politique budgetaire dans l`uemoa : soutenabilite de la dette et
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politique budgetaire dans l`uemoa : soutenabilite de la dette et
UNIVERSITÉ FRANÇOIS – RABELAIS DE TOURS ÉCOLE DOCTORALE « Sciences de l'Homme et de la Société » [ G.E.R.C.I.E. ] THÈSE présentée par : D. Yvette-Armelle BÉAH soutenue le : 30 janvier 2015 pour obtenir le grade de : Docteur de l’université François–Rabelais de Tours et de l’université Félix Houphouët–Boigny d’Abidjan Discipline/ Spécialité : Sciences Economiques / Macroéconomie POLITIQUE BUDGETAIRE DANS L’UEMOA : SOUTENABILITE DE LA DETTE ET PERSPECTIVES DE FINANCEMENT THÈSE dirigée par : M. SEKA Pierre Roche M. SEMEDO Gervasio Maître de Conférences Agrégé, Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan. Maître de Conférences, HDR, Université François-Rabelais de Tours. RAPPORTEURS : M. EGGOH Comlan Jude M. MINEA Alexandru Maître de Conférences, HDR, Université d’Angers. Professeur des Universités, Université d’Auvergnes - Clermont Ferrand. JURY : M. EGGOH Comlan Jude M. MAGRIS Francesco M. MINEA Alexandru M. SEKA Pierre Roche M. SEMEDO Gervasio M. VILLIEU Patrick Maître de Conférences, HDR, Université d’Angers. Professeur des Universités, Université François-Rabelais de Tours. Professeur des Universités, Université d’Auvergnes - Clermont Ferrand. MCA, Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan. Maître de Conférences, HDR, Université François-Rabelais de Tours. Professeur des Universités, Université d’Orléans. A Mon regretté frère Jacques De Rogations BÉAH trop tôt disparu Mes vénérés parents Monique MONSÉ et Jacques BÉAH Toute ma famille. Pour les plus jeunes, que cette thèse soit une source supplémentaire de motivation au travail. 1 Remerciements Nos remerciements vont à l’endroit de toutes les personnes physiques et morales ayant contribué à la réalisation de cette étude : - Monsieur Gervasio SEMEDO, Maître de Conférence HDR, Professeur à l’Université François-Rabelais de Tours, qui a accepté de diriger ce travail. Sa constante disponibilité ainsi que ses orientations et suggestions témoignent de l'intérêt personnel et sincère qu'il a porté à l’achèvement de cette thèse. Nous retiendrons de lui le profil d’un homme rigoureux. Sincères remerciements Cher Maître ! - Monsieur Pierre-Roche SEKA, Maître de Conférences Agrégé en Sciences Economiques, Professeur à l’UFR Sciences Economiques et de Gestion (UFR-SEG) de l’Université Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan, pour n’avoir ménagé aucun effort en tant que co-directeur de cette thèse pour son aboutissement. - Le gouvernement ivoirien, représenté ici par la sous-Directrice des bourses hors Côte d’Ivoire dirigée par Madame Kadidia B. COULIBALY, pour avoir entièrement financé cette thèse, ainsi que le personnel de l’ambassade de Côte d’Ivoire en France. - Le gouvernement Français, pour avoir accepté notre intégration et pour l’appui financier qui nous a été accordé pendant notre formation en France. - Les représentants des universités François-Rabelais de Tours (France) et Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan (Côte d’Ivoire) pour avoir accepté de collaborer dans le cadre de notre cotutelle internationale de thèse. - Monsieur Jean ROSSETO, en son temps Directeur du GERCIE (Groupe d’Etude et de Recherche sur la Coopération Internationale et Européenne), pour avoir accepté et facilité notre intégration au sein du laboratoire, ainsi que pour tous ses encouragements. Le climat convivial et la logistique fournie par l’UFR-SEG de l’Université Félix HouphouëtBoigny d’Abidjan, avec à sa tête le Doyen Abdoulaye OUATTARA et ses vices, lors de notre 2 stage doctoral, nous ont permis de peaufiner notre travail de thèse dans de très bonnes conditions. Que tout le personnel administratif de l’UFR-SEG, Mme Viviane AKE particulièrement, trouve en ce travail le fruit de sa cordiale et sincère collaboration. Aussi, tenons-nous à remercier Monsieur Ibrahim DIARRA, Directeur du Centre Ivoirien de Recherches Economiques et Sociales (CIRES) d’Abidjan, pour nous avoir prêté un local dans le cadre de notre stage doctoral, ainsi que pour ses conseils et encouragements. Nous remercions tous les membres du jury pour avoir accepté de juger ce travail, y manifestant ainsi de leur intérêt. Nous ne saurons passer sous silence les contributions de tous nos bienfaiteurs : La famille AVIT, Mon oncle Lucien DOUZOUA et famille, Jean-Claude SOUGNINI ainsi que tous ceux qui ont contribué à la réalisation de ce travail. Recevez ici le témoignage de ma reconnaissance et de mon affection. 3 Résumé Nous avons voulu, au regard des effets négatifs du fardeau de la dette sur le développement des pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), analyser la soutenabilité de la politique budgétaire de cette union pour en ressortir, au-delà de la méthodologie officielle du Fonds Monétaire International (FMI), des propositions alternatives, correctives ou complémentaires à l'objectif de garantir la solvabilité à long terme des pays-membres et le financement de leurs déficits budgétaires. Pour se faire, notre méthodologie consiste, dans un premier temps, à présenter une analyse théorique et empirique de la soutenabilité de la dette publique de l’UEMOA, pour en ressortir l’impact de l’endettement sur les composantes essentielles de la balance des paiements. L’identité de la balance des paiements issue de la dynamique de la dette nous sert de cadre d’étude. Dans une seconde période, nous mesurons la soutenabilité en vue de dégager des marges de manœuvre nécessaires au financement du déficit budgétaire des pays de l’UEMOA. A ce sujet, le déficit primaire nous sert de variable cruciale car il est l’un des facteurs qui influencent l’évolution du ratio de la dette rapportée au PIB. Les résultats de notre analyse de la soutenabilité de la dette sur la période 1975-2012 ont montré que les pays de la zone UEMOA présentent des déficits budgétaires très prononcés, cause première de leur endettement massif, parce qu’ils n’ont pas de ressources suffisantes pour faire face aux exigences financières de la dette. Par ailleurs, les comparaisons entre le solde primaire soutenable calculé et le solde primaire observé sur la période 1985-2012 nous font dire que dans la plupart du temps, le déficit primaire observé exprimé en pourcentage du PIB est largement supérieur au ratio du déficit budgétaire souhaitable, ce qui traduit une non-soutenabilité de la dette. Cependant, les rares cas où les soldes budgétaires primaires ont été inférieurs aux seuils critiques de soutenabilité nous font espérer que les Etats de l’UEMOA peuvent dégager des excédents budgétaires primaires de sorte que leur montant permette de contrebalancer la différence qui existe entre le taux d'intérêt réel de la dette et le taux de croissance réel de l'économie. Comme vu dans les recommandations que nous proposons en fin d’analyse, ces résultats mettent en évidence le besoin de déployer des efforts soutenus pour diversifier l’économie en vue d’une soutenabilité accrue de la dette des pays de l’UEMOA ; et celui de renforcer les systèmes fiscaux nationaux et régional, dans le cadre du financement du développement de l’Union. 4 Abstract 5 Table des matières Remerciements ......................................................................................................................... 2 Résumé ...................................................................................................................................... 4 Abstract ..................................................................................................................................... 5 Table des matières .................................................................................................................... 6 Liste des tableaux et encadrés ................................................................................................. 8 Liste des figures ...................................................................................................................... 11 Liste des annexes .................................................................................................................... 14 Introduction .............................................................................................................................. 18 Première partie ANALYSES CONCEPTUELLE ET DESCRIPTIVE DE LA SOUTENABILITE : PED ET UEMOA .................................................................................. 30 Chapitre 1: GENERALITES DE LA POLITIQUE BUDGETAIRE ET PARTICULARITES DE L’UEMOA ......................................................................................................................... 31 1.1 La solvabilité et la soutenabilité : une gestion primordiale pour la viabilité de la politique budgétaire .............................................................................................................. 32 1.1.1 Analyse de la politique budgétaire ....................................................................... 32 1.1.2 Cadres conceptuels de la solvabilité et de la soutenabilité................................... 51 1.2 L’UEMOA : Configurations institutionnelles et évolutions économiques .............. 63 1.2.1 Création, organisation et fonctionnement de l’UEMOA ..................................... 64 1.2.2 Le pacte de stabilité, de croissance et de convergence : l’outil de régulation économique de l’UEMOA ............................................................................................... 74 Chapitre 2: HISTORIOGRAPHIE DE L’ENDETTEMENT DES PED ET SOLUTIONS AU PROBLEME DE SOUTENABILITE DE LA DETTE: SPECIFICITE DES PAYS DE L’UEMOA ............................................................................................................................... 96 2.1 Généralités sur les problèmes d’endettement des PED ............................................ 97 2.1.1 La dette : généralités ............................................................................................ 97 2.1.2 Genèse de la dette des PED et situation de l’UEMOA ...................................... 105 2.2 Tentatives de solutions aux crises de dette des années 1980 et 1990 dans les PED et dans l’UEMOA .................................................................................................................. 130 2.2.1 Les Plans d’ajustement structurel (PAS) ............................................................ 131 6 2.2.2 L’initiative Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) ................................................ 142 2.2.3 L’initiative d’allégement de la dette multilatérale (IADM) ............................... 157 Deuxième partie : ANALYSES THEORIQUE ET EMPIRIQUE DE LA SOUTENABILITE DE LA DETTE DANS UNE PRESPECTIVE DE FINANCEMENT DU DEVELOPPEMENT DES PAYS DE L’UEMOA ................................................................ 163 Chapitre 3: MISE EN EVIDENCE DES DETERMINANTS DE LA SOUTENABILITE ET ESSAI DE FINANCEMENT DU DEFICIT BUDGETAIRE : CAS DE L’UEMOA .......... 165 3.1 Dynamique de la dette et Soutenabilité : Cas de l’UEMOA .................................. 166 3.1.1 Dynamique de la dette : Identité de la balance commerciale et Analyse des déterminants de la soutenabilité ..................................................................................... 166 3.1.2 Approche empirique de la dynamique de la dette : cas de l’UEMOA ............... 177 3.2 Ajustement budgétaire souhaitable (ABS) pour une soutenabilité de la dette : Cas de l’UEMOA ........................................................................................................................... 190 3.2.1 Formulation du modèle : Analyses empiriques des dépenses publiques et du déficit primaire ............................................................................................................... 191 3.2.2 Application aux pays de l’UEMOA ................................................................... 203 Chapitre 4: SOUTENABILITE DE LA DETTE ET FINANCEMENT DU développement : l’UEMOA A L’EPREUVE DES FAITS ............................................................................... 219 4.1 La paradoxale Surliquidité bancaire de l’UEMOA face à un sous-financement de l’économie .......................................................................................................................... 220 4.1.1 Concepts de liquidité .......................................................................................... 221 4.1.2 Liquidité bancaire : règles et applications dans l’UEMOA ............................... 223 4.2 Le financement du développement dans l’UEMOA, des solutions envisageables 235 4.2.1 La gestion de la dette, une complémentarité au financement externe du développement ............................................................................................................... 235 4.2.2 La transition fiscale, une nécessité au financement interne du développement des pays de l’UEMOA .......................................................................................................... 243 Conclusion GENERALE........................................................................................................ 258 Bibliographie .......................................................................................................................... 270 Annexes .................................................................................................................................. 285 Résumé .................................................................................................................................. 315 Abstract ................................................................................................................................. 315 7 Liste des tableaux et encadrés Encadré 1 : La théorie budgétaire du niveau des prix .............................................................. 46 Tableau 1-1 : Moyenne des variables de solvabilité budgétaire et Rating dans les pays de l’UEMOA (2002-2012) .................................................................................................... 61 Tableau 1-2 : Critères de convergence comparés en UE et en UEMOA ................................. 83 Tableau 1-3 : Critères de convergence économique en zone franc. ......................................... 86 Tableau 1-4 : Etat de convergence dans l’UEMOA sur la période 2002-2012........................ 89 Tableau 1-5 : Convergence dans l’UEMOA : état de réalisation des critères en 2012 ......... 92 Tableau 2-1 : Ratios d’endettement. ...................................................................................... 101 Tableau 2-2 : Seuils d’endettement pour la dette publique extérieure selon le CVD. ........... 101 Tableau 2-3 : La dette externe publique et privée des pays en développement depuis 1980 . 110 Tableau 2-4 : Service de la dette publique en pourcentage des exportations de l’UEMOA : 1974 – 2010. ................................................................................................................... 121 Tableau 2-5 : Composition du stock de la dette totale de l’UEMOA sur la période 1971-2011. ........................................................................................................................................ 125 Tableau 2-6 : Tableau des soldes financiers de l'UEMOA (en Milliards de francs CFA courants) : de 1970 à 2012. ............................................................................................ 126 Tableau 2-7 : Prêts d’ajustement structurel, croissance et inflation dans les pays pauvres ayant perçu le plus grand nombre de prêts d’ajustement structurel. ........................................ 138 Encadré 2 : Facilité d’ajustement structurel renforcée (FASR) / Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance (FRPC). ............................................................................. 141 Tableau 2-8 : Récapitulatif des seuils de soutenabilité fixés par les IPPTE I et II. ............... 144 Tableau 2-9 : Liste des pays ayant rempli les conditions requises pour bénéficier de l'aide au titre de l'initiative PPTE, qui y sont admissibles ou potentiellement admissibles et souhaitent peut-être recevoir cette aide (en mars 2014). ................................................ 147 Tableau 2-10 : Initiative PPTE dans les pays de la zone CFA : dates clés et montants de réduction de la dette). ..................................................................................................... 150 Tableau 2-11 : Classement de la politique sur la dette par l’EPIN* de 2005 à 2013. ............ 152 Tableau 2-12 : Convergence en UEMOA au 31 décembre 2012 : critères 5 et 6. ................. 154 Tableau 2-13 : Champ d’application des pays de l’UEMOA bénéficiaires de l’IADM. ....... 159 8 Encadré 3 : Concept d’élément don........................................................................................ 173 Tableau 3-1 : Tests de stationnarité (de première génération) en panel sur les variables du modèle. ........................................................................................................................... 179 Tableau 3-2 : Résultats des tests de Cross-sectional dependance entre les déterminants de la dette au sein de l’UEMOA. ............................................................................................ 180 Tableau 3-3 : Résultats des tests de racine unitaire de deuxième génération sur les déterminants de la dette au sein de l’UEMOA. .............................................................. 182 Tableau 3-4 : Résultats des tests de corrélation résiduelle d’Arellano-Bond pour l’estimation du GMM en panel. ......................................................................................................... 183 Tableau 3-5 : Résultats des tests de sur-identification de Sargan et Hansen pour l’estimation du GMM en panel. ......................................................................................................... 184 Tableau 3-6 : Résultats des estimations du modèle par la méthode des moments généralisés (GMM) en système : liens entre la VAN de la dette et les composantes de l’écart de financement. ................................................................................................................... 185 Tableau 3-7 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette au Bénin : 19852011 ................................................................................................................................ 206 Tableau 3-8 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette au BurkinaFaso : 1985-2011 ............................................................................................................ 207 Tableau 3-9 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette en Côte d’Ivoire : 1985-2011....................................................................................................................... 208 Tableau 3-10 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette au Mali : 19852011 ................................................................................................................................ 209 Tableau 3-11 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette au Niger : 19852011 ................................................................................................................................ 210 Tableau 3-12 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette au Sénégal : 1985-2011....................................................................................................................... 211 Tableau 3-13 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette au Togo : 19852011 ................................................................................................................................ 212 Tableau 4-1 : Coefficients de réserves obligatoires applicables aux banques de l’UEMOA depuis novembre 1998 ................................................................................................... 224 Encadré 5 : Réglementation de l’UEMOA en matière de liquidité bancaire ......................... 226 Tableau 4-2 : Evolution de réserves excédentaires des banques de l’UEMOA : 2000-2012 228 9 Tableau 4-3 : évolution des crédits octroyés (en millions de francs CFA) par rapport aux dépôts en banques dans l’UEMOA : 2002 – 2013 ......................................................... 229 Tableau 4-4 : Composition des crédits bancaires à l’Economie(a) (en milliards de francs CFA) de l’UEMOA : 2002-2013.............................................................................................. 231 Tableau 4-5 : Structure des dépôts dans le secteur bancaire de l’UEMOA (en milliards de francs CFA) de 2002 à 2013 .......................................................................................... 233 Tableau 4-6 : Système de taxation dans le cas d’opérations intracommunautaires de l’UEMOA. ...................................................................................................................... 256 10 Liste des figures Figure 1-1 : Illustration du multiplicateur budgétaire .............................................................. 35 Figure 1-2 : Illustration de l'effet boule-de-neige de la dette ................................................... 37 Figure 1-3 : Illustration de l’équivalence ricardienne .............................................................. 39 Figure 1-4 : Coordination à plusieurs pays : cas de deux pays ................................................ 49 Figure 1-5 : Schéma de fonctionnement de l’UEMOA............................................................ 70 Figure 1-6 : PIB par habitant en dollars (US) courants des pays de l'UEMOA de 1994 à 2012. .......................................................................................................................................... 80 Figure 1-7 : UEMOA : Balance extérieure des biens et services sur la période 1980-2012 .... 81 Figure 2-1 : La spirale de l’endettement des Pays en développement. .................................. 108 Figure 2-2 : Service total de la dette extérieure et Aide publique des Pays à revenu faible et intermédiaire : 1970-2010 .............................................................................................. 112 Figure 2-3 : Service total de la dette extérieure et Aide publique des Pays d’Afrique subsaharienne : 1970-2010 ............................................................................................. 113 Figure 2-4 : Service total de la dette extérieure et Aide publique des Pays de l’UEMOA : 1970-2010....................................................................................................................... 113 Figure 2-5 : Cours des matières premières de l’UEMOA en milliards de francs CFA de 1980 à 2013 ................................................................................................................................ 118 Figure 2-6 : Evolution du stock de dette de l’UEMOA en dollars : 1971 – 2011.................. 120 Figure 2-7 : Evolution du stock de dette de l’UEMOA en francs CFA : 1971 – 2009. ......... 120 Figure 2-8 : Représentation de l’endettement extérieur des administrations publiques en pourcentage du PIB sur la période 1970-2011 en UEMOA........................................... 122 Figure 2-9 : Moyennes, sur la période 1971-2011, de dettes bilatérale et multilatérale en pourcentage de la dette extérieure publique des pays de l'UEMOA .............................. 124 Figure 2-10 : Composition du stock de la dette totale de l’UEMOA sur la période 1971-2011. ........................................................................................................................................ 125 Figure 2-11 : Evolution du Solde budgétaire global (avec dons et hors dons) de l’UEMOA en pourcentage du PIB: 1970-2012. .................................................................................... 127 Figure 2-12 : Dette sur PIB et Déficit sur PIB au Bénin : 1980-2012* .................................. 128 Figure 2-13 : Dette sur PIB et Déficit sur PIB au Burkina-Faso : 1980-2012* ...................... 128 11 Figure 2-14 : Dette sur PIB et Déficit sur PIB en Côte d’Ivoire : 1980-2012* ...................... 128 Figure 2-15 : Dette sur PIB et Déficit sur PIB au Mali : 1980-2012* .................................... 128 Figure 2-16 : Dette sur PIB et Déficit sur PIB au Niger : 1980-2012* .................................. 129 Figure 2-17 : Dette sur PIB et Déficit sur PIB au Sénégal : 1980-2012* ............................... 129 Figure 2-18 : Dette sur PIB et Déficit sur PIB au Togo : 1980-2012* ................................... 129 Figure 2-19 : PIB par habitant (en US$ courants) des pays de l'UEMOA de 1980 à 2000 (période PAS - Plan d’ajustement structurels) : ............................................................. 139 Figure 2.20 : Carte des Pays potentiellement bénéficiaires de l’initiative PPTE renforcée de 1999 ................................................................................................................................ 143 Figure 2-21 : UEMOA : service de la dette extérieure totale en % de PIB, de 1996 à 2012. 151 Figure 2-22 : UEMOA : Dépenses publiques de santé en % de PIB, de 1996 à 2012. .......... 151 Figure 3-1 : Structure de la Balance des paiements ............................................................... 169 Figure 3-2 : Evolution du ratio de valeur actualisée de la dette par rapport aux exportations dans l’UEMOA, sur la période 1975 – 2011 .................................................................. 189 Figure 3-3 : Evolutions comparées du ratio de valeur actualisée nette de la dette par rapport aux exportations (VAN/X) et du solde budgétaire de base en pourcentage du PIB, 2001 – 2011 ................................................................................................................................ 189 Figure 3-4 : Comportement des ratios d’endettement et de solde primaire dans le cas de taux d’intérêt de la dette supérieur au taux de croissance : 𝑟 > 𝑔 ......................................... 195 Figure 3-5 : Comportement des ratios d’endettement et de solde primaire dans le cas de taux d’intérêt de la dette inférieur au taux de croissance : 𝑟 < 𝑔 .......................................... 195 Figure 3-6 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette au Bénin : 19852011 ................................................................................................................................ 206 Figure 3-7 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette au Burkina-Faso : 1985-2011....................................................................................................................... 207 Figure 3-8 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette en Côte d’Ivoire : 1985-2011....................................................................................................................... 208 Figure 3-9 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette au Mali : 19852011 ................................................................................................................................ 209 Figure 3-10 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette au Niger : 19852011 ................................................................................................................................ 210 Figure 3-11 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette au Sénégal : 1985-2011....................................................................................................................... 211 12 Figure 3-12 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette au Togo : 19852011 ................................................................................................................................ 212 Figure 3-13 : Ajustement budgétaire nécessaire et dépenses publiques au Burkina-Faso ..... 215 Figure 3-14 : Ajustement budgétaire nécessaire et dépenses publiques en Côte d’Ivoire ..... 215 Figure 3-15 : Ajustement budgétaire nécessaire et dépenses publiques au Mali ................... 216 Figure 3-16 : Ajustement budgétaire nécessaire et dépenses publiques au Sénégal .............. 216 Figure 3-17 : Ajustement budgétaire nécessaire et dépenses publiques au Togo .................. 217 Figure 4-1 : Structure des crédits accordés par le système bancaire au sein de l’UEMOA : 2002-2013 ....................................................................................................................... 231 13 Liste des annexes Annexe 1 : Tableau A.1, de repères géographiques et économiques des pays de la Zone UEMOA (année 2013, constant 2005) ........................................................................... 286 Annexe 2 : Tableau A.2 de ratios d’endettement extérieur des pays de l’UEMOA, de 1972 à 2012 ................................................................................................................................ 287 Annexe 3-A : Classification des Pays selon le revenu par la Banque Mondiale : décembre 2010 ................................................................................................................................ 288 Annexe 3-B : Classification des Pays selon le revenu par la Banque Mondiale : décembre 2013 ................................................................................................................................ 291 Annexe 4-A : Tableau A-3 des termes de Lyon et de Cologne, relatifs à l’initiative PPTE .. 293 Annexe 4-B : Tableau A-3 des termes de Lyon et de Cologne, relatifs à l’initiative PPTE (suite) .............................................................................................................................. 294 Annexe 5 : Tableau A-4 des étapes du processus de l’initiative PPTE.................................. 295 Annexe 6 : Encadré A-1 relatif au document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) ........................................................................................................................................ 296 Annexe 7 : Pacte de convergence de l’UEMOA .................................................................... 299 Annexe 8 : Règlement N° 07/2006/CM/UEMOA portant adoption des modalités de calcul du solde budgétaire de base corrigé des ressources PPTE et des dons budgétaires ............ 309 Annexe 8-1 : Méthode au « prorata » d’estimation des dépenses courantes, de la masse salariale et des dépenses d’investissement financées par les dons budgétaires .............. 312 Annexe 8-2: Formules de calcul des critères corrigés des dons budgétaires et des ressources PPTE .............................................................................................................................. 313 Annexe 8-3: Statistiques auxiliaires à renseigner dans les TOFE des Etats membres en vue du calcul des indicateurs complémentaires* ........................................................................ 314 14 Liste des acronymes ABN : Ajustement budgétaire nécessaire ACP : Afrique, Caraïbe et Pacifique ADI : Africa Developpement Indicators AID : Agence Internationale de Développement AMGI : Agence Multilatérale de Garantie des Investissements APD : Aide publique au développement APE : Accords de partenariat économique ASS : Afrique subsaharienne ASS- : Afrique subsaharienne hors Afrique du Sud BCE Banque Centrale Euopéenne BCEAO : Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest BEN : Bénin BFA : Burkina-Faso BIRD : Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement BM : Banque Mondiale CAD : Comité d’aide au développement CADTM : Comité pour l’annulation de la dette du Tiers-Monde CDL : Créances douteuses et litigieuses CEDEAO : Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale CIRDI : Centre International pour le Règlement des Différends Relatifs aux Investissements CFA : Communauté Financière d’Afrique CIV : Côte d’Ivoire CNO : Centre-Nord-Ouest CNUCED : Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement CONCORD : Confédération européenne des ONG d'urgence et de développement CSLP : Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté 15 CVD : Cadre de viabilité de la dette DPPG : Dette publique et publiquement garantie DSRP : Document de stratégies de réduction de la pauvreté DTS : Droits de tirages spéciaux EPIN : Evaluation de la Politique et des Institutions Nationales FAfD : Fonds africain de développement FASR : Facilité d’ajustement structurel renforcée FMI : Fonds Monétaire International FRPC : Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance IADM : Initiative d’allégement de la dette multilatérale IBW : Institutions de Bretton-Woods IFI : Institutions Financières Internationales IPPTE : Initiative Pays Pauvres très Endettés LIBOR : London Interbank Offered Rate MCO : Moindres carrés ordinaires MLI : Mali MMG : Méthode des moments généralisés NER : Niger NPV : Net Present Value OCDE : Organisation de coopération et de développement économique OMC : Organisation Mondiale du Commerce OMD : Objectifs du millénaire pour le développement ONU : Organisation des Nations Unis PRFI : Pays à revenu faible et intermédiaire OPEP : Organisation des pays exportateurs de pétrole PAS : Plan d’ajustement structurel PCSCS : Pacte de Convergence, de Stabilité, de Croissance et de Solidarité PDE : Procédure de déficit excessif PED : Pays en développement 16 PIB : Produit intérieur brut PFR : Pays à faible revenu PMA : Pays les moins avancés PME : Petites et moyennes entreprises PRGB : Plan de renforcement de la gestion budgétaire PTF : Programme de transition fiscale PVC : Present value constraint (VAN en français) SBB : Solde budgétaire de base SEN : Sénégal SFI : Société Financière Internationale SPO : Solde primaire observé SPS : Solde primaire soutenable TMEI : Taux marginal effectif d’imposition TEC : Tarif extérieur commun TCN : Taux de change nominal TCR : Taux de change réel TGO : Togo TVA : Taxe sur valeur ajoutée UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine UNESCO : United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization VAN : Valeur actualisée nette WDI : World Development Indicators 17 INTRODUCTION 18 Face aux difficultés, voire l’incapacité de certains pays à honorer leurs engagements de remboursement de la dette, la question de la maîtrise de l’endettement public et du déficit budgétaire est depuis plusieurs années, d’actualité dans le monde. Les pays de la zone UEMOA - Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine - ne sont pas épargnés et ont du mal à satisfaire de manière soutenue aux critères du Pacte de Stabilité, de convergence et de Croissance. En effet, la dette publique extérieure des pays de l’UEMOA n’a cessé d’augmenter depuis les indépendances, si l’on écarte les remises de dettes et l’initiative Pays Pauvres Très Endettés (PPTE). Cette progression est le résultat de cycles des taux de croissance, de la fragilité des épisodes de croissance par rapport aux taux d‘intérêt d’emprunt, mais également de la persistance d’énormes déficits budgétaires, ou de problèmes d’instabilité institutionnelle. Alors que dans les années 70, le miroir de l’endettement explosif sévit déjà dans les pays d’Amérique Latine confrontés aux organismes multilatéraux (le FMI et la Banque Mondiale) et à la mise en place de politiques de stabilisation et de dévaluation des taux de change, la question de l’endettement n’est pas encore à l’ordre du jour pour les pays africains. Mais dès la fin de la deuxième crise pétrolière du vingtième siècle, une crise économique et financière très sévère s’impose aux pays en développement et n’épargne pas les pays de l’Union Monétaire Ouest-Africaine (UMOA). Ces derniers sont alors en union monétaire totale entre eux et en union monétaire partielle avec la France, conformément aux termes de l’accord de coopération monétaire du 4 décembre 1973 entre la France et les pays membres de l’UMOA. Précisons que par cet accord, l’État français garantissait la convertibilité du franc de la Communauté financière africaine (franc CFA)1 émis par la banque centrale de l’Union, Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest - BCEAO -, en lui consentant un droit de tirage illimité sur un compte d’opérations ouvert auprès du Trésor français et ce, à condition que la Banque centrale dépose sur ce compte d’opérations une fraction de ses avoirs extérieurs nets2 (réserves de change). Par la suite, déterminés à se conformer aux principes d'une économie de marché ouverte, concurrentielle et favorisant l'allocation optimale des ressources, les pays membres décident de compléter à cet effet l'Union Monétaire Ouest 1 Le franc CFA est la monnaie convertible créée par la France et mise en circulation dans les pays d’Afrique de la zone franc. Son ancienne parité : 1 FF = 50 F CFA, est demeurée inchangée de 1945 au 11 janvier 1994. Elle est alors passée à 1 FF = 100 F CFA, soit 655,957 euros. 2 En 2005, le cadre institutionnel de la gestion des réserves de change a connu des aménagements avec notamment l’abaissement de 65% à 50% de la fraction des avoirs en devises que la BCEAO doit conventionnellement déposer sur le compte d’opérations. 19 Africaine (UMOA) par de nouveaux transferts de souveraineté et de la transformer en Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), dotée de compétences nouvelles : l’UMOA devient UEMOA en janvier 1994. La France est donc en union monétaire partielle avec une union monétaire dont la banque centrale est elle-même sous tutelle du Trésor français. Ainsi, les devises d’une union monétaire, notamment l’UEMOA, sont arrimées à celles d’un pays qu’est la France : le franc CFA a une contrevaleur à parité fixe avec le franc français et partant, avec l'euro dont la valeur est garantie par le Trésor public français. Or il ne devrait normalement pas y avoir d’autorités au-dessus d’une Banque centrale, surtout en union monétaire (Pouemi, 1979)3. En vertu de la garantie de convertibilité illimitée qu’elle accorde, la France s’engage, par exemple en cas d’impossibilité pour les États de la sous-région d’assurer en devises le paiement de leurs importations, à apporter les sommes nécessaires en francs français (aujourd’hui, euros). Concrètement, Les avoirs extérieurs des pays membres de chacune des zones, résultant des opérations d'importation et d'exportation publiques ou privées qu'ils réalisent, ainsi que des transferts financiers des opérateurs, sont centralisés, au moins à hauteur de 65 % (devenu 50% depuis 2005), dans un compte ouvert auprès du Trésor français. Cette centralisation permet l'exercice de la garantie illimitée du franc CFA par la France. Effectivement, en cas de situation créditrice, ce compte est rémunéré au profit des Etats africains membres. En cas de déficit, une rémunération est également prévue, dans certaines conditions, au profit de la France. Les Etats membres peuvent ainsi acquérir du « franc français » quelle que soit la situation négative de leur balance des paiements. Pour ce qui est de l’UEMOA, les statuts de la BCEAO précisent que « lorsque les disponibilités en compte d'opérations présentent une évolution qui laissera prévoir leur insuffisance pour faire face aux règlements à exécuter, elle devra alimenter le compte d'opérations par prélèvement sur les disponibilités qu'elle aura pu se constituer en devises étrangères autres que le franc, demander la cession à son profit, contre francs CFA, des devises détenues par les organismes publics ou privés des pays membres (pratique dite du 3 Pouemi affirme que cette configuration institutionnelle d’ « une banque centrale dépendante d’un Trésor au travers d’accords de compensations monétaires et de garanties supposées illimitées » est un fait unique dans l’histoire des regroupements monétaires. 20 « ratissage »), et invitera les Etats membres à exercer leurs droits de tirage sur le Fonds monétaire international. En conclusion, Le compte d'opération de l’Union ouvert auprès du Trésor français doit être considéré avant tout comme une procédure de gestion de la solidarité monétaire : c'est le cas entre les Etats eux-mêmes par la centralisation et c'est le cas dans leurs rapports avec la France par les mécanismes d'alimentation. Or cette supposée « garantie illimitée » n’a pas toujours été opérationnelle, car tous les pays membres de la zone franc - UEMOA ET CEMAC4 y compris - n’ont pas vu leurs problèmes d’endettement résolus de manière bilatérale avec la seule France. En effet, bien que déposant leurs avoirs extérieurs auprès du Trésor Français à hauteur de 65%, ces pays ont dû se présenter devant les autorités de Bretton-Woods que sont le Fonds Monétaire international (FMI) et la Banque Mondiale (BM), pour trouver des solutions financières à leur problème d’endettement. Comment en-est-on arrivé là ? Aux lendemains de la Guerre mondiale, les accords de Bretton-Woods réorganisent les marchés internationaux de capitaux en privilégiant, pour l'assistance aux pays en développement (PED), les formes de financement directes, sans l’intermédiaire des institutions financières privées. Ainsi, dans les années 50 et 60, ce sont les gouvernements des pays occidentaux ainsi que les institutions de Bretton-Woods et leurs filiales qui apportent l'essentiel des capitaux extérieurs. Les années 70 constituent une période pendant laquelle les pays industrialisés ont alloué des prêts aux pays en voie de développement et ce, sans se préoccuper de leur capacité de remboursement, les rendant ainsi « artificiellement solvables ». Mais pendant la décennie 70, la primauté accordée aux sources officielles de financement n’était plus d’actualité. Survient alors un renversement des tendances dans les structures des différentes sources de financement : les sources gouvernementales font place aux marchés privés. Il s’en suit, pour l’Afrique subsaharienne, une diminution de la part de la dette accordée à des conditions concessionnelles : de 60 % de la dette totale en 1970, la dette 4 Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale. 21 concessionnelle5 tombe à 40 % à la fin de 1979. L’accroissement de la dette dans les années 70 est donc avant tout une progression spectaculaire des prêts des banques commerciales à destination des pays en développement (PED). Ce recours à l'endettement extérieur qui s'accentue fortement avec le premier choc pétrolier, va perdurer tout au long de la décennie, même lorsque, avec l'accélération de l'inflation occidentale, le prix réel du pétrole chute. En 1973, la dette totale des pays en développement atteint déjà 111 milliards de dollars alors qu’elle était de 67 milliards de dollars en 1970. La dette des PED a commencé à s’accroître peu avant le premier choc pétrolier, mais s'est rapidement accéléré par la suite. La période 1973-1979 est caractérisée par les réactions très variées des différentes zones de l'économie mondiale aux désordres créés par la première hausse des prix des produits pétroliers. Les pays en développement qui importent leur énergie - dont le coût est multiplié par quatre - voient leur déficit courant passer de 11 milliards de dollars en 1973 à 37 milliards en 1974, et 46 milliards en 1975, du fait de la hausse des prix du pétrole (Kessler, 1990). Ces déficits ont plus que doublé en deux ans car favorisés par des financements disponibles : les pays en développement profitent d'un accès facile aux capitaux bancaires privés pour régler leurs factures pétrolières et importer massivement des pays occidentaux. Par ailleurs, les pays exportateurs de pétrole comme le Mexique décident de moderniser leurs capacités d'extraction et de raffinage en mettant en place des infrastructures industrielles d'envergure à gros frais grâce à des prêts obtenus sans aucune difficulté, prêts dont les sommes dépassent énormément les moyens internes. Il se présente, pour ainsi dire, un double laxisme à la suite du premier choc pétrolier : D’un côté, des créanciers qui, pour faire face au recyclage des eurodollars6, puis des pétrodollars, ont développé auprès des PED une activité de prêt qui s'est avérée d'autant moins rigoureuse que la concurrence interbancaire faisait rage (il fallait absolument octroyer des 5 Il s’agit de prêts qui sont assortis de conditions plus avantageuses que les prêts commerciaux (taux d’intérêt plus bas et période de grâce et échéance plus longues). Ces prêts peuvent être considérés comme comportant un élément don (qui correspond à la bonification d’intérêts) et un élément prêt commercial (en particulier l’obligation de remboursement intégral). 6 Avoirs en dollars détenu par des ressortissants extérieurs aux États-Unis et déposé dans une banque Européenne. (L'euro-dollar est l'une des eurodevises). La limitation des taux d’intérêts créditeurs aux États-Unis a incité les financiers américains à chercher des placements plus rémunérateurs hors de leurs frontières (ils recherchaient surtout une meilleure différence entre taux créditeurs et taux emprunteurs). . 22 crédits pour pouvoir rémunérer les placements des pays exportateurs de pétrole), et que les Etats des pays en développement étaient considérés comme solvables. De l’autre côté, des pays endettés qui, au lieu d’utiliser les crédits obtenus pour financer des investissements productifs susceptibles de renforcer leur capacité exportatrice et de générer les flux de devises nécessaires au remboursement de la dette, ont préféré se lancer dans des programmes d'investissement à rentabilité douteuse et souvent inadaptés aux besoins locaux. Par ailleurs, les politiques anti-inflationnistes menées par les pays industrialisés à la fin des années 70 se sont traduites par une poussée des taux d'intérêt très préjudiciable aux pays endettés. Le LIBOR (London Interbank Offered Rate)7 à trois mois est passé d'environ 11% début 1979 à près de 20% à la mi-1981 (D'Arvisenet, 1989). En effet, la dette des PED étant contractée presque exclusivement à taux variable, ces pays se sont vus étouffés par le fardeau que constituait désormais la charge de la dette. Aussi, ces politiques ont-elles entrainé le ralentissement très sensible de l'économie mondiale qui a entraîné une baisse des cours des matières premières et, par conséquent, une diminution des exportations des PED, si bien qu’une pénurie en devises est apparue pour les pays débiteurs. Si entre 1973 et 1979, dans les PED, la dette a augmenté de plus de 400%, le PNB ne s’est accru que de 250% et les exportations de biens et service, de 300%. Malgré ces évolutions, la dette de l'ensemble de ces pays paraît encore limitée en 1979 puisqu'elle ne représente que 125% des recettes courantes de cette année-là et que son service absorbe en moyenne 12,7% de ces recettes, en hausse d'un peu plus de trois points et demi par rapport à 1973. Toutefois, ces chiffres globaux masquent des disparités extrêmement fortes d'une région à l'autre. L’Amérique Latine présente le ratio le plus préoccupant : dès 1979, la dette du Mexique atteint 267% de ses recettes et son service en absorbe déjà 63%. Au début des années 80, l’augmentation brutale des taux d’intérêts mondiaux et la chute du prix des matières premières plongent les pays du Sud dans une situation économique intenable, le premier facteur augmentant considérablement le coût des emprunts contractés, le second diminuant les recettes qu’ils peuvent consacrer au remboursement. Les taux d’intérêt 7 Le London Interbank Offered Rate est un taux d'intérêt auquel les banques peuvent contracter des emprunts dans une norme commercialisable - à d'autres banques sur le marché interbancaire de Londres. C’est le taux d’intérêt de référence le plus utilisé pour les opérations en dollars sur le principal marché d’eurodevises qu’est le marché londonien. Fixé de façon quotidienne par l'Association des Banquiers Britanniques (ABB), le LIBOR est une moyenne des taux prêteurs de seize banques (les mieux cotées dans le monde) sur le marché interbancaire londonien, pour des prêts importants avec des échéances allant d’un jour à une année entière. 