateur. Des premiers sacs pour dames inspirés des trousses de toilette aux sacs de voyage pensés façon trousses de médecin, le succès des modèles amorce l’emblème de l’élégance à la française, dont l’élaboration en atelier est savamment mise au secret du savoir-faire tanin. Et puis, il y a ce fameux jour où Philippe Cassegrain rentrant d’un voyage au Japon, imagine un sac sur le modèle de l’art de l’origami nippon. « Une folie ! », pour les chefs de création et d’atelier. Pas pour le Président de Longchamp, qui depuis les années 80 élabore des collections à partir de nylon enduit, garnies de cuir de porc pour les embellir sans les alourdir. L’air de rien… une petite révolution dans le milieu du bagage. Le Pliage®, l’emblème de Longchamp 1993, le sac Le Pliage® voit le jour. D’un geste rapide, il se déplie et se replie sans contrainte. Conçu dans une toile de nylon ultra résistante et légère, garnie de « cuir de Russie », Le Pliage® devient la Star de la marque. Vingt ans plus tard, il est le sac le plus vendu dans le monde. Revisité de nombreuses fois, il est passé entre les mains d’artistes et créateurs de renommée internationale et apparaît en 2012 sous sa forme cuir, ce qui de prime abord aurait pu paraître improbable. Et pourtant, les bureaux de création de Longchamp parviennent à fabriquer dans la plus pure tradition de la marque, un sac Le Pliage® en cuir qui, à l’instar de l’original en nylon, se déplie et se replie sans qu’aucun pli ne se forme. Aujourd’hui, Jean Cassegrain, petit-fils du fondateur et actuel Directeur Général, rappelle à l’envi comment le sac Le Pliage® « a contribué à la croissance rapide de Longchamp au cours des deux décennies qui viennent de s’écouler. Il réunit tout ce que notre maison a de meilleur – savoir-faire français, qualité, modernité, style et élégance ». Quand le vêtement devient l’accessoire Et puisque chez Longchamp on aime aller à contre-courant, la maison n’hésite pas à explorer d’autres territoires que la maroquinerie. En 2009, sous l’impulsion de sa directrice artistique et petite fille du fondateur, Sophie Delafontaine, la marque lance sa ligne de prêt-à-porter et de souliers. Mais sur un concept décalé ! Celui de créer une silhouette globale Longchamp dans laquelle les rôles s’inversent. « Chez nous, c’est le sac qui est l’élément principal de la silhouette et le prêt-à-porter est l’accessoire ». Pari osé, défi relevé ! Toutes les collections partent des sacs ; Longchamp décline les codes de sa maroquinerie sur l’ensemble de ses silhouettes. Blouson, manteau, robe, jupe, top et souliers sont imaginés à partir des codes de la maroquinerie. A chaque saison, le sac trouve sa correspondance dans la collection de prêt-àporter et de souliers. Avec en nec plus ultra, le cuir, utilisé en fil rouge sur les différents modèles. Confidentielles à leurs débuts, les silhouettes globales Longchamp ont depuis fait leur chemin et sont dignement représentées par les it girls les plus tendances du moment de Kate Moss à Alexa Chung. L’automne-hiver 2015 s’annonce sous le signe du Pliage® Héritage allié aux pièces arty et colorées de la saison. Une énergie créative sous les auspices de l’élégance. Une certaine idée du Made in Longchamp. Baskets Le Pliage Néo Fantaisie Sacs Le Pliage Héritage DEPUIS 30 ANS, L’INNOVATION EST AU CŒUR DE NOS ACTIONS Oser. Réinventer. Anticiper. Du lancement de la marque dans le désert de Ténéré à la Silicon Valley, notre histoire est née de notre esprit d’entreprendre. Aujourd’hui plus que jamais, nous avançons avec audace et innovation. En nous engageant dans de nouveaux projets et en restant aux côtés de ceux qui prennent des risques, entreprises comme particuliers. AXA, 30 ANS QUI VONT DE L’AVANT www.axa.com/30ans I 7 LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR TEMPS FORTS ÉDITORIAL État d’urgence économique PAR PHILIPPE MABILLE SOMMAIRE © MARIE-AMÉLIE JOURNEL @phmabille F usions à gauche, confusion à droite. Le premier tour des élections régionales en France a semé la zizanie dans les étatsmajors politiques, pris de court par l’ampleur, pourtant annoncée, de la montée du Front national. Rien ne dit pourtant que la carte politique des régions qui sortira du second tour ressemblera à celle, inquiétante, de dimanche dernier. La gauche rassemblée pourrait bien remporter plus de régions que prévu, et la droite, qui manque de réserves de voix, ne devrait ses principales victoires qu’au harakiri accepté par le Parti socialiste dans le Nord, Paca et en Alsace, pour tenter de faire barrage au FN. Ce sera le premier enjeu du second tour. Avec un peu plus de 6 millions de voix, le Front national ne réédite pourtant pas son score du premier tour de la présidentielle de 2012 (6,4 millions de voix), un scrutin où la participation avait été de près de 80%. Marine Le Pen dispose sans doute de réserves de voix pour atteindre le second tour de la présidentielle de 2017, surtout si la gauche et/ou la droite y vont divisées. Mais elle n’a sur la base de ses résultats actuels aucune chance de l’emporter dans un second tour, lorsqu’il lui faudra obtenir plus de 15 millions de voix. Il faut donc prendre ces élections régionales pour ce qu’elles sont, avant de se livrer à des conjectures hasardeuses prédisant à la France un avenir à la hongroise. La forte poussée du Front national adresse un avertissement, net et clair, aux dirigeants de la droite et de la ÉVÉNEMENT 8 LA TRIBUNE WOMEN’S AWARDS Pour la sixième année consécutive, notre journal honore les femmes entrepreneures d’excellence. gauche qui se sont succédé au pouvoir depuis le début de la crise. Et qui se sont montrés, les uns comme les autres, totalement impuissants à résoudre les difficultés du pays. Prenons quelques repères : il y a dix ans, en 2005, la France comptait 2,4 millions de chômeurs. Avec la hausse enregistrée en octobre, la France métropolitaine compte désormais 3589800 chômeurs… Partout ailleurs en Europe, le chômage recule. C’est donc qu’il doit bien y avoir un bogue quelque part dans le fonctionnement de notre économie et de notre marché de l’emploi. Qu’est-ce que l’on attend pour s’y attaquer? La dette? Elle était de 64% du PIB il y a dix ans. Elle frôlera les 100% du PIB, soit une année de richesse nationale, en 2016, sans que rien ne soit fait de sérieux pour inverser cette courbe. La France affiche un record mondial de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires, et on ne peut pas vraiment dire que son modèle social se montre beaucoup plus efficace que celui des autres pays européens. Au contraire, la pauvreté progresse, tout comme le sentiment d’exclusion d’une part croissante de la population qui prend pour cible la classe dirigeante, les élites, l’Europe, la mondialisation, les « étrangers ». Pour répondre au message du « peuple », c’est un état d’urgence économique qu’il faut prononcer. À continuer à ne rien faire ou si peu, le risque est que la démocratie n’y survive pas. Or que constate-t-on? Des partis politiques dans le déni qui se renvoient chacun la responsa- bilité de la montée de l’extrême droite. Nicolas Sarkozy, qui se voyait élu dans un fauteuil en 2017 en incarnant l’alternance, vient de voir voler en éclats la stratégie de droitisation qui l’avait déjà fait perdre en 2012. Elle fait fuir ses électeurs centristes vers la gauche et elle pousse ses électeurs de droite à préférer l’original à la copie. Quelles conclusions va-t-il tirer de ces élections? On ne peut pas imaginer que cela restera sans conséquence, notamment sur la primaire de la droite. Le seul vainqueur, finalement, de ces élections régionales pourrait bien être François Hollande qui, tout en encaissant les bénéfices politiques du virage sécuritaire imposé par la menace d’attentats, pourrait enfin parvenir à rassembler la gauche, unie par la peur. Des petits calculs électoraux qui sont loin de répondre à l’urgence de la situation politique. Et qui, en l’absence de réformes à la hauteur, seront jugés sévèrement par les Français. Il reste dix-huit mois avant l’élection présidentielle de 2017. Le chef de l’État, qui a lié son sort à une inversion franche de la courbe du chômage, est attendu sur cette promesse. Un enjeu qui engage aussi le patronat qui ferait mieux de se mettre autour de la table avec les syndicats pour négocier un nouveau compromis social, plutôt que de se contenter de pousser des cris, une semaine avant les élections, à la perspective de voir arriver au pouvoir le Front national… avec un programme économique proche de celui du parti communiste des années 1970. ■ ENTREPRISES 32 VISION WATSON, LE ROBOT D’IBM, CHERCHE UN EMPLOI NON AU DIKTAT ÉCOLOGISTE ! LA TRIBUNE, 30 ANS D’AVANCE SUR L’AVENIR Tandis que la #COP21 touche à sa fin, l’économiste Jean-Charles Simon s’insurge ici contre l’idéologie simpliste de la lutte du bien et du mal qui sous-tend, selon lui, la nouvelle doxa écologiste, et en dénonce les illogismes. Un propos tonique, où l’auteur s’engage sans réserve en faveur de la croissance. Né le 16 janvier 1985, notre journal fête ses 30 ans en proposant sa vision d’avenir, une anthologie de ses unes des trente prochaines années. Un hors-série de 248 pages. Parti à la conquête du nouveau marché du « commerce cognitif », le groupe américain cherche à convaincre les commerçants de souscrire aux services de Watson, son système d’intelligence artificielle qui est censé prodiguer des conseils en marketing, prédire et stimuler les ventes. 45 SUPPLÉMENT EN PLEINE #COP21… « ALERTE ROUGE » À LA POLLUTION SUR PÉKIN ! Pour la première fois, la municipalité de Pékin s’est déclarée lundi 7 décembre en alerte maximale « rouge » à la pollution atmosphérique. Elle a de ce fait adopté des mesures exceptionnelles, alors même qu’un nouvel épisode « d’airpocalypse » menace les 21 millions d’habitants de la capitale du premier émetteur mondial de gaz à effet de serre. Parmi les mesures mises en place dès le lendemain par le Bureau de la protection environnementale de la municipalité de Pékin, on note le retrait temporaire de 30 % des véhicules de fonction des autorités, la circulation alternée pour les particuliers, l’interruption des chantiers en plein air, l’interdiction de circulation pour les camions du BTP et même l’arrêt d’activité pour les usines les plus polluantes, tandis que les écoles et collèges sont par ailleurs appelés à « suspendre les cours », une mesure « recommandée » mais cependant non obligatoire. Ces mesures étaient dans l’ensemble bien accueillies par la population : « Le gouvernement montre enfin qu’il prend à cœur la lutte contre ce fléau », relevaient des internautes sur le réseau social Sina Weibo. Reste que la pollution de l’air dans les grandes villes chinoises est un phénomène récurrent, devenu l’un des principaux sujets de mécontentement de la population et à l’origine de centaines de milliers de décès prématurés. © REUTERS L’HISTOIRE © ISTOCK 8 I L’ÉVÉNEMENT LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR VIE ÉDITION DES LTWA La nouvelle LES FAITS. Fonceuses, intelligentes, bardées de diplômes, drôles et engagées… Les candidates de la sixième édition des La Tribune Women’s Awards (LTWA) apportent un souffle nouveau à la sphère du « business ». Elles décoiffent tout autant qu’elles performent. LES ENJEUX. Portrait croisé d’une nouvelle génération, incarnée à la une de La Tribune par deux jeunes femmes d’avenir, Emmanuelle Duez et Cathia Lawson-Hall, qui figurent parmi les 14 candidates finalistes de l’édition 2015 des LTWA (lire pages 14 à 22). PAR ISABELLE LEFORT @lefort10lefort Les femmes qui aujourd’hui accèdent aux responsabilités sont bien différentes des vagues successives de leurs aînées qui réclamèrent plus d’égalité. © GETTY IMAGES CE QUE LES HOMMES DISENT DES FEMMES Pour les hommes, les femmes sont une chance pour les entreprises. Là encore, les mentalités ont sacrément évolué ces cinq dernières années. P armi les figures du CAC 40, Stéphane Richard, le Pdg d’Orange, s’affirme comme le chef de file des grands patrons qui s’engagent à promouvoir les femmes. Après le départ de Delphine Ernotte-Cunci à la tête de France Télévisions, il a choisi une autre femme, Fabienne Dulac, pour la remplacer à la direction d’Orange France. « Oublier la diversité conduirait l’entreprise dans le mur. C’est une composante essentielle du management » affirme-t-il. Autre entrepreneur engagé, Gérard Mestrallet, qui a désigné Isabelle Kocher pour lui succéder en 2016 à la présidence d’Engie, milite pour la reconnaissance des compétences égales des femmes et des hommes : « La diversité est un avantage concurrentiel. Se priver d’éventuels talents serait une erreur et une faute. » À la tête de Positive Planet (le nouveau nom de Planet Finance), Jacques Attali soutient activement la promotion de l’entrepreneuriat féminin. « L’économie positive suppose une société où chacun a sa place et s’épanouit. L’entrepreneuriat féminin est un des axes de la vitalité de l’économie et un levier pour la compétitivité et l’emploi. Une meilleure représentation des femmes dans l’entreprise est un préalable à la réussite de l’économie positive. » Au sein de l’économie sociale et solidaire, le rôle des femmes est aussi plébiscité. Pour Jean-Marc Borello, le PDG du groupe SOS, « l’entreprise ne peut plus se contenter d’être une structure qui produit des dividendes ». Au sein de la fondation FACE, il martèle pour que « les chefs d’entreprise doivent non seulement mener à bien leurs activités, mais aussi participer au mieux vivre ensemble. Pour cela, ils doivent promouvoir la diversité sous toutes ses formes. » Avec les femmes, donc. ■ I. L. C ’ était en 2009, au lendemain de la chute de Lehman Brothers. La Tribune publiait un éditorial s’interrogeant pour savoir si la crise aurait eu lieu « si Lehman Brothers s’était appelé Lehman Sisters ». L’article a fait date. La loi Copé-Zimmermann n’était pas encore votée et la rédaction s’engageait à mettre en valeur chaque année les femmes qui, dans l’économie, faisaient figure de modèles pour donner envie aux jeunes femmes d’« oser la réussite ». En l’espace de six éditions, nous avons identifié en France, grâce à nos partenaires, sur tout le territoire national, plus de 1200 femmes aux parcours notables. En régions comme à Paris, les dossiers de candidatures reflètent l’évolution de la parité dans les entreprises. Six ans après, les choses ont changé. Sans être parvenues à l’égalité réelle, les femmes et les entreprises ont brisé le plafond de verre (lire page 12). Que ce soit dans le secteur privé ou la sphère publique, la prise de conscience est générale. Et désormais, aucun secteur, aucune entreprise ne voudrait être étiqueté sexiste. Ce serait préjudiciable pour les affaires, avec le risque d’être montré du doigt par les médias, sanctionné par la loi et surtout honni des jeunes, et donc dans l’impossibilité de recruter de futures recrues talentueuses. Les représentantes de la nouvelle génération qui accèdent aux responsabilités se distinguent de leurs aînées. Après les révolutionnaires à la Olympe de Gouges, les suffragettes CANDIDATES WOMEN’S AWARDS ETI ALINE AUBERTIN Directrice des achats Emea de GEMS © DR AGATHE BOIDIN Directrice générale d’OrchestraPrémaman. © DR ENTREPRENEURE NUMÉRIQUE GENEVIÈVE CAMPAN Directrice des systèmes d’information du CNES. © DR VÉRONIQUE TORNER Coprésidente d’Alter Way. © DR MIREN DE LORGERIL PDG du Groupe Lorgeril, Vins Pennautier. © DR CAROLE GARCIA ET NATHALIE JUIN Cofondatrices de Graines de Pastel Cosmétique © DR I 9 LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR LA TRIBUNE WOMEN’S AWARDS génération des « positives » DES FEMMES QUI ASSUMENT LEUR FÉMINITÉ Les figures féminines des grandes entreprises françaises de ces vingt dernières années, à l’exemple de Véronique Morali ou de Patricia Barbizet, incarnent des femmes exemplaires, aux talents désormais reconnus, honorés et salués par tous. Mais qui toutes ont pour point commun d’avoir adopté des allures de profil bas. À l’image de Claire Chazal dans les médias, qui appartient à la première promo mixte d’HEC, elles sont en quête de perfection. Silhouette impeccable, maquillage ton sur ton, elles fondent majoritairement leur féminité dans des tenues sages aux tonalités proches de celles de leurs homologues masculins (comprenez les tonalités des tailleurs gris, noir, bleu marine). Elles portent jupes ou pantalons et plébiscitent les mêmes marques, Ralph Lauren en tête, Agnès B, Chanel pour les plus audacieuses. Si Christine Lagarde a montré la voie d’une garde-robe décomplexée aux tonalités franches, les égéries de la nouvelle génération vont plus loin : elles se libèrent totalement des carcans. En réunion, elles n’hésitent pas à afficher des ongles couleur vermillon et portent facilement du rouge coquelicot aux lèvres. Escarpins de 12 cm, fourrure à poils longs, boucles d’oreille extra-large, cape mexicaine… Leurs jupes ont la longueur qu’elles décident; plus ou moins courtes selon leur humeur. Leur garde-robe associe jeunes créateurs, marques de sport, H&M et Zara. Elles s’inspirent des pages des meilleurs magazines de mode pour créer leur propre style. Elles assument, et plus encore, s’amusent des attributs de la féminité. Elles n’en jouent pas pour séduire ou dominer, mais, simplement, parce que ces femmes sont bien dans leur vie; elles l’affichent. Elles possèdent une réelle joie de vivre. D’où leur vient cette assurance? Toutes ces jeunes femmes ont pour point commun des bases solides. Elles ont suivi les meilleures écoles, sont bardées de diplômes (HEC, Essec, Polytechnique, Sciences Po…) et possèdent des compétences incontestables. Audelà, elles affichent majoritairement un fort ancrage familial. Issues de familles aimantes, elles ont dès l’enfance appris à s’épanouir dans l’esprit d’équipe. À la une de La Tribune cette semaine, donc, Cathia Lawson-Hall et Emmanuelle Duez. Cathia Lawson-Hall, banquière conseil de la Banque de financement et d’investissement MANAGER CORINNE HARDY Head of market intelligence de Merial. © DR (BFI) de la Société générale, responsable de la relation avec les clients stratégiques de la banque en Afrique et chargée des clients stratégiques sur ce continent, est née au Togo. Ses parents l’ont dotée, elle et ses sœurs, d’une très bonne éducation, incitant chacune à donner le meilleur d’elles-mêmes, non seulement pour devenir autonomes financièrement, mais surtout pour s’épanouir professionnellement. Aujourd’hui encore, les quatre filles sont inséparables, elles s’épaulent et cheminent ensemble, chacune dans sa branche, mais l’esprit familial fait corps (lire son portrait page xx). Emmanuelle Duez, créatrice et présidente de WoMen’Up et de The Boson Project, a forgé son appétit d’entreprendre avec ses trois frères. Aujourd’hui, ceux-ci lui apportent leur soutien pour réussir The Boson Project, alors même que leur mère supervise tout l’administratif (lire son portrait page XX et son texte sur les générations Y et Z page 24). Au-delà de ce que leurs parents leur ont transmis, toutes ces femmes perpétuent l’idée d’union sacrée dans leur couple et leur famille. Dans le bureau de Christel Heydemann, au siège de Schneider Electric, à RueilMalmaison, on découvre la plaque d’immatriculation humoristique « The Boss »; c’est son mari qui la lui a offerte en mode décalé. Fier et heureux de sa réussite, c’est lui qui l’a poussée à concourir aux La Tribune Women’s Awards. LE MAÎTRE MOT, C’EST L’ORGANISATION L’esprit de corps fait sens. La discipline aussi. Ces femmes sont de grandes travailleuses. Elles adorent leur boulot, mais refusent pour autant de sacrifier leur vie privée. Ceci étant, les journées n’ont que vingt-quatre heures. Au bureau comme à la maison, le maître mot, c’est l’organisation. Le soir et les weekends, Cathia LawsonHall et son mari (luimême poursuit une carrière à hautes responsabilités) veillent à l’orchestration pour que leurs quatre jeunes enfants soient tout autant dans le jeu et l’épanouissement que dans la discipline des devoirs à faire (et bien faire). Le rythme est intense, mais la quête du juste équilibre constitue une exigence constante. Ne pensez pas pour autant que la personnalité de ces femmes évoque une quelconque rigidité. Elles évoluent dans des univers joyeux de « numérique créatif ». Elles s’apparentent plus à des électrons libres, formidablement inventifs, qu’à des cadres policés de la haute administration. Figures de la jeunesse et de la génération « peur de rien », elles s’épanouissent dans des entreprises libérées où la hiérarchie est ouverte au dialogue, à l’échange positif. Leur intelligence étincelle; elles écoutent leur intuition. Leurs esprits sont libres; elles ne cherchent pas à dissimuler leurs émotions. Les faux semblants, les non-dits ? Pas leur truc ! SMART CITY CHRISTEL HEYDEMAN Senior Vice-President Strategy & Global Alliances de Schneider Electric. © DR HÉLÈNE MARTINI Directrice de l’École nationale supérieure de police de Lyon. © DR Le plaisir d’entreprendre et de mener à bien un projet leur sert de marqueur de réussite, le rire est un moyen de survie pour faire tomber la pression. Parfois leur langage décontenance, elles n’hésitent pas à parler vrai. Les faux-semblants, les circonvolutions ou les non-dits? Ce n’est pas leur truc, disent-elles. Elles brisent en éclats le vocabulaire trop formaté qui freine l’esprit d’innovation de l’entreprise. Elles vont vite et sont malines. Si un obstacle surgit, elles ne l’évitent pas, elles l’affrontent. Ce ne sont pas des guerrières pour autant. Elles réussissent par l’intelligence et l’humour à faire passer les idées qui permettent d’avancer. Elles convainquent par le raisonnement. Elles sont des communicantes nées qui savent que pour réussir, l’adhésion de tous fera la différence. Leur franchise ne pourrait être gagnante sans l’écoute indispensable à la compréhension et au succès de tout projet. La ténacité et la sincérité vont de pair. STARTUPPEUSE MANAGER EMMANUELLE DUEZ Fondatrice et gérante de The Boson Project Conseils. CATHIA LAWSON Banquier Conseil pour l’Afrique de Société générale. EN MODE « ACTIONS CONCRÈTES » Engagées, elles le sont mais pas forcément comme leurs aînées dans des réseaux de femmes, même si Emmanuelle Duez a commencé avec WoMen’Up. Elles privilégient l’action sur le terrain. Mentorer? Oui. Toutes encouragent les jeunes filles à suivre leur propre voie et à ne pas se laisser enfermer dans un quelconque stéréotype. Fatoumata Kebe, née en Seine-Saint-Denis dans une famille d’origine malienne très modeste et à qui personne, dans son enfance, n’aurait donné une chance de devenir astrophysicienne, n’avait pas encore franchi le pas de l’Institut Pierre-etMarie-Curie, à l’Observatoire de Paris que déjà, il lui paraissait presque vital d’insuffler aux autres jeunes des banlieues la confiance pour poursuivre leurs études et réussir leur vie par le biais de son association Éphémérides. Pousser les jeunes filles à suivre des carrières scientifiques, à devenir ingénieures ou à s’engager dans la voie du numérique est autant le combat de Véronique Torner (Alter Way) que d’Aline Aubertin (GE Medical Systems). Tout comme il va naturellement de soi pour Hélène Martini, la directrice de l’École nationale supérieure de la police de transmettre aux jeunes recrues, qu’ils soient hommes ou femmes, le sens du collectif et la nécessité à chacun d’œuvrer dans l’intérêt général au bien vivre ensemble. Là encore, ces femmes privilégient le terrain à la communication. Elles ne détournent pas les yeux des sujets qui fâchent, mais adoptent une même tactique pragmatique. Un, observer et analyser; deux agir et ne pas lâcher. Il est à parier qu’on retrouvera tout prochainement ces femmes aux sommets, fortes qu’elles sont de cette méthode. Chacune dans son domaine, menant sa propre carrière, fera demain avancer à nouveau la cause des femmes. Et plutôt que de longs discours, c’est au quotidien, par le recrutement des jeunes qu’elles réussiront – espérons-le, enfin! – à ce que l’on ne dise plus que l’égalité réelle, ce sont sept hommes et trois femmes assis autour d’une table pour prendre des décisions! ■ FEMME DE SCIENCES ET DE TECHNOLOGIE FATOUMATA KEBE Doctorante en astronomie, université Pierre-et-Marie-Curie, Observatoire de Paris. © DR MÉRIAM CHEBRE Directrice scientifique déléguée adjointe au traitement numérique de Total SA. © DR © MARIE-AMELIE JOURNEL du début du xxe siècle, les affranchies des années 1920, les féministes des années 1970, les femmes libérées aux épaulettes XXL des années 1980, les femmes d’affaires menant leur carrière en solo à l’orée du xxie siècle et les administratrices aux tailleurs impeccables, ces nouvelles dirigeantes n’ont plus besoin de mener les combats de ces pionnières remarquables. Les portes leur sont ouvertes, les entreprises cherchent à les recruter pour relever la proportion des femmes dans leurs équipes dirigeantes. Légitimes dans leurs fonctions, elles se moquent des diktats. Et foncent dans le tas. LES SEPT CATÉGORIES DES WOMEN’S AWARDS ETI - Ce prix récompense une femme qui est en poste dans une ETI (entreprise de taille intermédiaire, entre 250 et 4 999 salariés) et qui se distingue par sa vision stratégique du développement. les performances et les résultats sont remarqués (résultats commerciaux, management, conduite du changement, innovation…) SMART CITY Ce prix récompense une femme issue du secteur NUMÉRIQUE public ou privé, qui joue Ce prix récompense une femme un rôle particulièrement entrepreneure ou cadre dirigeante remarquable dans la vision dont le métier est lié au secteur de la ville du futur des nouvelles technologies au sein de sa structure. (Internet, électronique, télécoms, numérique & digital), et/ou qui FEMME a su développer la numérisation DE SCIENCES ET d’un produit, d’un service ou d’une TECHNOLOGIES Ce prix organisation dans sa globalité. récompense une femme en poste dans une administration ENTREPRENEURE ou une entreprise exerçant Ce prix récompense une une profession scientifique femme actionnaire majoritaire et technique : mathématiques, dans une PME (10 à 250 informatique, science salariés) se distinguant par sa de l’ingénieur, recherche… vision stratégique et son plan de développement, avec STARTUPPEUSE un minimum de 2 millions Ce prix récompense de CA sur le dernier exercice. une femme fondatrice et actionnaire majoritaire MANAGER - Ce prix d’une entreprise (de moins récompense une femme, de dix salariés) d’au moins cadre dirigeante, en poste un an d’existence, et à fort dans une entreprise dont potentiel de croissance. STARTUPPEUSE LAURENCE ONFROY Présidente et fondatrice de TemptingPlaces. © DR 10 I L’ÉVÉNEMENT / LTWA LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR PARITÉ HOMMES-FEMMES Au niveau mondial, les inégalités entre les hommes et les femmes se réduisent dans les domaines politique, économique, de l’accès à l’éducation, du travail notamment. Mais très lentement. Les écarts de salaires stagnent depuis 2009-2010. DR À ce rythme, il n’y aura plus d’inégalités économiques… en 2133 LA VIE ÉDITION DES PRIX LTWA, « LA TRIBUNE WOMEN’S AWARDS » JEAN-CHRISTOPHE TORTORA DIRECTEUR DE LA PUBLICATION @jc_Tortora P our la sixième édition de ses prix La Tribune Women’s Awards, lancés en 2009, La Tribune est repartie à la recherche de femmes d’exception. Cette année, 15 femmes remarquables sont en lice dans sept catégories : sciences et technologies, numérique, ville intelligente, startup, entrepreneure, ETI, manager. Le jury s’est réuni le 3 novembre. La compétition s’achèvera par une soirée exceptionnelle, le 14 décembre, à partir de 19 heures, dans le somptueux cadre du Théâtre de Paris. En attendant les résultats, découvrez le portrait de ces femmes brillantes et altruistes. ■ AU PLUS PRÈS DES FEMMES Au-delà des effets de manche, des progrès réels mais insuffisants, les femmes et les hommes continuent d’être inégaux dans la vie professionnelle. Quelles que soient les statistiques, la représentation des Françaises dans les conseils d’administration demeure invariablement autour des 30 %. Certes, c’est mieux qu’il y a dix ans, mais les chiffres sont têtus : trois femmes pour sept hommes dans un conseil d’administration, ce n’est pas l’égalité. À La Tribune, nous avons, dès 2009, décidé de porter le combat contre le « plafond de verre ». Nous savons ce que l’économie doit aux femmes ; nous connaissons leur formidable potentiel. Et, nous sommes intimement convaincus que la performance des entreprises nécessite de placer la diversité au cœur de tout business model. Demain, nous avons tous intérêt à réussir ensemble, à être forts ensemble. C’est pourquoi nous allons plus encore nous engager, nous projeter dans l’avenir et accompagner la dynamique du changement avec la VIe édition des Tribune Women’s Awards. Notre volonté ? Mettre en avant les femmes exemplaires qui jouent un rôle décisif pour le monde de demain. Qu’elles soient pionnières dans les disciplines scientifique, de la recherche, entrepreneures ou cadres dirigeantes du numérique, actrices des smart cities, startuppeuses, à la tête d’une PME ou d’une ETI, managers d’une entreprise du CAC 40 ou du SBF 120, il est temps pour chacune d’entre elles d’être lancées dans la compétition. Les équipes de La Tribune à Bordeaux, Toulouse, Lyon, Marseille, Montpellier et Deauville ont sélectionné les meilleures candidates. Rendez-vous est pris à Paris, le 14 décembre 2015, pour la consécration des finalistes. Messieurs, soyez les premiers à encourager les femmes à afficher leurs réussites. Mesdames, osez, soyez fières de vos parcours. C’est important pour vous, mais cela l’est aussi pour nous tous, et surtout pour les jeunes générations. Ensemble, faisons œuvre utile. Pour le bonheur d’entreprendre et de réussir. Aujourd’hui et plus encore demain. ■ D epuis 2006, les inégalités entre hommes et femmes ont diminué de 4% dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’économie et de la représentation politique. Tel est le constat © ISTOCK mitigé du rapport des genres 2015 (Global Gender Gap) du Forum économique mondial, publié le 19 novembre. Il faudrait au total 118 ans pour combler l’écart économique (salaires, participation au marché du travail, fonctions dirigeantes), selon l’étude. Dix pays, dont la France, sont parvenus, en dix ans, à combler les inégalités concernant le niveau scolaire et la santé. L’Hexagone a fait plus d’efforts que la moyenne, se classant 15e cette C’est, au rythme actuel, le temps année. Il a gagné nécessaire à combler l’écart un rang par rapéconomique au niveau mondial port à 2014 et pas entre hommes et femmes. moins de 55 rangs depuis 2006 (il se classait à la 70 e place cette année-là). Dans les domaines de la santé et de l’éducation, la France est en haut du podium depuis 2006. Mais elle n’est qu’à la 19e place pour la représentation politique (60e en 2006) et à la 56e place quant à l’économie (88e en 2006). Mais aucun pays n’a résolu totalement à la fois le problème des écarts de salaires, Aujourd’hui, à l’échelle mondiale, les femmes ont accès aux mêmes niveaux de salaire que les hommes… en 2006 ! 118 ans LE PROCESSUS DE SÉLECTION de l’accessibilité à l’emploi et de l’accès au pouvoir politique, révèle le rapport. Concernant les revenus, l’écart s’est réduit de 3% depuis 2006. Pis : l’évolution vers l’égalité des salaires et vers la parité sur le marché du travail est en stagnation depuis les années 2009-2010. L’étude indique que dans le monde les femmes ne gagnent aujourd’hui que l’équivalent du salaire des hommes en 2006. Ainsi, à ce rythme, il faudrait encore 118 ans pour combler l’écart économique, estime l’étude. Autre mauvaise nouvelle, dans 22% des pays, le fossé s’est creusé dans l’éducation. L’Iran, le Tchad, la Syrie, le Pakistan et le Yémen sont en dernières positions. Si les pays d’Europe du Nord (du premier au cinquième dans le classement général : Islande, Norvège, Finlande, Suède, Irlande) font figure de modèles dans l’éducation ou la représentation politique, les mauvaises performances des pays africains et du MoyenOrient sont pointées du doigt par le rapport. L’Iran, le Tchad et la Syrie sont respectivement 141e, 142e et 143e. Avant-dernier, le Pakistan pâtit notamment du manque d’opportunités pour les femmes dans le monde du travail. Elles sont 26% à travailler, contre 86% des hommes. Le Yémen est 145e et dernier du classement. Ce pays offre également peu de possibilités aux femmes dans le domaine des opportunités économiques. Ainsi, elles sont 26% à avoir accès au monde du travail, contre 74% des hommes. Et les catégories de dirigeants d’entreprise et de législateurs sont composées à 98% d’hommes et à 2% de femmes. ■ J.-Y. P. Entre mai et juillet - En écho à l’événement parisien, les événements en région permettent de mettre en valeur des talents féminins sur l’ensemble du territoire français. La méthodologie en région est la suivante : les membres du jury (partenaires privés, institutionnels et médias) soumettent des noms de candidates pour chacune de leurs catégories. Le comité de pilotage du prix vérifie l’éligibilité des dossiers et sélectionne des nominées pour chacune des catégories. Le jury se réunit ensuite pour élire une lauréate dans chaque catégorie. Les lauréates régionales sont récompensées lors d’une cérémonie de remise de prix qui a lieu dans leur région respective. Enfin, les lauréates régionales sont présentées au comité de pilotage national, qui étudie l’éligibilité de leur dossier à l’édition nationale. Août - Les membres du jury soumettent des noms de candidates pour chacune des sept catégories nationales. Le 3 novembre - Réunion du jury national et vote. Le 14 décembre - Cérémonie de remise des prix des VIes LTWA, au Théâtre de Paris. Inscription obligatoire : www.latribunewomensawards.fr/ inscription/ Le best-of de la cérémonie 2014 : www.latribunewomensawards.fr BANQUE ET CITOYENNE 12 I L’ÉVÉNEMENT / LTWA LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR QUOTAS : OÙ EN EST LA LOI COPÉ-ZIMMERMANN ? V otée en 2011, la loi CopéZimmermann a créé un véritable effet de levier pour faire grimper les femmes aux postes d’administratrices dans les entreprises. Selon Ethics & Boards, elles sont désormais 32,5 % dans les conseils du CAC 40. Vingt-cinq pour cent des conseils du SBF 120 comptent 40 % de femmes. Ils ont ainsi devancé le seuil à atteindre exigé par la loi d’ici à 2017. C’est nettement mieux que nos amis et concurrents britanniques (les administratrices ne sont que 9 % dans le FTSE 100), allemands (3,3 % dans le DAX 30) et américains (0 % dans le DJIA 30). Parmi les bons élèves au palmarès de féminisation des instances dirigeantes, Sodexo arrive nettement en tête avec 38,5 % d’administratrices au conseil, 50 % au comité de rémunération, 80 % au comité de nomination, 42,9 % au Comex et 30,5 % dans le top 100. Le titre de champion de la féminisation est d’autant plus mérité que Sodexo a annoncé fin septembre la nomination d’Anna Notarianni à la tête du groupe en France. Et en janvier 2016, Sophie Bellon doit prendre les rênes de l’entreprise fondée par son père Pierre Bellon, dans les années 1960. Elle sera alors la seule femme présidente à la tête d’une entreprise du CAC 40. Elle sera suivie en mai 2016 par Isabelle Kocher, pour Engie. ■ LE SBF 120 RECHERCHE 164 ADMINISTRATRICES À un an environ de l’échéance de la loi Copé-Zimmermann, force est de constater que la parité est encore loin d’être de mise dans les conseils d’administration des grands groupes français. Comme le révèle Deloitte dans une étude récente, il manque à ce jour 164 administratrices au sein des conseils des sociétés du SBF 120 pour que la proportion des 40 % de femmes soit atteinte en 2017. Certes, le taux de féminisation est en augmentation cette année au sein des conseils d’administration, avec un tiers des sièges occupé par des femmes, mais l’objectif de 40 % est atteint dans dix entreprises seulement. Il reste donc du chemin à parcourir. Concernant la plus haute fonction de l’entreprise, la marge de progression est considérable puisque l’on compte deux femmes PDG seulement au sein du SBF 120 — Valérie Chapoulaud-Floquet (Rémy Cointreau) et Virginie Morgon (Eurazeo) — et aucune dans le CAC 40 depuis le départ d’Anne Lauvergeon en 2011. L’arrivée en 2016 d’Isabelle Kocher à la tête d’Engie, dont le conseil d’administration est le plus féminisé du CAC 40, va-t-elle faire bouger les lignes ? ■ Isabelle Kocher. © DR En matière d’intégration des femmes dans le monde du travail, la France, qui était classée à la 88e place du Global Gender Gap en 2006, est désormais au 56e rang. © ISTOCK L’ÉGALITÉ DES SEXES EN FRANCE Vers la fin du plafond de verre ? La publication le 19 novembre dernier de la dixième édition du Global Gender Gap du World Economic Forum a de quoi en satisfaire plus d’une. L’étude témoigne du formidable bond en avant qui s’est opéré en France. Serions-nous pour autant à l’égalité réelle ? Le chemin est encore long. C ocorico… Selon la dernière étude du World Economic Forum sur le gender gap, en dix ans, la France est passée du 70 e rang au 15e rang pour la place qu’elle accorde aux femmes sur notre territoire. Si en matière d’éducation et de santé, l’égalité règne et ne fait plus débat (exception faite de maladies spécifiques, comme le VIH, un fléau chez les femmes immigrées notamment), les femmes ont vu leur place confortée sur de nombreux points. Le point essentiel d’amélioration se situe dans le monde du travail. Depuis longtemps déjà, dès la fin des années 1960, les femmes y sont arrivées en masse. c’est le pourcentage de femmes Cantonnées longdans les conseils d’administration temps aux tâches des sociétés du SBF 120. secondaires, butant sur ce que l’on appelait le plafond de verre, elles ont enregistré une très nette amélioration de leur position dans la sphère professionnelle. Notre pays qui était classé à la 88e place en 2006 est désormais au 56e rang (lire aussi page 10). C’est beaucoup mieux que cela n’a été, grâce notamment à une forte réduction des écarts de rémunération selon les chiffres récoltés par Gender Gap. Serait-on enfin parvenu plus de quarante ans après à l’application du célèbre principe de la loi de 1972 « À travail égal, salaire égal »? Le Gender Gap salue pour sa part les progrès en la matière, même si d’aut res associat ions de fem mes contestent ces résultats. 