LA MISSION DE L`ADMINISTRATEUR AD HOC AU CONSEIL

Transcription

LA MISSION DE L`ADMINISTRATEUR AD HOC AU CONSEIL
LA MISSION DE
L’ADMINISTRATEUR AD
HOC
AU CONSEIL GENERAL 49
"Mettre l'enfant en danger
C'est mettre en péril l'avenir
de l'humanité tout entière"
Fondation SCELLES "la pédophilie"
Édition Erès – p. 19
Avant d'aborder la philosophie et la pratique développées au Conseil général 49,
je vais donner quelques informations sur l'administrateur ad hoc.
“ … l’administrateur ad hoc a été tout d’abord consacré par la loi du 6 avril 1910.
Sa désignation était prévue de manière générale en droit civil pour les mineurs dans un
souci de protection essentiellement d’ordre patrimonial, afin de protéger les biens de ces
derniers."
Peu à peu, l’administrateur ad hoc s’est vu élargir son champ d’intervention
d’abord sur le plan civil, puis sur le plan pénal et enfin récemment sur le plan
administratif. Ce que je vais développer concerne l'accompagnement dans la procédure
pénale.
En son article Art. 706.50, le code de procédure pénale précise : " Le procureur
de la république ou le juge d’instruction, saisi de faits commis volontairement à l’encontre
d’un mineur, désigne un administrateur ad hoc lorsque la protection de celui-ci n’est pas
complètement assurée par ses représentants légaux ou par l’un d’entre eux.
L’administrateur ad hoc assure la protection des intérêts du mineur et exerce, s’il y a lieu,
au nom de celui-ci les droits reconnus à la partie civile. En cas de constitution de partie
civile, le juge fait désigner un avocat d’office pour le mineur s’il n’en a pas déjà été choisi
un.
Les dispositions qui précèdent sont applicables devant la juridiction de jugement ”
Définition
Le terme ad hoc est une locution latine qui signifie “ pour cela ”, “ en remplacement
de ”. Cette expression s’applique “ à toute personne ou à tout organe à qui est assigné
une mission précise et momentanée et qui reçoit des pouvoirs limités à cette fin ”.
En l’absence de définition légale, je reprendrais celle de Geneviève Favre-Lanfray,
administrateur ad hoc, présidente de l’association Chrysallis et docteur en droit, cette
définition est, globalement, reprise dans la guide méthodologie édité par le ministère de
la Justice :
“ L’administrateur ad hoc est une personne, désignée par un
magistrat, qui se substitue aux parents pour exercer les droits
de leur enfant mineur non émancipé, en son nom et à sa place
et dans la limite de la mission qui lui est confiée. ”
-
En fait, il est demandé à l’administrateur ad hoc :
d’assurer la protection des intérêts du mineur,
d’exercer éventuellement les droits reconnus à la partie civile, il s'agit là de se
constituer partie civile (ex. : Christophe)
en cas de constitution de partie civile, de mandater un avocat pour assurer la
défense de l’enfant.
Une mission d’information lui revient également ainsi qu’une mission de soutien et
d’accompagnement dans la procédure pénale. Madame QUEMENER (chef de bureau
des politiques pénales générales (DACG)) indique que le législateur a voulu faire
également de l’administrateur ad hoc en quelque sorte le référent de la victime et son
accompagnateur tout au long de la procédure pour informer le mineur de son
déroulement et être à ses côtés pour constituer son soutien moral1 .
L’administrateur ad hoc avance sur un terrain balisé par les textes mais il peut,
sur de nombreux points, conduire sa mission selon des interprétations diverses.
Ainsi, madame FAVRE-LANFRAY explique qu’il ressort de la pratique,
plusieurs façons de concevoir la mission d’administrateur ad hoc :
 Certains ont une conception très restrictive de leur mandat et l’exercent à minima
estimant que leur rôle est purement formel, la finalité étant de permettre à l’avocat
qu’ils ont choisi d’intervenir pour le compte de l’enfant.
 D’autres s’investissent mais excluent l’enfant de la procédure. Pour eux, la justice est
une affaire d’adultes où les enfants n’ont pas leur place (...).