23 de la dette des pays en développement étaient alors bien supérieurs aux taux de croissance de leurs exportations. Conséquence : l'encours de la dette publique totale des PED quadruple dans les cinq années qui séparent les deux chocs pétroliers (1974 – 1979) pour atteindre 457 milliards de dollars à la fin 1979. Il s’en suit une spirale infernale pour ces pays contraints de contracter de nouveaux prêts pour rembourser les premiers. Ce phénomène aboutit en 1982 à l’annonce par le Mexique de sa situation de cessation de paiement. De nombreux pays suivront : c’est le début de la crise d’endettement. Les pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) n’échappent pas à ces perturbations économiques d’origine extérieure. Dans la zone UEMOA, le ratio dette sur PIB, est passé d’une moyenne de 16,37% en 1970 à 36,17% en 1980 avec 85,31 au Togo, 42,52 en Côte d’Ivoire et 37,17% au Mali. Le service de la dette extérieure absorbe une part de plus en plus importante des recettes d'exportation: entre 1981 et 1985, la moyenne en zone UEMOA était de 15,80 contre 4,31 en 1974. En 1986, 17,31% des recettes d'exportation de la zone étaient consacrés au service de la dette. Au milieu des années 80, les difficultés de trésorerie face aux besoins de financements grandissants ont astreint les Etats de l’UEMOA à recourir massivement aux sources de financements extérieurs, entraînant ainsi une augmentation du rapport de la dette publique au PIB. En 1985, la moyenne du taux d’endettement extérieur a atteint dans l’ensemble des pays de l’UEMOA un niveau record, soit environ 74,57% du PIB. Et l’on constate sur la période de 1986 à 1994 une augmentation du rapport de la dette publique au PIB8, allant de 70,55 à plus de 100% (108,59 en 1994) pour ensuite passer, après la dévaluation du Franc CFA survenue en janvier 1994, à 88% du PIB. Cependant, toute la décennie 90 aura été marquée par une forte absorption du PIB par la dette dans la zone UEMOA : jusqu’en 2001, la dette extérieure en UEMOA représentait plus de 70% du PIB. Comparés aux seuils de ratios d’endettement tels que définis par le FMI, les indicateurs d’endettement ci-dessus nous révèlent que la dette de l’UEMOA n’était, jusqu’en 2001, pas soutenable et sa politique budgétaire, pas viable. 8 Il faut rappeler que la norme cible en Europe est 60% équivalent à un taux de croissance de 3% et que pour 80%, il convient que le taux de croissance passe à 5% en moyenne. Or sur cette période relative à la décennie 80, peu des pays de l’UEMOA, ont une croissance supérieure ou égale à 4%. Par ailleurs, l’on est bien au-delà des 70% du PIB prédit par le pacte de convergence. 24 Partant de cet état de fait, il convient de retenir que l’appartenance à une union monétaire n’occulte pas les effets de chocs externes, et que la parité ou l’ancrage d’une monnaie à une autre n’engage pas forcément la tutelle en cas de déséquilibres profonds. La difficulté de corriger les déséquilibres macroéconomiques sera l’une des raisons de la dévaluation de 50% du franc CFA, en janvier 1994. L’adoption du nouveau taux de change a été l’occasion d’une extension du domaine de la coopération intra-communautaire avec le souci politique de mieux coordonner les politiques budgétaires nationales. Aussi, la création de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) en 1994, puis la mise en œuvre du Pacte de Convergence de Solidarité et de Croissance en 1999, ontelles donné à cette coordination (des politiques budgétaires nationales) une dimension institutionnelle aboutie. Aujourd'hui, l’efficacité de la politique budgétaire de l’UEMOA est en outre conditionnée par sa crédibilité, laquelle repose en partie sur sa soutenabilité dans la durée. La maîtrise de la dette publique est devenue un enjeu majeur de la politique budgétaire, dans un contexte de croissance des taux d'endettement pour la majorité des pays africains y compris ceux de l’UEMOA. Par ailleurs, l’analyse de la soutenabilité de la dette (soumise à celle de la variation de l'endettement public qui est une perspective de long terme) ne peut être envisagée en dehors d'une analyse du déficit budgétaire, outil de régulation conjoncturelle à court terme, et vice versa. Cette évolution de la dette est en effet porteuse d'effets décisifs pour la croissance pérenne de l'économie, ce qui contribue à faire de la maîtrise de la dette publique et du déficit budgétaire, un enjeu majeur des politiques économiques actuelles. L'aggravation du déficit budgétaire de l’UEMOA, couplée au tarissement des flux de financements étrangers nets (dans le contexte actuel de récurrence des crises économiques et financières dans les pays industrialisés), entrainerait une accumulation des déficits du solde global de la balance des paiements, qui se traduirait par des ponctions sur les réserves de change de l’Union. Si cette situation perdure, elle pourrait conduire à une crise de la balance des paiements, laquelle crise nécessiterait la mise en œuvre de mesures drastiques. Ces constats imposent d'accorder un intérêt accru à l'analyse de la soutenabilité de la dette et à l'identification des déterminants du déficit global de la balance des paiements, en vue de 25 proposer des mesures de politiques économiques visant à résorber ces déséquilibres. C’est cette préoccupation qui justifie l'objet de notre recherche qui porte sur l’analyse de la soutenabilité de la dette et les perspectives de financement au sein de l’UEMOA. De cette problématique découlent plusieurs interrogations : La politique budgétaire existant au sein de l’UEMOA depuis sa création permet-elle d’assurer la viabilité financière de l’Union ? Si non, quelles sont les causes fondamentales de cet échec de l’endettement dans l’UEMOA ? Les solutions jusque-là adoptées ont-elles permis d’y remédier ? Quelles pratiques financières mettre en place, tant aux niveaux nationaux que régional, pour un meilleur rendement quant à la soutenabilité de la dette au sein de l’UEMOA ? Il nous parait donc nécessaire d’analyser et d’évaluer la soutenabilité de la dette de l’UEMOA, puis de chercher à savoir si les solutions de sortie de crise jusque-là préconisées par les programmes d’ajustement structurel, les initiatives PPTE et l’IADM ainsi que leurs applications pratiques, ont pu garantir une évolution positive de la situation budgétaire de l’UEMOA. Ainsi, l’objectif principal de la présente thèse est d’évaluer l’impact de la dette extérieure sur l’économie de l’ensemble des pays de l’UEMOA9 en mettant en exergue les facteurs déterminants de cette dette, afin d’en ressortir, au-delà des solutions alternatives préconisées par le FMI et la Banque Mondiale, des stratégies de financement allant dans le sens de la soutenabilité de la dette et, partant, du développement de ladite Union. De façon spécifique, il s’agit de : 1. examiner les relations de long terme entre la dette extérieure des pays de l’UEMOA et ses déterminants ; 9 Compte tenu de notre période d’étude, la Guinée-Bissau a été exclue de notre recherche à cause de sa date d’entrée dans l’Union, le 17 mai 1997. 26 2. déterminer le seuil de solde primaire nécessaire pour une soutenabilité de la dette dans l’UEMOA ; 3. analyser les conditions macro-économiques et structurelles nécessaires à une soutenabilité effective de dette ; 4. identifier des mesures et politiques économiques au niveau national et international qui permettent de renforcer le processus de gestion de la dette et de prise de décision dans les pays de l’UEMOA dans les domaines suivants : le maintien d'un niveau soutenable de la dette ; la coopération économique au sein de l’Union par des actions au niveau régional et international pour atteindre l'objectif de soutenabilité de la dette ; 5. participer à la réflexion théorique visant à l’élaboration d’une stratégie de financement du développement reposant sur une gestion optimale de la dette et sur la transition fiscale, en UEMOA. Au regard de notre objectif général, nous partons de l'hypothèse selon laquelle la dette est une nécessité et qu’elle serve : soit à financer le déficit budgétaire ; soit à financer le déficit entre épargne et investissement ; soit à financer le déficit de la balance courante. Le choix de la zone UEMOA pour notre étude se justifie par le fait que bon nombre de pays africains aient sérieusement été atteints par ce phénomène d’accroissement de la dette publique qui, en plus de constituer un frein à la croissance d’un Etat, peut aussi être à la base d’un ralentissement économique de toute une zone en cas d’union économique et monétaire. Par ailleurs, quoique conscients des problèmes engendrés par une dette interne excessive, l’accent mis sur la dette externe dans notre étude de la dynamique de la dette, se justifie par les rapports de domination (du créancier par le débiteur) et de dépendance (du débiteur par rapport à son créancier) qu’elle comporte (Berr & Combarnous, 2007). Sur ce point, Keynes suggère que la substitution d’une dette interne à une dette externe préfigurerait des relations 27 internationales plus saines : « Une nation débitrice n’aime pas son créancier [...]. Dans le cas d’une dette intérieure, les parties intéressées sont à la fois débitrices et créancières, et le débat ne porte que sur la répartition de la richesse à l’intérieur du pays. Il n’en va pas ainsi des dettes extérieures : les nations créditrices peuvent assez rapidement estimer que leurs intérêts sont malencontreusement liés au maintien d’une forme particulière de gouvernement ou d’organisation économique dans les pays débiteurs » (Keynes, 1919)10. Keynes déduit de ce raisonnement que « l’existence de dettes à grande échelle entre les différents gouvernements présente des dangers particuliers ». Structure de la thèse Par rapport à l’objectif général et aux préoccupations qui en découlent, notre thèse est structurée en deux grandes parties comprenant chacune deux chapitres. La première partie fait une analyse théorique de la soutenabilité et met en relief l’endettement dans les pays en développement et en UEMOA. Elle comprend deux chapitres. Le premier propose une définition prolixe des termes clés se rapportant à notre travail. Une revue de littérature est consacrée à la description de la politique budgétaire et de la soutenabilité de la dette. Le second chapitre présente les différents aspects de l’évolution de l’endettement extérieur des pays en développement dans leur globalité, en mettant l’accent sur le cas spécifique de l’UEMOA. Nous détaillons dans ce chapitre l’évolution et la composition de la dette des pays de l’UEMOA, les causes de l’endettement massif, les actions entreprises pour y mettre fin ainsi que leur incidence sur les économies des pays étudiés. La deuxième partie de notre étude est consacrée à l’aspect analytique de cette étude et présente également deux chapitres (3 et 4). Le troisième chapitre présente une analyse théorique et empirique de la soutenabilité de la dette publique dans l’UEMOA, pour en ressortir l’impact de l’endettement sur les composantes essentielles de la balance des paiements. A cette fin, nous nous appuyons sur la 10 John Maynard Keynes et Jacques Bainville : Deux analyses du Traité de Versailles (1919) (Husson, 2002). 28 dynamique de la dette dérivant de l’identité de la balance des paiements. La méthodologie utilisée est la méthode des moments généralisés (MMG). Nous privilégions ce modèle économétrique compte tenu du fait que la variable expliquée de notre modèle d’estimation est fonction, entre autres, de sa propre valeur retardée. Les résultats obtenus et leurs interprétations économiques sont également présentés dans ce chapitre. Le dernier chapitre (4) est consacré à la recherche de stratégies pour le financement du développement économique dans l’espace UEMOA. L'une des approches retenues dans ce chapitre est basée sur la vision selon laquelle l'endettement externe ne peut être soutenable à long terme que si le modèle de développement ne mène à un accroissement des revenus (en devises étrangères), de sorte qu’ils excèdent les besoins d'investissements nationaux afin d’honorer les engagements de la dette. Sur ce point, il existe un paradoxe concernant cette zone pourtant en surliquidité bancaire, pour autant qu’elle dispose de financements endogènes potentiels, et privilégie jusque-là des financements externes de son développement (Semedo, 2013). L’autre approche privilégie le financement interne du développement. Nous etayons à ce sujet la politique fiscale qui se différencie de la politique budgétaire par la cible. En tenant compte des résultats et en vue d’atteindre notre objectif de la soutenabilité de la dette et du financement optimal des économies de l’UEMOA, une conclusion générale comprenant des recommandations à l’endroit des autorités aux niveaux national et régional, permettra de retenir des leçons de politiques économiques et de suggérer des extensions possibles de notre travail de thèse. 29 PREMIERE PARTIE ANALYSES CONCEPTUELLE ET DESCRIPTIVE DE LA SOUTENABILITE : PED ET UEMOA 30 Chapitre 1: GENERALITES DE LA POLITIQUE BUDGETAIRE ET PARTICULARITES DE L’UEMOA Introduction L’intégration économique et monétaire est la dernière étape du processus d’intégration pour un groupe de pays. A l’image de l’ensemble des régions d’un pays, elle crée un vaste espace de communications entre les populations et une expansion de leurs libertés. Elle se traduit concrètement par la liberté de mouvement des personnes, des capitaux et des biens, gage d’une allocation optimale des ressources et de l’atteinte d’économies d’échelle au sein de l’union. Dès lors, la richesse créée au sein de l’union est plus élevée que la somme de celle qu’aurait créée par chaque Etat en l’absence de l’intégration. Il suffit donc d’un système de redistribution efficace pour que chaque Etat sorte potentiellement gagnant de cette intégration. C’est cet idéal qui a poussé à la création de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) regroupant l’ensemble des pays d’Afrique de l’Ouest ayant en commun le franc CFA comme monnaie. L’UEMOA a été créée en complément à l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) précédemment destinée à gérer uniquement la politique monétaire commune aux Etats membres avec pour principale institution la Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Mais la particularité de cette zone, c’est justement de ne pas suivre le processus linéaire d’intégration imaginé par (Balassa, 1962) : l’intégration monétaire a largement précédé l’intégration réelle, et les politiques de convergence nominale et réelle sont des plus récentes. A l'ère actuelle de la mondialisation, l’UEMOA apparaît comme un véritable outil d'intégration sous régionale. Cette structure est donc adaptée à la situation dans la mesure où elle prend en compte l'aspect économique et monétaire de la sous-région ouest africaine. En 31 effet, vu qu’elle ne comprend que huit Etats, elle sera en mesure de mieux appréhender les défis à relever. Ce premier chapitre est consacré à l’application de la politique budgétaire au sein de l’UEMOA et s’articule en deux sections. La première nous introduit dans le cadre de la soutenabilité budgétaire en définissant les termes clés de notre étude. La deuxième section, elle, présente l’UEMOA dans ses dimensions institutionnelle et économique. 1.1 La solvabilité et la soutenabilité : une gestion primordiale pour la viabilité de la politique budgétaire 1.1.1 Analyse de la politique budgétaire Dans cette partie, nous définissons dans un premier temps ce qu’est la politique budgétaire, avant de la placer dans le contexte d’union monétaire. 1.1.1.1 Comprendre la politique budgétaire dans son ensemble La politique budgétaire constitue l’un des moyens dont dispose le gouvernement pour réguler l'économie et conduire des actions sur les cycles économiques (croissance économique et récession) afin d'atteindre ses objectifs, tant sur le plan économique que social. Par définition, une politique budgétaire est une politique que met en œuvre un gouvernement pour agir sur l'économie du pays en utilisant son pouvoir de fixation des recettes de l'Etat et ses priorités dans la répartition des dépenses publiques. Elle consiste à utiliser certains instruments budgétaires (dépenses publiques, recettes publiques, solde budgétaire) pour influer sur la conjoncture économique. Pour une analyse, il est d’usage d’opposer la politique budgétaire selon les conceptions des keynésiens et des néoclassiques. 32 a) Politique budgétaire keynésienne Jusqu’à la crise économique des années 30, l’objectif principal de la gestion des finances était le financement des services publics. Le volume des dépenses de l’État n’était alors pas considéré comme une variable susceptible d’influencer le niveau d’activité de l’économie. Keynes a modifié cette conception de la gestion des finances publiques en soulignant l’impact de la politique budgétaire sur le niveau d’activité économique d’un pays. Pour les Keynésiens, l’utilisation de l’outil budgétaire se fonde principalement sur la rigidité des prix et des salaires nominaux. Une action sur la demande globale au travers du solde du budget est à la fois possible et souhaitable (Solow R. , 2002), sauf en cas de trappe à liquidité. (i) Principes La politique budgétaire keynésienne consiste, dans sa globalité, à agir sur le niveau de la demande globale afin d’influencer celui de l’offre globale. La relance de l’économie sous la forme d'une politique budgétaire s'appuie sur la théorie keynésienne qui veut que les entreprises embauchent en fonction des besoins de l’économie et non en fonction de la variation du prix de la main d'œuvre. Une politique de relance est une politique économique conjoncturelle qui consiste à relancer l'économie d'un pays ou d'une zone monétaire lorsque ses capacités de production sont sousutilisées, dans le but de favoriser la croissance ou de lutter contre le chômage. (ii) Instruments de la politique de relance keynésienne La politique budgétaire de relance est actionnée par les dépenses et les recettes de l’État. Lorsque l’État diminue ses recettes en diminuant le niveau de variables tels que les taux d’imposition, il accorder un pouvoir d’achat supplémentaire et relance ainsi la consommation et l’investissement, donc l’emploi. 33 Lorsque l’État augmente ses dépenses, cette augmentation va conduire les entreprises à augmenter leur production et la demande de travail et donc à embaucher davantage. L'augmentation de l'activité économique va générer une hausse des recettes fiscales qui va partiellement compenser celle des dépenses publiques. Les fonds supplémentaires injectés dans l’économie par l’Etat ont des répercussions sur l’activité économique, appelées effets multiplicateurs : il s’agit du multiplicateur budgétaire (keynésien). (iii)Le multiplicateur budgétaire Le multiplicateur budgétaire permet de mesurer l’impact d’une politique budgétaire sur l’activité économique. Keynes, en prenant l’exemple d’un investissement public, montre que ce multiplicateur est supérieur à l’unité : l'addition d'une unité de dépense publique, non financée par l'impôt, permet un accroissement plus que proportionnel du produit intérieur brut (PIB). Une augmentation des dépenses publiques engendre des revenus supplémentaires qui sont soit consommés, soit épargnés ou bien récupérés par les administrations publiques (impôts et cotisations sociales). La partie consommée de ces revenus supplémentaires vient nourrir la demande intérieure adressée aux entreprises. Ces dernières augmentent alors leurs investissements et partant leurs emplois, ce qui leur fait distribuer des revenus supplémentaires. Le surcroît de dépenses publiques provoque par conséquent un effet cumulatif (multiplicateur) qui stimule d’autant plus l’activité économique que les revenus sont peu épargnés, peu imposés, et que la demande de consommation s’adresse principalement aux entreprises nationales (figure 1.1). Un multiplicateur négatif signifie donc qu’une politique budgétaire expansive provoque l’effet inverse de celui espéré, c’est-à-dire une diminution du PIB. 34 Figure 1-1 : Illustration du multiplicateur budgétaire Augmentation des dépenses publiques Augmentationdes revenus dstribués Augmentation de la consommation Augmentation de la production Cependant, Les années 70 marquent une mutation historique caractérisée par : - une montée simultanée, dans la plupart des pays développés, de l’inflation et du chômage (stagflation) qui remet en cause la pratique keynésienne de l’ « activisme économique » ; - l’ouverture croissante (à la fois commerciale que financière) des économies nationales qui a conduit à l’amoindrissement de l’efficacité des instruments jusque-là utilisés pour la régulation conjoncturelle ; - l’élévation des endettements publics accompagnée de la suppression des marges de manœuvre des politiques budgétaires. - l’abandon du système de changes fixes. A compter de la crise consécutive au choc pétrolier de 1973, les théoriciens néoclassiques ont souligné les limites de la politique budgétaire keynésienne. La théorie du multiplicateur budgétaire (supérieur à 1) a alors été remise en cause. La relance budgétaire est en effet limitée et présente des imperfections qui ne facilitent pas son utilisation. 35 (iv) Limites de la politique keynésienne Les principales difficultés proviennent de la contrainte extérieure, du financement des déficits et du poids de la dette publique. La politique keynésienne peut être compromise par : - L’effet d’éviction par le taux d’intérêt : lorsque l'État a recours au déficit et donc à l'emprunt pour financer les dépenses, il pousse à la hausse les taux d'intérêt. Cette hausse des taux décourage une partie des achats des consommateurs financés par l’emprunt, et réduit les investissements des entreprises privées. La concurrence entre le privé et le public, pour l'accès aux ressources d'épargne, se fait généralement au détriment du privé, De ce fait, des dépenses publiques moins productives remplacent des investissements privés a priori plus efficaces. - L’effet d’éviction par l’extérieur : L'ouverture croissante des économies vient réduire l'effet du multiplicateur parce que l'injection de sommes additionnelles par l'État ne profite pas qu’aux producteurs nationaux; une partie est effectivement employée pour des achats à l'étranger et, en sortant du circuit (de production et de distribution) intérieur, perd sa capacité d'engendrer localement des retombées économiques supplémentaires. En outre, la croissance des importations peut entraîner un déséquilibre de la balance commerciale et une instabilité de la devise nationale, ce qui susciterait une hausse des taux d'intérêt et une diminution des investissements locaux. - L’effet du fardeau de la dette : Des déficits répétés sur plusieurs années vont augmenter la dette publique et la charge que celle-ci représentera dans l'avenir. Cette situation n'est pas sans risque car une dette importante implique un paiement d'intérêts considérables et le poids de cette charge dans le budget augmente la probabilité d'un nouveau déficit qui, à son tour, entraînera une hausse des taux d'intérêt, et ainsi de suite. C'est l’effet boule-de-neige de la dette (figure 1.2) : elle crée sa propre dynamique et, à terme, le poids de la dette peut ainsi devenir insoutenable, entravant la capacité de l'État, non seulement à stimuler l'économie, mais à mener les actions attendues de lui dans d'autres domaines. 36 Figure 1-2 : Illustration de l'effet boule-de-neige de la dette Augmentation des déficits publics Augmentation des dépenses publiques Augmentation des charges d'intérêt Nouveaux emprunts pour financer les déficits Augmentation de la dette publique Par ailleurs, comme limites à la politique keynésienne, d’autres débats ont porté sur les délais de réaction des politiques budgétaires : les délais liés à la prise de décisions politiques font que les effets de la politique budgétaire peuvent être inadaptés à la conjoncture au moment où ils affectent les décisions des agents économiques. b) Politique budgétaire néoclassique Selon le programme de politique économique néo-classique, l'économie de marché tend vers l'équilibre si les prix et les salaires sont flexibles ; le chômage résulte des rigidités du marché du travail, qui est un marché comme un autre, et non d'une demande de biens insuffisante. D’après la conception néo-classique, l'Etat-gendarme, simple gardien de l'ordre économique et social libéral, doit se contenter de trouver les ressources nécessaires au financement des services publics régaliens. Dans cette optique, le déséquilibre budgétaire est illogique dans la mesure où il risque d'entraîner un « impôt déguisé » (sous forme d'inflation) ou un « impôt 37 différé » (sous forme d'augmentation ultérieure de la fiscalité pour faire face aux annuités de la dette). Selon les néoclassiques, la politique de relance est peu efficace car lorsque l'État recourt à l'emprunt pour financer les dépenses, il pousse à la hausse les taux d'intérêt, ce qui tend à déprimer l'investissement ainsi privé d'un montant équivalent à la relance. (Barro R. , 1974) ajoute que les agents savent qu'à terme, le taux d'imposition augmentera pour rembourser l'emprunt et qu'en prévision de ces impôts futurs, ils réduisent leur consommation. L'efficacité de la relance est donc contrecarrée par les anticipations des agents. Dans ces conditions, il faut : promouvoir l’équilibre budgétaire sur l’ensemble du cycle afin de ne pas peser sur l’épargne nationale ; faire attention en amont à l’origine des fonds (neutralité fiscale) et en aval à l’utilité sociale des investissements publics. (Barro R. , 1974) reprend dans ses écrits le théorème d'équivalence attribué à Ricardo : pour susciter une relance de la dépense, l’État doit s'endetter ; il devra plus tard, pour rembourser la dette ainsi créée, soit augmenter les impôts, soit diminuer les dépenses publiques. Le secteur privé se verra donc appauvri d’impôts supplémentaires auxquels il aura à faire face, ou des dépenses dont il n'aura plus bénéficié, à concurrence exacte de l'enrichissement dont la relance budgétaire l'aura fait bénéficié dans l'immédiat. L'impact global sur la dépense de la relance budgétaire est finalement nul (figure 1.3). Autrement dit, le mode de financement des dépenses publiques par l'impôt ou par accroissement de la dette publique n'a pas d'impact réel sur l'économie. Ce résultat est souvent qualifié de « principe de l'équivalence ricardienne » ou « neutralité ricardienne » ou « théorème de Ricardo-Barro ». Il y a équivalence car une augmentation de la dette publique aujourd'hui correspond à une augmentation des impôts demain, pour rembourser la dette ainsi que les intérêts rattachés à cette dette. 38 Figure 1-3 : Illustration de l’équivalence ricardienne P AS2 O2 P2 AS1 O1 P1 Figure 1-3.B : flexibilité des prix AD-AS O P0 AD2 AD1 Y0 Y1 Y i LM2 i2 O2 LM1 Figure 1-3.A : rigidité des prix IS-LM O1 i1 IS2 O i0 IS1 IS1 Y0 Y1 IS1 Y IS1 Explication : A partir du niveau naturel Y0 de la production, une augmentation initiale des dépenses publiques déplace la courbe IS vers la droite sur le tableau A (de IS 1 à IS2). Il en résulte un niveau de production Y1 plus élevé que le niveau naturel Y0 et un taux d'intérêt plus élevé (i1>i0). Sur le tableau B, la courbe AD se déplace vers la droite, menant à une production plus élevée et des prix réels P1 plus élevés que le niveau attendu. L'équilibre de court terme est alors au point O1 des deux côtés A et B. Au fil du temps, du côté de B, les prix plus élevés amènent les agents salariés à augmenter leurs anticipations de prix, déplaçant la courbe AS vers le haut (de AS 1 vers AS2). Ce déplacement s'arrête à un nouvel équilibre de moyen terme au point O2, sur la nouvelle courbe AD (en intersection avec la droite passant par les deux points O), où la production est revenue à son niveau naturel initial mais à des prix réels P2 plus élevés que P1. En retournant au tableau A, la hausse des prix réduit l'offre d’encaisses réelles, déplaçant la courbe LM vers la gauche (donc vers le haut, de LM1 à LM2). Finalement, à moyen terme, nous nous retrouvons au point O2, retournant ainsi au niveau naturel initial de la production Y0, mais avec un taux d'intérêt i2 plus élevé. 39 Le théorème d'équivalence ricardienne exprimé à l’aide des concepts de la comptabilité nationale Pour exprimer le théorème de l’équivalence ricardienne à partir des termes de la comptabilité nationale, nous nous basons sur la relation de causalité entre les deux déficits (extérieur et public) proposée par (Blanchard O. J., 1985)11. Au niveau macroéconomique, l’ensemble des ressources en biens et services dont disposent les agents économiques au cours d’une période (la production à l’intérieur du territoire 𝑌 et les importations 𝑀) correspond à la somme des emplois qu’ils en font pendant la même période. Ces emplois sont formés de la consommation globale (𝐶), de l’investissement global (𝐼), des dépenses de l’État en biens finaux ( 𝐺) et de l’ensemble des exportations réalisées au cours de la période (𝑋). En économie fermée : En l’absence d’importations et d’exportations, l’équation d’identité de la demande intérieure issue de la comptabilité nationale est donnée par l’équilibre ressources-emplois: 𝑌 =𝐶+𝐼+𝐺 (1.1) L'équation comptable d’identité des revenus est : 𝑌 =𝐶+𝑆+𝑇 (1.2) où 𝑆 et 𝑇 désignent respectivement l'épargne privée et le montant des prélèvements obligatoires. Les équations (1.1) et (1.2) nous conduisent à l’égalité : 𝐶+𝐼+𝐺 =𝐶+𝑆+𝑇 (1.3) Ou encore : 11 Olivier Blanchard (Blanchard 1985, p. 244) montre, à partir du modèle à générations imbriquées, qu’il existe une relation de causalité entre le déficit extérieur et le déficit public. Ce modèle emboîte l'hypothèse des déficits jumeaux (il y a une relation positive entre les deux déficits) et l'hypothèse d’équivalence ricardienne (il n'y a aucun lien entre les déficits). 40 𝐺 ⏟− 𝑇 = 𝑆𝑜𝑙𝑑𝑒 𝑏𝑢𝑑𝑔é𝑡𝑎𝑖𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑙′ 𝐸𝑡𝑎𝑡 𝑆−𝐼 ⏟ (1.4) 𝑆𝑜𝑙𝑑𝑒 𝑑𝑒 𝑓𝑖𝑛𝑎𝑛𝑐𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑑𝑒𝑠 𝑎𝑔𝑒𝑛𝑡𝑠 𝑝𝑟𝑖𝑣é𝑠 D’un point de vue économique, la relation (1.4) signifie qu’un déficit budgétaire (𝐺 > 𝑇) se traduit obligatoirement par un excès d’épargne sur l’investissement privé (𝑆 > 𝐼) : les individus anticipent les futures hausses d’impôts et donc épargnent plus. Cette relation est appelée, “relation d’équivalence Ricardo-Barro”. Elle permet d’affirmer qu’un déficit budgétaire risque de réduire l’investissement et à terme, d’affaiblir les capacités de production. En économie ouverte La possibilité d’emprunter à l’étranger modifie le constat ci-dessus. L’équilibre ressourcesemplois de la demande intérieure devient : 𝑌+𝑀 =𝐶+𝐼+𝐺+𝑋 (1.5) Or, d’après (1.2) : 𝑌 = 𝐶 + 𝑆 + 𝑇 D’où : 𝐶 + 𝐼 + 𝐺 + (𝑋 − 𝑀) = 𝑌 = 𝐶 + 𝑆 + 𝑇 (1.6) Ou encore : (𝑋 − 𝑀) ⏟ 𝑆𝑜𝑙𝑑𝑒 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑏𝑎𝑙𝑎𝑛𝑐𝑒 𝑐𝑜𝑚𝑚𝑒𝑟𝑐𝑖𝑎𝑙𝑒 = (𝑇 − 𝐺) ⏟ 𝑆𝑜𝑙𝑑𝑒 𝑏𝑢𝑑𝑔é𝑡𝑎𝑖𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑙′𝐸𝑡𝑎𝑡 + (𝑆 ⏟ − 𝐼) (1.7) 𝑆𝑜𝑙𝑑𝑒 𝑑𝑒 𝑓𝑖𝑛𝑎𝑛𝑐𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 𝑑𝑒𝑠 𝑎𝑔𝑒𝑛𝑡𝑠 𝑝𝑟𝑖𝑣é𝑠 Selon l’équation (1.7), un déficit de la balance commerciale autorise à la fois un déficit budgétaire et un investissement privé supérieur à l’épargne, lesquels soldes négatifs seraient possibles grâce à des entrées de capitaux. En d’autres termes, la politique budgétaire est efficace s’il y a une forte propension à consommer et une faible propension à importer, et si l'investissement est faiblement élastique au taux d’intérêt. 41 c) Les nouveaux keynésiens La nouvelle économie keynésienne est un courant de pensée économique en réponse à l’économie néoclassique. Cependant, quoiqu’elle justifie, dans certains cas, l'intervention de l’Etat en économie (Mankiw, 2008), son optique n'est pas de substituer l'État au marché mais de trouver les moyens d'améliorer le fonctionnement de l'économie. La différence majeure entre la nouvelle économie keynésienne et l’ancienne provient des anticipations : les nouveaux keynésiens intègrent des agents représentatifs qui anticipent parfaitement le futur. Cette hypothèse, appelée anticipations rationnelles, amène à des estimations parfois peu réalistes du multiplicateur budgétaire car dans un monde où tout est prévisible, une hausse des dépenses publiques entrainera obligatoirement une hausse des impôts futurs et donc diminuera l’effet du multiplicateur. Comme les keynésiens et contrairement aux néoclassiques, les nouveaux keynésiens ne croient pas que les marchés s'équilibrent rapidement en suivant la loi de l'offre et de la demande. Pour eux, les salaires et les prix ne sont pas flexibles mais rigides. Cette rigidité serait liée à des imperfections de l'information (Stiglitz & Walsh, 2004). La rigidité des prix permet, d’une part, aux nouveaux keynésiens de montrer qu’une économie n’atteint pas forcément un équilibre optimal et ce, même si les anticipations sont rationnelles. D’autre part, le lent ajustement des prix rend nécessaire le déploiement des politiques économiques ; en période de crise, seule l’intervention de l’Etat est susceptible de maintenir l’économie à son plein emploi. En présence de prix rigides, la flexibilité des salaires accélère l’effondrement de l’activité lors des périodes de récession ; elle entraîne alors une forte baisse des salaires réels, ce qui déprime davantage la demande globale. Et puisque les salaires baissent et pas les profits, ces derniers sont susceptibles d’atteindre un niveau supérieur à celui nécessaire pour financer les investissements (Artus P. , 2013). L’introduction de la viscosité des prix dans les modèles des nouveaux keynésiens renouvelle l’analyse des politiques conjoncturelles. Si les agents privés sont contraints en liquidité ou si les marchés des capitaux sont imparfaits, alors l’équivalence ricardienne ne tient plus. La politique budgétaire retrouve toute son efficacité quand l’économie est confrontée et à un chômage élevé et à une déflation, alors que les taux d’intérêt nominaux tendent vers zéro [ (Christiano, Eichenbaum, & Rebelo, 2011); (Rendahl, 2012). 42 Par contre, la nouvelle politique keynésienne est critique envers les prescriptions de politique économique usuelles des keynésiens (déficit budgétaire et taux d'intérêts bas) parce qu’elles ne tiennent pas assez compte des problèmes structurels liés au fonctionnement des marchés (Clerc, 1999). Après cette analyse de la politique budgétaire, il est souhaitable, en accord avec notre thème de recherche, de se placer dans le contexte d’union monétaire. 1.1.1.2 Politique budgétaire et Union monétaire Nous avons vu dans le paragraphe précédent que la politique budgétaire était utilisée pour stabiliser les fluctuations économiques conjoncturelles. Dans le cas d’une union monétaire, l’utilisation de cette politique économique s’avère plus efficace que la politique monétaire car l’utilisation de cette dernière seule n’est pas appropriée pour les pays dont le taux d’inflation est plus élevé que le taux d’inflation moyen de la zone monétaire. Cependant, il s’impose l’instauration de règles budgétaires destinées à éviter des déficits publics très élevés (a). Toutefois, ces règles peuvent entraver la fonction de stabilisation de la politique budgétaire. C’est pourquoi, il convient de s’interroger sur les types de règles, qui n’entravent pas cette fonction stabilisatrice (b). a) Fondements des règles budgétaires en union monétaire (i) Qu’est-ce-qu’une règle budgétaire Une règle budgétaire est une restriction permanente imposée à la politique budgétaire. Elle consiste à fixer une limite ou un objectif numérique aux grands agrégats des finances publiques (recettes, dépenses, solde budgétaire, dette). Le maintien de la discipline budgétaire s'en trouve facilitée et les efforts d'assainissement budgétaire qui en découlent, parce que l’adoption de la règle est issue d’un consensus sociopolitique, sont mieux acceptés. 43 Poursuivant des objectifs divers, les règles budgétaires peuvent prendre différentes formes, mais, en général, s'inscrivent dans la perspective d'assurer la viabilité à long terme des finances publiques. Il s’agit par exemple de: règles d'équilibre budgétaire, spécifiant un objectif d'équilibre global des recettes et des dépenses, accompagné ou non d'une référence explicite au poids relatif de la dette dans le PIB; règles relatives à la dette, établissant une limite ou une cible précise à atteindre quant au poids relatif de la dette dans le PIB, mais qui fournissent peu d'encadrement budgétaire lorsque la dette est inférieure à ce plafond; règles touchant les dépenses, fixent des limites permanentes aux dépenses publiques en termes absolus, en taux de croissance ou en pourcentage du PIB et qui, comme telles, n'ont aucun lien avec la dette puisqu'elles ne contraignent pas les recettes. règles concernant les recettes, qui imposent un plafond ou un plancher aux recettes, permettant de maximiser la collecte et d'éviter un fardeau fiscal excessif, sans pour autant, elles non plus, avoir de lien avec la dette. (ii) Pourquoi imposer des règles budgétaires aux Etats d’une union monétaire ? Dans une union monétaire, les règles budgétaires sont généralement adoptées en vue d’établir une discipline budgétaire, c’est-à-dire, soit éviter des déficits publics persistants qui conduisent à un endettement public croissant (maintenir la soutenabilité des finances publiques) ; soit empêcher un accroissement de la taille du gouvernement qui se traduirait, à terme, par une hausse de la pression fiscale12 (préserver la croissance économique à long terme). Le débat théorique sur l’opportunité d’instaurer des règles de budget équilibré est basé sur trois types d’arguments. 12 La pression fiscale définit l'importance relative des recettes (prélèvements obligatoires) dans l'économie nationale. Elle est une grandeur macroéconomique dont le taux est défini par rapport au PIB et traduit l'effort de recouvrement des recettes de l'Etat pour faire face à ses charges. 44 En premier lieu, celui de la crédibilité et de la cohérence temporelle, dans la lignée de (Villieu, 2000)13. Si l’on admet que les autorités budgétaires et monétaires sont autorisées à tricher sur leurs intentions inflationnistes (si le salaire nominal est rigide à court terme, une hausse des prix implique une chute du salaire réel, donc une croissance économique plus vigoureuse), les salariés vont augmenter leurs revendications salariales parce qu’ils anticipent parfaitement la situation. Les effets réels de la politique économique seront alors nuls et le gouvernement ne sera pas crédible tant qu’il ne s’impose pas de contrainte, d’où la proposition théorique de mettre en place une règle de budget équilibré. En deuxième lieu, si l’on admet que le financement monétaire des dépenses publiques est susceptible d’accroître l’inflation, limiter les marges de manœuvre budgétaires met fin à cette menace et il peut s’en suivre une réduction des anticipations inflationnistes intégrées dans les taux d’intérêt de long terme. En troisième lieu, en union monétaire, contrairement au régime de change flexible, une contrainte sur la dette publique est techniquement nécessaire pour atteindre l’équilibre macroéconomique stable de longue période. Dans les régimes de changes flexibles, l’incertitude sur la valeur des actifs en devises et l’aversion pour le risque suffisaient à déterminer le partage de la richesse totale des ménages entre titres domestiques et étrangers (Creel J. , 2001). Ce partage est indéterminé en union monétaire puisque le risque disparaît, vu qu’à long terme, les taux d’intérêt nominaux sont égaux dans tous les pays de l’union. Sans contrainte sur le déficit public, la richesse des agents privés pourrait être stabilisée (au niveau désiré par les agents privés) sans que ni l’actif extérieur ni la dette ne soient stabilisés, l’un et l’autre étant beaucoup plus substituables puisqu’il n’y a plus de risque de change. Une contrainte sur le déficit public remplacerait donc celle sur le déficit extérieur. Néanmoins ces trois arguments en faveur de la contrainte budgétaire peuvent poser problème. En effet, la théorie budgétaire du niveau des prix (voir encadré 1) nous enseigne que les gouvernements peuvent ne pas être soumis à leur contrainte budgétaire intertemporelle : à court, moyen, voire à long terme, ils peuvent être « non ricardiens » et mener des politiques budgétaires qui ne tiennent pas compte de leur contrainte budgétaire. Celle-ci sera néanmoins 13 Villieu (2000) étudie plus spécifiquement les liens entre cohérence temporelle (ou crédibilité) et (dé) centralisation des politiques budgétaires : selon la nature des chocs (d’offre ou de demande, symétrique ou asymétrique), il montre dans quelle mesure l’élargissement d’une union monétaire à de nouveaux pays peut constituer un substitut à la centralisation (ou coordination) budgétaire, en réduisant le biais inflationniste. 45 satisfaite après que la politique monétaire aura été expansionniste à travers une baisse du taux d’intérêt nominal [dans le cas d’une politique budgétaire, elle aussi, expansionniste (Leeper, 1991) ; ou si les ménages, eux aussi « non ricardiens », consomment une partie de leur patrimoine net incluant la dette publique (Woodford, 1995)]. Encadré 1 : La théorie budgétaire du niveau des prix Selon cette théorie, l’État-gouvernement peut ne pas se soucier de son équilibre intertemporel, sous certaines conditions concernant le degré d’accommodation de la politique monétaire par rapport au taux d’inflation. Ainsi introduit-elle la notion de comportement ricardien ou non ricardien de la part de l’État. L’analyse de Barro (Barro R. , 1974) concernant l’anticipation par les ménages des actions futures du gouvernement est connue. Les ménages sont ricardiens s’ils intègrent dans leur comportement le fait que l’État doit satisfaire une contrainte d’équilibre intertemporel, c’est-à-dire que toute hausse des dépenses publiques et/ou baisse des impôts sera financée à plus ou moins long terme par une baisse des dépenses et/ou une hausse des impôts. Ils ne sont pas ricardiens s’ils considèrent la dette publique comme une richesse nette, en d’autres termes s’ils ne sont pas neutres entre hausse d’impôt et déficits publics. Dans la théorie budgétaire du niveau des prix, l’État a lui aussi le choix entre deux types de comportements : il est qualifié de ricardien s’il planifie ses excédents primaires futurs de telle manière qu’ils satisfassent sa contrainte budgétaire intertemporelle pour n’importe quels niveaux de prix et de taux d’intérêt ; il est « non ricardien » s’il laisse l’équilibre macroéconomique assurer ex post (et non plus ex ante) son équilibre intertemporel. Source : (Creel & Sterdyniak, 2001). Par ailleurs, il existe dans la littérature appliquée des raisons de douter de l’existence de règles strictes de budget équilibré. S’il est généralement démontré que le solde public primaire répond positivement à la dette publique passée, ce solde conserve un caractère autorégressif souvent très marqué, qui vient corroborer l’idée que la stabilité de la dette publique (en proportion du PIB) n’est un objectif des gouvernements qu’à long terme. A court terme, la politique budgétaire semble être en mesure de conserver ses pratiques « keynésiennes » de régulation. 46 Ces quelques remarques remettent donc en cause l’utilité d’imposer des règles de budget équilibré, qui réduisent arbitrairement les marges de manœuvre budgétaires. C’est pourquoi il est important de bien cibler les règles en fonction de l’objectif à atteindre. b) Règles compatibles avec la fonction stabilisatrice de la politique budgétaire La diversité des règles mises en place indique que des choix doivent être faits. Cibler la dette situe directement la démarche par rapport à la soutenabilité à long terme et/ou à l'équité intergénérationnelle. Définir un niveau d'endettement souhaitable comporte une bonne part de subjectivité et n'est pas facilement compréhensible du grand public. Une règle relative au déficit, qui s'explique aisément en période de redressement budgétaire, est moins contraignante dans la phase haute du cycle économique. Pour ce qui est des dépenses, les règles sont simples et faciles à constater, mais difficiles à tenir. Quant aux règles relatives aux recettes, elles s'adressent en général aux contribuables mécontents et ne garantissent pas l'assainissement des finances publiques à moyen et à long terme. En général, le cadre défini par les règles budgétaires cherche à allier discipline et souplesse : ce sont là les objectifs clés d'une bonne règle. Mais ce cadre permet-il d'assurer la nécessaire discipline budgétaire à moyen terme, tout en étant suffisamment souple pour atténuer les fluctuations du cycle conjoncturel à court terme? Dans tous les cas, ce rapport doit trouver un équilibre compatible avec la situation propre à chaque pays membre de l’union. Toutefois, un excès de rigidité dans l'application d'une règle mine sa crédibilité. Elle doit être contraignante et assortie de sanctions, mais des dérogations ou des compromis doivent demeurer possibles et offrir une certaine flexibilité. L'engagement ferme des gouvernements et le soutien durable des populations exigent qu'une latitude existe dans la définition des règles. Par ailleurs, les actions menées indépendamment par les divers pays conduisent sans doute à des situations qui ne sont pas optimales au niveau mondial. C’est ce qui justifie d’une part les critiques exprimées vis-à-vis d’attitudes nationales jugées trop égoïstes et d’autre part le besoin de coordination des actions. 