33 % En revanche, la situation des femmes dans la hiérarchie se transforme fortement. Depuis 2011, la France a nettement amélioré ses positions avec l’adoption de la loi Copé-Zimmermann (lire l’encadré cicontre). Désormais, notre pays est le deuxième mieux classé pour le nombre d’administratrices de sociétés cotées, après la Nor vège. Les conseils du SBF 120 comptent 33,3% de femmes, les comités exécutifs (Comex) 14,5% . Cela étant, ne nous trompons pas : lorsqu’un conseil d’administration se déroule en moyenne avec quatre femmes et treize hommes autour de la table, peut-on parler d’égalité réelle? C’est beaucoup mieux, mais on est loin de la parité. GOUVERNEMENTS PARITAIRES, PARLEMENT SEXISTE Dans l’administration et la haute fonction publique, la progression est là encore notable : +41% . Pour autant, l’égalité est loin de régner dans certains secteurs publics, la culture par exemple, l’agriculture ou la finance. Les chantiers pour changer les mentalités et faire entrer les femmes aux plus hautes responsabilités sont en cours. Sur le plan politique, l’étude Gender Gap salue les trois gouvernements paritaires (ceux de 2008, 2012 et 2015) : ils contribuent grandement à la très nette amélioration de notre pays dans le palmarès. Mais, cette bonne nouvelle est immédiatement contrariée par la faible représentation féminine au sein du parlement : 26% . C’est nettement insuffisant. Et ce d’autant que les débats ces dernières semaines n’ont pas manqué parfois d’être perturbés par des remarques sexistes hors d’âge qui ont nécessité le rappel à l’ordre du président de l’Assemblée nationale. Pour Julia Mouzon, à la tête de la startup Femmes & Pouvoir qui accompagne les futures parlementaires, ministres et autres politiciennes, « depuis 2000 et le vote de la loi sur la parité, les femmes se sont invitées sur les listes électorales à égalité avec leurs collègues masculins. Encore minoritaires au niveau national, les élues locales sont aujourd’hui 48% des élus des communes et des régions, dans les villes et communes de plus de 1000 habitants, où la loi s’applique. Là comme ailleurs, leur arrivée au pouvoir est scrutée et analysée. […] Plus souvent jeunes et issues de l’immigration que les hommes politiques, elles sont rarement éduquées depuis l’enfance à viser haut et grand – les femmes apprennent la politique toutes seules, elles incarnent des regards neufs, de nouveaux styles de leadership et de communication, des idées peut-être identiques mais marquées d’éducations et d’expériences de vie encore très différentes. » Sommes-nous parvenus à l’égalité réelle telle que le prône la loi de Najat VallaudBelkacem adoptée en 2014? Loin de là… Mais on s’en approche. Les décrets d’application des mesures phares de la loi du 4 août 2014 ont été publiés. Ils devraient contribuer notamment à conditionner l’accès aux marchés publics au respect par les entreprises de l’égalité professionnelle et étendre à tous les champs de responsabilité le principe de parité. Les entreprises et les responsables politiques qui n’auraient pas encore entendu le message ont tout intérêt à s’y préparer. Il est plus que jamais nécessaire de prendre en compte la diversité. Il s’agit là d’un atout compétitif. ■ I. L. Innovation. Imaginer ensemble la santé de demain Chez Janssen, imagination rime avec innovation. Demain, la santé s’appuiera sur la médecine transformationnelle pour prévenir et intercepter les maladies avant qu’elles ne se révèlent. Aujourd’hui, nous travaillons sans relâche en utilisant toute notre expertise et en allant chercher l’innovation partout où elle se trouve, grâce à nos équipes et nos partenariats français et mondiaux. Les patients attendent. Nous sommes Janssen, une entreprise dédiée à l’innovation pour la santé. Pour en savoir plus, rendez-vous sur www.janssen-france.fr et suivez-nous sur www.twitter.com/JanssenFRA JANSSEN-CILAG, Société par Actions Simplifiée au capital social de 2.956.660 Euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le n° B 562 033 068, dont le siège social est au 1, rue Camille Desmoulins, TSA 91003, 92787 Issy-les-Moulineaux. PHFR/ 20151113COM5960 14 I L’ÉVÉNEMENT / LTWA / CANDIDATES LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR Doctorante en astronomie à l’université Pierre-et-Marie-Curie, à l’Observatoire de Paris F atoumata Kebe est une doctorante en astronomie déjà très en vue. Le Club xxi e siècle et l’association Deuxième génération l’ont honorée pour son parcours exemplaire. Née dans le « neuf trois », à Montreuil-sous-Bois, dans une famille d’origine malienne aimante mais modeste, elle découvre les étoiles grâce à une encyclopédie offerte par son père : elle se passionne pour l’univers spatial au point que, à l’issue d’un baccalauréat scientifique, alors que sa mère n’imagine pour elle qu’un avenir de caissière, elle intègre la filière physique chimie, mécanique et électronique (EPMC) de l’Institut Pierre-et-Marie-Curie. Résultat : à 29 ans, après avoir financé ses études grâce à des petits boulots, elle s’adonne à sa passion, l’espace, avec pour spécialité, les débris spatiaux. Engagée pour aider les jeunes issus des classes populaires à réaliser leurs rêves, dans l’association qu’elle a fondée, Éphémérides, membre de Femmes et sciences et de Women in Aerospace, Fatoumata refuse néanmoins de se laisser enfermer dans le seul rôle de modèle d’intégration réussie. Parallèlement à ses travaux scientifiques, pour financer ses études notamment, elle a suivi une formation en entreprenariat grâce à la Satt Lutech, la société d’accélération du transfert de techno- Mériam Chèbre, une chercheuse philosophe Directrice scientifique déléguée adjointe au traitement numérique et à la modélisation de Total M ériam Chèbre illustre la parfaite réussite d’une femme au parcours exemplaire. Engagée pour la promotion de l’égalité homme-femme, en particulier dans le domaine de la recherche, c’est elle qui a lancé l’antenne de l’association Elles bougent, en Rhône-Alpes, ainsi que le Café des centraliennes. Donner, transmettre va désormais de soi pour celle qui reconnaît volontiers que la thématique de la parité n’a longtemps pas été un sujet pour elle, tant il lui paraissait éloigné de ses préoccupations. Tout au long de sa carrière, son professionnalisme l’a naturellement imposée dans un domaine largement dominé par des hommes. Mais, en tant que responsable très impliquée à l’agenda très chargé et mère de trois enfants, s’engager dans une association de femmes n’était pas sa priorité. La prise de conscience s’est faite tardivement, à 45 ans. Depuis, rejetant toute discrimination positive, elle multiplie les actions pour soutenir celles qui, comme elles, sont passionnées de sciences mais qu’il faut accompagner pour qu’elles gardent confiance en elles et osent s’adonner à leur passion. Sans flancher. BIO EXPRESS Je suis diplômée de l’ECL (École centrale de Lyon), promotion 1989, avec un DEA master recherche en automatique appliquée ECL-INSA Lyon. Je suis aussi titulaire d’une licence de philosophie. J’ai passé deux ans au lycée Saint-Louis à Paris, en maths sup, maths spé et au foyer des lycéennes, internat d’excellence pour les jeunes filles en CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles), avec un bac scientifique, option maths, mention très bien, au lycée Lyautey de Casablanca, au Maroc. D’abord ingénieur de recherche en automatique, puis chef de projet en intelligence artificielle chez Elf, je prends ensuite un poste de contrôle avancé à la direction technique du raffinage, puis à la direction industrielle du raffinage chimie de Total, en charge de l’optimisation en temps réel des mélanges de bases pétrolières pour la fabrication des grands produits en raffinerie. Mériam Chèbre a grandi à Casablanca. C’est là, au lycée Lyautey, qu’elle obtient une mention « très bien » au baccalauréat scientifique qui lui permet d’intégrer la prestigieuse prépa du lycée Saint-Louis, à Paris. Puis, direction Centrale Lyon pour un DEA qu’elle entame, parallèlement à une licence de philosophie, via le téléenseignement, avec l’université de Reims. Ses études sont brillantes; elles lui valent en 1989 les félicitations du jury pour l’ensemble de sa scolarité. Mais Mériam ne se contente pas d’être une scientifique à la tête bien faite. Après avoir pratiqué la danse classique, elle joue du piano, s’adonne au tennis et obtient un galop 4 en équitation. POSÉE, PRAGMATIQUE ET CLAIRVOYANTE Très vite repérée, elle est embauchée, dès la sortie de l’ECL, par le groupe Elf en tant qu’ingénieure de recherche en automatique, puis devient chef de projet en intelligence artificielle. Par la suite, elle occupe un poste de contrôle avancé à la direction technique du raffinage, rejoint la direction industrielle du raffinage chimie de Total, chargée de l’optimisation en temps réel des mélanges de bases pétrolières pour la fabrication des grands produits en raffinerie. C’est en octobre 2014 qu’elle est nommée déléguée scientifique adjointe au traitement numérique et à la modélisation du groupe. Sa mission? Réfléchir et élaborer les programmes de recherche sur les carburants de demain, notamment avec des équipes mixtes de chercheurs. C’est elle qui établit des partenariats scientifiques avec les grands corps académiques, mais aussi qui quantifie et finance les programmes de recherche et développement dans le domaine du traitement numérique et de la modélisation. Posée, pragmatique mais aussi clairvoyante, Mériam Chèbre paraît solide, engagée et profondément humaniste. Autant de traits de caractère qui témoignent de son autre passion : la philosophie. ■ I. L. © DR FEMME DE SCIENCES ET TECHNOLOGIES © DR Fatoumata Kebe La promesse des étoiles logies rattachée à l’université Pierre-et-Marie-Curie. Résultat, elle vient de créer deux entreprises. La première, DEB, se consacre à la gestion des déchets spatiaux et à la prévention des risques de collision; la seconde, Connected Eco, vise à améliorer l’irrigation dans les zones arides, grâce à l’installation de capteurs solaires connectés mis en place par les agriculteurs pour utiliser la quantité d’eau nécessaire et éviter tout gaspillage. « Je me suis réellement lancée dans la création d’entreprise lorsque j’ai remporté des concours. Étant seule et n’ayant pas les ressources financières et humaines pour oser entreprendre, travailler sur les dossiers de candidature m’a permis d’avoir une vision plus claire sur les objectifs à atteindre et surtout définir l’équipe à mettre en place. » NE JAMAIS BAISSER LES BRAS Son agenda est chargé, à la hauteur de son ambition. Pour réussir, son secret, audelà des préjugés et des bêtises énoncées, est de ne jamais baisser les bras et d’avoir confiance en elle. « Chaque jour, je fais une liste : les tâches à accomplir et les objectifs à atteindre pour une journée de travail. Cela me permet d’être plus efficace et aussi de prévoir mon temps libre et mes week-ends en famille ou avec des proches. » Son prochain défi? « En mars 2014, j’ai répondu à un appel à idées pour apporter des solutions d’analyse, de simulation, de valorisation et de prévention du problème posé par les débris spatiaux. Cet appel a été lancé par Aerospace Valley, un pôle de compétitivité, et l’agence spatiale française (Cnes). Mon dossier a reçu une réponse favorable et je suis actuellement en négociation pour déterminer le financement qui me sera alloué. » Une jeune femme à suivre et à accompagner, sans nul doute. ■ I. L. BIO EXPRESS Après un bac scientifique, j’ai intégré la filière physique, chimie, mécanique et électronique (PCME) de l’université Pierre-et-MarieCurie. J’y ai obtenu une licence en ingénierie mécanique, mention « assez bien », ainsi qu’un master de mécanique des fluides, mention « très bien ». Tous les stages nécessaires à la validation de mon cursus ont été faits dans le domaine du spatial. J’ai effectué mon premier stage au sein du laboratoire Icare, établi à Orléans. Je devais déterminer les effets de l’atmosphère d’un satellite de la planète Saturne (Titan) sur la sonde spatiale Huygens. Par la suite, j’ai effectué un stage de trois mois à l’Agence spatiale européenne sur une méthode de freinage de sonde spatiale à l’aide de l’atmosphère de la planète Vénus. En avril 2009, je me suis rendue au Japon pour un an afin d’être formée à l’ingénierie spatiale au sein du laboratoire Intelligent Space Systems and Small Satellite, spécialisé dans la construction et l’exploitation de nanosatellites. Par la suite, j’ai participé à une formation intensive autour des activités spatiales au centre Nasa Ames, aux États-Unis. Avant de commencer ma thèse, j’ai effectué un stage de six mois à l’Onera (Office national d’études et de recherches aérospatiales). Je travaille actuellement à la création de deux entreprises : Connected Eco, l’utilisation des objets connectés pour l’agriculture, et DEB, spécialisé dans la gestion des débris spatiaux. L’entreprise Connected Eco propose des capteurs fonctionnant à l’énergie solaire liée à un système d’irrigation. Ce système permet d’irriguer des champs en quantité précise afin d’éviter tout gaspillage d’eau. L’entreprise DEB propose un suivi des petits débris spatiaux ainsi qu’un logiciel d’évaluation des risques en cas d’explosion dans l’espace. I 8 L’EXPERT COMMUNIQUÉ LA tribune TRIBUNE -- VENDREDI 6 DÉCEMBRE2015 2013- -NN 154 70 -- WWW.LATRIBUNE.FR la JEUDI 10 DECEMBRE www.latribune.fr oO Entretien exclusif avec Alice Holzman Directrice du digital et de la communication de La Banque Postale « nous avons tout intérêt à promouvoir les femmes sur l’ensemble de nos métiers » A lice Holzman a rejoint La Banque Postale le 1er octobre dernier, à la tête de la Direction du Digital et de la Communication. C’est elle qui désormais, sous la responsabilité de Remy Weber, le Président du Directoire, va piloter, orchestrer et structurer la transformation digitale de la Banque. L’établissement bancaire, qui fêtera bientôt son dixième anniversaire, s’est mis en ordre de marche pour se transformer, accélérer son développement et accroître son efficacité opérationnelle. Il a impulsé nombre de grands projets, qui sont portés par un plan d’investissement et de transformation majeur, dont le digital fait partie. Un beau challenge pour Alice Holzman, 47 ans, diplômée de l’ESSEC, qui a déjà une belle carrière à son actif et une réputation de pro dans le domaine du numérique. Conseillère chez Gemini Consulting à ses débuts, elle a fait ses preuves au sein de France Télécom-Orange. Elle a en particulier lancé les premières offres de convergence « Open » pour Orange combinant une box internet et des forfaits mobiles, et l’offre low cost « Sosh » accessible uniquement sur internet et destinée aux jeunes digitaux. Elle était depuis juin 2013 Directrice Générale Adjointe en charge de la distribution France du groupe Canal+ et avait la responsabilité des activités marketing, ventes et services clients. Les banques ont-elles pris le virage du Digital ? aller de l’avant, travailler sur ce qui fera les préoccupations des français demain ! Les modèles de développement des banques à réseau sont challengés par la montée en puissance des usages digitaux des clients, mais aussi par les nouveaux modèles que sont par exemple les banques en ligne ou dans un autre registre, les plateformes de financement participatif. La question n’est donc plus de savoir si mais quand y aller ! L’ensemble du secteur bancaire a pris la mesure des changements radicaux qui sont en train de s’opérer sur les pans technologiques, comportementaux et concurrentiels. La transformation digitale des banques est en marche, c’est une réalité. Reste à savoir à quel rythme et comment en maîtriser les coûts ! La place accordée aux femmes participe-t-elle à la mutation de l’entreprise dans sa globalité ? Quel est la stratégie de La Banque Postale en la matière ? La Banque Postale est une entreprise fortement ancrée dans les territoires et l’économie réelle. Elle compte 10 000 conseillers dans 17 000 points de contact partout sur le territoire, 11 millions de clients particuliers et plus de 400 000 clients entreprises, professionnels, acteurs de l’économie sociale et du secteur public local. C’est donc une banque proche des Français, et à leur écoute : son prolongement digital sera forcément à l’image de la Banque : innovant, accessible, simple, utile et transparent et pour tous. Nous allons le construire étape par étape ! Les nouvelles technologies et services foisonnent et il faut faire les bons choix, les choix qui garantiront à nos clients d’avoir ce qu’ils attendent. Il faut avoir l’esprit ouvert tout en gardant le cap clairement identifié. Il est tout aussi primordial d’obtenir l’adhésion de tous les collaborateurs à cette transformation. Etre banque et citoyenne, c’est Oui, à 100 % ! Une composition équilibrée d’hommes et de femmes dans les équipes créent les conditions de la réussite. La mixité dans les équipes, quelle qu’elle soit d’ailleurs, pas uniquement en matière de parité, c’est la garantie d’une richesse de points de vue différents, complémentaires. La Banque Postale est très active en la matière. L’égalité homme femme est intrinsèquement prise en compte dans toutes ses dimensions : recrutement, formation, promotion et rémunération. Dès 2006, elle a reçu le label égalité hommes / femmes de l’AFNOR (pour les Services Financiers). La moitié de ses effectifs en CDI (45 %) sont aujourd’hui des femmes. Idem pour les embauches ; à chaque niveau de l’entreprise, une attention particulière est portée au respect de la parité. Nous avons tout intérêt à promouvoir les femmes sur l’ensemble de nos métiers. Quel regard portent les femmes sur leur parcours professionnel ? Durant ma carrière, j’ai souvent croisé des femmes qui doutaient de leurs capacités à prendre un poste, à assumer de nouvelles responsabilités, tout en conservant l’équilibre dans leur vie personnelle. Il faut les aider à passer le cap. C’est pourquoi faire la promotion des femmes rôles modèles, comme le font Les Tribune Women’s Awards, est capital ! On participe à encourager les femmes, et à changer plus globalement les mentalités. Et je crois que l’éducation est aussi une clé essentielle. Alice Holzman - Directrice du digital et de la communication de La Banque Postale Je crois beaucoup à notre mécénat L’envol, le campus de La Banque Postale en faveur de l’égalité des chances. Il vise à soutenir de la seconde à la troisième année du cycle universitaire des jeunes méritants, jeunes hommes ou jeunes femmes, pleins de potentiels, issus de milieux modestes. Nous les accompagnons autant dans le soutien scolaire que nous les sensibilisons à la culture, à la connaissance et découverte institutionnelle et sociétale. C’est là où nous affirmons complètement notre statut de banque et citoyenne. dans leurs usages. Nous considérons que nos clients attendent une réponse glo- bale. Une fois encore, nous ne vendons pas une commodité. L’offre de SonVideo.com c’est tout à la fois de la culture et un mode de vie. C’est l’association réussie de la fonction et de la forme. Nous sommes dans la technologie au service du son et dans l’esthétique. NUMÉRIQUE 16 I L’ÉVÉNEMENT / LTWA / CANDIDATES LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR © OLIVIER EZRATTY Véronique Torner Modèle emblématique Coprésidente d’Alter Way V éronique Torner est une femme résolument tournée vers l’avenir. « J’ai la chance d’avoir une activité professionnelle très riche, dans un secteur passionnant, avec d’un côté une activité d’entrepreneur dans Alter Way, une PME aux ancrages technologiques forts, assortie de valeurs d’ouverture fondamentales et des challenges quotidiens. Et de l’autre, avec Syntec numérique, l’administration d’une activité associative forte dans un syndicat professionnel pour la défense d’un collectif et la promotion de la filière numérique. » Diplômée de CPE Lyon, Véronique Torner a démarré son parcours entrepreneurial en 1996 avec la cocréation de Black Orange, société d’e-commerce qu’elle a revendue par la suite aux Éditions Atlas. Après la direction générale de Masterline en 2001 (cédée à Alti en 2005) aux côtés de Philippe Montargès, ils cofondent Alter Way en 2006. C’est désormais la première entreprise à avoir fédéré les acteurs historiques de l’open source autour d’un projet d’industrialisation du marché. En 2014, elle a réalisé 11 millions d’euros de chiffre d’affaires avec 120 salariés. « Mon associé Philippe Montargès et moi avons engagé Alter Way sur un plan stratégique pour les cinq prochaines années. Ce projet, que nous avons appelé Born2run vise à nous développer principalement sur nos activités de run – TMA, support et infogérance de cloud – en France et en Europe pour atteindre 40 millions d’euros de chiffre d’affaires fin 2020. Pour s’assurer cette réussite, la société a rejoint la galaxie Econocom en juin dernier. Le groupe va épauler le développement d’Alter Way, en qualité d’investisseur et de partenaire industriel. Forte de ses appuis avec ses BIO EXPRESS J’ai suivi un cursus scientifique : bac C, prépa maths sup/spé puis une école d’ingénieur CPE Lyon (École supérieure de chimie physique électronique) – à mon époque ICPI –, filière électronique, spécialisation traitement du signal. Diplômée en 1996. Je démarre ma carrière en 1996 en tant que développeuse dans une petite SSII, Masterline, pour travailler sur les bases de données orientées objet. J’y fais une rencontre déterminante : Philippe Montargès, fondateur et président de Masterline, qui va devenir mon ami et associé actuel. En 1998, je cofonde en tant que CTO, avec Francis Lelong (ex-PDG-fondateur de Sarenza) et Pierre-Édouard Sterin (PDG-fondateur de SmartBox) BlackOrange, premier site d’e-commerce de logiciels B2B et B2C proposant des livraisons en quatre heures chrono sur Paris. En 2000, après deux ans incroyablement intenses, nous cédons BlackOrange. Philippe Montargès, qui y avait investi, me propose de le rejoindre chez Masterline pour prendre la direction de la filiale Internet. En 2005, Masterline est vendu au groupe Alti et nous décidons avec Philippe de monter un nouveau projet, à 50/50, dans un secteur qui nous séduit par son modèle alternatif : l’open source. Alter Way est né en juillet 2006 avec l’envie de créer en Europe un acteur majeur dans l’open source. 120 salariés, l’entreprise va s’attaquer à de nouveaux marchés et accéder aux grands comptes européens. » UNE DES GRANDES FIGURES DE L’« OPEN SOURCE » Parallèlement, Véronique et son associé sont très engagés pour la promotion de l’open source à travers l’Open CIO Summit, « le sommet de l’open source par les DSI, pour les DSI ». Et elle a poussé la réflexion jusqu’à écrire un livre blanc pour figurer les vrais enjeux de l’open source pour les DSI. Adepte du management participatif, elle s’affirme comme l’une des grandes figures de l’open source en Europe. Ainsi qu’une des cheffes d’entreprise parmi les plus investies pour la promotion des femmes dans le numérique, en qualité d’administratrice de Syntec numérique. De l’avis même de son associé, Philippe Montargès, Véronique Torner sait, en raison de sa force de caractère et de sa personnalité, faire avancer les débats sans clivage, sans « guerre ». Elle contribue à l’industrialisation du marché de l’open source dans le bon sens du terme. Ce sont ses qualités intrinsèques de manager capable d’investissement personnel, d’écoute et d’exécution, qui lui ont permis de construire son parcours de femme dans le numérique. Un mélange d’engagement, de réflexion et d’allant qui caractérise un tempérament positif et audacieux. ■ I. L. SMART CITY Christel Heydemann L’exemplarité visionnaire Vice-présidente senior Strategy & Global Alliances de Schneider Electric C hristel Heydemann affiche un parcours modèle de l’excellence à la française. « Aînée d’une famille aux racines savoyardes, bordelaises et allemandes, j’ai grandi bercée par les voyages aux États-Unis de mon père qui travaillait pour une startup de la Silicon Valley, inspirée par l’engagement de ma mère professeure d’université, engagée au sein de l’association Femmes et mathématiques, mais aussi enthousiasmée par les vacances au milieu des vignes du Bordelais chez mes grands-parents. Je rêvais de devenir ingénieur comme mon père. » Bac scientifique mention très bien, Polytechnique, spécialisation en gestion et financement de projet à l’École des ponts et chaussées, elle parachève sa formation scolaire à Harvard avec le programme « Global Leadership and Public Policy for the 21st century ». Son fait d’arme? « Avoir été nommée DRH d’Alcatel-Lucent à 36 ans, devenant ainsi la benjamine du comité exécutif d’un groupe du CAC 40, et y avoir pleinement tenu mon rôle. J’ai compris que je savais être un leader dans la crise et faire face aux incertitudes, notamment lorsque j’ai dû gérer seule avec le conseil d’administration la transition de CEO. » Entrée il y a moins d’un an chez Schneider Electric, elle est chargée des partenariats stratégiques du groupe et de la mise en œuvre de l’Internet des objets connectés, et veille à accélérer l’arrivée des solutions intégrées de gestion efficace des infrastructures et des ressources du groupe (en eau, ©JMO PHOTOGRAPHY énergie et bâtiments). « Je travaille avec un écosystème de partenaires et gère entre autres les relations avec Microsoft, IBM et Cisco. Je suis très fière de travailler pour l’entreprise la plus “durable” du CAC 40, avec une volonté affichée de promouvoir la diversité hommesfemmes, j’agis au quotidien dans ce sens en tant que manager et cadre dirigeant. » À la veille de COP21, elle œuvre pour la ville du futur durable. « Les technologies existent pour rendre l’énergie plus fiable, plus efficace et plus productive. Je m’investis au nom de Schneider Electric avec nos partenaires, mais aussi en tant que citoyenne européenne. Je souhaite véritablement contribuer et m’engager plus encore. » UNE RÉUSSITE COMME EXEMPLE POUR LES FEMMES Énergique, positive, confiante en l’avenir, comme elle se définit elle-même, elle encourage les jeunes de la Fondation des Ponts et de Polytechnique à évoluer dans un monde mondialisé et à avoir des expériences à l’international. Nommée Young Global Leader à Davos en 2012 et Rising Talent du Women’s Forum, cette sportive, adepte de la course à pied, cumule les distinctions; elle figure notamment parmi les 100 dirigeants économiques de demain en France de l’Institut Choiseul, et fait partie des « 40 under 40 » du Global Telecom Business. « Je suis consciente de ma chance. Je veux être un modèle pour que plus de jeunes femmes s’orientent vers des études d’ingé- nieur. » Donner sens à sa vie semble comme aller de soi. Comme un précepte à toute décision. Faisant sienne la phrase de Gandhi « Live as if you were to die tomorrow, learn as if you were to live forever ». ■ I. L BIO EXPRESS Après un bac scientifique mention très bien, je suis entrée à l’École polytechnique à 19 ans, et ai eu la chance d’effectuer un service militaire comme élève officier. J’ai fini mon cursus à l’École des ponts et chaussées avec une spécialisation en gestion et financement de projet. En 2014, j’ai complété ma formation à la Harvard Kennedy School avec le programme « Global Leadeship and Public policy for the 21st century ». Je rejoins Alcatel en 1999 en financement de projet, puis évolue vers des fonctions commerciales pour Alcatel France : je deviens responsable de comptes clés (Orange et SFR) puis directeur commercial et membre du comité exécutif d’Alcatel-Lucent France. En 2009, je pars m’installer en Californie nommée par le PDG pour négocier et gérer une alliance stratégique avec HP. À 36 ans, le PDG me demande de revenir à Paris et de devenir DRH du groupe Alcatel-Lucent, devenant ainsi la plus jeune membre du comité exécutif du groupe et probablement du CAC 40. Je dois alors gérer les difficiles transformations, notamment des réductions d’effectifs et l’arrivée d’un nouveau DG. À mon retour de congé maternité, je décide de rejoindre Schneider Electric et de mettre mon leadership au service de la transition énergétique et de la ville du futur. I 17 LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR NUMÉRIQUE Geneviève Campan L’esprit collectif G eneviève Campan est une des grandes dames du spatial en France. Entrée au Centre national des études spatiales (Cnes) à l’occasion d’un stage pendant son DEA en mathématiques appliquées, elle a mené toute sa carrière au Cnes. « J’ai intégré l’établissement public en tant qu’ingénieur en mécanique spatiale. Ensuite, j’ai gravi les échelons. J’ai rejoint la filière management à 34 ans, je suis devenue sous-directrice exploitation et opération à 45 ans, ce qui m’a amenée à gérer une équipe de 250 personnes chargées des opérations des satellites contrôlés par le Cnes, jusqu’à 18 satellites. » C’est en 2011 que les dirigeants lui confient la direction du système d’information du Cnes. Membre du comité exécutif, elle pilote désormais la transformation de l’établissement et l’avènement du Cnes numérique avec plus de 150 collaborateurs qui gèrent tout ce qui sert aux métiers du spatial : les réseaux, l’architecture et la sécurité informatique, les données de stockage, notamment les mégadonnées, mais aussi la partie « matériels ». LA MIXITÉ PLUTÔT QUE LA TOTALE FÉMINISATION Au quotidien, pour souder ses équipes, Geneviève Campan prône l’exemplarité comme modèle de management : « Je crois à l’exemplarité et je cherche à l’inculquer. Partant du principe qu’on n’est jamais à l’abri d’une bonne idée, j’ai toujours apprécié les échanges à travers les réseaux techniques, nationaux et internationaux à chaque étape de ma vie professionnelle. » Exigeante, parfois, de son propre aveu, trop impatiente, elle veille à la mixité des équipes dans une volonté d’atteindre l’équilibre. Une équipe trop féminine n’est pas à ses yeux la panacée. Mais une touche BIO EXPRESS Je suis née à Chamalières et j’ai beaucoup déménagé au gré des mutations professionnelles de mon père. Petite, j’étais déjà très intéressée par les sciences et surtout les maths. Mais je n’avais pas d’idée précise de ce que je voulais faire plus tard. Aujourd’hui je manage 150 personnes et je suis membre du ComEx du Cnes. C’est un poste transverse au sein du Cnes, je gère à la fois tout ce qui concerne la partie standard nécessaire à l’entreprise, mais aussi tout ce qui sert aux métiers du spatial : les réseaux, l’architecture informatique, la sécurité informatique. féminine transforme le comportement d’une équipe. Il faut se battre pour cela, tout en ayant le souci permanent que le choix d’une femme à un poste ou une promotion soit légitime! Cette volonté de jouer collectif, de vivre son quotidien professionnel comme une aventure en équipe, elle le doit certainement à son enfance. « Seconde – et première fille – d’une famille de quatre enfants, nous vivions au rythme d’un déménagement tous les trois-quatre ans pour suivre mon père au gré de ses affectations au sein d’EDF. Ma mère a mis sa vie professionnelle entre parenthèses pour s’occuper de nous. » Cette figure maternelle forte, impliquée et déterminée lui sert de modèle. C’est une marque essentielle de sa personnalité, tout comme son attachement à Toulouse, qui fait figure de refuge à ses yeux. C’est ici, dans la ville rose, qu’elle a fait ses premiers pas dans l’ingénierie mais aussi a pris le goût du partage et du désir de faire « ce que j’aime avec ceux que j’aime et comme je veux ». Chevalière de l’Ordre national du mérite (1987) et chevalière de la Légion d’honneur (2005), son prochain défi se joue une nouvelle fois dans la sphère numérique : il s’agit de mener à bien le projet Reboost qui vise à faire réfléchir les équipes ensemble, pour non seulement réussir à promouvoir le bien-être collectif, mais aussi à se transformer. Là encore, l’esprit commun a tout à y gagner. ■ I. L. © DR Directrice des systèmes d’information du Cnes © EMMANUEL FOUDROT Directrice de l’École nationale supérieure de police D ans un monde traditionnellement dirigé par des hommes, Hélène Martini a su, au fil des ans, s’imposer avec tact et détermination. À la direction de l’École nationale supérieure de la police, elle s’emploie à faire changer les mentalités en matière de comportement et de respect des genres. Elevée dans le respect des valeurs républicaines, enfant d’enseignants, Hélène Martini s’est orientée vers le service public dès l’obtention de son baccalauréat littéraire. Après sa maîtrise de droit public à l’université de Nice, elle intègre l’école des commissaires de police en 1977. Son diplôme en poche, c’est dans un commissariat de quartier, à Ivry-sur-Seine, qu’elle se frotte pour la première fois à la réalité du métier. Son goût de l’aventure et de l’expérimentation va très vite la conduire à mener une carrière au-delà des frontières, au Cameroun, puis à Washington en tant qu’attachée de police à l’ambassade de France, mais aussi à Rome. Nommée expert international de la lutte contre la drogue par l’ONU, elle conseille de 2004 à 2007 le secrétaire général du Conseil de la sécurité intérieure de la présidence de la République. « Ces trois années au palais de l’Élysée m’ont aidée à comprendre le fonctionnement de l’État à son sommet, ses exigences, ses contraintes. Ma plus grande fierté reste une procédure d’externalisation qui signifiait le départ de 34 personnes, gérée sur une période d’un an. Opération qui s’est déroulée de manière satisfaisante au plan humain. Et qui a nécessité une grande implication personnelle. » LA RECHERCHE DU JUSTE ÉQUILIBRE C’est en 2010 qu’elle prend son poste actuel en qualité de directrice de l’ENSP. Depuis, elle s’emploie à transmettre les valeurs et l’éthique aux 1650 commissaires de police et 9000 officiers de police en cours de formation. Avec le rapprochement des deux structures de formation, elle a mis en œuvre de nouvelles entités (conseil pédagogique et conseil scientifique) qui favorisent une relation plus étroite entre le terrain, la réalité professionnelle et la formation. Officier de la Légion d’honneur, ancienne présidente de la Fédération sportive de la police nationale, présidente de l’Association des collèges européens de police (AEPC), Hélène Martini a toujours refusé de sacrifier sa vie personnelle à sa carrière : « J’ai appris à faire confiance, à déléguer. Responsabiliser pour valoriser, mais aussi reconnaître l’investissement des collaborateurs pour mieux les remercier. » Cette exigence de la recherche constante du juste équilibre est un des messages phares qu’elle livre aux jeunes femmes qui s’engagent dans la police à travers l’Association des femmes de l’intérieur, en qualité de mentor. Tout comme celui, non moins important, de la nécessité de dialoguer, audelà de tous stéréotypes et certitudes, et pour chaque jour veiller à conforter la fonction de tout policier comme un maillon essentiel de la cité, dans un monde toujours plus rapide, soumis à des pressions grandissantes. Hélène Martini milite pour une police humaine et déontologiquement exemplaire. Son credo : les policiers ont des tâches exorbitantes mais aussi, en corollaire, des devoirs exorbitants. ■ I. L. SMART CITY Hélène Martini Au service de la sécurité BIO EXPRESS Début de carrière en commissariat de région parisienne (Ivry-sur-Seine puis Chennevièressur-Marne) ; départ pour quatre ans de coopération technique (police judiciaire) au Cameroun ; plusieurs postes de directions centrales à Paris dans la coopération internationale ; nommée expert international de lutte contre la drogue par l’ONU. 1994-1997 - Attachée de police à l’ambassade de France à Washington. 1997-2000 - Même poste à Rome. 2000-2004 - Directrice du centre d’études et de formation de Gif-sur-Yvette. 2004-2007 - Conseiller auprès du secrétaire général du Conseil de la sécurité intérieure à la présidence de la République. 2007-2010 - Chef du bureau des audits à l’Inspection générale de la police à Paris, 2010 - Nommée directrice de l’École nationale supérieure de la police. 