 Une autre conception, plus large mais aussi plus humaniste consiste à respecter
l’enfant. Dans les faits, cela consiste à entrer en relation avec lui, l’écouter et lui
restituer les raisons de décisions prises pour lui2.
Représenter un mineur, c’est (...) prendre sa place sur la scène juridique… Faut-il
alors l’exclure de toutes les décisions importantes qui le concernent ? Dans la mesure où
c’est lui qui supportera les conséquences de la décision judiciaire, n’est-ce pas, en ce
cas, une autre forme de violence que de le maintenir dans un état d’incapacité, c’est-àdire décider sans lui, contre lui ou pour lui, au nom de ses intérêts ?3 Les intérêts de
l’enfant dont il est question sont ceux liés à la procédure elle-même.4
C’est au sein de cette dernière conception que le Conseil
général 49 entend répondre à la mission d'administrateur
ad hoc qui lui est confiée par les différentes juridictions
compétentes dans chaque affaire.
1
Article de Myriam QUEMENER – La lettre de la Fondation pour l’Enfance – N° 31 – 3ème trimestre 2001 – p 6
2
Article de Geneviève FAVRE-LANFRAY – La lettre de la Fondation de l’Enfance – N° 31 – 3ème trimestre 2001 – p. 2
3
Contribution de Geneviève FAVRE-LANFRAY à "l'administrateur ad hoc" – Fondation de France – Edition ERES p. 33
4
Contribution de Yvon TALLEC à « L’administrateur ad hoc » - Fondation de l’Enfance – Editions ERES p 44
Cependant, comme le précise le guide méthodologique dont j'ai parlé : (…) Il est
souhaitable que l’administrateur ad hoc soit un véritable interlocuteur pour la victime (…)
mais ce dernier ne doit pas perdre de vue que sa mission est pédagogique et ponctuelle5.
La cellule "administrateur Ad hoc"
La cellule "administrateur Ad hoc", dans notre département, est née au moment
de l'affaire d'Angers. En effet, avant cette affaire les inspecteurs de l'ASE exerçaient ce
mandat en plus de leurs autres missions. Une réflexion était en gestation autour de
l'importance de séparer les deux fonctions : assistance éducative et administration ad hoc,
afin qu'elles se complètent mieux. L'affaire a accéléré le processus.
Un document a été écrit qui pose l’interprétation concernant le poste créé pour
accompagner les enfants dans les procédures pénales.
Nous avons basé notre philosophie sur des principes qui étaient déjà en cours
parmi les Inspecteurs de l'ASE. Nous sommes, aussi, allés voir ce qui se passait chez les
autres au travers de rencontres ou de lectures. En effet pour créer le poste, le Conseil
Général a fait le choix de prendre le temps de poser l'action
Pour accompagner au mieux les enfants : il nous faut éviter de rigidifier nos
pratiques, nos principes mais aussi éviter le flou qui les déstabilise.
1 - Le tout premier est : un enfant – une défense
C'est-à-dire que l'enfant a droit à une défense qui lui est propre.
Notre pratique se construit, donc, en fonction de chaque enfant avec des constantes :
Etablir la relation
Pour défendre les intérêts de chaque enfant et élaborer une défense pour chacun, il faut
connaître l’enfant. Or, cette connaissance ne peut se faire que si un lien de confiance se
noue avec l’enfant aussi faut-il établir une relation. Cela nécessite du temps, de la
régularité et si possible une proximité. : c'est bien souvent l'enfant qui nous guide dans
notre approche (ex. : Lydia est une enfant de 3 ans, quand je l'ai vue pour la première fois
elle est restée collée à sa référente et me tournait le dos, je l'ai rencontrée plusieurs fois
afin de faire ce que dit le renard au petit prince "apprivoise-moi", au bout d'un certain
temps, elle a pu venir voir son avocat, puis elle est, un jour, venue avec un dessin
représentant une prison, "Pourquoi, maman prison ?", nous avons pu commencer le travail,
elle était prête. Autre exemple : Cyril, avec cet enfant l'approche a été différente, il a été
nécessaire de poser des limites, ce qui a engendré de sa part beaucoup d'agressivité et de
discussions vives mais la confiance est née et aujourd'hui Cyril est un des enfants qui me
contacte le plus souvent.