47 Une régulation conjoncturelle efficiente d’une union monétaire requiert donc un Policy-mix14 cohérent, c’est à dire une combinaison des politiques monétaire et budgétaire qui permette de coordonner efficacement ces instruments, pour réaliser les objectifs finaux de régulation conjoncturelle identifiés par le carré magique de Kaldor15: la recherche de la croissance économique, l’équilibre des comptes extérieurs, la lutte contre l’inflation (par la stabilité des prix) et la lutte contre le chômage (le plein-emploi). Or le passage d’une combinaison simple à une coordination efficace pose plusieurs séries de problèmes : définir selon la situation économique observée (analyse statique) une affectation optimale des politiques monétaire et budgétaire ; évaluer à long terme (analyse dynamique) l’efficacité de la combinaison ; régler les problèmes de coordination posés par la séparation des autorités responsables des politiques monétaire et budgétaire. Le principe de la coordination budgétaire (Landais, 2000) nous donne un aperçu de la coordination des politiques budgétaires en union monétaire à travers la démarche théorique suivante : établir au niveau du groupe des pays une seule et unique fonction d’utilité collective et ensuite déterminer les politiques nationales (individuelles) qui maximisent cette utilité. Pour jouer le jeu de cette coordination, les rôles respectifs des divers pays sont d’ailleurs le plus souvent dissemblables, en fonction notamment de leur situation économique de départ et bien entendu de leur poids (dans l’union) et de la structure de leurs relations internationales. Afin d’illustrer le caractère plus complémentaire que parallèle de la coordination des politiques économiques (qui peut s’avérer avantageuse), il est possible de s’attacher à la démonstration suivante de (Chrystal & Price, 1994) qui présentent une version générale du modèle de Hamada16 au sujet de la coordination en principe : ils font l’hypothèse qu’il existe deux pays interdépendants (1) et (2) menant chacun une politique économique P1 et P2 avec 14 Le Policy-mix dans une union économique pose la question de la nécessité d’une articulation entre la politique monétaire de l’union induite par la banque centrale commune et les politiques budgétaires nationales. Ces dernières peuvent avoir un impact sur l’activité économique et les niveaux d’inflation, lequel impact pourrait interférer avec la politique monétaire unique et centralisée et compromettre les résultats escomptés par les Etats partenaires. 15 Traditionnellement, la politique économique retient quatre objectifs principaux que les économistes appellent depuis les travaux de (Kaldor, 1971), le « Carré Magique ». 16 (Hamada, 1979). 48 la capacité d’adapter cette politique en fonction de celle de l’autre pays. En supposant que les politiques économiques P sont mesurées à l’aide d’un indice unique (le déficit du budget par exemple), la figure 1-4 ci-dessous illustre le problème ainsi posé. Figure 1-4 : Coordination à plusieurs pays : cas de deux pays P2 X B’ O2 A B Cas de coordination à deux pays où les points O1 et O2 représentent la combinaison des politiques P1 et P2 des deux pays qui donnent respectivement une situation « idéale » pour le pays (1) et le pays (2). O1 P1 Source : (Landais, 2000). Si les pays ne pouvaient s’influencer mutuellement, il serait possible de tracer deux familles de courbes d’indifférence ; l’une composée de verticales, montrerait comment les politiques du pays (1) rapprochent ou éloignent l’économie de ce pays (1) de la verticale « idéale » passant par O1 ; l’autre, composée d’horizontales, montrerait comment les politiques du pays (2) rapprochent ou éloignent l’économie du pays (2) de l’horizontale « idéale » passant par O2. Mais comme les pays sont supposés être interdépendants, les familles de courbes d’indifférence sont concaves, le bien-être de chaque pays culminant en O1 et O2 et diminuant ensuite sur les courbes qui s’en éloignent. Ici, compte tenu du placement de ces deux points, nous faisons implicitement l’hypothèse d’une influence défavorable de la valeur de P pour l’autre pays (si P2 croît, le pays (1) est écarté de sa position idéale O1 et vice versa). 49 Chaque pays observe le niveau de la politique menée par l’autre et réagit alors en fixant le niveau de la sienne. Par exemple, si P2 est donné, alors le pays (1) établit P1 de façon à atteindre le niveau de bien-être le plus élevé possible (point de tangence entre l’horizontale en P2 et la courbe d’indifférence la plus proche de O1). La courbe de réaction du pays (1) peut ainsi être tracée en faisant varier les niveaux de P2 et en rassemblant tous les points construits comme ci-dessus. Une démarche symétrique conduit à une courbe de réaction pour le pays (2). Les deux courbes se coupent en X qui représente le point d’équilibre non coopératif, c’est-à-dire le point représentant l’ensemble des deux politiques nationales établies sans coordination, n’appelant plus de réaction d’un pays ou de l’autre (remarquons que les deux courbes de réaction ne sont pas obligatoirement en X à un angle droit). L’optimum est décrit par la courbe reliant les points de tangence des courbes d’indifférence des deux pays (de O1 à O2). Pour des raisons de simplicité, cette courbe peut être confondue avec la droite O1 O2. Parvenus à un point de cette ligne, les pays (1) et (2) ne peuvent améliorer la situation de l’un d’eux sans détériorer celle de l’autre. On observe que le point X représente une situation moins favorable pour les deux pays que n’importe quel point de la ligne O1 O2 représentant les équilibres coopératifs. Il est donc théoriquement avantageux pour les deux pays de chercher une solution coopérative parmi les combinaisons Pareto-optimales de cette ligne. La réussite d’une coordination n’implique cependant pas que cela ; il faut encore se mettre d’accord sur la position précise à occuper sur la courbe de contrat O1 O2, c’est-à-dire savoir se répartir de façon équitable les bénéfices de la coordination. Face à ces perspectives favorables, une certaine prudence s’impose néanmoins : en premier lieu, si une solution telle que A a été déterminée en commun, il demeure des incitations à violer l’accord, chaque pays étant tenté de tricher pour se porter l’un en B, l’autre en B’. Il est donc nécessaire de « régler » soigneusement le compromis pour éviter de tels dérapages, d’où la nécessité d’une règlementation de la coordination budgétaire. 50 1.1.2 Cadres conceptuels de la solvabilité et de la soutenabilité Diverses institutions telles que le FMI et la Banque Mondiale ont développé des modèles d'analyse de la soutenabilité de la dette. Cependant, il est difficile de déterminer des niveaux soutenables de la dette et les modèle d’analyses visent à identifier le risque d'insolvabilité et les facteurs ou les critères qui peuvent accroître un tel risque. La solvabilité et la soutenabilité sont des notions permettant de caractériser la situation d'un pays par rapport à ses possibilités et à sa volonté de respecter ses engagements financiers, par rapport au remboursement de sa dette. Pour appréhender mieux les notions de solvabilité et de soutenabilité, il est souhaitable d’approfondir nos connaissances de ces termes. 1.1.2.1 Solvabilité d’un pays La solvabilité caractérise la situation financière d'un État capable de faire face à ses engagements, c'est-à-dire un Etat qui respecte la contrainte budgétaire intertemporelle en recourant à des ajustements budgétaires lorsque cela s'avère nécessaire. La solvabilité d'un pays est un élément important pour l’appréciation par les prêteurs potentiels de la capacité d'un pays à rembourser sa dette extérieure. Etre financièrement solvable est déterminant pour le développement d’un pays dans la mesure où cela lui permet d'emprunter des sommes plus importantes afin de financer sa croissance et son développement. En outre, un pays débiteur solvable est en mesure d'emprunter des fonds afin d'assurer le refinancement de sa dette. Pour ce qui est de la dette, elle est dite non solvable pour décrire une dette extérieure dont les intérêts sont supérieurs au produit intérieur brut (PIB) du pays concerné, cette dette devenant par conséquent impossible à rembourser. Plusieurs facteurs influencent la solvabilité. Certains sont liés à des facteurs économiques tels que la capacité d'un pays à recevoir des capitaux extérieurs (exportations, financements divers), le profil de remboursement de la dette et la volatilité. D’autres sont de nature 51 politique, par exemple lorsque le gouvernement estime que le service de la dette est trop élevé. La solvabilité s’apprécie sur le long terme dans la mesure où les prêteurs évaluent la capacité du débiteur à rembourser sa dette sur une période, avant d'accorder des financements plus importants. Cependant, cette solvabilité est susceptible de se dégrader suite à la non-exécution d'obligations contractuelles. Dans le cas où la restructuration de la dette ne peut être évitée, les pays qui n'accumulent pas d'arriérés et qui adoptent une démarche préventive pour trouver une solution de manière coordonnée avec leurs créanciers, peuvent rétablir leur situation plus facilement. En revanche, ceux qui présentent une défaillance dans leurs remboursements tendent à perdre la possibilité d'accéder à de nouveaux financements pour un certain temps. L’insolvabilité ou l'incapacité de payer peut résulter de beaucoup de facteurs dont le plus important est le niveau de la dette. Le constat de l’insolvabilité d'un État s'accompagne d'une crise des finances publiques, laquelle crise se manifeste par un défaut de paiement (répudiation de la dette) et ceci peut poser le problème de soutenabilité de la dette. En théorie, la solvabilité exige que la valeur actuelle nette (VAN) des dépenses primaires, actuelles et futures de l’État ne soit pas supérieure à celle de ses recettes actuelles et futures, déduction faite de tout endettement initial (Hauner, Leigh, & Skaarup, 2008). Cependant, (Raffinot, 1999) pense que la solvabilité est un critère peu opérationnel, car le moment où le pays devient créditeur net peut être trop lointain, même dans les hypothèses les plus favorables. Il estime que dans la pratique, le pays doit continuer à recevoir des financements extérieurs, à condition qu'il assure régulièrement le service de sa dette et il traduit cet aspect sur un plan quantitatif par la soutenabilité. La traduction quantitative de la solvabilité mène donc à l’utilisation de la notion de soutenabilité. 1.1.2.2 Soutenabilité de la dette La question de soutenabilité de la dette peut être appréhendée, soit du point de vue de la contrainte budgétaire intertemporelle, soit du point de vue de l'équité intergénérationnelle. Dans le premier cas, il s'agit de s'assurer qu'il sera possible de dégager dans l'avenir les 52 excédents qui permettront de couvrir la dette. En effet, plus la dette est élevée, plus il faudra, pour la réduire ou la contenir, produire des soldes budgétaires positifs, ce qui implique que des changements importants devront être apportés à la structure des dépenses. Dans le second cas, il faut éviter de transférer le fardeau des dépenses actuelles aux générations futures en équilibrant l'effort à entreprendre : plus l'assainissement des finances publiques prendra de temps, plus les ajustements seront coûteux, entraînant une hausse de la pression fiscale ou des réductions dans les services. Pour notre étude, la contrainte budgétaire intertemporelle sera à la base de l’analyse économétrique de la soutenabilité. a) Essai de définition La soutenabilité de la dette concerne la viabilité de la politique économique existante et des politiques futures espérées. Ainsi, la politique budgétaire devient insoutenable si la continuation des politiques courantes et planifiées (sans modification) est susceptible d’entraîner une violation de la contrainte budgétaire intertemporelle, et de déboucher en fin de compte sur une situation d'insolvabilité. Autrement dit, si une politique budgétaire est effectivement insoutenable, ceci fournit un signal clair du besoin de changement dans la conduite de la politique économique pour restaurer la soutenabilité, et c'est ce changement qui, à condition d’être bien mené, va aider à empêcher la chute vers l'insolvabilité. Pour reprendre les termes de (Solow R. , 2006), la soutenabilité est le fait de conserver dans le temps « une capacité généralisée à produire du bien-être économique » et plus précisément de « doter les générations futures de tout ce qui sera nécessaire pour atteindre un niveau de vie au moins aussi bon que le nôtre et pourvoir pareillement aux besoins de la génération qui suivra. (...) Nous ne devons pas, au sens large, consommer le capital de l’humanité ». Le problème ici est donc d’identifier les composantes de ce « capital » dont dépend le bien-être futur, et de vérifier la transmission effective aux générations futures de quantités suffisantes, de sorte à assurer cette chaîne intergénérationnelle de soutenabilité décrite par Solow. D’après le Fonds Monétaire International (FMI), la soutenabilité de la dette est une situation dans laquelle un pays a la capacité de satisfaire à ses obligations présentes et futures 53 concernant le service de sa dette, sans qu’un changement important dans sa balance de paiement ne soit nécessaire. Il est à remarquer que cette définition de la soutenabilité explique la capacité que doivent avoir les pays à rembourser la dette. La Banque Mondiale, elle, pour déterminer la soutenabilité d’un pays, utilise souvent la valeur présente des paiements futurs du service de la dette, rapportée aux exportations. Autrement, la solvabilité d’un pays peut être déterminée par la valeur maximale de la part des exportations (en pourcentage) qui doit être alloué au paiement de la dette, sans que le ratio service de la dette sur exportation n’excède un seuil préalablement défini par les autorités nationales. Il ressort de cette vision de la soutenabilité que la capacité d’emprunt d’un pays dépend fortement du taux de croissance de ses exportations (Deblock & Aoul, 2001), mieux, d’un plafond d’endettement déterminé par le niveau de ses exportations. En matière de politique économique, la soutenabilité correspond à la situation d'un État dont la solvabilité est assurée sans qu'il ait particulièrement besoin d'ajuster sa politique budgétaire dans l'avenir. Dans la pratique, il importe que le pays puisse continuer à recevoir des financements extérieurs et à payer régulièrement les intérêts sur l’encours de ses dettes. En termes financiers, la soutenabilité budgétaire consiste en l’adéquation des projets de dépenses d’un Etat aux capacités d’engagement et droits de paiements qui lui sont notifiés ou qui sont susceptibles de lui être délégués dans le futur, mesurant ainsi la capacité à honorer des engagements à souscrire. En somme, la soutenabilité insiste sur la capacité à payer régulièrement le service de la dette, condition préalable à la possibilité de continuer à recevoir des financements extérieurs. L'objectif ici n'est pas de réduire l'encours de la dette mais de s'assurer que les ratios d'endettement ne connaitront pas une tendance explosive qui empêche la poursuite de l'endettement. En effet, ni le stock, ni l’encours de la dette ne constitue en soi un problème mais c’est plutôt son évolution et l’équilibre de sa progression qui sont essentiels pour l’identification des difficultés auxquelles peut faire face un pays endetté. Par ailleurs, la non-soutenabilité de la dette publique provoque le défaut de l’emprunteur qui, face à ses prêteurs, ne peut respecter ses obligations contractuelles. En effet, faute de maîtrise de ses variables budgétaires, l’Etat ne pourra pas rassurer ses prêteurs qui finiront par douter de sa capacité à honorer ses engagements. Ainsi, pour compenser ce risque, les 54 prêteurs exigeront une rémunération intégrant une prime, ce qui pourra induire pour la rémunération d’une émission donnée une émission future insoutenable. D’où un défaut par illiquidité, malgré un besoin d’endettement inférieur au seuil de soutenabilité. Remarque : la solvabilité caractérise l'état du « bilan de santé financière » d'un Etat alors que la soutenabilité s'intéresse plutôt à la cohérence de sa pratique observée en matière de politique budgétaire. Une politique peut ainsi ne pas être soutenable sans pour autant que l'État cesse d'être solvable dans la mesure où, au besoin, il peut choisir de modifier sa politique budgétaire, aujourd'hui ou à l'avenir, pour pouvoir honorer sa dette. La question de la soutenabilité est alors réduite à un problème de solvabilité, faisant des critères de l’information ex-post, et non des moyens de prévenir les dérives financières exante. (Wiplosz, 2007) considère que cet inconvénient des critères conduit à un principe d’impossibilité de traitement correct de la dette. b) Analyse de la soutenabilité De ce qui précède, nous pouvons affirmer que la soutenabilité extérieure d’un pays se détermine par l’évolution de la dette extérieure et du service de la dette comparée à d’autres indicateurs de performance économique. Mathématiquement, une dette soutenable traduit que le ratio de la dette (encours ou Valeur Actualisée Nette des flux futurs) rapportée à son PIB, à ses recettes d’exportations ou encore à ses recettes intérieures, reste à un niveau jugé acceptable pour les autorités économiques. Pour ainsi dire, une dette publique est réputée soutenable si son encours est inférieur à la valeur actualisée des futurs excédents primaires. La soutenabilité repose donc à la fois sur la valeur des excédents budgétaires futurs et sur la définition du taux d’actualisation (Besancenot, Huynh, & Vranceanu, 2003). Pour ce qui suit, parmi les nombreuses définitions de la notion de soutenabilité budgétaire, nous retiendrons la suivante: une politique budgétaire est soutenable si elle assure à terme la solvabilité de l’Etat, c’est à dire si elle garantit que la dette ne croîtra pas dans des proportions excessives telles que l’Etat ne puisse plus assurer son remboursement. 55 En partant de la contrainte budgétaire de l'Etat (Blanchard & Cohen, 2010), la traduction mathématique de la soutenabilité stipule que la variation de la dette publique est égale au déficit de l'année en cours, lequel déficit se définit comme la somme du déficit primaire de l'année (Gt − R t ) et de la charge d'intérêts dus sur l'encours de la dette à la fin de l'année précédente (𝑟Bt−1), avec : R t = recettes totales Gt = dépenses publiques 𝑟 = taux d’intérêt réel Selon la contrainte budgétaire intertemporelle, il convient : 𝐵𝑡 − 𝐵𝑡−1 = 𝑟𝐵𝑡−1 + (𝐺𝑡 − 𝑅𝑡 ) (1.8) Ou encore : 𝐵𝑡 = (1 + 𝑟)𝐵𝑡−1 + (𝐺𝑡 − 𝑅𝑡 ) (1.9) Il se déduit de la relation (1.9) que le respect de la contrainte budgétaire impose, à long terme, un ajustement des dépenses aux recettes. Exprimée en termes de ratio de la dette par rapport au PIB (𝑌), l'évolution de la dette se détermine comme suit: 𝐵 𝐵𝑡−1 (𝐺𝑡 − 𝑅𝑡 ) = (1 + 𝑟) + 𝑌𝑡 𝑌𝑡 𝑌𝑡 En écrivant 𝐵𝑡−1 𝑌𝑡 = 𝐵𝑡−1 𝑌𝑡−1 𝑌𝑡−1 𝑌𝑡 (1.10) (après avoir multiplié chaque terme de l’équation par 𝑌𝑡−1 ), nous obtenons : 𝐵𝑡 𝐵𝑡−1 𝑌𝑡−1 (𝐺𝑡 − 𝑅𝑡 ) = (1 + 𝑟) + 𝑌𝑡 𝑌𝑡−1 𝑌𝑡 𝑌𝑡 (1.11) Si 𝑔 désigne le taux de croissance du PIB et que l’on suppose g constant, alors : 𝑌𝑡 = (1 + 𝑔)𝑌𝑡−1 ⇔ 𝑌𝑡−1 1 = 𝑌𝑡 1+𝑔 (1.12) 56 D’où : 𝐵𝑡 1 + 𝑟 𝐵𝑡−1 (𝑅𝑡 − 𝐺𝑡 ) =( ) − 𝑌𝑡 1 + 𝑔 𝑌𝑡−1 𝑌𝑡 (1.13) 𝐵𝑡 𝐵𝑡−1 𝑟 − 𝑔 𝐵𝑡−1 (𝑅𝑡 − 𝐺𝑡 ) − =( ) − 𝑌𝑡 𝑌𝑡−1 1 + 𝑔 𝑌𝑡−1 𝑌𝑡 (1.14) Remarque : (1) En comparant l’équation (1.13) qui donne l’évolution du ratio de (dette sur PIB) à l’équation (1.8) qui traduit l’évolution de la dette en volume, nous constatons une différence entre 𝑟 et (𝑟 − 𝑔). En effet, si nous supposons que le déficit primaire est nul, le volume de la dette va croître au taux 𝑟 et le ratio dette sur PIB croîtra - plus lentement - au taux (𝑟 − 𝑔). [Mathématiquement, si deux variables croissent respectivement à des taux 𝑟 et ɛ, alors leur rapport croît au taux (𝑟 − g)]. (2) L’équation (1.14) montre que la variation du ratio de la dette dépend de la différence entre le taux d'intérêt réel et le taux de croissance (𝑟 − 𝑔), du ratio initial de la dette 𝐵𝑡−1 𝑌𝑡−1 , ainsi que du ratio de déficit primaire sur PIB (𝐺𝑡 −𝑅𝑡 ) 𝑌𝑡 . L’ensemble de ces indicateurs constitue un guide utile à l’analyse de l’évolution du ratio de dette sur PIB, et partant à l’analyse de la soutenabilité de la dette dans les pays fortement endettés. Nous y reviendrons dans le chapitre 3 de la présente thèse. D’autres approches apprécient la soutenabilité en examinant la dynamique possible des finances publiques vers une situation soutenable. Par exemple, se donner d’abord une cible de ratio de dette, et calculer ensuite l'excédent primaire nécessaire pour rejoindre cette cible à un horizon donné. Si l'excédent primaire demeure en deçà de cette cible, la dynamique de la dette n'est pas soutenable. Par contre, il n'est pas nécessaire qu'il soit, à tout instant, égal à la cible puisqu'il s'agit in fine de respecter une condition de transversalité, un simple rappel vers la cible suffit. Cette approche ne permet pas de faire 57 l'économie d'une analyse de la soutenabilité ; elle demeure néanmoins nécessaire pour déterminer la cible17. Une troisième approche, d'ordre statistique, consiste à analyser, sur le passé, la dynamique conjointe du déficit et de la dette pour évaluer le risque de trajectoire divergente qui enfreindrait la condition de transversalité. Pour cela, il est de coutume d’employer des techniques d’analyse des séries temporelles inspirées des méthodes utilisées pour tester l’existence de bulles sur les prix d’actifs (Hamilton & Flavin, 1986). En considérant par exemple l’équation (1.13) et en désignant par leurs minuscules les ratios 𝐵 𝐵 𝐺𝑡 −𝑅𝑡 des variables sur le PIB : 𝑏𝑡 = ( 𝑌𝑡 ), 𝑏𝑡−1 = ( 𝑌𝑡−1 ), 𝑑𝑡 = ( 𝑡 𝑡−1 𝑌𝑡 ) = déficit primaire, il en découle : 𝑏𝑡 − 𝑏𝑡−1 = (𝑟 − 𝜀)𝑏𝑡−1 + 𝑑𝑡 (1.15) 1 D’où, en posant 𝑃 = 1+𝑟−𝑔 , nous obtenons : 𝑏𝑡−1 = −𝑃𝑏𝑡 + 𝑃𝑑𝑡 (1.16) Soit 𝑖𝑡 = 𝑏𝑡−1 + 𝑃𝑏𝑡 − 𝑃𝑑𝑡 le résidu de l’équation (1.15). 𝑖𝑡 mesure l’ampleur de la divergence entre la dette et son « fondamental », le déficit primaire. La dette est soutenable si le résidu 𝑖𝑡 est stationnaire, c’est-à-dire d’espérance constante et de variance limitée au cours du temps. Des tests statistiques permettent de tester cette hypothèse. En conclusion, nous ne pouvons que noter l’écart entre l’analyse théorique du problème de la soutenabilité et son analyse empirique, lequel écart souffre de plusieurs problèmes : l’absence de données de qualité suffisante sur les comptes publics, la dépendance vis-à-vis des modèles utilisés, notamment pour établir des prévisions des recettes fiscales, des transferts versés, et des taux d’intérêt réels dans le futur. 17 Voir (Coeuré, Jacquet, & Pisani-Ferry, 2004) pour une illustration dans le cas européen. 58 c) Etudes émanant de la solvabilité et de la soutenabilité de la dette (Hamilton & Flavin, 1986) sont les premiers à tester empiriquement le respect de la contrainte budgétaire inter-temporelle de l’état en appliquant des tests de stationnarité [Augmented Dickey-Fuller test - ADF (Dickey & Fuller, 1981)]18 aux séries de dette et de surplus primaire du gouvernement américain sur la période [1962-1984], et en utilisant le taux d’intérêt réel comme taux d’actualisation. Ils rejettent la non-stationnarité des séries de surplus primaire et de dette, concluant ainsi que la politique budgétaire américaine sur cette période était soutenable. (Trehan & Walsh, 1988) étendent la méthode de Hamilton et Flavin (1986) en testant la cointégration des séries de dette et de solde primaire. Ils appliquent leur test de cointégration à la dette et aux déficits primaires des Etats-Unis de 1964 à 1984, et concluent à la nonsoutenabilité de la politique budgétaire américaine sur cette période. (Kremers, 1989) conteste ce résultat en montrant que leur régression ne comportait pas assez de retards pour éliminer l’autocorrélation des résidus. Afin d’évaluer la soutenabilité de la dette intérieure du Zimbabwe sur la période 1980-2007, (Chikoko & Mupunga, 2012) utilisent le test de cointégration pour analyser l’évolution des séries chronologiques de dépense publique, des recettes de l’Etat et du déficit budgétaire. En introduisant une rupture structurelle en 2001, les résultats d'analyse révèlent que les dépenses et les recettes publiques sont intégrées d’ordre un [I(1)] et donc, ne sont pas cointégrées. En conséquence, la dette intérieure du Zimbabwe est non soutenable. Les dépenses publiques étant incompressibles car à des niveaux bas, les résultats de l’étude de (Chikoko & Mupunga, 2012) traduisent la nécessité d’élargir l'assiette fiscale afin d'assurer une croissance économique au Zimbabwe. (Ary-Tanimoune, 2011) présente une évaluation empirique des mécanismes budgétaires dans l'UEMOA sur la période 1986-2006. Il s’en dégage que, face à un choc d’endettement, les 18 En statistique et en économétrie, un test de Dickey-Fuller augmenté (ADF) est un test de racine unitaire effectué dans un échantillon de séries temporelles. Alors que le test de Dickey-Fuller teste la présence d’une racine unitaire dans un modèle autorégressif, sa version augmentée (ADF) teste la présence de racine unitaire pour un ensemble de modèles de séries temporelles plus vaste et plus complexe. La statistique du Dickey-Fuller augmenté (ADF) utilisée pour le test, est un nombre négatif. Plus il est négatif, plus la probabilité de rejet de l'hypothèse qu'il existe une racine unitaire à un certain niveau de confiance est élevée. 59 ajustements budgétaires semblent passer par les dépenses publiques courantes alors que les recettes publiques totales seraient davantage utilisées en cas de choc de production. (Sène, 2014) évalue l’impact de la solvabilité des États membres de l’UEMOA sur la prime de risque des titres publics (obligations et bons du Trésor) exigée par les investisseurs sur la période allant de 2002 à 2012. Pour se faire, il distingue les variables relatives à la solvabilité des États [le ratio dette sur PIB, le fardeau de la dette, le solde budgétaire de base (SBB) rapporté au PIB, les arriérés de paiement, la position nette du gouvernement (PNG)]. Le tableau 1.1 présente l’évolution des variables de solvabilité budgétaire des différente pays ainsi que leur rating19 et signes attendus de ces variables par rapport à la prime de risque des titres publics imposée par les investisseurs. Nous pouvons constater que les meilleures performances économiques ont été réalisées en moyenne par le Bénin, le Burkina Faso et le Sénégal. Par contre, la crise politique que venait de connaître la Côte d’Ivoire explique la détérioration de ses fondamentaux économiques. Ce pays a constitué d’énormes arriérés de paiement et a vu sa dette exploser et sa position nette se dégrader. Cette situation avait envoyé, à un moment, un mauvais signal aux investisseurs de la zone, entraînant ainsi une flambée des taux exigés à l’État ivoirien. Quant au ratio dette sur PIB, il est assez stable pour tous les pays à l’exception du Togo et de la Côte d’Ivoire. Le respect de ce critère de premier rang s’explique par les initiatives pays pauvres très endettés et multilatérale dont ont bénéficié certains pays de la zone. Cependant, il faut souligner que certains pays comme le Sénégal ont connu un rythme d’endettement assez soutenu entre 2005 et 2012. Pour ce qui est du rating, le Bénin, le Burkina Faso et le Mali faisaient en 2012 l’objet d’une notation B, sachant que sur le marché international, les notes de qualité B sont qualifiées de grade spéculatif et exigent des primes de risque plus élevées. Le rating du Sénégal (B+) est sensiblement meilleur que les autres (pour rappel, en 2012 le Sénégal a levé 500 millions de dollars sur le marché des euro-obligations à un taux avoisinant 8%). 19 Note attribuée à un emprunteur sur la base d’un ensemble d'études et d'instruments d'analyse permettant d'évaluer sa surface financière et les risques qu'il présente. 60 Tableau 1-1 : Moyenne des variables de solvabilité budgétaire et Rating dans les pays de l’UEMOA (2002-2012) SBB/PIB (+) BEN 0,50 BFA -1,95 CIV -0,86 MLI 0,43 NER -0,64 SEN -0,81 TGO 0,35 Dette/PIB (-) 30,64 31,70 75,79 43,34 47,50 43,11 90,46 Arriérés de paiements (-) PNG (Dette/PIB)2 (+) Rating -16,05 0,06 137,49 -10,32 -16,81 0,00 -1,70 -96 36 6,79 216,57 86,96 15,54 20,11 45,24 B B nd B nd B+ nd Source : Rapport de surveillance multilatérale de l’UEMOA, la PNG et les arriérés sont en milliards de FCFA Le résultat important qui émerge de l’analyse de Sène (2014) est la nécessité pour les États de respecter les critères de convergence du pacte de stabilité de l’UEMOA, qui permettent de lever des fonds à des taux plus abordables auprès des investisseurs afin de les préserver contre le risque de jeu de Ponzi. (Bohn H. , 1995), dans un contexte où les prêteurs sont averses au risque et où l'environnement économique est incertain, montre que la contrainte budgétaire intertemporelle (dont la réalisation conditionne la soutenabilité de la dette publique) fait intervenir un facteur d'escompte stochastique qui dépend des préférences des agents. Afin de contourner la difficulté liée à la spécification de ces préférences dans les études empiriques, (Bohn H. , 1998) suggère d'estimer des fonctions de réaction fiscale décrivant comment le surplus primaire réagit à l'endettement. (Bohn H. , 1998) se pose la question de savoir comment les gouvernements réagissent à l'accumulation de la dette. « Prennent-ils des mesures correctives ou laissaient-ils croître la dette? ». Alors que les tests standards de séries temporelles ne permettent pas de rejeter la présence de racine unitaire dans le ratio dette sur PIB des États-Unis (il est donc impossible de conclure), cet auteur prouve que des mesures correctives pourraient être apportées, en montrant que le solde primaire des États-Unis est une fonction croissante du ratio dette sur PIB. Par ailleurs, la réaction positive du solde primaire à l'évolution de la dette montre également que la politique budgétaire des États-Unis satisfait la contrainte budgétaire intertemporelle de l’Etat. Cependant, nous verrons par la suite que cette méthode prônée par (Bohn H. , 1998) présente des limites. 61 En effet, après avoir résolu les difficultés qui se présentent en pratique lorsque le solde primaire et la dette ont des persistances très différentes (avec une approche non-paramétrique) ou sont tous les deux intégrés (par une approche paramétrique), (Lamé, Lequien, & Pionnier, 2014) estiment des fonctions de réaction fiscale pour la France et pour la Grèce. Leurs résultats mettent en évidence le fait que les tests économétriques de soutenabilité présentent des difficultés d'interprétation et des limites importantes, même lorsqu'ils sont correctement spécifiés. (Lamé, Lequien, & Pionnier, 2014) montrent que, même correctement spécifiés, les tests économétriques standards de la soutenabilité ne répondent pas à la question suivante : « est-il rationnel pour un investisseur de se baser uniquement sur l’historique du ratio du déficit primaire rapporté à la dette, pour prêter de l'argent à un gouvernement ? ». Ces auteurs trouvent que les fonctions de réaction budgétaires (prédites par (Bohn H. , 1998)) ne sont pas linéaires et présentent des effets de seuils. En plus, les investisseurs privés peuvent correctement - ou non - anticiper des ruptures structurelles. Par conséquent, les tests économétriques usuels de la soutenabilité doivent toujours être complétés par une analyse détaillée de la situation macroéconomique du pays. (Sarr, 2005) fait une analyse de la soutenabilité en zone UEMOA en testant la stationnarité du ratio dette sur PIB nominal des pays de ladite zone sur la période 1972-2002. Il en conclut que les politiques budgétaires des pays de la zone n’étaient pas soutenables. En partant de ces résultats, la présente thèse consistera à analyser dans un premier temps la soutenabilité de la dette sur la base de la définition du FMI, en partant de l’identité de la balance commerciale. Ensuite, elle accordera une étude aux possibilités de manœuvre pour le financement du déficit budgétaire afin d’éviter que la dette ne croisse plus vite que le PIB au sein de chaque pays étudié. Pour se faire, des stratégies de financement sont indispensables au développement desdits pays et nous en discuterons dans la dernière partie de notre recherche. Mais à présent, il nous parait opportun, pour la suite de notre étude, de présenter l’UEMOA dans ses dimensions institutionnelle et économique. 62 1.2 L’UEMOA : Configurations institutionnelles et évolutions économiques Le besoin d’union économique et monétaire à l’échelle ouest-africaine repose sur un constat : jusqu’en 1994, il n’existe qu’une union monétaire (UMOA) regroupant les pays de la zone ayant pour devise le franc CFA, dont la gestion est pilotée par la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Mais la dimension uniquement monétaire de l’Union limite de facto les ambitions et le champ de compétence de l’UMOA. Surtout, elle néglige l’importance cruciale d’une intégration économique élargie et effective au sein de la zone, un préalable pourtant indispensable à une dynamique durable de croissance et à une convergence économique structurelle des pays membres de l’Union à long terme. L’UEMOA présente une particularité du fait que le processus d’intégration monétaire ait précédé l’intégration économique, au lieu de l’inverse. A la différence par exemple de l’Union Européenne qui a opté pour une approche gradualiste visant dans un premier temps à assurer une intégration économique avancée avant de mettre en place une union monétaire (avec l’euro), l’instauration d’une union monétaire ouest-africaine a d’abord acté un fait historique (l’existence d’une monnaie commune, le franc CFA pour les anciennes colonies françaises) avant de consolider ce socle commun par une approche globale d’intégration économique : l’UEMOA. Le traité instituant l’UEMOA en 1994 complète ainsi celui de l’UMOA (qui date de 1962) et fait de la BCEAO et de la BOAD (Banque ouest-africaine de développement) des institutions spécialisées autonomes. La naissance de l’UEMOA en janvier 1994, comme l’une des conséquences majeures de la dévaluation du franc CFA cette même année, a reflété la nécessité de la part des gouvernements de l’union, de tout mettre en œuvre pour consolider et renforcer l’intégration économique. Comment est né cet organisme ? Et comment fonctionne-t-il ? 63 1.2.1 Création, organisation et fonctionnement de l’UEMOA 1.2.1.1 UMOA et UEMOA : Deux institutions complémentaires L'Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) est née sur les cendres de l'Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) créée en 1962, en même temps que la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO). a) De l’UMOA à l’UEMOA (i) Historique de l’UMOA20 Au seuil des indépendances, la zone franc21 apparaît comme un ensemble fortement centralisé, caractérisé par une réglementation des changes unique, la mise en commun des réserves de change et la libre convertibilité, à des parités fixes, des différentes monnaies de l’ensemble. L’accession à l’indépendance, entre 1954 et 1962, des territoires antérieurement placés sous la tutelle de la France n’a pas provoqué l’éclatement de la zone22. Au contraire, les États ayant choisi de rester dans la zone constituèrent un ensemble plus homogène, dans un cadre institutionnel rénové. En avril 1959, six États nouvellement indépendants d’Afrique occidentale ayant en commun l'usage d'une monnaie commune, le franc CFA (Côte-d’Ivoire, Dahomey23, Haute-Volta24, Mauritanie25, Niger et Sénégal), auxquels se joindra le Togo en 1963, s’associèrent au sein de 20 Nous ne relatons pas les expériences passées d'intégration régionale, notamment celle de la CEAO (Communauté Economique de l'Afrique de l'Ouest) dissoute à la création de l'UMOA. 21 Nous n'intégrons pas l'appartenance des pays de l'UEMOA à un ensemble régional plus vaste regroupant les 15 pays de l'Afrique de l'Ouest (francophones, anglophones et lusophones) au sein de la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest) dont le siège est à Lagos (Nigeria). 22 Se sont ainsi retirés de la Zone franc : le Liban (1948), le Maroc, la Tunisie et l’Algérie (entre 1956 et 1962), la Guinée (1958). 23 Le Dahomey est devenu le Bénin le 30 novembre 1975. 24 La Haute-Volta est devenue le Burkina Faso le 4 août 1983. 25 La Mauritanie sortira de la Zone franc en 1973 64 la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest pour gérer leur monnaie commune, le franc CFA (franc de la Communauté financière africaine). En mai 1962, ces mêmes États fondèrent l’Union monétaire ouest-africaine (UMOA), manifestant ainsi leur volonté de coopération monétaire à la fois entre eux, au sein d'une union, et avec la France au sein de la zone Franc. Les dispositions du traité instituant l’UMOA portent, principalement, sur les règles de l’émission monétaire, la centralisation des réserves de change, la libre circulation des signes monétaires ainsi que la liberté des transferts à l’intérieur de l’Union. Le Mali n'a adhéré à l'UMOA qu'en juin 198426, après avoir demandé en 1967 sa réintégration dans la zone Franc, à la suite de difficultés financières graves. En 197327, le Traité de l'UMOA a été révisé ; la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) a été dotée de nouveaux statuts ; la Banque Ouest-Africaine de Développement (BOAD) a été créée et de nouveaux accords de coopération avec la France ont été signés. Des mécanismes de régulation, garants de la cohésion et de la stabilité monétaire de l'Union, ont été introduits dans les nouveaux textes. Grâce à un environnement monétaire plus stable - monnaie commune, ancrage au franc français et règles de gestion monétaire - les pays membres de l'UMOA, comme d'ailleurs les autres pays de la zone Franc, ont connu, en moyenne, de meilleures performances économiques que les autres pays d'Afrique sub-saharienne. La croissance économique a été en général supérieure à la croissance démographique, ce qui a permis d'améliorer les conditions de vie des populations. (ii) Naissance de l’UEMOA Dans les années 80, deux chocs externes majeurs ont largement contribué à déstabiliser les économies de l'Union et à renverser la croissance économique : l'effondrement des prix des matières premières, sources importantes des recettes d'exportation, et l'appréciation réelle du Franc CFA, sous l'effet combiné de la hausse du Franc français et l'ajustement à la baisse des taux de change des pays voisins hors Zone Franc. Les principaux indicateurs macro26 L’intégration du Mali à l’UMOA devint effective le 1er juin 1984, au terme d’un processus d’assainissement financier, lorsque la Banque du Mali transféra son privilège d’émission à la BCEAO. 27 Les textes régissant l’Union monétaire (en particulier le traité constituant l’Union monétaire ouest-africaine, les statuts de la BCEAO et la convention relative à la Commission bancaire) ont été révisés dans le cadre de la réforme institutionnelle entrée en vigueur le 1er avril 2010 65 économiques et financiers se sont détériorés rapidement, plongeant les pays de l'UMOA dans une crise économique profonde. Face à la crise économique, les pays membres de l'UMOA ont, dès 1990, manifesté leur volonté d'approfondir leur intégration économique en complément de l'union monétaire. En effet, il était devenu évident que les mécanismes de régulation monétaire devaient être complétés par des réformes économiques pour assurer la cohésion de l'Union et lancer les bases d'une croissance durable. C'est ainsi que le Gouverneur de la BCEAO a reçu mandat des Chefs d'Etat de l'UMOA de mener la réflexion sur l'intégration économique et de préparer un traité dans ce sens. Dans ce contexte, la signature du Traité représenterait la mesure d'accompagnement la plus importante et la plus volontariste de la dévaluation du Franc CFA. En complément de l’Union monétaire (UMOA), Le Traité instituant l'Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA) a été signé à Dakar le 10 janvier 1994 - deux jours avant la dévaluation - par les Chefs d'Etat et de Gouvernement du Bénin, du Burkina Faso, de la Côte d'Ivoire, du Mali, du Niger, du Sénégal et du Togo, tous pays de l'Afrique de l'Ouest28. Ce Traité est entré en vigueur le 1er août 1994, après sa ratification par les Etats membres. Le 02 mai 1997, la Guinée-Bissau en est devenue le huitième Etat membre. L’UEMOA vise à établir un espace économique intégré en s’appuyant sur la monnaie commune des Etats membres, à permettre une meilleure insertion de ces pays dans l’économie mondiale et ouvrir ainsi des perspectives nouvelles de développement économique et social. Ainsi, ses objectifs sont : Renforcer la compétitivité des activités économiques et financières des Etats membres dans le cadre d’un marché ouvert et concurrentiel et d’un environnement juridique rationalisé et harmonisé Assurer la convergence des performances et des politiques économiques des Etats membres par l’institution d’une procédure de surveillance multilatérale Créer entre Etats membres un marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux et le droit d’établissement des 28 Voir Annexe 1 pour les repères géographiques de ces pays. 66 personnes exerçant une activité indépendante ou salariée, ainsi que sur un tarif extérieur commun et une politique commerciale Instituer une coordination des politiques sectorielles nationales par la mise en œuvre d’actions communes, et éventuellement, de politiques communes notamment dans les domaines suivants : ressources humaines, aménagement du territoire, agriculture, énergie, industrie, mines, transport, infrastructures et télécommunication. Harmoniser, dans la mesure du nécessaire, au bon fonctionnement du marché commun. A partir du noyau constitué par les huit États-membres actuels, il est prévu une possibilité d’élargissement de l’Union aux autres pays de la sous-région. Cet objectif s’appuie sur un schéma cohérent de réformes articulé autour de quatre axes majeurs : harmonisation du cadre légal et réglementaire, création d’un marché commun, surveillance multilatérale des politiques macro-économiques, coordination des politiques sectorielles nationales dans les principaux domaines d’activité économique. b) L’UEMOA et le reste du monde Dès la signature à Cotonou, le 23 juin 2000, de l'Accord 2000/483/CE29 de partenariat entre les membres du groupe des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, la Commission de l'UEMOA a tout de suite reçu mandat du Conseil des Ministres en juillet 2000, pour ouvrir et conduire des négociations avec la Commission de l'Union Européenne, en vue de la conclusion d'un Accord de Partenariat Economique (APE) entre les deux Unions. Ainsi, il a été institué : le Programme d'Appui Régional à l'Intégration (PARI) 1 : il s’agit d’une Convention de financement d'un montant de 9,5 milliards de francs CFA, signée pour la période 14 novembre 1996 – 31 décembre 1999 ; 29 Les principaux objectifs de l’accord de Cotonou sont la réduction et, à terme, l’éradication de la pauvreté et l'intégration progressive des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) dans l’économie mondiale, tout en respectant les objectifs du développement durable. 67 le PARI 2 : c’est une nouvelle Convention de financement, d'un montant global de 52,5 milliards de francs CFA, signée le 24 mars 2000. Cette convention comporte deux volets ; le premier est un appui aux Institutions de l'Union et aux Etats membres ; le second est un appui au développement et à l'insertion du secteur privé dans le processus de l'intégration. En outre, l'Union Européenne consacre plus de 154 milliards de francs CFA à la coopération régionale avec l'Afrique de l'Ouest entre 2003 et 2006, par le canal des deux principales organisations que sont l'UEMOA et la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). A cet effet, la Commission Européenne a adopté un document de stratégie de coopération et de programme indicatif entre l'UE et la région. La stratégie proposée est de favoriser la convergence à long terme des deux processus d'intégration, soit : Consolider l'Union douanière et renforcer le marché commun au niveau de l'UEMOA ; Créer l'Union douanière de la CEDEAO et renforcer les capacités de son secrétariat exécutif. L'UEMOA a également développé une coopération active avec la CEDEAO, le Comité Permanent Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse au Sahel (CILSS), la Communauté Economique et Monétaire de l'Afrique Centrale (CEMAC), l'Organisation Commune de Coopération Contre les Grandes Endémies (OCCGE), l'Organisation pour l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique (OHADA),l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA), la Banque Africaine de Développement (BAD) et la Commission Economique des Nations Unies pour l'Afrique (CENUA). Elle a, depuis 2001, développé sa coopération avec l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO), la Banque Islamique de Développement (BID), le Fonds International pour le Développement Agricole (FIDA), l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International. Par ailleurs, l'UEMOA a renforcé sa coopération, sur le plan bilatéral, avec les Etats Unis d'Amérique, à travers la signature d'un Accord sur le développement du Commerce et des Investissements et avec la France, grâce à la signature d'une convention de financement dans le cadre du Fonds de Solidarité Prioritaire (FSP). 68 1.2.1.2 Organisation et fonctionnement de l’UEMOA L'UEMOA comprend des organes de direction, des organes de contrôle, des organes consultatifs et des institutions spécialisées autonomes que sont la BCEAO et la Banque Ouest-Africaine de Développement - BOAD - (figure1.5). Les mécanismes institutionnels de l'Union ayant déjà fait l'objet de nombreuses publications30, nous ne détaillerons ici que les organes de direction et les institutions spécialisées de l’UEMOA. a) Les organes de direction de l’UEMOA Les organes de direction de l’UEMOA sont constitués par la Conférence des chefs d’État, le Conseil des ministres, la Commission. (i) La Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement Autorité suprême de l'Union, elle tranche toute question n'ayant pu trouver de solution par accord unanime du Conseil des Ministres. La Conférence définit les grandes orientations de la politique de l'Union et fixe les orientations générales pour la réalisation des objectifs de celleci. Se réunissant au moins une fois par an, la Conférence prend des Actes additionnels qui peuvent compléter le Traité sans, toutefois, pouvoir le modifier. 30 Se référer à UMOA (1962, 1973, 1989) et au site de l’UEMOA, pour les statuts régissant l’UMOA et la BCEAO. 69 Figure 1-5 : Schéma de fonctionnement de l’UEMOA ORGANES DE DIRECTION CONFÉRENCE DES CHEFS D'ETATS ET DE GOUVERNEMENTS CONSEIL DES MINISTRES COMMISSION DE L'UEMOA INSTITUTIONS SPECIALISEES AUTONOMES ORGANES CONSULTATIFS CHAMBRE CONSULAIRE RÉGIONALE BCEAO BOAD ORGANES DE CONTROLES JURIDICTIONNEL DEMOCRATIQUE COUR DE JUSTICE COUR DES COMPTES PARLEMENT ACTEURS BENEFICIAIRES Etats membres de l'UEMOA Populations et entreprises de l'UEMOA Source : Site de l’UEMOA. 