18 I L’ÉVÉNEMENT / LTWA / CANDIDATES LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR © MARIE-AMÉLIE JOURNEL START-UPPEUSE Emmanuelle Duez À la proue de la génération « peur de rien » Fondatrice et gérante de The Boson Project E mmanuelle Duez figure déjà comme l’une des figures de proue de la génération qui n’a peur de rien. Emmanuelle va vite, elle n’a pas de temps à perdre. « L’entrepreneuriat n’est pour moi qu’un moyen au service d’une fin : faire bouger les lignes, avoir de l’impact, embarquer derrière moi des convaincus et futurs convaincus. » Concrètement? « Je suis née à Amiens dans une famille italiano-chti, j’ai grandi dans le Nord entre les tartes au maroilles et les lasagnes, puis migré à Clermont-Ferrand. À 14 ans, j’avais les cheveux rouges, à 15 ans, roses, à 16 ans sept piercings dans les oreilles et autant d’années de pratique des arts du cirque. Niveau rêves, je voulais devenir “justicier”, un concept très personnel, savant mélange de détective privé, criminologue et flic. J’ai eu l’immense chance de grandir dans une famille soudée, où la liberté des choix de vie est absolue. J’ai trois petits frères qui sont le socle de mon existence. » Emmanuelle est une formidable communicante. Elle capte l’attention d’une salle en un clin d’œil. Mais, ses mots ont un sens, son parcours s’appuie sur des bases solides. Licence de droit à Clermont-Ferrand, Sciences Po Paris, master de l’Es- BIO EXPRESS J’ai intégré la faculté de droit de Clermont-Ferrand (licence), à la recherche de la filière « justicière » qui n’existait pas. J’ai atterri à Sciences Po Paris (master grandes écoles). Après un passage en cabinet ministériel, j’ai intégré l’Essec en apprentissage (master grandes écoles), je me suis spécialisée dans l’entrepreneuriat. J’ai conclu ma formation par un échange à l’université Bocconi de Milan et par le séminaire Grandes écoles de l’IHEDN. J’ai enchaîné les petits boulots étudiant, puis les stages, avant de vivre ma première vraie expérience professionnelle : la création de l’association WoMen’Up au cours de ma scolarité. sec avec une spécialisation dans l’entrepreneuriat et la diversité, suivi d’un séjour à l’université Bocconi de Milan et d’un séminaire grandes écoles de l’IHEDN. RÉSERVISTE CITOYENNE DE LA MARINE « En bonne représentante de la génération Y, j’ai enchaîné les petits boulots étudiants (hôtesse pendant quatre ans, équipière McDonald, vendeuse de piscine, animatrice de colo des neiges, etc.), puis les stages (Le Printemps, le ministère des Finances, Deloitte, SFR), avant de vivre ma première vraie expérience professionnelle avec la création de WoMen’Up, au cours de ma scolarité. » Première association mêlant les diversités de genre et de génération, WoMen’Up vise à sensibiliser et mobiliser la nouvelle génération de femmes et d’hommes autour des thématiques d’égalité, diversité, équilibre, etc., avec une quarantaine de bénévoles, plus de 50 écoles partenaires et des dizaines d’événements organisés en France et à l’étranger. Très vite, Son objectif : sensibiliser et mobiliser la nouvelle génération de femmes et d’hommes autour des thématiques d’égalité, de diversité, d’équilibre etc. Une quarantaine de bénévoles, plus de 50 écoles partenaires, des dizaines d’événements organisés, des études internationales annuellement publiées et de nombreuses prises de parole militantes, en France et à l’étranger. C’est à cette occasion que je suis intervenue et ai travaillé pour le Women’s Forum, puis l’OCDE, et suis devenue ambassadrice pour la France de One Young World, le Davos des jeunes. J’ai ensuite fondé une startup de conseil pour faire bouger les lignes dans les entreprises en mettant les collaborateurs au cœur du processus, The Boson Project. Il y a un an enfin, j’ai épousé une cause qui pourrait paraître surprenante mais qui, en réalité, est très liée à mes engagements au service des femmes et de la jeunesse. J’ai été recrutée par la Marine nationale pour intégrer la Réserve citoyenne et créer des ponts entre les marins et la société civile, sur deux axes : mettre en lumière les femmes militaires et les carrières au féminin au sein de la Marine, et travailler sur les connexions entre les jeunes marins et la nouvelle élite politique et économique, afin d’ouvrir et de tirer ces deux mondes vers le haut. Dans ce contexte, j’ai notamment embarqué sur un porte-hélicoptère en mer de Chine, accompagnée d’une délégation d’entrepreneurs. Emmanuelle a été repérée par le Women’s Forum (où elle intervient depuis quatre ans), mais aussi par l’OCDE; elle est devenue ambassadrice pour la France de One Young World, le Davos des jeunes. « J’ai ensuite fondé, directement après la Bocconi, la startup The Boson Project, un cabinet de conseil très alternatif, spécialisé dans la transformation des organisations vers des modèles plus agiles et centrées sur l’humain. Notre caractéristique est d’utiliser comme levier de transformation organisationnelle et culturelle la nouvelle génération de collaborateurs, dont nous sommes convaincus qu’elle est intrinsèquement porteuse d’un nouveau modèle d’entreprise. » Autre particularité dans son parcours : il y a un an, Emmanuelle a été recrutée par la Marine nationale pour intégrer la Réserve citoyenne. Sa mission? « Créer des ponts entre les marins et la société civile, mettre en lumière les femmes militaires et les carrières au féminin au sein de la Marine, et travailler sur les connexions entre les jeunes marins et la nouvelle élite politique et économique, afin d’ouvrir et de tirer ces deux mondes vers le haut. » Dans ce contexte, Emmanuelle Duez a ainsi notamment embarqué sur un porte-hélicoptère en mer de Chine, accompagnée d’une délégation d’entrepreneurs. En a-t-elle été impressionnée? Intimidée? Non, pourquoi? Quand on vous dit qu’elle fait figure de modèle de la génération Y! Indéniablement, c’est une personne à suivre. ■ I. L. Lire aussi son article, page 24. Miren de Lorgeril Une cheffe d’orchestre © DR ENTREPRENEURE PDG du groupe Vignobles Lorgeril É « levée en région parisienne, sixième de sept enfants, de père avocat et de mère femme au foyer, je me suis mariée très jeune (18 ans). Passionnée de relations internationales et de grands sujets politiques, je m’imaginais plus spectatrice qu’actrice… Mais la découverte du monde économique m’a enthousiasmée et aidée à exprimer un tempérament actif et dynamique. J’ai saisi les opportunités de formation et d’ouverture qui se sont offertes au gré de mes études pour me préparer à aborder le monde économique. Petit à petit, j’ai osé m’imaginer manager. » Après un master de commerce international à l’Institut d’étude des relations internationales, une licence d’histoire à la Sorbonne et un DESS en droit de la vigne et du vin, Miren de Lorgeril crée sa première entreprise, Vignobles Lorgeril en 1992, pour développer les activités du domaine familial, dont l’origine remonte à 1620. UN CHÂTEAU INSPIRÉ PAR VERSAILLES Le château de Pennautier est une bâtisse d’exception du xviie siècle. En 2005, Miren décide de miser sur celui-ci, avec la société Vigny, une entreprise de développement touristique spécialisée dans la restauration et la mise en valeur de sites pour la valorisation en BtoC de l’offre des vins et du bien-être. En 2007, elle va encore plus loin et se lance dans la restauration complète du château. « Aujourd’hui, nous sommes propriétaires de six domaines viticoles (350 hectares de vigne), partenaires durables de 20 domaines indépendants (350 ha) et négociants spécialisés dans la distribution de vins premiums du Languedoc. » Présidente du groupe et de ses filiales, Miren de Lorgeril développe et anime également quatre sites touristiques pour l’accueil du public, la mise en valeur des vins et la valorisation du patrimoine. Situé à cinq kilomètres de la cité de Carcassonne et du canal du Midi, le château de Pennautier, monument historique classé, est devenu un centre de séminaires et un ensemble hôtelier de prestige quatre étoiles (doté de 25 chambres et de 800 m² d’espaces de réception et de réunion) très recherché; il attire majoritairement des entreprises dont les équipes sont séduites par le cadre patrimonial qu’offre le château, inspiré à sa conception par Versailles, avec son parc dessiné par le jardinier Le Nôtre. C’est un franc succès. Ainsi, en 2015, le groupe devrait finir l’année avec un chiffre d’affaires de près de 9 millions d’euros en hausse de10%. En quinze ans, le nombre de salariés est passé de cinq à 60 emplois directs. « Je n’ai pas “inventé” de nouveau métier ou de nouveaux marchés, mais j’ai, avec des atouts existants, mis au point des outils et des produits, conquis des marchés, mis en musique et orchestré une gestion solide pour asseoir le développement national et international (60% d’export) et faire de nous l’un des acteurs incontournables de notre région. » Pour garantir la réussite, Miren de Lorgeril le sait, tout est une question de détails. « L’escalier se balaye par le haut : si je ne donne par l’exemple, je ne serai pas suivie. » Son énergie et sa capacité à fédérer les individus, en privilégiant la confiance, l’ont conduite à devenir la présidente de l’AOC Cabardès. Dans un secteur traditionnellement dominé par les hommes, sa philosophie fait mouche. « Notre métier unit par nature une mixité des métiers car nous allons du produit brut au consommateur par la transformation et le service. Chaque collaborateur exerce une partie du métier mais tous doivent s’accorder efficacement pour que l’orchestre fonctionne. » À chacun de I. L. jouer sa partition. ■ BIO EXPRESS 1987 : Ileri (Institut libre d’étude des relations internationales, Paris), DEA (Master 2) commerce International, licence d’histoire, La Sorbonne, Paris. 1988 : DESS droit de la vigne et du vin, Aix-en-Provence. 1989 : IHEDN (Institut des hautes études de la Défense nationale, Paris), auditrice Session nationale 2004, stage à l’Inao (Institut national des AOC, premiers « signes de qualité » en France). 1990 : Chantal Comte Diffusion SA (distribution de vins et alcools). Chantal Comte, une pionnière des créatrices d’entreprises en France, me confie la responsabilité commerciale du nord de l’Europe. 1992 : création de ma première entreprise, Vignobles Lorgeril, société de distribution et négoce de vins. 2005 : création de la société Vigny, société de développement touristique : restauration et mise en valeur de sites touristiques pour la valorisation en BtoC de l’offre des vins et du bien-être. 2007-2009 : pilotage de la restauration complète du château de Pennautier, monument historique du XVIIe siècle, pour l’accueil de séminaires de prestige. 2011 : ouverture d’un bureau en Chine. 2015 : ouverture d’un nouveau pôle d’accueil du public avec chais à visiter, boutique et gîtes. Aujourd’hui je suis PDG du groupe et des filiales. I 19 Laurence Onfroy À la conquête du monde des boutiques-hôtels Présidente et fondatrice de TemptingPlaces L travaillé à l’étranger toute sa vie. Le désir de l’ailleurs, l’esprit du voyage l’habitent; ils sont sa passion. Elle en a fait son métier. Après un diplôme d’anglais et de sociologie à l’université Le Mirail, à Toulouse, elle a intégré l’école de communication l’Efap, à Paris, puis l’Institut catholique des hautes études commerciales (Ichec), et, forte de ses deux masters, elle a bénéficié du programme Women Entrepreneur Executive, sponsorisé par BNP Paribas. Après des expériences dans la communication et le marketing, elle a lancé l’aventure © DR aurence Onfroy a un rêve : « Faire de TemptingPlaces le Relais & Châteaux du xxie siècle. » Rien de moins, et, pour réaliser son ambition, elle déploie une énergie et des talents à 360 degrés. « J’innove et dépoussière un secteur traditionnel en accompagnant une nouvelle génération d’hôteliers qui révolutionnent l’industrie du tourisme. » Originaire de Toulouse, Laurence Onfroy a grandi dans une famille de globe-trotteurs, elle a vécu et TemptingPlaces en 2010. La marque est un label international de qualité, dont les hôteliers bénéficient pour affirmer leur positionnement et l’excellence de leur offre et services sur un marché en pleine croissance. Grâce au Travellers Club, les voyageurs bénéficient d’un service de conciergerie de voyage en réservant aux meilleurs prix avec des avantages VIP. L’UNE DES 100 STARTUPS OÙ INVESTIR « En tant que startup, il est essentiel de considérer le potentiel de développement avec la mise en place d’un plan de développement ambitieux à trois ans; c’est-àdire, notamment, avoir dans notre collection les 600 meilleures boutiques-hôtels du monde d’ici à 2018. » Aujourd’hui, la société compte six salariés; elle ambitionne d’atteindre un effectif de 50 employés d’ici à trois ans. Accompagnée par BPI, TemptingPlaces a ouvert son capital en 2014 et 2015 avec l’entrée d’investisseurs privés et d’un fonds d’investissement, le groupe Astek, présidé par Jean-Luc Bernard; elle va poursuivre sa levée de fonds en 2016 pour conforter son développement à l’international. Entreprise lauréate en 2014 du Welcome City Lab au Paris Incubateurs, considérée comme l’une des 100 startups où investir par le magazine Challenge, TemptingPlaces est en bonne place parmi les leaders de demain. « Je suis foncièrement optimiste et positive, audacieuse et ambitieuse. Comme tout entrepreneur, la création et la nouveauté sont les moteurs quotidiens. Je me dois, en tant que dirigeante, d’être performante sur le maximum de sujets, quelquefois éloignés de ma formation ou de mes expériences précédentes. L’entreprenariat est un mode de vie qui embarque l’entrepreneur et sa famille dans une formidable aventure avec ses hauts et ses bas, sans formule magique! C’est un jeu d’équilibre délicat, et j’ai la chance d’avoir un soutien sans faille de ma famille. Mon mantra est “AOA” (audace, opportunité, agilité). » ■ I. L. START-UPPEUSE LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR BIO EXPRESS Originaire de Toulouse, issue d’une famille de globe-trotteurs, j’ai vécu et travaillé à travers le monde pendant de nombreuses années. Cette expérience de vie a développé ma passion pour les voyages et, aujourd’hui, j’ai fait de ma passion mon métier. 1996 : bi-Deug anglais et sociologie, université de Toulouse Le Mirail. 1998 à 1999 : attachée de presse Tourisme & hôtels Agence Columbus Communications France. 1998 : master en communication, Efap Paris. 1999 : chargée de marketing Moët Hennessy UDV France (LVMH). 2000 à 2002 : responsable communication et marketing international, Robert Half International Europe & Oceania (basé en Belgique). 2001 : master en marketing management, Ichec Bruxelles. 2004 à 2006 : directrice Corporate Communications & Public affairs, Egg France. 2005 : Women Entrepreneur Executive Program (sponsorisé par BNP Paribas), université de Stanford. De 2006 à 2009 : cofondatrice de LoveTicket.com (e-commerce de cartes cadeaux) et BOG (centre de « wellness powerplate »). Depuis 2010 : fondatrice et CEO de TemptingPlaces. 2006 à 2007 : responsable marketing et communication du groupe Les jeudis. ENTREPRENEURE Carole Garcia et Nathalie Juin Un duo pragmatique et visionnaire Cofondatrices de Graine de pastel mois de gestation et de complicité éprouvée. « Aujourd’hui, Nous codirigeons l’entreprise. Notre équipe a parfois du mal à nous reconnaître, heureusement l’une est blonde, l’autre brune… » Carole veille à l’image de l’entreprise, au commercial, à la finance et aux affaires industrielles. C’est elle qui pilote les ouvertures de magasins et le déploiement à travers un réseau de franchisés. De son côté, Nathalie « couve » l’entreprise, et pilote les aspects marketing et R&D. UN PARI RISQUÉ DANS UN PAYS RICHEMENT DOTÉ Du champ à la boutique en passant par le laboratoire de recherche, tout est orchestré par les deux associées. Elles gèrent Graine de BIO EXPRESS Pour Carole, une classe préparatoire, puis Sup de Co à Bordeaux (Kedge) et un diplôme à 20 ans. Ensuite c’est la vie parisienne à l’université Paris-Dauphine, en master 2 stratégie marketing. Pour Nathalie, une licence en biologie puis un master 2 en pharmacologie et conception du médicament : il fut un temps où elle portait une blouse blanche et travaillait dans un laboratoire. Une première vie très sérieuse pastel comme une entreprise familiale, qui table sur une forte croissance dans les trois ans à venir, pour passer de 1,7 à 6 millions d’euros de chiffre d’affaires. Déjà, elles exportent 25% de leur production. Bénéficiant du crédit impôt recherche, elles réinvestissent 15% de leur CA en R&D. « La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) est dans l’ADN de notre société. » C’est la clef de leur réussite. Lancer une marque cosmétique en France, dans un pays déjà richement doté sur ce marché, est un pari risqué. Mais, ensemble, Carole Garcia et Nathalie Juin sont en train de réussir. C’est une aventure entrepreneuriale qui avance à cadence sûre, évoquant la réussite d’une marque comme celle de Nuxe, à ses débuts. C’est tout ce qu’on leur souhaite! ■ I. L. dans l’industrie cosmétique et pharmaceutique, pendant huit ans. Puis, en 2001 : la rencontre. « Deux formations, deux personnalités, tout nous oppose et tout nous réunit. Nous mettons par écrit ce qui sera la base de notre entreprise : faire revivre une plante médicinale oubliée, remettre en lumière un pan du patrimoine français dans des produits cosmétiques innovants et écologiques. Nous créons Graine de pastel en 2003 après dix-huit mois de gestation. » © POLO GARAT N « ous sommes toutes les deux labellisés poulettes fermières du Sud-Ouest, où nous avons été très entourées par notre famille; cet équilibre familial est notre socle. La vie en poulailler, ça nous connaît. », déclarent en chœur Carole Garcia et Nathalie Juin. Enfants, la première voulait devenir présidente de la République, écrivain ou cheffe d’entreprise, imaginant une vie de voyages au bout du monde; la seconde voulait sauver la planète, porter la belle parole d’un monde meilleur. Le parcours de Carole la conduit en classe préparatoire, puis Sup de Co, à Bordeaux (Kedge), avec un diplôme à vingt ans. Ensuite c’est la vie parisienne à l’université ParisDauphine, en master 2 stratégie marketing. Nathalie opte pour une licence en biologie puis un master 2 en pharmacologie et conception du médicament. Leur rencontre date de 2001. Chacune a derrière elle une première vie professionnelle dans l’industrie cosmétique et pharmaceutique. Elles imaginent de relancer une plante oubliée, le pastel, originaire de la région, dont les vertus étaient déjà vantées par Henri IV. « Nous avons voulu remettre en lumière ce pan du patrimoine français, en concevant des produits cosmétiques innovants et écologiques. » Graine de pastel naît en 2003, après dix-huit Inséparables Carole Garcia (à gauche) et Nathalie Juin. 20 I L’ÉVÉNEMENT / LTWA / CANDIDATES ETI © CÉLINE ZANCA LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR Aline Aubertin La passion d’aller de l’avant Directrice des achats Emea (EuropeMoyen-Orient-Afrique) de General Electric Medical System (GEMS). « I Directrice générale d’Orchestra–Prémaman N ée d’un père expertcomptable et d’une mère commerçante, Agathe Boidin est la troisième fille d’une famille de quatre enfants. Née à Lille, elle a obtenu une mention bien à son baccalauréat scientifique avant d’entrer en prépa HEC et de suivre la voie d’une école de commerce, Eslsca Paris, option finance. Celle qui rêvait, adolescente, de travailler dans la finance internationale, obtient en parallèle son diplôme d’expertise comptable. Après différentes expériences chez Coopers & Lybrandt et Sara Lee Personal Products, maison mère de DIM, dont elle devient contrôleur financier des filiales exportation, elle rejoint Orchestra Kazibao à Montpellier en 2000 en tant que directeur administratif et financier. Les sept premières années, elle accompagne le groupe dans sa croissance externe en mettant en place avec ses équipes l’organisation financière adéquate. En 2007, Pierre Mestre, le président fondateur du groupe, lui propose de rejoindre la direction générale au sein de la holding financière Mestre. Puis en 2011, il lui demande de gérer l’intégralité des activités du groupe après le rachat de la société Prémaman. Aujourd’hui, l’activité d’OrchestraPrémaman couvre la fabrication et la distribution de produits textiles et de puériculture pour les enfants de 0 à 14 ans dans 40 pays, avec en tout 600 magasins. BIO EXPRESS Lors de mes premières années en cabinet d’expertise comptable et d’audit, je complète ma formation en passant en parallèle mon diplôme d’expert-comptable. En 1993, je rentre chez Coopers &Lybrandt. En 1996, je rejoins le groupe Sara Lee Personnal Products, maison mère de Dim, où pendant quatre ans, le groupe va me faire évoluer sur les différents postes au sein du département financier, pour terminer en tant que contrôleur financier des filiales exportation de DIM. En 2000, je rejoins Orchestra à Montpellier en tant que DAF. À cette époque, le groupe fait 12 M € de CA. En 2007, Pierre Mestre me propose de rejoindre la holding financière Mestre en tant que DG. Pendant trois ans, j’ai développé les activités patrimoniales (hôtellerie, vins, immobilier…). En 2011, Pierre me demande de revenir à Orchestra en tant que DGD des opérations puis me nomme DG à la suite du rachat de la société Prémaman. « Au sein du groupe, mon rôle est d’échanger sur la stratégie avec Pierre Mestre, et une fois cette stratégie validée de la mettre en œuvre avec mon équipe et de participer à toutes les opérations de croissance externe. » De 2012 à 2014, le chiffre d’affaires est passé de 371 à 513 millions d’euros, avec un résultat opérationnel courant consolidé de plus de 33 millions d’euros à la clôture des comptes en février 2015. Cette réussite s’appuie sur l’attention portée à l’innovation et à la qualité. Ces trois dernières années, le groupe a investi annuellement l’équivalent de près de 2% de son chiffre d’affaires dans la recherche et développement. management commercial. Aujourd’hui, en qualité de directrice des achats Europe, Moyen-Orient, Afrique pour le service et les accessoires de GE Healthcare. Au sein de ce chef de file mondial de la fabrication d’équipements d’imagerie médicale, son rôle est stratégique et opérationnel. UN ENGAGEMENT VALORISÉ PAR GE Ses équipes sont garantes de la disponibilité des pièces et des services nécessaires à la maintenance internationale des équipements biomédicaux – soit une influence sur plus de 3 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Une responsabilité qui ne l’empêche pas de codiriger le réseau du Cercle InterElles, au titre de vice-présidente, et en tant que membre du comité de pilotage du GE Women Network et représentante de General Electric. Aline Aubertin est également engagée au sein du Global Summit of Women. Elle contribue et milite à la féminisation du monde de l’ingénierie, anime des ateliers dans les lycées et organise des tables rondes pour encourager les jeunes filles à devenir ingénieurs. Son action associative lui a valu d’être distinguée et d’être promue chevalier de la Légion d’honneur en 2014. On dirait que ses journées de travail comptent double. Engagée, courageuse, motrice et tenace, elle peut parfois être perçue comme fonceuse et directe. « Je suis travailleuse et focalisée sur l’efficacité et le résultat. Je peux être difficile à suivre. » D’aucuns diront work addict. D’autres, plus justement, la qualifieront de femme passionnée. ■ I. L. © DR Agathe Boidin La ténacité et le courage ssue d’une famille champenoise d’agriculteurs, d’artisans et de fonctionnaires, de parents qui m’ont soutenue dans mes choix scolaires, sans tabous, je savais très tôt que je ferais des études et serais financièrement autonome. Motivée par différents stages et petits boulots d’étudiant en entreprise, j’ai rejoint une école d’ingénieurs chimistes, puis je me suis formée au cours de ma carrière en marketing à l’ISM, et au management via le MBA d’HEC. J’ai trouvé dans le “B to B” mon épanouissement via le challenge, la communication, l’expertise et la créativité. Après un début de carrière dans la recherche, puis la vente et le marketing, Aline Aubertin a rejoint Général Electric Medical System il y a huit ans pour un poste de AUTOUR D’ELLE, UNE ORGANISATION BIEN HUILÉE « Je suis comme un hélicoptère, je dois avoir une vision globale de notre groupe et être capable à certains moments de descendre dans le détail, comme cela a été le cas en 2009, lors de la crise grecque. Notre master franchisé s’est retrouvé en grosse difficulté. Nous avons créé une filiale, racheté ses magasins puis avons passé l’intégralité du réseau en commission affiliation. Résultat, nous avons redressé la situation. Aujourd’hui, la Grèce est notre troisième pays avec 35 millions d’euros de chiffre d’affaires et le deuxième pays en termes de rentabilité. » Rien n’est inéluctable : « Je crois que tout est toujours possible. À condition d’avoir envie de le faire. » Si Agathe Boidin dit avoir parfois des difficultés à gérer ses émotions, pouvant se montrer impulsive et un peu obstinée, elle s’appuie sur une organisation bien huilée pour éviter les écueils professionnels et personnels au quotidien. « Mon mari me soutient dans ma carrière, nous nous partageons les tâches et mes enfants sont fiers de leur maman. Ils me soutiennent également. » Pudique, cette femme sensible n’en dira pas plus sur sa famille. Elle s’exprime ici sur le plan professionnel. « À l’avenir, notre ambition est de développer le groupe pour atteindre le milliard de chiffre d’affaires en adaptant les organisations et en accompagnant les collaborateurs pour que ceux-ci puissent progresser avec l’entreprise, afin qu’Orchestra garde sa culture d’entreprise d’une société agile et dynamique, tout en étant internationale et efficiente. » ■ I. L. BIO EXPRESS Par méconnaissance de l’entreprise et l’absence de modèles, j’ai eu des difficultés à trouver ma voie. Mon goût à la fois des sciences et de la communication m’a conduit à l’université, en maîtrise de biologie et biochimie. Motivée par différents stages et petits boulots d’étudiant en entreprise, j’ai rejoint une école d’ingénieur chimiste, sésame de l’entreprise. Puis, je me suis formée au cours de ma carrière, en marketing à l’ISM, puis au management, via l’e-MBA d’HEC. J’ai commencé par la recherche, où je me suis sentie enfermée dans le sujet et les locaux. Refusant un doctorat payé, j’ai rejoint une PME franco-suédoise, pour y apprendre la vente et le marketing. Après une expérience de la vente de terrain, indispensable à la crédibilité d’une « marketeuse », j’ai occupé toutes les fonctions du marketing opérationnel, puis stratégique, jusqu’au management. J’ai rejoint General Electric, il y a huit ans, dans un poste de management commercial, et je m’épanouis aujourd’hui de l’autre côté de la relation commerciale, dans une direction achats, avec un rôle de management international. Dès le début de ma carrière, j’ai évolué dans un monde d’hommes et j’ai ressenti le besoin de rejoindre un réseau de femmes : l’association Femmes ingénieurs. Élue au conseil d’administration depuis une vingtaine d’années, j’ai maintenant l’honneur de présider et gérer l’association. APICIL, partenaire de votre performance sociale APICIL SERVICES PROTECTION SOCIALE - Société par Actions Simplifiée à directoire et conseil de surveillance. RCS 453 283 103 Lyon, au capital de 37 000 euros - Siège social : 38 rue François Peissel - 69300 Caluire et Cuire. Communication non contractuelle à caractère publicitaire - mai 2015 - Conception : EKNO - Crédit photo : Getty Images Pour nous, la santé au travail ? C’est être bien dans ses baskets et bien dans sa boîte ! 1 € investi en prévention pour la santé et la sécurité au travail rapporte plus du double à l’entreprise.* Parce qu’investir sur la santé et la qualité de vie au travail, c’est investir pour la performance sociale de son entreprise, APICIL propose un programme exclusif de santé et bien-être au travail. APICIL AMBITION SANTE permet aux entreprises de travailler sur trois leviers de progrès : l’évaluation de son état de santé, la prévention et les actions à mettre en oeuvre. www.apicil.com * Source : Association Internationale de la Sécurité Sociale Certifié ISO 9001 : 2008 (Relation client, Gestion Epargne-Retraite, Santé et Prévoyance) et EN 15838 : 2009 par SQS Santé Prévoyance Épargne Retraite 22 I L’ÉVÉNEMENT / LTWA / CANDIDATES LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR Cathia Lawson Le charisme et le dynamisme Dernière étape d’importance : elle vient de rejoindre en septembre dernier le conseil de surveillance d’un des plus grands groupes du monde – Vivendi – en tant que président du comité d’audit. « Je n’appartiens à aucun réseau, mais suis souvent invitée en tant qu’intervenante dans des clubs, colloques, séminaires et forums, en particulier sur des thèmes liés à la diversité et aux femmes managers. J’admire les femmes indépendantes qui se battent pour leurs convictions politiques ou économiques. J’ai une immense admiration pour Simone Veil et Ngozi Okonjo-Iweala, femmes politiques engagées dans la lutte pour le droit des femmes et contre les discriminations. » © MARIE-AMELIE JOURNEL MANAGER Banquier conseil pour l’Afrique de la Société générale UNE ORGANISATION DE VIE TRÈS ORCHESTRÉE J « © FOTSO 2012 e suis souvent qualifiée de personne ayant le sens de l’écoute et suis convaincue de l’utilité économique de la mixité dans les instances dirigeantes. » Forte personnalité, enthousiaste, Cathia Lawson présente un savant mélange de profonde humanité engagée et de professionnalisme exigeant. « Je suis née au Togo, où j’ai passé les premières années de mon enfance. Puis ma famille s’est installée en France, où mes sœurs et moi avons grandi. J’y vis depuis plus de trente ans. J’ai été scolarisée dans une école avec un projet très clair : nous aider à grandir en humanité, nous donner du courage et une solide formation intellectuelle, des capacités créatrices et le sens du devoir et des responsabilités. Je me suis épanouie dans cet établissement, connu pour sa rigueur intellectuelle. Enfant, je rêvais de devenir soprano, Proust ou… détective privé! » Après un baccalauréat scientifique et des études supérieures en économie et en finance, Cathia Lawson a hésité entre le monde universitaire (doctorat) et les marchés financiers. « Par inclination pour les chiffres et par goût du défi, je me suis dirigée vers la finance de marché où j’ai débuté comme analyste financière. » Elle travaille à la Société générale (SG) depuis maintenant seize ans. Comme managing director, banquier conseil, responsable de la relation avec les clients stratégiques de la banque en Afrique, elle élabore et propose des solutions globales avec le concours de toutes les lignes métiers du groupe SG. « J’ai un rôle transversal, étant à la fois l’interlocuteur privilégié des grands clients et chef d’orchestre en interne pour répondre au mieux aux besoins des comptes que je suis – conseil stratégique en haut de bilan, opérations complexes à haute valeur ajoutée, financements, restructurations financières, etc. –, mais aussi à la stratégie de développement définie par la banque. » Insatiable, impatiente, Cathia avoue un goût certain pour le risque et les nouveaux défis. Mère de quatre enfants (de 13, 11, 9 et 7 ans), elle possède une très grande capacité de travail qui s’appuie sur une organisation de vie très orchestrée. Ses collaborateurs saluent tout autant son dynamisme que son charisme. Son appétit pour la vie se traduit souvent par l’organisation de dîners entre amis et collaborateurs. « J’essaie de promouvoir le recrutement et les évolutions des parcours féminins. Je suis convaincue de l’utilité économique de la mixité et de la complémentarité hommesfemmes. Mentor du programme de la Société générale Front Women Development, visant à promouvoir les jeunes femmes et leur permettre d’accéder à des postes à responsabilité, j’accompagne deux femmes dans leur développement professionnel et personnel pour les aider à obtenir des postes de management. J’aimerais largement contribuer à féminiser les organes de direction de la banque! C’est un véritable défi aujourd’hui, car la banque d’investissement a toujours été un monde très masculin, principalement dirigé par des ingénieurs. » ■ I. L. BIO EXPRESS Je suis diplômée de l’École centrale de Lyon, promotion 1989, avec un DEA master recherche en automatique. Après un baccalauréat scientifique et des études supérieures en économie et en finance, j’ai hésité entre le monde universitaire et les marchés financiers. Par inclination pour les chiffres et par goût du défi, je me suis dirigée vers la finance de marché où j’ai débuté comme analyste financier avant de faire du conseil en financement puis de devenir banquier conseil en charge des grands clients africains de la Société générale. J’ai débuté dans une société de Bourse comme analyste financier. En parallèle, j’ai donné des cours de finance d’entreprise à l’université Paris-Dauphine. Enseigner m’a permis de satisfaire mon goût pour les échanges, le dialogue, la transmission de savoirs. Cette étape importante m’a offert l’opportunité d’unir deux univers que j’apprécie : le monde académique et l’environnement professionnel auquel j’appartenais. Autre étape importante : lorsque j’ai rejoint la Société générale, d’abord comme analyste crédit chargée des télécommunications et des médias, puis en intégrant l’équipe de conseil en financement avant de devenir banquier conseil pour les principales entités du continent africain dont je suis originaire. Je travaille à la Société générale depuis maintenant seize ans. Dernière étape d’importance : en septembre 2015, j’ai été cooptée en qualité de membre par le conseil de surveillance de Vivendi, leader mondial dans les médias, en tant qu’administratrice indépendante, présidente du comité d’audit. Corinne Hardy Le sens de l’engagement Head of market intelligence de Merial L yonnaise de cœur et de naissance, Corinne Hardy est une femme pragmatique et engagée, résolument tournée vers les autres. Depuis quatre ans, elle s’est fait connaître dans la région lyonnaise pour sa capacité à diriger un département stratégique du groupe Sanofi, au sein de Merial, et à mener une activité intense en faveur de la mixité femmes/ hommes dans un univers professionnel traditionnellement très masculin. Depuis vingt-trois ans, elle a forgé son expertise professionnelle en se frottant aux études de marché, la veille concurrentielle, les prévisions de vente et la modélisation, l’économie de la santé, les analyses de marché, l’évaluation du porte- BIO EXPRESS Biologiste — j’ai acquis une double maîtrise en biochimie et biologie moléculaire —, j’ai ensuite effectué un MBA en marketing à l’EM Lyon, j’ai suivi une formation d’administratrice de société avec le cabinet HerValues et l’EM Lyon. Après mon MBA, j’ai rejoint une startup du secteur de la biotech puis j’ai travaillé quatre ans dans un laboratoire pharmaceutique, auprès du PDG pour mettre en place le premier plan stratégique de l’entreprise. J’ai rejoint Sanofi Pasteur, le leader mondial des vaccins en 1991 où j’ai occupé pendant vingt-trois ans différentes fonctions : études de marché, veille concurrentielle, prévisions de ventes et modélisation, économie de la santé, analyses de marché, évaluation du portefeuille de recherche, gestion du mode opératoire de prévisions de ventes à dix ans de la société. J’ai rejoint Merial, branche de santé animale de Sanofi, en octobre 2014. feuille, la recherche et la gestion du mode opératoire de prévisions de vente à dix ans. Elle a rejoint Merial, la division santé animale du groupe Sanofi, en octobre 2014 en qualité de Head of Market Intelligence. À ce poste, elle a la responsabilité globale au plan mondial pour soutenir le management de l’entreprise, les franchises et les régions. ELLE MILITE POUR LA PROMOTION DES FEMMES AUX POSTES DE RESPONSABILITÉ « Mon département – une équipe de 12 cadres de haut niveau, établis à Lyon et à Atlanta, qui travaille de façon transverse – contribue à la prise de décision sur les orientations stratégiques de la société, ses décisions d’investissements industriels, de R&D ou commerciaux grâce aux données et analyses, apportant une vision claire de notre marché et de notre environnement, de la stratégie de nos concurrents et des attentes de nos clients. » Elle possède profondément en elle le sens du collectif. Avec une collègue, elle a créé le réseau WoMen in Sanofi Pasteur qui réunit 2400 membres dans 55 pays. Présidente de l’association Alliance pour la mixité en entreprise (AME) qui regroupe les responsables de réseaux de 17 grandes entreprises (Total, Areva, Sodexo…), elle milite pour la promotion des femmes aux postes de responsabilité et le respect de l’égalité. Ses points forts? « L’énergie, la force de travail. J’aime conduire mon équipe vers un objectif avec bienveillance et respect de la parole d’autrui. » Sportive aimant tout aussi bien la neige et le ski que les bains de mer, cette fan de rock s’appuie sur la tendresse et la chaleur de sa famille pour trouver son équilibre I. L. et se ressourcer. ■ 24 I L’ÉVÉNEMENT / LTWA LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR L’EFFET GÉNÉRATIONNEL Quand les Z achèvent le travail des Y © M-A JOURNEL En septembre dernier, au Positive Economy Forum, Emmanuelle Duez a fait une intervention qui génère un buzz formidable sur Internet, avec près de 70 000 vues… Son propos ? Analyser à travers le prisme des générations Y et Z le devenir des entreprises. Diagnostic : chaud devant ! PAR EMMANUELLE DUEZ FONDATRICE DE WOMEN’UP ET DE THE BOSON PROJECT J e commence à en avoir assez que l’on parle de la Génération Y. On en dit tout et n’importe quoi. Baptisée chochotte aux États-Unis, poule mouillée en Allemagne, Me-Me Generation en Angleterre, Yotori (pour agneau) au Japon, de Digital Naive ou de génération soumise, le sujet Y cristallise les aigreurs. Ou oserai-je dire la peur de la perte de sa propre jeunesse par ceux qui s’évertuent tant à la critiquer. Y OU LE SYMPTÔME D’UN MONDE EN MUTATION Regardons cette génération avec bienveillance. En réalité, elle est le symptôme d’un changement qui la dépasse largement. La génération Y, c’est la génération « Quoi? Quoi? Quoi? », mais surtout, c’est la première génération mondiale. En effet, pour nous, la terre est plate. Il y a aujourd’hui plus de points communs entre un Africain, un Américain, un Asiatique et un Français de 25 ans qu’avec l’un de nos aînés de 55 ans. Mondiale donc, mais également la prochaine grande génération. Aujourd’hui, 50% de la population mondiale a moins de 30 ans. Que l’on nous aime ou pas, peu importe, nos comportements deviendront la norme par le seul effet volumique. Nous sommes aussi la première génération dite postmoderne; nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère où tous les modèles économiques, politiques, sociétaux, financiers et environnementaux doivent être réinventés. Kofi Annan parle de nous comme des héritiers sans héritages. Grande, mondiale, postmoderne donc, mais surtout, nous sommes la première génération numérique. Michel Serres parle à ce titre de la troisième révolution anthropologique majeure de l’humanité. Celle qui a changé la face du globe et qui a accouché d’un enfant, la génération Y. Une génération, façonnée par les valeurs de transparence, de transversalité, d’ouverture, de fluidité, d’interconnexion, d’agilité… Et la vague numérique, en bouleversant les usages, a bouleversé nos manières de faire, en profondeur. Nous sommes la première génération « omnisciente ». Nos cerveaux sont à portée de main, dans nos poches de jeans, à un clic de la connaissance mondiale. Ce « 207e os » dont parle l’amiral Lajous ou cette présomption de compétence dont parle Michel Serre, changent le rapport à l’autorité, au père, au statuaire, à la hiérarchie et donc à l’entreprise. Finalement, n’est-ce pas cela la génération Y, une génération massive qui arrive dans un monde à réinventer avec un super-pouvoir entre ses mains : le numérique. Aujourd’hui, un