Etablir la relation nécessite une certaine proximité quelque fois difficile à mettre en place
aussi au moment de la première rencontre, l’administrateur ad hoc remet son numéro de
téléphone à l’enfant afin que celui-ci puisse le joindre quand il aura des questions à poser.
En cas d’absence, l’administrateur ad hoc a l’obligation de rappeler l’enfant dès son
retour. (ex : imaginer que deux appels arrivent au bureau alors que je suis à l'extérieur,
celui de Cyril, l'enfant dont j'ai déjà parlé, et celui du Président du Conseil général, qui estce que j'appelle en premier en rentrant ?... Cyril)
5
Guide méthodologique édité par le ministère de la Justice – février 2003 – p. 28, 29, 30,31
Informer l’enfant
L’information est également nécessaire pour que la procédure fasse sens dans le
parcours de l’enfant.
A l'aide d'un outil que nous avons construit l'administrateur ad hoc se situe par rapport à
l'enfant et aux différents intervenants, Cet outil représente les acteurs de la procédure
pénale et de l’assistance éducative ainsi que le déroulement de la procédure. Il sert de
soutien au dialogue avec l’enfant pour répondre à ses questions et à ses demandes. Au fil
des rencontres, l'administrateur ad hoc présente les nouveaux acteurs de la procédure
(experts, juge d'instruction…). L’outil dont se sert l’administrateur ad hoc a été présenté à
tous les partenaires (avocat, référent ASE, référent des foyers, assistantes maternelles,
inspecteurs, psychologue) afin que chacun puisse s’y référer, si cela est nécessaire.
Si pour certains enfants cet outil s’avère un élément qui bloque la relation, il ne
servira pas. Si, par contre d’autres supports s’avèrent nécessaires (par exemple des
schémas …), ils seront à inventer en cours d’entretien. L’outil est là pour l’enfant.
(Sylvain/Dévy)
Entendre l’enfant
Ce qui ne veut pas dire, sous prétexte de son intérêt, faire porter à l’enfant le poids des
décisions qui reviennent à l’adulte. (ex : Sylvie – "je ne veux plus entendre parler de cette
histoire", Sylvie est concentrée aujourd'hui sur un événement plus important pour elle,
j'entends ce que tu me dis mais vu les actes de ton agresseur je vais me porter partie civile
pour toi et quand tu seras prête, nous en reparlerons).
Soutien
Lorsque l’enfant est convoqué pour une audition, une expertise ou tout autre acte de la
procédure, l’administrateur ad hoc s’assure, dans la mesure de ses moyens, que le
protocole est conforme à l’intérêt de l’enfant. Il rencontre l’enfant avant, pour lui donner
des explications.
Puis le jour de la convocation, l'administrateur ad hoc est présent pour accueillir l'enfant
sur place, lui présenter les personnes, pour le soutenir et le rassurer
2 – Equité de traitement
L'inscription de la cellule administrateur ad hoc dans le service public sous-tend,
évidemment, ce principe. Mais, il nous semble indispensable de le rappeler et de l'inscrire
dans le cadre de mission.
L’équité n’implique pas, obligatoirement, que tous
les enfants vivent les mêmes choses (d’autant que
celles-ci ne dépendent pas nécessairement de nous)
mais que chacun soit traité dans le respect de ses
droits.
3 – Eviter la confusion : ce principe qui est à la base de la création de la cellule.
Madame TETU (conseiller socio-éducatif exerçant la mission d’administrateur ad hoc au
sein du Conseil général de la Somme) précise que l’accompagnement bien délimité et
expliqué permet à chacun de rester dans sa spécialité et de renvoyer les questions au
professionnel concerné :

Le mandat éducatif habituel porte sur l’avenir des enfants, la relation parents/enfants,
l’apprentissage et/ou l’accès à une vie de famille différente. Alors que,

Le mandat administrateur ad hoc effectue l’accompagnement de(s) la victime(s) pour
des faits du passé ayant des répercussions dans leur quotidien6.