70 (ii) Le Conseil des Ministres Le Conseil des Ministres définit la politique monétaire et de crédit de l'Union afin d'assurer la sauvegarde de la monnaie commune et de pourvoir au financement de l'activité et du développement économique des États membres. Chaque Etat membre est représenté par deux ministres, dont le ministre des Finances, mais chaque État n'y dispose que d'une seule voix. Il assure la mise en œuvre des orientations générales définies par la Conférence. Il arrête le budget de l'Union. Le Conseil peut déléguer à la Commission de l'Union l'adoption des règlements d'exécution des actes qu'il édicte. (iii)La Commission Composée de huit membres désignés par la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement pour un mandat de quatre ans, renouvelable, la Commission de l'UEMOA exerce, en vue du bon fonctionnement et de l'intérêt général de l'Union, le pouvoir d'exécution, délégué par le Conseil des Ministres. La Commission : transmet à la Conférence et au Conseil les recommandations et avis qu'elle juge utiles à la préservation et au développement de l'Union ; exécute le budget de l'Union ; peut saisir la Cour de Justice en cas de manquement des Etats membres aux obligations qui leur incombent en vertu du droit communautaire. La Commission est composée de commissaires, avec en tête le Président de la Commission, nommé par la Conférence pour un mandat de quatre ans, renouvelable. Le Président de la Commission nomme aux emplois et est ordonnateur du budget. Les autres Commissaires sont chargés des différents départements de l’Union: le Département des Politiques Economiques (DPE) ; le Département des Politiques Fiscales, Douanières et Commerciales ; le Département des Fonds Structurels et de la Coopération Internationale ; 71 le Département du Développement Social ; le Département de l'Aménagement du Territoire Communautaire, des Infrastructures, des Transports et des Télécommunications (DAT) ; le Département du Développement Rural et de l'Environnement ; le Département de l'Énergie, des Mines, de l'Industrie, de l'Artisanat et du Tourisme. Si les règlements édictés par le Conseil et la Commission ont une portée générale et sont obligatoires dans tous leurs éléments, les directives, édictées par le Conseil, lient tout Etat membre quant aux résultats à atteindre. Les décisions sont obligatoires dans tous leurs éléments, pour leurs destinataires. Cependant, les actes arrêtés par les organes de l'Union sont appliqués dans chaque Etat membre, nonobstant toute législation nationale contraire, antérieure ou postérieure. (iv) La Commission bancaire Créée en 1990, la Commission bancaire de l’UEMOA a son siège à Abidjan (Côte-d’Ivoire) et est chargée d’élaborer la réglementation prudentielle applicable aux établissements de crédit de l’Union et d’effectuer les contrôles du système bancaire ouest-africain. Elle se compose à ce jour de dix-sept membres : le gouverneur de la BCEAO, qui en assure de droit la présidence ; un représentant désigné ou nommé par chacun des États participant à la gestion de la BCEAO ; pour les États-membres de l’UEMOA, ce représentant est le directeur du Trésor ou le responsable de la direction de tutelle des banques et établissements financiers ; des membres (un de chaque Etat participant à la gestion de la BCEAO) nommés par le Conseil des ministres de l’Union, sur proposition du gouverneur de la BCEAO, en raison de leurs compétences dans les domaines bancaire et juridique. 72 b) Les Institutions spécialisées autonomes de l’UEMOA (i) La Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) La BCEAO procède à une programmation annuelle des besoins de crédit, pour l'Union et par pays membre, avant d'en décider l'affectation. Statutairement, les emprunts des gouvernements auprès de la BCEAO sont limités à 20% de leurs rentrées budgétaires de l'année précédente. Les gouvernements sont libres d'emprunter sur le marché intérieur ou extérieur et sont tenus uniquement d'en aviser la banque centrale. En principe, chaque membre doit affecter 65% de ses réserves de devises à un compte d'opérations tenu par la BCEAO et établi au Trésor français à Paris. Tout déficit de balance des paiements d'un État membre est comblé par les avoirs extérieurs des autres membres. Si le bilan global du compte d'opérations baisse, il est possible de faire appel aux 35% restants des réserves. Si cela ne suffit pas, un plan de « gestion de crise » prend le relais. Le Trésor français se doit toutefois d'augmenter le compte d'une manière illimitée et inconditionnelle. C'est ainsi que se présente dans la pratique la garantie française de l'entière convertibilité du franc CFA. Ce régime a permis d'assurer le maintien de la parité au taux de 1 franc français (FF) = 50 francs CFA (FCFA) de 1948 au 12 janvier 1994, quand cette parité fut portée à 1 FF = 100 FCFA, le 14 janvier 1994. (ii) La BOAD Ayant son siège est à Lomé (Togo), la Banque Ouest-Africaine de développement a pour objectif de promouvoir le développement équilibré des Etats membres et de favoriser leur intégration. Par la collecte de disponibilités intérieures et la recherche de capitaux extérieurs, la BOAD contribue notamment au financement, sous des formes diverses, d'infrastructures de soutien au développement, de l'amélioration des conditions et moyens de production, de l'établissement de nouvelles activités. Au sein de l’UEMOA, des normes sont imposées pour arriver à la convergence budgétaire ainsi que pour assurer de façon crédible et durable la maîtrise des finances publiques, de même que la pérennité des politiques monétaires et de change commune. Toutefois, si ces règles ne sont pas bien définies et suivies, elles peuvent empêcher la politique budgétaire de 73 jouer son rôle de stabilisateur et de soutien à l’activité et même amplifier les effets d’un choc conjoncturel. Ce qui représente également un danger pour la viabilité de l’Union. 1.2.2 Le pacte de stabilité, de croissance et de convergence : l’outil de régulation économique de l’UEMOA Une union économique et monétaire repose sur la notion de solidarité, elle-même fondée, dans sa forme achevée, sur la mise en commun des réserves de change et la promotion d’un développement harmonieux des différents pays, notamment par des financements destinés aux régions les plus défavorisées afin de ne pas faire reposer les ajustements sur les seuls flux migratoires. Son bon fonctionnement suppose le respect, par chaque Etat membre, d’un ensemble de règles de discipline arrêtées collectivement, et formant le cadre de surveillance multilatérale. La raison d’être de ces règles communautaires est, d’une part, assurer la cohérence entre les politiques budgétaires nationales et la politique monétaire commune, et d’autre part, promouvoir une convergence et une intégration des économies nationales. Ces principes fondateurs de l’intégration économique et monétaire ont été à la base de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine dont les articles 63 à 75 du Traité constitutif ont tracé avec précision le cadre de la surveillance multilatérale. Ainsi, l’article introductif à ce dispositif qui forme la Section II du Chapitre II, du Titre IV du Traité, dispose : « Les Etats membres considèrent leurs politiques économiques comme une question d’intérêt commun et les coordonnent au sein du Conseil en vue de la réalisation des objectifs définis à l’Article 4, paragraphe b) du présent Traité. A cette fin, le Conseil met en place un dispositif de surveillance multilatérale des politiques économiques de l’Union dont les modalités sont fixées aux articles 64 à 75 ». En Afrique de l’Ouest, La communauté de monnaie (UMOA) commandait déjà une forme souple de surveillance multilatérale assurée par le biais des règles d’intervention de la BCEAO, notamment celles limitant les concours monétaires directs et indirects accordés aux différents Trésors nationaux par le système bancaire. Mais ce système a montré ses limites à la fin des années 80, avec l’explosion de l’endettement extérieur des pays, l’accumulation 74 d’importants arriérés intérieurs, et de graves problèmes de finances publiques. Une rénovation informelle du système a alors été entreprise. La formalisation d’un cadre d’exercice de surveillance multilatérale complet par la Commission de l’UEMOA est intervenue le 8 décembre 1999, par Acte Additionnel N° 04/99 portant Pacte de Convergence, de Stabilité, de Croissance et de Solidarité (PCSCS) entre les Etats membres de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), décision mise en application par l’adoption par le Conseil des Ministres de l’UEMOA, du Règlement N° 11/99/CM/UEMOA. Le PCSCS de l’UEMOA constituait ainsi une avancée considérable de l’Union au moment de son adoption ; il inaugurait une nouvelle expérience en matière de suivi des performances macroéconomiques des Etats membres. Les programmes pluriannuels élaborés dans ce cadre devaient permettre aux Etats de planifier l’évolution de leurs performances de manière à aboutir, à terme, au respect des conditions de convergence. Ce pacte est très marqué par le schéma du pacte budgétaire de l’Union Européenne (UE). Toutefois, contrairement à celui de l’UE, le pacte de l’UEMOA surpasse les critères d’endettement et d’inflation pour s’intéresser aux volets concernant le développement économique et ce, par la définition de certaines normes qualifiées de critères dits « de second rang ». Dans les deux cas (UE et UEMOA), la surveillance de la politique économique va audelà du domaine monétaire pour mettre sous contrôle communautaire les variables budgétaires. Cette disposition est d’ailleurs justifiée par les évolutions au sein de l'UEMOA sur la période 1975-1985 (Ary-Tanimoune & Plane, 2005), et par la littérature qui souligne qu’il est difficile de promouvoir l'efficacité économique sans une bonne combinaison des politiques monétaire et budgétaire [ (Semedo & Villieu, 1997) ; ( (Devarajan, Walton, & DEC, 1994)]31. 31 De nombreux auteurs estiment que les divergences des politiques budgétaires dans les années 1980, ont rendu inefficace le contrôle macroéconomique par la seule politique monétaire. Dans le cas de l'Union européenne, il s’agit de (Creel & Sterdyniak, 1998) et (Creel & Sterdyniak, 1995) 75 1.2.2.1 Elaboration de l’Acte relatif aux critères de convergence de l’UEMOA La perspective de la convergence en zone UEMOA se trouvait dans deux enjeux majeurs : les coûts liés à l’absence de coordination et les possibilités d’accélération du processus d’intégration ou de développement économique. Avant de savoir comment se concrétise cette convergence, il serait souhaitable d’en avoir un aperçu net. a) Qu’est-ce-que la convergence ? La convergence des politiques économiques a lieu lorsque plusieurs pays pratiquent des politiques économiques coopératives fondées sur la poursuite d’objectifs communs ou proches et contrôlées par l’existence de mécanismes de surveillance multilatérale. Ces mécanismes sont destinés à garantir la conformité des politiques économiques nationales avec les objectifs préalablement fixés. Nous distinguons : La convergence nominale : fait référence aux critères immédiatement observables à savoir le taux d’inflation, le ratio de dette ou de déficit publics par rapport au PIB, le taux d’intérêt de long terme. Il y a également convergence nominale lorsque ces variables tendent vers une valeur de référence. La notion de convergence réelle est moins rigoureusement définie, et fait référence à la convergence des niveaux de vie au sein d’un groupe de pays, des niveaux de productivité et des structures Elle établit une homogénéisation des conditions de vie qui entraîne une cohésion économique et sociale. De manière pratique, elle se traduit par la réduction de la dispersion des niveaux de revenu par tête de ces pays, au cours du temps. A l’origine, le concept de convergence est une hypothèse utilisée pour décrire le processus par lequel les économies les plus pauvres devraient rattraper celles qui bénéficient d’un niveau de revenu par tête plus élevé. L’explication réside dans le fait que dans les premiers modèles de croissance néoclassiques, notamment celui de (Solow R. M., 1956), les productivités marginales sont supposées décroissantes pour chaque facteur de production. Selon cette 76 théorie, le rythme des gains de productivité ralentit au fur et à mesure que l’économie se rapproche de la situation d’équilibre de long terme. D’autres développements ont été effectués avec la notion de clubs de convergence (Berthélemy & Varoudakis, 1995). (i) Modèle de croissance néoclassique L'approche néo-classique de la croissance est basée sur le modèle de Solow (1956) reposant sur deux hypothèses fondamentales : la productivité marginale décroissante de chacun des facteurs de production, capital et travail : si on ajoute de manière successive des unités supplémentaires d’un facteur de production, les quantités des autres facteurs étant maintenues inchangées, les augmentations de production qui en résultent diminuent à partir d’un certain point ; les rendements d'échelle constants : si tous les facteurs de production sont multipliés par une certaine quantité donnée, il en est de même pour la production. Ces deux hypothèses assurent que le PIB par tête d'une économie atteint, à long terme, une valeur d'équilibre, ou plutôt une succession de valeurs d'équilibres, du fait de l'existence du progrès technique. Lorsque l'économie est sur son sentier d'équilibre de long terme, la croissance du PIB par tête est égale au taux du progrès technique, exogène. Une économie peut s'éloigner temporairement de son sentier d’équilibre, mais la stabilité de l'équilibre assure qu'elle y retournera. Pendant ces phases de transition vers l'équilibre, la croissance par tête (en valeur absolue) est d'autant plus élevée que l'économie est éloignée de son sentier, du fait de la productivité marginale décroissante du capital. En d'autres termes, l'économie converge vers son sentier d'équilibre de long terme. Toutefois, l'approche néo-classique de la croissance présente des limites dans la mesure où : Les comportements économiques n'ont pas d'influence sur le rythme de croissance de long terme, celui-ci n'étant déterminé que par des variables exogènes : évolutions démographique et technique. Les théoriciens de la croissance endogène ont opéré une rupture significative en proposant des explications économiques de la croissance à long terme. 77 La condition nécessaire à l'existence d'une croissance auto-entretenue, caractéristique des modèles de croissance endogène, est que la productivité marginale du capital ne s'annule pas quand le stock de capital par tête devient grand. Ainsi en levant une des hypothèses du modèle de Solow, la croissance à long terme dépend des comportements économiques : un taux d'épargne plus élevé, par exemple, influence positivement la croissance. En revanche, la propriété de convergence disparaît. A travers le modèle de croissance néoclassique inspiré par Solow (1956), (Elmslie, 1995) indique que la convergence réelle peut être induite par un transfert de technologie qui crée une tendance naturelle des pays pauvres à converger vers les pays relativement riches. Pour traduire ce phénomène, (Barro & Sala-i-Martin, 1990) introduisent les concepts de « 𝛽convergence » - /bêta-convergence/ et « 𝜎-convergence » - /sigma-convergence/, termes couramment utilisées dans la littérature récente sur la croissance. Nous précisons que : la 𝛽-convergence se réfère au processus d’ajustement, dans le temps, des économies vers un même sentier de croissance ou vers une valeur de référence ; la 𝜎-convergence permet de mesurer le degré de rapprochement, dans le temps, entre plusieurs économies au regard d’un ou de plusieurs indicateurs ou critères. Ainsi, à l’hypothèse de convergence basée sur le modèle de croissance néoclassique, s’opposent les modèles de croissance endogène, qui eux, insistent sur le rôle des externalités. Par exemple : Selon (Romer P. M., 1986) : les conditions initiales, le stock de capital physique ou de capital humain déterminent le taux de croissance par tête. selon (Romer P. M., 1994), les caractéristiques de l’économie expliquent la diversité des rythmes de croissance et jouent un rôle crucial sur la croissance à long terme. Tous ces débats reposent sur la convergence réelle, tandis que ceux relatifs aux critères de convergence instaurés en zone franc et dans l’UEMOA portent sur la convergence nominale, qui est ainsi définie car visant des objectifs économiques chiffrés ou fixés en termes nominaux. Quand bien même il existe des travaux établissant un lien formel entre ces deux formes de convergence, il convient de noter que l’efficacité des critères demeure tout de même limitée car la convergence nominale n’est qu’une forme faible de la structurelle et il 78 n’existe pas de causalité positive entre ces deux formes de convergence selon (Tavéro, 1999),. N’empêche que les critères de convergence demeurent nécessaires dans la mesure où ils permettent d’apprécier la qualité de la « combinaison politique monétaire - politique budgétaire » des États, c’est-à-dire le policy-mix (Barthe, 2000). (ii) Application du modèle de croissance néoclassique à l’UEMOA Partant du modèle de croissance néoclassique, (Baumol, 1986) souligne que les forces qui accélèrent la croissance des économies en développement entraînent, dans le long terme, une tendance à la convergence des niveaux de production par tête. Ainsi, en union économique et monétaire (conditions réunies par l’UEMOA), les taux de croissance enregistrés dans les pays en développement devraient, sur le long terme, être supérieurs à ceux des pays économiquement plus avancés, ce qui permettrait de réduire l’écart entre les niveaux de développement de ces deux groupes de pays et de tendre vers une homogénéisation des niveaux de vie. Or, sur la dernière décennie, à l’exception de la Côte d’Ivoire dont les performances économiques ont été altérées par une crise socio-politique, les pays de l’UEMOA semblent se stabiliser sur une croissance lente et visiblement peu différenciée, quand bien même ils présentent des niveaux de PIB par tête très hétérogènes (figure 1-6). Même si des programmes économiques régionaux sont mis en œuvre pour compenser ces asymétries, leur ampleur est limitée à cause du financement. Or, il n’existe pas de mécanisme de stabilité financière permettant aux états de combler les déficits liés à la mise en œuvre des critères de convergence et au manque à gagner sur les recettes douanières. En dépit de ces défaillances, nous notons toutefois un retournement de tendance du PIB par habitant depuis la mise en place de l’UEMOA en 1994. En effet, le PIB par habitant était en baisse juste avant la mise en place de l’institution : il est passé de 383,53 en 1980 à 339,53 dollars en 1984, pour se retrouver à 303,37 dollars en 1994. Après 1994, le PIB par habitant connait une hausse principalement due à la dévaluation, ce qui a impulsé les exportations de la Côte d’Ivoire. Sous l’hypothèse que l’effet de la dévaluation sur la balance commerciale devrait s’atténuer au bout de quelques années, nous devrions normalement assister à un retour à la tendance initiale. Or, pour les pays de l’UEMOA, le PIB par habitant n’a pas cessé 79 d’augmenter sur la période 1995-1999. Il s’est par la suite stabilisé (plutôt que de baisser) entre 1999 et 2002, pour recommencer à croître depuis 2002. Des facteurs tels que l’accroissement des échanges internationaux avec la zone et la mise en place de l‘initiative PPTE pourraient expliquer cette tendance inattendue. Figure 1-6 : PIB par habitant en dollars (US) courants des pays de l'UEMOA de 1994 à 2012. 1400 1200 1000 800 600 400 200 Benin Burkina Faso Cote d'Ivoire Mali Niger Senegal 2012 2011 2010 2009 2008 2007 2006 2005 2004 2003 2002 2001 2000 1999 1998 1997 1996 1995 1994 0 Togo Source : Données issues du Africa Development Indicators 2012/13 de la Banque Mondiale. Par ailleurs, en observant les balances commerciales des pays étudiés (figure 1.7), nous constatons que la Côte d’Ivoire réalise un excédent du fait de ses exportations alors que la plupart des autres pays ont une balance commerciale déficitaire. Dans ces conditions - de non similarité -, un choc sur le taux de change bénéficie à certains pays contrairement aux autres. La figure 1.7 montre qu’il n’est pas possible de dire que les pays de l’UEMOA convergent. Nous notons d’ailleurs une divergence en faveur de la Côte d’Ivoire. L’origine de cette absence de convergence serait à rechercher dans les différences de conditions de vie des populations entre les pays membres (Viroleau, 2013). En effet, force est de constater que les critères de convergence définis pour la zone UEMOA sont purement d’ordre (macro)économique ; ils ne prennent pas directement en compte le rapprochement des conditions de vie des populations. 80 Figure 1-7 : UEMOA : Balance extérieure des biens et services sur la période 1980-201232 3E+09 2E+09 1E+09 0 -1E+09 -2E+09 BEN BFA CIV MLI NER SEN TGO -3E+09 -4E+09 Source: Données issues du Africa Development Indicators 2012/13 (World Bank, 2013)33 Il est vrai que la stabilité macroéconomique (garantie par les critères portant sur le solde budgétaire de base et la dette publique) et/ou la réduction de l’inflation (permettant de limiter la baisse du pouvoir d’achat des ménages les plus pauvres et de préserver l’épargne des plus fortunés) sont sources d’amélioration du bien-être. Cependant, les faits montrent que la réduction de la dette publique ou de l’inflation ne conduit pas systématiquement à une réduction de la pauvreté et des inégalités. En effet, ni la pauvreté, encore moins les inégalités n’ont été réduites de façon significative dans les pays de l’UEMOA ; bien au contraire. b) Critères de convergence dans L’UEMOA L’efficacité d’un pacte de convergence réside dans sa capacité à rechercher en permanence, à travers les règles de son dispositif, un équilibre entre la discipline et la flexibilité. C’est cet équilibre que recherchait la Commission de l'UEMOA qui a en charge la mise en application de la surveillance multilatérale. 32 Bénin (BEN); Burkina-Faso (BFA); Côte d’Ivoire (CIV); Mali (MLI); Niger (NER); Sénégal (SEN); Togo (TGO). 33 External balance on goods and services (current US$); NE.RSB.GNFS.CD 81 La convergence de l’UEMOA s'est initialement appuyée sur une directive de 1996 modifiée en 1997, adoptée par le Conseil des ministres de l'Union et établissant cinq indicateurs de convergence budgétaires assurant la compatibilité des politiques budgétaires avec les objectifs monétaires de l’Union, en particulier la stabilité des prix. Ce processus a été approfondi avec l’entrée en vigueur en décembre 1999 du pacte de Convergence, de Stabilité, de Croissance et de Solidarité entre les États-membres de l’UEMOA, dont les actes ont été adoptés lors de la Conférence des chefs d’États et de gouvernement tenue le 8 décembre 1999 à Lomé, et du Conseil des ministres de l’UEMOA tenu à Dakar le 21 décembre 1999 : (1) une refonte des critères de convergence : au centre du dispositif se trouve un critère clé34, le solde budgétaire de base (SBB) en pourcentage du PIB nominal. Il permet de mesurer la capacité de l’État à couvrir ses dépenses courantes (y compris les charges d’intérêt) et ses dépenses en capital sur ressources internes avec ses ressources propres (recettes totales hors dons). En 2002, ce solde devra être supérieur ou égal à 0 %. Parallèlement, trois autres indicateurs sont retenus et forment ensemble les quatre critères de premier rang. S’y ajoutent quatre critères de second rang, qui fournissent une orientation à moyen terme et dont le non-respect n’entraîne pas forcément de sanctions. (2) l'adoption de programmes de convergence : les Etats se sont engagés à se conformer à l’ensemble de ces critères pour le 31 décembre 2008. La batterie d’indicateurs de convergence reflète la volonté de consolider l’ajustement budgétaire afin d’asseoir les bases d’une viabilité financière susceptible de porter la croissance économique de l’Union, de manière durable. Le tableau 1-2 présente les critères de convergence comparés de l’UEMOA et de l’Union Européenne. Dans ce tableau, les huit critères de convergence du pacte de l'UEMOA sont mis en relation avec les critères du pacte de stabilité de l'Union européenne, ce dernier ayant pérennisé les dispositions prises pour la constitution de la zone Euro. Le Pacte de Convergence, de Stabilité, de Croissance et de Solidarité ainsi défini, devait conduire tous les Etats membres à converger, chacun selon son rythme, vers les critères ainsi arrêtés, et une échéance avait été fixée au 31 décembre 2002. Celle-ci a été reportée successivement au 31 décembre 2005, 2008 puis 2013. 34 L’équilibre budgétaire est la clé de voûte de la crédibilité à long terme de la parité du franc CFA. 82 Tableau 1-2 : Critères de convergence comparés en UE et en UEMOA Pacte de stabilité et de croissance (Union Européenne) Pacte de convergence de stabilité, de croissance et de solidarité (UEMOA) CRITÈRES DE PREMIER RANG Déficit budgétaire Dette publique Solde global maximum (≤ 3 %) du PIB Solde budgétaire de base é q u i lib ré (≥ 0% du PIB) Maximum (≤ 60%) du PIB Maximum 70% du PIB (≤ 70%) Arriérés de paiements Taux d'inflation Non-accumulation (= 0) Maximum 3% (≤ 3%) Maximum (≤ 1,5% de plus que celui, des 3 pays ayant la plus faible inflation) CRITÈRES DE SECOND RANG Taux d'intérêt à long terme Maximum (≤ 3%) de plus que celui des 3 pays les plus stables en matière de prix Minimum (≥ 17% ) du PIB Pression fiscale (part de recettes fiscales dans le PIB) Dépenses salariales Maximum (≤ 35%) des recettes fiscales Dépenses d'investissement Minimum (≥ 20%) des recettes fiscales Déficit extérieur courant Maximum (≤ 5%) du PIB Source : Pacte de convergence de l’UEMOA (Ary-Tanimoune & Plane, 2005). Un seul critère figure dans le PCSCS de 1999 et complète les règles antérieures de contrôle du crédit35 : le ciblage d'une inflation. Un taux de change fixe, garanti par l'extérieur, et la présence d'une banque centrale supranationale devaient limiter l'inflation, encourager l'épargne et l'investissement, et éventuellement les exportations, pour générer un taux de croissance économique plus élevé (Medhora, 1996) ; d’où la fixation du taux d’inflation de l’UEMOA à 3%. Ce niveau peut paraître incompatible avec les besoins de financement du développement dans l’UEMOA - comme le souligne (Avom, La coordination des politiques budgétaires dans une union monétaire : l’expérience récente des pays de la CEMAC, 2007) et faible au regard de celui des pays industrialisés mais pourrait se justifier, selon (Chambas G. , 1994) par le fait que dans les pays de l’UEMOA, la matière imposable est limitée et difficilement saisissable par des administrations aux faiblesses de fonctionnement reconnues. 35 Par les Institutions de l'UMOA, l'accent a été mis, dès 1973, sur les conditions de mise en œuvre d'une politique monétaire compatible avec la préservation d'une parité fixe. Dans un contexte de faible capacité d'emprunt commercial, la création monétaire, notamment par le financement du déficit budgétaire via les avances de la banque centrale aux Trésors, constituait alors le seul verrou à tenir. Le pacte de 1999 n'a donc pas eu à innover en ce domaine. 83 Aussi, ce critère de limitation des tensions inflationnistes à un seuil de 3 % pourrait-il être vu comme un approfondissement de la programmation monétaire36, actuellement appliquée en zone UEMOA et qui n’est rien d’autre qu’une politique monétaire de règle déguisée. Hormis cette variable de caractère monétaire, le dispositif est entièrement structuré autour de variables budgétaires. Les objectifs relevant de la préservation de la solvabilité financière sont présents dans le pacte, à travers l'équilibre budgétaire de base et le maintien de la dette en dessous 70 % du PIB. Ils le sont également à travers l'élévation du taux de pression fiscale à un taux minimal de 17 % (Recettes fiscales sur PIB ≥ 17%) destiné à couvrir les missions publiques essentielles. - Les critères de premier rang sont dominés par le critère clé du SBB, lequel solde se forme par différence entre les recettes (hors dons) et les dépenses courantes majorées des investissements financés sur ressources internes. Rapporté au produit intérieur de l'année, ce solde se devait d'être équilibré à l’horizon 2013 dernièrement (Solde budgétaire de base sur PIB ≥ 0%). En comparant avec l'UE, le souci des Etats africains a été d'influencer non seulement le solde, mais également la composition du budget en termes de dépenses et de recettes37. La monnaie commune préexistant, l'ambition a été de prévenir la reconstitution des déficits budgétaires non soutenables et de stimuler l'activité économique. - Le critère clé est renforcé par le critère relatif à l’endettement public, lui-même relié à la situation budgétaire, car permettant d’éviter que les besoins de financement de l’État n’évincent les besoins du secteur privé à travers un plus grand placement des titres des Trésors nationaux sur le marché financier (cas de l’UEMOA notamment). Le respect de ces deux critères est supposé permettre à chaque pays de la zone d’assurer sa solvabilité et d’éviter un endettement excessif, compte tenu des conséquences négatives sur l’union monétaire et sur l’économie. 36 La programmation monétaire est issue des réformes de la politique monétaire et financière introduites en 1990. Elle est une technique bien répandue dans les pratiques des banques centrales des pays industrialisés. Elle consiste à définir une norme de progression des agrégats monétaires et de crédit et à fixer un montant maximum de refinancement des banques, en fonction des anticipations de croissance, de l’évolution des soldes budgétaires publics et de la balance des opérations courantes, du niveau général des prix, mais aussi de la structure de l’endettement de l’État. Elle vise donc à établir des interrelations entre le secteur réel, la politique monétaire, la politique budgétaire et la contrainte extérieure, pour limiter davantage les tensions inflationnistes (Avom & Ekomo, 2007). 37 Le choix du solde de référence a été l'objet d'importants débats. Certains lui préféraient le solde global, dons compris, qui avait l'avantage d'être en lien avec les variations de la dette, mais l'inconvénient d'entretenir la vulnérabilité envers une aide extérieure difficilement prévisible justifie sa composition actuelle. 84 - Le pourcentage de pression fiscale (Recettes fiscales sur PIB ≥ 17%) peut apparaître faible au regard de celui des pays industrialisés, mais dans les PED, la matière imposable est limitée et difficilement saisissable par des administrations aux faiblesses de fonctionnement reconnues (Chambas G. , 1994). Aussi, ne devrait-il pas sous-estimer les arguments du marché politique, notamment l'efficacité des propriétaires fonciers à susciter l'ajournement des réformes ou à se soustraire à la fiscalité sur les actifs immobiliers. A ces variables d'endettement et de fiscalité qui créent les conditions de la solvabilité, s'ajoute un critère de liquidité à travers le non-recours aux arriérés de paiement (Somme des arriérés sur intérêts et amortissement intérieurs (et/ou extérieurs) égale à zéro). L'interdiction de recourir aux arriérés de paiement évite ainsi que les crises de liquidité affectent directement le secteur marchand et notamment le secteur privé. Dans le passé, par les jeux de « report » et d'« imitation », les arriérés publics ont affecté la qualité de portefeuille des banques, nourri les tensions inflationnistes par anticipation de non-paiement des fournisseurs et ont finalement été d'un coût économique exorbitant en sapant les bases du développement déjà fragile des petites et moyennes entreprises du secteur privé (Tanzi & Blejer, 1983). Ce critère s’explique également par les exigences en matière de gouvernance publique imposées par le FMI dans le cadre des programmes d’ajustement structurel et qui portent notamment sur une gestion rigoureuse du budget. Dans le cadre de l'accélération de la croissance, l'accent est mis sur la nécessité de réduire la part relative des salaires de la fonction publique, pour pouvoir augmenter les dépenses de fonctionnement et d'investissement. En renonçant à ces objectifs, les responsables politiques ont, par le passé, privilégié le développement d'une dépense budgétaire de faible rentabilité sociale au détriment de dépenses plus productives dans les domaines du fonctionnement des administrations et de l'investissement. Afin de promouvoir une gouvernance publique plus efficace, il convenait que les Etats prennent l'engagement formel de transférer les ressources de la masse des salaires vers des postes plus à même de stimuler la croissance. Dans cette perspective, le pacte impose que la masse salariale n’excède pas 35% des recettes fiscales (Masse salariale sur Recettes fiscales ≤ 35%). La maîtrise de ces dépenses devrait faciliter le dégagement d'une épargne publique courante capable de financer au moins 20% des investissements publics (Investissements publics sur Recettes fiscales ≥ 20%). Jusqu'à la dévaluation du franc CFA, la contraction de l'investissement public constituait souvent une modalité de finalité budgétaire en amont de la constitution des arriérés de paiement. Par cette 85 recommandation faite aux Etats, le pacte pointe une volonté d'arbitrer en faveur des dépenses productives de long terme, contre les dépenses improductives de court terme. Force est de constater que l'UEMOA a ainsi devancé les débats de l'Union européenne sur le « biais antiinvestissement » de son pacte et l'opportunité d’introduire cette dimension porteuse de croissance régionale (Le Cacheux, 2004). Les critères dits de premier rang conditionneront le passage à la phase de stabilité, en janvier 2006. En phase de convergence comme en phase de stabilité, toute dégradation d’un critère de premier rang appelle la mise en œuvre de mesures rectificatives, même si cette dégradation ne se traduit pas par le non-respect de la norme fixée. Quant aux critères de second rang, ce sont des repères indicatifs qui éclairent les modalités de l'harmonisation budgétaire (tableau 1.3). Tableau 1-3 : Critères de convergence économique en zone franc. Indicateurs de premier rang Objectifs Indicateurs de second rang Objectifs Solde budgétaire de base / PIB ≥ 0% Masse salariale / recettes fiscales ≤ 35% Taux d’inflation annuel moyen38 ≤ 3% Investissements financés / recettes fiscales ≥ 20% Endettement / PIB39 ≤ 70% Solde extérieur courant hors dons / PIB ≥ -5% Arriérés de paiements intérieurs ou extérieurs40 Non accumulation Recettes fiscales / PIB 41 ≥ 17% Source : Pacte de convergence de l’UEMOA42 [ (UEMOA, 1999) ; (UEMOA, 1999)]. Le non-respect de ces critères de convergence pourrait faire l’objet de sanctions. Les sanctions prévues par le Traité de l’UEMOA sont de quatre types : la publication par le Conseil d’un communiqué ; le retrait des mesures positives dont bénéficiait éventuellement un État-membre ; la recommandation à la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) de revoir ses interventions en sa faveur ; la suspension des concours de l’UEMOA. 38 Glissement des indices moyens annuels de janvier à décembre d'une année par rapport à ceux de l'année précédente. L'indice des prix à la consommation considéré est l'IHPC (Indice harmonisé des prix à la consommation). 39 Encours de la dette publique totale en valeur nominale (intérieure et extérieure) rapporté au PIB nominal. 40 Somme des arriérés sur intérêts et amortissement intérieurs égale à zéro et Somme des arriérés sur intérêts et amortissement extérieurs égale à zéro. 41 Recettes fiscales totales en % du PIB nominal. 42 Le Pacte de convergence, de stabilité et de croissance de l’UEMOA (1999), impose aux états membres, pour accéder à la phase de stabilité en 2005, de ramener le ratio dette publique sur PIB nominal à 70 % et le solde budgétaire conventionnel à 0 % du PIB nominal. Voir annexe 7. 86 L'acte additionnel institue un mécanisme de sanction à l'égard des États qui ne respecteraient pas le critère clef de convergence. Ces sanctions, qui résultent de l'application de l'article 74 du Traité de l'UEMOA sont de nature déclarative et financière (exclusion de l'État considéré des mécanismes de solidarité communautaires). Cependant, des "circonstances exceptionnelles" peuvent exonérer un État du non-respect de son critère clef : choc économique se traduisant par une diminution du PIB réel de trois points ; choc extérieur se traduisant par une chute de 10 % des recettes budgétaires, par rapport à la moyenne des trois dernières années ; cas de force majeure. Le Pacte considère comme « excessifs » les déficits et dettes au-delà de ces limites mais avec une certaine souplesse, par exemple en tenant compte du caractère durable ou passager des dépassements observé ou encore du sens général de l’évolution de moyenne période. La base théorique sur laquelle s’appuie le traité, c’est l’idée selon laquelle : « …les Etats membres doivent considérer leurs politiques économiques comme l’objet d’intérêt commun…et les coordonner au sein du Conseil ». Le non-respect des critères de second rang (masse salariale rapportée aux recettes fiscales, investissements publics financés sur ressources internes rapportés aux recettes fiscales, déficit extérieur courant hors dons par rapport au PIB nominal, taux de pression fiscale) n'entraîne pas forcément de sanction mais ils ont vocation à être respectés à moyen terme. 1.2.2.2 Etat de la convergence dans l’UEMOA Nous proposerons dans cette partie un état des lieux de la convergence des politiques économiques dans la zone. En premier lieu, nous examinerons l’état de la convergence au regard des critères de convergence fixés sur la période 2002-2012; et en second lieu, nous l’examinons à la fin de l’année 2012. Cette démarche nous permettra de rechercher en conclusion, les limites de la surveillance multilatérale en zone UEMOA. 87 a) Sur la période 2002-2012 Le tableau 1-4 présente les états de la convergence dans l’UEMOA sur la période 2002-2012. Nous notons qu’après quatorze années de mise en œuvre du dispositif de convergence en UEMOA, les Etats membres de l’Union n’ont pas pu respecter les conditions de convergence édictées, sauf ceux se rapportant à l’encours de la dette publique totale rapporté au PIB nominal et à la non-accumulation des arriérés de paiement. En effet, les pays ont fourni des efforts considérables qui se sont traduits par l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE par tous les pays et par conséquent, le bénéfice de l’effacement de la dette extérieure multilatérale dans le cadre de l’initiative du G8. Cette situation particulière, marquée par un important allégement du poids de la dette et confortée par l’émergence d’un marché financier dynamique, a renforcé les capacités des Etats membres à faire face aux nombreux défis auxquels ils sont confrontés, notamment le développement des infrastructures et l’affermissement des politiques menées en faveur des secteurs sociaux. En effet, les critères des pactes de convergence de la zone UEMOA n’ont pas véritablement pris en compte le rôle distributaire et allocataire de l’État. Or cette prise en compte est indispensable surtout dans le contexte de l’adhésion des pays africains membres de l’UEMOA aux Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), de la mise en place des politiques d’éradication de la pauvreté et au moment où la question de leur mode de financement fait débat [ (Ary-Tanimoune & Plane, 2005) ; (Reisen, 2008)]. (*) Les Pays ont du mal à respecter le critère-clé du solde budgétaire de base sur PIB nominal (norme ≥0) malgré la remise de la dette. L’UE, qui est affectée par des chocs de bien moindre ampleur que ceux de l’UEMOA, autorise un déficit budgétaire ne dépassant pas 3% du PIB. Cette marge de manœuvre budgétaire, qui n’est effective que lorsque la position budgétaire d’un État est excédentaire ou équilibré sur l’ensemble du cycle, permet un libre exercice des stabilisateurs automatiques. Il importe de noter que dans la zone UEMOA, la fréquence et l’ampleur des fluctuations cycliques conduisent à recourir à l’instrument budgétaire pour stabiliser les chocs (Hoffmaister, Roldos, & Wickham, 1998). Or la nécessité d’une action contracyclique n’a pas 88 été véritablement prise en compte dans la formulation des critères de convergence et l’équilibre du SBB - hors dons - imposé par le pacte de l’UEMOA, pose la question du financement de l’action stabilisatrice de la politique budgétaire. (**) Pour ce qui est de la question des arriérés de paiement au sein de l’UEMOA, le tableau 14 confirme de moins en moins la difficulté des États membres à respecter les engagements pris. Tableau 1-4 : Etat de convergence dans l’UEMOA sur la période 2002-2012 Indicateurs de convergence Nombre de pays (y compris la Guinée-Bissau) ayant respecté le critère en : 2012 2011 2010 2009 2008 2007 2006 2005 2004 2003 2002 1 Solde budgétaire de base sur PIB nominal (norme ≥0) 2 4 4 4 3 3 3 3 4 3 4 2 Taux d'inflation annuel moyen (norme ≤ 3%) 5 4 8 7 0 7 7 1 8 7 4 3 Encours de la dette publique totale rapporté au PIB nominal (norme ≤ 70%) 8 8 7 6 6 5 5 5 4 4 3 4 Non-accumulation d’arriérés de paiement 5 7 6 6 5 4 4 3 4 5 5 4.1 Arriérés de intérieurs paiement 5 7 6 6 6 4 4 3 5 5 5 4.2 Arriérés de extérieurs paiement 7 8 7 6 5 5 5 5 3 5 5 5 Masse salariale sur recettes fiscales (norme ≤ 35%) 2 2 4 3 4 4 4 4 3 4 3 6 Investissements financés sur ressources intérieures sur recettes fiscales (norme ≥ 20%) 6 7 4 5 5 2 2 4 4 5 4 7 Solde extérieur courant hors dons sur PIB nominal (norme ≥ -5%) 2 1 1 1 1 1 1 1 1 2 1 8 Taux de pression fiscale (norme ≥ 17%) 2 1 1 1 2 1 1 1 1 1 1 89 S’agissant de l’accroissement du niveau du taux de pression fiscale et de solde extérieur courant hors dons, il apparaît que la plupart des Etats membres de l’Union ne parviennent pas à respecter de manière durable la norme communautaire relative auxdits critères, qui sont respectivement de 17% et -5%. Depuis la mise en place du Pacte de convergence, tout au plus un pays, rarement deux par an, arrivent à respecter ces critères. b) Au 31 décembre 2012 Le tableau 1-5 présente l’état de la convergence en UEMOA au 31 décembre 2012. (i) Concernant les critères de premier rang Selon les données de l’UEMOA, le Bénin, le Burkina-Faso et le Niger ont respecté le critèreclé du solde budgétaire de base sur PIB nominal (norme ≥0) en 2012. Pour ce qui est du taux d’inflation annuel moyen, quatre Etats membres (Côte d’Ivoire, Niger, Sénégal, Togo) respectent ce critère en 2012, les autres Etats membres réalisant des taux d’inflation au-delà de la norme communautaire de 3% en raison principalement de la hausse des prix des produits alimentaires, du tarif des transports et des cours du pétrole. En ce qui concerne le ratio de l’encours de la dette publique totale rapporté au PIB nominal et la non-accumulation des arriérés de paiement, ces critères sont respectés par tous les Etats membres43. (ii) Concernant les critères de second rang Pour le ratio de la masse salariale sur les recettes fiscales, à part le Niger et le Sénégal, les autres Etats laissent paraître des grandeurs supérieures ou égales à 35%. Il est compris entre 35,7 (Togo) et 46,8 (Bénin). Tous les Etats membres, sauf le Mali (avec un ratio de 17,4%) respectent le critère du ratio des investissements publics financés sur ressources internes rapportés aux recettes 43 A l’exception de la Guinée-Bissau pour le critère de « non-accumulation des arriérés de paiement ». 90 fiscales. A l’inverse, seuls le Mali avec un déficit de 4,3% et la Côte d’Ivoire (comme les années précédentes) avec un solde de -1,9%, présentent des soldes extérieurs courants ( hors transferts publics) représentant plus de -5% du PIB nominal. Les autres Etats membres dégagent des déficits compris entre 7,5% pour le Burkina Faso et 25,5% pour le Niger. Enfin, s’intéressant au critère du taux de pression fiscale supérieur ou égal à 17%, le Sénégal et la Côte d’Ivoire respectent ce critère en 2012 avec des taux respectifs de 19,0%. Pour les autres Etats, ce ratio est faible et cette situation s'explique essentiellement par une faible capacité des Administrations fiscales, les exonérations et l'importance du secteur informel. Au total, en 2012, seul le Niger respecte les quatre critères de premier rang. A part ce pays, le Bénin et le Burkina Faso respectent le critère clé. Cinq Etats membres respectent trois critères de premier rang : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, le Sénégal et le Togo. Le Mali respecte un seul critère de premier rang. 91 Tableau 1-5 : Convergence dans l’UEMOA : état de réalisation des critères en 2012 1 Solde budgétaire de base sur PIB nominal (≥0) 0.5 0,6 -3,1 -0,7 0,3 -2,3 -2,6 Nombre de pays ayant respecté le critère1 3 2 Taux d'inflation annuel moyen (≤ 3%) 6,6 4,1 1,0 5,7 0,6 1,2 2,5 4 3 Encours de la dette publique totale rapporté au PIB nominal (≤ 70%) 25,1 29,4 35,8 25,8 22,3 39,7 44,7 7 4 Non-accumulation d’arriérés de paiement (en milliards) 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 6 4.1 Arriérés de paiement intérieurs 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 6 4.2 Arriérés de paiement extérieurs 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 6 39,2 (31,8) 46,4 (37,7) 43,5 (43,4) 25,3 (25,2) 39,0 33,0 32,9 35,7 2 17,4 48,4 36,6 23,4 6 -7,5 -1,9 -4,3 -25,5 -8,7 -10,7 2 15,7 17,3 15,1 14,4 19,1 16,2 2 Indicateurs de convergence BEN BFA CIV 5 Masse salariale sur recettes fiscales (≤ 35%) 6 Investissements financés sur ressources intérieures sur recettes fiscales (≥ 20%) 46,8 (45,0) 25,4 (24,4) 7 Solde extérieur courant hors dons sur PIB nominal (≥ -5%) -10,1 8 Taux de pression fiscale (≥ 17%) 15,9 MALI NER SEN TGO Note : Données entre parenthèses : Ratio de la masse salariale corrigée des dons budgétaires et des ressources PPTE sur les recettes fiscales (en %) et Ratio des investissements publics financés sur ressources internes corrigés des dons budgétaires et des ressources PPTE sur les recettes fiscales (en %). Source : UEMOA : Rapport semestriel d'exécution de la surveillance multilatérale (UEMOA, 2013). 1 Non compris la Guinée-Bissau. 92 Notons que, parallèlement aux critères de convergence précédemment cités, la surveillance multilatérale a été renforcée entre 2005-2006, en associant les nouveaux critères arrêtés avec un ensemble d’indicateurs macroéconomiques. Ainsi, le « Comité de convergence » de l’UEMOA a proposé trois autres indicateurs complémentaires de convergence : - L’indice d’inflation sous-jacente : il faut soustraire de l’indicateur d’inflation les principaux éléments volatils45 ; - le SBB corrigé : permet de mieux apprécier la situation structurelle des finances publiques, en supprimant les effets ponctuels des variations des cours ou de la production, - l’indicateur d’évolution de la couverture des dépenses courantes, hors intérêts par les recettes fiscales non pétrolières, qui permet d’analyser la soutenabilité structurelle des dépenses de fonctionnement des budgets. Bien que les critères de premier rang restent la référence pour apprécier la convergence, les indicateurs corrigés ci-dessus sont supposés compléter et affiner le dispositif, de manière à favoriser une meilleure appréciation des efforts de convergence structurelle fournis par les autorités. Mais les changements introduits dans le dispositif de surveillance multilatérale n’ont, à ce jour, pas permis de parvenir aux résultats escomptés. Conclusion L’UEMOA a été créée avec pour objectif budgétaire d’assurer la convergence des performances et des politiques économiques des Etats-membres par une surveillance multilatérale, puis d’instituer une coordination des politiques sectorielles nationales par la mise en œuvre de politiques communes. Cependant, il existe beaucoup de pressions sur les politiques budgétaires spécifiques à chaque Etat membre de l’Union et cette situation est assimilée à une sorte d’étouffement de l’objectif d’intégration économique des pays de l’UEMOA. 45 Dans l’UEMOA, le SBB corrigé est calculé en ajoutant aux recettes totales hors dons, le montant des dons budgétaires et de l’aide PPTE ayant financé les dépenses courantes et les dépenses d’investissement. 