clavier suffit pour faire tomber un gouvernement. L’individu n’a jamais été aussi puissant Et si c’était cela le sujet Tous les samedis à 13h30 Le rendez-vous de l’innovation sur Arte En partenariat avec FutureMag est le rendez-vous hebdomadaire bi-média à suivre sur tous les écrans pour explorer les inventions qui, demain, vont transformer nos vies. Au programme samedi 12 décembre : > Le spectacle le plus innovant du monde À retrouver dès 14 heures sur latribune.fr et arte.tv/futuremag « La génération Y fait un pari : faire passer le pourquoi avant le comment, la flexibilité avant la sécurité, l’exemplarité avant le statutaire, l’ambition de s’accomplir avant celle de réussir. » © ISTOCK Y : un momentum, un contexte, un pouvoir et des hommes? Le sujet Y dans les entreprises fait des étincelles! Il vient d’un monde ou l’agile mange l’inerte. Et aujourd’hui, il entre de manière massive par la base de la pyramide des organisations. QUAND LE Y PERCUTE L’ENTREPRISE Il arrive dans le royaume où jusqu’à présent c’était le gros qui mangeait le petit. Le sujet Y se cogne la tête sur des modèles de leadership, de management, d’organisation, qu’il ne comprend pas, qu’il ne reconnaît pas. Que fait-il? Il se casse ou débranche la prise. C’est ça le symptôme Y, malgré un taux de chômage incompressible, nous sommes sur une population avec des taux de mouvement (turnovers) en hausse. On assiste à des compétitions de démission ( job out) : « Hey, j’ai démissionné de mon CDI au bout de six mois, qui fait mieux? » Les adultes, nos parents, ne comprennent pas. Leur réflexe : « C’est quoi cette génération d’enfants “pourrigâtés”, qu’on a trop aimés? Ils ont vu le marché de l’emploi? Ils croient vraiment qu’autre chose est possible? » La réponse est : peut-être. La génération Y porte sur l’entreprise un regard radicalement différent. Elle est en mesure de transformer profondément l’entreprise de l’intérieur. Cette jeunesse fait un pari : faire passer le pourquoi avant le comment, la flexibilité avant la sécurité, l’exemplarité avant le statutaire, l’ambition de s’accomplir avant celle de réussir. Elle juge son épanouissement à travers ses propres yeux et non ceux des autres. Cette jeune génération sait que personne ne l’attend sur le marché de l’emploi, alors elle rêve d’un autre monde. Elle sait que l’entreprise ne pourra pas lui promettre ce qu’elle a promis à ses parents. Alors elle s’invente une autre épopée et se dit plutôt que d’aller très haut, très vite, très loin : j’irai à côté. Bébé de la précarité, subie ou intégrée, je dessinerai ma vie comme un chapelet avec une série d’expériences professionnelles toutes différentes, « kiffantes », à hautes valeurs ajoutées. Et je me dirai qu’à la fin cela fait sens, et ce sens, ce sera le mien. AUX ÉTATS-UNIS, PLUS DE « FREELANCES » QUE DE CDI Alors même que les uns commencent à comprendre ce qu’est la génération Y, voici que débarquent les Z… Nous avons interrogé 3000 jeunes de moins de 20 ans pour connaître leur vision de l’entreprise. Nous cherchions à savoir si, comme l’espèrent les chefs d’entreprise et le prédisent Strauss et Moss, les deux spécialistes de l’intergénérationnel, il y aura guerre entre nos générations. Les Z vont-ils terrasser les Y? Que disent-ils? Leur réponse tient essentiellement en trois mots : « l’entreprise est dure, cruelle : c’est une jungle. » La bonne nouvelle? Cinquante pour cent d’entre eux imaginent dans l’avenir devenir entrepreneurs. C’est-à-dire devenir leurs propres patrons. Avant, l’entreprise faisait l’honneur à un salarié de lui donner un job. Avec la génération Y, on est passé de la subordination à la collaboration. Les jeunes sont dans une relation gagnant-gagnant de court terme : « Montrez-moi ce que vous avez à m’offrir, je vous dirai ensuite si j’ai envie de m’engager. » La génération Z achève la transformation : « Ce n’est pas l’entreprise qui va me faire l’honneur de me donner un travail, c’est moi qui ferai l’honneur à une ou plusieurs entreprises de mettre à disposition mon talent et mes compétences. » Le changement de paradigme est total. Le centre d’emploi n’est plus l’entreprise, c’est le Z. D’ailleurs, aux États-Unis, pour la première fois, il y a plus de travailleurs indépendants que de CDI. C’est une tendance lourde. Quand on leur demande combien de métiers les Z auront demain, ils répondent l’infini. Ils n’ont pas tort. On prévoit d’ores et déjà que demain les moins de 30 ans pratiqueront environ 13 métiers dans leur vie, la plupart de ces métiers n’existant pas encore aujourd’hui. Les Z s’interrogent donc, et à juste titre : « Dans un monde régi par l’obsolescence des compétences, à quoi sert de passer un bac + 1000 pour préparer un job qui n’existe pas encore? À quoi ça sert l’école? Le diplôme? » Que signifie dès lors « Bonjour, M. X, 55 ans, Insead… » Plus grand-chose. Le Z sera donc l’entrepreneur de sa propre formation. Demain, l’entreprise qui sera en mesure de le séduire et de le retenir sera une entreprise apprenante. Elle deviendra une école. ■ Entrepreneurs, vous foncez. Nous décidons bpifrance.fr Suivez-nous sur Pour contacter nos chargés d’affaires : AQUITAINE BORDEAUX 05 56 48 46 46 PAU 05 59 27 10 60 AUVERGNE 04 73 34 49 90 BOURGOGNE 03 80 78 82 40 BRETAGNE RENNES 02 99 29 65 70 BREST 02 98 46 43 42 SAINT-BRIEUC 02 96 58 06 80 LA_TRIBUNE_256x363_Vite.indd 1 LORIENT 02 97 21 25 29 CENTRE CENTRE ORLÉANS 02 38 22 84 66 TOURSORLÉANS 02 47 310277380022 84 66 TOURS 02 47 31 7703 0026 79 82 30 CHAMPAGNE-ARDENNE CHAMPAGNE-ARDENNE 03 26 79 CORSE 8204 3095 10 60 90 FRANCHE-COMTÉ CORSE 04 9503 1081 6047 9008 30 FRANCHE-COMTÉ 0378 8178 47 08 30 ILE-DE-FRANCE 01 53 89 ILE-DE-FRANCE 0148 5315 8956 7855 78 ILE-DE-FRANCE EST 01 ILE-DE-FRANCE EST ILE-DE-FRANCE OUEST 0101 4648 5215 9256 0055 LANGUEDOC-ROUSSILLON MONTPELLIER 04 67 69 76 00 PERPIGNAN 04 68 35 74 44 LIMOUSIN 05 55 33 08 20 LORRAINE NANCY 03 83 67 46 74 METZ 03 87 69 03 69 MIDI-PYRÉNÉES 05 61 11 52 00 NORD-PAS DE CALAIS 03 20 81 94 94 BASSE-NORMANDIE 02 31 46 76 76 HAUTE-NORMANDIE 02 35 59 26 36 PAYS DE LA LOIRE NANTES 02 51 72 94 00 LE MANS 02 43 39 26 00 PICARDIE 03 22 53 11 80 POITOU-CHARENTES 05 49 49 08 40 PROVENCE-ALPES-CÔTE D’AZUR MARSEILLE 04 91 17 44 00 NICE 04 92 29 42 80 RHÔNE-ALPES LYON 04 72 60 57 60 SAINT-ÉTIENNE 04 77 43 15 43 VALENCE 04 75 41 81 30 GRENOBLE 04 76 85 53 00 ANNECY 04 50 23 50 26 GUADELOUPE 05 90 89 65 58 GUYANE 05 94 29 90 90 LA RÉUNION 02 62 90 00 90 MARTINIQUE 05 96 59 44 73 MAYOTTE 02 69 64 35 00 RCS 507 523 678 ALSACE 03 88 56 88 56 04/12/15 14:29 26 I LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR LE TOUR DU MONDE DE L De l’autoroute paysagère à la centrale qui stocke le carbone Chaque semaine, La Tribune vous propose de partir à la découverte des petites et grandes innovations qui annoncent l’avenir. 1 5 COTONOU – Benin Pikiz, la plateforme des « early adopters » ESTEVAN – Canada Marketing. Lorsqu’une startup lance une application ou un nouveau service en ligne, elle a besoin de créer un engouement auprès de ses premiers utilisateurs, les early adopters. Certains internautes s’en font même une spécialité et deviennent très influents. Encore faut-il attirer leur attention. Pour faciliter la mise en relation entre les nouveaux produits et les early adopters, les équipes de l’accélérateur TEKXL, au Bénin, ont créé Pikiz, une plateforme sur laquelle des entrepreneurs du monde entier peuvent se faire connaître. Des centaines de nouveaux utilisateurs s’y inscrivent tous les jours. Une centrale électrique à charbon qui stocke le carbone qu’elle produit Réchauffement climatique. Chaque année, 36 milliards de tonnes de CO2 sont rejetées dans l’atmosphère, ce qui contribue au réchauffement de la planète. Pour moins polluer, la centrale électrique fonctionnant au charbon Boundary Dam, a mis au point une solution pour capter le gaz carbonique avant qu’il ne s’échappe dans l’atmosphère. L’objectif : récupérer un million de tonnes de CO2 par an. Pour cela, il a fallu construire une tour d’absorption capable d’isoler le CO2. En s’élevant dans la tour, les fumées issues de la centrale sont mélangées à de l’eau contenant des produits chimiques conçus pour se coller au gaz carbonique, qui se retrouve piégé dans le liquide. Le CO2 part ensuite dans un compresseur, qui le fait passer d’un état gazeux à un état quasi liquide. La substance est ensuite enterrée dans le sol. 6 1 © ARTE 2 ARLINGTON – États-Unis 3 Une puce dans le cerveau pour améliorer la mémoire Albina Ruiz réduit la pollution et la pauvreté Implants. Demain, sera-t-il possible de venir à bout des trous de mémoire? Des chercheurs américains ont annoncé avoir réussi à influer sur la mémoire d’individus grâce à des implants électriques intégrés au cerveau de patients. Concrètement, des électrodes sont placées dans les régions du cerveau s’occupant de la mémoire déclarative (se rappeler une liste de courses, par exemple). Au moment de se souvenir, il est possible d’envoyer une minidécharge pour stimuler le cerveau. Une aide qui pourrait s’avérer précieuse pour les personnes souffrant de troubles de la mémoire. 3 4 Environnement. Améliorer le niveau de vie des Péruviens les plus pauvres tout en rendant la ville plus propre, tel est le défi qu’Albina Ruiz relève avec succès depuis 1996 à Lima. Son ONG, Ciudad Saludable (ville saine), organise un réseau de 35 micro-entreprises qui gèrent 600 ramasseurs de déchets recrutés parmi les citoyens les plus pauvres. Le fait de structurer à grande échelle la collecte des déchets permet d’en récupérer davantage et de mieux payer les ramasseurs, qui gagnent jusqu’à dix dollars (7,50 euros) par jour. © ALEX PROIMOS PLUS D’ACTUALITÉS ET D’INFOGRAPHIES SUR LATRIBUNE.fr LIMA – Pérou MATO GROSSO – Brésil Fibria boucle la boucle Valorisation. Pour fabriquer sa pâte à papier, Fibria produit de la cellulose issue de l’exploitation de plantations d’eucalyptus. Bien que ces plantations soient gérées dans le respect d’une réglementation nationale très stricte, la quantité de déchets issus de l’industrie de la cellulose est non négligeable. Afin d’éviter des transports réguliers et coûteux vers des centres d’enfouissement, Fibria transforme désormais ces déchets organiques pour obtenir un nouveau produit : le correcteur d’acidité des sols. Ce produit est ensuite utilisé dans les plantations forestières de Fibria et des exploitations voisines. Et la boucle est bouclée ! > http://bit.ly/1Rz60Ly © VEOLIA-ZUT 2 4 5 I 27 LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR L’INNOVATION FINLANDE – Helsinki Showerloop, la douche qui consomme très peu d’énergie Économie circulaire. Jason Selvarajan, un jeune ingénieur finlandais, a mis au point un prototype de douche écologique, qui filtre l’eau en temps réel et sans interruption. Pas moins de 10 litres d’eau sont gaspillés chaque minute passée sous la douche. Face à ce constat, Jason Selvarajan a mis au point un prototype qui permet de recycler l’eau de la douche en circuit fermé. Il utilise une pompe qui récolte l’eau et la pousse vers le pommeau de douche. Avant d’être réinjectée, un filtre la purifie grâce à du sable qui retient les particules, du charbon actif qui capture les substances chimiques, et des rayons ultraviolets mangeurs de bactéries. Baptisée Showerloop, cette douche sans fin consomme donc peu d’eau, mais aussi peu d’énergie. En effet, la chaleur utilisée par la première douche est captée pendant le processus de recyclage pour chauffer l’eau de la douche suivante. Et ainsi de suite, à l’infini. 8 SÉOUL – Corée du Sud Une autoroute transformée en jardins suspendus Espaces verts. Et si on recouvrait le béton de verdure? C’est l’idée du projet Seoul Skygarden, qui vise à créer un jardin suspendu de près d’un kilomètre en lieu et place d’une autoroute en hauteur désaffectée. L’objectif : rendre la ville plus verte et plus agréable pour les passants qui voudraient emprunter la voie à pied ou à vélo pour traverser la ville. Y seront plantées 254 espèces d’arbres, de fleurs et de plantes. Le projet devrait aboutir en 2017. 9 TOKYO – Japon Les dieux au secours de la lutte contre les dépôts sauvages de déchets > http://bit.ly/1jJzjNK Civisme. Garder la ville propre est un défi pour les autorités, même au Japon, réputé pour la propreté de ses rues. Pour lutter contre le dépôt sauvage d’ordures sur le bord des routes, certaines villes ont décidé de faire appel aux dieux. Des minitoriis (portail traditionnel japonais, situé à l’entrée d’un sanctuaire shintoïste) ont été installés dans les endroits où les gens n’hésitent pas à jeter des déchets ou à uriner. Avec des résultats surprenants : leur présence suffit à réduire drastiquement les mauvaises pratiques grâce au respect qu’ils suscitent de la part des citoyens, qu’ils soient croyants ou pas. 7 © ISTOCK © MVRDV 7 8 9 10 SYDNEY – Australie Un arsenal technologique inédit pour traquer les requins 6 Sécurité. Face à la recrudescence des attaques de requins (15 depuis le début de l’année, contre trois en 2014), l’État de Nouvelles-Galles du Sud se mobilise en lançant un plan « multiforme » faisant appel aux technologies les plus avancées. D’un coût de 16 millions d’euros, ce plan sur cinq ans prévoit d’assigner des drones pour surveiller le littoral en temps réel. Mais aussi de construire des « stations d’écoute » dans les zones à risques pour surveiller les requins équipés de balises acoustiques. L’État immergera aussi des bouées équipées de sonars pour détecter leur présence et investira dans des barrières électriques alimentées par l’énergie des vagues. Objectif : zéro mort. COPENHAGUE – Danemark Des traceurs de téléphones pour indiquer le temps d’attente à l’aéroport 10 © ISTOCK Services. Se déplacer d’un bout à l’autre d’un aéroport et faire la queue dans les files d’attentes peut prendre beaucoup de temps. Un délai qu’il est difficile d’anticiper. L’aéroport de Copenhague teste actuellement le système BlipTrack. Celui-ci consiste à utiliser des capteurs qui surveillent le mouvement des téléphones à travers l’aéroport. À chaque appareil est attribué un identifiant unique, crypté, qui permet, à l’aide de balises, de déterminer précisément les durées d’attente ou de trajets. Une manière d’éviter les sprints de dernière minute. © ISTOCK SÉLECTION RÉALISÉE PAR SYLVAIN ROLLAND @SylvRolland ARTICLE PARTENAIRE PVSI, un pôle national pour le démantèlement nucléaire Les activités de démantèlement nucléaire représentent d’ores et déjà un marché important, évalué à plusieurs centaines de millions d’euros par an pour certains sites nucléaires en France. Les 14 et 15 décembre à Marcoule, dans le Gard, le Pôle de valorisation des sites industriels (PVSI) rassemblera 300 acteurs de « l’équipe de France » du démantèlement. C ’ est une filière en pleine phase de structuration. À la pointe de la construction et de l’exploitation d’installations nucléaires depuis des décennies, la France souhaite s’appuyer sur son expertise pour se poser en leader du démantèlement. Centrales nucléaires et réacteurs expérimentaux bien sûr, mais aussi usines du cycle du combustible, laboratoires et réacteurs de recherche ou encore reprise et reconditionnement de déchets anciens… Dès les années 1980, des premières opérations de démantèlement ont vu le jour, avec un coup d’accélérateur à partir du milieu des années 1990, en particulier sur le site nucléaire de Marcoule, LES ACTEURS DE PVSI Les fondateurs de PVSI sont au nombre de sept : le CEA Marcoule, la CCI Nîmes, la Communauté d’agglomération du Gard rhodanien, la grappe d’entreprises Cyclium, l’agence de développement Invest In Gard, l’UPE 30 et l’UIMM Gard-Lozère. le berceau historique du nucléaire français. Aujourd’hui, les choses s’accélèrent encore avec, d’une part, l’arrivée en fin de vie d’installations très diverses en France et, d’autre part, les perspectives ouvertes à l’international. Un marché mondial potentiel de 220 milliards L’État en a fait l’une de ses priorités industrielles et stratégiques. Dès 2013, le Comité stratégique de la filière nucléaire (CSFN) recommandait de « renforcer la filière française du démantèlement, pour répondre aux importants besoins à venir dans tous les pays concernés ». Il faut dire que le marché mondial s’annonce colossal. D’après une étude du cabinet Arthur B. Little, il est estimé à 220 milliards d’euros d’ici à 2030 et porte autant sur les réacteurs que sur toutes les usines du cycle du combustible. En France, pays qui dispose de l’un des parcs nucléaires les plus importants au monde, EDF a déjà entamé la déconstruction de neuf de ses réacteurs. Les exploitants nucléaires français (EDF, Areva et le CEA principalement) ont provisionné, comme l’impose la loi, les budgets pour faire face aux futurs chantiers de démantèlement. À Marcoule, un écosystème du démantèlement Dans le Gard, une filière d’excellence s’est construite autour du CEA Marcoule, en bordure du Rhône. Dans la filière française du démantèlement, le CEA tient un rôle clé : deux tiers des installations nucléaires en fin d’exploitation lui appartiennent. Dès le début des années 1980, le site de Marcoule s’est engagé dans des chantiers de démantèlement qui ont fait référence dans le monde. Et ce, sur des installations de toute nature : réacteurs de première génération construits à la fin des années 1950, usine de retraitement UP1, laboratoires, installations de traitement de déchets… « C’est à Marcoule que se situent les plus grands chantiers et c’est de Marcoule que sont pilotées les opérations d’assainissement et de démantèlement réalisées sur les centres du CEA à Saclay, Fontenay-aux-Roses, Cadarache et Grenoble qui vient de se terminer dans les délais prévus », précise Philippe Guiberteau, le directeur du centre gardois du CEA et président de PVSI. Marcoule, qui réalise également la R&D du CEA dans le domaine de l’assainissement et du démantèlement, et la qualifie sur des chantiers réels, dispose de l’ensemble des compétences nécessaires pour gérer ces opérations d’une grande technicité. À la clé, les retombées économiques sont déjà importantes. La filière nucléaire dans le Gard rhodanien représente 10% de la part industrielle du PIB de LanguedocRoussillon. Chaque année, ce sont de l’ordre de 300 millions d’euros qui sont engagés par le CEA rien que pour le démantèlement des installations du site de Marcoule, où un chantier comme le démantèlement prochain du réacteur Phenix est évalué à lui seul à plusieurs centaines de millions d’euros sur trente ans. Résultat, un écosystème très riche s’est créé dans ce bassin d’emploi. Avec de grands groupes spécialisés en assainissement-démantèlement, mais aussi des petites entreprises dont certaines à fort potentiel technologique. Sans oublier un environnement académique et de la formation très fertile, avec la présence de l’Institut national des Des opérations d’une grande technicité COUSTER sciences et techniques nucléaires et son « chantier-école » du démantèlement, mais aussi l’université de Montpellier ou encore l’École des Mines d’Alès. Un master « démantèlement » vient d’ailleurs d’ouvrir en septembre 2015 à Marcoule. PVSI : l’accélérateur national Philippe Guiberteau, président de PVSI indique : « Notre objectif est de créer de la valeur et de l’emploi par l’innovation en regroupant près des grands chantiers de Marcoule, les industriels, les organismes de recherche dont le CEA et les organismes de formation. » Rassemblée au bord du Rhône, la filière française du démantèlement a franchi en 2014 une nouvelle étape avec la constitution, par sept membres fondateurs, du PVSI : le Pôle de valorisation des sites industriels. Au-delà de l’ambition de dynamiser l’écosystème régional, les 19 acteurs de la recherche, de l’industrie, du développement économique et de la formation qui le composent aujourd’hui, travaillent à asseoir une position désormais reconnue de premier plan national. « Ce qui nous guide, est la nécessité de contribuer à la structuration de toute une filière », souligne Luc Ardellier, vice-président de PVSI et du groupement d’entreprises Cyclium (50 membres, dont 17 dans le démantèlement). Celui qui est aussi président d’Oreka Solutions, une startup qu’il a fondée dans la simulation 3D de scénarios de démantèlement, souligne que « PVSI a désormais un rôle reconnu nationalement de fédération par l’innovation ». Innovation technologique bien évidemment, avec par exemple une halle technologique qui verra le jour pour faciliter les développements de projets collaboratifs avant leur test en conditions réelles sur les chantiers du CEA. Mais innovation également dans le domaine de la formation des opérateurs, de la contractualisation des projets, de la réglementation… Le Pôle lance un observatoire du démantèlement, destiné à affiner encore l’estimation du volume d’affaires du secteur, tant en France qu’à l’international. « Notre défi est de faire en sorte que le démantèlement de sites nucléaires, qui est aujourd’hui encore perçu comme une charge et une crainte de perdre des milliers d’emplois, devienne une opportunité de business », avance Philippe Patitucci, président de l’UIMM Gard-Lozère. Une chose est sûre, « plus notre écosystème sera renforcé, plus nos entreprises seront en mesure de remporter les grands appels d’offres », rappelle Éric Giraudier, président de l’UPE 30 (Union pour les entreprises). Un savoir-faire ouvert à d’autres secteurs d’activité Les compétences du démantèlement nucléaire peuvent être dès aujourd’hui étendues à d’autres « milieux hostiles », pour se relier à des secteurs tels que l’aéronautique, en Midi-Pyrénées et la construction navale en Paca (ProvenceAlpes-Côte d’Azur), ou encore la déconstruction de plateformes de chimie industrielle. « Pour cela, il faudra continuer d’investir dans la recherche et le développement, et surtout multiplier les transferts de technologie », lance Éric Giraudier. De nombreuses techniques (valorisation et recyclage des métaux, travail en environnements confinés, décontamination, robotique appliquée, etc.) seraient transposables. Pour les aéronefs, le gisement mondial est estimé à 10000 avions de ligne d’ici à 2030. « Ce sont des opportunités à saisir, surtout que nous allons fusionner avec la région Midi-Pyrénées », insiste Henry Douais, président de la CCI Nîmes. En tout cas, « le BIC Innov’up, un incubateur de projets et d’entreprises innovantes, fondé en 1988, est déjà “connecté” sur le sujet », précise-t-il. Selon lui, tout l’enjeu pour réussir sera de conjuguer l’engagement des majors et des PME. Le pôle souhaite aussi s’appuyer sur la filière numérique pour numériser et modéliser en 3D ces opérations. « Aujourd’hui, tout ou presque est modélisable. Les possibilités sont infinies. Dans ce domaine, à nous de valoriser notre savoir-faire. Des contacts existent déjà avec Airbus », dévoile ainsi Jean-Christian Rey, président de la Communauté d’agglomération du Gard rhodanien. Un marché mondial d’envergure Autre cible visée par PVSI : le marché mondial des sites et sols pollués (SSP). Celui-ci était estimé par l’Ademe à plus de 43 milliards d’euros par an dans un rapport en 2011. En France, il concerne plus de 200 sociétés d’ingénierie et de travaux. Des marchés qui font appel à des compétences en partie similaires (géochimie, génie civil, chimie, génie des procédés, métrologie et modélisation, écotoxicologie, géologie, hydrogéologie, physique…) à celles utilisées pour le démantèlement de sites nucléaires. En France, on recense ainsi plus de 4000 sites et sols pollués, nécessitant dépollution des sols, traitement ou déconstruction des bâtiments. Chaque année, la production de déchets industriels dangereux se situe à environ 240000 tonnes par an. « La notion de valorisation des sites industriels prend ici tout son sens », remarque Philippe Broche, président d’Invest In Gard. Aujourd’hui, PVSI jouit déjà d’une bonne visibilité. Au plan national, réforme territoriale oblige, la nouvelle région qui associera Languedoc-Roussillon avec Midi Pyrénées se retrouvera de fait en « pole position » sur des actions qui, au-delà de la maîtrise des chantiers de démantèlement nucléaire eux-mêmes, ouvrent à l’innovation dans des domaines du recyclage et de l’écoconception. Au plan international, enfin, le pôle a été présenté à Bruxelles par son président, en présence de responsables du CEA, d’Areva et d’EDF. PVSI a eu une présence remarquée à la première édition du World Nuclear Exhibition (WNE, salon international du nucléaire, qui se tient tous les deux ans) en 2014 au Bourget. Des jalons ont déjà été posés, notamment aux ÉtatsUnis lors du salon mondial Waste Management de Phoenix. La filière est sur de « bons rails » et consciente qu’il ne faut pas rater ce virage stratégique pour s’imposer sur le grand marché du démantèlement nucléaire, tout en se positionnant sur d’autres secteurs d’activité de l’économie circulaire. Opération-test de découpe par le bras-robot Maestro, fruit d’un codéveloppement entre le CEA et la société Cybernetix. © CEA/DR LE DÉMANTÈLEMENT TIENT SES « ASSISES » ANNUELLES O rganisée par PVSI, la troisième édition des Assises du démantèlement, qui se déroulera les 14 et 15 décembre prochains, à Marcoule et Laudun, aura un rôle clé pour l’ensemble des acteurs. Cette année, les réflexions vont porter sur le cadre réglementaire des chantiers de démantèlement, l’innovation technologique, la sous-traitance, les ressources humaines, les déchets, ainsi que les perspectives à l’international. Avec des intervenants de premier plan : des représentants de l’Autorité de sûreté nucléaire, du ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, d’Areva et de l’Andra, de l’Institut national des sciences et techniques nucléaires, ainsi que des entreprises (OTND, Cyclium, Nuvia…) et l’Association des industriels français exportateurs du nucléaire. Sans compter, bien sûr, des rendez-vous d’affaires, qui ont été un beau succès lors de la précédente édition. En 2014, l’événement avait attiré 300 participants, dont 40 % d’acteurs nationaux et des industriels belges et américains. Cette année, pour franchir une nouvelle étape, une « Route du démantèlement », associant écoles et industriels, ainsi qu’un Observatoire du démantèlement, prendront leur envol. © CEA/DR Préparation d’une intervention du CEA sur un chantier de démantèlement, à Marcoule (Gard). © CEA / LE En lien avec la priorité nationale qu’est le recyclage, PVSI vise aussi à accroître le transfert aux éco-industries nationales du savoir-faire acquis dans le démantèlement nucléaire. La thématique des déchets est tout particulièrement ciblée (réduction du volume, conditionnement…). D’autant qu’avec des procédés adéquats, le traitement des déchets peut « adresser » le secteur du recyclage des matières stratégiques et autres métaux critiques. Cette diversification, qui entend placer PVSI au cœur de l’économie circulaire, est d’autant plus importante, que le démantèlement d’un site nucléaire est très étalé dans le temps, parfois sur vingt ans. « Le marché ne décolle pas assez vite pour nos entreprises », observe Henry Douais. ARTICLE PARTENAIRE PVSI, des partenaires très engagés Autour du CEA à Marcoule, un écosystème de grande qualité s’est créé dans le démantèlement nucléaire. Nous avons interrogé plusieurs acteurs de premier plan de la filière – des industriels français tels que Nuvia, KEP Nuclear, Derichebourg – à propos de leur positionnement stratégique sur ce marché. Ils évoquent aussi les défis technologiques, qui restent encore à surmonter. Nous avons également donné la parole à la société mixte d’aménagement Languedoc Roussillon Aménagement, qui nous dévoile les outils mis en œuvre pour attirer les entreprises sur le territoire. Une opportunité pour la filière nationale, comme pour la grande région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. NUVIA : « CE SONT DES MARCHÉS TRÈS CONCURRENTIELS » BRUNO LANCIA, est directeur général du groupe Nuvia, spécialisé dans le nucléaire civil et militaire et un des acteurs du démantèlement. Un groupe, qui emploie 3 000 salariés et réalise 360 millions d’euros de chiffre d’affaires. Il nous explique le positionnement de l’entreprise sur ce marché du démantèlement de sites nucléaires. « Nous intervenons à tous les stades du cycle de vie des installations nucléaires. Des études de conception et la construction jusqu’au démantèlement, en passant par l’exploitation et la maintenance. Nous avons onze métiers au total, répartis en trois secteurs d’activité : ingénierie, services et travaux et produits. Avec notre filiale Nuvia Process, implantée depuis plus de trente ans à Marcoule, nos équipes interviennent quotidiennement sur les installations du CEA où nous sommes l’un des plus vieux acteurs du démantèlement. Dans l’Hexagone, nous employons plus de 1500 personnes et sommes un des leaders du démantèlement et de l’assainissement. Autre particularité, Nuvia est l’un des rares groupes français, prestataires de services dans le nucléaire, aussi présent à l’internationa, où nous sommes implantés dans onze pays. Sur le démantèlement nucléaire, nous sommes en mesure d’intervenir sur l’ensemble du processus, de la conception de l’opération de démantèlement, avec notamment des maquettes numériques, jusqu’aux travaux sur place. Et ce, quel que soit le type d’installations nucléaires. Les marchés de démantèlement sont très souvent complexes, à risques, à forts enjeux techniques et humains, des marchés qui sont très concurrentiels, avec des incertitudes techniques, et aussi, par conséquent financières. Ces projets font appel à beaucoup de savoirfaire d’autant plus qu’aucun chantier ne se ressemble. » KEP NUCLEAR : « NOUS NOUS POSITIONNIONS COMME EXPERT DE LA MESURE NUCLÉAIRE » CHRISTOPHE MATHONAT, est responsable du site de Kep Nuclear à Bagnols-sur-Cèze, à proximité du site de Marcoule. Cette société, entité du groupe KEP Technologies (400 personnes, 48 millions d’euros de chiffre d’affaires) conçoit, développe et commercialise des produits innovants dans le domaine de la caractérisation des matières et déchets nucléaires. Contrôles radiologiques lors du démantèlement d’un laboratoire nucléaire du CEA à Grenoble. © CEA/DR « KEP Technologies est positionné dans des technologies de pointe, sous-traitance pour l’aéronautique et instrumentation. Fin 2014, nous avons créé Kep Nuclear, une filiale spécialisée dans la mesure nucléaire. Nous nous sommes implantés en juillet 2015 à Bagnols-sur-Cèze pour être au plus près des grands donneurs d’ordres, en l’occurrence du CEA de Marcoule, et ainsi créer des liens avec les différentes sociétés et acteurs du domaine en France. Notre force est notre capacité à savoir quantifier la matière radioactive sur un site, grâce à nos instruments et nos experts dans la connaissance du cycle du combustible et de la modélisation. Il y a une demande importante aujourd’hui et nous offrons une solution particulière très précise qui s’appuie sur la calorimétrie. Les données obtenues permettent ensuite de transporter et stocker cette matière de la manière plus adéquate et efficace possible. KEP Nuclear se positionne comme expert de la mesure nucléaire et de plus spécifiquement de la calorimétrie pour laquelle nous sommes les seuls à avoir un niveau d’expertise élevé. À Bagnols-sur-Cèze, nous avons déjà embauché quatre personnes, ingénieurs et docteurs de haut niveau… Et, dès l’année prochaine, nous allons doubler nos effectifs. En outre, nous investissons fortement dans la recherche pour accroître notre gamme d’outils de mesure. Notre objectif est de nous développer sur le marché français, mais aussi étranger. Nous avons des contacts avancés en Inde, Corée et Japon. Les temps de décision avant le lancement des marchés de démantèlement dans l’Hexagone sont longs, alors il faut s’ouvrir vers d’autres marchés. Nous espérons également que le PVSI va nous permettre d’aller plus vite et nous aider à trouver des partenaires pour financer nos programmes de recherche. Avec à la clé, des solutions différenciantes, par rapport à la concurrence. » Au bord du Rhône, le site de Marcoule, berceau du nucléaire industriel français. Créé dans les années 50, il réunit aujourd’hui une concentration sans équivalent de chantiers de démantèlement. © CEA/LE COUSTER LANGUEDOC-ROUSSILLON AMÉNAGEMENT : « FACILITER L’ARRIVÉE DES ENTREPRISES DANS LA RÉGION » NELLY FRONTANAU est Présidente de Languedoc-Roussillon Aménagement, société d’économie mixte pour l’aménagement et le développement économique, qui associe la région Languedoc-Roussillon à des partenaires privés et des établissements financiers. Simulation 3D d’une intervention de démantèlement robotisée. © CEA/DR « Tout a commencé lorsqu’en 2006, Georges Frêche, alors président de la Région, décide de développer 17 parcs économiques à thèmes sur des zones, où il y avait du foncier disponible, avec pour ambition d’aménager ces parcs pour attirer des entreprises sur le territoire régional. Aujourd’hui, neuf sont en cours de réalisation, ce qui crée 900 emplois directs. Au total, 270 communes et 900000 habitants sont impactés positivement par cette politique. Par exemple, sur le parc Marcel Boiteux, autour de Marcoule, où des parcelles de 2000 à 10000 m2 sont proposées sur une surface de 30 hectares, nous avons su rassembler une partie de l’écosystème, car nous leur proposons un vrai accompagnement : des bâtiments modernes, de haute qualité environnementale et équipés en fibre optique. Un premier hôtel d’entreprises est achevé, d’autres vont être lancés. Et outre les entreprises intéressées de la filière du démantèlement, le parc accueillera la future halle technologique de PVSI. Par ailleurs, nous investissons sur des systèmes de réseaux intelligents pour relier les entreprises entre elles et générer des économies d’échelle et d’énergie. Notre mission est d’offrir des conditions optimales d’implantation aux entreprises régionales, nationales et internationales. Ceci passe par l’organisation et la conduite des procédures administratives, la coordination des études et des travaux, l’acquisition des terrains, prise à bail ou à constitution de droits réels sur les terrains inscrits dans le périmètre des projets… Le rôle de Languedoc-Roussillon Aménagement, qui dispose d’une équipe d’une cinquantaine de personnes, est d’être un facilitateur pour faire venir les sociétés dans la région et tisser des liens avec les laboratoires de recherche et l’Université. On favorise ainsi des partenariats efficients entre le monde de l’entreprise, le monde de la recherche et celui de l’enseignement supérieur. C’est un cercle vertueux que nous nous imposons. Les acteurs locaux sont associés à nos démarches à travers des syndicats mixtes qui gèrent ces parcs. Aujourd’hui, le site de Marcoule représente 5000 emplois sur le bassin de Bagnols-sur-Cèze. Le parc Marcel Boiteux compte aujourd’hui 300 emplois. Nous devrions passer à 800 d’ici à cinq ans. Des retombées intéressantes pour un parc dont les travaux ont commencé en 2013. » CEA : « LA FRANCE EST L’UN DES LEADERS INCONTOURNABLES SUR LE DÉMANTÈLEMENT NUCLÉAIRE » LAURENCE PIKETTY, directrice de l’assainissement et du démantèlement nucléaire au CEA, rappelle les atouts de notre pays dans ce secteur d’avenir et dessine également les enjeux technologiques des prochaines années « Le CEA travaille sur le démantèlement nucléaire depuis le début des années 1990. Aujourd’hui, une vingtaine d’installations sont en cours de démantèlement. Ce sont des programmes complexes, en raison notamment de la radioactivité et des procédures de traitement des déchets historiques. Des déchets qu’il faut reprendre en amont et entreposer ailleurs en aval. Tout est très réglementé. À titre d’exemple, il faut savoir qu’il est obligatoire de déclarer l’arrêt de l’exploitation d’une installation nucléaire trois ans auparavant, puis ensuite demander l’autorisation de la démanteler. La plupart des chantiers importants sont pilotés à Marcoule par le CEA. Un écosystème de grande qualité s’est créé sur place. Nous y avons développé, entre autres, des compétences en robotique, en caractérisation, en conditionnement des déchets. Nous sommes aussi très en pointe sur la réalisation de scénarios de démantèlement, qui s’appuient désormais sur des technologies de réalité virtuelle. Tout ceci permet à la France d’avoir une longueur d’avance sur la scène internationale en matière de chantiers complexes de démantèlement nucléaire. Dans l’Hexagone, nous avons acquis une longue tradition et expertise dans le nucléaire. Et, le CEA, en particulier à Marcoule, a développé, au fil des années, un savoir-faire d’exception, et ce sur tous types de chantiers de démantèlement de sites nucléaires. À l’image de ce qui a pu être fait à Grenoble qui a montré à l’échelle d’un site que l’on savait mener à leur terme ces opérations avec des technologies éprouvées et gérer les grandes quantités de déchets générées. Cela étant, il nous reste encore quelques progrès technologiques à faire, notamment sur la robotique, pour accélérer le démantèlement de sites nucléaires et accroître encore la protection du personnel. Il faut durcir la résistance des composants électroniques des robots afin qu’il puisse aller sur des sites tels que Fukushima. » DERICHEBOURG : « AUJOURD’HUI, NOUS SOMMES À L’AUBE DU DÉMANTÈLEMENT INDUSTRIEL » MICHEL VALENTIN, directeur du pôle ingénierie & projets de l’activité « milieux sensibles » au sein du groupe Derichebourg – acteur majeur sur le plan international des services externalisés aux entreprises et aux collectivités, 28 000 collaborateurs, 2,56 milliards d’euros de chiffre d’affaires –, nous dévoile sa stratégie pour s’imposer sur le marché du démantèlement nucléaire. « Présents depuis presque dix ans chez les principaux donneurs d’ordres du nucléaire sur des prestations de logistique et de traitement de déchets, nous avons depuis décembre 2012, implanté notre sixième établissement sur la commune d’Orsan (Gard), près du site de Marcoule. Fort de plus de 45 collaborateurs, ingénieurs, techniciens et agents de maîtrise, notre pôle est notamment présent sur les études de maîtrise d’ouvrage, les investigations physiques des installations, la conception