Je préciserais que pour marquer notamment la séparation des deux fonctions, la cellule de
l'administration ad hoc ne se situe pas dans les mêmes locaux que le service ASE dont elle
dépend mais à proximité de la DDSS.
4 – Réflexion concernant le positionnement du Conseil Général 49
Dès la création de ce poste, la question de la confrontation d'expériences et la réflexion ont
eut une part importante dans le fonctionnement de la cellule. L'élaboration du
positionnement de la cellule s'inscrit dans le mouvement qui va de la pratique à la
réflexion et vice versa.
Ainsi, pour les années précédentes, nous avons pu mettre en place :

2003/2004 Le cadre de mission et un outil pédagogique
 2004/2005 Un texte sur la pédophilie et les abus sexuels (en direction des avocats)
Pour l'année en cours, nous travaillons sur :
 2006
Un outil autour de l'argent : indemnisation/réparation
(en direction des enfants et des accompagnateurs des enfants)
Avant d'aborder le dernier point que sera ma conclusion, je voudrais dire
que l'administrateur ad hoc ne peut rien faire sans les partenaires, d'une part ceux qui
entourent l'enfant : parents (lorsque l'enfant est toujours chez lui), référent, assistante
familiale ou éducateur foyer… et d'autre part magistrat, avocat et policiers du côté de la
justice.
Pour accompagner un enfant notamment s'il a été blessé, il faut bien sûr un
accompagnement adapté, mais aussi :
- des adultes responsables, et
- du temps
Des adultes
Je dirais que les adultes lorsqu'ils sont dignes de ce nom, sont des personnes
sécurisantes en qui l'enfant peut avoir confiance et sur lesquelles, il va pouvoir s'appuyer
pour dépasser ses blessures et grandir.
Monsieur Christian GUERY, magistrat, explique : "Les personnages qui vont
entourer l'enfant après une révélation de sévices ont des fonctions définies : protection,
réparation, soutien, accompagnement ou recherche des preuves (…) Il appartient à
chacun de lui permettre de se repérer. L'enfant a peut-être moins besoin de loi ou de
juge que d'adultes qui tiennent leur place."7
Le temps
Enfin la dernière chose que je voudrais dire et la plus importante à mes yeux, c'est
que le Conseil Général nous a donné le temps.
Accompagner un enfant est une question de temps et non d'heures.
6
7
Article de Michèle TETU – La lettre de la Fondation pour l’Enfance – N° 31 – 3ème trimestre 2001 – p 4
Conférence de Mr GUERY, magistrat, lors de la 14ème journée de l' Afirem 15.03.2002 "La parole de l'enfant dans le procès pénal"
Pour essayer de vous faire comprendre ce que je veux dire, je vais faire ce que je
fais avec les jeunes enfants et vous raconter une histoire vraie :
Une journaliste raconte dans une émission à la télévision qu'elle a passé trois semaines en
Mongolie pour un reportage, elle était guidée par un vieux chaman. A la fin du séjour, elle
lui dit : "Bon, il est l'heure", alors le vieux chaman lui répond, malicieux "C'est vrai, vous,
les occidentaux vous avez l'heure mais nous, nous avons le temps."
Ces deux notions font appel à deux espaces distincts.
Le temps est présence et disponibilité, et dans notre société avec toutes les pressions que
nous subissons, reconnaissez qu'il est difficile d'atteindre cet espace-là.
L'heure, c'est l'organisation, les plannings et les procédures, attention, je ne suis pas en
train de dire qu'il faut tout supprimer et que cela n'est pas nécessaire,
Mais nous devons essayer d'articuler ces deux notions parce que je crois que
Cependant un enfant (et surtout s'il a été blessé) a besoin de notre présence et de les
enfants habitent l'espace temps.
En effet, ils ne peuvent pas nous attendre parce que, pour eux, chaque journée est une
occasion de grandir notre disponibilité