93 Pour mener des politiques budgétaires performantes, les pays de l’Union économique monétaire ouest- africaine (UEMOA) doivent surtout s’atteler à accroitre les dépenses en infrastructures et en capital humain pour libérer le potentiel de croissance des pays membres. Aussi, la performance des politiques budgétaires définies au sein de l’UEMOA devra-t-elle s’accompagner, entre autres, de la consolidation de la gouvernance macroéconomique dans chaque pays membre et de la diversification des exportations. En outre, il importe de relever les limites est les facteurs relatifs au bon fonctionnement du PCSCS. L’obstacle fondamental se situe au niveau du solde budgétaire. Autant la monnaie en tant qu’instrument de compte a besoin d’être stable pour assurer une mesure correcte de la valeur des biens et des services, autant, le SBB, en tant qu’instrument d’appréciation, celui-ci doit se caractériser par une grande stabilité. Ce qui n’est, hélas, pas le cas, même s’il vrai que des efforts louables ont été accomplis pour réviser ce critère, en définissant le SBB corrigé. En effet, l’économie de l’UEMOA parait diversifiée avec un ensemble de productions agricoles d’exportation, de cultures vivrières et un secteur secondaire relativement développé. La forte dépendance à l’égard des produits d’exportation a également une incidence sur la gestion budgétaire, qui se trouve fortement déterminée par l’évolution des prix des matières premières. A cela s’ajoute la signature du Traité de Maastricht en 1991, qui soumet les pays européens et le partenaire France à des exigences nouvelles, résumées à travers les critères de convergence. Parmi les différents interdits du processus d’unification figurent l’absence de déficits budgétaires excessifs et l’interdiction pour la Banque centrale européenne (BCE) de consentir toute forme de crédit à un gouvernement. Ces deux interdits ont de lourdes conséquences, car ils posent à la France, la question de savoir comment être en règle avec la construction monétaire européenne et la coopération avec les partenaires africains, sans courir le risque de transgresser les engagements au niveau européen. Enfin, L’inefficacité du dispositif de contrôle et de sanction constitue une faiblesse caractérisant les mécanismes de la surveillance multilatérale. En effet, force est de constater que les règles de surveillance multilatérale ne sont pas toujours respectées, soit à cause du 94 déficit de crédibilité et de confiance dans les règles, soit à cause de « l’inexistence de bonnes règles »46 (Creel J. , 2003). A tout ce qui précède, s’avère la nécessité d’ajouter aux critères de convergence macroéconomiques, des critères de convergence sociale. En effet, en omettant la dimension sociale dans les critères de convergence, les banques centrales de la zone UEMOA mettent en œuvre des politiques économiques qui ne sont bénéficiaires qu’aux Etats les plus développés au détriment des plus pauvres. Cela engendre davantage de divergences dans les conditions de vie des différentes populations de l’Union et réduit ainsi l’efficacité de la politique budgétaire commune, laquelle politique budgétaire devrait pourtant permettre de pallier les difficultés nées de l’endettement extérieur des pays de l’UEMOA. 46 Celles-ci se caractérisent, selon cet auteur, par une définition claire et simple, une transparence dans la comptabilité publique, une flexibilité pour faire face aux chocs de demande ou d’offre et une cohérence avec les autres objectifs de politique économique etun caractère suffisamment coercitif en ce qui concerne leur exécution. 95 Chapitre 2: HISTORIOGRAPHIE DE L’ENDETTEMENT DES PED ET SOLUTIONS AU PROBLEME DE SOUTENABILITE DE LA DETTE: SPECIFICITE DES PAYS DE L’UEMOA Introduction La crise d’endettement des pays en développement (PED) a pris de l’ampleur en août 1982, lorsque le Mexique annonça qu'il suspendait le paiement des intérêts qu'il devait au titre du service de sa dette. Les milieux financiers se déclarèrent stupéfaits par cette décision qui était pourtant prévisible. En effet, la crise de 1982 n’est pas la première du genre 47. Il est évident qu'à partir de la fin des années 1960, et surtout à la suite du premier choc pétrolier, un double laxisme est intervenu : d’une part, des créanciers qui octroient des crédits sans conditions particulières ; et d’autre part, des pays débiteurs qui empruntent sans se soucier du « comment rembourser », comptant sur les seules ressources de leurs matières premières. Depuis ce cri d’alerte de la Mexique, s’est alors posé le problème de soutenabilité de la dette des PED dont les pays de l’UEMOA. Comment en sont-ils arrivés à cette situation ? Les solutions jusque-là envisagées pour réduire la dette de ces pays ont-elles atteint leur objectif ? Ce deuxième chapitre de notre thèse se propose de répondre à ces questions et est, pour ce faire, structuré en deux sections. La première développe l’histoire de l’endettement des PED en insistant sur le cas de l’UEMOA. La seconde section débat des solutions entreprises pour 47 Pour un historique des crises d’endettement, voir (Millet & Toussaint, 2002). 96 palier le problème de la soutenabilité de la dette dans les PED, notamment dans les pays de l’UEMOA. 2.1 Généralités sur les problèmes d’endettement des PED Avant de parler de l’endettement et de ses conséquences dans les pays en développement, il convient de définir ce que l’on entend par « dette publique ». 2.1.1 La dette : généralités 2.1.1.1 Cadre conceptuel de la dette La dette publique peut se définir comme l'ensemble des engagements financiers pris sous forme d'emprunts par l’Etat et les entités publiques. Pour être rigoureux, il conviendrait de parler de « dette brute de l’ensemble des administrations publiques », vu qu’il ne s’agit pas de la dette du pays (entreprises et ménages y compris), mais seulement celle de l'ensemble des administrations publiques. Au sein de la dette publique, il faut distinguer la dette publique intérieure, détenue par les agents économiques résidents de l'État émetteur, de la dette publique extérieure, détenue par des prêteurs étrangers. Par ailleurs, il existe la dette de court terme (dont l’échéance est d’un an ou moins), la dette de moyen terme (à échéance allant d’un à dix ans) et la dette de long terme (avec une échéance au-delà de dix ans). Mécaniquement parlant, la dette publique résulte de l'accumulation des déficits budgétaires passés des administrations publiques. En effet, elle est le produit de l'accumulation des besoins de financement passés des administrations publiques, résultant des différences entre les produits (les recettes fiscales, en particulier) et les charges (notamment les dépenses budgétaires) de ces administrations. La dette augmente donc à chaque fois qu'un déficit public est financé par emprunt. 97 Déficit public et dette publique sont donc étroitement liés : la dette augmente à chaque fois que le budget des administrations est en déficit et que l’Etat doit emprunter pour couvrir ce déficit. Le flux de déficit alimente donc le stock de dette existante. Nous avons vu au premier chapitre que selon les principes du keynésianisme, augmenter le déficit budgétaire pourrait s’avérer positif pour l'activité économique par le biais d'une politique de relance, ou simplement être un moindre mal en des situations de récession (L'effet de la récession est réduit). Pour les néoclassiques par contre, l’Etat devrait, en cas de récession économique, éviter le recours au déficit budgétaire car celui-ci traduit une mauvaise gestion des fonds publics et de l'argent du contribuable. En effet, si le taux de rendement des investissements publics (donc de l’économie) est plus élevé que le taux d'intérêt payé sur la dette publique, alors il est rationnel de s’endetter. Lorsqu’elle est mesurée en pourcentage du PIB, la dette publique peut baisser d'une année à l'autre, et ce, même en présence d'un déficit budgétaire, car le ratio dette publique sur PIB diminuera dans le temps si le PIB croît plus vite que la dette, quand bien même les deux augmentent. La dette peut être analysée, soit à partir de ses composantes, soit à partir d’indicateurs officiellement connus. a) Analyse de la dette par ses composantes La dette peut être due par des entités du secteur public (dette publique) ou des entités du secteur privé du pays débiteur (dette privée). Lorsqu’elle est due par des entités du secteur privé mais qu’elle est garantie par des entités du secteur public, la dette est la plupart du temps incluse dans la dette publique et est ainsi appelée « dette garantie par l’Etat ». Quant à la dette privée, elle est contractée par des entreprises privées (la filiale d’une multinationale des pays du Nord, une banque locale ou une entreprise industrielle locale) et n’est pas garantie par l’État. 98 La dette peut être définie selon le critère de résidence Lorsqu’elle est due par les résidents publics et privés d'un pays à l'égard des non-résidents, la dette est dite extérieure et a, dans ce cas, une influence directe sur la balance des paiements du pays débiteur. Pour des raisons pratiques, la dette extérieure est parfois assimilée à une dette libellée en devises étrangères, le critère de résidence n'étant alors pas pris en considération. Pour ce qui est de la dette domestique, elle est due par des entités résidentes à d’autres entités résidentes dans le pays. La dette peut également être définie en fonction du type de créanciers La dette est dite multilatérale lorsque les créances sont accordées par les institutions financières internationales (principalement le FMI, la Banque Mondiale ou les banques régionales de développement). Elle est bilatérale si les créances sont accordées par les créanciers bilatéraux officiels que sont les Etats ; c’est-à-dire les gouvernements ou leurs institutions compétentes, en particulier les agences de crédit à l’exportation. Les créances bilatérales officielles proviennent de deux types de financement : les crédits garantis par les gouvernements ou leurs institutions compétentes. Par exemple, les crédits commerciaux accordés pour financer les importations du pays débiteur ; les prêts des gouvernements au gouvernement ou aux entités publiques du pays débiteur. Tous les autres créanciers sont des créanciers privés. Il s'agit essentiellement des fournisseurs, des banques commerciales et des porteurs obligataires. b) Analyse de la dette à travers des indicateurs (officiels) de dette Les mesures officielles de la dette, déterminées par la Banque Mondiale dans ses bases de données, et utilisées par le FMI, sont de trois types. 99 D’une part, un certain nombre de mesures absolues, évaluées en monnaie courante (le plus souvent en dollars), offrent des indications annuelles sur les montants de stock et de service de la dette (total external debt et total debt service)48. Les montants de dette sont également divisés en stock de dette à long et à court terme (long-term debt, short-term debt), publique ou privée (private nonguaranteed debt, public and publicly guaranteed (PPG) debt). Le service de la dette est également divisé en service de la dette publique ou privée. D’autre part, les IFI proposent un certain nombre de ratios rapportant les valeurs préalablement citées, soit au montant des agrégats de PIB ou de revenu national brut (RNB), soit à celui des exportations de biens et services [Present value of debt (% of exports of goods and services), Present value of debt (% of GNI), Total debt service (% of exports of goods and services), Total debt service (% of GNI), Central government debt, total (% of GDP), Debt service (PPG and IMF only, % of exports of goods and services), PPG debt service (% of central government current revenue)]. Enfin, sont proposés un certain nombre d’indicateurs de caractérisation, de description ou de composition de la dette et des flux financiers, selon les types de créanciers, les devises, les termes et échéances ou les formes d’emprunts concernés ; les montants de rachats et de réductions de dette, ainsi que ceux des réserves internationales sont également relevés. Le tableau 2-1 présente les ratios et seuils indicatifs d’endettement couramment utilisés. Par ailleurs, dans le cadre des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), le FMI et la Banque mondiale ont élaboré un mécanisme pour guider les pays et les bailleurs de fonds dans la mobilisation des financements nécessaires au développement des pays à faible revenu tout en réduisant les risques d'une accumulation excessive de la dette à l'avenir. Dans cette optique, le FMI et la Banque mondiale ont adopté conjointement le cadre de viabilité de la dette (CVD) en avril 2005 (tableau 2-2). Ce cadre vise à guider les décisions d’emprunt des pays à faible revenu, de manière à aligner leurs besoins de financement sur leur capacité de remboursement actuelle et éventuelle, en tenant compte de la situation particulière de chaque pays. 48 Les indicateurs entre parenthèses sont nommés en ces termes dans les bases des données de la Banque Mondiale. 100 Tableau 2-1 : Ratios d’endettement. Ratios Evaluation / utilisation Paiements d’intérêts sur Exportations Egalement appelé Ratio du service des intérêts, il reflète les conditions de l’endettement extérieur et partant, la charge de la dette. Dette extérieure sur Exportations Indicateur tendanciel étroitement liée à la capacité de remboursement d’un Pays. Dette extérieure sur PIB Utile du fait de la liaison entre la dette et la base de ressources (pour déterminer le potentiel de réorientation de la production vers les exportations afin de renforcer la capacité de remboursement). Valeur actuelle de la dette sur Exportations Indicateur de viabilité clé utilisé, par exemple, dans les évaluations au titre de l’initiative PPTE, comparant la charge de la dette aux ressources publiques pouvant être affectées à son remboursement. Valeur actuelle de la dette sur Recettes budgétaires Indicateur hybride des problèmes de solvabilité et de liquidités. Tableau 2-2 : Seuils d’endettement pour la dette publique extérieure selon le CVD. Qualité des politiques et Institutions Valeur actuelle de la dette en pourcentage de : Service de la dette en pourcentage de : PIB Exportations Recettes Exportations Recettes Faible 30 100 200 15 18 Moyenne 40 150 250 20 20 Elevée 50 200 300 25 22 Source : FMI, Cadre de viabilité de la dette. http://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/jdsff.htm Nous pouvons constater que l’ensemble des indicateurs d’endettement existant (les ratios) ont pour vocation d’être surtout des indicateurs de la capacité des économies à assurer le remboursement de leur dette, soit par la richesse qu’ils génèrent (PIB ou PNB), soit plus directement par la part de celle-ci permettant de générer des devises transférables (le montant des exportations). Ces indicateurs s’adressent donc fondamentalement aux créanciers et ne permettent que de savoir dans quelle mesure les richesses dégagées par les pays endettés sont 101 susceptibles de leur permettre d’assurer leurs « devoirs » de débiteurs ; ils n’évoquent en rien les effets de l’endettement sur les pays débiteurs. D’où La nécessité de produire des indicateurs complémentaires dont la vocation serait d’évaluer l’impact socio-économique de l’endettement et de mettre à jour la charge effective que représente la dette sur le développement des pays débiteurs. 2.1.1.2 Fondements de la dette publique Le phénomène de l'endettement est une conséquence naturelle des activités économiques. Il dérive du fait que certains pays ou institutions ont des excédents financiers, et d'autres des besoins de financements. L'endettement permet donc à un pays d'investir des capitaux au-delà de ses propres disponibilités financières en empruntant des excédents de capitaux (Klein, 1994). En général, trois raisons théoriques justifient le recours d’un pays à l’emprunt extérieur: le financement d’un investissement de haut niveau, le souhait d’échapper à un ajustement sévère face à des déséquilibres (intérieurs ou extérieurs) profonds et la nécessité de lisser la conjoncture. a) S’endetter pour financer un investissement, lorsque l’épargne est inférieure à l’investissement Un pays peut renfermer un potentiel d’investissement productif sans pour autant disposer d’un niveau d’épargne intérieure suffisant pour financer cet investissement. Dans ce cas, il peut recourir à l’épargne extérieure pour la réalisation de cet investissement afin de donner lieu à une accélération de la croissance économique. A l'emprunt d’une épargne extérieure (source d’accumulation de la dette extérieure) correspond un déficit de compte courant. Pour ainsi dire, si le déficit du compte courant correspondant à l’emprunt d’une épargne extérieure pour le financement d’un niveau 102 d’investissement élevé, en revanche, cet emprunt permet au pays en question d’augmenter sa croissance économique. b) S’endetter pour échapper à un ajustement face aux déséquilibres intérieurs ou extérieurs Un déficit du compte courant insoutenable nécessite un ajustement par des changements de politiques économiques. Cependant, pour éviter des changements de politique économique, un pays peut recourir à l’emprunt extérieur. Toutefois, la théorie suggère que les emprunts extérieurs ont un impact positif sur les investissements et la croissance jusqu’à un certain seuil car au-delà, l'impact de l’endettement extérieur sur le développement devient négatif. Dans une étude, (Patillo & Poirson, 2011) analysent deux moments critiques du processus d’accroissement de la dette : lorsque l’accroissement de la dette ralentit la croissance, puis lorsque son impact devient négatif et aggrave la situation du pays. Ils concluent qu’à condition d’être contenus dans des limites raisonnables, les emprunts extérieurs utilisés pour financer l’investissement productif tendent à accélérer la croissance ; une fois ce seuil dépassé, l’accumulation de dettes nouvelles risque de freiner l’expansion. c) S’endetter pour lisser les fluctuations de la consommation en cas de baisse du revenu Si un déficit du compte courant résulte de chocs exogènes négatifs (dégradation des termes de l’échange, catastrophes naturelles, récession du côté des principaux partenaires) qui donnent lieu à une baisse du revenu, alors le pays peut : soit réduire ses dépenses de consommation et d’investissement (absorption) proportionnellement à la baisse du revenu pour remédier à ce problème. Dans ce cas, il n'y a pas dégradation du compte courant ; 103 soit contracter une dette extérieure pour maintenir le niveau d’absorption. En effet, si cette baisse du revenu n’est que temporaire, le pays sera convié à contracter une dette extérieure. Dans tous les cas, à long terme, le recours régulier aux emprunts extérieurs finit par relâcher les efforts du pays emprunteur et par le rendre dépendant de l’épargne extérieure, mettant ainsi en doute sa capacité à honorer ses engagements de remboursement de la dette antérieurement contractée. Cette capacité de remboursement des emprunts contractés au titre de la dette publique par les États et les collectivités publiques est évaluée par les agences de notation financière. L'emprunt est la modalité complémentaire de l'impôt pour le financement des dépenses. Il est choisi quand l'État ne peut accroître les prélèvements fiscaux, le plus souvent craignant les réactions des populations. Toutefois, le service de la dette peut atteindre des proportions très élevées représentant une grande part des dépenses de l'État. La dette publique se distingue donc, en macroéconomie, de la dette des ménages ou de la dette des entreprises et augmente à chaque fois qu'un déficit public est financé par emprunt. 2.1.1.3 Le service de la dette Par définition, le service de la dette est la somme que l'emprunteur doit payer chaque année pour honorer sa dette. Cette somme comprend deux parties : la charge de la dette (qui ne recouvre que le poids des intérêts seuls). Ces intérêts sont calculés en appliquant un taux d'intérêt - fixé au moment de l'emprunt - au capital restant dû, c’est-à-dire la somme qui n'a pas encore été remboursée. le principal, encore appelé « annuité » : c'est le montant du capital emprunté qui est remboursé chaque année. Ce montant dépend de la durée et du montant total de l'emprunt (par exemple, pour cette dette préalablement contractée pour une durée de vingt ans, le remboursement d’un vingtième de la dette par an représente l’annuité). 104 Dans la base de données éditée par la BM, le « total du service de la dette – Total debt service » est la somme des remboursements de capital et des intérêts réellement payés en devises étrangères, en biens ou en services sur la dette à long terme, les intérêts payés sur la dette à court terme et les remboursements (rachats et frais) payés au FMI. 2.1.2 Genèse de la dette des PED et situation de l’UEMOA 2.1.2.1 Historique et déterminants de l’endettement extérieur des PED a) Historique (i) De 1945 à 1960 Il serait erroné de parler de « pays du sud » à cette période vu que, de par le système colonial, aucun droit de souveraineté n’est reconnu aux pays du Sud car ils font partie intégrante de l’empire colonial du « Nord ». Mais cette période est essentiellement marquée par la disparition de ces empires. La fin des années cinquante marque la volonté de la part des deux grands blocs mondiaux (capitalistes et communistes) de promouvoir la coexistence pacifique, sans pour autant tenter de supprimer les enjeux idéologiques chers aussi bien à l’un qu’à l’autre. Face à une telle situation, les nouveaux dirigeants nationalistes en Asie et en Afrique proclament solennellement leur volonté d’anticolonialisme, de neutralisme et de non-alignement lors de la conférence de Bandoeng en Indonésie en 1955, qui constituera alors l’acte de naissance du « Sud » en tant qu’entité unie (Di Maio, Epelbaum, Gueydan, Hantcherly, & Hoppe). Ainsi, les premiers pays indépendants, ou ceux qui tentent d’y accéder, fondent leur unité autour de cette volonté de neutralité ou de non-alignement. Parallèlement à cela, les pays à économie de type capitaliste mèneront une intense campagne anti-communiste en soutenant financièrement et en investissant dans les pays en voie de développement. 105 (ii) De 1960 à 1973 L’an 1960 marque la rupture définitive entre l’Union Soviétique et la Chine. La période est marquée par une rivalité accrue entre l’Ouest et l’Est et voit s’organiser les PED, qui tentent de se soustraire de la domination de l’une ou l’autre puissance, en un mouvement des « nonalignés » lors de la Conférence de Belgrade en 1961. Mais les années suivantes, les pays occidentaux connaissent une croissance économique forte : les relations bilatérales coloniales cèdent la place à « une coopération au développement », ou à d’autres initiatives multilatérales telles que « les décennies au développement » de l’ONU, les initiatives régionales de Yaoundé49, l’Alliance pour le progrès50 ou la création de la Conférence des Nations Unies pour le Commerce Et le Développement (CNUCED). D’une manière plus évidente que pour la décennie précédente, cette période fait apparaître les efforts des pays en voie de développement, souverains depuis peu, pour imiter la politique économique des pays industrialisés, afin de parvenir au même niveau de vie. L’idée qui domine le plus, c’est le désir d’appartenir à ce système mondial proposé par les pays du Nord, synonyme de développement, et clé de l’enrichissement. En 1970, la dette des pays en développement n'atteint que 67 milliards de dollars, soit 14 % du PNB et 112 % des recettes courantes. Sur ce total, les marchés financiers privés ont moins de dix milliards de créances sur les pays en développement et 56 % de leur dette publique est à taux concessionnels. (iii)De 1973 à 1982 Marquée par des exigences nettement plus économiques, cette période débute par le premier choc pétrolier. Après la guerre du Kippour en 1973, le prix du pétrole est quadruplé par les pays producteurs à titre de représailles. Les excédents des recettes pétrolières obtenus suite à la flambée des prix du baril ont poussé les États bénéficiaires à rechercher les points de placement rentables en les déposant dans les grandes banques des pays développés. Ces dernières se sont retrouvées avec des excédents de liquidités en attente des emprunteurs potentiels. Par la suite, ces pétrodollars ont été acheminés vers les PED sous forme de crédits 49 50 Accord d’association signé en 1963 entre la Communauté Européenne et 18 pays africains. Programme à destination de l’Amérique latine proposé par le président américain Kennedy. 106 à des conditions souples (taux d'intérêt bas, absence de garanties), notamment vers ceux disposant d'importantes réserves de pétrole (Mexique, Venezuela, Nigeria, Gabon) et dans ceux en voie d'industrialisation (Brésil, Argentine, Sud Est asiatique). En effet, la plupart des analystes étaient alors très optimistes quant à l'avenir des PED, ce qui rendait les investisseurs confiants : les prix des matières premières de ces pays avaient augmenté, tandis qu’ils connaissaient une croissance moyenne d'environ 5 % par an. Selon l’OCDE, entre 1970 et 1977, l’endettement extérieur des PED est passé de 72,2 à 244 milliards de dollars. La Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED)51 indique que 72% des emprunts bancaires provenaient de crédits privés alors que ceux-ci ne représentaient que 51% de ces emprunts en 1967. En 1978, l'endettement des PED atteint 300 milliards de dollars. En 1979, avec l’avènement du second choc pétrolier, l’on assiste à un changement radical de la politique monétaire : la Réserve fédérale américaine décide subitement d'augmenter les taux d'intérêt américains afin de réorienter les flux d'investissement vers les États-Unis. Les prêts aux PED étaient libellés en dollars et indexés en fonction du marché des taux d’intérêt américains et de celui de la City Bank (Londres). Par voie de conséquence, ces taux d’intérêt explosent (exemple : en Amérique Latine, le taux d’intérêt réel passe de -3,4% dans les années 70-80 à +27% en 1982). Parallèlement, le second choc pétrolier oblige les pays industrialisés à réduire leurs importations et l’on assiste à une baisse des flux de capitaux de ces pays vers les PED, tandis que ces derniers se réorientent vers les pays industrialisés pour financer leurs déficits. Dans les années 1980, la situation des pays emprunteurs s'aggrave : le taux de change du dollar et les taux d'intérêt augmentent du fait de l’augmentation des déficits publics et de la lutte contre l'inflation. En effet, Les taux d'intérêt explosifs font gonfler les stocks de dettes : entre 1977 et 1984, selon les statistiques de l'Organisation de coopération et de développement économiques (O.C.D.E.), l'endettement extérieur de l'ensemble des PED non producteurs de pétrole passe de 278 à 810 milliards de dollars. Au moment où les taux explosent et font gonfler la dette, le stock de devises mobilisables pour rembourser ces dettes baisse. Il faut rembourser davantage avec des ressources en 51 Créée en 1964, la CNUCED a pour objectif d’intégrer les pays en développement dans l´économie mondiale de façon à favoriser leur essor. 107 diminution. Il faut alors emprunter pour rembourser tandis que les taux d’intérêt qui s’y rapportent, augmentent : c’est la mise en route de la spirale d’endettement (figure 2.1), que (Séka, 1992) appelle – à juste titre – « la trappe à l’endettement ». Craignant de ne jamais se voir rembourser l’argent prêté, les banques stoppent tout crédit. Les flux financiers vers les pays du Sud se tarissent : le Sud envoie plus de capitaux vers le Nord que l’inverse. Les pays les plus endettés font face à d’énormes difficultés de paiement. C’est la crise de la dette due à l’envolée des taux d’intérêt, qui explose en 1982 à partir de la déclaration du Mexique jusqu’alors courtisé par tous les banquiers, de son incapacité à assurer le paiement du service de sa dette. Or, en 1982, les neuf principales banques américaines détenaient sur les pays en voie de développement des créances qui représentaient le double de leurs fonds propres. La remise de dettes, si elle leur avait été imposée par la communauté internationale, les aurait fait disparaître. Figure 2-1 : La spirale de l’endettement des Pays en développement. Effet 1 : la dette engendre la dette Effet 3 : perte de confiance des marchés financiers Augmentation de la dette Effet 2 : réduction des marges de manœuvre Effet 4 : baisse de la croissance potentielle 108 b) Causes (i) Facteurs déterminants de l’augmentation de la dette des PED Ce qui fait que la dette soit devenue insupportable dans de nombreux pays en voie de développement, c'est que, du fait de leur grande pauvreté, le remboursement des annuités augmenté des intérêts, se fait au détriment de leur développement ou même de leur survie. Quelles sont les déterminants de cet endettement excessif ? L’accroissement de la dette dans les pays en développement fait suite à une multitude de raisons. Les trois principales sont : 1- Les crises pétrolières de 1973 et de 1979. Pour les PED et les Pays les moins avancés (PMA), l’impact de l’augmentation du prix du brut (+400%) fut dévastatrice. Ces pays sans ressources pétrolières significatives ne disposant pas des devises suffisantes pour acheter les produits dérivés du pétrole (engrais, produits chimiques...). Le concept de « quart monde » comme nouveau classement hiérarchique du capital était né. Le bonheur des uns venait de faire le malheur des autres : les pays de l’OPEP vont bénéficier, entre 1974 et 1980, d’un excédent de 330 milliards de dollars ; alors que le déficit commercial des pays non pétroliers, le « quart monde », sera de l’ordre de 300 milliards (Arnaud & Reisser, 1984). Après le choc pétrolier de 1973, le déficit des PED importateurs passe de 36,8% à 72,7% en 1977. L’Inde, le Bangladesh et certains pays d’Afrique noire sont dans des situations dramatiques. C’est finalement l’OPEP qui servira de bailleur de fonds pour amortir la douloureuse augmentation du prix du pétrole brut. 2- l’augmentation des taux d'intérêt. Cette hausse des taux s'accélère à partir de 1979 pour le dollar, et plombe les dettes existantes, la plupart du temps libellées en dollar, par un effet purement mécanique (tableau 2-3). 109 Tableau 2-3 : La dette externe publique et privée des pays en développement depuis 1980 dont : Stock de dette (Milliards $) Service de la dette (Milliards $) Part publique Part privée 1980 516 80 50 30 1990 870 140 119 21 1995 1 860 206 154 52 2000 2 122 345 201 144 2005 2 489 438 253 185 2010 4 076 583 180 403 Source : Base de données de la Banque mondiale pour les pays à faibles et moyens revenus par rapport à la classification de la Banque mondiale. 3- La détérioration des termes de l'échange. Les pays en développement produisent surtout des produits bruts, miniers ou agricoles, et achetaient des produits manufacturés. Lorsqu'ils accroissent la productivité cela revient à produire davantage de minerais ou accroître leur production de coton, café, ananas ; donc leur offre s'accroît. Au contraire dans les pays industriels, la productivité consiste à produire des voitures avec de moins en moins d'acier et d'énergie ; ce qui a pour effet de diminuer la demande de ces pays vers les PED. L'effet conjugué de ces deux phénomènes se traduit immanquablement par une baisse des coûts des produits de base qui, pourtant, procurent l'essentiel des recettes d'exportation des pays en développement. En d'autres termes, pour importer le même tracteur, il faut chaque année exporter un nombre croissant de tonnes de minerais ou de balles de coton. À terme, la balance commerciale devient de plus en plus difficile à équilibrer et il faut recourir aux aides extérieures. A côté de ces raisons, nous avons également : 4- La fluctuation anarchique des prix. Les prix des produits de base sont déterminés au niveau mondial par deux grandes bourses de marchandises, situées à Chicago et à Londres. Ces prix mondiaux reflètent l'offre et la demande globales et intègrent des phénomènes tels que la sécheresse ou les inondations (pour 110 les produits agricoles) ou les découvertes minières dans tel ou tel pays et sont soumis à d'amples fluctuations, qui n'ont rien à voir avec les coûts de production dans un pays déterminé. Si donc un pays établit un plan de développement sur plusieurs années, il fait des prévisions concernant ses recettes d'exportation et ses besoins d'importation ; ce plan peut devenir caduc à tout instant, par suite d'un effondrement des cours. Ce phénomène affecte, en particulier, les PED, dont les recettes d'exportation proviennent d'un seul produit ou d'un petit nombre de produits. Nous revenons donc au cas précédent de la détérioration des termes de l'échange. 5- L’aide publique au développement (APD), fardeau pour les pays bénéficiaires ? La plus grande partie de l’aide est attribuée aux PED sous forme de prêts et non de dons. En effet, dès l’instant où ils sont accordés aux pays éligibles à un taux inférieur au taux du marché et pour peu qu’ils comportent une part de don supérieure à 25 %, les APD – désignant « tous les apports de ressources qui sont fournis aux pays et territoires sur la liste des bénéficiaires d’APD, ou à des institutions multilatérales »52 - sont prises en compte dans le calcul des prêts. Leur montant étant loin d’être négligeable, l’aide publique est donc en elle-même profondément génératrice de dette. En conséquence, les remboursements qu’elle engendre provoquent une hémorragie de capitaux pour les pays du Sud. L’aide internationale peut être bilatérale, lorsque l’Etat fournisseur transfert lui-même les flux d’aide au profit de l’Etat bénéficiaire ; ou multilatérale, lorsque les transferts s’effectuent par l’intermédiaire des organismes internationaux (multilatéraux). Quelle que soit sa modalité d’allocation, l’expression utilisée paraît trompeuse car les concours financiers en cause n’impliquent pas toujours l’idée de dons sans contrepartie dont le terme « aide » pourrait laisser sous-tendre. Les prêts, certes, à des taux avantageux, mais remboursables à échéance, représentent la masse la plus importante des flux de financements extérieurs concernés. 52 Voir la définition de l’ « aide » sur le site de l’OCDE : http://www.oecd.org/fr. 111 Depuis 1970, pour l’ensemble des Pays à revenu faible et intermédiaire53 (RFI), le service de la dette publique totale croit à un taux plus élevé que celui des aides reçues (figure 2-2). Figure 2-2 : Service total de la dette extérieure et Aide publique des Pays à revenu faible et intermédiaire : 1970-2010 7E+11 6E+11 5E+11 Service de la dette sur la dette extérieure, total ($ US courants) Aide publique au développement nette et aide publique reçues ($ US courants) 4E+11 3E+11 2E+11 1E+11 0 Source : Plateforme ouverte des données publiques françaises. http://www.data.gouv.fr/fr/ En ce qui concerne les pays de l’ASS, le montant alloué au service de la dette publique totale (44,26 milliards de dollars) a été supérieur à l’aide reçue (40,46 milliards de dollars) sur la période 1981-1985. De 1986 à la fin 1995, les pays d’ASS se sont vus « sur-aidés » pour faire face au remboursement de leur dette. Seulement, les conséquences de cette aide se font ressentir entre la fin 1995 et la fin 2000 : les pays de l’ASS ont remboursé 36,25 millions de dollars de plus qu’ils n’ont reçu en nouveaux prêts (figure 2-3). 53 Voir la classification des Pays selon le revenu, par la Banque Mondiale en annexe 3-A (nous considérons ici la classification 2010). 112 Figure 2-3 : Service total de la dette extérieure et Aide publique des Pays d’Afrique subsaharienne : 1970-2010 5E+10 4,5E+10 4E+10 Service de la dette sur la dette extérieure, total ($ US courants) Aide publique au développement nette et aide publique reçues ($ US courants) 3,5E+10 3E+10 2,5E+10 2E+10 1,5E+10 1E+10 5E+09 0 Source : Plateforme ouverte des données publiques françaises. http://www.data.gouv.fr/fr/ De façon similaire à l’ASS, la période 1980-1987 fut défavorable à l’UEMOA qui enregistre une aide publique de 12,05 milliards contre un remboursement total de 15,12 milliards de dollars. Cette aide s’est par la suite accrue jusqu’en 1994. Jusqu’en 2000, l’Union se verra contrainte de compter plus sur ses propres ressources que sur le financement extérieur. Cependant, depuis 2000, l’APD de la zone UEMOA a rebondi de façon spectaculaire (figure 2-4). Figure 2-4 : Service total de la dette extérieure et Aide publique des Pays de l’UEMOA : 1970-2010 8E+09 7E+09 6E+09 Service de la dette sur la dette extérieure, total ($ US courants) Aide publique au développement nette et aide publique reçues ($ US courants) 5E+09 4E+09 3E+09 2E+09 1E+09 0 Source : Plateforme ouverte des données publiques françaises. http://www.data.gouv.fr/fr/ 113 Les ONG dénoncent depuis quelques années la tendance qu’ont les pays du Comité d’aide au développement (CAD) à ajouter dans le calcul de l’APD des montants qu’ils ne devraient pas. La France inclut par exemple dans l’APD les annulations de dettes, les dépenses en France liées à la présence de requérants d’asile, le coût des étudiants étrangers en France, la diffusion du français à l’étranger et le rayonnement culturel, ainsi que certaines dépenses pour les Territoires d’Outre-Mer. La Confédération européenne des ONG, CONCORD, a analysé l’aide des pays européens en 2006 et estime par exemple que 50 % de l’APD de la France était de l’aide gonflée (ainsi que 59 % de l’APD de l’Autriche, 44 % de l’aide de l’Italie, 35 % de l’aide de l’Allemagne et 28 % de l’aide du Royaume- Uni). (Dambisa, 2009) affirme que l'assistance financière a été et continue d'être pour une grande partie du monde en développement un total désastre sur le plan économique, politique et humanitaire. Pour elle, quand le flux de l'aide à l'Afrique était à son maximum entre 1970 et 1988, le taux de pauvreté des populations s'est accru de façon stupéfiante: il est passé de 11% à 66%. Cette auteure soutient que l'aide sape l'épargne, les investissements locaux, la mise en place d'un vrai système bancaire et l'esprit d'entreprise. Aujourd'hui se pose la question du soutien à la démocratie : alors que des prêts colossaux ont été accordés sans contrôle à des dictateurs, ces mêmes pays, essayant de construire un système démocratique, se trouvent obligés de rembourser des dettes qui n'ont pas servi à leur développement. Déduction faite, seules les populations des pays débiteurs en assument le coût, au prix de millions de vies humaines : le remboursement de la dette prive les pays de ressources nécessaires au financement des secteurs sociaux essentiels. En se basant principalement sur le cas des pays d’Afrique subsaharienne et de l’UEMOA, il ressort que l’APD influence les systèmes de gestion des finances publiques dans les pays bénéficiaires. L’influence immédiate est sa contribution au financement du développement et au rétablissement de la discipline des comptes publics. Cependant, le cas de l’ensemble des Pays RFI montre bien les effets néfastes et même désastreux que l’APD a engendrés dans les Etats bénéficiaires : l’accumulation des flux d’aide non remboursés engendre l’endettement dont le service de remboursement compromet la viabilité des finances publiques. La question qui se pose est véritablement à propos de l’aide est celle de la dépendance. C’est la dépendance à l’APD qui engendre les effets décrits ci-dessus. Malgré les critiques dont elle fait l’objet, les Etats concernés peuvent-ils se passer de l’APD ? Cela interpelle les acteurs politiques nationaux, auteurs des décisions budgétaires. Mais sont-ils 114 réellement libres de décider : un pays dépendant de l’aide extérieure n’a-t-il pas perdu une partie de sa souveraineté ? 6- La responsabilité partagée entre débiteurs et créanciers Du côté des emprunteurs Certaines dépenses ont servi pour des réalisations surdimensionnées ou de pur prestige qui n’ont pas contribué au développement des pays bénéficiaires. En effet, sans contrôle, les ressources d'emprunt sont allouées dans des investissements de prestige ou dans des projets non rentables, dont les budgets de réalisation ont été souvent surévalués à travers une collaboration entre les entrepreneurs et certaines autorités de l'Etat ayant en charge l'exécution des marchés publics. C’est cette politique de dilapidation des ressources publiques qui entrave la coordination des actions. L’évolution de l’accroissement de la dette se justifie aussi par les transferts de capitaux vers l'extérieur54 (sur des places financières réputées stables et sûres), ce qui constitue une entrave au processus d'industrialisation des pays de l'Afrique de l'Ouest et pose d'énormes problèmes de liquidités, empêchant ainsi le développement des transactions commerciales à l'intérieur des pays de la zone. Du côté des prêteurs Ils ont, de leur côté, poussé les gouvernants des pays du Sud à s'endetter massivement, parfois dans des projets à la rentabilité douteuse, mais qui permettaient à leurs maîtres d’œuvre, les entreprises du Nord, de s'enrichir. Les pays riches sont loin d’être étrangers à l’accumulation d’une dette colossale par les pays du Sud. Ils portent la lourde responsabilité d’une politique de prêts incontrôlée, répondant davantage à des intérêts économiques, politiques et personnels qu’à une politique de coopération au service du développement. 54 En 1982, l'OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique) estimait la fuite des capitaux dans les PED non producteurs de pétrole à 50 à 60 milliards de Dollars. 115 (ii) Système évolutif de la dette extérieure de l’UEMOA En plus des paramètres généralement connus pour expliquer l’accroissement de la dette dans les PED, les pays de l’UEMOA présentent des particularités. 1- Facteurs monétaires D’une part, l’endettement massif des pays de l’UEMOA résulte du fait que la zone Franc ait bénéficié de financements extérieurs plus importants que les autres pays en développement, du fait de sa coopération monétaire avec la France. De plus, ayant anticipé des recettes importantes à la faveur de la hausse des prix des matières premières, les pays de l’UEMOA se sont engagés dans des politiques d’investissement surdimensionnées par rapport à leurs besoins et ont procédé à une embauche élevée de fonctionnaires, augmentant ainsi de façon considérable le poids de la masse salariale publique dans le PIB. D’autre part, l’endettement des pays de la zone UEMOA pourrait être né de l’aide apportée par la France, un « paradoxe des transferts », comme envisagé par (Keynes, 1929) et formalisé par (Léontief, 1936) à propos des réparations allemandes dans l’entre-deuxguerres : des transferts importants peuvent appauvrir les pays qui en bénéficient à travers un effet-prix ( appréciation du taux de change réel à la suite des pressions inflationnistes internes) et un effet revenu (une partie importante du supplément de revenu est consacrée à l’achat de biens d’exportation) qui vont tous deux dans le sens d’une dégradation de la balance commerciale. Le financement des déficits commerciaux (le « fardeau secondaire du transfert ») aurait alors pu créer un alourdissement de la dette dans les pays de l’UEMOA, mais ne saurait, à lui seul, expliquer les déséquilibres commerciaux et d’endettement subis par ces pays. 2- Endettement et rentabilité financière Théoriquement, la raison essentielle de l’endettement extérieur est que celui-ci finance des investissements pour lesquels la productivité marginale du capital est supérieure au taux d'intérêt réel payé. Ceci suppose que la dette contractée par les pays l'a été dans le cadre du financement de projets d'investissement, de sorte que la condition précédente d'investissement effectif des sommes empruntées fut respectée. Or grande partie des financements 116 internationaux dont ont largement bénéficié les pays de l’UEMOA dans les années 1970, a été gaspillée dans des opérations non rentables financièrement. Au Niger, la dette contractée pendant la seconde moitié des années 1970 a pesé très lourdement sur les finances publiques. En effet, l'examen de l'évolution du service de la dette dans le budget du Niger montre une tendance à la hausse des apports extérieurs dans le financement du déficit des budgets (Vourc'h & Moussa, 1992). 3- Endettement et production échangeable (Berthélemy, L'endettement du Tiers Monde, 1994) fait une analyse de l'impact de l'endettement extérieur sur le système de production national et conclut qu’ « il ne suffit pas que l'épargne extérieure soit investie dans l'économie nationale pour que cela garantisse la capacité de remboursement à l'extérieur ». Faut-il en plus que l'économie dispose, pour régler les charges de sa dette, de ressources suffisantes en devises. Pour ce faire, elle doit disposer d'une capacité de production importante en biens échangeables sur le marché international, qu'il s'agisse de biens d'exportation ou de substituts aux importations. Or les pays de l’UEMOA ont focalisé leurs exportations sur peu de produits : exportation du café-cacao en Côte d’Ivoire, de l’Uranium au Niger, etc. 4- Le mode d'accumulation et de développement adopté par les Etats de l’UEMOA dès les indépendances Ce modèle prend appui sur l’unique rente des matières premières. En effet, alors que l'agriculture était destinée à accroître les ressources en devises afin de permettre aux producteurs d'avoir des revenus monétaires, l'exploitation des matières premières, elle, visait l’obtention de devises nécessaires en grande partie aux importations. Concernant la Côte d’Ivoire, sa situation économique est florissante depuis les débuts de la colonisation jusqu’à la fin des années 1970. En effet, dès le début des années 1960, ce pays a axé sa politique de développement sur l'expansion des exportations de matières premières et la substitution aux importations reposant sur quelques industries. Les stratégies mises en œuvre sont alors particulièrement adaptées aux contraintes extérieures et à l'environnement en général. 117 Cette orientation de la politique a favorisé le rattachement des systèmes productifs internes des différents pays à l'économie mondiale. Les changements de politique économique des pays industrialisés (forte hausse des taux d’intérêt et du dollar) et les retournements conjoncturels de la fin des années 1970 (chute des prix des matières premières entre 1980 et 1983 - voir figure 2-5 -) vont faire basculer les pays endettés dans une crise financière. A partir des années 1970, les Etats de l’UEMOA ont recours au financement extérieur pour faire face à l'amplification des déficits fiscaux et de la balance commerciale engendrée par les chocs extérieurs issus de ce modèle d’accumulation. L'endettement apparaît alors comme un Figure 2-5 : Cours des matières premières de l’UEMOA en milliards de francs CFA de 1980 à 2013 250 200 Cours du Cacao (OICC) Cours du Cafe vert robusta (OIC) Cours du Coton (Indice Cours du Caoutchouc (IRA) Cours de l'uranium 150 100 50 0 produit du modèle de développement, traduisant ainsi un moyen d'ajustement et d'équilibre. Source : Données issues du site de la BCEAO. http://edenpub.bceao.int/rapportPredefini.php En somme, l’évolution de la dette de l’ensemble des pays de l’UEMOA dans le temps montre que l’endettement a été causé davantage par des raisons qui émanent de problèmes d’allocation et d’utilisation des ressources financière, que par un besoin réel de financement des transferts de l’investissement productif. La résultante est un ensemble d’augmentations successives et non nécessaires du montant de la dette. 118 5- le maintien des équilibres macroéconomiques internes et externes par l'utilisation du système financier international Face à leur besoin de financement grandissant suite à la baisse de leurs exportations et à l’augmentation de leurs importations, les Etats de l’UEMOA se retrouvent dans une situation de demandeurs sur le marché financier sur-liquide, face à des offreurs que sont les pétrodollars. En 1973, c’est le premier choc pétrolier, les prix du pétrole brut sont multipliés par quatre (Ouedraogo, 2009). Les énormes bénéfices réalisés par les pays de l'OPEP55 (les pétrodollars) sont placés dans des banques internationales privées qui font fructifier cet argent en offrant aux pays du Sud des prêts colossaux. La Banque mondiale ne fait pas autrement. Cette conjoncture favorable encourage l'endettement et amène les pays emprunteurs à adopter des projets d'investissements vastes et coûteux. En analysant cette situation, (Kassé, 1992) note que les PED étaient des clients « artificiellement solvabilisés » par les industries des pays développés. 