d’équipements destinés aux traitements des déchets, mais aussi en matière de travaux neufs de génie électrique et de ventilation nucléaire. Nous nous positionnons ainsi sur la partie amont du démantèlement avec la préparation des opérations depuis la détermination de l’état initial jusqu’à l’installation des disposi- tifs d’intervention en passant par la modélisation de toutes les données d’entrées (3D en restitutions télévisuelles ou télémétriques et radiologiques). À ce jour, nous sommes à l’aube du démantèlement nucléaire. Nombre de robots émergent, mais certaines technologies doivent encore être perfectionnées pour effectuer des investigations à un vrai stade industriel. Nos développements se situent sur cet axe d’industrialisation de technologies de robotique intrusive miniaturisée, issues de la R&D. Nous avons ainsi mis au point de la “robotique sur câble”, qui permet une surveillance périphérique d’une installation ou d’une intervention humaine en milieu hostile, avec un relevé en temps réel des éléments environnementaux (radiologique, température, hydrométrie…). Sans interférence, car évoluant en hauteur, le RIC (Robot d’Inspection sur Câbles) peut par conception s’adapter aux installations anciennes ou récentes. Il est équipé à la demande de matériels d’investigations spécifiques. Nos technologies et nos méthodes en A&D, sont déployées selon la culture du groupe D e richebourg, dans le respect de l’environnement, la santé de nos travailleurs et l’impact sur les futures générations; à ce titre Derichebourg est partenaire officiel de la COP21. » 32 I ENTREPRISES LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR « COMMERCE COGNITIF » Le groupe américain cherche à convaincre les commerçants de souscrire aux services de Watson, son système d’intelligence artificielle censé prédire les ventes, prodiguer des conseils en marketing, voire jouer le rôle de conseiller de vente. Entretien d’embauche. Watson, le robot d’IBM, cherche un emploi dans la distribution I l joue à Jeopardy, tente des pronostics sportifs, se fait remarquer par le président des États-Unis pour son rôle dans le domaine médical… Watson, le programme « d’intelligence artificielle » développé par IBM, cherche du travail auprès des commerçants. Son objectif? Leur vendre ses services de prédiction des achats et de conseils en marketing, récemment empaquetés dans une nouvelle formule payante et sur abonnement : « IBM Commerce Insight. » Il a donné un aperçu de ses capacités en matière de détermination des tendances d’achat avec un site gratuit et ouvert au public, listant les 100 produits les plus « populaires » du moment aux États-Unis dans trois catégories : technologie, jouets et santé. Pour faire sa réclame, IBM s’est même offert, en guise de recommandation, l’intervention de Bob Dylan (qui vilipendait la publicité dans sa chanson It’s Allright Ma (I’m Only Bleeding), sortie en… 1965). Mais ferait-il pour autant une bonne recrue pour un distributeur? Le bilan avec le concours de Céline Zouari, directrice e-commerce à IBM France. UN MARCHÉ AMÉRICAIN ÉVALUÉ À 50 MILLIARDS $ Ce programme informatique, conçu dans les années 2000, doit son nom à Thomas Watson, dirigeant de CTR (Computing Tabulating Recording) Company en 1914, qu’il avait renommé IBM en 1924. Le logiciel Watson succède à Deep Blue, l’ordinateur qui avait battu Gary Kasparov aux échecs en 1997. Dans un marché de « l’intelligence artificielle » évalué à 50 milliards de dollars aux États-Unis par Deloitte, Watson cherche à devenir « leader ». Les équipes d’IBM ont même forgé un terme pour évoquer son application dans la distribution : le « commerce cognitif ». « Nous estimons qu’en 2020, chaque individu sur la planète produira 1,7 mégaoctet de données par seconde », assure Céline Zouari. Pour se faire une idée, cela signifie qu’en naviguant sur Internet, en échangeant sur des réseaux sociaux ou en utilisant des objets connectés, chaque individu produira assez de données pour remplir la mémoire d’un smartphone de 16 Go en moins de trois heures. Avec son programme d’intelligence artificielle, IBM compte non seulement se frayer un chemin parmi ces milliards de milliards de bits produits sur la planète et qui ne cessent de s’accroître, mais il veut aussi « comprendre » ces données et en tirer des conclusions susceptibles d’augmenter les revenus des commerçants. Une ambition décrite ainsi par Céline Zouari : « La partie cognitive, c’est la possibilité de comprendre le sens profond de ces données : donc les subtilités liées au langage, capter une conversation sur Facebook ou Twitter mais aussi sa substantifique moelle, dans le ton, l’humeur, au même titre qu’un cerveau humain. C’est comprendre l’ironie. » Pour l’instant, Watson parle anglais et « comprend » le français, et il devrait être capable de communiquer dans la langue de Molière courant 2016. Par ail- PAR MARINA TORRE @Marina_To leurs, il « apprend » le japonais dans le cadre d’un contrat avec la banque SoftBank. Des adaptations en espagnol et en allemand sont également prévues. De ses capacités linguistiques, le fournisseur de services tente aussi de tirer d’autres applications. Ainsi, avec Fluid, une startup récemment acquise, les ingénieurs du groupe ont développé un « chatbot » – un assistant virtuel – qui permet de dialoguer à l’écrit en langage naturel avec les clients d’un site d’ecommerce par exemple. La marque de vêtements sportifs The North Face expérimente cette fonction qui permet de répondre aux requêtes des clients sur des demandes précises de produits… comme le ferait un vendeur ou un employé de centre d’appels. PLUS QU’UN ROBOT, WATSON EST UN ASSISTANT Michael Rhodin, le responsable d’IBM Watson, lors d’une conférence à New York, en janvier 2014. Il annonçait alors que le groupe allait investir plus de 1 milliard de dollars dans le projet Watson. © REUTERS/BRENDAN MCDERMID Une machine plutôt qu’un humain pour répondre aux questions des cyberacheteurs? Ses prétentions vont bien au-delà. « C’est plus qu’un robot, c’est vraiment un assistant. D’ailleurs, quand vous êtes en contact avec un centre d’appels, vous n’obtenez pas toujours de l’information très personnalisée. Il y a souvent des réponses très standard. Cette technologie est capable d’intégrer rapidement un nombre très important d’informations, bien plus que le cerveau humain », assure Céline Zouari. De même, employé comme « expert en marketing », il serait en mesure de faire le travail d’un spécialiste. Par exemple, à la question « Pourquoi mon shampoing se vend mal à Paris? », il répondra sous forme de graphiques en indiquant le niveau des stocks disponibles par rapport à la demande, sa popularité ou son impopularité sur les réseaux sociaux par catégorie sociale ou encore l’état de l’opinion sur les produits concurrents. « Nul besoin d’orienter la question. C’est un processus statistique qui détermine le niveau de corrélation entre chaque facteur », précise Henri Thouvenin, directeur du service des business analytics à IBM. L’entreprise envisage même de développer une nouvelle fonctionnalité qui consisterait à répondre automatiquement à chaque cas de figure par des actions concrètes. Par exemple, si le shampoing se vend mal, il pourra suggérer de réduire son prix de 10% pour une catégorie de consommateurs potentiels ciblés. « Nous laissons toujours le libre arbitre au professionnel, le but n’est pas non plus de remplacer l’humain à 100% », tempère la responsable commerciale de la filiale française. Au palmarès des produits les plus tendance du moment, l’Apple Watch figure sur le podium rayon « tech » et les boîtes de Lego Star Wars sont numéro un dans le jouet. Fallait-il vraiment tant d’intelligence pour deviner que les nouveaux jouets de la marque à la pomme et du fabricant danois ont toutes les chances de faire beaucoup parler d’eux en ce moment? Surtout, dans le dernier cas, lorsque l’on observe le dispositif publicitaire et commercial d’une ampleur inédite mis en place avant la sortie du septième opus de la saga créée par George Lucas. L’usage de Watson se justifierait moins par la liste elle-même du top 100 que par les explications associées à chaque produit. C’est du moins ce qui semble avoir convaincu le Washington Post. Ce dernier relève par exemple que, dans le cas de Lego, la machine d’IBM identifie un effet halo : non seulement les boîtes à l’effigie de Star Wars risquent de se vendre en grande quantité, mais la marque danoise bénéficie d’un effet d’entraînement pour vendre aussi ses autres boîtes de jeu. Par ailleurs, pour les commerçants en ligne, l’aspect « prédictif » permettra d’anticiper ses volumes de stocks. Surtout lors de périodes très tendues comme le « Black Friday » et le « Cyber Monday » où les transactions, même si le volume des ventes tend à se réduire, atteignent des dizaines de milliards de dollars. Seulement, de telles périodes se préparent bien en amont. Alors, jusqu’à combien de temps avant le jour J Watson est-il pertinent? Pour le jouet, il serait capable de détecter des tendances « dès qu’il y a des échanges sur les réseaux sociaux, en ce qui concerne ces produits. Les enfants commencent leur liste au Père Noël environ un mois avant, c’est là que commencent les conversations dans les cours de récréation ou sur les réseaux sociaux », affirme Céline Zouari. De quoi laisser assez de temps pour « gérer le réapprovisionnement », estime-t-elle. DES ATOUTS PAR RAPPORT À LA CONCURRENCE IBM est loin d’être la seule entreprise à investir massivement dans l’intelligence artificielle : Google, Facebook et bien sûr Amazon s’engouffrent aussi dans cette voie, tout comme des startups. Les porte-parole de Watson mettent surtout en avant sa capacité à comprendre le langage humain en fonction du contexte et ses capacités d’apprentissage, un graal dans le domaine de l’intelligence artificielle. Par ailleurs, la largeur de ses sources est présentée comme un autre avantage. Pour sa fonction « conseiller en marketing », Watson en compulse 10000 différentes, qui vont des réseaux sociaux aux blogs en passant par les avis des clients sur les produits postés en ligne, les relevés météo provenant de The Weather Company, récemment acquise, et bien sûr, le cas échéant, les niveaux de stocks et de ventes des entreprises ayant confié ces données à IBM. L’abonnement au module Commerce Insight, le tableau de bord dynamique pour les merchandiser coûte 200 euros par utilisateur et par mois. Le coût de l’application de « chatbot » n’est pas détaillé. La marque américaine de vêtements Carhartt est pour l’instant la seule à avoir officialisé « l’embauche » de l’outil d’analyse de données commerciales. Impossible encore de connaître l’effet réel de Watson sur l’accroissement du nombre de transactions par rapport aux visites sur les sites d’e-commerce qui l’ont adopté. C’est donc avec les seules démonstrations théoriques de ses performances que les commerciaux d’IBM tenteront d’en convaincre d’autres, lors du congrès organisé chaque année par la National Retail Federation (fédération américaine de la distribution) en janvier 2016, ou dans des salons en Europe. En France, ils invitent leurs clients et prospects dans des locaux à Bois-Colombes où sont reconstitués des lieux susceptibles d’adopter leurs services comme un magasin, un arrêt de bus, etc. Car, avant de convertir Watson en oracle pour marketeurs, IBM gère des plateformes d’e-commerce pour des grands comptes. Parmi ses clients français figurent Boulanger, Darty, Manutan, SFR (pour la VOD), Zara, Massimo Dutti ou C&A. ■ Découvrez comment EY accompagne les entreprises dans leur transformation stratégique et leur recherche de performance. ey.com/fr * © 2015 Ernst & Young et Associés. Tous droits réservés. Studio EY France - 1512SG364 * Une question pertinente. Une réponse adaptée. Un monde qui avance. Etes-vous prêt à vous transformer ? 34 I ENTREPRISES LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR NOUVEAUX USAGES Faut-il avoir peur du paiement sans contact ? à la crainte des Français de voir leurs données bancaires piratées : d’après un sondage publié début juin par l’institut CSA pour le compte de Bercy, les trois quarts des personnes interrogées considèrent que le paiement sans contact les expose davantage au risque de fraude. « Le paiement sans contact ne génère pas de risque particulier, d’autant plus qu’il ne concerne que des paiements inférieurs ou égaux à 20 euros », affirme Gérard Nébouy. En 2015, le nombre de paiements par carte sans contact s’élève déjà à 110 millions dans l’Hexagone, selon Visa Europe France. Après un démarrage plutôt tranquille, les comportements des consommateurs évoluent… SEULS 8 % DES FRANÇAIS ONT PAYÉ AVEC LEUR MOBILE R égler par carte en magasin sans taper son code sur le terminal de paiement, ce n’est plus de la science-fic@chlejoux tion. Au cours du seul mois de septembre, la France a enregistré près de 22 millions de paiements par carte sans contact, soit un triplement en l’espace de douze mois, selon une étude publiée le 23 novembre par le cabinet Galitt. Les efforts déployés depuis cinq ans par les promoteurs de la technologie sans contact commenceraient-ils enfin à payer? Ce serait aller un peu vite en besogne, estime en substance Galitt, qui souligne que les 22 millions de transactions sans contact réalisées en septembre représentent 3% seulement du nombre total de paiements par carte effectués sur la même période. Reste que les paiements sans contact ne peuvent aujourd’hui dépasser le seuil de 20 euros par transaceuros tion. À l’aune de cette par transaction, c’est la somme limite, les 22 millions à ne pas dépasser pour de transactions sans les paiements sans contact. contact de septembre revêtent une tout autre ampleur, puisqu’elles pèsent 30% du total des paiements par carte inférieurs à 20 euros, d’après Visa Europe. Pour mémoire, lors de la présentation des résultats annuels de l’émetteur européen de cartes bancaires, le 27 janvier dernier, Gérard Nébouy, directeur exécutif de Visa Europe France, avait fait le pari que le nombre de paiements par carte sans contact atteindrait cette année les 100 millions dans l’Hexagone, contre 22 millions en 2014, année qui avait déjà vu les transactions sans PAR CHRISTINE LEJOUX 20 Selon une étude publiée le 19 novembre par Deloitte, seuls 8 % des propriétaires de smartphones interrogés ont déjà utilisé leur mobile pour payer en magasin. © ISTOCK contact multipliées par huit. Pari gagné : « Cette année, le nombre de paiements par carte sans contact s’élève déjà à 110 millions en France, ce qui représente un chiffre d’affaires de 1,1 milliard d’euros. Le démarrage du sans contact avait certes été plutôt tranquille, mais on assiste aujourd’hui à un changement du comportement des consommateurs, qui voient dans ce mode de paiement un gain de temps considérable », indique Gérard Nébouy. INQUIÉTUDES SUR LA SÉCURITÉ Outre cette évolution sociétale, les infrastructures indispensables à l’essor du sans contact sont désormais en place. Environ 40 millions de cartes de paiement sans contact ont pris place dans les portefeuilles des Français, ce qui représente 60% du total des cartes. « Les banques ont diffusé massive- INNOVONS ENSEMBLE ment les cartes sans contact. Quelque 23,7 millions de cartes Visa sans contact sont ainsi en circulation en France, soit 52% du nombre total de porteurs de cartes Visa », renchérit Gérard Nébouy. Et d’ajouter : « Parallèlement, le cycle de renouvellement des terminaux de paiement permet d’avoir aujourd’hui 500000 commerçants – dont un nombre croissant de grandes enseignes – équipés du sans contact, soit 30% du parc global. » Pour le dirigeant, « une masse critique a ainsi été atteinte, tant sur le plan du nombre de cartes sans contact que sur celui du nombre de terminaux équipés ». Il faut dire que le gouvernement pousse à la roue, bien décidé à moderniser les moyens de paiement. Le 15 octobre, lors du lancement d’une stratégie nationale des moyens de paiement, Michel Sapin, le ministre des Finances, avait ainsi indiqué que la totalité des terminaux de paiement des commerçants devraient être équipés de la fonction sans contact, d’ici au 1er janvier 2020. Des efforts qui se heurtent AVEC De fait, le 9 juillet, en présentant le rapport annuel de l’Observatoire de la sécurité des cartes de paiement, Christian Noyer, qui était alors gouverneur de la Banque de France, avait indiqué qu’à 0,015% du montant total des paiements, le taux de fraude sur les paiements par carte sans contact était à peine plus élevé que celui des paiements par carte en magasin (0,010%), et très inférieur au taux de fraude sur les paiements par carte à distance (0,248%). De plus, pour Gérard Nébouy, un sondage n’est qu’un sondage : « Le fait que le nombre de paiements par carte sans contact ait dépassé la barre des 100 millions cette année prouve que les consommateurs ne nourrissent pas de craintes particulières. » Pourtant, c’est bien un sentiment d’insécurité qui est invoqué par 49% des quelque 2000 Français interrogés par Deloitte pour expliquer leur frilosité au paiement sans contact, non pas par carte cette fois-ci, mais par mobile. Selon une étude publiée le 19 novembre par le cabinet d’audit, seuls 8% des propriétaires de smartphones interrogés ont déjà utilisé leur mobile pour payer en magasin. Et 59% de ceux qui n’ont jamais tenté l’expérience n’ont aucune envie de franchir le pas. La partie ne semble donc pas gagnée pour les auteurs des diverses initiatives en cours dans ce domaine, l’une des dernières en date étant Orange Cash. La donne changera peutêtre lorsque Apple Pay arrivera en France, la firme à la pomme s’y entendant pour dicter les tendances. « Nous soutenons Orange Cash, nous sommes associés à Apple Pay au RoyaumeUni et nous travaillons également avec d’autres acteurs, pour développer des solutions sous Android dans le cloud [fonctionnalité HCE (host card emulation), ndlr] », indique Gérard Nébouy. « En matière de paiement mobile, qui vient en complément des paiements par carte, nous sommes agnostiques », insiste le patron de Visa Europe France. En attendant de voir laquelle de ces solutions s’imposera au marché. ■ ET Améliorer l’esthétique des parements de béton, c’est l’activité de LR Vision, société toulousaine de 20 personnes créée en 2004 par deux docteurs en Génie Civil, Érick Ringot et Guillaume Lemaire. « Les architectes réclament du béton brut, et nous avons mis en place des outils métrologiques qui permettent de statuer de manière objective sur ses qualités esthétiques » précise Érick Ringot, co-gérant. En 2005, la start-up toulousaine développe des lasures pour béton - des produits semi transparents et teintés qui ne modifient pas l’aspect minéral du béton - pour apporter des corrections esthétiques. Des produits applicables sur béton coffré dans les chantiers ou pour les bétons préfabriqués. « Un fabricant qui veut du béton teinté dans la masse avec un pigment peut avoir des surprises au décoffrage au niveau de la couleur. À Galway en Irlande, des dalles en composites de couleur rose sont sorties complètement hétérogènes. Le fabricant a fait appel à nous pour uniformiser les dalles sans dénaturer le béton » ajoute le co-gérant de LR Vision. La société possède un portefeuille de brevets, surtout pour les procédés d’ingénierie. Bpifrance a aidé la PME avec un crédit d’impôt recherche de 50 000 euros en 2010 pour un projet de lasures protégeant les surfaces bâties de la pollution, et un autre du même montant en 2012 pour des lasures pour le bois. Bpifrance a également accordé à la PME de Castanet Tolosan (Gironde) des prêts remboursables de deux fois 100 000 euros pour une nouvelle gamme de produits et une aide à l’export. « Nous avons aussi racheté un fonds de commerce pour une distribution exclusive de résine avec un emprunt bancaire garanti à hauteur de moitié par Bpifrance pour 150 000 euros. Nos interlocuteurs sont multi-compétences, c’est très positif. Le niveau de confiance avec eux est excellent. Ces aides nous ont permis de booster notre chiffre d’affaires de plus de moitié cette année » apprécie Érick Ringot. Entrepreneurs, Bpifrance vous soutient en prêt et capital, contactez Bpifrance de votre région : bpifrance.fr Erick Ringot et Guillaume Lemaire, co-fondateurs de LR Vision © LR Vision LR VISION REND LE BÉTON ESTHÉTIQUE UNE CONFÉRENCE INSCRIPTION SUR INBANQUE.COM LE RENDEZ-VOUS DE L’INNOVATION NUMÉRIQUE DANS LA BANQUE 4 FÉVRIER 2016 - PARIS LES NOUVEAUX MODÈLES DE DISTRIBUTION Avec les interventions de : BNP PARIBAS / HELLO BANK - CAISSE D’ÉPARGNE - COMPTE NICKEL - CRÉDIT AGRICOLE ÎLE DE FRANCE - CREDIT.FR - CRÉDIT MUTUEL ARKEA DIRECT ASSURANCE / AXA - LA BANQUE POSTALE - MARIE QUANTIER - PAYNAME - PAYTOP - PREXEM - RCI BANQUE - SOCIÉTÉ GÉNÉRALE Avec le concours de : 36 I ENTREPRISES LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR vaillé avec les équipes de Qwant en amont, Qwant Junior se dote aussi d’une dimension pédagogique. Disponible depuis le 1er décembre dans les écoles et collèges, il espère devenir le moteur de recherche par défaut des établissements et un outil pour les professeurs. Un bon calcul alors que le Plan numérique pour l’éducation prévoit d’équiper 100% des enseignants en PC et tablettes à l’horizon 2020. Afin de continuer à améliorer la pertinence des recherches, les équipes enseignantes peuvent aussi signaler et supprimer elles-mêmes des informations qu’ils jugent inadaptées aux élèves, mais qui seraient parvenues à détourner le filtre des contenus indésirables. UNE DÉMARCHE DE « MARKETING ÉTHIQUE » Développé depuis un an par les équipes de Qwant, en lien avec l’Éducation nationale, Qwant Junior s’impose comme le premier moteur de recherche sécurisé et conçu spécialement pour les 6-13 ans. © REUTERS PAR SYLVAIN ROLLAND @SylvRolland FILTRER LE WEB Qwant Junior préserve ses jeunes utilisateurs Le moteur de recherche français lance Qwant Junior. Ce portail destiné aux enfants et aux professeurs se veut épuré de contenus violents, sexuels et de liens commerciaux. F aites le test : tapez « attentats Paris » sur le moteur de recherche Qwant (ou sur un service concurrent). Vous tomberez immédiatement sur des images violentes, des corps ensanglantés, mutilés… Une plongée brutale dans l’horreur, y compris pour des adultes. Puis, faites la même recherche, mais sur Qwant Junior, le nouveau moteur de recherche pour enfants lancé vendredi 4 décembre. Si vous cliquez sur l’onglet « Images », les résultats traduisent aussi la réalité des attentats : débris dans les rues, passants en pleurs, forces de l’ordre en action. Mais pas de sang ni de corps déchiquetés en pleine rue. Éric Léandri, le cofondateur de Qwant, explique : « Il ne s’agit pas de censurer Internet, mais de mettre à l’écart des contenus inadaptés à un public jeune. Cela inclut la violence, la drogue et la pornographie. Ces précautions permettent à l’enfant de surfer sans risques et de rassurer les parents, souvent inquiets de ce que leurs enfants peuvent trouer sur la Toile. » Développé depuis un an par les équipes de Qwant, en lien avec l’Éducation nationale, Qwant Junior s’impose donc comme le premier moteur de recherche sécurisé et conçu spécialement pour les 6-13 ans. Comme son grand frère, la version pour têtes blondes respecte la vie privée, garantit le chiffrement des recherches, n’enregistre pas les données de navigation et ne comporte aucune publicité. De quoi rassurer les parents, à l’heure où 62% des sites consultés par les enfants ne disposent ni de contrôle parental, ni d’un contenu surveillé pour éviter des pages inappropriées. Mais comment déterminer ce qui convient ou pas aux enfants? Pour cela, Qwant Junior bannit de son indexation tous les contenus issus de la liste noire de l’université Toulouse 1 Capitole, soit 1,6 million de sites. L’algorithme repère aussi des contenus incongrus grâce aux mots clés et aux associations de mots. Il prend aussi en compte l’actualité. « En ce moment, on peut tomber sur des images très violentes en tapant “Bataclan”, donc nous faisons attention à bien filtrer le contenu, à faire remonter les images de la devanture et de concerts, tout en permettant à l’enfant de s’informer sur le sujet », précise Éric Léandri. Grâce à la mobilisation de la Direction du numérique pour l’éducation (DNE), qui a tra- De plus, un onglet « Éducation » a été ajouté. Il contient uniquement des contenus « à caractère pédagogique », sélectionnés dans une « liste blanche » de plus de 1 million de sites. Enfin, et contrairement aux autres moteurs de recherche, Qwant Junior ne fait pas apparaître les liens pour acheter en ligne. Le premier résultat de la recherche « maths CE2 », par exemple, ne sera donc pas l’annonce d’Acadomia comme sur Google, mais un site de cours et d’exercices gratuits. Sans publicité ni utilisation des données, comment Qwant rentabilise-t-il ce nouveau service? « On ne se rémunère pas », balaie Éric Léandri. Et pour cause : Qwant Junior est du « marketing éthique ». « On espère juste que, Qwant étant adopté par le maximum d’écoles et de collèges, les enfants devenus adultes utiliseront ensuite la version normale de Qwant, sur laquelle on gagne de l’argent grâce à l’onglet Shopping », avance le cofondateur. Malin… D’autant plus que Qwant Junior, tout comme son grand frère, a de grandes ambitions. Ses créateurs aimeraient l’imposer partout en Europe. Des versions anglaise et allemande sont déjà prêtes, d’autres langues suivront d’ici à 2017. Alternative de plus en plus crédible à Google malgré une part de marché toujours très faible (seulement 6 millions de recherches par jour environ, soit à peine 1% du marché de la recherche en ligne français), Qwant ne cesse de gagner des aficionados : +300% depuis l’automne dernier. Si bien que l’entreprise française, qui séduit grâce à son approche éthique et non invasive de la vie privée, a reçu, fin novembre, le soutien de poids de la Banque européenne d’investissement (BEI), qui va investir 25 millions d’euros pour développer Qwant dans d’autres pays d’Europe. ■ MONNAIE VIRTUELLE Goldman Sachs veut concurrencer le bitcoin Plus d’un an après avoir publié un rapport au vitriol sur le bitcoin, la célèbre banque d’affaires américaine a finalement décidé de l’imiter, en introduisant le SETLCoin, qui sera utilisé pour faciliter ses opérations de courtage. I l n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, dit-on. Après avoir publié un réquisitoire de 25 pages contre le bitcoin (« qui ne peut vraisemblablement pas fonctionner comme une monnaie ») en mars 2014, la banque d’affaires Goldman Sachs a décidé de l’imiter en lançant sa propre monnaie cryptographique. De fait, la banque avait tout de même salué la sophistication technique de Blockchain, la plateforme utilisée par le bitcoin et dont elle s’inspirera pour sa nouvelle monnaie, baptisée SETLCoin. Goldman Sachs compte sur cette innovation pour lui permettre de faciliter ses opérations de courtage ainsi que leur règlement, selon les brevets déposés en ce sens auprès des autorités américaines. Le bitcoin est une monnaie alternative et virtuelle, c’est-à-dire qu’elle n’a pas d’existence physique au sens traditionnel du terme (fiduciaire) et qu’elle se manipule via des infrastructures informatiques (centres de données, serveurs, réseaux, terminaux…), sous une forme cryptée (d’où le terme de crypto-monnaie) pour d’une part sécuriser les transactions de pair à pair et d’autre part les réaliser en tout anonymat. Si les salles de marché de grandes banques et de maisons de courtage disposent d’ordinateurs effectuant des opérations en millièmes de secondes, il faut encore des jours pour que l’argent et les titres ou produits financiers changent effectivement de mains. Cette procédure est connue sous le nom de règlement. Or, pendant ce laps de temps, l’acheteur ou le vendeur peut avoir fait faillite. C’est ici qu’intervient le SETLCoin, à même selon Goldman Sachs de garantir « une exécution et un règlement quasi instantanés » des échanges. En effet, pour ne pas se laisser dépasser par la révolution des crypto-monnaies, des grandes banques traditionnelles testent depuis des mois la technologie Blockchain dans l’espoir d’offrir ensuite leur propre monnaie virtuelle. Il s’agit du logiciel qui alimente, régule, et permet, in fine, d’authentifier les transactions en monnaie bitcoin grâce à une ligne de code. Chaque nouvelle transaction apparaît sous la forme d’une ligne de code chiffrée et s’inscrit dans une sorte de liste (visible par tout le monde) appelée « blockchain » (chaîne de blocs), en fait une base de données en temps réel où elle est stockée à jamais et ne peut plus être modifiée. Bref, un historique des transactions inviolable. Ses partisans mettent en avant la transparence de ce grand livre comptable public, à bas coûts et rapide. Ils soulignent que cette technologie Blockchain est plus rapide et moins onéreuse que les systèmes utilisés actuellement par les banques pour le transfert de l’argent. Les banques britannique Barclays, américaine Citigroup et espagnole Banco Santander mènent actuellement des tests séparément sur leur propre crypto-monnaie. Un consortium de banques comprenant HSBC et UBS travaille de son côté avec la startup R3 pour l’utilisation de la technologie Blockchain dans le système financier mondial. ■ 38 I © DR CLIMAT #COP21 Le chiffre Le prix de 60 % des émissions de CO2 est égal à zéro LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR + AU-DELÀ DE LA CONFÉRENCE L’après-COP a déjà commencé Quels que soient les détails du texte sur lequel les États se seront mis d’accord lors de la COP21, plusieurs indices montrent que le monde est à l’aube de bouleversements qui vont modifier le cadre dans lequel évolueront les entreprises dans les prochaines décennies. Combien coûtent effectivement les émissions de carbone provenant de la consommation d’énergie ? Bien moins que ce que vaut leur dommage climatique, regrette l’OCDE dans un rapport publié le 7 décembre. En additionnant les taxes spécifiques sur l’énergie, les taxes sur le carbone ainsi que les prix des systèmes d’échanges de quotas d’émissions pratiqués dans les 34 pays membres de l’OCDE et sept économies partenaires, l’organisation révèle que seulement 10 % des émissions prises en compte ont un prix total supérieur à 30 euros par tonne, ce qui correspond à l’estimation minimale des effets nocifs sur le climat d’une telle quantité de CO2. Parmi ces émissions, 60 % ne sont d’ailleurs pas du tout tarifées. En dehors du secteur du transport routier, ce sont par ailleurs 70 % des émissions qui ont un prix égal à zéro. L’idée Un mini-scooter électrique transportable comme un chariot © FREEWAY PRO C’est l’une des trouvailles les plus amusantes que l’on peut repérer en visitant « Solutions COP21 », l’exposition du Grand Palais consacrée, le temps de la conférence sur le climat, aux propositions des entreprises, associations et collectivités locales contre le réchauffement climatique. Imaginé par le « l’inventeur en série » Raoul Parienti – quatre fois lauréat du célèbre concours Lépine et titulaire de quelque 150 brevets –, Freeway est un mini-scooter électrique à trois roues, pouvant atteindre la vitesse de 25 km/h. Son atout est qu’il peut être plié, pour rentrer dans le coffre d’une voiture ou… être transporté à la main comme un chariot. Le véhicule, qui pèse 14 kg, peut être rechargé quasi complètement en deux heures, et dispose de 30 kilomètres d’autonomie. Une subvention européenne va permettre d’en financer la production à grande échelle, pour au moins satisfaire les 2 500 intentions d’achat déjà exprimées selon son inventeur. Il coûtera moins de 1 000 euros. C e n’est sans doute pas la nouvelle qui a fait le plus de bruit au cours des deux dernières semaines, pourtant c’est peutêtre le signe le plus évident que l’économie a entamé sa mue. Un rapport publié en début de semaine montre que, pour la première fois depuis des décennies en période de croissance, la quantité d’émissions produites au cours d’une année dans le monde pourrait diminuer légèrement en 2015, après avoir stagné en 2014. Une légère baisse, estimée à 0,6%, à mettre en regard d’une croissance du PIB mondial de 3,4% en 2014 et 3,1% en 2015. Cela est largement dû à la baisse de consommation du charbon en Chine, mais pourrait préfigurer ce que sera l’avenir, avec une rupture de la corrélation entre croissance et émissions. C’est le fameux découplage, qui seul rend envisageable un avenir bas carbone sans décroissance. Cette baisse de la demande en charbon, particulièrement sensible en Chine, premier marché mondial, se ressent plus largement. Devant cette situation, de plus en plus de détenteurs d’actifs ont décidé de retirer (totalement ou partiellement) leurs fonds de ce secteur. L’ONG 350.org, qui a beaucoup fait pour amplifier le phénomène, a annoncé pendant la COP un nouveau record de 3,4 milliards de dollars (3,13 milliards d’euros) désinvestis par 500 institutions en un an. Parmi elles, de nombreuses banques dont les françaises Crédit agricole, Natixis, Société générale, BNP Paribas ou Caisse des dépôts, des assureurs comme Axa ou plus récemment Allianz, mais aussi des villes, dont Dijon, Bordeaux ou Saint-Denis… Da façon générale, le secteur financier s’organise pour mieux prendre en compte les risques liés au changement climatique. Dernière annonce en date : le Conseil de stabilité financière (FSB), qui regroupe les banques centrales des pays du G20, vient de confier à Michael Plusieurs initiatives, notamment We Mean Business, RE 100 et Science Based Targets, montrent que de nombreuses entreprises n’attendent pas pour avancer sur la voie de la décarbonation. © AFP Bloomberg, ancien maire de New York et envoyé spécial des Nations unies pour le climat, l’animation d’un nouveau groupe de travail qui doit définir le cadre dans lequel les assureurs, les banques, les investisseurs devront publier les informations concernant leur gestion du risque climat. Cette initiative montre que le sujet « risque climatique » atteint désormais les plus hautes sphères de la finance. LES ENTREPRISES S’ENGAGENT MÊME SANS PRIX DU CARBONE Pour accélérer leur mutation vers un monde bas carbone, les entreprises réclament dans un bel ensemble que soit fixé un prix du carbone leur permettant de rentabiliser leurs investissements. En marge des négociations elles-mêmes, une prestigieuse brochette de chefs d’État sont venus, aux côtés de la Banque mondiale et du FMI, dire tout le bien qu’ils pensaient d’un tel dispositif et porter sur les fonts baptismaux la Carbon Pricing Leadership Coalition qui regroupe 73 États et régions, ainsi qu’un millier d’entreprises et investisseurs. Les membres de We Mean Business, groupement d’entreprises fondé par le patron de Virgin Richard Branson, ont également appelé les gouvernements à fixer un objectif clair et de long terme dans le cadre de l’accord. Pourtant, de nombreuses entreprises n’ont pas attendu pour avancer sur la voie de la décarbonation. Au sein de l’initiative RE 100, elles sont plus de 50, dont le groupe La Poste, à viser un approvisionnement en énergie à 100% renouvelable. Certaines sont également membres de Science Based Targets, initiative par laquelle plus d’une centaine d’entre elles s’engagent à aligner leurs objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre sur les recommandations des scientifiques du Giec, pour maintenir l’augmentation de température moyenne mondiale bien en dessous de 2°C. Mais les entreprises ne sont pas les seules à s’être engagées de la sorte en marge de la COP. Lors du Sommet des élus locaux pour le climat organisé à l’initiative d’Anne Hidalgo, ce sont près de 1000 édiles qui se sont mobilisés. Promettant de réduire leurs émissions annuelles de façon significative d’ici à 2030, ils se prononcent eux aussi en faveur d’une énergie 100% renouvelable d’ici à 2050. Et cela n’est qu’une des nombreuses actions des acteurs locaux présentées au sein du Plan d’actions Paris-Lima, consacré à la société civile dans le cadre de la COP. LES VILLES, LEVIERS DE LA COMMANDE PUBLIQUE « VERTE » Pendant que les États peinent à parvenir à un accord, cette mobilisation des acteurs « infranationaux » est de bon augure pour les entreprises qui développent des solutions bas carbone. Elles représentent en effet autant de marchés pour des produits et services qui leur sont indispensables pour atteindre leurs objectifs. En marge de la réunion des municipalités des capitales européennes en mars dernier, Paris, Bruxelles et Rome se sont d’ailleurs regroupées pour des commandes communes en électricité verte et véhicules électriques. Interrogé sur la nécessité d’un « objectif de long terme » précis dans le texte de l’accord pour donner un signal clair aux entreprises, un industriel n’y va pas par quatre chemins : un objectif fixé par les États pour 2050? Toutes les entreprises n’ont même pas de plan stratégique à trois ans… et d’ici là, la moitié des entreprises qui existent aujourd’hui auront disparu. En revanche, des règles stables dans le temps et imposant que la commande publique soit désormais réservée aux solutions bas carbone, voilà de quoi les pousser à accélérer sur leur lancée ! ■ DOMINIQUE PIALOT L'ÉGALITÉ RÉELLE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES EST À LA PORTÉE DE CETTE GÉNÉRATION © UN Women/Karin Schermbrucker VOTRE ENTREPRISE PEUT CHANGER LES CHOSES Le Comité ONU Femmes France agit pour améliorer l’égalité femmes-hommes en France et à travers le monde VOUS POUVEZ NOUS AIDER À Y PARVENIR EN FAISANT UN DON Pour en savoir plus sur nos actions : onufemmes.fr Pour faire un don : www.onufemmes.fr/faire-un-don ou envoyez un chèque à l’ordre du Comité ONU Femmes France en remplissant le coupon suivant JE FAIS UN DON DE : 500 € (coût réel après déduction fiscale 200 €) 1000 € (coût réel après déduction fiscale 400 €) 2000 € (coût réel après déduction fiscale 800 €) 5000 € (coût réel après déduction fiscale 2000 €) Autre montant : …………………………€ Déduction fiscale de 60% dans la limite de 5‰ (5 pour mille) du chiffre d’affaires annuel hors taxe ENTREPRISE : Nom : ………………………… …………… ……… Prénom : Adresse : Code Postal : ……… ………………… Ville : Téléphone : ……………………… ……………….. Email : Date : Signature et cachet de l’entreprise : Comité ONU Femmes France 5 rue Thomas Mann 75205 Paris 13 40 I LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR MÉTROPOLES L’EMPIRE DES MÉGAPOLES Les nouveaux défis de l’urbanisation chinoise Avec 15 mégalopoles de plus de 10 millions d’habitants, la Chine s’est dotée d’infrastructures géantes, au prix d’effets pervers considérables : spéculation foncière, pollutions et gaspillage des ressources. Alors que le nombre d’urbains va passer de 55 % à 70 % en 2030, comment faire mieux et plus écologique ? PAR VIRGINIE MANGIN, À PÉKIN L es chiffres sont vertigineux, l’échelle presque inhumaine. Depuis le début des réformes économiques, lancées il y a plus de trente ans, le pays agricole qu’était la Chine concentre aujourd’hui les plus grandes villes du monde. Concrètement, cela signifie qu’en trois décennies, plus de 500 millions de ruraux ont été reconvertis en urbains, parfois de force. On trouve en Chine, selon un rapport de l’OCDE publié cette année, 15 villes de plus de 10 millions d’habitants… En incluant ses faubourgs, Shanghai compte 34 millions d’habitants, et Pékin 23,9 millions. Certes, cette urbanisation accélérée a été un vrai succès d’ingénierie civile. La Chine a désormais le plus grand réseau TGV du monde. Toutes les villes de plus de 500000 habitants y sont reliées. Shanghai vient d’inaugurer cette année sa « Shanghai Tower », deuxième tour plus haute du monde. Un gratte-ciel futuriste qui passe du vert au violet, au jaune puis au rouge tout en s’élevant dans le ciel. Dans les années 1990, au même endroit, il n’y avait que des marécages insalubres… D’ailleurs, la ville qui a accueilli l’Exposition universelle de 2010 est à elle seule une vitrine de modernité architecturale, et ses immeubles, connus pour leurs sommets excentriques, figurent désormais dans de nombreux films de Hollywood. UNE VILLE INHUMAINE, OÙ LA VOITURE EST REINE Mais ce n’est pas la seule ville chinoise qui s’inscrit dans le livre des records. Chengdu, dans le Sud-Ouest, possède le plus grand centre commercial du monde; Zheng- zhou, capitale de la province du Henan, au centre, la plus grande gare TGV. Au vu de ses simples infrastructures, la Chine a accompli la tâche quasi-impossible de passer d’un pays sous-développé à un des plus modernes du monde à peine une génération. Cette urbanisation éclair a permis à la Chine non seulement d’assurer des taux de croissance supérieurs à 10% pendant trois décennies, mais surtout de sortir de la pauvreté plus de 500 millions de personnes en leur fournissant un toit, l’électricité, l’accès à des réseaux de transports en commun et à de meilleurs soins hospitaliers. Contrairement aux autres pays en développement, elle a évité la case bidonvilles insalubres et violences urbaines. Mais l’ardoise laissée par cette croissance effrénée et obsessionnelle est lourde : gares et aéroports vides, villes fantômes, surcapacités dans toute la chaîne de production, pollution de la terre, du sol et de l’eau, gaspillage des ressources, une population de travailleurs migrants – sans eux, ce défi n’aurait jamais pu voir être relevé – qui ne bénéficient d’aucun droit social hors de leur ville de naissance. De plus, l’urbanisation a souvent été faite en dépit du bon sens. Prenons l’exemple de Pékin. Certes, la capitale de la deuxième économie mondiale s’est dotée d’un réseau de lignes de métro qui couvre maintenant plus de 470 km, soit plus du double de celui de Paris. Mais les stations sont créées non pour répondre à un besoin, mais de manière systématiquement équidistante l’une de l’autre. Même souci d’équilibre mathématique pour les croisements et ronds-points. Selon le bureau de l’urbanisme municipal, il doit y avoir une artère tous les 500 mètres et une route à huit voies tous les kilomètres. Le résultat : une ville inhumaine, où la voiture est reine faute d’un réseau de transports en commun adéquat, traversée par des boule- vards embouteillés de la taille d’autoroutes. Il faut parfois marcher pendant 15 minutes avant de traverser une rue, sans parler de la quasi-absence de trottoirs assez larges pour les poussettes… Le Pékinois passe deux fois plus de temps dans sa voiture pour aller travailler qu’un New-Yorkais. Il faut rappeler que, traditionnellement, les villes chinoises des années 1950 ont été construites autour d’unités de travail : l’entreprise prenait en charge la vie de l’employé du lever au coucher. La manière de penser la ville n’a pas tellement changé (le métro de Pékin avait été construit pour des raisons militaires et non civiles), alors que la société, elle, s’est métamorphosée. En bref, le premier souci des gouvernements locaux a été la croissance, encore la croissance, et peu ou pas de souci pour l’humain. C’est toujours le cas aujourd’hui. UN MODÈLE À BOUT DE SOUFFLE Mais le modèle est à bout de souffle. Les inégalités se creusent. Les images de villes englouties par un nuage épais de pollution sont légion. En mars 2014, la Banque mondiale, en partenariat avec un institut de recherche chinois proche du gouvernement, a mis en garde contre l’urbanisation telle qu’elle a été réalisée jusqu’ici. Ce document de 244 pages épingle l’urbanisation chinoise décrite comme « inefficace » et qui « a atteint ses limites ». « La croissance de la Chine a été tirée par l’investissement plus que par la productivité. Or, les investissements deviennent de moins en moins efficaces pour générer de la croissance, tant au niveau national qu’au niveau des villes », peut-on y lire. « L’urbanisation dépend de manière excessive de la conversion des terres et d’un financement grâce à la vente de terres agricoles. Cela a pour conséquence une étendue urbaine incontrôlée et par la même occasion des villes fantômes et un gaspillage du développement immobilier. » Selon le document, il existe deux principaux problèmes qui bloquent une meilleure gestion urbaine. En premier lieu, le fait que les fermiers ne sont pas propriétaires de leurs terres. Cela permet aux gouvernements locaux de les exproprier à moindre coût puis de revendre le terrain avec une forte plus-value aux promoteurs. Deuxièmement, le « hukou », qui lie une personne à son lieu de naissance et lui donne accès aux services publics – écoles, hôpitaux, retraites –, et dont des millions de travailleurs migrants sont aujourd’hui exclus. C’est donc une véritable réforme fiscale et sociale qu’il faut mettre en œuvre. Le gouvernement est tout à fait au courant des problèmes et, alors que la croissance chinoise s’essouffle, il a besoin plus que L’ÉCHEC ANNONCÉ DU MIRAGE DES ÉCOCITÉS C’ était le mot à la mode il y a dix ans. Les « écocités », concept hybride en Chine, qui chapeaute tant l’utopie d’une ville zéro carbone qu’un espace urbain un peu plus vert que la norme, ont poussé comme des champignons dans tout le pays. C’était un moyen de collecter des subventions, des technologies étrangères et un peu d’attention médiatique. Aujourd’hui, le bilan est maigre et, sur les 100 et quelques écocités en construction, il est difficile de faire le tri entre celles qui verront le jour et celles qui sont vraiment écologiques. À ce jour, pas une seule vraie écocité n’a vu le jour et ne fonctionne. L’écocité de Dongtan, aux environs de Shanghai, a été abandonnée à l’état de plan. Le quartier ville durable qui doit être développé à Wuhan en partenariat avec la France a pris plusieurs années de retard. Et Huangbaiyu, en Mandchourie, dessinée par une vedette du design écologique, William McDonough, est une longue liste d’incohérences et ne répond nullement aux besoins de la population locale, qui refuse d’y habiter. Seule l’écocité de Tianjin, construite avec la ville de Singapour, peut se vanter d’être plus verte que le reste de la zone et d’avoir su attirer quelques habitants. Pourtant, ce quartier, qui se trouve aux abords du centre de Tianjin sur un ancien marécage, émet plus de CO2 que Londres, utilise plus d’eau par habitant que la capitale britannique et possède moins d’espaces verts. Elle partage en outre le même air brunâtre que Tianjin. Selon Li Xun, secrétaire des études urbaines pour la Société chinoise, pas une seule « écocité » chinoise n’est un tant soit peu écologique. Pourtant, sur le papier, ces projets, aux ambitions parfois démesurées, sont toujours très beaux à voir. Immeubles aux dernières normes, espaces verts, énergies renouvelables pour alimenter les besoins en électricité… Sauf que, dans la réalité, ils se heurtent autant à la vanité des architectes étrangers qu’aux besoins de financements. Ou, tout simplement, aux réalités des villes chinoises et des impératifs des gouvernements locaux, pour qui continuer à gérer un afflux de migrants et réaliser leurs objectifs de croissance est plus important que de s’investir dans des microquartiers écologiques. ■ V. M. I 41 LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR JING-JIN-JI, C’EST SIX FOIS NEW YORK ! D errière cette association de mots qui sonne comme le début d’une comptine de Noël, se cache la réunion de Pékin, la ville de Tianjin et la province environnante du Hebei, en un immense complexe urbain. Soit six fois la population de New York sur un territoire grand comme l’Écosse et l’Angleterre. Le but est de constituer une immense mégalopole intégrée économiquement, qui unit ces trois zones et compterait 130 millions de personnes (10 % de la population chinoise). Le tout en relançant une croissance économique bien moins dynamique que dans le Sud. Le partage des ressources doit, à terme, désengorger Pékin, qui ne fera plus que remplir son rôle de capitale et non plus celui de centre de production. Cette concentration de villes, inscrite dans le dernier plan d’urbanisation publié en 2014, est devenue une priorité pour le gouvernement qui, à Pékin, a déjà commencé à raser la zone de Tongzhou, à l’est de la ville, pour y construire de nouveaux centres administratifs. À terme, la région va être divisée en zones économiques : la culture et les services à Pékin, l’industrie lourde dans le Hebei, les activités portuaires et de R&D à Tianjin. Les entreprises ont déjà commencé à quitter la capitale. Le géant Internet Alibaba va déménager une partie de ses activités à Tianjin. Le constructeur automobile Baic s’installera dans le Hebei. Quant aux grandes entreprises d’État, elles sont aussi fortement incitées à quitter Pékin, qui a déjà commencé à se vider de ses travailleurs migrants. La zone sera reliée par des trains qui faciliteront les échanges et réduiront les temps de transport. Vingt-sept nouvelles lignes de métro et RER sont prévues. Actuellement, la classe moyenne et les migrants ne peuvent plus payer un logement dans le centre de Pékin. Aussi, beaucoup passent-ils plus de quatre heures dans les transports en commun pour se rendre sur leur lieu de travail. Le coût de cette vaste réorganisation de l’espace géographique et humaine : 612 milliards d’euros. ■ V. M. MYTHES ET RÉALITÉS DES VILLES FANTÔMES L jamais de compter sur l’urbanisation pour donner à la Chine de nouveaux relais de croissance. Alors que faire? Li Keqiang, Premier ministre depuis 2012, l’a dit et redit, l’urbanisation va continuer de plus belle… Il compte loger encore 250 millions de personnes dans les villes d’ici à dix ans, soit 25 millions par an. Car c’est bien cette population urbaine amenée à consommer qui va être le moteur de la croissance chinoise à venir. Le taux d’urbanisation doit passer d’environ 55% aujourd’hui à 70% en 2030. « Toutes ces nouvelles villes sont censées être le moteur de la croissance et sevrer la Chine de sa dépendance vis-àvis des investissements », explique Karen Seto, expert d’urbanisme à Yale, dans un commentaire sur le nouveau plan d’urbanisation chinois. Ce dernier, sous le nom de « Plan national d’un nouveau type d’urbanisation », a été rendu public en mars 2014. Il cerne en partie les problèmes en prônant un développement urbain « centré sur l’humain ». ENCORE UNE CENTRALE AU CHARBON PRÈS DE PÉKIN Le plan prévoit notamment de légaliser la situation de 100 millions de travailleurs migrants en leur donnant un « hukou » urbain. C’est-à-dire qu’ils pourront scolariser leurs enfants et avoir accès aux services sociaux sur leur lieu de travail. La deuxième grande nouveauté est la création de « mégacités » qui rassembleraient géographiquement plus de 100 millions de personnes. Trois sont prévus : autour de Pékin, de Shanghai et la dernière dans le Pearl River Delta, au Sud. « Le but de ces mégacités est de rendre les villes plus efficaces dans l’utilisation des ressources », explique Biliang Hu, professeur d’économie et doyen de l’Université normale de Pékin. « Pékin, par exemple, va devenir une ville culturelle. Toutes les industries vont être délocalisées dans le Hebei, la province voisine. » Cependant, le plan, qui s’étend jusqu’en 2020, laisse de côté de nombreuses questions, dont le financement de toutes ces nouvelles villes alors que les gouvernements locaux sont encore lourdement endettés; un héritage du dernier boom des investissements de 2008-2009. Le problème épineux de l’accès à la propriété des habitants ruraux n’est pas non plus résolu. Et surtout, la question environnementale est à peine mentionnée. Pour preuve, le fait qu’une nouvelle centrale thermique au charbon est en construction juste derrière les limites géographiques de Pékin. Elle a une capacité de 700 mégawatts et ce en dépit des annonces répétées du gouvernement chinois et municipal de réduire le rôle du charbon dans la production d’électricité. « Vous avez lu le nouveau plan? Eh bien, vous n’y verrez presque aucune allusion à la protection de l’environnement et à la pollution atmosphérique. L’accent a été mis ailleurs », remarque Biliang Hu. À la question de savoir pourquoi, le professeur, ancien économiste à la Banque mondiale, hoche la tête et répond qu’il n’en sait rien. « Le plan ne prend pas en compte l’économie de marché pour régir une ville. Cela veut dire qu’une ville peut être créée dans un endroit aride et sans accès à l’eau juste parce que le gouvernement l’a décidé ainsi. C’est dans la tradition chinoise de planifier, mais cela ne fonctionne pas. » ■ En trois décennies, plus de 500 millions de ruraux ont été reconvertis en urbains, parfois de force. Le gouvernement compte loger encore 250 millions de personnes dans les villes d’ici à dix ans, soit 25 millions par an. © STRINGER SHANGHAI a ville de Kangbashi, à Ordos, en Mongolie-Intérieure, est devenue le symbole des villes fantômes chinoises. Construite entre 2005 et 2010, avec une capacité d’accueil d’un million de personnes, ses stades, avenues et gratte-ciel restent désespérément vides. La Chine est ainsi parsemée de villes sans vie. Quelques-unes se rempliront, exode rural oblige ; une partie d’entre elles mettront des décennies à se peupler et d’autres resteront à jamais un musée, vitrine de la surcapacité et de la mauvaise allocation des ressources. Un article publié par l’agence de presse officielle Xinhua, en octobre, a mis en lumière l’ampleur du phénomène. Chaque capitale provinciale construit actuellement de quatre à cinq nouveaux quartiers. Cela amènera la Chine à loger 3,4 milliards d’habitants, soit presque trois fois plus que la population chinoise actuelle. Une étude de MIT estime qu’il y a 50 villes vides en Chine. Comment une telle frénésie est-elle possible ? D’une part construire permet aux gouvernements locaux de générer du PIB. Tous se disent qu’avec le temps, Kangbashi, à Ordos, en MongolieIntérieure, est devenue le symbole des villes fantômes chinoises. Malgré une capacité d’accueil d’un million de personnes, ses stades, avenues et gratte-ciel restent désespérément vides. © DAVID GRAY les espaces vides se rempliront forcément. Avoir construit un « nouveau quartier » est indispensable sur la carte de visite du gouverneur d’une ville, en compétition avec son voisin pour attirer les ruraux. Le problème, c’est qu’en attendant, ces espaces vides coûtent de l’argent aux banques, qui se voient obligées de reconduire des prêts stériles plutôt que d’investir dans des PME innovantes. D’autre part, la vente de terrains est la seule source de revenus des gouvernements locaux qui ne reçoivent pas l’impôt local. Pour l’instant, la réforme fiscale en cours n’a pas permis de changer ce système pervers de financement, qui fait que les villes s’étendent de manière inefficace, créant ainsi toute une suite de problèmes : embouteillages, expropriation de fermiers, pollution… Et la politique d’urbanisation lancée par l’actuel Premier ministre n’a fait qu’accentuer le phénomène. Finir l’exode rural commencé il y a trente ans est sa priorité. Ainsi espère-t-il amener encore 500 millions de ruraux dans les villes d’ici à 2025. ■ V. M. 42 I MÉTROPOLES LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR SMART CITY #Cities4Climate, des villes pour le climat et pour la vie Les villes sont à la fois fortes contributrices à l’effet de serre et victimes du réchauffement climatique. Aucune solution en la matière ne peut être trouvée sans leur adhésion et leur participation. Elles ont des actions concrètes à proposer, complémentaires de celles des États. PAR CARLOS MORENO Professeur, entrepreneur, conseiller scientifique expert de la ville intelligente @CarlosMorenoFr À quelques jours de la fin de la COP21, la mobilisation des villes a représenté un remarquable esprit nouveau qui a soufflé dans ce grand défi concernant le climat qui se joue à Paris. En effet, pour la première fois dans l’histoire des conférences des parties (COP), des maires du monde entier se sont mobilisés pour écrire une page nouvelle dans l’histoire de ce rendez-vous planétaire. À l’initiative de la maire de Paris, Anne Hidalgo et de l’exmaire de New York et envoyé spécial de l’ONU sur les villes et le changement climatique, l’initiative « Cities for Climate » a réuni à l’Hôtel de Ville de Paris, des maires de tous les continents, désireux d’apporter leur contribution pour peser François Hollande, la maire de Paris Anne Hidalgo et l’envoyé spécial de l’ONU pour le changement climatique et ancien maire de New York, Michael Bloomberg (au micro), lors du Sommet des élus locaux pour le climat, à l’Hôtel de Ville de Paris, le 4 décembre 2015. © JACQUES WITT/POOL/REA dans la réflexion et propositions d’actions dans le cadre de la COP21, elle-même lieu de concertation entre les États. Ce Sommet des élus locaux pour le climat, s’est proposé avec succès d’être un élément de « pression positive ». Pour la première fois pendant une COP, les principaux réseaux européens et mondiaux de villes (tels que CGLU, ICLEI, C40, l’AIMF ou CCRE) se s ont r a s s e m blé s s o u s le s i g ne « 1000 maires pour s’engager en faveur du climat » en proposant des engagements et des actions concrètes sous la forme d’une déclaration commune. Les villes, dans un monde fortement urbanisé et toujours en forte croissance, sont un grand contributeur à l’effet de serre et en même temps beaucoup des effets du changement climatique touchent les citadins, partout dans le monde. La population mondiale urbanisée génère deux tiers des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Au siècle des métropoles, aucune solution sur la planète ne peut être trouvée sans leur adhésion et leur participation active. Anne Hidalgo et Michael Bloomberg ont explicité la position engageante et dynamique des villes : « Accord contraignant ou pas, il faut agir. » À travers cette mobilisation sans précédent des villes et des élus locaux, ces derniers sont dans cette COP21 à la table des négociations aux côtés des autres parties prenantes. Les villes ont des solutions concrètes à apporter et leur démarche est complémentaire de celle des États. L’urbanisation de nos vies a créé un cadre dans lequel la mise en œuvre de pratiques exemplaires permet la mise en place de réponses précises à l’aide d’outils participatifs. Les maires, par la proximité avec leurs administrés, sont aujourd’hui la colonne vertébrale du capital confiance des citoyens envers le monde politique. Pour défendre la qualité de vie du citoyen dans leurs villes, objectif majeur de chaque élu municipal, les maires sont en capacité de traduire en actions une réelle vision systémique reliant qualité de l’air, de l’eau, mobilité, habitat, santé, climat… La déclaration finale de « Cities for Climate » précise que « nous ne pouvons pas continuer sur la même trajectoire d’émissions de gaz à effet de serre, qui aurait des conséquences désastreuses pour nos enfants, pour l’environnement et la biodiversité ». LES MAIRES PLUS AMBITIEUX QUE LES ÉLUS NATIONAUX Il est intéressant de lire l’étude comparative réalisée par l’université de Yale à propos des engagements de réduction de gaz à effet de serre des États avec ceux des villes à partir de l’« Agenda des solutions » : les acteurs locaux vont plus vite et plus loin que les acteurs nationaux. À titre d’exemple, le bilan en 2014 de 1268 engagements provenant de 1192 villes et régions représentent 2,7 milliards de tonnes de CO2 pour une population de 1,26 milliard d’habitants, soit 17% de la population mondiale. Pour 2030, l’objectif des maires réunis à Paris à « Cities for Climate » va encore plus loin, car il s’agit d’obtenir une réduction de 3,7 milliards de tonnes avec l’ambition d’aboutir à l’horizon de 2050 à 100% d’énergie renouvelable et une réduction de 80% de gaz à effet de serre sur leurs territoires. Ces 3,7 milliards représentent 30% de la différence entre les engagements des États actuels et le niveau d’émissions recommandé par la communauté scientifique dans le but de limiter le réchauffement de la planète à 2°C. Certes, face au défi des 50 milliards de tonnes de CO2 , le chemin est encore long et la négociation à Paris de la COP21 est ardue, mais comme l’a signalé Christina Figueres, secrétaire exécutive de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), « c’est une impulsion exemplaire ». Un autre sujet majeur pour nos vies et nos villes : la résilience. C’est un thème fréquemment abordé dans ces colonnes, la vulnérabilité et la fragilité de nos vies, villes et territoires. Les 1000 maires ont également acté dans leur déclaration finale leur décision visant à « produire et mettre à l’œuvre des stratégies participatives de résilience et des plans d’action afin de s’adapter au nombre croissant de catastrophes liées aux changements climatiques d’ici à 2020 ». À l’heure où des engagements financiers forts, ainsi que la participation citoyenne et la mobilité des écosystèmes dans les territoires, sont indispensables – pour transformer en actions concrètes des déclarations solennelles comme celle de la COP21 –, il devient également stratégique de se poser la question de la gouvernance et de la marge d’autonomie dont doivent disposer les villes et les métropoles face aux États. C’est le dernier point qui a été abordé par cette déclaration pour le climat : « Accéder à la finance verte, disposer d’une plus large autonomie budgétaire et d’une capacité réglementaire afin d’amplifier leur action. » RENDEZ-VOUS À MARRAKECH POUR LA COP22 Présent en Afrique au moment où cette initiative avait lieu à Paris, je dois signaler également l’importante mobilisation que suscitent dans cette partie du monde ces engagements. La récente création de l’initiative « Smart Africa » sera sans doute un élément majeur pour assurer le développement de ce continent, vers une voie d’avenir alliant villes, nouvelles ressources énergétiques et comportements de vie. La présence de Bamako, Dakar, Accra, Johannesburg à côté d’autres villes-monde fait partie de cette volonté de transformation, sur un continent où, d’ici à vingt ans, habitera un Terrien sur trois. La COP22, aura lieu au Maroc, à Marrakech, du 7 au 18 novembre 2016. Cette nouvelle COP sera déterminante, car elle sera le point d’étape entre les engagements pris, nous l’espérons tous, par les États à l’issue de la COP21 et la mise en place du plan d’action, qui sera le seul critère définitif dans sa réussite : que chacun des engagements soit tenu afin de se donner une chance, pour la planète, pour l’humanité, pour nos villes et pour la vie sur Terre des prochaines générations. La COP20 en Amérique latine, à Lima, l’année dernière, fut celle des négociations, la COP21 à Paris est celle des décisions, la COP22 au Maroc sera celle de l’action. Il est significatif qu’elle ait lieu en Afrique, continent fortement marqué par les effets criants du changement climatique. Doublement affecté par la fragilisation de son environnement et de ses ressources, ainsi que par le développement urbain non maîtrisé, qui, avec de grandes concentrations sur tout le continent, engendre des mégalopoles qui démultiplient les effets et les ravages causés par l’activité humaine. Plus que jamais, la reconnaissance de la place prise par les villes à cette COP21 marque d’une manière indélébile et irréversible le rôle moteur que les maires, élus et écosystèmes urbains vont jouer dans les prochaines décennies. Notre engagement pour des villes vivantes, humaines et porteuses des intelligences sociales, urbaines et technologiques, voilà notre plus bel engagement pour la vie. ■ french tech la filière numérique d’un territoire 40 000 salariés 7 000 entreprises 8 milliards d’euros de chiffre d’affaireS/an 4 sites emblématiques DGAPM Ville de Marseille Pôle Média de la Belle-de-Mai Technopôle de Château-Gombert Centre Européen d’Entreprises d’Innovation de l’Arbois Zone d’activité de la Constance Plus d’infos sur www.amft.io I 8 L’EXPERT COMMUNIQUÉ LA tribune TRIBUNE -- VENDREDI 6 DÉCEMBRE2015 2013- -NN 154 70 -- WWW.LATRIBUNE.FR la JEUDI 10 DECEMBRE www.latribune.Fr oO Entretien exclusif avec Philippe Carré, PDG de Son-Video.com. «Quels sont les grands enjeux de la distribution Hi-Fi en France ?» Les passionnés du son et de la hifi et les esthètes trouveront de quoi satisfaire leur curiosité sur le site SonVideo.com. Une vraie caverne d’Ali Baba où les plus belles marques du secteur se côtoient. Pourtant, SonVidéo.com ne vend pas des produits mais une expérience sensorielle exceptionnelle. A l’origine de cette entreprise qui associe désormais des points de vente à son site de vente on line, un jeune dirigeant passionné de musique et de haute fidélité. Nous avons rencontré Philippe Carré. Ses choix ont été judicieux. Le bon positionnement associé à une stratégie de croissance vertueuse. Un sans faute sur un marché atypique où les consommateurs sont un peu plus que des clients… Je viens de passer quelques minutes sur votre site dans l’onglet télévision et je me suis demandé si je n’étais pas sur un forum d’experts… Je comprends votre réaction mais nous sommes différents des autres distributeurs. Pourquoi ? Parce que la distribution a beaucoup changé en quelques années. Sur le marché de l’électronique grand public, il y a deux grands pôles mass market : la télévision et le téléphone. Nous sommes présents sur le marché de la télévision mais pas pour faire la même chose que les autres. Nous avons gardé le Premium de la télévision. Et ça marche ? Oui, regardez comment évolue la stratégie des principaux acteurs du métier. La Grande distribution réduit ses rayons non alimentaires quand elle ne les ferme pas. Le cas des grandes surfaces spécialisées est différent : elles se regroupent comme par exemple Darty et la FNAC. De notre côté, nous avons voulu constituer un pôle très différencié. Il s’adresse à un public exigeant, souvent très expert. Pour ce public, l’échange d’information et le partage du savoir technologique sont essentiels. Alors, c’est vrai que notre site est orienté par l’expérience client. On ne peut pas se permettre l’à peuprès… Nous avons voulu adresser une part de marché exigeante. Il faut des réponses précises et documentées à ces demandes. Vu de l’extérieur, on a le sentiment que le marché de la télévision est très « rupturiste ». Est-ce le cas ? Oui, c’est un marché qui fonctionne autour de ruptures technologiques. Toutes ces ruptures ne sont pas couronnées de succès. La 3D qui devait être une révolution est un flop commercial. Mais, on est passé de l’écran plat qui était en son temps une rupture à un écran dit « curve ». C’est un retour au point de départ, un tournant très marketing. Aujourd’hui, nous en sommes à la version UHD, Ultra Haute Définition, la 4K dont la valeur ajoutée est cette fois incontestable. Nous vendons de la télévision, mais notre vrai métier c’est d’abord le son. On retrouve là des noms de marques connues et respectées quand on a de l’intérêt pour la très haute fidélité. Votre stratégie de niche est la même dans le son que dans l’image ? Oui, nous ne vendons pas de pro- duits communs, pas de produits de grande consommation, ces « 20/80 » que la Grande distribution vend à un public moins exigeant. Si vous ouvrez l’onglet Hifi sur le site son-video.com, vous allez rencontrer des marques comme Marantz ou Denon qui sont peu connues du grand public. Vous trouverez aussi des éléments d’aide à la décision d’achat, sur des enceintes compactes ou des enceintes colonnes, sur l’importance du caisson des basses, vous trouverez des réponses à la question « Quel amplificateur choisir », « Comment placer ses enceintes ». Nous sommes nous-mêmes des passionnés. Est-ce que le marché du son a lui aussi changé par rupture, comme celui de la télévision que vous décriviez tout à l’heure ? Oui et parfois avec les mêmes phénomènes. On peut parler de révolution du vinyle, si on admet l’idée qu’une révolution, c’est 360°, c’est à dire un retour au point de départ. La « galette » de vinyle est redevenue à la mode. On retrouve la pureté et la profondeur du son pour un public de plus en plus large. Il y a un peu de nostalgie dans ce phénomène. Le retour dans l’adolescence et le désir de réécouter les disques qu’on a gardé dans son grenier… Après le disque vinyle, il y a eu les CD, plébiscités par le public pour leur aspect pratique, mais la qualité du son était écrasée. Puis le MP3, avec un niveau de qualité encore plus faible. La rupture actuelle est celle de la norme AAC, on a supprimé de la bande passante les éléments non perçus par l’oreille humaine, puis de fichiers haute résolution (FLAC par exemple) : avec le digital, on retrouve des niveaux de qualité très élevés. C’est absolument essentiel pour alimenter le marché haut de gamme. Quand le fichier est de qualité, il faut être fidèle à sa pureté Les produits que vous vendez appellent un service de très haute qualité. Comment vous y êtesvous pris pour adapter le conseil au niveau de marché ? Chez nous, les clients sont savants mais j’ai envie de dire que nos vendeurs le sont encore plus. Ce n’est pas toujours le cas dans la Grande distribution. Nous entrons sur le marché avec des gammes élevées en qualité. Nos offres Access portent déjà une exigence de qualité constante. Nous ne mettrons pas n’importe quoi sur le site pour faire un coup. Nous sommes inscrits dans le temps avec un politique de sélection rigoureuse adossée à une stratégie de long terme. Nous apportons des services et des conseils et…un SAV ultra performant. Le SAV est un point essentiel ; pour des clients qui ont fait un choix de consommation exigeant, l’aprèsvente est toujours de la vente et une attente élevée. Vous savez, nous vendons des jouets hauts de gamme. Nous sommes aussi dans l’imaginaire. Comment envisagez-vous l’omni canalité ? Nous avons un point de rencontre physique historique à Champignysur-Marne où se trouvent nos stocks. Les clients qui viennent sur place peuvent venir de très loin. Ils expliquent qu’ils ont eu un bon contact téléphonique et ils viennent pour le poursuivre et pour nous rencontrer et obtenir des conseils. Le besoin de rencontre incarnée est réel. Dans les Salons par exemple, les visiteurs demandent les vendeurs et les conseillers en les appelant par leurs prénoms. Il faut utiliser chaque canal de vente pour ce qu’il apporte. Internet, c’est d’abord la flexibilité et pour nous le contenu. Le point de vente, c’est la rencontre, le partage d’expériences, les essais. Finalement, Internet ne suffit pas… Sur Internet, tous nos concurrents sont dans la même rue. C’est une formule pour dire que les offres de Hifi sont toutes sur la même page dans le cadre d’une recherche naturelle. Il faut se différencier. Notre nom de marque n’est pas le plus fort du marché même si nous sommes perçus comme des experts de notre secteur. Notre nom commercial est une association de nom commun ! Il faut donc trouver des outils de reconnaissance. Comme quoi par exemple ? Comme par exemple les newsletters et des catalogues papier que nous publions régulièrement. Ils sont très riches en contenu pour un public très attentif à l’actualité du secteur. Nous cherchons par tous les moyens à élargir l’expérience client. Pour une entreprise comme la nôtre, le contact avec le client final est très important. C’est aussi ce qui justifie votre déploiement dans des points de vente ? Philippe Carré, PDG de Son-Video.com Oui, nous sommes déjà à Paris, dans notre point de vente de l’avenue Friedland et nous ouvrons Lyon (sur les quais du Rhône) et Nantes qui sont deux capitales régionales puissantes. Internet a produit un besoin d’immédiateté mais le lien digital n’est pas exclusif. Les consommateurs, surtout les nôtres qui choisissent de réaliser un investissement significatif, sont exigeants. Nous vendons des produits qui touchent au plaisir, aux sensations. C’est de la technologie, mais une technologie qui produit du rêve… Vous êtes propriétaire de la marque Elipson. Tous ceux qui sont musiciens ou amoureux de musique connaissent cette marque de puristes. C’est une fierté pour vous et un moyen de revenir aux sources de votre parcours d’entrepreneur ? Vous faites allusion à la création d’une platine de lecture analogique pour accompagner la génération qui revient au vinyle. Nous avons repris Elipson dont l’ADN est « la forme au service du son ». Nous préservons le capital de marque avec une démarche technique et esthétique intégrale. Pour la platine vinyle, nous avons respecté un cahier des charges précis. L’harmonie, c’est le lien entre la matière et le mouvement. Pour le reste il faut marier la tradition aux contraintes du digital. La platine vinyle doit pouvoir se connecter au numérique et fonctionner sans fil. On peut réenchanter des produits qui avaient disparu mais il faut y ajouter les attributs de la modernité. La platine est un objet iconique. Une marque comme la nôtre doit être à la pointe. Nous proposons un univers complet. Dans nos points de vente et sur notre site, nous produisons les meubles Norstone et les écrans de projection Lumene, des meubles et des écrans esthétiques, pratiques, exceptionnels dans leur qualité et dans leurs usages. Nous considérons que nos clients attendent une réponse globale. Une fois encore, nous ne vendons pas une commodité. L’offre de Son-Video. com c’est tout à la fois de la culture et un mode de vie. C’est l’association réussie de la fonction et de la forme. Nous sommes dans la technologie au service du son et dans l’esthétique. Propos recueillis par PPI. I 45 LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR VISIONS VITE DIT, AVANT L’APOCALYPSE … Non au diktat écologiste ! La COP 21 bat son plein. Dramaturgie bien ficelée, avec menaces de fin du monde, pas moins, concert politique et médiatique à l’unisson… Et discours dissonant totalement proscrit. Jusqu’à l’éviction d’un journaliste météo de France 2 ! C’est dire s’il faut faire silence, et si l’on veut étouffer tout débat… © DR C PAR JEANCHARLES SIMON ÉCONOMISTE, FONDATEUR DE FACTA RETROUVEZ LE BLOG DU CONTRARIAN SURLATRIBUNE.FR omme tout projet politique, le discours écologiste a ses propres intérêts et finalités. Il ne saurait résulter d’une seule évidence scientifique, quand bien même il s’appuierait opportunément sur un discours de cette nature. Il ne s’agit pas d’engager ici une énième controverse sur le réchauffement climatique. Il y a bien sûr des théories farfelues proférées par des « climatosceptiques ». Et parmi les supporteurs politiques de ces thèses, on trouve bien, notamment aux États-Unis, un ramassis peu recommandable de contestataires de l’évolution des espèces ou des grandes lois de la physique… Mais il est également déplacé d’être péremptoire en matière de climat. Si une très grande majorité d’experts de cette discipline convergent en effet sur l’essentiel d’un diagnostic – toutefois plus subtil, par essence, que les résumés de rapports du Giec à destination des décideurs –, il reste de très nombreuses interrogations sur leurs travaux, portées par des scientifiques éminemment respectables. La jeunesse des savoirs impliqués – dont les balbutiements remontent seulement au xixe siècle – et la complexité considérable des mesures et plus encore des projections futures, n’autorisent clairement pas l’arrogance et le ton définitif souvent employé par certains. À l’inverse de l’esprit scientifique, justement, qui doit laisser toute sa place à la critique fondée et à la plus grande humilité. UNE IDÉOLOGIE DE LA LUTTE DU BIEN ET DU MAL Cette absence de recul a de nombreuses implications. Car, en niant toute erreur possible sur les diagnostics et les projections les plus répandues, ainsi que sur leurs impacts, les « réchauffistes » vendent un projet politique lourd de conséquences. Ils veulent imposer un programme tout ficelé qu’ils n’ont pas réussi à faire prévaloir au cours des décennies précédentes par les élections, et qu’ils entendent désormais matraquer sous couverture d’évidences scientifiques supposées. Les politiques commencent à paniquer, et nombre d’agents économiques abondent, soit par crainte de s’opposer à un discours devenu écrasant, soit par intérêt très direct. Il s’agit en fait, économiquement, de justifier des choix présents dont le coût, bien que potentiellement gigantesque, apparaîtra toujours faible en comparaison du prix actualisé de l’inaction dans ces scénarios dramatisés. Des tentatives de cette nature existent depuis les années 1970, quand on voulait faire peur sur la démographie de la planète, et notamment la capacité de l’agriculture à nourrir la population. Ou quand on projetait le fameux « pic pétrolier » pour le lendemain… avant de devoir piteusement le repousser à plus tard. Une idéologie de la décroissance, et pour le dire clairement, de rejet viscéral de l’économie de marché. Si l’agitation des peurs n’a pas fonctionné, parce qu’elles étaient à trop courtes échéances et donc trop vite démenties par les progrès de l’innovation et de la productivité, il en va autrement cette fois. La perspective de l’apocalypse climatique à l’horizon 2100 est astucieuse : bien trop lointaine pour risquer de faire douter des projections au fur et à mesure du constat de l’évolution réelle du climat; trop proche – à portée d’espérance de vie des enfants nés depuis le début du siècle – pour s’en désintéresser et ne rien faire. Alors que jamais la pauvreté, la faim, de très nombreuses maladies ou l’âge moyen de décès n’ont autant reculé sur la planète qu’au cours des dernières décennies d’économie plus libéralisée et mondialisée que jamais, c’est bien son procès qui est en place. Il faudrait contraindre nos habitudes et nos modes de vie pour laisser place à des comportements vertueux – car c’est de vertu, et de la lutte du bien contre le mal qu’il s’agit souvent dans les discours. Peu importe ce qui en résulte en matière de chômage, de perte de pouvoir d’achat, de conditions de vie dégradées. Un scientifique aussi remarquable que Jean Tirole peut ainsi affirmer que perdre 2% de pouvoir d’achat n’est pas si grave en comparaison de l’enjeu : on en revient au coût actualisé gigantesque d’un futur terrifiant. Mais perdre du pouvoir d’achat aujourd’hui pour ceux qui souffrent déjà de conditions financières difficiles est dramatique, tout de suite! AU MOINS DEUX ILLOGISMES… Inégalités internes, inégalités globales, rationnements en tout genre mais aussi débauches de subventions en faveur des activités dites « propres ». Car plus subtilement que l’antienne gauchiste de la décroissance fleurant bon le Larzac et pouvant continuer d’alimenter les résistances et les inquiétudes, ce projet politique déterminé sait aussi utiliser quand il le faut l’alibi de la « croissance verte ». En fait, un vaste programme d’arrosage aussi peu réfléchi que subtil de tous ceux qui viennent vendre des « solutions » labellisées écologiques. Très habile, car cela profite immédiatement à tout un éco- système – dès lors supporteur numéro un des prophéties les plus sombres sur le changement climatique –, dans le bâtiment, dans l’énergie, dans les transports… Outre le fait de transférer leurs coûts et leurs marges aux consommateurs prisonniers de nouvelles normes, ces secteurs se trouvent gavés d’avantages fiscaux divers et variés. C’est-à-dire de ressources prélevées indirectement sur l’ensemble des autres activités économiques, ainsi deux fois mises à contribution. Or, ces choix conduisent à des développements hasardeux voire contreproductifs, en soutenant des filières sans avenir, en renchérissant encore plus les prix de production ou même le recours aux énergies les plus polluantes afin de faire face à des pointes d’activité qu’elles seules peuvent gérer. Pire encore, la logique malthusienne que l’on cherche à imposer à quantité d’activités et de pays semble en partie vouée à l’échec au regard des buts environnementaux poursuivis. C’est d’ailleurs pourquoi il paraît si difficile de parvenir à des engagements nationaux qui, mis bout à bout, conduiraient à une réduction des émissions de gaz à effet de serre suffisante pour infléchir autant que recherché les prévisions des modèles des climatologues. Pénalisations tout de suite, mais garantie qu’elles seront malgré tout insuffisantes pour sauver le monde : rien de mieux pour entretenir le caractère anxiogène du débat. Sans prêcher l’inaction, au moins deux illogismes interpellent. Il paraît d’abord étonnant qu’un certain nombre de sujets absolument acquis d’un point de vue scientifique, comme la dangerosité pour la santé de certaines particules ou composants, ne soient pas des priorités plus évidentes. Plutôt que de privilégier des enjeux gigantesques aux causes et effets encore incertains, il est paradoxal que ce qui apporterait un mieux-être rapide aux populations ne soit pas davantage une politique prioritaire. Plus encore, si des efforts importants et coûteux à technologies inchangées semblent devoir être insuffisants, alors ce sont bien la recherche fondamentale et les sauts technologiques qu’il faut soutenir. PLUS DE CROISSANCE POUR FINANCER LA R&D En somme, plutôt que de se méfier du progrès technologique et pour certains de le dénoncer, il faut en cohérence être plus que jamais supporteurs de ce progrès. Le financer et l’encourager à ses racines scientifiques premières. En restant agnostiques, pour éviter les mauvaises allocations de ressources, tant il paraît difficile aujourd’hui de savoir quelles technologies pourraient être les meilleures, en matière d’émissions nouvelles comme de captage des stocks émis. C’est bien d’innovations majeures, sur lesquelles nous aurions tort d’être pessimistes, que viendront les bouleversements les plus extraordinaires en matière énergétique. Donc les solutions à des problèmes encore incertains et imprécis. Et pas du rationnement de principe. Pour financer ces investissements en R&D, il faut ainsi encore plus de croissance, de gains de productivité et de portes ouvertes à de nouveaux modèles économiques qui naîtront, comme toute vague d’innovation, d’un environnement particulièrement propice à la transformation des découvertes scientifiques en progrès technologiques. Augmenter les prélèvements obligatoires sur les facteurs de production serait ainsi une folie et un contresens dans une telle période, seuls des transferts d’assiette étant au plus concevables, et en se méfiant des distorsions indésirables qu’ils peuvent créer, y compris au nom des meilleures intentions. ■ Et si le rêve d’un monde « meilleur » qui permettrait d’échapper à celui du cauchemar climatique annoncé n’était qu’une chimère ? ©ISTOCK 46 I VISIONS LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR PRODUCTIVITÉ ET CROISSANCE Les raisons d’être optimiste… à long terme © DR F IVAN BEST RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT, @Iv_Best aut-il craindre une « stagnation séculaire », autrement dit une longue période de stagnation des économies industrielles ? La très faible croissance que connaît la zone euro depuis 2009 va-t-elle perdurer ? Deux économistes américains défendent cette thèse – Robert Gordon et Lawrence Summers – qui rencontre bien sûr un écho important dans le marasme actuel. Un marasme fait de croissance anémique et de sousemploi. Par-delà les chiffres officiels, faisant état d’un très faible chômage – aux États-Unis, en Allemagne… – le sous-emploi reste, de fait, dominant : ces taux de chômage très bas cachent mal des emplois précaires ou des travailleurs découragés, ayant renoncé à figurer sur les listes des organismes censés aider les chômeurs. Summers insiste sur la surabondance d’épargne à travers le monde, autrement dit sur la faiblesse de la demande. Robert Gordon souligne, lui, le paradoxe majeur des dernières années. Alors que le numérique s’impose partout, gage d’efficacité et de plus grande productivité, une réalité statistique s’impose : les gains de productivité ont rarement été aussi faibles. Et, pour lui, ils risquent de le rester, les dernières innovations – comme les smartphones – apportant plus de confort que d’efficacité. Or, sur le long terme, la croissance est corrélée à la productivité. L’économiste français Daniel Cohen a repris cette thèse dans un ouvrage récent, tout en récusant toute adhésion à ce pessimisme. Il réfute le pessimisme de Gordon, en estimant que le progrès technique est encore possible. Mais, que va-t-il apporter ? « Il y avait auparavant une relation de complémentarité entre le progrès technique et le travail, qui a permis à toute la société de devenir productive » soulignait Daniel Cohen lors d’une entrevue à La Tribune. « Les agriculteurs quittaient les champs en raison des progrès de la productivité agricole, et ils devenaient encore plus productifs à l’aide des machines qu’ils faisaient tourner à l’usine. La situation est aujourd’hui radicalement différente. Pour au moins 50% de la population, le progrès technique fonctionne comme un substitut. Les robots, ordinateurs, remplacent l’homme, ils ne décuplent plus sa force. La distribution des bénéfices du progrès technique, en termes de capacité à accroître la productivité des gens, est beaucoup plus faible qu’au xxe siècle. Il en résulte une croissance atone et un pouvoir d’achat beaucoup moins dynamique. » C’est à cette thèse pessimiste sur la productivité – et donc sur la croissance – que veulent répondre Gilbert Cette, professeur à l’université d’AixMarseille, et Ramon Fernandez, directeur général adjoint d’Orange. Pour ce dernier, des politiques européennes plus favorables pourraient doper le numérique, au service de la croissance. Gilbert Cette insiste, lui, sur l’apport de l’innovation, dont on ne voit encore que les prémices. ■ RAMON FERNANDEZ, directeur général adjoint d’Orange Pour une politique européenne favorable au numérique LA TRIBUNE – Beaucoup d’économistes soulignent le décalage entre une révolution numérique qui s’intensifie, théoriquement gage de progrès technique, et la grande faiblesse des gains de productivité récents dans les pays industriels. Comment expliquer ce paradoxe ? Il est assez difficile de mesurer l’impact de cette révolution numérique. Nous la voyons bien dans notre vie quotidienne, mais les grands agrégats macroéconomiques habituels – PIB, emploi – ont du mal à l’appréhender. Ce que ces agrégats savent mesurer, ce sont les investissements en infrastructures. Jusqu’au milieu des années 2000, les statisticiens n’avaient donc pas de problème pour prendre en compte cette révolution. Mais, avec son intensification, le développement de nouveaux produits, ils sont aujourd’hui à la peine. Et il n’existe pas à ma connaissance d’étude récente évaluant précisément l’impact net de la révolution numérique sur les économies des pays industriels. « La fiscalité des Gafa devrait aussi être revue » On le mesure dans les pays en développement ? Oui, le seul déploiement des infrastructures de télécoms, par exemple, y a un effet important. Pour le Sénégal, par exemple, une étude a pu établir que 23% de la croissance de l’économie entre 2005 et 2013 est due au numérique. Les pays européens semblent en outre en retard par rapport aux États-Unis ou à l’Asie… Absolument. En moyenne, au sein des pays de l’OCDE, le numérique représente 5,5% de la valeur ajoutée. Or, en France, nous ne sommes qu’à 4%. Si nous étions un peu au-dessus de 5,5%, cela représenterait 25 milliards d’euros de valeur ajoutée supplémentaire. Et ailleurs en Europe ? Ce n’est pas beaucoup mieux. Seuls l’Allemagne et le Royaume Uni sont respectivement à 5 et 6%. L’environnement européen n’est clairement pas assez favorable au développement du numérique. Les États-Unis, le Japon, la Corée du Sud, ont su mettre en place des politiques industrielles, de concurrence, soutenant le numérique, qui le protègent et l’aident à créer de la richesse. Ce n’est pas encore le cas sur le Vieux Continent. Que faudrait-il faire ? Il faudrait définir un niveau optimal d’intensité concurrentielle, trouver le bon arbitrage entre protection du consommateur, via la concurrence, et protection de la capacité à investir. En Europe, il existe une véritable tension entre une politique de la concurrence qui prédomine, motivée par la recherche du prix le plus bas pour le consommateur, et la création de richesse pour le pays dans le numérique. Ce qu’il faudrait donc mettre en œuvre, c’est une politique européenne développant le rôle des acteurs européens du numérique. Via une politique de la concurrence adaptée – cherchant peutêtre moins à faire baisser les prix immédiatement –, des incitations à l’investissement, et une fiscalité plus favorable aux télécoms. Cette branche, qui représente près de 60% du chiffre d’affaires du numérique, paie presque 90% des impôts et taxes du secteur! Pour remédier à cette distorsion, la fiscalité touchant les Gafa devrait bien sûr être revue aussi. Il faudrait enfin stimuler une vraie politique de l’innovation. Au total, une stratégie en faveur du numérique aurait un impact positif sur l’investissement et in fine sur la croissance et l’emploi. Et même sur les prix, en dernier ressort, car l’innovation les ferait baisser. Daniel Cohen le souligne après d’autres : le numérique va affecter fortement l’emploi dans des secteurs comme la banque et l’assurance. Compte tenu de la polarisation du marché du travail, des salariés à la qualification moyenne qui y sont aujourd’hui employés n’auront comme perspective que de retrouver des emplois peu qualifiés. D’où une © DENIS ALLARD/REA Le numérique pourrait contribuer plus fortement à la productivité et à la croissance, si l'Europe était capable de promouvoir une politique favorable à ce secteur. perte de productivité globale pour l’économie. Comment y faire face ? Incontestablement, il existe une polarisation du marché du travail. Mais de là à penser que cette révolution va plonger dans la misère des populations entières, c’est une vision un peu pessimiste. Les opportunités sont nombreuses. S’agissant du secteur financier, en Afrique, la banque mobile permet l’accès à la finance à des millions de personnes qui en étaient jusqu’alors exclues. La France est plutôt bien positionnée en matière de « fintech », secteur porteur de nouvelles opportunités, y compris d’emploi. Plus généralement, on constate effectivement une « ubérisation » de l’économie. Mais comment évaluer l’impact sur l’emploi d’Airbnb, par exemple? C’est assez difficile à calculer. Ce qui est certain, c’est que le numérique est créateur de revenus, qui ne prennent pas la forme d’un salaire, mais correspondent bien à une création de richesse. ■ I 47 LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR GILBERT CETTE, professeur à l’université d’Aix-Marseille Pourquoi les théoriciens de la stagnation séculaire se trompent Faire le pari de la stagnation séculaire, c’est ne pas prendre en compte l’effet futur sur la productivité des innovations existantes. Et surtout, ne pas voir les produits à venir. © C. LEBEDINSKY/CHALLENGES-REA tantes, des changements importants, des révolutions phénoménales vont apparaître dans de nombreux domaines, susceptibles de doper la productivité et donc la croissance pendant longtemps. Quelles sont ces révolutions ? LA TRIBUNE – Alors que le numérique se développe à grande vitesse, la productivité ralentit. Comment expliquer ce paradoxe ? La productivité ralentit dans tous les pays développés, sauf l’Espagne pour des raisons très spécifiques, depuis le début des années 2000, donc avant la crise. Ce ralentissement intervient après une vague de croissance de la productivité associée aux TIC, ce qu’on a appelé la troisième révolution industrielle. Cette vague est beaucoup moins importante que la précédente, celle correspondant à la deuxième révolution industrielle (moteurs à explosion, électricité, révolution des transports…) et que la première (machine à vapeur, chemins de fer…). De cette petite vague, nous sommes sortis avec un ralentissement très net de la productivité. Et maintenant ? Que va-t-il se passer ? Le clan des pessimistes, animé par Gordon, repris par Cohen, estime que cette situation va perdurer, avec des conséquences très négatives pour la croissance des économies : sur le long terme, celleci est largement commandée par la productivité. Moins de TIC, l’émergence de biens nouveaux terminée : plus rien n’est de nature à bouleverser nos modes de consommation. De quoi alimenter le pessimisme! Les optimistes s’appuient sur différents éléments. Certes, la loi de Moore – qui veut que les performances des microprocesseurs doublent tous les deux ans – s’épuise. Mais l’histoire n’est pas finie, des innovations comme la puce 3D peuvent changer la donne et insuffler une nouvelle vie à la loi de Moore. Au-delà, une autre révolution peut s’amorcer : avec les technologies exis- On parle aujourd’hui parfois du « more than Moore process ». De quoi s’agit-il? Dans le domaine de la robotique, nous en sommes aux balbutiements de l’appropriation d’immenses potentialités de calcul liées aux technologies déjà existantes. Les modes de travail vont être bouleversés, l’économie de la santé, l’économie pharmaceutique et aussi le domaine de la recherche vont changer profondément. Auparavant, partager un projet de recherche en temps réel avec un chercheur en Australie était d’une complexité inouïe. Aujourd’hui, c’est parfaitement possible. Par ailleurs, le nombre de chercheurs dans le monde va littéralement exploser. Certes, la probabilité que chacun d’entre eux trouve une innovation diminue fortement, car il devient de plus en plus difficile d’innover, mais le nombre de chercheurs explose, par exemple avec l’arrivée des Chinois sur le « marché », et ce second aspect l’emporte largement sur le premier. Autant de facteurs d’optimisme. En outre, en Europe continentale, nous sommes en retard dans la diffusion des TIC par rapport aux États-Unis. Nous avons donc des réserves de productivité. N’y a-t-il pas aujourd’hui un problème de mesure de la productivité, les grands agrégats (PIB) ayant du mal à prendre en compte la nouvelle économie ? Effectivement, le PIB peine à appréhender cette nouvelle économie. Il est de plus en plus imparfait pour mesurer des améliorations de notre niveau de vie. De fait, nous avons accès à beaucoup de services gratuits, mal pris en compte dans les statistiques. Facebook, par exemple, n’est absolument pas pris en compte dans le PIB, puisque le service est gratuit. Le numérique ne contribue-t-il pas paradoxalement à freiner la productivité, en polarisant le marché du travail, en supprimant beaucoup de jobs moyens, pour en créer quelques-uns en haut de l’échelle, et beaucoup en bas ? Joël Mokyr, un historien de l’économie qui enseigne dans la même université que Formule Robert Gordon, a une réponse à ce type de raisonnement : cet argument, on l’entend depuis aussi longtemps que le progrès technique existe! Quand les porteurs d’eau ont été supprimés à Paris, on l’entendait déjà. Dans la capitale parisienne, on comptait au xixe siècle 20000 porteurs d’eau qui l’amenaient dans les étages, alors même que la région comptait dix fois moins d’habitants qu’aujourd’hui… la création de canalisations a fait hurler nombre d’observateurs, inquiets pour le sort de ces travailleurs. Il en va de même du poinçonneur de tickets dans le métro et de nombreux autres emplois… Des économistes célèbres, Keynes compris, ont fait l’erreur de croire que le progrès technique réduisait globalement le volume de l’emploi. Keynes estimait nécessaire de réduire fortement la durée du travail, évoquant à terme quinze heures par semaine, en raison de la disparition de certains emplois. L’idée était simple : pour produire la même chose, on aura besoin de beaucoup moins de gens, ou en tout cas de moins d’heures de travail. On a vu que c’était une erreur. Les créations d’emplois sont nombreuses par ce que de nouveaux biens et services émergent et sont produits. Le problème, c’est que les postes créés vont l’être souvent dans des services à la productivité plutôt faible. Des salariés des banques ou du secteur de l’assurance vont perdre leur emploi moyennement productif, pour des jobs de service qui le sont encore moins… Peut-être, mais on a vu l’industrie perdre du terrain depuis des années, au profit des services, sans empêcher l’accélération de la productivité aux États-Unis dans les années 1990. Simplement, de nouveaux services ont émergé. Au début du xxe siècle, quand ces théories ont fait florès, nul n’imaginait l’apparition de biens et services nouveaux. Personne n’anticipait alors la démocratisation du téléphone, celle des biens de consommation. C’est peut-être aussi le cas aujourd’hui : nous sommes myopes et incapables de dire quels sont les produits nouveaux ou les services qui vont émerger dans les vingt années qui viennent. Quel visionnaire crédible imaginait l’Internet ou le smartphone dans les années 1970? Dans quinze ans, peutêtre aurons-nous tous des robots chez nous. Qui nous feront la cuisine! Serons-nous plus productifs pour autant ? Le smartphone, grande INTÉGRALE IN TÉGRAL ÉGRALE Avec l’édition abonnés La Tribune, prenez les bonnes décisions innovation de ces dernières années, rend des services, on peut désormais réserver des billets d’avion depuis la plage… mais il n’accroît pas la productivité de son propriétaire. En tout cas pas de manière mesurable. Pour reprendre cet exemple, il fallait auparavant de nombreux salariés derrière les guichets des agences de voyage pour vendre des billets d’avion. Cela n’est plus nécessaire, il y a donc gain de productivité. Si par exemple ils s’occupent des personnes âgées, ce nouveau service, qui se développe, augmente le PIB. Finalement, le PIB augmente à nombre de salariés constants, ce qui signifie que des gains de productivité auront été constatés au niveau global, même si les nouvelles activités ne sont pas à forte productivité. Quand Gordon nous dit que nous avons tous un réfrigérateur, une cuisinière… et que l’extension des biens et services à consommer est derrière nous, il se trompe. Des bouleversements sont possibles, qu’on est incapable d’anticiper le plus souvent. Nul n’imagine les biens nouveaux qui nous entoureront dans dix ans. « Dans quinze ans, peut-être aurons-nous tous des robots chez nous » On constate tout de même un fort ralentissement de la productivité depuis dix ans ? Il y a un problème de mesure. Et les techniques ont évolué tellement vite qu’elles ne sont pas encore pleinement utilisées. Quand l’énergie électrique s’est répandue dans le monde, les usines fonctionnaient avec l’organisation correspondant à l’énergie à vapeur. C’est seulement dans un deuxième temps qu’une prise de conscience a eu lieu, qu’il était possible de bouleverser l’organisation de l’entreprise, et obtenir des gains de productivité phénoménaux. Aujourd’hui, on n’a pas encore tiré parti de l’ensemble des technologies disponibles. On peut imaginer, par exemple, la disparition des caissières de supermarché : tout sera scanné automatiquement. Voilà donc un travail non qualifié qui va disparaître. Au total, des gains de productivité immenses sont possibles dans les services. Ils vont bouleverser l’économie. ■ Abonnement 21 € /MOIS SEULEMENT Vite, j’en profite ! PENDANT 1 AN abonnement.latribune.fr 48 I VISIONS LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR SIGNAUX FAIBLES #COP21 © DR Le nucléaire, outil contre le changement climatique ? PAR PHILIPPE CAHEN PROSPECTIVISTE @SignauxFaibles Radicalisation et entreprise La cellule Stop djihadisme a analysé 3 645 individus signalés en vingt mois. Les résultats sont surprenants : 40% sont des femmes, 20 % ont moins de 18 ans, la moitié sont des convertis dont certains de très fraîche date. Ces individus vivent en France, seuls 10 % sont partis au moment ou très peu de temps après le signalement reçu. Ceux qui sont passés à l’action en France étaient des hommes autour de 30 ans, musulmans d’origine. Il n’y a pas d’étude semblable pour les zadistes qui s’opposent violemment à différents projets d’aménagement. Ils seraient, selon la sociologue Irène Pereira, issus de la classe moyenne, généralement diplômés et précaires, plutôt jeunes. Les partis politiques de gouvernement, les syndicats dominants, les religions ont des encadrements entre 50 et 60 ans pour ne pas dire plus âgés. C’est une rupture générationnelle qui s’élargit, quasi semblable à celle de mai 1968, avec des sujets différents. Bien sûr, il y a le rejet de la société de consommation, du modèle environnemental. Il y a aussi la recherche de valeurs de référence, la recherche de héros. Et puis, il y a l’effet pervers du chômage français, trop élevé, en hausse, qui écarte durablement de l’emploi tant celui-ci est protégé. Il crée des exclus. Que peut l’entreprise ? Elle est une source d’innovation attractive, un champ d’exploration pour de nombreux jeunes. Elle est un rêve de création. Mais elle se trouve confrontée au manque de courage des politiques, notamment vis-à-vis de la laïcité, au manque de poids des syndicats, souvent trop conservateurs et débordés. L’entreprise n’est pas l’ambulance sociale du mal-être français, mais elle est un lieu de dialogue, d’échange et de construction. L’ouvrage le plus récent de Philippe Cahen : Les Secrets de la prospective par les signaux faibles, Éditions Kawa, 2013. À découvrir aussi sa contribution à l’ouvrage collectif Rupture, vous avez dit disrupture ? Le futur est déjà derrière nous, Éditions Kawa, 2015. L © DR Radicalisation, déradicalisation. Depuis les drames du 13 novembre, on n’entend que ces mots pour expliquer les attentats et comme réponse afin d’éviter qu’ils ne se renouvellent. À observer de près la radicalisation, le sujet est plus large et plus fondamental. L’affaire de la « chemise déchirée », un DRH et un autre cadre frappés en comité central d’entreprise, est une autre radicalisation. Elle rappelle celle du démontage du McDo de Millau, en fait une démolition, encore des radicaux. Noter le vocabulaire utilisé pour minimiser l’action. Il y a quelques jours, des radicaux masqués jetaient les bougies et les pots de fleurs amassés autour de la statue de la République pour agresser la police. La radicalisation est religieuse, politique, sociale, syndicale, intellectuelle, voire dans l’éducation… Tentons de trouver une explication et une réponse. S’agissant du changement climatique, les bénéfices du nucléaire sont trop peu souvent relevés. De fait, ses émissions de CO2 sont très faibles, voire quasi nulles si l’on ne prend en compte que la production d’électricité. PAR NICOLAS MAZZUCCHI GÉOÉCONOMISTE, DOCTEUR EN GÉOGRAPHIE, CHERCHEUR ASSOCIÉ À L'IRIS orsque l’on s’intéresse à la question du nucléaire, les problématiques environnementales surgissent i m m é d i a te m e n t. Avant même de mentionner la technologie, la compétitivité économique ou les aspects régaliens de l’énergie atomique, l’environnement est la première question qui apparaît quand est prononcé le mot « nucléaire ». Les détracteurs de l’énergie atomique pointent invariablement la gestion des déchets issus de la production électrique, signe pour eux du danger structurel lié à la fission de l’atome sur un plan énergétique. En revanche, peu de voix s’élèvent pour s’interroger sur les bénéfices éventuels que peut apporter le nucléaire dans l’optique de la lutte contre le changement climatique. Le sujet pourrait presque apparaître tabou. Heureusement la COP 21, qui se tient cette année à Paris, offre l’opportunité de s’y intéresser en profondeur. UNE ÉNERGIE TRÈS PEU ÉMETTRICE EN CO2 Les tours de refroidissement de la centrale nucléaire de Saint-Vulbas en Bugey, à quelque 45 km de Lyon. © ROBERT PRATTA / REUTERS Il appartient ainsi de poser un regard dépassionné et critique sur la question des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur de l’énergie pour comprendre si, oui ou non, le nucléaire est une solution pertinente pour équilibrer la délicate balance énergétique des pays, qui regroupe accès à l’énergie, sécurité énergétique et lutte contre le changement climatique. Des études ont ainsi été menées sur la question des émissions de gaz à effet de serre – dans ce cas, majoritairement de CO2 – du secteur électrique. La plupart des travaux s’intéressent à l’ensemble du cycle de vie des installations de production d’électricité nucléaire, prenant en compte la tota- lité de la chaîne de valeur allant de l’extraction d’uranium au retraitement des déchets en passant par la construction et l’opération des centrales. Le rapport « The Role of Nuclear Energy in a Low Carbon Energy Future » de l’OCDE, paru en 2012, synthétise les résultats de nombreux travaux scientifiques pour aboutir à la conclusion suivante : le nucléaire est, en moyenne, une énergie particulièrement peu émettrice de CO2. Alors que le charbon, première source d’énergie de l’OCDE et, de fait, de nombreux pays européens, émet en moyenne 888 tonnes de CO2 par GWh produit, et le gaz naturel 499 t/GWh, le nucléaire s’établit à 29 t/GWh, soit à peu près l’équivalent des énergies les moins émettrices, l’hydraulique et l’éolien (environ 26 t/GWh). Néanmoins, la production d’électricité elle-même n’émet quasiment pas de CO2 puisque la quasi-totalité des émissions est due à l’amont du cycle (extraction de l’uranium) et à la construction des installations. Cela signifie donc pour notre pays qu’il est particulièrement vertueux, au niveau de son secteur électrique, dans l’optique de la lutte contre le changement climatique. En effet si l’on s’intéresse aux émissions de CO2 de la France, tous secteurs confondus, celles-ci s’établissent à 370000 kt en 2014 (données Edgar; Commission européenne), à comparer avec les 840000 de l’Allemagne, les 5300000 des États-Unis et les plus de 10 millions de la Chine. Au niveau des émissions par habitant, la France atteint les 5,7 tonnes, à comparer là aussi avec les 10,2 tonnes pour l’Allemagne, 8,5 tonnes pour la Pologne, 7,5 tonnes pour le Royaume-Uni ou 6,4 tonnes pour l’Italie. En comparant la France aux autres grands pays européens, par l’économie ou la population, il appa- raît que notre pays est bien plus sobre en carbone que ses voisins. AUGMENTER LA PART DU NUCLÉAIRE ? Cette sobriété, comparativement au niveau de développement et d’industrialisation de notre pays, est avant tout due à la faiblesse des émissions du secteur de l’énergie. En effet l’électricité produite en France est très majoritairement – environ aux trois quarts – issue du nucléaire. Les choix politiques opérés dans les années 1970 à la suite du premier choc pétrolier, ont eu non seulement un effet majeur sur les approvisionnements énergétiques français, ainsi que sur le développement d’une filière d’excellence, mais aussi un impact non négligeable sur la lutte contre le changement climatique. Le nucléaire est ainsi une énergie particulièrement importante au regard des objectifs climatiques fixés par le GIEC. De nombreux rapports – le scénario 450 de l’Agence Internationale de l’Énergie, par exemple – pointent ainsi la nécessité d’augmenter résolument la part du nucléaire dans le mix énergétique mondial, laquelle n’est pour le moment que de 6% environ. Le nucléaire possède l’avantage de permettre de disposer d’une puissance installée importante pour chaque réacteur, tout en émettant peu de gaz à effet de serre. Toutefois, c’est une énergie qui nécessite une maîtrise technologique certaine et une attention toute particulière aux aspects de sûreté et de sécurité. Là encore notre pays, en tant que chef de file technologique, dispose d’atouts indéniables pour envisager un futur sobre en carbone, pour la France et le monde. ■ I 49 LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR VU DE BRUXELLES AU CŒUR DE L’INNOVATION Un « Schengen de l’Internet » ? © DR FLORENCE AUTRET CORRESPONDANTE À BRUXELLES RETROUVEZ SUR LATRIBUNE.FR SON BLOG « VU DE BRUXELLES » « TECHNIQUEMENT, LA SOLUTION EST SIMPLE : METTRE SUR “OFF” LE BOUTON DU DÉNI D’ACCÈS » légale. La réforme du droit d’auteur vous transforme en ambassadeur de vos propres droits, leur confère une sorte d’extraterritorialité. Vous voyagerez à l’avenir nimbé d’une bulle invisible qui protégera les abonnements souscrits en France où que vous mènent vos pérégrinations. « On crée la possibilité par un mécanisme légal de valider les droits d’auteur dans tous les pays de l’Union, automatiquement », explique une porte-parole de la Commission. Un truc quasi http://www.latribune.fr La Tribune 2, rue de Châteaudun, 75009 Paris Téléphone : 01 76 21 73 00 Pour joindre directement votre correspondant, composer le 01 76 21 suivi des 4 chiffres mentionnés entre parenthèses. SOCIÉTÉ ÉDITRICE LA TRIBUNE NOUVELLE. S.A.S. au capital de 4 850 000 euros. Établissement principal : 2, rue de Châteaudun - 75009 Paris Siège social : 10, rue des Arts, 31000 Toulouse. SIREN : 749 814 604 Président, directeur de la publication Jean-Christophe Tortora. Vice-président métropoles et régions Jean-Claude Gallo. miraculeux qui dispense d’en passer par une laborieuse – et presque infaisable – révision de tous les contrats de cession de droits. Techniquement, la solution est simple : mettre sur « off » le bouton du déni d’accès. Les détenteurs des droits, maisons de disques et autres sociétés de production de films, ne seront pas enthousiastes, car en pratique cela signifie que sur un abonnement, les droits vendus pour la France ne pourront plus être réclamés pour l’Allemagne, la Belgique ou les Pays-Bas. Plus jamais? La Commission précise que cette portabilité sera garantie en cas de « séjour temporaire »… sans en préciser la durée qui pourrait aller de « 1 jour à 2 ans », explique une source européenne. La question devra être tranchée entre diffuseurs et gestionnaires de droit, qui seront fondés à demander au diffuseur où se trouve physiquement le « consommateur » de l’œuvre. Mais Bruxelles est convaincue que tout le monde y gagnera, puisque cela devrait stimuler les souscriptions chez les abonnés voyageurs. Est-ce à dire que l’on est sur le point d’assister à l’abolition des frontières nationales dans l’Internet? C’est un peu plus compliqué. Cette portabilité transfrontalière ne concerne que les services à souscription, ceux pour lesquels vous devez vous identifier. Les nouvelles règles ne faciliteront donc pas le visionnage d’une chaîne librement accessible en ligne comme Arte, actuellement indisponible si vous vous trouvez en Espagne ou en Italie. Pas de souscription, pas d’identification… donc pas de portabilité. Pour la même raison, le problème de la rémunération des droits d’auteur sur les contenus diffusés, par exemple, par YouTube, n’est en rien résolu… mais des propositions sont à l’étude pour le printemps prochain. Dernière bonne nouvelle : non seulement vous conservez l’accès à vos abonnements, mais le téléchargement des films ou de la musique à l’ « étranger », via un réseau téléphonique, ne devrait pas entraîner de surcoût car l’abolition de l’itinérance surtarifée est déjà programmée. Le père Noël a vraiment pensé à tout ! Il ne vous reste plus qu’à patienter, car tout cela ne sera en place au mieux qu’en… 2017. En espérant que les frontières – physiques – n’aient pas été rétablies d’ici là! ■ RÉDACTION Directeur de la rédaction Philippe Mabille. Directeur adjoint de la rédaction Robert Jules. ( Économie - Rédacteur en chef adjoint : Romaric Godin. Jean-Christophe Chanut, Fabien Piliu. ( Entreprise - Rédacteur en chef : Michel Cabirol. Rédacteur en chef adjoint : Fabrice Gliszczynski. Pierre Manière, Sylvain Rolland, Marina Torre. L DR C ’ est déjà Noël pour les amateurs de séries TV. Cette semaine, Andrus Ansip et Günther Öttinger, les deux lièvres de mars du numérique de la Commission Juncker, ont proposé pour les services à souscription en ligne ce que la fin de l’itinérance (roaming) est aux utilisateurs de téléphone : l’effacement des frontières nationales. Vos vacances d’été au Portugal vous angoissent à la simple idée que vous allez rater quelques épisodes de House of Cards? Le projet de règlement présenté cette semaine garantit la « portabilité des droits » dans toute l’Union européenne. De même que bientôt vous pourrez téléphoner au même tarif où que vous soyez en Europe, vous aurez accès – si le texte est adopté – à votre abonnement Netflix où que vous soyez, en vacances en Suède ou en déplacement professionnel en Italie. C’est une petite révolution pour l’industrie culturelle qui est organisée sur une base strictement nationale, les diffuseurs achetant les droits pays par pays. D’où le déni d’accès actuel – dans le jargon du métier « geoblocking » – en cas de sortie du territoire. Mais comment y mettre fin sans chambouler tout le modèle économique de l’industrie du divertissement? Grâce à une… fiction. Une fiction La voiture privée va disparaître CÉDRIC BROCHIER DIRECTEUR GÉNÉRAL FRANCE DE VIVASTREET ( Finance - Rédacteur en chef adjoint : Ivan Best. Christine Lejoux, Mathias Thépot. ( Correspondants Florence Autret (Bruxelles). ( Conseiller éditorial François Roche. ( La Tribune Hebdo Rédacteur en chef : Alfred Mignot. Chef de studio : Mathieu Momiron. Secrétaires de rédaction et révision : Éric Bruckner, Maya Roux. a voiture est devenue l’ennemi numéro un des écologistes. Cependant, les transformations de son usage ne sont pas uniquement dues à l’évolution des consciences en matière de climat. Il y a quelques semaines, le gouvernement annonçait notamment la fin de l’avantage économique sur le diesel. La transition est déjà en marche. La Commission européenne estimait en 2013 que seuls 17% des Parisiens utilisaient leurs voitures pour se déplacer. Le phénomène peut s’observer dans la plupart des grandes villes françaises. Et si nous allions vers la fin de l’automobile personnelle? Aujourd’hui, le « tout-voiture » n’est déjà plus d’actualité, notamment dans les grandes villes. Nombreux sont ceux qui ne possèdent pas de véhicule personnel. On compte quatre Franciliens sur dix – et le chiffre grimpe pour les Parisiens qui sont six sur dix – à être piétons. Naturellement, les chiffres varient selon le lieu de résidence. De même, nous roulons de moins en moins. Une tendance visible depuis 2013 puisque le nombre de kilomètres parcourus par les Français chaque année diminue, alors qu’il était en constante augmentation depuis la Seconde Guerre mondiale. Si un coût de plus en plus dissuasif explique cette évolution, il n’en est pas le seul facteur. Le vieillissement de la population, l’urbanisation ainsi que les primes pour l’utilisation des transports en commun tendent à favoriser les différentes possibilités. Les années à venir verront sans doute la généralisation d’un nouvel usage de la voiture. Jusque-là « personnelle », elle n’appartenait qu’à une seule personne. Achetée neuve ou d’occasion, son propriétaire l’utilisait avant de la revendre ou de la déposer à la casse. Dorénavant, la voiture n’appartiendra plus à une seule personne. Ce nouveau véhicule s’appelle « voiture autonome ». Contrairement à une COMITÉ DE DIRECTION Max Armanet, directeur éditorial Live Media. Robert Jules, directeur adjoint de la rédaction Thomas Loignon, directeur des projets numériques et du marketing marque. Philippe Mabille, directeur de la rédaction. Aziliz de Veyrinas, directrice stratégie et Développement Live Media. automobile individuelle, celle-ci sera utilisable à tout moment, par une ou plusieurs personnes, sans jamais appartenir à aucun d’entre eux. Elle pourra être en libre-service avec les Autolib’ par exemple, ou bien louée à la demande pour transporter des objets volumineux ou effectuer des trajets plus longs. Une auto pourra également être achetée à plusieurs afin d’alléger le coût initial et rentabiliser une utilisation plus raisonnée. Le succès du covoiturage a également changé la donne. Cette tendance vise à une rentabilisation optimale des véhicules. La Californie réserve même des voies spécialement pour les covoitureurs sur ses autoroutes. Si ce phénomène n’est pas nouveau, il tend néanmoins à s’étendre hors des villes, et c’est là même que tient tout l’enjeu du véhicule autonome. D’un point de vue idéologique, l’attachement à ce mode de déplacement sera plus nostalgique. Tout comme certains regrettent les déplacements à cheval, les voitures pourraient bien devenir des objets de collection. Exposées dans un garage, elles ne sortiraient qu’en fin de semaine pour le plaisir de leurs utilisateurs occasionnels. D’ici à 2030, le marché de la voiture autonome est estimé à 87 millions de dollars. Si les voyages hors des agglomérations s’effectueront sans doute plutôt en train, le véhicule autonome restera prévalent dans les villes. La tendance est à un usage modéré. Ainsi, les automobiles seront moins nombreuses sur les routes mais transporteront plus de voyageurs à la fois. De même, le nombre de véhicules immobilisés sera plus restreint. « Rien n’est permanent, sauf le changement », disait Héraclite d’Éphèse. En constante mutation, la société entière évolue dans ses pratiques et ses usages. Le domaine de l’automobile n’échappe pas à cette logique. Face aux constructeurs, les solutions plus économiques et écologiques se multiplient : location, transport en commun ou encore autopartage. ■ CONTACTS Directeur commercial Hub Média : Luc Lapeyre (73 28) Responsable Abonnements : Martin Rivière (73 13) Abonnements et ventes au numéro : Aurélie Cresson (73 17). ACTIONNAIRES Groupe Hima, Laurent Alexandre, JCG Medias, SARL Communication Alain Ribet, SARL RH Éditions/Denis Lafay. Imprimerie Riccobono 79, route de Roissy 93290 Tremblay-en-France No de commission paritaire : 0519 C 851307. ISSN : 1277-2380. 