2.1.2.2 Evolutions de la dette et des finances dans l’UEMOA a) Evolution de la dette extérieure publique (i) Stock de dette Les figures 2-6 et 2-7 donnent une fresque sur une période de trente ans (1971-2011), du stock de la dette de l’UEMOA respectivement en dollars et en francs CFA. Ces graphiques montrent bien qu’il est possible de distinguer trois phases dans l’évolution de l’endettement public extérieur total de l’Union : La première qui représente les années 1970 (de 1970 à 1980), où l’encours de la dette a connu une augmentation exponentielle mais représente tout de même moins de 50% du PIB ; le stock de dette se chiffre à 900 millions (soit moins d’un milliard) de dollars en 1971 pour l’ensemble de la zone UEMOA, pour atteindre huit milliards de dollars en fin 1981. 55 Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole. 119 La deuxième étape, qui va de 1982 à 1994, correspond à la cessation de paiement du Mexique et à la première demande de rééchelonnement de l’ensemble des pays de l’UEMOA. En effet, de 1991 à 1994, l’encours de la dette en UEMOA est plus ou moins proche de vingt milliards de dollars. La part de la dette dans le PIB de l’ensemble des pays atteint un pic en 1994. La troisième phase de l’évolution de la dette de l’UEMOA correspond à une période de resserrement des contraintes financières. Avec le changement de la parité intervenue en 1994, la dette passait à 19,6 milliards en fin 2001 et 21,71 milliards de dollars américains en fin 1994 pour toute la zone, contre 21,61 milliards de dollars américains en 1993. Le stock de dette à l’air de se stabiliser, voire de baisser entre 1994 et 2001 mais, en termes de devise locale, elle est plus importante qu’avant la période de la dévaluation (figure 2-7). Figure 2-6 : Evolution du stock de dette de l’UEMOA en dollars : 1971 – 2011. 25000 Millions de dollars 20000 15000 10000 5000 0 Source : Données issues du Africa Development Indicators 2013 de la Banque Mondiale56. Figure 2-7 : Evolution du stock de dette de l’UEMOA en francs CFA : 1971 – 2009. 16000 Milliards de francs CFA 14000 12000 10000 8000 6000 4000 2000 0 Source : Données issues de la base de Données Economiques et Financières de la BCEAO57 56 Dans la base de données, “External debt stocks, public and publicly guaranteed (PPG) (DOD, current US$)”. 120 (ii) Indicateurs de dette La figure 2.8 représente l’évolution du ratio dette sur PIB de 1971 à 2011. En 1994, la dette représente 108,59% du PIB de l’UEMOA. C’est un niveau jusque-là jamais atteint. Ce pic atteint en 1994 et surement dû au réajustement du taux de change, a entraîné un doublement du volume de l’encours de la dette dont le remboursement absorbe des ressources qui auraient pu être, au contraire, affectées à la lutte contre la pauvreté ou à la création d’infrastructures (tableau 2-4). Tableau 2-4 : Service de la dette publique en pourcentage des exportations de l’UEMOA : 1974 – 2010. 19741975 19761980 19811985 19861990 19911995 19962000 20012005 20062010 BEN 4,12 3,62 12,05 8,37 6,87 10,67 4,77 2,48 BFA 5,50 7,50 14,81 7,66 8,87 15,08 6,88 2,41 CIV 8,64 23,91 18,58 14,72 17,04 14,87 0,27 3,90 MLI 3,40 3,57 14,45 9,69 14,41 10,15 5,64 2,42 NER 4,71 6,05 16,37 3,15 4,33 6,03 4,36 1,40 SEN 5,68 26,33 11,42 13,72 13,74 13,18 5,21 4,29 TGO 9,46 6,64 22,94 8,63 3,03 3,23 0,97 2,44 UEMOA 5,93 11,09 15,80 9,42 9,75 10,46 4,02 2,76 Source : Données de la Banque Mondiale WDI 2012 sur la dette publique exprimée en pourcentage des exportations58. Nous notons à partir de 1994 une tendance à la baisse du ratio dette sur PIB; celle-ci résulte surement de l’application des critères de convergence mis en œuvre depuis 1994 et fixant un plafond de 70 % pour le ratio dette sur PIB nominal, et de l’initiative PPTE dont ont bénéficié les pays de la zone. A la fin 2011, la dette publique représenterait 41,1% du PIB contre 42,9% à fin décembre 2010. En 2012, ce ratio était prévu à 37,3% mais ce taux a baissé davantage avec le bénéfice de l’initiative PPTE et de l’IADM puisque la Côte d’Ivoire est parvenue au point d’achèvement des initiatives d’allègement de la dette le 26 juin 2012. 57 Sur le site de la BCEAO, Encours dette publique et privée garantie de l’UEMOA, « ZZZFP3002A0FA ». Public and publicly guaranteed debt service (% of exports, excluding workers' remittances) (DT.TDS.DPPG.XP.ZS). 58 121 Par ailleurs, force est de constater une similitude dans les évolutions tendancielles des séries de dette sur PIB des pays étudiés, ce qui nous laisse supposer que la dynamique de la dette dans les pays de l’UEMOA est assujettie aux mêmes contraintes structurelles. Malgré les similitudes constatées au sujet de l’évolution des ratios de dette publiques sur PIB en zone UEMOA, les pays de l’union diffèrent les uns des autres par les montants de leur dette (par exemple, la Côte d’ivoire a un stock qui atteint parfois le triple de celui des autres pays de l’Union) et l’implication de cette dette sur la croissance de l’économie. Figure 2-8 : Représentation de l’endettement extérieur des administrations publiques en pourcentage du PIB sur la période 1970-2011 en UEMOA59. 160 140 BEN BFA CIV MLI NER SEN TGO 120 100 80 60 40 20 0 Source : Données issues du Africa Development Indicators 2013 de la Banque Mondiale60. 59 Tableau A-1 en annexe 2. Dette sur PIB à partir des données dans la base ; Dette : « External debt stocks, public and publicly guaranteed (PPG) (DOD, current US$) » et PIB « GDP (current US$) ». 60 122 En observant la figure 2-8, nous pouvons distinguer deux groupes de pays au sein de l’Union : le groupe A constitué du Bénin, du Burkina Faso, du Niger, du Sénégal. Les courbes de tendance de l’évolution du ratio de dette sur PIB pour ce groupe de pays se situent en dessous de la moyenne de l’Union, sur la période 1971-2011 ; le groupe B représenté par la Côte d’ivoire, le Mali et le Togo. Pour ces pays, le ratio d’endettement évolue de façon exponentielle par rapport à la moyenne de l’Union. Ce constat implique qu’il y a davantage d’efforts à fournir pour assainir les finances publiques de ces trois pays. D’autres indicateurs de dette nous permettent d’apprécier mieux la situation d’endettement de l’UEMOA (tableau 2.5). Fin 2011, le ratio de l’encours (hors arriérés) de la dette extérieure sur le PIB de l’UEMOA s’établit à 26,98% (26,64% y compris la Guinée Bissau); par pays il ressort à 16,32% au Bénin, 19,78 % au Burkina, 23,16% au Mali, 18,29% au Niger, 25,24% au Sénégal et 10,49 % au Togo. Il est beaucoup plus élevé en Côte d’Ivoire (qui était alors le seul pays de l’Union à n’avoir pas atteint le point d’achèvement de l’initiative PPTE) : 43,0%. b) Composition de la dette extérieure de l’UEMOA (i) Une dette publique extérieure majoritairement multilatérale La figure 2-9 présente les moyennes de dettes bilatérale et multilatérale en pourcentage de la dette extérieure publique totale des pays de l'UEMOA, de 1971 à 2011. Comme le montre cette figure, l’essentiel de l’encours de la dette extérieure moyenne des pays de l’UEMOA est dû aux organismes internationaux (FMI, Banque Mondiale,...). En effet, la dette bilatérale de ces pays, aussi importante soit-elle, se situe de façon générale à un niveau moindre que celui de la dette multilatérale, excepté le cas de la Côte d’Ivoire. Ce dernier pays, en raison des liens particuliers entretenus avec certains pays occidentaux, notamment la France, a une dette bilatérale qui excède en moyenne sa dette multilatérale. Par ailleurs, en dehors de la Côte d’Ivoire qui présente un taux de 70%, tous les pays de l’Union ont un minimum de 90% de leur dette extérieure publique qui est à caractère multilatéral et/ou bilatéral. Ce qui sousentend que sur la période 1971-2011, 30% de la dette extérieure publique ivoirienne sont dus à des opérateurs privés. 123 Figure 2-9 : Moyennes, sur la période 1971-2011, de dettes bilatérale et multilatérale en pourcentage de la dette extérieure publique des pays de l'UEMOA 100 90 80 70 Dette bilatérale 1971-2011 60 50 Dette multilatérale 1971-2011 40 Dettes bilatérale et multilatérale 1971-2011 30 20 10 0 BEN BFA CIV MLI NER SEN TGO Source : Données issues du Africa Development Indicators 2013 de la Banque Mondiale61. (ii) Une dette publique envers le privé non négligeable Selon la Banque Mondiale, le stock total de dette (à court terme et long terme) de l’UEMOA de 1971 à 2011 se décomposerait suivant le tableau 2-5. Ce tableau représenté à la figure 2-10 nous montre que la dette publique de l’UEMOA a plus que tripé entre 1975 et 1990. Cela se traduit, entre autres, par la dette fulgurante des Etats auprès de secteurs privés, qui non seulement passe de 465,4 millions de dollars à 2,7 milliards de dollars US entre fin 1975 et fin 1980, mais croît davantage pour atteindre la moyenne de 4,2 milliards à la fin 1985. Quoique légèrement en baisse par rapport au quinquennat précédent, la dette auprès du secteur privé a persisté entre 1986 et 1990. Ce crédit de l’UEMOA dû au privé est dominé (comme précédemment dit) par l’Etat ivoirien suivi de très loin par les autres Pays. 61 Dette bilatérale - PPG, bilateral (DOD, current US$) (DT.DOD.BLAT.CD) - ; dette multilatérale - PPG, multilateral (DOD, current US$) (DT.DOD.MLAT.CD). 124 Tableau 2-5 : Composition du stock de la dette totale de l’UEMOA sur la période 1971-2011. En millions de dollars (US$) courants 19711975 19761980 19811985 19861990 19911995 19962000 20012005 20062010 2011 (1) Stock de Dette totale (CT et LT) 1718,31 7308,69 15090,76 24520,96 30295,02 28010,75 26117,91 23251,11 25156,50 (2) Encours dette publique et privée garantie (LT) 1380,19 5291,68 9989,49 17789,95 21727,77 21513,01 22154,20 19961,09 20642,44 461,40 2690,93 4206,39 3843,69 2821,38 2506,28 2394,03 2050,78 649,39 (3) Dette privée non garantie (LT) 53,86 692,76 2600,04 2705,06 2851,70 1877,80 1267,53 719,90 573,02 (4) Recours aux crédits du FMI 21,56 164,05 1002,42 1102,00 935,35 1430,22 1254,81 1189,45 2584,21 (5) Dette à court terme 262,71 1160,20 1498,80 2923,94 4780,21 3189,72 1441,37 1380,67 1356,84 (dont Dette envers les privés) Source : Données issues du « Africa Development Indicators » de la Banque Mondiale. (1) = (2) + (3) + (4) + (5) Figure 2-10 : Composition du stock de la dette totale de l’UEMOA sur la période 1971-2011. 3,5E+10 Dollars américains courants 3E+10 2,5E+10 DCLT (1) DPPG (2) DPNG (3) CFMI (4) DPCT (5) 2E+10 1,5E+10 1E+10 5E+09 0 Source : Données issues du « World Development Indicators » 2013 de la Banque Mondiale. 125 c) Situation des finances publiques de l‘UEMOA : 1970-2012 Quel que soit l’indicateur retenu, l’UEMOA des années 1980 se caractérise par une forte dégradation de sa situation financière (tableau 2-6), ce qui explique l’importance ultérieure de l’objectif d’ajustement structurel. La situation s’améliore dans la première moitié des années 1990 et particulièrement en 1994 avant la mise en place de l’union monétaire. La réduction des déficits continue après 1994 (date de dévaluation du franc CFA), du fait du montant des dépenses qui nécessitent plus de devises locales. Entre 1994 et 1995, l’effort budgétaire s’impose donc davantage à l’UEMOA avant de se relâcher en 2001 (figures 2-12 à 2-18), avec l’application de l’initiative PPTE dans certains pays de l’Union. Tableau 2-6 : Tableau des soldes financiers de l'UEMOA (en Milliards de francs CFA courants) : de 1970 à 2012. 19701974 Recettes totales et dons 223,92 •Taux de croissance RT sur la période (%) Recettes totales hors dons Recettes courantes 64,49 19751979 19801984 19851989 19901994 20002004 20052009 20102013 2972,62 3754,56 6158,57 8273,71 -52,13 31,07 32,80 51,60 39,37 222,02 735,00 1174,72 1492,98 1069,60 2520,88 3287,60 nd nd 240,97 773,02 1254,76 1341,12 1449,66 2637,18 3482,5 5296,14 7055,95 Dépenses totales et prêts nets •Taux de croissance GT sur la période (%) Dépenses totales 240,08 876,18 1700,00 2051,88 1634,14 3442,98 4176,36 6455,42 9553,27 -80,57 0,59 33,84 49,05 40,08 240,08 811,36 1681,26 2049,60 1642,92 3432,52 4167,80 6418,80 9504,36 Dépenses courantes 200,20 255,76 1158,82 1505,66 1492,86 2274,86 3042,42 4700,26 6314,50 Arriérés sur intérêts 0,03 509,91 20,98 65,32 -108,18 -69,7 18,82 -26,78 -41,35 -18,08 -141,18 -525,28 -558,90 -564,54 -922,10 -888,78 -1521,14 -2323,74 -16,18 -108,00 -413,34 -408,48 -351,38 -470,34 -421,84 -296,86 -1279,57 -16,18 -103,70 -364,96 -376,66 -395,14 -553,50 -448,02 -300,72 -1333,25 Solde Budgétaire global (hors dons) Solde base engagements (avec dons) Solde Base caisse 69,03 768,18 1286,66 1643,40 1282,76 19951999 155,23 199,77 44,59 21,77 -13,93 16,41 Source : Données issues du site de la BCEAO. http://edenpub.bceao.int/rapportPredefini.php Solde budgétaire global = Recettes totales (hors dons) – Dépenses totales. Solde (base engagements) = recettes totales (y compris dons) – dépenses totales. Solde (base caisse) = Solde (base engagements) + arriérés sur intérêts. 126 D’après le tableau 2-6, sur toute l’étendue de la période considérée (1971-20012), le taux de progression moyenne des recettes totales et dons est supérieur à celui des dépenses totales de l’UEMOA. Cependant, nous constatons depuis 1990 un effort d’assainissement des finances publiques. En effet, les quintiles 1990-1994 et 1995-1999 enregistrent des taux largement plus élevés pour les recettes par rapport aux dépenses. Cela se traduit sur la progression du solde budgétaire de l’Union (figure 2-11). Par ailleurs, d’un solde budgétaire global égal à -6,93% du PIB en 1993, l’Union passe à un solde de 2,79% du PIB en 1994, pour virer en 1995 à un solde global de -8,86%. Aussi, l'Union présente-t-elle des soldes structurellement déficitaires, en raison principalement de l'insuffisance des recettes d'exportation pour assurer la couverture des importations de biens et services. Figure 2-11 : Evolution du Solde budgétaire global (avec dons et hors dons) de l’UEMOA en pourcentage du PIB: 1970-2012. 6,00 4,00 Solde global hors dons en % de PIB Solde global (avec dons) en % de PIB 2,00 0,00 -2,00 -4,00 -6,00 -8,00 -10,00 -12,00 -14,00 Source : Données issues du site de la BCEAO. http://edenpub.bceao.int/rapportPredefini.php 127 Figure 2-12 : Dette sur PIB et Déficit sur PIB au Bénin : 1980-2012* 100 Bénin Dette/PIB Déficit/PIB 80 Figure 2-14 : Dette sur PIB et Déficit sur PIB en Côte d’Ivoire : 19802012* 160 140 Côte d'Ivoire Déficit/PIB 120 60 Dette/PIB 100 80 40 60 40 20 20 0 0 -20 -20 -40 Figure 2-13 : Dette sur PIB et Déficit sur PIB au Burkina-Faso : 19802012* 60 50 40 30 Burkina-Faso Figure 2-15 : Dette sur PIB et Déficit sur PIB au Mali : 1980-2012* Dette/PIB 160 Déficit/PIB 140 100 80 60 10 40 0 20 -20 Dette/PIB Déficit/PIB 120 20 -10 Mali 0 -20 128 Figure 2-16 : Dette sur PIB et Déficit sur PIB au Niger : 1980-2012* 100 Figure 2-18 : Dette sur PIB et Déficit sur PIB au Togo : 1980-2012* 140 Niger 80 Dette/PIB 120 Déficit/PIB Togo 100 60 Dette/PIB Déficit/PIB 80 60 40 40 20 20 0 0 -20 -20 -40 * * Figure 2-17 : Dette sur PIB et Déficit sur PIB au Sénégal : 1980-2012 90 80 70 60 50 40 30 20 10 0 -10 -20 Sénégal Source : Données issues du site de la BCEAO. http://edenpub.bceao.int/rapportPredefini.php Dette/PIB Déficit/PIB 129 Somme toute, La dette externe des pays en développement n’est pas seulement un problème financier. Dans la plupart des cas, elle a été créée dans des conditions et selon des intérêts qui étaient celles et ceux des capitalistes dominants dans les pays du Nord et/ou du Sud. L'octroi massif de prêts entraîna des risques majeurs de défaillance, comme avec le Mexique, qui fut le premier pays à annoncer, en 1982, qu'il n'était plus en mesure de rembourser situation qui précipita ce que l'on nomme aujourd'hui la « crise de la dette ». Face à l'éventualité de perdre les fonds investis, les créanciers proposèrent de nombreuses solutions Ainsi, le problème de la dette a donné lieu à des discussions, chaque année depuis 1974, lors des sommets du G7 qui réunit les sept pays les plus riches (Allemagne, Italie, Canada, Japon, Etats-Unis, France, Grande Bretagne), afin d'analyser et de résoudre les politiques économiques et monétaire qui prévalent à travers les pays les PED et PMA. 2.2 Tentatives de solutions aux crises de dette des années 1980 et 1990 dans les PED et dans l’UEMOA Pour sortir des crises d’endettement extérieur de 1985-1986 et 1994-1995, les pays de l’UEMOA ont adopté des programmes de réformes monétaires et financières qui visent le rétablissement des équilibres macroéconomiques et l’instauration des conditions d’une croissance économique saine et durable. Parmi les axes de ce programme, une place particulière a été accordée à la réforme de la politique budgétaire (l’adoption d’un plan d’ajustement structurel visant en premier lieu la maîtrise de la dette extérieure) et à la modernisation des techniques de financement de la dette publique qui ferait suite à un allègement de ladite dette (par le biais de l’initiative Pays Pauvres Très Endettés - PPTE -). 130 2.2.1 Les Plans d’ajustement structurel (PAS) 2.2.1.1 Du Consensus de Washington aux Plans d’ajustement structurel Jusqu'à la fin des années 70, les institutions financières internationales, comme le FMI et la Banque Mondiale, ne se prononçaient pas sur le modèle économique et social choisi par les PED. Le rôle de ces organisations se limitait effectivement à suggérer des améliorations au système économique et social que ces peuples étaient censés avoir choisi de façon souveraine. Mais dès la fin des années 70, suite au raz-de-marée des idées néolibérales62, cette situation ne perdura pas. En effet, les pratiques keynésiennes n’arrivent pas à sortir les économies occidentales d’une situation de stagflation et les politiques traditionnelles de relance montrent ainsi leurs limites. Du coté des PED, les modèles de développement « autocentré », basés sur les politiques de substitution aux importations, n’ont pas produit les résultats escomptés. Les unes après les autres, les IFI prônent alors un modèle précis de société vers lequel tous les pays devaient converger par des mesures telles que les privatisations, la libéralisation des mouvements de capitaux, la réduction de la taille et des fonctions de l'Etat et bien d’autres : il s’agit du « Consensus de Washington » (appellation due au fait que la Banque Mondiale et le FMI ont leur siège dans cette ville, non seulement, mais que ce consensus ait eu la participation du Trésor public des États-Unis). Cette orientation fortement idéologique et proposée comme seule voie vers le développement a aussi des raisons économiques : la Banque Mondiale, soucieuse de la rentabilité de ses investissements dans les PED, désirait, avec l'aide du FMI, lutter contre les déséquilibres macro-économiques dont souffraient la plupart de ses clients. La teneur du « Consensus de Washington » est résumée par (Williamson, 1990) en ce qu’il appelle « dix commandements » : 1 Politique budgétaire (austérité) : limiter les dépenses publiques pour éviter l’inflation et les déficits ; 62 Idées néolibérales qui ont porté au pouvoir des chefs d'Etat tels Ronald Reagan (1981-1989) aux Etats Unis et Margaret Thatcher (1979-1990) au Royaume Uni. 131 2 Politique fiscale (réforme) : augmenter le nombre de contribuables, diminuer les taux élevés et généraliser la TVA ; 3 Politique monétaire (orthodoxe) : les taux d’intérêt réels doivent être positifs pour attirer les capitaux internationaux ; 4 Taux de change compétitifs : dévaluer la monnaie pour rendre les exportations attrayantes ; 5 Libéralisation : accentuer le commerce extérieur (en abaissant les droits de douane) et donner une totale liberté de mouvement aux capitaux internationaux ; 6 Compétitivité : attirer les investissements directs étrangers (IDE) pour financer le développement en leur garantissant une égalité des droits avec les investissements domestiques ; 7 Privatisation : vendre les actifs de l’Etat pour assainir les finances publiques et développer les entreprises privées, supposées mieux gérées ; 8 Réduction des subventions : supprimer les subventions (agricoles, à la consommation, …) et laisser le marché déterminer le « juste prix » des biens ; 9 Déréglementation : éliminer toutes les règles qui freinent l’initiative économique et la libre concurrence ; 10 Droits de propriété : renforcer les droits de propriété pour promouvoir la création privée des richesses. Il est clair, selon Williamson, que l’orientation de ce consensus est d’orientation néoclassique : il s’agit de proclamer la suprématie du marché dans l’allocation des ressources, de favoriser les échanges privés, seuls créateurs de richesses, et de supprimer toute intervention en limitant le rôle de l’Etat. C’est dans ce contexte que vont apparaître les programmes d’ajustement structurel (PAS) élaborés par les IFI. 132 2.2.1.2 Description des Plans d’ajustement structurel Proposés vers fin 1979 par McNamara (alors Président de la Banque Mondiale) et son viceprésident Ernest Stern (Deblock & Aoul, 2001), les Programmes d’Ajustement Structurel ont été introduits en Afrique au début des années 1980, non seulement du fait d’une crise d’expansion du modèle développementaliste, mais aussi à cause d’un certain nombre de déséquilibres macro-économiques, tant du point de vue des finances publiques que de celui de la balance des paiements. La BM et le FMI ont imposé ces mesures pour stabiliser les économies ; c’est-à-dire pour ramener les déficits des finances publiques et de la balance des paiements dans des limites qui permettent d’organiser une gestion financière déflationniste. Ces institutions voulaient donc, par ce biais, aligner les Pays du Sud sur le système mondial. a) Définition et objectif (i) Définition Un ajustement structurel (terme dérivé de l'anglais structural adjustment), ou réforme structurelle, désigne une mesure de politique économique dont le but est d'améliorer de manière durable le fonctionnement d’un secteur de l'économie ou de l'économie entière d’un pays. La réforme structurelle qui résulte souvent d'une évolution spontanée des facteurs économiques qui en ont dégradé la situation peut s'appuyer, entre autres, sur la fiscalité, la dévaluation de la monnaie, des méthodes de gouvernance, l'amélioration des infrastructures. Dans le cas des PED et de l’UEMOA, les programmes d’ajustement structurel sont des programmes de réformes économiques que le FMI et/ou la Banque Mondiale mettent en place, pour permettre aux pays atteints par de grandes difficultés économiques de sortir de leur crise économique. Il s’agit d’un ensemble de dispositions dont certaines agissent sur la conjoncture et d'autres sur les structures, et qui résultent d'une négociation entre un pays endetté et le FMI, pour modifier le fonctionnement économique du pays, le FMI conditionnant son aide (par crédits) à la mise en place de réformes qu'il considère pérennes. Ces crédits sont dénommés entre autres prêts d'ajustement structurel ou prêts d'ajustement sectoriel (Structural adjustment loans ou sectoral adjustment loans). 133 (ii) Objectifs L’ajustement structurel peut être mis en place dans l’intention de réduire l'inflation, le chômage, les déficits publics ; de favoriser l'initiative économique et l'innovation ; d’améliorer le fonctionnement du marché ; de faciliter les investissements étrangers ; de lutter contre la corruption, le clientélisme ; de supprimer les entraves au développement économique ; etc. Dans le cas des PED, l’objectif des PAS est d’assainir les économies des pays endettés afin d’assurer leur insertion sur le marché mondial et leur permettre, en vertu de leurs avantages comparatifs, de développer des activités exportatrices générant les devises nécessaires au remboursement de leur dette. b) Adoption des PAS La Banque Mondiale, soutenant l’idée que les pays en développement avaient besoin de grandes réformes pour rendre efficaces les initiatives individuelles, a préféré financer les réformes globales au lieu de soutenir les mesures progressives. Le choix de la BM se fait donc entre grandes réformes et réformes partielles de moindre envergure, nonobstant ainsi le fait que, petites ou grandes, toutes les réformes peuvent dégénérer. De plus, dans le cas de petites réformes, les effets involontaires sont moins graves que dans le cas des grandes réformes parce qu’il est plus difficile de rectifier le tir dans ce dernier cas. Mais l’expérience de la BM a, par la suite, démontré que toute réforme est nécessairement partielle parce qu’il est impossible de tout changer à la fois. Accablés par la dette et incapables d'agir collectivement sur des marchés qui leur étaient défavorables, de nombreux PED n’ont d’autre alternative que d’accepter les conditions édictées par les IFI ; mais cette acceptation a pour contrepartie la mise sous tutelle de leurs économies. Les pays endettés se trouvèrent ainsi contraints de négocier leur politique économique plutôt que de la définir eux-mêmes. Étant donné le caractère obligatoire de ces plans d'ajustement pour l'accès au crédit et à l'aide au développement en provenance des grands créanciers multilatéraux, et compte tenu de la disparition de l'aide économique 134 soviétique à la fin des années 1980, les PAS devinrent un schéma économique prépondérant sur une grande partie de la surface mondiale. c) Mesure des PAS Les politiques d'ajustement structurel reposent sur une théorie économique fortement libérale, qui considère que le libre-marché doit présider à la fourniture de biens et de services, la concurrence devant assurer l'utilisation la plus efficace des ressources ainsi que des bénéfices plus importants. Le mécanisme des PAS est appliqué selon : la dévaluation de la devise ; la promotion des exportations au dépend des cultures vivrières ; la libéralisation du commerce ; la réduction des restrictions imposées aux investissements étrangers ; la privatisation des entreprises d'État, dont le but est soit d'élaguer les entreprises qui pèsent sur le budget de l'état par leurs déficits chroniques, soit de réaliser l'actif pour diminuer l'endettement pour les entreprises rentables. d) PAS et restructuration de la dette Pour obtenir une restructuration de sa dette, un pays confronté à des problèmes d’endettement doit remplir deux conditions : Il doit avoir des arriérés de paiement et se trouver en situation de « défaut imminent », c’est-à- dire être sur le point de ne plus pouvoir honorer le service de sa dette. Il doit avoir conclu avec le FMI un accord concernant un programme d’ajustement structurel. 135 Une fois ces deux conditions remplies, le Pays peut alors se présenter devant le Club de Paris63 pour demander une restructuration de sa dette, laquelle restructuration peut prendre quatre formes : Le rééchelonnement (qui repousse le problème du surendettement sans le résoudre): c’est une modification des échéances ou un report du paiement du principal et/ou des intérêts de la dette. Son but est de permettre à un pays affaibli par le poids de la dette, de « souffler ». Cette pratique rend dépendants les pays endettés vis-à-vis de leurs créanciers puisqu’il s’agit d’étaler les paiements sur une période plus longue. Le refinancement : il s’agit d’octroi de prêts nouveaux par les IFI, les Etats et les banques du Nord. Dans les faits, face au désengagement croissant des banques dans les années 80, le FMI prête aux pays en crise afin qu’ils puissent rembourser les banques du Nord. Ceci augmente la dette. La conversion : c’est un changement de nature de la créance. Cette pratique est apparue en 1983, lorsque les créanciers privés cherchent à se faire rembourser par leurs débiteurs de façon individuelle, au mépris des accords passés au club de Londres64. Elle donne lieu à des innovations qui seront par la suite institutionnalisées avec le plan Brady en 1989, qui reconnaît alors officiellement que la dette des PED ne doit plus être remboursée à sa valeur faciale et que les créances pouvaient être converties en actifs réels ou en titres [Voir (Norel, 1990) et (Berthélémy & Girardin, 1991) pour une étude détaillée de ces innovations]. L’annulation - qui consiste en une réduction de la dette - est sensée redonner des marges de manœuvre aux PED. Elle est pourtant l’instrument le moins utilisé dans l’adoption des PAS. Mais face aux critiques qui leur sont faites, les IFI développent 63 Le Club de Paris est un groupe informel de créanciers (dix-neuf pays développés en sont membres permanents) qui a pour but de trouver des solutions coordonnées et durables aux difficultés de paiements de nations endettées. Ce forum a été créé progressivement à partir de 1956, lorsque l’Argentine accepta de rencontrer ses créanciers publics à Paris. Il traite les dettes publiques, c’est-à-dire celles des gouvernements et celles du secteur privé garanties par le secteur public. Les pays créanciers se réunissent dix fois par an à Paris pour des sessions de négociations, sous la présidence du directeur de la direction générale du Trésor du Ministère français de l’Économie et des Finances. 64 Le Club de Londres est un groupe informel de créanciers bancaires privés qui s'occupe de dettes publiques qui n'existe que pendant les négociations et se dissout une fois une entente signée. La présidence des négociations (initiées par le débiteur) s'effectue par une importante institution financière, alors que le comité est composé de membres représentant les différents débiteurs, que ce soit des banques ou des fonds d'investissement 136 cette pratique d’annulation de la dette à partir de 1996 à travers l’initiative pays pauvres très endettés (PPTE). Il convient de noter que la dette concernée par la restructuration est la dette bilatérale, la dette multilatérale étant en principe exclue de cette opération, et ce pour deux raisons : premièrement, considération est faite que les IFI - qui sont majoritairement détenteurs de la dette multilatérale - participent déjà à la résolution du problème de la dette en continuant d’assurer un financement des débiteurs (De La Chappelle Bizot, 2001). Deuxièmement, débiteur et créancier sont généralement tous deux membres des groupes de pays associés aux IFI et en conséquence, bénéficient déjà de mesures exceptionnelles. e) Résultats des PAS Pour le FMI et la Banque Mondiale, les trop grandes réformes liées à l’ « ajustement structurel » et à la « thérapie de chocs65 » s’apparentent aujourd’hui à de l’illusion perdue que (Easterly W. R., 2006) appelle vol d’Icare66. Parmi les pays africains figurant dans le classement des vingt (20) pays ayant reçu de la part du FMI et de la BM le plus grand nombre de prêts d’ajustement structurel, figurent cinq pays de l’UEMOA : la Côte d’Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. La plupart des Etats, parmi ces vingt pays, ayant subi le traitement intensif des ajustements structurels présentent une croissance négative ou nulle (voir tableau 2-7). 65 La « thérapie de chocs » est l’application à la Russie de ce que le FMI et la Banque Mondiale appellent l’ « ajustement structurel », ascendant direct de l’aide massive. 66 Dаns lа mythologie grecque, Icare est le fils de l’architecte Dédale (grand inventeur qui construisit le labyrinthe de Crète et pour qui les labyrinthes n’avaient pas de secret) et d’une esclave crétoise, Naupacté. Icare est connu роur être mort parce qu’ayant volé trop près du Soleil. En effet, Icare et son père Dédale, en exil, ne pouvaient emprunter ni lа voie des mers, ni celle de lа terre ; роur s’enfuir, Dédale eut alors l’idée de fabriquer des ailes semblables à celles des oiseaux mais confectionnées аvес de lа cire et des plumes. Il met en garde sоn fils, luі interdisant de s’approcher trop près de lа mer, à cause de l’humidité, et du soleil, à cause de lа chaleur. Mаіs Icare, grisé раr le vol, oublie l’interdit de son père et prenant trop d’altitude, lа chaleur fait fondre progressivement lа cire. Sеs ailes finissent раr le trahir et il meurt précipité dans lа mer qui porte désormais sоn nom : lа mer Icarienne. En général, ce mythe (d’Icare) aborde des thèmes comme les relations père-fils, l’effet néfaste que peut avoir un conseil оu unе interdiction, ainsi quе le désir de l’Homme d’aller toujours plus loin, au risque de devoir se retrouver face à face аvес sa condition de simple être humain. Easterly assimile l’histoire des PAS au vol d’Icare et selon lui, les deux institutions que sont le FMI et la Banque Mondiale sont retombées dans un océan d’insuccès alors qu’elles visaient le soleil en accordant de façon démesurée des prêts colossaux aux pays africains. 137 Tableau 2-7 : Prêts d’ajustement structurel, croissance et inflation dans les pays pauvres ayant perçu le plus grand nombre de prêts d’ajustement structurel. Pays africains figurant dans le classement des vingt pays ayant reçu le plus grand nombre de prêts d’ajustement structurel entre 1980 et 1999 Nombre de PAS Taux annuel de Taux annuel d’inflation accordés par le FMI et croissance par habitant entre la date du premier la Banque Mondiale à compter du premier PAS et 1999 PAS Côte d’Ivoire 26 -1,4 6 Ghana 26 1,2 32 Kenya 19 0,1 14 Madagascar 17 -1,8 17 Malawi 18 -0,2 23 Mali 15 -0,1 4 Mauritanie 16 0,1 7 Niger 14 -2,3 2 Ouganda 20 2,3 50 Sénégal 21 0,1 5 Togo 26 -1,4 6 Zambie 18 -2,1 58 Source : (Easterly W. , 2006). La Côte d’Ivoire a reçu de ces deux institutions vingt-six (26) prêts d’ajustement structurel entre 1980 et 1999 et le revenu par habitant dans ce pays n’a cessé de s’effondrer entre 1980 et 1985, pour repartir légèrement à la hausse avant de s’effondrer une nouvelle fois en 1994, année de la dévaluation du franc CFA. L’évolution du revenu par habitant pour les autres pays de l’UEMOA est similaire à celle de la Côte d’Ivoire, sauf pour le Bénin et le Burkina-Faso (figure 2-19). La figure 2.19 montre que, si le PIB par habitant a diminué notamment suite à la mise en place des PAS, il augmente à moyen et à long terme. En effet, le graphique montre l’existence d’une relation entre la mise en place des PAS et l’évolution de la croissance. Une des raisons de la diminution de la croissance à court terme s’explique par le fait que ceux qui vivaient à la charge de l’Etat ont été privés d’assistance, il ne pouvait naturellement s’en suivre qu’un accroissement de la pauvreté. Toutefois après l’assainissement de la situation macroéconomique, la rationalisation des dépenses publiques et certaines réformes, le taux de pauvreté a commencé à reculer grâce au retour de la croissance et à la création d’emplois. 138 Figure 2-19 : PIB par habitant (en US$ courants) des pays de l'UEMOA de 1980 à 2000 (période PAS - Plan d’ajustement structurels) : 1400 BEN BFA CIV MLI NER SEN TGO 1200 1000 800 600 400 200 0 Source : Données issues du « World Development Indicators » 2013 de la Banque Mondiale67. Ces constats nous amènent à nous interroger si la répartition - très inégale - des revenus ne serait pas à l’origine de l’effondrement de la croissance des pays de l’UEMOA entre 1980 et 1985. Afin d’élucider la question, nous nous appuyons sur les travaux de (Kuznets, 1955) établissant une relation entre le niveau de développement d'un pays (mesuré en PIB par habitant) et son niveau d'inégalité. Selon Kuznets, dans les premiers stades de développement, les inégalités encouragent la croissance en partageant les ressources en faveur de ceux qui épargnent et investissent le plus ; tandis que, dans les économies plus avancées, les inégalités ralentissent la croissance économique en limitant le niveau général de l'éducation, parce que tous ne peuvent directement financer leur formation. Sauf que pour les pays de l’UEMOA, les ressources générées par les PAS ne profitaient aucunement aux populations ; elles étaient plutôt destinées au remboursement de la dette, donc à l’extérieur. Contrairement aux observations précédentes relatives aux résultats des PAS dans l’UEMOA, il ressort d'un examen opéré par des experts externes que les programmes d'ajustement structurel soutenus par la facilité d'ajustement structurel renforcée (FASR) (qui a maintenant 67 Dans la base de données de la Banque Mondiale, « GDP per capita (current US$) » , NY.GDP.PCAP.CD 139 fait place à la Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance - FRPC - voir encadré 3) ont entraîné un redressement marqué par la croissance dans les pays bénéficiaires. En effet, (Baldacci, Clements, Cui, & Gupta, 2008) ont montré que l’austérité budgétaire du FMI n’a pas été si désastreuse au plan macroéconomique. En examinant trente-neuf (39) pays à faible revenu ayant appliqué un programme d’ajustement appuyé par le FMI pendant les années 90, les auteurs trouvent qu’en moyenne, les pays de l’échantillon (d’Afrique et d’ailleurs) ont enregistré une croissance du revenu par habitant de 0,5 % par an pendant les années 90. Une amélioration de 1 point du PIB du solde budgétaire a un effet positif significatif sur le taux de croissance du PIB, en l’augmentant d’un quart de point au moins. Toutes choses restant égales, l’austérité68 est par conséquent non seulement inéluctable dans un contexte d’endettement excessif, mais utile pour contribuer à l’avènement, à terme, de la croissance. Par ailleurs, les statistiques montrent que, à la fin des années 90, la croissance du revenu par habitant dans ces pays, avec un taux de 2,5% par an, était deux fois plus rapide que dans les autres pays en développement. Les programmes appuyés par des prêts concessionnels du FMI accroissent la production et réduisent l'inflation. Par leur expérience, ces pays en développement montrent que des politiques macro-économiques prudentes, des marchés plus ouverts et un environnement propice à l'activité du secteur privé sont à l'origine de cette amélioration de la croissance. Les résultats mitigés des Plans d’Ajustement Structurel en Afrique et peu convaincants dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne sont liés, entre autres, aux conditions initiales et à l’environnement institutionnel dans ces pays ; mais ils peuvent également s’expliquer par des faiblesses intrinsèques des PAS. 68 Politique économique visant à réduire l'ensemble des revenus disponibles pour la consommation, par le recours à l'impôt, au blocage des salaires, à l'emprunt forcé, aux restrictions de crédit et au contrôle des investissements ; le but recherché est le retour aux grands équilibres (voir le carré magique de Kaldor). 140 Encadré 2 : Facilité d’ajustement structurel renforcée (FASR) / Facilité pour la Réduction de la Pauvreté et la Croissance (FRPC). Facilité d’ajustement structurel renforcée (FASR) Mécanisme de prêt concessionnel par lequel le FMI aide les pays en développement à faible revenu qui se lancent dans l'ajustement et des réformes économiques, à renforcer leur balance des paiements et à améliorer leurs perspectives de croissance. La FASR a remplacé en 1987 la FAS qui était entrée en vigueur en 1986. Dans le cadre de sa contribution à une stratégie mondiale renforcée de réduction de la pauvreté, le FMI a transformé la FASR en FRPC (Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance). Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC) Mécanisme de prêt concessionnel du FMI aux pays à faible revenu. La FRPC a remplacé la FASR (facilité d'ajustement structurel renforcée) en novembre 1999. Elle met explicitement la réduction de la pauvreté au cœur de la stratégie d'aide du FMI aux pays à faible revenu, insiste sur la nécessité pour les pays d'adopter des politiques macroéconomiques, structurelles et sociales qui se complètent et prévoit une possibilité de débat entre les différents acteurs nationaux (société civile et pouvoirs publics) sur les politiques et objectifs des pays. le coût, le montant maximum et les échéances des prêts, ainsi que le différé d'amortissement, sont demeurés les mêmes : le taux d'intérêt est très bas (0,5 % par an) et les remboursements, effectués sur une base semestrielle, commencent cinq ans et demi et se terminent dix ans après les décaissements. Source : Site du FMI. L’une des critiques le plus souvent formulées à l’encontre du FMI est que les programmes de réforme économique qu’il appuie, limitent les dépenses sociales des pays. Le principal argument avancé est, en gros, le suivant : les pays doivent réduire les dépenses publiques pour atteindre des objectifs budgétaires souvent trop rigoureux, ce qui comprime les dépenses hautement prioritaires des secteurs d’éducation et de santé et, finalement, lèse les pauvres. En somme, les politiques d’ajustement structurel ont contribué à l’affaiblissement des économies des pays du Sud, à l’extension d’une pauvreté massive au nom d’une insertion dans la mondialisation qui n’a fait qu’accentuer la vulnérabilité et la dépendance de ces pays vis-à-vis des pays industrialisés. 141 Compte tenu du fait que les PAS n’aient pas été à la hauteur des espérances du FMI et toujours dans le souci de venir en aide aux pays en développement très endettés, le FMI a également mis en place l’initiative Pays Pauvres Très Endettés (PPTE). Comment s’applique cette autre initiative assignée à la réduction de la dette et quelles en sont les résultats depuis son instauration ? 2.2.2 L’initiative Pays Pauvres Très Endettés (PPTE) Les leçons tirées de la gestion des dettes ont souvent montré leurs limites, car charges lourdes de remboursement ont été souvent en contrastes avec ressources réelles de pays débiteurs. En conséquence, les remises de dette ont marqué le cadre multilatéral ces treize dernières années, surtout pour les pays pauvres très endettés. L'initiative pays pauvres très endettés (PPTE) est fondée sur une action coordonnée de la communauté internationale, y compris les institutions multilatérales de développement (Banque mondiale, Fonds monétaire international, banques régionales de développement), visant à réduire le poids de la dette extérieure à un niveau soutenable. L'initiative PPTE a été renforcée en septembre 1999. 2.2.2.1 Mise en œuvre de l’Initiative PPTE a) Historique et principe de fonctionnement de l’Initiative PPTE (i) Historique L’approche globale de la réduction de la dette adoptée conjointement par le FMI et la Banque mondiale a été conçue pour s’assurer qu'aucun pays pauvre n'est confronté à une charge d'endettement qu'il ne peut gérer. En effet, pour pallier les insuffisances des mesures jusque-là prises, le FMI et la Banque Mondiale vont proposer un programme de réduction de la dette en fin de l'année 1996, reposant sur une évaluation de la soutenabilité de la dette des pays concernés. C'est la 142 naissance de l'IPPTE originelle. Les bailleurs de fonds, suite aux recommandations du G7 de Lyon en 1996 (termes de Lyon)69, ont mis en route l'initiative Pays Pauvres Très Endettés PPTE - dont le but était de ramener la dette des pays pauvres à des niveaux soutenables afin de les faire sortir du cercle vicieux du “ré-endettement”, en incluant dans l’assiette des réaménagements la dette multilatérale. Depuis lors, la communauté financière internationale, y compris les institutions multilatérales et les autorités nationales, ont œuvré en vue de ramener à un niveau soutenable la charge de l'endettement extérieur des pays pauvres les plus lourdement endettés. En juin 1999, sous la pression d'une campagne mondiale lancée par des associations diverses (Organisations Non Gouvernementales, organisations religieuses, milieux universitaires) et la société civile réclamant l'annulation pure et simple de la dette, les pays du G7 ont décidé, à Cologne (termes de Cologne)70, de procéder à un allègement significatif de la dette des pays les plus pauvres en rendant plus généreuse (abaissement des seuils) et plus rapide (réduction des délais) l'initiative originelle : c’est l’IPPTE corrigée. Elle ne modifie cependant pas la logique de cette initiative qui repose sur l'idée de réduire la dette des pays pauvres de manière à la rendre supportable. Figure 2.20 : Carte des Pays potentiellement bénéficiaires de l’initiative PPTE renforcée de 1999 Source : Banque Mondiale 69 Voir « termes de Lyon » en annexes 4-A et 4-B. 70 Voir « termes de Cologne » en annexe 4-A et 4-B. 143 Le tableau 2-8 résume les seuils de soutenabilité fixés par les Initiatives PPTE originelle (I) et corrigée (II). Ces ratios évaluent, pour une année donnée : le poids relatif en valeur de la dette totale ; ce que doit rembourser le pays par rapport au montant de ses exportations (premier et troisième ratios), et ce que doit rembourser le pays par rapport au montant de ses recettes budgétaires (deuxième et quatrième ratios). Tableau 2-8 : Récapitulatif des seuils de soutenabilité fixés par les IPPTE I et II. Seuil d’initiative à l’origine, 1996 Seuil d’initiative renforcée, 1999 VAN du Stock de la dette / Exportations des biens et services < 250% < 150% Indicateur de contrôle du stock de la dette en valeur actualisée71 VAN du Stock de la dette / Recettes budgétaires < 280% < 250% Indicateur fiscal72 < 20 à 25% < 15% Indicateur de contrôle de la liquidité73 Service de la dette / Recettes budgétaires < 20% < 15% Indicateur fiscal Exportations des biens et services / PIB ≥ 40% ≥ 30% Recettes budgétaires /PIB ≥ 20% ≥ 15% Ratios Service de la dette / Exportations Type d'indicateurs Source : (Dufrénot, Houessou, & Nonfodji, Mai 2007). (ii) Principe de fonctionnement de l’Initiative PPTE L'Initiative PPTE requiert la participation de tous les créanciers, multilatéraux, bilatéraux et créanciers privés. Au-delà des efforts traditionnels de réduction de la dette, le Fonds monétaire international (FMI) définit un « facteur commun de réduction » que tous les créanciers doivent appliquer au stock de leurs créances pour ramener les ratios de dettes des pays concernés à des niveaux soutenables. 71 D'après les regroupements opérés par (Kappagoda & Alexander, 2009), les ratios, encours de la dette / PIB ou PNB et encours de la dette / exportations des biens et services sont des ratios de contrôle du stock de la dette. 72 Les ratios, stock de dette / recettes budgétaires, service de la dette publique / recettes fiscales, service de la dette ou VAN / recettes budgétaires, sont des ratios fiscaux. 73 Les ratios, exportations sur service de la dette, paiements des intérêts sur exportations, exportations des biens et services sur stock de dette, sont des ratios de contrôle de la liquidité. 