50 I GÉNÉRATION LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR JÉRÉMIE ALLARD Les ophtalmos lui font les yeux doux Dispensée de levée de fonds grâce à un contrat financé par la Fondation Bill Gates, Insimo, jeune société strasbourgeoise, peut devenir championne de la simulation pédagogique en chirurgie. PAR OLIVIER MIRGUET N és sous une bonne étoile. En 2013, quand Jérémie Allard et ses anciens collègues, chercheurs en simulation médicale, ont créé leur entreprise, Insimo, ils ne se doutaient pas de l’intérêt de la fondation de Bill Gates pour les techniques innovantes de formation des chirurgiens dans l’opération de la cataracte. Bingo! Depuis sept ans, dans leurs laboratoires de l’Inria (Institut national de recherche en informatique et en automatique) à Lille, les fondateurs d’Insimo avaient élaboré un module numérique simulant l’œil humain, adapté à l’apprentissage en ophtalmologie. Retenue dans un appel d’offres en groupement avec l’industriel américain Moog, l’entreprise, présidée par Jérémie Allard, est devenue fournisseur du programme HelpMeSee, par lequel Bill Gates entend éradiquer la cécité par cataracte (opacification du cristallin) sur le continent africain d’ici à 2030. « Selon l’OMS, il y aurait plus de 20 millions de personnes aveugles à cause de la cataracte. La formation des chirurgiens qui pourraient les opérer est trop longue », rapporte Jérémie Allard. La Fondation Bill Gates cherche donc un moyen pour les former très rapidement au geste qui consiste à remplacer la lentille naturelle sans endommager les tissus de l’œil. La solution, c’est la simulation : Insimo fournit le modèle numérique de l’œil humain, mais aussi la copie des outils, comme le Crescent Knife, scalpel d’ophtalmologie qui permet d’exécuter des incisions très fines, de l’ordre de 0,3 millimètre. Le simulateur, de la taille d’une petite commode, a été peaufiné à Strasbourg, où Insimo a finalement établi son quartier général. Il dispose de deux bras articulés, avec lesquels le chirurgien manipule ses outils, et offre une vue en trois dimensions sur un œil virtuel. Le modèle mathématique mis au point par Insimo simule aussi la déformation des tissus et leur résistance, variables en fonction de l’âge du patient. L’entraînement du chirurgien peut être répété à l’infini : c’est une aubaine, surtout dans les pays où l’apprentissage sur des cadavres est limité, voire interdit. DEUX MILLIONS D’EUROS DE CHIFFRE D’AFFAIRES « J’ai réussi à prouver que nous étions les seuls au monde à pouvoir satisfaire les besoins de cette formation », affirme sans fausse modestie Jérémie Allard. Résultat : deux millions d’euros de chiffre d’affaires en deux ans, dont un million déjà affecté en réserves dans la comptabilité de la jeune entreprise! « Faire fortune n’est pas ma motivation première », reconnaît Jérémie Allard, qui réfute toute précipitation à l’évocation des prochaines étapes du développement de son entreprise. La levée de fonds de 300 000 à 500 000 euros, prévue dans le business plan initial, est remise à plus tard... La situation d’Insimo, dont la croissance (16 salariés) s’est autofinancée depuis 2013, est déjà enviable. Une vingtaine d’automates, assemblés dans une usine aux Pays-Bas, ont établi la preuve de concept et le robot sera prêt à faire ses classes en Inde et en Chine, en 2016. « La simulation change complètement la donne dans la formation des chirurgiens, qui vont effectuer 95% de leur cursus de formation sur ce support numérique », prévoit Stéphane Cotin, cofondateur d’Insimo. © O. MIRGUET @olivierm Zone d’influence : #FrenchTech @LaFTAlsace #startups #inria_industrie #ophthalmology #cataract @HelpMeSee Quand ce premier contrat arrivera à terme, à la mi-2016, la société devra trouver un levier de croissance. « Nous souhaitons mener plusieurs projets de front, ne plus dépendre d’un grand contrat monolithique », propose Jérémie Allard. D’autres besoins de formation ont été identifiés, sur d’autres pathologies et avec de nouveaux organes à modéliser, comme la rétine ou l’estomac. L’équipe travaille aussi en phase exploratoire sur un simulateur de fœtus. Insimo envisage déjà un modèle pour le développement à bas coût de toutes sortes de simulateurs pour former les chirurgiens. « On est encore à 80000 euros minimum pour un robot », reconnaît Jérémie Allard. « C’est acceptable pour les hôpitaux mais beaucoup trop cher pour des étudiants en médecine ou les cliniciens à titre individuel. » Passer du rang de prestataire à celui d’industriel? Le modèle économique reste à définir pour les prochaines années. « Une croissance financée sur une levée de fonds ne sera pertinente que si nous pouvons initier nos propres projets », prévient Jérémie Allard. « Je n’ai que 35 ans et je suis fan de défis. Nos technologies sont les mêmes que dans les jeux vidéo ou les simulateurs de conception assistée par ordinateur », observe-t-il. Mais pourquoi devenir un généraliste, quand on maîtrise déjà une spécialité? Depuis deux ans à Strasbourg, cet informaticien a été adopté par le monde médical. Et il s’y sent bien. Jacques Marescaux, chirurgien féru de robotique et président de l’Institut de recherche contre le cancer de l’appareil digestif Formule INTÉGRALE IN TÉGRAL ÉGRALE Avec l’édition abonnés La Tribune, prenez les bonnes décisions (Ircad), a mis 100 mètres carrés de bureaux à sa disposition. En juin, l’écosystème alsacien dans les technologies médicales (MedTech) a obtenu la labellisation French Tech, prometteuse d’actions collectives dans cette spécialité. La communauté numérique, qui trouve chez Insimo des salaires à l’embauche entre 25000 et 40000 euros, apprécie. « Il est important de travailler sur le site de l’hôpital, à proximité des chirurgiens. C’est ce qui nous distingue des simples SSII informatiques », reconnaît Jérémie Allard. La jeune pousse va encore grandir. ■ 21 1979 Naissance. 2001 Maîtrise d’informatique à Orléans. 2005 Doctorat en sciences informatiques à l’INP de Grenoble. 2006 Fellowship/ Post-doctorat à Boston. MODE D’EMPLOI • Où le rencontrer ? Dans les réunions de la French Tech en Alsace : dans la région, ce label se limite au secteur médical. Dans les locaux de l’Institut de recherche contre les cancers de l’appareil digestif (Strasbourg), où sa société est en incubation. 2007 Chercheur à l’Inria à Lille. 2013 Création de la société Insimo à Strasbourg et spécialisation en ophtalmologie. • Comment l’aborder ? Via Linkedin, Twitter, par mail. • À éviter ! « L’approximation dans toutes les approches techniques. » D’après son ancien patron, Stéphane Cottin, « on est tous comme ça à l’Inria ». Abonnement € TIME LINE Jérémie Allard /MOIS SEULEMENT 2016-2017 Nouveau projet d’entreprise élargi à d’autres spécialisations médicales. Vite, j’en profite ! PENDANT 1 AN abonnement.latribune.fr Crédit photo : Romain Laurent Pour vous, ERDF construit l’avenir des réseaux électriques Où que vous soyez et quel que soit votre fournisseur d’électricité, nous vous apportons l’électricité. Là où les villes vivent et aussi là où elles naissent. ERDF, gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité assure chaque jour l’exploitation, l’entretien et la modernisation de près de 1,4 million de kilomètres de réseau. L’énergie est notre avenir, économisons-la ! www erdf.fr @erdf youtube ERDF erdf.officiel UNITe – HYDROWATT PRODUCTEUR D’ÉNERGIES RENOUVELABLES LYON (69) 72 SALARIÉS CLIENT DEPUIS 1999 CAPITAL INVESTISSEMENT – FINANCEMENT DE PROJETS ENERGETIQUES – EPARGNE SALARIALE NOUS MOBILISONS NOS EXPERTISES POUR SOUTENIR LES ACTEURS DE LA TRANSITION ENERGETIQUE SOCIETEGENERALE.COM/EXPERTISES-ENTREPRENEURS Société Générale, S.A. au capital de 1 007 625 077,50 € - Siège social : 29 bd Haussmann 75009 Paris - 552 120 222 RCS Paris. FF GROUP 2 I Rétrospective LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR Le monde de 2015 à 2045 À QUOI RESSEMBLERONT LES TRENTE ANNÉES QUI VIENNENT ? QUELS POURRAIENT ÊTRE LES ÉVÉNEMENTS MARQUANTS QUI JALONNERAIENT NOTRE AVENIR ET SYMBOLISERAIENT LES TRANSFORMATIONS DONT NOUS ALLONS ÊTRE LES TÉMOINS DANS LES PROCHAINES DÉCENNIES ? POUR CÉLÉBRER LES 30 ANS DE LA TRIBUNE, SA RÉDACTION S’EST ESSAYÉE À CET EXERCICE DE FUTUROLOGIE EN CRÉANT 30 UNES ENRICHIES D’ARTICLES EXPLICATIFS QUI POURRAIENT SYMBOLISER LES GRANDES ÉTAPES ÉCONOMIQUES, SOCIALES, TECHNOLOGIQUES DU FUTUR. CES 30 ILLUSTRATIONS PROSPECTIVES « PUBLIÉES DANS NOTRE HORS-SÉRIE « RÉTROSPECTIVE SUR LE FUTUR », NOUS INVITENT À RÉFLÉCHIR SUR CE QUE SERA LE MONDE DE DEMAIN… UNE INVITATION À LAQUELLE ONT RÉPONDU DES CHEFS D’ENTREPRISE EN NOUS OFFRANT « © DR © DR Dix ans après sa conquête, en 2035, la planète Mars n’attire toujours pas la colonisation escomptée © DR LEUR VISION DU MONDE DANS LES TRENTE ANNÉES À VENIR. EXTRAITS. GILLES AUGUST NAJOUA ARDUINI-ELATFANI Dans trente ans, parce qu’on n’a pas le choix, les retraites sont capitalisées ; le taux de remboursement des dépenses de santé varie en fonction des revenus ; chacun doit changer de métier au moins trois fois dans sa vie ; nous ne vivons plus au prix d’un crédit remboursable par les enfants de nos enfants ; l’Europe est devenue fédérale. Dans trente ans, parce que la jeunesse le veut, le digital a transformé tous les métiers ; le savoir-faire collaboratif a pris le pas sur le savoir-faire individuel ; les technologies vertes ont ouvert les voies d’une nouvelle croissance ; la vie quotidienne est bouleversée par les objets connectés ; les réseaux ont remplacé les hiérarchies. Dans trente ans, parce que c’est déjà là, le clivage droite-gauche est devenu une antiquité ; la bioéthique a fléchi devant les prouesses médicales ; l’intime est devenu une bizarrerie ; le cancer a été vaincu ; la pensée de Mimi713 vaut celle de Paul Ricœur ; le troisième âge commence à 80 ans ; la liberté continue son interminable combat contre l’obscurantisme. Ni meilleur, ni pire : juste différent. 2015 aura été une année marquée par des événements dramatiques, qui malheureusement peuvent conduire à des amalgames et au renforcement de tendances qu’il faut combattre à tout prix : peur de l’altérité, repli sur soi, communautarisme ou entre soi. Or, nous ne devons pas céder à cela ! La France, dans trente ans, aura surmonté ses peurs et réussi à créer les conditions d’une société apaisée. Pour y parvenir, il aura fallu favoriser l’égalité des chances. La France aura alors donné une place à chacun de ses citoyens, elle aura admis que la diversité est une richesse et fait preuve d’exemplarité. Chacun à son niveau doit prendre ses responsabilités pour faire vivre au quotidien un idéal collectif dont les piliers d’humanité et de tolérance sont les valeurs de la République. En 2045, la France sera plus forte, car elle sera fière de ses citoyens, comme les Français seront fiers de la France. Associé fondateur chez August & Debouzy Présidente du Club XXIe siècle MARIE-CLAIRE CAPOBIANCO Directrice des réseaux France et membre du comité exécutif de BNP Paribas Dans le futur, notre rapport au temps, aux autres et à l’espace sera transformé, augmenté, enrichi. La technologie sera devenue fluide. Nous aurons connu la saturation d’un monde surconnecté puis nous aurons su rassembler et simplifier les signaux multiples des objets qui peuplent notre vie pour en arriver à une nouvelle intelligence au service de besoins essentiels, où les données auront trouvé leur utilité. Alors, resteront les vraies connexions, celles qui reposent sur l’humain, la rencontre et la petite étincelle d’une idée partagée et créatrice de progrès ! L’esprit d’entreprise aura gagné la planète. Entrepreneurs et intrapreneurs partageront l’envie de faire et d’oser. Dans ce futur riche d’échanges à tous les niveaux, confiance et sécurité seront, plus que jamais, des composantes indispensables. Mon métier, celui de banquier, y aura trouvé une légitimité supplémentaire : celle de la connexion des hommes, des entreprises, au cœur des écosystèmes. I 3 sur le futur LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR « « © DR JEAN-CHARLES DECAUX Président de JCDecaux La ville intelligente, durable et coconstruite n’est plus un rêve futuriste. Elle s’anime sous nos yeux dans le monde physique, autour des mobiliers connectés dont le design et l’ergonomie appellent au dialogue numérique. Ces balises urbaines reçoivent, hébergent, traitent et distribuent informations géolocalisées, conseils personnalisés, opportunités à saisir, messages de la communauté de quartier… Désormais, dans la cité en mouvement, le ballet des urbains s’organise, se fluidifie et s’enrichit grâce à ces services d’un nouveau genre au bénéfice des citoyens. L’exercice est naturel tant l’expérience du réel et du virtuel ne fait plus qu’un, tant la ville est familière et amicale, tant chaque mobilier urbain connecté contribue au vivre-ensemble. L’édition « collective » de La Tribune titre « JCDecaux atteint son objectif : la smart city est devenue la personal happy city ». L’édition « personnelle » y reviendra pour chacun. © DR Difficile d’imaginer le monde de 2045 face aux incertitudes économiques et à l’instabilité géopolitique actuelles. Une chose est sûre, les mutations démographique, environnementale, énergétique et numérique en cours vont radicalement changer sa physionomie. Le virtuel va élargir, presque à l’infini, le champ des possibles, raccourcir les distances, rapprocher les territoires et les continents, redessiner la ville et recomposer les mobilités. Le numérique va révolutionner nos modes de vie. En trente ans, le monde n’aura jamais autant investi dans les infrastructures. Des infrastructures intelligentes, connectées, économes en ressources et en énergie, et même productrices d’énergie. C’est là que se jouent les batailles économiques du futur et la compétition entre les territoires. À nous de ne pas rater ce virage, si nous voulons rester dans la course. AUGUSTIN DE ROMANET Président directeur général d’Aéroports de Paris 2045. Le monde n’a cessé de s’aplatir. Les progrès réalisés depuis les années 1980 dans le secteur des transports se sont poursuivis. La démocratisation du transport aérien s’est achevée, profitant aux nouvelles classes moyennes émergentes. Des biocarburants bon marché se substituant aux énergies fossiles ont permis d’accroître la vitesse de déplacement. Alors que la réalité virtuelle et la robotique sont partout dans nos vies quotidiennes, le besoin d’expériences réelles et de rencontres humaines n’a jamais été aussi fort. Au fil des décennies, le tourisme a connu un essor continu et s’est imposé comme l’un des principaux secteurs économiques du monde, représentant 15 % du PIB mondial, presque un doublement depuis 2015. Les différentes métropoles, toujours plus liées à leurs aéroports, rivalisent entre elles pour attirer ces touristes et voyageurs d’affaires. Unes de 2015 à 2045 MARC DONCIEUX Président directeur général et fondateur d’Europa Group. Le 13 novembre 2045 est la 30e célébration des attentats de Paris, qui ont marqué une inflexion politique majeure en Europe et dans le monde. L’Europe, dont le président français vient d’être élu pour son quinquennat unique, est unie pour toutes les fonctions régaliennes et bénéficie des formidables investissements réalisés au cours des trois dernières décennies dans l’éducation. Les enfants de 2015, devenus les cadres montants des entreprises et administrations en Europe insufflent cet état d’esprit fait de liberté d’entreprendre, de soif continue d’innovation, d’attention à l’autre et de souci de la préservation du bien commun. La numérisation continue de l’économie a produit les effets attendus, notamment en facilitant la vie quotidienne de chacun, laissant un temps important à la formation et l’information. Cette même digitalisation a renforcé la quantité et la qualité des échanges présentiels, l’envie de voyager et de rencontrer d’autres cultures, qu’elles soient professionnelles ou personnelles. © DR BRUNO CAVAGNÉ Président de la Fédération nationale des travaux publics HORS-SÉRIE © DR © DR L’avenir s’accélère vers une convergence des technologies EMMANUELLE DUEZ Cofondatrice de The Boson Project et WoMen’Up Huit cents signes pour rêver demain, 800 signes, ce n’est presque rien pour décrire tous les rêves que j’avais, 800 signes c’est presque trop dans le vide de ces rêves qui se sont envolés. Nous sommes le 17 novembre 2015 et il m’est demandé de partager avec vous ma vision du futur. J’aurais pu vous parler de révolution, d’audace, de mutation, de jeunesse, de vision. J’aurais dû mais je ne peux pas. Juste pour cette fois, je vais décliner. Pardon, mais je n’arrive plus à rêver demain. Ce monde qui est le mien, je crois que je n’en veux pas. Comme beaucoup, je me relèverai, comme beaucoup je m’engagerai, comme beaucoup je rêverai de nouveau car c’est d’utopie dont ce putain de monde a besoin, d’utopies incarnées, portées et déployées par des hommes et des femmes courageux. Mais ce soir, je n’ai pas de vision à partager, juste un souhait : avoir la chance de vivre dans un monde où les gens qui s’aiment voudront encore des enfants. « LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR « NICOLAS DUFOURCQ Directeur général de Bpifrance On aime tous prévoir mais on sait tous qu’on se trompe à coup sûr. Tromponsnous donc, en disant que la France de 2030, telle qu’elle peut être vue par Bpifrance, n’aura plus rien à voir avec la France d’aujourd’hui. Dans les quinze prochaines années, la destruction créatrice aura soulevé de nouveaux massifs et en aura englouti d’autres. Les emplois de service à la personne continueront d’exploser, ceux liés à la numérisation de l’économie aussi, y compris dans l’industrie, qui trouvera un nouveau sentier de croissance. De nombreuses barrières régulatoires auront été abattues, permettant de déployer de l’activité sur le territoire français dans de multiples secteurs. La France sera plus diverse, le chômage aura enfin baissé par adoption d’un mix des modèles sociaux de nos voisins britanniques, allemands et scandinaves. Les dossiers traités par Bpifrance seront beaucoup plus souvent représentés par des femmes, des Français de la diversité, des étrangers ayant choisi de venir faire fortune sur notre sol. La France restera le pays qui intègre le mieux ses populations d’origine étrangère. Paris sera reconnu comme l’une des cinq grandes cités mondiales de l’innovation et de la science. NICOLAS HAZARD Président de CalSo 2045. La fin de notre civilisation est imminente. Épuisement des ressources naturelles, explosion des inégalités, aucune civilisation avant nous n’a MEHDI HOUAS Président du groupe Talan Qui pourrait aujourd’hui prédire la façon dont nous vivrons dans cinq ans ? Mobiles, connectés, en communautés : tous les usages seront touchés, transformés, adoptés et révolutionnés. Inéluctablement, les industries perdent de leur pouvoir, les clients les forçant à se transformer ou à disparaître. Cette révolution est exaltante. Cependant, ces innovations doivent être anticipées et accompagnées afin de prévenir la peur d’une forme d’« orwellisation » de la société. L’innovation opérationnelle est présente au quotidien, notre contribution est d’accompagner cette transformation avec des hommes et des femmes passionnés qui excellent dans leurs analyses et pratiques, en cocréant avec nos clients des solutions adaptées à la société de demain. © DR survécu à cette double tension. Des Mayas aux Romains, en passant par les Huns, tous ont vu leur empire s’effondrer sous le poids d’une telle pression. Nous n’échappons pas à la règle. Notre civilisation capitaliste est, en cette année 2045, bel et bien arrivée à son terme. Tous les indicateurs montrent que nous sommes au bord de l’implosion sociale et écologique. L’affaire n’était pourtant pas si mal embarquée. Jamais dans l’histoire de l’humanité, le progrès technique n’avait connu un tel essor. Un changement de paradigme était donc possible : inventer et construire une nouvelle économie, à la fois inclusive et durable. Mais qu’avons-nous fait pour en arriver là ? © DR © DR Les effets du réchauffement climatique et les progrès de la science ont déplacé la culture du blé vers le Nord © DR 4 I JACQUES HUYBRECHTS Cofondateur de la Cité de la réussite et fondateur du Parlement des entrepreneurs d’avenir En 2045, la métamorphose du travail est accomplie… Le bureau ? Il n’y en a plus. La pénibilité ? Elle a disparu. Les chefs ? Ils n’existent plus. Mieux : nous sommes tous chefs. En 2045, on ne va plus au travail, c’est le travail qui vient à nous. Les métiers manuels et répétitifs, la plupart des services sont automatisés et effectués par la dernière génération de robots. Moins physique, moins fastidieux, le travail est agréable et créatif, et cela vaut mieux car on arrête de travailler plus tard, pour ne pas dire jamais : avec une espérance de vie qui dépasse les 100 ans, la retraite est repoussée au-delà de 80 ans. Le mot « carrière » est vidé de sons sens : la vie professionnelle alterne les périodes productives, les projets personnels et familiaux, les formations et les voyages. La moitié de la population active ne travaille plus, ou en intermittence. Chaque citoyen européen perçoit un revenu minimum de subsistance. Au fait, en quoi consiste le « travail » en 2045 ? Il conçoit des process de production respectueux de l’environnement, il développe de nouveaux produits en recyclant à l’infini les matières premières, il invente des expériences éducatives, culinaires, artistiques et culturelles. Responsabilisé, indépendant, partagé, plus agile aussi, le travail est enfin devenu plus humain, et il se met au service du bien commun et du bonheur de tous. I 5 © DR LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR PIERRE-MARIE LEHUCHER Président directeur général de Berger-Levrault Pourquoi j’ai épousé mon robot ? Il faut dire que nous nous sommes attachés l’un à l’autre, si vite : ma créativité poétique le désarçonne. Nos caractères, nos habitudes se sont accordés : il compense sans arrogance ma mémoire défaillante et je le nourris de mes connaissances. Il accomplit sans efforts toutes sortes de démarches pratiques, et je n’ai plus à m’inquiéter de tâches administratives. Je lui ai appris à choisir un bon vin, à reconnaître un parfum, à retenir ses commentaires, à choisir un film en fonction de l’humeur. J’aime lui apprendre de nouvelles recettes, et ses réactions constructives m’encouragent à prospérer. Il aime tracer ma route. La loi sur le mariage le permet dorénavant, nous nous sommes unis un jeudi à la mairie de Monweb. THIERRY JADOT Président Dentsu Aegis Network France, Benelux, Mena & Israël Les trois prochaines décennies vont nous précipiter dans l’ère d’une l’intelligence artificielle accessible, de machines apprenantes et autres robots domestiqués qui, associés aux sciences du vivant, feront entrer notre quotidien dans des dimensions inégalées de prévention, de prédiction et d’autonomie. Les nouveaux usages attendus des innovations technologiques qui s’immisceront jusque dans nos corps, changeront nos rapports à la mobilité, à la santé, à l’énergie, à l’espace, au travail, nous obligeant à réinventer nos façons d’être au monde et d’être aux autres. Ces mutations accélérées n’auront de sens que si elles servent l’amélioration de la qualité et de l’espérance de vie de tous. Les acteurs qui construiront cet avenir, et qui, pour la plupart, n’existent pas encore, ne réussiront à le rendre pérenne que s’ils placent l’homme et la nature qui l’accueille au centre de leurs projets. © DR FRANCK JULIEN Président d’Atalian Trente années peuvent paraître dérisoires à l’échelle de l’humanité, mais c’est une période considérable alors que la technologie connaît un développement exponentiel : il y a trente ans le Minitel se démocratisait et le CD venait concurrencer la cassette audio. Aujourd’hui, la mondialisation de l’information bouleverse déjà nos modèles économiques et sociétaux. Alors, quels scénarios pour 2045 ? Je suis convaincu que notre monde va profondément muter. Notre rapport à la technologie va s’adoucir, menant à une réelle collaboration entre l’homme et l’outil. Les infrastructures vont se muer en entités toujours plus connectées et intelligentes. Véritables neurones d’un réseau mondial, elles permettront de développer des services prédictifs et résolument tournés vers la personne. © DR © DR « Les années 2040 sont l’apogée de l’intelligence artificielle, devenue le moteur de notre vie quotidienne JEAN-PIERRE LETARTRE Président d’EY France EY a identifié six tendances à l’origine des transformations qui font voler en éclats les contours du monde tel que nous le connaissons, pour redessiner celui dans lequel nous vivrons demain ou dans un futur plus lointain : la révolution numérique, l’accélération de la mondialisation, l’urbanisation galopante, la prise de conscience de la limite de nos ressources, le développement de l’entrepreneuriat, et la prépondérance des sciences du vivant et des enjeux liés à la santé. Quel que soit le niveau de maturité des entreprises, savoir comment se transformer et quels leviers activer pour s’adapter, en intégrant ces ruptures profondes, est une question de survie. Les dirigeants qui considèrent leur entreprise comme un moteur du progrès économique autant qu’un partenaire du bien-être social sont et seront les plus performants sur leurs marchés dans trente ans. « 6 I PHILIPPE MONLOUBOU Imaginez qu’au début du XXIe siècle, nous ne faisions confiance qu’aux personnes que nous connaissions ! Notre réseau était extraordinairement limité. Aujourd’hui, en 2045, grâce aux outils créant la confiance entre particuliers sur Internet (notations, modération par les plateformes, identité et réputation digitales) notre réseau a été démultiplié à l’infini. La confiance décuplée a permis de tisser des liens entre des individus qui ne se seraient jamais rencontrés, et un partage de biens, de connaissances, de temps, de contenus ou d’argent à une échelle jusque-là inimaginable. Notre société s’est ainsi affranchie de clivages sociaux, culturels ou générationnels, et a démocratisé l’accès à des solutions plus adéquates, abordables, et innovantes, permettant une amélioration sans précédent de notre niveau de vie. Le réseau de distribution d’électricité a entamé, depuis plusieurs années, une profonde mutation vers un système plus dynamique, où les échanges se font à tous les niveaux : national, régional et local. Celui-ci s’adaptera à toutes les nouvelles consommations et les futures énergies douces. Le réseau électrique sera intelligent et communicant, se plaçant ainsi en facilitateur de tous les nouveaux défis. Je suis convaincu que les résultats de la transition énergétique et de la révolution technologique des compteurs Linky auront permis de connecter des milliers de nouveaux usages dont nous ne soupçonnons pas encore l’existence. L’électricité est sans aucun doute l’énergie du futur et la France sera à la pointe de ce secteur. © DR Président du directoire d’ERDF CÉDRIC MIGNON Directeur du développement Caisse d’Épargne Aujourd’hui, entre la Caisse d’Épargne et ses clients, ce sont plus d’un milliard de contacts annuels. Ce nombre va doubler dans les dix ans et la conversation deviendra plus numérique que physique. Cela nécessite de s’adapter, en intégrant les codes des startups et les outils digitaux, tout en continuant à renforcer la valeur ajoutée du conseil de proximité. Un atout majeur des banques est d’être notamment perçues comme le premier tiers de confiance face à l’émergence de nombreux et nouveaux acteurs digitaux. Cela sera très utile pour répondre aux besoins croissants des Français en matière de protection de leur identité numérique et de leurs documents. Les 500 000 clients Caisse d’Épargne qui ont ouvert un coffre-fort numérique en sont une première preuve, qui nous ouvre de nouvelles perspectives. « © DR FRÉDÉRIC MAZZELLA Président fondateur de BlaBlaCar NICOLAS MOREAU Président directeur général d’Axa France D’ici à 2070, tout le trafic aérien devra avoir basculé dans l’automatisme, ce qui suppose une fiabilité extrême des liaisons entre les avions « Faire des prévisions à trente ans est une chose délicate dans l’environnement bouillonnant qui est le nôtre. Dans les pays d’Europe, les habitants seront en majorité des séniors et la population hors solde migratoire va baisser, les classes moyennes vont se développer rapidement dans les pays en voie de développement, se regroupant dans des mégalopoles proches des côtes. La santé va faire des progrès considérables avec les avancées de la connaissance du génome, des biotechnologies et de la microchirurgie, entraînant une augmentation significative de la durée de vie. Le numérique, l’impression 3D et le traitement des données vont continuer à révolutionner à la fois notre industrie, nos services et les moyens d’accès pour le consommateur de ces produits et services : plus d’immédiateté, de sur-mesure et de choix… © DR © DR © DR LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR CARLOS MORENO Professeur, conseiller scientifique, spécialiste international de la ville intelligente Dans trente ans, Il y aura sur la planète 10 milliards d’habitants, dont 75 % d’urbains. Vivre dans une mégalopole et utiliser massivement des technologies sera un fait sociétal. L’âge médian aura atteint 50 ans et 38 % des gens auront plus de 60 ans. Parmi les dix grandes puissances démographiques, la seule occidentale sera les États-Unis. Les émissions de CO2 auront dû être divisées par deux pour que la Terre soit vivable. C’est un scénario qui se joue aujourd’hui. Un tournant où écosystème, frugalité, modernité, empathie et altérité riment avec qualité de vie, respect d’autrui et bienveillance. D’autres relations entre les hommes seront possibles si la technologie, la culture citadine et la manière de vivre ont rencontré en 2050 esprit et transcendance. Villes et sagesse ou villes et chaos ? L’écart est mince entre utopie et dystopie. « I 7 LA TRIBUNE - JEUDI 10 DÉCEMBRE 2015 - NO 154 - WWW.LATRIBUNE.FR « Directeur général de la Société générale Notre société dans trente ans ? Comment prévoir l’avenir à aussi long terme face à tant de mutations et d’incertitudes ? La révolution numérique s’accélère dans tous les pans de la société, laissant ouvert un champ d’innovations inimaginable. Les incertitudes économiques ne laissent pas entrevoir l’assurance d’un scénario de croissance linéaire. Quant aux instabilités géopolitiques, nous savons malheureusement qu’elles peuvent avoir des effets imprévisibles et dramatiques jusque sur notre propre territoire. L’avenir est incertain, mais, au nom des générations futures, nous avons le devoir et le pouvoir de le construire tous ensemble pas à pas. Donnons-nous un cap. Une France entreprenante et confiante dans une Europe forte, mieux intégrée, au profit de la paix, de la croissance et de l’emploi. Cultivons nos valeurs européennes ! © DR ALAIN PONS HERVÉ PUYBOUFFAT Président de Deloitte France et Afrique francophone, Deputy CEO Deloitte monde Président Tagerim Promotion L’humain au cœur de l’éducation… Nous avons longtemps sélectionné par les humanités, puis aujourd’hui par les maths. Je suis convaincu que la réforme de fond sera l’apprentissage de l’humain. La technologie est un prérequis dans un monde qui multiplie les interfaces de communication. Mais, si on n’apprend pas dès le plus jeune âge à maîtriser l’acte de communication grâce à l’empathie et à l’émotion, on risque le repli sur soi. On voit qu’aujourd’hui, notre utilisation des outils est un acte personnel. L’homme doit dominer la technologie et réapprendre le lien social. Nous devons apprendre à travailler ensemble. C’est pourquoi je crois au poids prépondérant des sciences humaines et sociales dans l’éducation. Il faut évidemment un socle technique. Mais, entre deux experts, celui qui saura faire preuve d’empathie sera le gagnant. La mutation énergétique des logements et des lieux de travail est en marche depuis dix ans, et de plus en plus présente dans la conscience collective et les débats publics nationaux et internationaux. Le bâti deviendra toujours plus respectueux de l’environnement, plus économe et sera même producteur d’énergie. Il est déjà d’une qualité d’usage sans cesse améliorée, et offre un plus grand choix dans le parcours résidentiel. Toutefois, un grand défi reste à relever pour que la France continue d’apporter sa pierre à l’édifice encore fragile de la protection de notre planète. Un antagonisme est apparu depuis la création de la loi sur la solidarité et le renouvellement urbain, entre la densification de nos villes face à leur talement et la population déjà établie. Espérons que nos élus, gestionnaires du droit des sols, placeront au-dessus de tous les autres critères la qualité environnementale à léguer à nos enfants. de manière très rapide, très efficace, et très simple grâce au numérique et au mobile. Avec le développement de la 3G et bientôt de la 4G, ainsi que la généralisation de smartphones bon marché, tous les outils sont en place pour un rattrapage économique massif de l’Afrique. Que l’on parle de e-commerce ou de m-commerce, de consommation de contenus, de services bancaires, d’accès à l’information, ou encore de besoins aussi essentiels que la santé, l’éducation ou l’agriculture, on ne mesure pas encore l’ampleur du progrès numérique que connaîtra l’Afrique dans les prochaines années. © DR FRÉDÉRIC OUDÉA THIBAUD SIMPHAL Directeur général d’Uber France © DR © DR © DR En 2045, la population mondiale dépasse les 9 milliards d’habitants STÉPHANE RICHARD Président directeur général d’Orange D’ici trente ans, il ne fait aucun doute que les technologies et les réseaux auront pris une place encore plus grande dans notre vie quotidienne, ils seront quasiment aussi nécessaires à l’activité humaine que l’est aujourd’hui l’accès à l’eau ou à l’électricité. L’Afrique est dans une situation très particulière. D’une part, les réseaux fixes y sont très peu développés, d’autre part, beaucoup d’Africains n’ont aujourd’hui pas accès à des services considérés comme basiques en Europe : commerce en ligne, services bancaires, divertissement. Ma conviction, c’est que ce retard peut se transformer en une véritable opportunité car tous ces services vont pouvoir se développer Il y a trente ans, en 1985, nul ne pouvait se douter que l’irruption d’Internet bouleverserait notre perception du temps et de l’espace aussi rapidement. Dans trente ans, en 2045, nul ne peut dire à quoi ressemblera précisément notre quotidien. Nous serons probablement connectés en permanence, monde réel et monde virtuel seront plus que jamais mêlés, la distance sera moins encore qu’aujourd’hui un obstacle, le temps gagnera encore en valeur. Le transport sera devenu simple, immédiat, évident. La difficulté et le stress des déplacements seront largement effacés par la technologie. Entreprise ou individu, il suffira d’un clic, d’un geste pour voyager, une expérience apaisée désormais consacrée à la détente, au travail ou à l’échange. Le futur auquel nous travaillons chez Uber ressemble à cela : un futur où la technologie continue de dompter l’espace et la distance au profit du temps. HORS-SÉRIE Rétrospective sur FUTUR le Les 30 Unes de demain L’ÉDITION COLLECTOR DE LA TRIBUNE L’ÉD IT N IO En vente > 250 pages sur le monde de 2015 à 2045 10.12.2015 DES 2015 2045