144 Les différentes étapes du processus de l’Initiative Pays Pauvres Très Endettés sont détaillées en annexe 5 de la présente thèse. Concrètement, la remise des dettes s’effectue en deux étapes : la décision d’éligibilité ; c’està-dire l’exécution de la décision dans le cadre multilatéral. Pour se faire, les pays doivent satisfaire à certains critères, s’engager à réduire la pauvreté par des réformes et établir de bons antécédents au fil du temps. Au stade initial, le FMI et la Banque mondiale offrent un allégement intérimaire de la dette et, lorsque le pays a respecté ses engagements, un allégement intégral de sa dette. Première étape : point de décision. Pour bénéficier d'une assistance au titre de l'initiative PPTE, un pays doit satisfaire aux quatre conditions suivantes : Etre admissible à emprunter auprès de l'Agence Internationale de Développement de la Banque Mondiale qui octroie des prêts sans intérêts et des dons aux pays les plus pauvres du monde, et auprès du FMI, par le biais de sa « Facilité Elargie de Crédit », qui offre des prêts à des taux bonifiés aux pays à faible revenu. Faire face à une charge d’endettement insoutenable. Donner la preuve qu’il a procédé à des réformes et mené une politique économique avisée dans le cadre de programmes appuyés par le FMI et la Banque mondiale. Avoir élaboré un document de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP)74 suivant un vaste processus participatif au niveau national. Lorsqu’un pays a rempli ces quatre critères ou suffisamment progressé dans l’observation de ces derniers, les Conseils d’Administration du FMI et de la Banque mondiale décident officiellement de son admissibilité à l’allégement de la dette, et la communauté internationale s’engage à ramener la dette à un niveau jugé soutenable. La première étape de l’Initiative PPTE est appelé le point de décision. Lorsque le pays atteint ce point, il peut immédiatement commencer à recevoir un allégement intérimaire du service de sa dette. 74 Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté (Voir encadré A-1 en annexe 6). 145 Deuxième étape : point d’achèvement. Afin de recevoir la réduction intégrale et irrévocable de sa dette au titre de l’Initiative PPTE, le pays doit : - Continuer de donner la preuve de bonnes performances dans le cadre de programmes soutenus par des prêts du FMI et de la Banque mondiale. - Exécuter de manière satisfaisante les grandes réformes convenues au point de décision. - Adopter et mettre en œuvre pendant un an au moins son Document de Stratégie pour la Réduction de la Pauvreté (DSRP). Lorsqu’un pays a satisfait à ces critères, il peut alors atteindre le point d’achèvement, ce qui lui permet de recevoir l’intégralité de l’allégement de la dette promis au point de décision. Ainsi, l'Ouganda a été le premier à avoir mené l'initiative à son terme début 2001. b) Mise en œuvre Au 30 avril 2013, trente-neuf (39) pays sont considérés éligibles à l’Initiative PPTE. Parmi ces pays, trente-six (36) ont atteint le point de décision, dont trente-cinq (35) ont également atteint le point d'achèvement, dernière étape de l’initiative PPTE. Le tableau 2-9 dresse la liste des pays qui ont rempli les conditions requises pour bénéficier de l'aide au titre de l'IPPTE, qui y sont admissibles ou potentiellement admissibles et souhaitent peut-être recevoir cette aide, au mois d’avril 2013. Sur les trente-cinq pays qui sont admissibles ou peuvent être admissibles à une assistance au titre de l'Initiative PPTE, trente-trois - dont tous les pays de l’UEMOA (y compris la GuinéeBissau) - bénéficient d'un allègement intégral de leur dette de la part du FMI et d'autres créanciers, après être parvenus au point d'achèvement. 146 Tableau 2-9 : Liste des pays ayant rempli les conditions requises pour bénéficier de l'aide au titre de l'initiative PPTE, qui y sont admissibles ou potentiellement admissibles et souhaitent peut-être recevoir cette aide (en mars 2014). Pays ayant atteint le point d’achèvement (35) Pays Date d’atteinte Pays Date d’atteinte Ouganda Mai 2000 Cameroun Avril 2006 Bolivie Juin 2001 Malawi Septembre 2006 Mozambique Septembre 2001 Sierra Leone Décembre 2006 Tanzanie Novembre 2001 São Tomé-et-Principe Mars 2007 Burkina Faso Avril 2002 Gambie Décembre 2007 Mauritanie Juin 2002 Burundi Janvier 2009 Mali Mars 2003 Haïti Juin 2009 Bénin Mars 2003 République Centrafricaine Juin 2009 Guyana Décembre 2003 Afghanistan Janvier 2010 Nicaragua Janvier 2004 République du Congo Janvier 2010 Niger Avril 2004 Libéria Juin 2010 Sénégal Avril 2004 République Dém. du Congo Juillet 2010 Ethiopie Avril 2004 Guinée-Bissau Décembre 2010 Ghana Juillet 2004 Togo Décembre 2010 Madagascar Octobre 2004 Côte d’Ivoire Juin 2012 Honduras Avril 2005 Guinée Septembre 2012 Zambie Avril 2005 Comores Décembre 2012 Rwanda Avril 2005 Pays en phase intérimaire (entre les points de décision et d’achèvement) (1) Tchad Mai 2001 (date d’atteinte du point de décision) Pays n’ayant pas atteint le point de décision (3) Érythrée Somalie Soudan Source : http://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/hipcf.htm. Cependant, des efforts restent encore à faire. En effet, les petites institutions multilatérales, les créanciers bilatéraux officiels non membres du Club de Paris et les créanciers commerciaux, qui représentent ensemble environ 25% du total des coûts de l’Initiative PPTE, n’ont fourni jusqu’à présent qu’une petite partie de l’allégement attendu de leur part. Les créanciers 147 bilatéraux non membres du Club de Paris ont accordé dans l’ensemble environ 40% de leur part de l’allégement au titre de l’Initiative PPTE, mais environ un tiers d’entre eux n’ont accordé aucun allégement. Les évaluations actualisées les plus récentes du montant total des allègements de dette au titre de la seule Initiative PPTE s'élèvent à 74 milliards de dollars en valeur actuelle nette à fin 2012 pour les 39 pays qui ont vocation à bénéficier des allègements de dette. Par ailleurs, l’allégement de la dette accordé par les créanciers commerciaux a sensiblement augmenté ces dernières années, avec quelques grosses opérations appuyées par les opérations de rachat de la facilité de réduction de la dette de l’Association internationale de développement (IDA). 2.2.2.2 Résultats et limites de l’IPPTE a) Résultats de l’Initiative PPTE (i) Au niveau général Les allègements de dette ont produit des résultats tangibles tant en termes de viabilité de la dette des pays éligibles que de financement des dépenses sociales. L’évolution positive de la structure des budgets des pays éligibles à l'Initiative PPTE se poursuit à mesure que les marges de manœuvre libérées au niveau du service de la dette sont consacrées à l'augmentation des dépenses de santé et d'éducation (pour pallier les insuffisances des PAS). Le FMI et la Banque Mondiale ont ainsi estimé en août 2013 que, dix ans après le point de décision, le stock de dette extérieure des 36 pays bénéficiaires a ainsi été réduit d’environ 55 points de PIB en moyenne, et pour les 35 pays ayant déjà bénéficié d’un allègement complet de leur dette (notamment en incluant les annulations de dette multilatérales IAMD, qui représentent environ 40% de l’effort consenti), la réduction du montant de la dette s’élève à 90% (de 140 à 12 milliards USD en valeur actuelle nette à fin 2011). Après avoir atteint un seuil bas de 193 milliards USD en 2006 au plus fort du fonctionnement des Initiatives PPTE et IADM, l’encours total de la dette extérieure de l’Afrique (hors Afrique du nord) a augmenté en moyenne de 11% entre 2006 et 2011. Un tiers de la hausse de 148 l’endettement observée ces dernières années est le fait de la dette du secteur privé et tient à la tendance mondiale à la hausse brutale de la part de l’endettement privé dans les pays en développement. Cependant, exprimé en pourcentage du revenu national brut et des exportations de biens et de services, l’encours de la dette et les remboursements au titre du service de la dette ont reculé de plus des deux tiers en conséquence directe de ces initiatives. Les versements au titre du service de la dette exprimés en pourcentage des recettes d’exportation ont chuté, passant de 11.5% en 2000 à moins de 3.4% en 2011. À ce jour (mars 2014), des décisions de réduction de la dette au titre de l'initiative PPTE ont été approuvés en faveur de 36 pays, dont 30 en Afrique, assurant un allégement total de 76 milliards de dollars américains du service de leur dette, au fil des ans. Ainsi, l'impact de la mise en œuvre de l'initiative PPTE est surtout sensible au niveau des ratios de service de la dette. Pour les 36 pays ayant franchi le point de décision, le service de la dette rapporté au PIB a ainsi nettement diminué, passant de 2,9% en moyenne en 2001 à 0,9% en 2011. L'augmentation des dépenses sociales dans ces pays a été équivalente à la réduction du service de la dette. Les dépenses sociales représentent plus de 33,3 milliards de dollars en 2011 contre environ 6,6 milliards en 2001. Ces dépenses sont passées sur la même période de 6,3% à 8,8% du PIB, soit une augmentation de 2,5 points de PIB. Quant aux quatre pays qui n'ont pas encore respecté la totalité des conditions d'un allégement complet de leur dette (Erythrée, Somalie, Soudan, Tchad), il faut dire qu’ils se trouvent tous confrontés à des tâches similaires, notamment préserver la paix et la stabilité et améliorer la gouvernance et la prestation des services de base. Pour s'acquitter de ces tâches, ces pays devront s'employer sans relâche à renforcer leurs politiques et leurs institutions. 149 (ii) Au niveau de l’UEMOA Le tableau 2-10 fournit plus de détails sur l’initiative PPTE des pays de la zone franc CFA. Tableau 2-10 : Initiative PPTE dans les pays de la zone CFA : dates clés et montants de réduction de la dette). Point de décision - point d'achèvement Pays Réduction (à long terme) de la dette en millions $US (en termes de VAN) Ruptures structurelles dans l’évolution de la dette (libellée en devises) Bénin Juillet 2000 - Mars 2003 265 (VAN 1998) 2006 Burkina-Faso Juillet 2000 - Avril 2002 552,6 (VAN 2001) 2006 Cameroun - Mai 2006 1270 (VAN 1999) 2006 Congo, Rép. Dém. Octobre 2000 Mars 2006 Côte d’Ivoire Mars 2009 - Juin 2012 - Janvier 2010 Gabon Non 1575 (VAN 2004) 3004,9 (VAN 2007) − − éligible Mali Septembre 2000 - Mars 2003 417 (VAN 1998) 2006 Niger Décembre 2000 - Avril 2004 520,6 (VAN 1999) 2006 Rép. Centrafricaine Septembre 2007 - Juin 2009 578,2 (VAN 2006) 2009 Sénégal Juin 2000 - Avril 2004 488 (VAN 1998) 2006 Tchad Mai 2001 - Togo Novembre 2008 - Décembre 2010 170,1 (VAN 2000) 282 (VAN 2007) − 2011 Note: VAN représente la valeur actualisée nette. Source: Les informations sur l'initiative PPTE sont de la Banque Africaine de Développement. Pour l’ensemble des pays étudiés, le service de la dette extérieure totale de l’UEMOA rapporté à son PIB est passé en moyenne, de 7,1% en 1996 à 2,5% en 2012. Comme impact sur les dépenses sociales, les dépenses en santé de l’Union ont augmenté sur la même période, passant en moyenne de 1,85% du PIB en 1996 à 2,85% en 2012, soit une augmentation de 1 point (figures 2-21 et 2-22). 150 Figure 2-21 : UEMOA : service de la dette extérieure totale en % de PIB, de 1996 à 2012. Figure 2-22 : UEMOA : Dépenses publiques de santé en % de PIB, de 1996 à 2012. 8 3 7 2,5 6 2 5 4 1,5 3 1 2 0,5 1 Pour évaluer la qualité des politiques d’un pays, la BM définit l’Evaluation de la Politique et des Institutions Nationales - EPIN - (plus connue sous son acronyme anglais « CPIA » Country Policy and Institutional Assessment). Dans ce contexte, la politique sur la dette évalue si la stratégie de gestion de la dette favorise la réduction des risques budgétaires et la soutenabilité de la dette à long terme. L’EPIN définit chaque année les performances des pays pauvres et les pays sont notés sur une échelle allant de 1 (note la plus faible) à 6 (note la plus élevée) pour chaque indicateur. La note globale est la moyenne des quatre domaines évalués. Vu sa composition, cet indicateur a le gros avantage de mettre l'accent sur les éléments essentiels qu'un pays peut contrôler, plutôt que sur des données (les taux de croissance économique, par exemple) qui dépendent de facteurs qu'il ne maîtrise pas. En effet, L’EPIN mesure la qualité des améliorations des politiques et institutions publiques à l’aune de seize indicateurs du développement, dans quatre domaines répartis comme suit: A. Gestion économique : 1. Gestion macroéconomique ; 2. Politique budgétaire ; 3. Politique de la dette. B. Politiques structurelles : 4. Commerce ; 5. Secteur financier ; 6. Cadre réglementaire des entreprises. 151 2012 2010 2008 2006 2004 2002 2000 1998 1996 2012 2010 2008 2006 2004 2002 2000 1998 0 1996 0 C. Politiques de lutte contre l'exclusion et de promotion de l'équité : 7. Égalité des sexes ; 8. Équité dans l’utilisation des ressources publiques ; 9. Valorisation des ressources humaines ; 10. Protection sociale et main-d'œuvre ; 11. Politiques et institutions axées sur la viabilité écologique. D. Gestion et institutions du secteur public : 12. Droits de propriété et gouvernance fondée sur les règles ; 13. Qualité de la gestion budgétaire et financière ; 14. Efficience de la mobilisation des recettes ; 15. Qualité de l'administration publique ; 16. Transparence, responsabilité et corruption dans le secteur public Depuis 1980, les notes de l’EPIN servent à déterminer l’allocation de prêts sans intérêts et de dons aux Economies africaines éligibles75 à une aide de l’Association internationale de développement (AID), le fonds du Groupe de la Banque mondiale pour les pays les plus pauvres de la planète. Le tableau 2-11, par le biais de l’EPIN, nous renseigne sur la performance de la politique sur la dette dans l’UEMOA et dans l’Afrique subsaharienne. Il en résulte que des efforts restent encore à faire en matière d’assainissement de la politique budgétaire pour l’ensemble des pays, surtout au niveau de la Côte d’Ivoire et du Togo qui, depuis 2012, ont tout de même réussi à passer le cap de la moyenne. Tableau 2-11 : Classement de la politique sur la dette par l’EPIN* de 2005 à 2013. 2005 3,0 2006 3,0 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 3,2 3,2 3,2 3,2 3,2 3,2 3,2 BEN 3,5 3,5 3,6 3,6 3,5 3,5 3,5 3,5 3,5 BFA 4,5 4 3,7 3,7 3,8 3,8 3,8 3,8 3,8 CIV 1,5 1 2,6 2,7 2,8 2,7 2,9 3,1 3,2 MLI 4,5 4,5 3,7 3,7 3,7 3,6 3,6 3,4 3,4 NER 3,5 3,5 3,3 3,3 3,3 3,4 3,4 3,5 3,5 SEN 4,0 4,0 3,7 3,6 3,7 3,7 3,8 3,8 3,8 TGO 1,5 1,5 2,5 2,7 2,8 2,9 3,0 3,0 3,0 ASS ** Source : Banque de données EPIN du Groupe de la Banque mondiale (http://www.worldbank.org/id ). * EPIN : Evaluation de la Politique et des Institutions Nationales (1=faible, 6=élevée). ** Afrique subsaharienne. 75 Angola, Benin, Burkina-Faso, Burundi, Cameroun, Cap Vert, Comores, Congo (République Démocratique), Congo (République), Côte d'Ivoire, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Kenya, Lesotho, Libéria, Madagascar, Malawi, Mali, Mauritanie, Mozambique, Niger, Nigéria, République centrafricaine, Rwanda, Sao Tomé et Principe, Sénégal, Sierra-Léone, Soudan, Sud-Soudan, Tanzanie, Tchad, Togo, Ouganda, Yémen (République), Zambie, Zimbabwé. 152 Au cours de sa session ordinaire sur la situation économique et financière des économies de l’UEMOA en 2011 et les perspectives pour 2012 tenue le 29 juin 2012, le Conseil des ministres avait adopté les orientations de politique économique au titre de l’année 2013, notamment « l’assainissement des finances publiques, la gestion prudente de la dette publique et les modalités d’atténuation des effets de la flambée des prix sur les marchés », afin de favoriser le respect des critères de convergence. Le Conseil des ministres a donc instruit la Commission de l’UEMOA à mettre en place un système de "suivi-évaluation" des conclusions sur la surveillance multilatérale. S’agissant justement de la surveillance multilatérale, le Conseil des ministres de l’UEMOA tenu à Dakar le 29 juin 2006, avait pour objet de fixer les modalités de calcul du « Solde Budgétaire de Base » corrigé du total des ressources PPTE et des dons budgétaires dans les Etats membres de l’UEMOA, lequel SBB corrigé rapporté au PIB nominal, serait un indicateur complémentaire du critère clé du Pacte de convergence. En effet, en considérant la nécessité d’affiner l’analyse des performances budgétaires des Etats membre et le fait que l’analyse du SBB en pourcentage du PIB nominal, critère clé retenu dans le Pacte de convergence, doit s’effectuer en cohérence avec l’évolution des autres critères budgétaires, notamment ceux relatifs à la masse salariale et aux dépenses d’investissement financées sur ressources internes ; et conscient de la nécessité d’évaluer l’impact des ressources PPTE et des dons budgétaires sur les performances des Etats membres, il a été édicté un règlement de calcul du SBB corrigé76. Ce règlement est détaillé en annexe 8. La prise en compte de ce règlement conduit à constater les différences contenues dans le tableau 2-12 faisant état de la convergence en UEMOA au 31 décembre 2012. 76 Règlement N° 07/2006/Cm/UEMOA Portant Adoption Des modalités de calcul du Solde Budgétaire de Base Corrigé des ressources PPTE et des dons budgétaires (annexe 8) 153 Tableau 2-12 : Convergence en UEMOA au 31 décembre 2012 : critères 5 et 677. Indicateurs de convergence 5 6 BEN BFA CIV MALI NER SEN TGO Total* Masse salariale sur recettes fiscales (norme ≤ 35%) 44,1 44,1 42,2 36,7 24,8 30,5 42,1 2 Ratio de la masse salariale corrigée des dons budgétaires et des ressources PPTE sur les recettes fiscales (en %) 43,5 37,5 41,8 26,5 22,5 30,0 40,0 3 Investissements financés sur ressources intérieures sur recettes fiscales (norme ≥ 20%) 19,4 45,2 23,1 21,0 28,7 38,0 32,5 6 Ratio des investissements publics financés sur ressources internes corrigés des dons budgétaires et des ressources PPTE sur les recettes fiscales (en %). 19,1 38,3 22,8 19,2 24,3 34,0 30,9 5 Nombre total de pays respectant le critère Source : (UEMOA, 2013). 78 Avec l’arrivée de la Côte d’Ivoire au point d’achèvement de l’initiative PPTE en juin 2012, tous les pays de l’UEMOA ont maintenant bénéficié d’un allégement substantiel de leur dette extérieure. La dette nominale moyenne pour la région se situe à présent à environ 40 % du PIB. Tous les pays ont un ratio de la dette publique qui est nettement inférieur au plafond de 70 % du PIB fixé par le dispositif de surveillance régionale. D’après les récentes analyses de viabilité de la dette (AVD), pour tous les pays, le risque de surendettement est jugé faible ou modéré. En effet, les pays ont eu tendance à accumuler de nouveau des dettes au lendemain de l’allégement dont ils ont bénéficié, mais sans dépasser les prévisions dans ce domaine et il n’y a pas eu de signe d’une forte détérioration des perspectives de viabilité de la dette dans l’UEMOA. Cependant, la composition du financement a changé, faisant apparaître un recours croissant à la dette intérieure assortie de taux d’intérêt plus élevés et d’échéances plus courtes en complément du financement extérieur concessionnel, ce qui pose de nouveaux défis en 77 78 Sont foncées les cases ne respectant pas les critères. Non compris la Guinée-Bissau. 154 matière de gestion de la dette. Cette tendance est appelée à se poursuivre, les perspectives d’aide financière n’étant pas favorables. Il est important de relever que l’initiative PPTE, quoique destinée à rendre soutenable la dette des pays concernés, comporte cependant des limites. b) Les limites de l’initiative PPTE Malgré ses vertus, l’initiative PPTE présente aussi des limites : 1° Le programme PPTE répond à une logique contre-productive car, pour qu'un pays fasse partie du programme, il faut qu'il soit listé parmi les pays les plus endettés, ce qui a pour conséquence que les pays fournissant de grands efforts pour effacer leurs dettes se trouvent écartés du programme, alors que les pays laxistes économiquement pourront faire partie du programme. 2° Avant d'arriver au point de décision, le gouvernement doit appliquer pendant trois années le Document Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (DSRP). Or ce document, malgré sa négociation entre le gouvernement et la société civile, se révèle agir comme les PAS. Dans l'une de ses publications, la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) concède « qu'un examen détaillé des mesures macroéconomiques et d’ajustement structurel figurant dans les DSRP permet de constater qu’il n’y a pas de remise en cause fondamentale des conseils formulés dans le cadre de ce que l’on appelle le Consensus de Washington » (Le développement économique en Afrique. De l’ajustement à la réduction de la pauvreté : Qu’y a-t-il de nouveau ?, 2002). Par exemple, en 1998, l'éligibilité de la Côte-Ivoire au programme PPTE fut conditionnée par la libéralisation complète du secteur du café pour l'année de récolte 1998-99 (World Bank, 1998). Cette limite est importante dans la mesure où les gouvernements des PED ne parviennent pas à recouvrer, par d'autres impôts, l'intégralité de la perte de revenus causée par la baisse ou la suppression des droits de douane consécutive à une libéralisation du commerce. La conséquence de la mise en œuvre de ces politiques est donc, pour les pays « pauvres » concernés par le programme PPTE, une perte budgétaire sèche pour l'État, ce qui peut risquer d'aggraver encore les 155 problèmes budgétaires structurels de celui-ci alors que le programme était censé lui venir en aide. 3° D'autre part, la concertation obligatoire entre le gouvernement et la société civile ne veut pas forcément dire qu'elle se déroule dans de bonnes conditions. Ainsi en 2002, le PNUD révèle que les négociations du DSRP du Burkina Faso entre donateurs et organisations de la société civile n'ont duré que quatre-vingt-dix minutes79. 4° La dette cumulée des pays concernés par le programme PPTE ne représente que 10% de la dette totale des PED. De plus, quand nous savons que 80% de la population pauvre vit dans douze pays (le Nigeria, l’Indonésie, les Philippines, l’Éthiopie, le Pakistan, le Mexique, le Kenya, le Pérou et le Népal, …)80, nous constatons aisément que seuls deux de ces douze pays (l'Éthiopie et le Kenya) font partie du programme PPTE. 5° Les remises de dettes peuvent bien sûr être utiles pour les pays bénéficiaires, mais ce qui est contestable, c’est d’inclure les montants dans l’APD alors que ce n’est pas de l’argent frais pour le développement. En réalité, les annulations de la dette ne sont souvent qu’un simple effacement comptable de créances qui ne seront jamais remboursées. Selon la Résolution du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU81 se rapportant à l’initiative PPTE et aux politiques d’ajustement qui y sont liées, « l’Initiative PPTE ne vise pas à offrir une solution d’ensemble au problème du fardeau de la dette sur le long terme. A ce jour peu de progrès ont été accomplis en vue de remédier à l’iniquité du système actuel de règlement de la dette, qui continue de donner la priorité aux intérêts des créanciers plutôt qu’à ceux des pays endettés et des plus pauvres d’entre eux ». En vue d’accélérer la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement de l’ONU et compte tenu de ses limites, l’initiative PPTE a été complétée, en 2005, par l’initiative d’allègement de la dette multilatérale (IADM). 79 PNUD, Rapport mondial sur le développement humain 2002. Il faut noter que les États cités, dont certains font partie des grandes puissances économiques, n'ont pas demandé à participer à ce programme PPTE. 81 Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU : Les effets de la dette extérieure et des obligations financières internationales connexes des États sur le plein exercice de tous les droits de l’homme, particulièrement des droits économiques, sociaux et culturels (adoptée le 5 juillet 2012). 80 156 2.2.3 L’initiative d’allégement de la dette multilatérale (IADM) Toujours dans l’intention d’aider à progresser sur la voie des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) des Nations Unies, en juin 2005, le Groupe des huit grands pays industrialisés (G-8)82 a proposé que trois institutions multilatérales que sont le FMI, l’Association internationale de développement (IDA) de la Banque mondiale et le Fonds africain de développement (FAfD), annulent la totalité de leurs créances sur les pays qui ont atteint ou vont atteindre le point d’achèvement au titre de l’initiative renforcée PPTE menée conjointement par le FMI et la Banque mondiale : c’est L’initiative d’allégement de la dette multilatérale (IADM), qui vise l’annulation intégrale des créances admissibles de trois institutions multilatérales (précédemment citées) sur un ensemble de pays à faible revenu. Pour contribuer à l’accélération des progrès au vu de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement, l'Initiative PPTE est supplée par l'IADM depuis 2006. 2.2.3.1 Allégement de la dette au service de la lutte contre la pauvreté Tandis que l’initiative PPTE suppose une action concertée des organisations multilatérales et des États pour ramener à un niveau supportable la charge de la dette extérieure des pays pauvres les plus endettés, l’IADM, elle, va plus loin, car elle vise à effacer complètement la dette de ces pays afin de libérer davantage de ressources pour les aider à atteindre les OMD. Cependant, à la différence de l’initiative PPTE, l’IADM n’envisage pas parallèlement l’annulation des créances des créanciers bilatéraux publics ou privés, ni d’autres institutions multilatérales que le FMI, l’IDA et le FAfD. L'IADM fournit un allégement de l’intégralité des dettes éligibles contractées auprès du Fonds africain de développement (FAfD), la Banque interaméricaine de développement, l'Association internationale de développement de la Banque mondiale et le Fonds monétaire 82 Les pays membres du Groupe des Sept - (G-7) – (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni, Russie) qui rassemble les grands pays industrialisés, organise des sommets économiques une fois par an depuis 1975. En 1997, la Russie prend part au Sommet de Denver, pour des débats politiques, et est admise comme membre à part entière au Sommet de Birmingham tenu en 1998, marquant la création du G-8. 157 international par les pays en cours d’achèvement du processus de l’Initiative PPTE. Dans le cadre de l'IADM, les donateurs se sont engagés à fournir au Groupe de la Banque, une compensation «dollar pour dollar» en échange des remboursements sur les prêts FAfD annulés au titre de l’IADM, sur une période de cinquante ans (2004 à 2054), afin de préserver la capacité financière à long terme du FAfD. La population éligible à l’initiative IADM recouvre deux catégories de pays : les pays PPTE ayant atteint le point d’achèvement, qui ont maintenu pendant au moins six mois - à compter de la date du point d’achèvement - des performances favorables i) dans le domaine macroéconomique (exécution satisfaisante des programmes conclus avec le FMI) ; ii) dans la mise en œuvre d’une stratégie de réduction de la pauvreté ; iii) dans la gestion des dépenses publiques (respect d’exigences minimales en matière de gouvernance et de transparence dans l’utilisation des ressources publiques) ; les pays n’ayant pas bénéficié de l’initiative PPTE mais dont le revenu par habitant est inférieur à 380 dollars USD. Deux pays ont été retenus à ce titre : le Cambodge et le Tadjikistan. Pour bénéficier de cet allégement, ces pays sont tenus, en vertu d’une décision du Conseil d’administration du FMI, d’être à jour au titre de leurs obligations envers le FMI et de présenter un bilan satisfaisant dans trois domaines que sont la politique macroéconomique, la mise en œuvre d’une stratégie de réduction de la pauvreté et la gestion des dépenses publiques. 2.2.3.2 Résultats de l’IADM Le montant total estimé des dettes du FAfD amené à être annulé au titre de l'IADM est de 11,35 milliards de dollars. Fin Mars 2011, la totalité des 26 pays membres régionaux ayant atteint le point d'achèvement et éligibles à l’assistance irrévocable au titre de l’allègement de la dette de l’Initiative PPTE, ont bénéficié des annulations de la dette de l’IADM pour un montant total de 10,1 milliards 158 de US dollars dont 1,3 milliards de dollars pour la Côte d’Ivoire (alors que l’allègement espéré était de 3 milliards de dollars). Au 31 mars 2014, le montant de la participation du FMI à l’allégement de la dette au titre de l’IADM est estimé à environ 3,4 milliards de dollars en termes nominaux. Le tableau 2-13 présente les pays de l’UEMOA ayant bénéficié, et ceux admis à bénéficier de l’IADM à la fin septembre 2012, ainsi que le champ d’application de leur éligibilité à l’initiative. Nous pouvons lire que tous les pays de l’UEMOA sont déclarés éligibles à l’IADM : IADM I pour le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Togo dont le revenu par habitant est égal ou inférieur à 380 dollars ; et IADM II pour le Bénin, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau et le Sénégal qui, eux, ont un revenu par habitant supérieur à 380 dollars américains. Tableau 2-13 : Champ d’application des pays de l’UEMOA bénéficiaires de l’IADM. Admissibilité au titre du compte de fiducie IADM-I Admissibilité au titre du compte de fiducie IADM-II (revenu par habitant ≤ 380 dollars) (revenu par habitant > 380 dollars) Burkina Faso, Mali, Niger et Togo. Bénin, Côte d’Ivoire, Guinée, Sénégal. Source : http://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/mdrif.htm En somme, les Initiatives PPTE et IADM sont à l’origine de progrès considérables. Plusieurs défis subsistent néanmoins : - Les quatre pays qui n’ont pas encore réuni les conditions nécessaires pour bénéficier d’un allègement total de la dette (Érythrée, Somalie, Soudan, Tchad) sont confrontés à des problèmes communs ; ils devront produire un effort suivi au plan intérieur et continuer de bénéficier du soutien de la communauté internationale pendant la période intérimaire. - Il reste à assurer la pleine participation de l’ensemble des créanciers, notamment de plusieurs petits créanciers multilatéraux, créanciers non membres du Club de Paris et créanciers privés qui, ensemble, représentent 25% des coûts totaux relatifs à l’Initiative PPTE. 159 - Si tous les pays de l’UEMOA ont bénéficié des opérations uniques d’allègement de la dette couverte par les Initiatives PPTE et IADM et par le Fonds de désendettement 83, l’augmentation récente de l’endettement en particulier du secteur privé a entraîné une dégradation de la viabilité de la dette. Il s’impose donc de maintenir les efforts jusquelà déployés pour améliorer la gestion et la viabilité de la dette, y compris la dette induite par le secteur privé et la dette intérieure du secteur public Conclusion L’importance de la dette et la récurrence des chocs affectant la zone UEMOA constituent de puissants freins à son développement économique et imposent incontestablement une réflexion opérationnelle sur la question de la soutenabilité de la dette ; d’où l’instauration des PAS et des initiatives récentes de réduction de la dette. Parlant des PAS, la Banque Mondiale et le FMI déclaraient qu’il s’agissait d’une « souffrance de court terme, pour un bénéfice à long terme » mais cette souffrance à court terme s’est instaurée pendant plus de vingt ans, creusant les inégalités et freinant tout développement. Les PAS n’ont pas été efficaces pour résoudre le problème de solvabilité des PED. Cette inefficacité est surement due aux efforts extrêmes de rigueur demandés à certaines populations et de leurs conséquences dramatiques sur le plan social. En effet, Les conséquences sociales sont généralement douloureuses pour les populations. Le FMI se défend de préconiser des politiques réduisant les dépenses sociales [« les secteurs de l'éducation et de la santé et les dépenses sociales sont jugés « sacrés » et le FMI ne demande pas de coupes d'effectifs dans ces secteurs mais seulement des rationalisations si nécessaire. » (Ouattara, 1998, Directeur Général Adjoint du FMI)], mais la perception par les populations est souvent bien différente. Comme exemple, la Confédération des Syndicats Autonomes du Sénégal estime que les politiques préconisées par le FMI ont conduit à la 83 Pour aider les pays PPTE à réduire leur endettement commercial extérieur, le Fonds de désendettement de la Banque Mondiale leur permet de racheter leurs créances commerciales avec une forte décote. Le Fonds a récemment été prolongé jusqu’en 2017. 160 paupérisation des populations et ont eu des conséquences désastreuses sur les services publics, sur l'éducation et/ou la santé en Côte d'Ivoire et au Sénégal. De même, l’Organisation des Nations Unis pour l'Education, la Science et la Culture (UNESCO) s’inquiète des conséquences des PAS sur l’éducation. Le Directeur général, Federico (Mayor, 1993), écrit en effet : «De plus en plus, les problèmes qu’affrontent les pays en développement dans le secteur de l’éducation - provenant pour une part de politiques de stabilisation et d’ajustement structurel mal conçues - prennent des allures de crise et compromettent les perspectives de récupération économique et de développement national, de même que le bien-être d’une large proportion de la jeunesse» (Reimers & Tiburcio, 1993). Avec l’adoption des initiatives PPTE et IADM, dans la plupart des PED, les systèmes de gestion de la dette se sont améliorés mais d’importantes lacunes demeurent. De nombreux pays ont entrepris de coordonner l’action des grands organismes publics concernant la gestion de la dette et les politiques macro-économiques. Cependant, si la majorité des pays s’est dotée d’une unité de gestion de la dette et d’un système d’enregistrement de la dette, les capacités d’analyse et l’échange d’informations entre les différents organismes publics chargés de contracter des emprunts mériteraient d’être renforcés (N'Kodia & Sarr, 2007). CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE Comme vu au chapitre premier de notre thèse, les questions de la discipline budgétaire, de la viabilité des finances publiques et de la solvabilité financière des États se situaient déjà au cœur des préoccupations de la politique économique conduite dans les pays de l’UEMOA. Les mesures d’ajustement adoptées et le nouveau contexte généré par les deux initiatives d’allégement de la dette (IPPTE et IADM) n’ont fait que mettre en évidence, avec plus d’acuité, les difficultés liées à une bonne gouvernance financière dans la zone UEMOA. Il est à noter que les initiatives PPTE et IADM ont été coûteuses pour la communauté financière internationale car elles ont été réalisées dans un contexte de rareté de ressources concessionnelles ; elles ne seront probablement pas reconduites en cas de nouvelles crises de la dette. Les pactes de convergence en zone UEMOA peuvent contribuer durablement à la 161 préservation des acquis financiers générés par les initiatives d’allégement de dette, mais il faudrait pour cela, que des correctifs et des remaniements soient apportés aux insuffisances et aux limites constatées dans le fonctionnement de ces pactes de convergence. Malgré leurs insuffisances, les dispositifs d’allégement de la dette ont permis d’enclencher une dynamique d’assainissement du cadre macro-économique. Par ailleurs, leur caractère permanent permet un suivi des efforts d’ajustements au-delà des annulations de dettes ponctuelles. La difficulté réside principalement dans la constitution d’un dispositif institutionnel véritablement opérationnel et en adéquation avec les problématiques rencontrées. Par sa souplesse et son adéquation, ce dispositif doit permettre aux PED et aux États membres de l’UEMOA de dégager des ressources afin de préserver un endettement soutenable. C’est cette préoccupation qui est au centre du cadre analytique référé dans la seconde partie de notre étude. Concrètement, dans la deuxième partie de notre thèse, la dynamique de la dette et la contrainte budgétaire intertemporelle servent de cadres d’étude - théorique et empirique - à notre analyse de la soutenabilité de la dette en UEMOA et à la détermination d’ajustements budgétaires nécessaires aux pays de l’Union (chapitre 3). Le dernier chapitre (4) sera consacré à la recherche de moyens permettant de financer le développement des différents pays étudiés, et partant, de l’ensemble de l’UEMOA. 162 « Le seul moyen d'accès à une position telle que notre science puisse donner un avis positif pour de nombreux politiciens et hommes d'affaires repose sur des travaux quantitatifs. Aussi longtemps que nous ne serons pas capables de traduire nos arguments en chiffres, la voix de notre science, bien qu'elle puisse occasionnellement aider à éviter des erreurs grossières, ne sera jamais entendue par les praticiens. Ils sont tous, par instinct, économètres, du fait de leur incrédulité pour toute chose dont il n'existe pas une preuve exacte ». (Schumpeter, 1933) DEUXIEME PARTIE : ANALYSES THEORIQUE ET EMPIRIQUE DE LA SOUTENABILITE DE LA DETTE DANS UNE PRESPECTIVE DE FINANCEMENT DU DEVELOPPEMENT DES PAYS DE L’UEMOA 163 Nous avons vu, dans la première partie de notre thèse, à quel point les Etats de l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine étaient endettés, les causes de cet endettement massif et les solutions qui y ont été apportées. Par ailleurs, la soutenabilité a été quelque peu été appréhendée à travers diverses définitions d’auteurs différents. Dans cette deuxième partie, cette soutenabilité sera développée de façon plus approfondie. Il s’agira de, pour l’ensemble de l’Union, analyser la soutenabilité de la dette publique en étudiant la réaction de la dette suite aux variations de ses composantes. Pour ce faire, notre analyse économétrique se base sur le modèle développé par (Bikas & Daseking, 2006) dans leur étude sur la dette et le financement dans les pays à revenu faible. Ces auteurs fondent leur démonstration, en accord avec la définition du FMI, sur l’identité de la balance des paiements et arrivent à la conclusion selon laquelle « le seul fait d’emprunter à un faible taux concessionnel ne garantit pas des ratios d’endettement stables ou décroissants et que l’on devrait dégager des financements concentrés en début de période afin d’atteindre les objectifs ambitieux de développement sans nuire à la viabilité de la dette ». Le fait de dégager des financements concentrés nécessite une mesure de la soutenabilité. A ce sujet, le solde primaire est une variable cruciale pour mesurer la soutenabilité de la dette publique, car il est l’un des facteurs qui influencent l’évolution à la hausse ou à la baisse du ratio de la dette rapportée au PIB. De même, la croissance et le taux d’intérêt réels influencent aussi l’évolution de ce ratio. La première, car elle agit sur le niveau du PIB, au dénominateur ; le second, car il agit sur le niveau de la dette, au numérateur, à travers son impact sur le service de la dette dont le niveau détermine aussi les besoins de financement de l’État. Ainsi, une condition nécessaire à la soutenabilité pour les pays à fort endettement consiste à déterminer le niveau de solde primaire nécessaire à la stabilisation du ratio d’endettement (dette sur PIB). Cette condition n’est cependant pas suffisante car, si un ratio d’endettement est trop élevé, le stabiliser ne suffirait pas ; il faudrait plutôt chercher à le réduire de sorte à atteindre au moins la soutenabilité de la dette. Cette partie de notre thèse est d’abord consacrée à une analyse de la soutenabilité de la dette de l’UEMOA (chapitre 3). Ensuite, nous nous servons des modèles développés par (Anand & Van Wijnbergen, 1988) et (Budina & Van Wijnbergen, 2001) pour mesurer cette soutenabilité, ce qui nous permettra de dégager des marges de manœuvre nécessaires au financement du déficit budgétaire des pays de l’UEMOA (chapitre 4). 164 Chapitre 3: MISE EN EVIDENCE DES DETERMINANTS DE LA SOUTENABILITE ET ESSAI DE FINANCEMENT DU DEFICIT BUDGETAIRE : CAS DE L’UEMOA Introduction Pour un État, le constat d'une absence de soutenabilité des finances publiques n'est pas synonyme d'impasse budgétaire. En effet, l'impasse est distincte du déficit budgétaire, lequel ne concerne que l'excédent des dépenses du budget général et des budgets annexes sur les recettes proprement budgétaires (impôts, revenus domaniaux, produits divers). L’impasse, quant à elle, représente l'excédent des dépenses du budget général, des budgets annexes et des charges de trésorerie estimées par la gestion des comptes spéciaux du Trésor sur l'ensemble des recettes budgétaires. En d'autres termes, parce qu’elle concerne « les dépenses inscrites au budget de l'État n’étant pas couvertes normalement par des recettes prévisibles mais par un recours à l'épargne » (Barro R. , 1974), l’impasse budgétaire correspond aux soldes cumulés des opérations définitives et des opérations temporaires de l'État. La non-soutenabilité des finances publiques traduirait donc plutôt la nécessité, pour respecter la contrainte de budget intertemporelle, d'un ajustement fiscal conséquent. Ce troisième chapitre s’intéresse à cet ajustement budgétaire recommandable pour prétendre une viabilité de la dette dans les pays de l’UEMOA (section 2), et ce, après une analyse empirique de la situation de ces pays en matière de soutenabilité de la dette (section 1). Le solde primaire est à ce titre la principale variable sur laquelle se focalisent les plans d’ajustement structurels proposés par le FMI. Dans les pays qui ont des problèmes de viabilité 165 de la dette publique comme dans notre cas d’étude, la viabilité budgétaire doit reposer sur un assainissement des dépenses publiques à moyen terme (Daniel, Davis, Fouad, & Van Rijckeghem, 2006). Dans ce cas, l’objectif prioritaire est d’améliorer le solde primaire pour qu’il concorde avec la viabilité de la dette. 3.1 Dynamique de la dette et Soutenabilité : Cas de l’UEMOA Comme précédemment annoncé, la définition du FMI - qui définit la soutenabilité de la dette comme la situation dans laquelle un pays a la capacité de satisfaire à ses obligations présentes et futures concernant le service de la dette, sans qu’un changement important dans sa balance de paiement ne soit nécessaire - sera à la base de notre analyse économétrique de la soutenabilité. Pour se faire, nous nous basons sur les travaux de (Bikas & Daseking, 2006) dans leur étude sur la dette et le financement des pays à revenu faible. Ces auteurs s’appuient sur les conditions d’accès à l’Initiative Pays Pauvres Très Endettés (IPPTE)84 pour atteindre l’objectif de développement et de réduction de la pauvreté d’ici 2015, nécessitant des niveaux considérables de financement externe. Pour ce faire, ils fondent leur démonstration, en accord avec la définition du FMI (que nous soutenons), sur l’identité de la balance des paiements. Dans cette section, après avoir défini la balance des paiements, nous étudierons l’impact de ses différentes composantes sur l’évolution de la dette. 3.1.1 Dynamique de la dette : Identité de la balance commerciale et Analyse des déterminants de la soutenabilité Nous partons de la dynamique de la dette basée sur l’identité de la balance commerciale pour déterminer notre modèle d’étude de la soutenabilité. 84 La dynamique utilise la dette totale externe tandis que l’IPPTE se réfère à la dette publique et publiquement garantie. 166 3.1.1.1 Présentation de la balance des paiements a) Définition et structure de la balance des paiements (i) Définition Dans ses rapports avec l’étranger, un pays exerce deux sortes de transactions que sont les exportations et importations de biens et services (appelées transactions courantes) et les achats ou ventes d’actifs financiers ou non financiers (appelées transactions financières). La balance des paiements d’un pays est un état statistique, dressé à intervalle régulier (le plus souvent l’année), dont l’objet est de retracer sous une forme comptable l’ensemble des flux d’actifs réels, financiers et monétaires entre les résidents d’une économie et les non-résidents au cours d’une période déterminée, chaque opération donne lieu à une double inscription en crédit et en débit85. Dans les Etats membres de l'UEMOA, la procédure de confection des statistiques de la balance des paiements est inspirée des normes internationales, en particulier la cinquième édition du Manuel de la balance des paiements publiée par le FMI en 1995. En effet, suite à cette édition, la BCEAO a révisé en 1996 son dispositif de collecte et d'établissement des balances des paiements des Etats membres de l’UEMOA ; cela pour le rendre conforme aux mutations de l'environnement financier et aux exigences des standards internationaux86. Le cadre institutionnel et réglementaire d'élaboration de la balance des paiements au sein des Etats membres de l'Union est précisé par le Règlement numéro R09/98/CM/UEMOA du 20 décembre 1998 relatif aux relations financières extérieures des Etats membres de l’UEMOA. 85 Au crédit, toutes les opérations assimilables à une vente ou entraînant une diminution des avoirs ou une augmentation des engagements ; au débit, toutes les opérations assimilables à un achat ou entraînant une augmentation des avoirs ou une diminution des engagements. 86 Extrais de la REFI N°42. DDAP - immeuble SCIAM, 17ème étage. BP V 125 Abidjan – Côte d’Ivoire. 167 (ii) Structure La balance des paiements est constituée de plusieurs soldes intermédiaires qui peuvent être excédentaires ou déficitaires (figure 3.1) : Le compte courant permet de faire ressortir l’équilibre (ou le déséquilibre) économique d’un pays. Il regroupe : La balance commerciale qui enregistre les opérations portant sur les biens (importations et exportations de biens). Les échanges de services, les transferts courants, les flux de revenus (revenus du travail et revenus du capital). Le compte capital et transactions financières regroupe : La balance des opérations de capital. Elle enregistre les transferts patrimoniaux (pas les transferts de revenus) des travailleurs migrants, les acquisitions et cessions d’actifs immatériels non financiers (brevets) ainsi que les remises de dettes. La balance des opérations financières qui enregistre les échanges de capitaux entre le pays et l'étranger. Il s’agit des investissements87 directs, des investissements de portefeuille, des opérations de crédits (bancaires et non-bancaires) et des opérations monétaires. À l’intérieur du compte financier il est intéressant de repérer les opérations affectant les avoirs de réserves : le solde de ces opérations constitue la variation des « avoirs de réserve » (Attention : un excédent de la balance globale se traduit par une augmentation des avoirs de réserve qui est enregistrée avec un signe négatif (en débit)). Le poste « Erreurs et omissions nettes » est le reflet des difficultés d’enregistrement des opérations économiques internationales. 87 « Investissement » est utilisé ici avec un sens différent de celui retenu dans l’analyse macroéconomique ; il s’agit ici de placements. Les achats d’équipements ou de logements (la formation brute de capital fixe) et les investissements immatériels sont enregistrés dans la balance des opérations courantes. 168 Figure 3-1 : Structure de la Balance des paiements Balance des paiements Compte des transactions courantes Balance commerciale (Importations et exportations de biens) Balance des services (Importations et exportations de services) Balance des transferts courants (Dons, aides) Compte de capital et d'opérations financières Balance des revenus (Salaires, dividendes, intérêts) Compte de capital (transferts patrimoniaux des travailleurs migrants, les acquisitions et cessions de brevets, remises de dettes) Erreurs et omissions nettes Compte financier (investissements directs étrangers, investissements de portefeuille, produits financiers, avoirs de réserves) 169 Par construction, la balance des paiements est équilibrée : le solde du compte courant est égal et de signe opposé au solde du compte financier, au compte de capital et au poste erreurs et omissions près. C’est donc toujours par approximation que l’on parle de balance des paiements déficitaire ou excédentaire (Krugman, Obstfeld, & Melitz, 2011). En effet, en faisant la somme algébrique du poste « erreurs et omissions nettes », du solde du compte des transactions courantes et de celui du compte capital et financier, il en résulte le solde de la balance des paiements. Ce solde est, par construction, nul (c’est la fonction du poste « erreurs et omissions nettes »). Dans le contexte de la plus ou moins grande ouverture commerciale d’un pays, la notion d’équilibre externe se place en général au plan de la balance courante qui peut être structurellement déficitaire. Si le compte des transactions courantes est déficitaire, pour payer cette différence, l'économie nationale doit utiliser ses réserves de la banque centrale ou emprunter. L'accumulation de déficits du compte de transactions courantes a pour conséquence un accroissement de l'endettement du pays, ce qui menace sa prospérité et son indépendance. La question macroéconomique relative au pays concerné sera alors celle de la soutenabilité des déficits courants ou encore de l’endettement externe. b) Balance de paiements et dette extérieure L'étude de la balance des paiements met en évidence l'existence pour chaque nation d'une contrainte budgétaire intertemporelle : à long terme, le compte courant primaire d'équilibre doit juste suffire à rembourser les dettes accumulées ou à dépenser les actifs accumulés, d’où la définition de l’identité de la balance des paiements. Selon l’identité de la balance des paiements, le niveau de dette extérieure brute d’un pays augmente (𝐷𝑡 > 𝐷𝑡−1) lorsque la somme de son niveau de déficit commercial courant (𝐵𝐷𝑡 + 𝑖𝑡 𝐷𝑡−1 − 𝑇𝑟𝑡 ) et de ses réserves cumulées (∆𝑅𝑡 ) excède le niveau d’investissements directs (𝐼𝐷𝑡 ). 170 Exprimée de façon mathématique, la dynamique de la dette découlant de l’identité de la balance de paiements s’écrit : 𝐷𝑡 − 𝐷𝑡−1 > 0 ⇔ 𝐵𝐷𝑡 + 𝑖𝑡 𝐷𝑡−1 − 𝑇𝑟𝑡 + ∆𝑅𝑡 > 𝐼𝐷𝑡 (3.1) 𝐷𝑡 − 𝐷𝑡−1 > 0 ⇔ 𝐵𝐷𝑡 + 𝑖𝑡 𝐷𝑡−1 − 𝑇𝑟𝑡 + ∆𝑅𝑡 − 𝐼𝐷𝑡 > 0 (3.2) Soit : Avec 𝐷𝑡 = Valeur nominale du stock de dette en fin de période t 𝑖𝑡 = Taux d’intérêt effectif moyen en période t (paiements d’intérêts sur la période t divisé par le stock de dette en fin de la période précédente) ; 𝐵𝐷𝑡 = déficit combiné de la balance des biens et services; 𝑇𝑟𝑡 = balance des transferts courants et dons officiels; 𝐼𝐷𝑡 = balance des investissements directs étrangers ; et ∆𝑅𝑡 = variation des réserves officielles et autres actifs à l’étranger, une variation positive de 𝑅𝑡 traduisant une augmentation des réserves (mais enregistrée au débit de la balance des paiements avec un signe négatif). 3.1.1.2 Estimation du modèle d’estimation des déterminants de la dette Nous nous basons sur le modèle estimé par (Bikas & Daseking, 2006). En égalisant les termes de part et d’autre des inégalités de l’équation (3.2), on obtient : 𝐷𝑡 −𝐷𝑡−1 = 𝐵𝐷𝑡 + 𝑖𝑡 𝐷𝑡−1 − 𝑇𝑟𝑡 + ∆𝑅𝑡 − 𝐼𝐷𝑡 (3.3) Vu que les prêts consentis aux pays à revenu faible et intermédiaire - et donc aux pays de l’UEMOA - sont à caractère fortement concessionnel, la valeur actualisée nette (VAN) de la dette est l’indicateur d’évaluation approprié pour cette étude. 171 Introduisons dans notre raisonnement le concept d’élément don88 (ED), ce dernier mesurant le degré de concessionnalité d'un prêt : il est donc défini comme étant le différentiel entre le stock de dette et la valeur actualisée nette de la dette (VAN), exprimé en pourcentage du stock de dette : 𝐸𝐷𝑡 = 𝐷𝑡 − 𝑉𝐴𝑁𝑡 𝑉𝐴𝑁𝑡 ↔ 𝐷𝑡 = 𝐷𝑡 1 − 𝐸𝐷𝑡 (3.4) En substituant la valeur nominale de dette exprimée en (3.4) dans l’équation (3.3), nous obtenons : 𝑉𝐴𝑁𝑡 𝑉𝐴𝑁𝑡−1 = (1 + 𝑖𝑡 ) + 𝐵𝐷𝑡 − 𝑇𝑟𝑡 − 𝐼𝐷𝑡 + ∆𝑅𝑡 1 − 𝐸𝐷𝑡 (1 − 𝐸𝐷𝑡−1 ) Multiplions l’équation (3.5) par 1−EDt Xt (3.5) , où : Xt = valeur en dollars des exportations à la période t, et en considérant : μt = taux de croissance des exportations tel que : Xt = (1 + μt )X t−1 Nous arrivons à l’équation suivante, pour le ratio valeur actualisée de la dette (VAN) sur exportations à la période t : (1 − 𝐸𝐷𝑡 ) 𝑉𝐴𝑁𝑡 (1 + 𝑖𝑡 ) 𝑉𝐴𝑁𝑡−1 (1 − 𝐸𝐷𝑡 ) = + (𝐵𝐷𝑡 − 𝑇𝑟𝑡 − 𝐼𝐷𝑡 + ∆𝑅𝑡 ) 𝑋𝑡 (1 + 𝜇𝑡 ) 𝑋𝑡−1 (1 − 𝐸𝐷𝑡−1 ) 𝑋𝑡 (3.6) En supposant (pour des raisons de simplification) que l’élément don reste inchangé entre les périodes 𝑡 − 1 et 𝑡, et en notant par les lettres minuscules les ratios en pourcentage de PIB 𝑋 (par exemple, 𝑥𝑡 = 𝑃𝐼𝐵𝑡 ), l’équation (3.6) peut être transformée de la façon suivante: 𝑡 𝑉𝐴𝑁𝑡 𝑉𝐴𝑁𝑡−1 − 𝑋𝑡−1 ⏟𝑋𝑡 𝑣𝑎𝑟𝑖𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑑𝑢 𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜 𝑑𝑒𝑑𝑒𝑡𝑡𝑒 88 = (𝑖𝑡 − 𝜇𝑡 ) 𝑉𝐴𝑁𝑡−1 (1 + 𝜇𝑡 ) 𝑋𝑡−1 ⏟ 𝑑𝑦𝑛𝑎𝑚𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑑𝑒𝑑𝑒𝑡𝑡𝑒 𝑒𝑛𝑑𝑜𝑔è𝑛𝑒 + (1 − 𝐸𝐷𝑡 ) (𝑏𝑑𝑡 − 𝑡𝑟𝑡 − 𝑖𝑑𝑡 + ∆𝑟𝑡 ) (3.7) ⏟ ⏟ 𝑥𝑡 𝑚𝑢𝑙𝑡𝑖𝑝𝑙𝑖𝑐𝑎𝑡𝑒𝑢𝑟 é𝑐𝑎𝑟𝑡 𝑑𝑒 𝑓𝑖𝑛𝑎𝑛𝑐𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 Voir encadré 4. 172 Encadré 3 : Concept d’élément don Encore appelé « élément de libéralité du prêt », l’élément don est l'équivalent de la subvention exprimé en pourcentage du montant engagé. Utilisé comme une mesure du coût global de l'emprunt, l'équivalent-subvention d'un prêt est sa valeur d'engagement (présente), moins la valeur actualisée de son service de la dette contractuelle. Il sert donc à mesurer le degré de concessionnalité du prêt. Il s'agit de la différence entre la valeur nominale (valeur faciale) de ce prêt et la somme des paiements futurs actualisés (valeur actualisée nette) au titre du service de la dette que devra effectuer l'emprunteur, exprimée en pourcentage de la valeur faciale du prêt. Lorsque le taux d'intérêt d'un prêt est inférieur au taux d'actualisation, la valeur actualisée de la dette qui en résulte est inférieure à la valeur faciale du prêt, la différence constituant l'élément de libéralité de ce prêt). L’équation (3.7) montre que les facteurs variables affectent l’évolution du ratio valeur actualisée de la dette (VAN) sur exportations, à travers trois composantes principales : - L’écart de financement externe : c’est le facteur qui exprime au mieux la relation entre la soutenabilité de la dette et les financements nouveaux. Un écart positif traduit une augmentation de la dette extérieure du pays. - La dynamique de la dette endogène : elle décrit les variations du ratio de la dette qui se produisent indépendamment des financements nouveaux. Ces variations sont le résultat de la différence entre le taux d’intérêt concessionnel (𝑖) et le taux de croissance des exportations (μt ) dans le numérateur du ratio de la dette. - Le multiplicateur qui détermine l’impact d’un écart de financement donné, exprimé en pourcentage de PIB, sur le ratio VAN de la dette sur exportation. L’équation (3.7) peut être transformée de la façon suivante: 𝑉𝐴𝑁 ( ) ⏟𝑋 𝑡 𝑟𝑎𝑡𝑖𝑜 𝑑𝑒 𝑑𝑒𝑡𝑡𝑒 = (1 + 𝑖𝑡 ) 𝑉𝐴𝑁 ( ) (1 + 𝜇𝑡 ) 𝑋 𝑡−1 ⏟ 𝑑𝑦𝑛𝑎𝑚𝑖𝑞𝑢𝑒 𝑑𝑒 𝑑𝑒𝑡𝑡𝑒 𝑒𝑛𝑑𝑜𝑔è𝑛𝑒 + (1 − 𝐸𝐷𝑡 ) (𝑏𝑑𝑡 − 𝑡𝑟𝑡 − 𝑖𝑑𝑡 + ∆𝑟𝑡 ) ⏟ ⏟ 𝑥𝑡 𝑚𝑢𝑙𝑡𝑖𝑝𝑙𝑖𝑐𝑎𝑡𝑒𝑢𝑟 (3.8) é𝑐𝑎𝑟𝑡 𝑑𝑒 𝑓𝑖𝑛𝑎𝑛𝑐𝑒𝑚𝑒𝑛𝑡 173 En partant de l’équation (3.8), notre objectif consiste à étudier la réaction du ratio valeur actualisée nette de la dette sur exportations (VAN/X) suite aux variations de ses variables déterminantes, composantes de l’écart de financement (qui exprime au mieux la relation entre la soutenabilité de la dette et les financements). Cependant, vu que la dynamique de la dette endogène décrit les variations du ratio de la dette qui se produisent indépendamment des financements nouveaux, il nous est impossible d’ignorer cette autre composante du ratio d’endettement qu’est sa valeur retardée. Notre méthodologie consistera à estimer (en panel) à partir du modèle économétrique linéarisé (3.9), dérivé de l’équation (3.8) : - le coefficient de la valeur retardée du ratio valeur actualisée nette de la dette sur exportations VAN/X et - les coefficients de chaque composante de l’écart de financement. Ceci nous permettra d’étudier l’impact de l’évolution de ses variables déterminantes sur l’évolution du ratio VAN/X. Ainsi, notre modèle est : 𝑉𝐴𝑁 𝑉𝐴𝑁 ( ) = 𝜶( ) + 𝜷𝟏 𝑏𝑑𝑖,𝑡 − 𝜷𝟐 𝑡𝑟𝑖,𝑡 − 𝜷𝟑 𝑖𝑑𝑖,𝑡 + 𝜷𝟒 ∆𝑟𝑖,𝑡 + 𝜷𝒊 + 𝜎𝑖,𝑡 𝑋 𝑖,𝑡 𝑋 𝑖,𝑡−1 (3.9) où : Les variables 𝑏𝑑𝑡 , 𝑡𝑟𝑡 , 𝑖𝑑𝑡 , ∆𝑟𝑡 représentent respectivement le solde de la balance des biens et services, la balance des transferts courants, la balance des investissements directs et les variations de réserves, tous divisés par le PIB. i représente chaque pays membre de l’UEMOA ; t réfère à l’année ; 𝜶 est le coefficient de la variable retardée du ratio valeur actualisée nette de la dette sur exportations 𝑉𝐴𝑁 𝑋 à estimer ; 174 𝜷𝟏 à 𝜷𝟒 sont les coefficients respectifs des variables 𝑏𝑑𝑡 , 𝑡𝑟𝑡 , 𝑖𝑑𝑡 , ∆𝑟𝑡 , composantes de l’écart de financements, à estimer ; 𝜷𝒊 est l’effet individuel fixe ; 𝜎𝑖,𝑡 représente le terme d’erreur. Par ailleurs, sachant qu’un écart de financements nouveaux positif traduit une augmentation de la dette extérieure du pays, nous avons voulu voir l’impact de la variation de l’écart de financements sur la variable du ratio de VAN de la dette sur Exportations. Pour ce faire, nous désignons par la variable EF, l’écart des financements nouveaux. Nous avons donc : 𝐸𝐹 = 𝑏𝑑𝑡 − 𝑡𝑟𝑡 − 𝑖𝑑𝑡 + ∆𝑟𝑡 (3.10) Le modèle linéarisé (3.11) qui découle des équations (3.9) et (3.10) est alors : 𝑉𝐴𝑁 𝑉𝐴𝑁 ( ) = 𝜶′ ( ) + 𝜷′𝐸𝐹𝑖,𝑡 + 𝜷𝒊 ′ + 𝜎 ′ 𝑖,𝑡 𝑋 𝑖,𝑡 𝑋 𝑖,𝑡−1 (3.11) où 𝜶′ et 𝜷′ sont les coefficients respectifs de la variable retardée du ratio valeur actualisée nette de la dette sur exportations 𝑉𝐴𝑁 𝑋 et de l’écart de financements nouveaux 𝐸𝐹, à estimer. Pour notre analyse économétrique, une modélisation en panel a été privilégiée et un panel dynamique serait propice. Cependant, compte de la présence de la valeur retardée de la variable expliquée [( 𝑉𝐴𝑁 𝑋 ) 𝑖,𝑡−1 ] parmi les variables explicatives, les techniques économétriques standards telles que les « Moindres carrés ordinaires » (MCO) ne permettent pas d'obtenir des estimations sans biais d'un tel modèle (Goaied & Sassi, 2012) ; il s’en suivrait des estimations biaisées. La méthode appropriée à notre cas d’étude est celle des moments généralisés (en anglais General Method of Moment - GMM). Nous nous inspirons, pour se faire, des travaux de (Acclassato & Eggoh, 2013) et (Catin, 2010) dans leur étude sur la relation entre le développement financier de l’UEMOA et les sources de sa croissance économique. La méthode de GMM permet d’apporter des solutions aux problèmes de biais de simultanéité, de causalité inverse et de variables omises. Elle permet notamment de traiter le problème de 175 l’endogénéité des variables, qui se pose nécessairement lorsque nous étudions la relation entre l’évolution de la dette et l’évolution de ses composantes. La GMM repose sur les conditions d’orthogonalité entre les variables retardées et le terme d’erreur, aussi bien en niveau qu’en différences premières. Lorsque le modèle dynamique est exprimé en différences premières, les instruments sont en niveau, et vice versa. Dans le modèle à estimer, l'utilisation des variables retardées comme instruments diffère selon la nature des variables explicatives: Pour les variables exogènes, leurs valeurs courantes sont utilisées comme instruments. Pour les variables prédéterminées ou faiblement exogènes (des variables qui peuvent être influencées par les valeurs passées de la variable dépendante, mais qui restent non corrélées aux réalisations futures du terme d'erreur), leurs valeurs retardées d'au moins une période peuvent être utilisées comme instruments. Pour les variables endogènes, leurs valeurs retardées de deux périodes et plus, peuvent être des instruments valides. La validité des instruments retenus peut être confirmée ou infirmée à partir des tests de (Hansen, 1982) et (Sargan, 1958), tests statistiques permettant de tester une hypothèse de suridentification (validité des instruments) dans un modèle statistique. Egalement connu sous le nom de « Test J », ils sont construits sur l'hypothèse que le terme d'erreur ne doit pas être corrélé avec l'ensemble des variables exogènes si les instruments sont valides. 176 3.1.2 Approche empirique de la dynamique de la dette : cas de l’UEMOA 3.1.2.1 Source et validation des données du modèle d’estimation a) Source des données Les données sont de fréquence annuelle et extraites des bases Word Development Indicators (WDI) et Africa Development Indicators (ADI) de la Banque Mondiale. Il s’agit : du stock de dette en fin de période t ; du déficit de la balance commerciale (des biens et services) ; des transferts courants (dons officiels y compris) ; des investissements directs (capitaux nets non générateurs d’endettements) et de la variation des réserves cumulées (variation des réserves officielles et autres actifs à l’étranger). Pour ces données, l'échantillon couvre la période 1970-2012. b) Validation des données : Tests de stationnarité des variables du modèle Nous commençons, avant toute régression, par tester la stationnarité des variables de ce modèle. Cette précaution permet d’éviter des régressions fallacieuses et de s’assurer que la loi décrivant l’évolution des variables peut s’écrire à l’aide d’un modèle à coefficients fixes, indépendant du temps. En effet, lorsque les variables ne sont pas stationnaires, les erreurs d’estimation ne sont plus des bruits blancs et les estimateurs ne présentent pas de bonnes propriétés. Le test de stationnarité revient à tester l’existence d’une racine unitaire dans les séries. Concernant les tests de racine unitaire en panel, deux principales évolutions peuvent être 177 mises en évidence depuis les travaux fondateurs de (Levin & Lin, 1992) inspirés des tests de (Dickey & Fuller, 1979). 1- D’une part, nous avons pu assister depuis la fin des années 90 à une évolution tendant à la prise en compte d’une hétérogénéité des propriétés dynamiques des séries étudiées, avec notamment les travaux de (Im, Pesaran, & Shin, 1995) et de (Maddala & Wu, 1999). Il s’agit des tests dits de première génération et qui reposent sur une hypothèse d’indépendance entre les individus, ce qui apparaît peu plausible notamment dans le cas de certaines applications macro-économiques. Nous notons à ce sujet : (i) les tests de spécification homogène de la racine autorégressive [ (Levin & Lin, 1992), (Levin, Lin, & Chu, 2002)] ; (ii) les tests de spécification hétérogène de la racine [ (Im, Pesaran, & Shin, 1995), (Im, Pesaran, & Shin, 2003), (Maddala & Wu, 1999), (Choi, 2001)] ; (iii) les tests séquentiels [ (Hénin, Jolivaldt, & Nguyen, 2001)]. 2- D’autre part, un second type de développements récents dans la littérature des tests de racine unitaire en panel, fait parler de la seconde génération de tests, actuellement en plein développement, et qui intègre diverses formes possibles de dépendances inter- individuelles. A ces tests s’ajoutent des tests de troisième génération qui, eux, permettent de déceler et d’expliquer des ruptures structurelles dans l’évolution d’une série. (i) Tests de racine unitaire de première génération Nous nous consacrons évidemment, dans un premier temps, aux tests de première génération pour tester la stationnarité de nos variables. Ils sont basés sur les hypothèses d'indépendance interindividuelle et d’absence de rupture structurelle. Un des premiers tests de ce type et probablement le plus restrictif est le test de (Levin, Lin, & Chu, 2002). Ce test permet un certain degré d'hétérogénéité en incluant des effets fixes spécifiques et éventuellement, des trends déterministes spécifiques. Les autres paramètres du modèle sont censés être communs. Le test de Levin-Lin est très restrictif en ce sens que l'hypothèse alternative suppose que la série suit le même processus autorégressif pour toutes les unités du panel. Cette limite du test de Levin-Lin a généré une série de tests qui prennent en compte un éventail plus large de l'hétérogénéité dynamique : les tests de (Maddala & Wu, 1999) et (Im, 178 Pesaran, & Shin, 2003). Ces derniers sont moins restrictifs car ils permettent une hétérogénéité de la racine autorégressive et aussi une hétérogénéité quant à la présence d'une racine unitaire. Nous utilisons ces trois tests pour notre analyse. Nous testons l’hypothèse nulle de présence de racine unitaire (donc de non stationnarité) contre l’hypothèse alternative de stationnarité. Les résultats des tests sont présentés dans le tableau 3-1. Selon les résultats du tableau 3-1, au moins deux des tests utilisés attestent qu’au seuil de 10%, toutes les variables sont stationnaires en niveau, sauf la variable ratio de la valeur actualisée nette de dette sur exportations (VAN/X) qui n’est stationnaire qu’en différence première. Tableau 3-1 : Tests de stationnarité (de première génération) en panel sur les variables du modèle. Variables IPS Niveau LLC MW IPS Différence première LLC MW VAN/X db tr id ∆r EF 2,14 (0,98) -0,57 (0,28) 6,24 (0,96) -7,27*** (0,00)*** -6,41 (0,00) 75,82*** (0,00) -1,09 (0,14) -3,32*** (0,00) -3,36*** (0,00) 37,38*** (0,00) -1,28* (0,09) -5,60*** (0,00) -3,06*** (0,00) 58,82*** (0,00) -2,52*** (0,00) -4,31*** (0,00) 32,11*** (0,00) -1,42* (0,08)* 22,91 (0,06) -11.28*** (0.00)*** -6,07 (0.00) 121,32*** (0,00) 0,16 (0,56) 34,27*** (0,00) -8,97*** (0,00)*** -8,17 (0,00) 102,87*** (0,00) Note : Le choix des ordres de retards est basé sur le critère d’information de Schwarz avec un retard max = 4 89. Les valeurs entre parenthèses sont les p-values90. (***), (**) et (*) signifient le rejet de l’hypothèse nulle de racine unitaire aux seuils respectifs de 1%, 5% et 10%. Les tests de première génération nous permettent de déduire que les estimateurs des variables présentent de bonnes propriétés. Cependant, vu que nous avons une variable (VAN/X) qui, différemment des autres, n’est pas stationnaire en niveau, nous pourrions tenir compte de cette différence dans notre estimation. Mais nous poussons plus loin notre analyse de la 89 Une des manières de choisir le nombre de retards consiste à comparer différents modèles ADF incluant différents choix de retards, sur la base de critères d'information. Un critère d'information est un critère fondé sur le pouvoir prédictif du modèle considéré et qui tient compte du nombre de paramètres à estimer. Il faut noter que ces critères s'appliquent de façon générale à tout type de modèle et pas uniquement aux modèles des tests ADF. Nous en retenons le critère de Schwarz. 90 Si la p-value est inférieure au seuil choisi, on rejette l'hypothèse nulle en faveur de l’hypothèse alternative, et le résultat du test est déclaré « statistiquement significatif ». Dans le cas contraire, si la valeur-p est supérieure au seuil, on ne rejette pas l’hypothèse nulle, et on ne peut rien conclure quant aux hypothèses formulées. 179 stationnarité des variables en tenant compte de la possibilité d’existence de dépendance entre les variables. En effet, dans une analyse de panel, outre le problème de l'hétérogénéité, les éventuelles interdépendances paraissent aussi importantes. Or les tests de première génération, comme indiqué ci-dessus, admettent hypothèse forte d'indépendance entre les individus. Pourtant, dans notre cas, étant donné l’interdépendance entre les pays de la zone UEMOA - du fait de leur appartenance à la même union monétaire -, cette hypothèse d'indépendance doit être assouplie. Ceci nous amène à pratiquer des tests de deuxième génération qui, eux, n'imposent pas l'hypothèse d’indépendance. (ii) Tests de racine unitaire de deuxième génération L’étude des diverses formes possibles de dépendances interindividuelles est, bien entendu, conditionnée par l’existence même d’interdépendance. Le test qui nous permet de déceler des dépendances entre les variables est le Cross-sectional dependence test. Tests de Cross-sectional dependance Nous utilisons, pour notre étude, le cross-sectional dependence (CD) test de (Pesaran M. H., 2004) et le test du Multiplicateur de Lagrange (Lagrange multiplier (LM) test) de (Breusch & Pagan, 1980)91. Nous testons l'hypothèse nulle d'absence de dépendance. Les résultats de ces tests - contenues dans le tableau 3-2 - nous orienteront quant à la nécessité (ou pas) d’effectuer les tests de seconde génération. Tableau 3-2 : Résultats des tests de Cross-sectional dependance entre les déterminants de la dette au sein de l’UEMOA. Variables VAN/X db tr id ∆r EF Test (CD) de Pesaran 17,01*** (0,00) 3,38*** (0,00) 9,27*** (0,00) 4,16*** (0,00) -1,17 (0,23) 3,71*** (0,00) Test LM de BreuschPagan 318,71*** (0,00) 67,12*** (0,00) 158,68*** (0,00) 59,14*** (0,00) 180,55*** (0,00) 72,04*** (0,00) Note: La statistique du cross-sectional dependence test admet pour loi asymptotique la loi normale standard sous l'hypothèse nulle d’indépendance interindividuelle. Le test du Multiplicateur de Lagrange suit la loi de Chi(2) [LM ~ Chi-2 (21)]. Les valeurs entre parenthèses sont les p-values. 91 Test développé par (Breusch & Pagan, 1980) et repris par (Baum, 2001). 180 D’après le tableau 3-2, les résultats du Cross-sectional dependance sont clairs : l'hypothèse nulle (d’absence de dépendance) est significativement rejetée pour les deux tests utilisés. L'hypothèse d'indépendance qui sous-tend les tests de première génération ne tient donc pas et justifie pour la suite, l'exécution des tests de racine unitaire de seconde génération. Tests de Choi (2006) et de Pesaran (2007) Nous effectuons les deux tests suivants: Le test CIPS (Cross-sectionally augmented IPS) de (Pesaran H. M., 2007). Il se base sur les régressions de type Dickey-Fuller augmentées par l’introduction des moyennes d’interdépendance des séries individuelles, en niveau et en différence première. L’auteur obtient alors un modèle augmenté de type CADF (Cross Sectionally Augmented Dickey-Fuller). Les distributions asymptotiques du test de Pesaran (2007) sont non standards. Le test mis en œuvre par (Choi, Combination Unit Root Tests for Cross-Sectionally Correlated Panels, 2006) s'appuie, lui, sur un modèle de panel à erreurs pour tester la racine unitaire à partir d’une transformation de la série observée permettant de supprimer les corrélations interindividuelles et les éventuelles composantes de tendance déterministes, en procédant par l’élimination : (i) de la constante (donc des effets individuels par le recours à la méthodologie ERS de (Elliott, Rothenberg, & Stock, 1996)), mais aussi et surtout (ii) du terme d’erreur commun (donc de l'effet temporel) par centrage sur la moyenne individuelle. Nous testons l’hypothèse nulle de présence de racine unitaire (donc de non stationnarité) contre l’hypothèse alternative de stationnarité. Les résultats sont lisibles dans le tableau 3-3. Nous y reportons les statistiques du test CIPS de Pesaran ainsi que ceux des trois tests de Choi (Pm, Z, et L). Les résultats de la deuxième génération de tests de racine unitaire confirment plus ou moins ceux de la première génération. 181 Tableau 3-3 : Résultats des tests de racine unitaire de deuxième génération sur les déterminants de la dette au sein de l’UEMOA. Variables CIPS Choi Pm Niveau Choi Z Choi L CIPS Choi Pm Différence première Choi Z Choi L VAN/X db tr id ∆r EF -2,40 (0,39) -5,71*** (0,01) -2,21 (0,98) 21,72*** (0,00) -2,29 (0,52) -3,33*** (0,01) 3,57*** (0,00) 18,50*** (0,00) -3,52** (0,01) -6,66*** (0,01) 14,60*** (0,00) 21,72*** (0,00) -2,09 (0,75) -3,48*** (0,01) 8,52*** (0,00) 19,72*** (0,00) -5,67*** (0,01) -6,70*** (0,01) 19,84*** (0,00) 21,72*** (0,00) -3,03** (0,02) -5,77*** (0,01) 8,34*** (0,00) 21,72*** (0,00) 3,37 (0,99) -9,83*** (0,00) 3,29 (0,99) -13,43*** (0,00) -1,62** (0,05) -3,69*** (0,00) Note : Nous introduisons des trends et des constantes déterministes individuels pour toutes les variables sauf pour le ratio VAN/X (uniquement valeurs à l'origine). Les ordres de retard appropriés sont déterminés en appliquant des tests de régression ADF complémentaires pour chacune des unités du panel. Nous nous sommes également référés à l'ordre de retard qui minimise le critère de Schwarz. Les conclusions sont robustes aux changements dans les spécifications du modèle. Les valeurs entre parenthèses sont les p-values. Le test CIPS ne permet pas de conclure quant à la stationnarité de la variable ratio de la valeur actualisée nette de dette sur exportations (VAN/X). Il admet cependant la stationnarité en niveau des transferts nets (tr), des variations de réserves (∆r) et de l’écart de financement (EF) tandis que le déficit budgétaire (db) et les investissements directs (id) sont intégrés d’ordre 1 [I(1)]. Les tests de Choi sont compatibles avec ceux de la première génération pour toutes les variables sauf pour la variable (VAN/X). En effet, deux des quatre tests de Choi indiquent que (VAN/X) est I(0) comme toutes les autres variables. Nous pouvons à présent poursuivre notre analyse. 182 3.1.2.2 Résultats et interprétations du modèle d’estimation a) Tests de validité des instruments Nous avons précédemment vu que l'efficacité de l'estimateur des GMM repose sur les hypothèses selon lesquelles : (i) Les termes d'erreur sont non autocorrélés à l’ordre 2. La cohérence des estimateurs exige que les erreurs soient non corrélées sériellement, auquel cas les résidus en différence première devraient afficher une corrélation sérielle de premier ordre négative, mais aucune corrélation sérielle de second ordre. Nous testons l’hypothèse nulle d’absence d’autocorrélation de second ordre des erreurs contre l’hypothèse alternative d’autocorrélation au second ordre. Les résultats sont contenus dans le tableau 3-4. Tableau 3-4 : Résultats des tests de corrélation résiduelle d’Arellano-Bond pour l’estimation du GMM en panel. Arellano-Bond test for AR(1) (en différences premières) z = -2,31 Prob > z = 0,02 Arellano-Bond test for AR(2) (en différences premières) z = 0,56 Prob > z = 0,57 Observations Pays 209 7 F(7, 201) 12,33 Prob > F 0,00 Les résultats des tests d’Arellano-Bond sur la corrélation des résidus permettent de rejeter l’absence d’un effet auto régressif d’ordre 1 (AR(1)) pour les résidus. Par contre, l’hypothèse nulle d’absence d’un effet AR(2) ne peut pas être rejetée. Les résultats des tests de corrélation sont en conformité avec les hypothèses de validation des résultats de l’estimation. 183 (ii) Les instruments sont bien adaptés, c’est-à-dire valides Nous testons l'hypothèse nulle de validité des instruments (ce qui revient à tester l’absence d’autocorrélation des variables instrumentales avec le terme d'erreur). Les résultats contenus dans le tableau 3-5 nous permettent de conclure quant à la validité des variables. Tableau 3-5 : Résultats des tests de sur-identification de Sargan et Hansen pour l’estimation du GMM en panel. Test de Sargan chi 2 (1) = 0.28 Prob > chi2 = 0,60 Test de Hansen chi 2 (1) = 0.31 Prob > chi2 = 0,58 Observations Nombre de pays 207 7 F(7, 199) 12,09 Prob > F 0,00 Source : Calculs de l’auteur. Les tests de Sargan et Hansen valident les choix des instruments car l’hypothèse nulle de validité des instruments ne peut pas être rejetée. En outre, le modèle est globalement significatif car la p-value du test de significativité globale est de 0,00 pour chacun des modèles (Prob > F = 0,00). Il convient à présent d’estimer notre modèle par données de panel. b) Résultats des estimations Il existe deux variantes d'estimateur des GMM en panel dynamique : l'estimateur GMM en différences premières de (Arellano & Bond, 1991) et l'estimateur GMM en système de (Blundell & Bond, 1998). L'estimateur GMM en différences premières de (Arellano & Bond, 1991) consiste à prendre pour chaque période la différence première de l’équation à estimer pour éliminer les effets spécifiques pays, et ensuite à instrumenter les variables explicatives de l’équation en différence première par leurs valeurs en niveau retardées d’une période ou plus. 184 L'estimateur GMM en système de (Blundell & Bond, 1998) combine les équations en différence première avec les équations en niveau dans lesquelles les variables sont instrumentées par leurs différences premières. (Blundell & Bond, 1998) ont montré à l'aide des simulations de Monte-Carlo92 que l'estimateur GMM en système est plus performant que celui en différences premières car ce dernier donne des résultats biaisés dans des échantillons finis lorsque les instruments sont faibles. Le tableau 3-6 présente les résultats des estimations par la méthode des moments généralisés en système. Tableau 3-6 : Résultats des estimations du modèle par la méthode des moments généralisés (GMM) en système : liens entre la VAN de la dette et les composantes de l’écart de financement. 𝑉𝐴𝑁𝑋𝑡−1 𝑋𝑡−1 𝑑𝑏 𝑡𝑟 𝑖𝑑 ∆𝑟 𝛽𝑖 (+) (+) (-) (-) (+) (+/-) Modèle (3.9) Coefficient (p-value) -0,11■ (0,27) 1,49 (0,03) -0,02 (0,01) -14,86 (0,02) 2,11 (0,00) -1,98 (0,00) Modèle (3.11) Coefficient (p-value) -0,22■ (0,00) Variables Signe attendu 𝐸𝐹 𝛽𝑖 ′ (+) (+/-) 0,17 (0,31) 1,48 (0,00) Note : (■) : Estimateur de signe contraire au signe attendu. Soient : 𝑉𝐴𝑁𝑖,𝑡 𝑉𝐴𝑁𝑖,𝑡−1 = −0,11 + 1,49𝑑𝑏𝑖,𝑡 − 0,02𝑡𝑟𝑖,𝑡 − 14,86𝑖𝑑𝑖,𝑡 + 2,11∆𝑟𝑖,𝑡 − 1,98 + 𝜎𝑖,𝑡 𝑋𝑖,𝑡 𝑋𝑖,𝑡−1 (3.9′) et 𝑉𝐴𝑁 𝑉𝐴𝑁 ( ) = −0,22 ( ) + 0,17𝐸𝐹𝑖,𝑡 + 1,48 + 𝜎 ′ 𝑖,𝑡 𝑋 𝑖,𝑡 𝑋 𝑖,𝑡−1 (3.11′) 92 Le terme « Monte Carlo » est employé dans de nombreuses disciplines et fait référence aux procédures où les quantités d'intérêt sont approximées en générant de nombreuses réalisations aléatoires d'un processus stochastiques quelconque et en calculant une moyenne quelconque de leurs valeurs. Le nom de ces méthodes, qui fait allusion aux jeux de hasard pratiqués à Monte-Carlo, a été inventé en 1947 par Nicholas Metropolis, et publié pour la première fois dans un article coécrit avec Stanislaw Ulam (Metropolis & Ulam, 1949). 185 Selon les résultats de l’estimation par GMM en système présentés dans le tableau 3-6 cidessus : - le déficit budgétaire (𝑏𝑑), les variations de réserves (∆𝑟) et la constante 𝛽𝑖 ont un effet positif et significatif sur ( - 𝑉𝐴𝑁𝑡 𝑋𝑡 ); les transferts courants (𝑡𝑟) et les investissements directs étrangers (𝑖𝑑) ont un effet négatif 𝑉𝐴𝑁𝑡 et significatif sur ( 𝑉𝐴𝑁𝑡−1 𝑋𝑡 ); le ratio ( - le ratio ( - l’écart de financements nouveaux (𝐸𝐹) a un effet positif et non significatif sur ( - la constante 𝛽𝑖 ′ a un effet positif et significatif sur ( 𝑋𝑡−1 𝑉𝐴𝑁𝑡−1 𝑋𝑡−1 ) a un effet négatif et non significatif sur ( 𝑉𝐴𝑁𝑡 - ) a un effet négatif et significatif sur ( 𝑉𝐴𝑁𝑡 𝑋𝑡 𝑋𝑡 ) pour le modèle (3.9) ; ) pour le modèle (3.11) ; 𝑉𝐴𝑁𝑡 𝑉𝐴𝑁𝑡 𝑋𝑡 𝑋𝑡 ); ). c) Interprétations des résultats obtenus 1° Le coefficient positif de l’écart de financements nouveaux 𝑬𝑭 nous fait dire que dans l’UEMOA, l’effet des déficits budgétaires et des variations de réserves sur l’évolution du ratio de dette l’emporte sur celui des transferts et des investissements directs. Cependant, au Sénégal, les IDE sont un déterminant très significatif de la croissance, étant donné qu’ils représentent 25% du PIB. Si l’on s’en tient aux résultats de l’étude de (Gbakou, Mustapha, & René, 2008) portant sur 87 PED93 et dans laquelle les auteurs cherchent à vérifier si la stabilité macroéconomique (mesurée par le taux d’inflation) joue un rôle dans l’influence éventuelle des flux de capitaux entrants sur la croissance économique du pays de destinataire, il est démontré que les IDE ont une influence positive sur la croissance du pays en Afrique et en Amérique latine et Caraïbe. A contrario, l’instabilité macroéconomique exerce une influence négative et limite l’effet des 93 87 pays issus de trois zones géographiques: Afrique, Amérique latine/Caraïbes et Asie. Cette relation est testée à la fois globalement sur la totalité de l’échantillon et sur chacun des trois zones géographiques distinctement L’étude s’intéresse à la période 1990 - 2005. 186 IDE dans le seul cas de l’Afrique. Or en Afrique de l’Ouest, certains pays - notamment, le Mali, la Côte d’Ivoire ainsi que le Sénégal et le Burkina-Faso (qui ont connu quelques troubles) - connaissent depuis la décennie dernière des perturbations d’ordre politique qui entraînent souvent une instabilité macroéconomique. Il va de soi que la croissance fut ralentie sur des périodes relativement longues dans l’UEMOA. Ce premier résultat est en adéquation avec notre littérature : un écart de financement positif traduit une augmentation de la dette. Aussi, le déficit budgétaire détermine-t-il, selon la contrainte budgétaire intertemporelle, l’endettement du pays. De plus, un excédent de la balance globale se traduisant par une augmentation des avoirs de réserve qui est enregistrée avec un signe négatif (en débit), les avoirs de réserve enregistrés avec un signe positif (comme l’indique notre estimateur) traduisent un déficit de la balance des paiements. En somme, l’écart de financements nouveaux en UEMOA est caractérisé par des déficits budgétaires importants et des variations de réserves faibles. Il est également constaté à travers nos résultats, que les autres constituants de l’écart de financements que sont la balance des transferts courants et celle des investissements directs étrangers sont si faibles que leurs effets sur le ratio VAN/X se retrouvent « absorbés » par les effets des premiers constituants. Cependant, les résultats indiquent que l’effet de EF sur le ratio de VAN/X n’est pas significatif. Ceci pourrait nous amener à affirmer que l’écart de financement n’est pas significatif dans la détermination de la dette en zone UEMOA, ce qui n’est pourtant pas vrai. Cette ambiguïté trouve surement son explication dans les valeurs estimées des constantes 𝛽𝑖 et 𝛽𝑖 ′ des modèles (3.9) et (3.11). En effet : 2° Nos résultats suggèrent, d’après la significativité des constantes 𝛽𝑖 et 𝛽𝑖 ′ , qu’il existe certainement des variables qui pourraient avoir un effet déterminant sur VAN/X mais qui ne sont pas prises en compte dans nos modèles. En effet, ces constantes représentent ici tous les facteurs environnementaux que nous ne pouvons quantifier, tels que : L’incidence sur la zone UEMOA, de situations politiques qui prévalent (ou prévalaient) dans un pays ou un autre (Côte d’Ivoire, Mali) à une période donnée. Le rôle du dispositif de surveillance régionale face à l’application et au respect des critères de convergence en zone UEMOA. Ce dispositif adopte une attitude qui laisse à désirer mais le problème fondamental réside dans la volonté des États membres à se 187 soumettre à une surveillance rigoureuse et à des sanctions possibles de la part de leurs pairs. La mise en application des directives94 de l’UEMOA sur la gestion des finances publiques nationales qui accuse du retard. la qualité et la disponibilité de l’information qui font défaut dans la zone. Or nous sommes d’accord que sans information, l’élaboration et l’application efficace des politiques nationales et régionales sont vouées à l’échec. 3° Nous constatons également que la valeur retardée du ratio VAN/X a un effet négatif sur sa valeur courante, ce qui veut dire mathématiquement que ce ratio évolue en décroissant. Cela se confirme (depuis 1993) sur la figure 3.2 qui retrace l’évolution de ce ratio sur la période 1975-2011. Ce résultat estimatif s’explique par le fait qu’en plus du caractère fortement concessionnel de la dette en zone UEMOA, les remises de dette dues à l’initiative PPTE aurait pu avoir un impact positif sur la solvabilité des pays de l’UEMOA et donc sur la soutenabilité de la dette [d’où la significativité de cet estimateur pour le modèle (3.11)]. Mais cette impression se transforme très vite en illusion dès l’instant où les ressources ne sont pas assez suffisantes pour couvrir les dépenses liées au service de la dette [non significativité de l’estimateur pour le modèle (3.9)]. En effet, comme vu en introduction, la crise de la dette est due à l’augmentation de la dette conjuguée à la baisse des recettes. Et nous constatons, malgré une baisse du ratio VAN/X de l’UEMOA, que le solde budgétaire est toujours négatif (figure 3.3). Il s’impose alors un accroissement des ressources budgétaires des pays de l’Union. 94 Les directives de l’UEMOA harmonisent les règles régissant préparation, soumission, approbation, exécution et contrôle du budget, tout en encouragent une gestion efficace et transparente des finances publiques dans tous les pays de l’Union. 188 Figure 3-2 : Evolution du ratio de valeur actualisée de la dette par rapport aux exportations dans l’UEMOA, sur la période 1975 – 2011 6 5 4 3 2 1 0 Source : réalisé par l’auteure. Figure 3-3 : Evolutions comparées du ratio de valeur actualisée nette de la dette par rapport aux exportations (VAN/X) et du solde budgétaire de base en pourcentage du PIB, 2001 – 2011 VAN de dette sur Exportations Solde budgétaire de base/PIB 4 3 2 1 0 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 -1 -2 -3 Source : réalisé par l’auteure. Ces premiers résultats obtenus après les estimations économétriques par GMM en système indiquent que l’évolution du ratio de la dette sur exportations de la zone l’UEMOA est assujettie à une amélioration de la politique budgétaire dans son ensemble et ce, par deux points très important que sont le financement du déficit commercial et l’augmentation des avoirs de réserves des pays de l’Union, laquelle augmentation passe par un accroissement des exportations relativement aux importations (de sorte à cumuler assez de réserves étrangères). 189 L’objectif de cette section a consisté à établir le lien entre la variation de la dette et celle de ses principales composantes, afin d’avoir idée de son évolution. Le modèle développé par (Bikas & Daseking, 2006) a été à la base de notre démonstration. Ces auteurs, dans le but d’analyser les voies qui ont mené à l’accumulation ou la réduction de la dette par le passé, font une exploration empirique et historique de la dynamique de l’endettement dans les pays à faible revenu. Ils se fixent, pour se faire, des cibles (de VAN de la dette) à atteindre et procèdent par des simulations pour déterminer les grandeurs macroéconomiques nécessaires à la réalisation des objectifs assignés. Inversement, nous avons voulu voir, par le biais de modèles économétriques, le comportement de la « VAN de la dette » suite aux variations de ses composantes principales, ce qui nous a permis de conclure que les variations de réserves, mais surtout les déficits budgétaires sont à la base de l’endettement massif des pays de l’UEMOA. Ainsi, en accord avec l’assertion de Bikas et Daseking, nous déduisons que si les pays de l’UEMOA veulent atteindre l’objectif de développement sans nuire à la viabilité de la dette engendrée par l’initiative PPTE et l’IADM, ils doivent dégager des financements concentrés afin de combler leurs déficits budgétaires. La section suivante est consacrée à l’étude de ce financement du déficit. 3.2 Ajustement budgétaire souhaitable (ABS) pour une soutenabilité de la dette : Cas de l’UEMOA Après avoir présenté au chapitre 2 de la présente thèse, l'analyse des caractéristiques globales du déficit budgétaire des pays de l'UEMOA, nous abordons ici ses fondements théoriques et ceux de la soutenabilité. Par la suite, après un examen des indicateurs opérationnels de la soutenabilité, nous procédons dans cette section, à l'analyse du lien entre le déficit primaire et les variables macroéconomiques, financières et structurelles susceptibles d'influer sur son évolution. Dans la section précédente, nous avons analysé la soutenabilité à partir de l’équilibre de la balance des paiements et avons donc considéré le cadre national. 190 Dans cette section, nous analysons la soutenabilité sur la base de la contrainte budgétaire intertemporelle de l’Etat qui stipule que « le déficit budgétaire doit être financé par emprunts ». Nous nous situons alors dans le contexte international qui, de ce fait, prend en compte le taux de change dans la formulation de notre modèle d’analyse. En matière d'étude des déficits budgétaires, nous citons les travaux pionniers de (Anand & Van Wijnbergen, 1988) et de (Budina & Van Wijnbergen, 2001). L'originalité de ces travaux réside dans l'étude de la relation entre la politique budgétaire et les différents objectifs de la politique macroéconomique. Ces auteurs montrent qu’en présence de différents objectifs macroéconomiques tels que la lutte contre l'inflation, les différentes sources de financement du déficit budgétaire deviennent interdépendantes et déterminent le niveau du déficit primaire qui peut être financé. Si le montant de ce déficit est inférieur au déficit primaire réalisé effectivement, deux impératifs sont nécessaires : soit un ajustement de la position budgétaire est requis, soit une révision des autres objectifs doit être faite. Nous centrons notre analyse sur leur modèle. Cependant, le déficit budgétaire étant engendré par les dépenses publiques, nous ne pouvons mener à terme notre recherche sans avoir idée de ce représente cette variable macroéconomique. Pour ainsi dire, il s’impose à nous une étude empirique, et du déficit budgétaire, et du déficit. 3.2.1 Formulation du modèle : Analyses empiriques des dépenses publiques et du déficit primaire 3.2.1.1 Analyse empirique des dépenses publiques Dans son analyse des dépenses publiques à travers ce qu’il appelle le modèle « SolowRamsey »95, (Darreau, 2002) tient compte du fait que dans les économies, une partie de la production est achetée par le gouvernement. Ces dépenses se composent approximativement de deux parties : une partie consiste en transferts de revenus ; l'autre en investissements 95 Terme employé par (Darreau, 2002) pour identifier le modèle néoclassique. 191 publics et en dépenses en biens et services. C’est surtout à cette dernière catégorie de dépenses en biens publics qu’est consacrée cette partie de notre thèse. Dans le modèle néoclassique, les dépenses du gouvernement se substituent aux dépenses privées, elles n'ont aucune influence sur l'allocation des ressources, et sur la croissance non plus. Seul leur mode de financement peut perturber l'allocation optimale, selon que l'impôt provoque ou non des distorsions. Cependant, le financement par endettement n'a aucune influence sur l'économie lorsque la dette est soutenable. Ce point fait l'objet de la présente partie. Dans la théorie de la croissance endogène par contre, les dépenses du gouvernement peuvent, lorsqu'elles sont productives, agir positivement sur les niveaux des variables et sur le taux de croissance de l'économie. Mais le financement de ces dépenses agit, bien entendu, négativement sur les niveaux et le taux de croissance. Il en résulte alors un niveau optimal de ces dépenses. Nous examinons, dans le cadre du modèle néoclassique, la question relative à la soutenabilité de la dette publique. Nous avons vu au chapitre premier que le déficit budgétaire se définit comme la somme du déficit primaire de l'année (Gt − R t ) et de la charge d'intérêts dus sur l'encours de la dette à la fin de l'année précédente (𝑟Bt−1 ). A l’instant t, le déficit public s’écrit donc: 𝑑𝑏 ⏟ = 𝑑é𝑓𝑖𝑐𝑖𝑡 𝑏𝑢𝑑𝑔é𝑡𝑎𝑖𝑟𝑒 𝑟𝐵 ⏟ 𝑡−1 𝑐ℎ𝑎𝑟𝑔𝑒 𝑑′ 𝑖𝑛𝑡é𝑟ê𝑡𝑠 𝑠𝑢𝑟 + 𝑙𝑎 𝑑𝑒𝑡𝑡𝑒 (𝐺 ⏟ 𝑡 − 𝑅𝑡 ) (3.12) 𝑑é𝑓𝑖𝑐𝑖𝑡 𝑝𝑟𝑖𝑚𝑎𝑖𝑟𝑒 où 𝑅𝑡 , 𝐺𝑡 et 𝑟 représentent respectivement les recettes totales, les dépenses publiques et le taux d’intérêt de la dette. L’équation (3.12) nous permet d’affirmer que le déficit primaire est un instrument de politique conjoncturelle qui est donc soumis à la contrainte d'endettement de l'État. L'État peut, certes, financer son endettement (principal et intérêt) par les impôts, mais il existe des résistances à la montée de la pression fiscale, d'autant plus, lorsque celle-ci est jugée élevée. L'État est soumis à une contrainte budgétaire intertemporelle qui se traduit par le critère de soutenabilité de la dette publique qui impose que le ratio d'endettement (𝑏 = 𝐵⁄𝑌) ne soit pas croissant (∆𝑏 = 0). 192 Nous avons également vu, au chapitre premier, que si l'État finance son déficit par l'endettement, la variation de la dette (∆𝐵) est donné par l’équation: ∆𝐵 = 𝑟𝐵 + (𝐺 − 𝑅) Par la suite, notre raisonnement mathématique nous avait conduit à l’équation suivante96 : 𝐵𝑡 𝐵𝑡−1 𝑟 − 𝑔 𝐵𝑡−1 (𝑅𝑡 − 𝐺𝑡 ) − =( ) − 𝑌𝑡 𝑌𝑡−1 1 + 𝑔 𝑌𝑡−1 𝑌𝑡 Où (𝑔) représente le taux de croissance (considéré constant) de l’économie, donc du PIB, ici représenté par (Y). De cette égalité, nous déduisons après avoir remplacé le ratio de solde 𝑅𝑡 −𝐺𝑡 primaire sur PIB ( 𝑌𝑡 ) par (𝑠𝑝) , que : 𝐵𝑡 𝐵𝑡−1 𝑟 − 𝑔 𝐵𝑡−1 − =( ) − (𝑠𝑝) 𝑌𝑡 𝑌𝑡−1 1 + 𝑔 𝑌𝑡−1 (3.13) Dans l’équation (3.13), la variation de dette sur PIB est exprimée à partir du ratio 𝐵 𝐵 initial ( 𝑌𝑡−1 ), mais pourrait également s’exprimer par le ratio de dette à l’instant t ( 𝑌𝑡 ) : 𝑡−1 𝑡 Puisque 𝑌𝑡 = (1 + 𝑔)𝑌𝑡−1 et 𝐵𝑡 = (1 + 𝑟)𝐵𝑡−1 , nous pouvons écrire : 𝐵𝑡 𝐵𝑡−1 𝑟 − 𝑔 𝐵𝑡 1 + 𝑔 (𝑅𝑡 − 𝐺𝑡 ) − =( ) − 𝑌𝑡 𝑌𝑡−1 1 + 𝑔 1 + 𝑟 𝑌𝑡 𝑌𝑡 (3.14) 𝐵 𝑟 − 𝑔 𝐵𝑡 (𝑅𝑡 − 𝐺𝑡 ) ∆( ) = ( ) − 𝑌 1 + 𝑟 𝑌𝑡 𝑌𝑡 (3.15) L’équation (3.13) implique que la hausse du ratio de la dette sera d’autant plus importante que le taux de croissance de l’économie sera faible ; et que seront élevés le taux d’intérêt réel, le ratio initial de la dette et le ratio de déficit primaire sur PIB. Un Etat voulant stabiliser son ratio dette sur PIB doit donc en avoir une variation nulle, ce qui implique : 𝐵 𝑟−𝑔 𝐵 [∆ ( ) = 0] ⇔ 𝑠𝑝 = ( )( ) 𝑌 𝑡 1 + 𝑔 𝑌 𝑡−1 96 (3.16) Voir équation (1.13) au chapitre 1. 193 D’après l’expression (3.16) : Si le taux d'intérêt réel de la dette est supérieur au taux de croissance de l’Economie (𝑟 > 𝑔), le ratio d'endettement croît constamment : c'est l'effet boule de neige ; la dynamique de la dette est alors explosive et la dette publique, insoutenable. Dans ce cas, un excédent budgétaire primaire (EP) est indispensable à la stabilisation du ratio et cet excédent primaire dépend du 𝑟−𝑔 niveau où l'on veut stabiliser le taux d'endettement : 𝑟−𝑔 [(1+𝑔) 𝑏𝑡−1 ou (1+𝑟 ) 𝑏𝑡 ] (70% pour l’UEMOA). Plus le stock initial de dette sur PIB est élevé, plus l'excédent primaire indispensable pour stabiliser le ratio d’endettement est important, ce qui rend plus difficile cette, et nécessite donc assez d’efforts budgétaires. Par contre, si le taux d'intérêt réel de la dette est inférieur au taux de croissance du PIB (𝑟 < 𝑔), la dynamique de la dette est alors stable. Un déficit primaire (DP) est, dans ce cas, permis et l'excédent primaire indispensable à la stabilisation du ratio de dette sur PIB est moins important, voire nul. En résumé, la dette publique doit avoir pour contrepartie les excédents primaires futurs. Cela se traduit de façon schématique par les graphiques 3-4 et 3-5. Sur ces graphiques : l'axe horizontal représente les différentes positions de solde public primaire - depuis le déficit jusqu'à l'excédent primaire - que le gouvernement peut viser à un instant t ; l'axe vertical représente la variation du ratio dette sur PIB (B/PIB) à la même période. Chaque niveau de solde public primaire peut être projeté sur l'axe vertical et déterminer ainsi la variation du niveau de ratio B/PIB correspondante. A l'origine, nous considérons que le solde public primaire est égal à zéro et que le ratio B/PIB initial est déterminé par le 𝐵 ratio de la période précédente ( 𝑌𝑡−1 ). Etant donné qu'à l'intersection des deux axes, la 𝑡−1 valeur du ratio est égale à celle de la période précédente, chaque distance verticale par B rapport à l'origine représente la variation du ratio [∆ (Y)]. La droite oblique (AA’) permet d’établir un lien entre le solde public de la période (t) et son impact sur la variation du ratio B/PIB pour un taux d'intérêt et un taux de croissance 𝑟−𝑔 𝐵 donnés. Cette droite coupe l'axe vertical en [(1+𝑔) 𝑌𝑡−1 ]. Nous pouvons remarquer que la 𝑡−1 pente négative de cette droite est obtenue en différenciant l'équation (3.13). 194 Figure 3-4 : Comportement des ratios d’endettement et de solde primaire dans le cas de taux d’intérêt de la dette supérieur au taux de croissance : 𝑟 > 𝑔 A Figure 3-5 : Comportement des ratios d’endettement et de solde primaire dans le cas de taux d’intérêt de la dette inférieur au taux de croissance : 𝑟 < 𝑔 B/PIB B/PIB 𝐵 𝑑 ( ) 𝑌 𝑡 ( A 𝑩𝒕−𝟏 𝟏+𝒈 𝒀𝒕−𝟏 𝒓−𝒈 ) 𝐵 𝑑 𝑌 𝑡 ( ) 𝑠𝑝 Déficit primaire 𝐵0 (DP) 𝑌0 = 𝐵𝑡−1 𝑌𝑡−1 (DP) Excédent primaire (EP) 𝑠𝑝 (EP) 𝐵0 Déficit primaire 𝐵 𝑒 𝑌 𝑡 𝑌0 ( ( ) 𝒓−𝒈 𝟏+𝒈 ) = 𝐵𝑡−1 𝑌𝑡−1 Excédent primaire 𝑩𝒕−𝟏 𝒀𝒕−𝟏 𝐵 𝑒 𝑌 𝑡 ( ) A’ B/PIB B/PIB A’ 195 Graphique 3-4 : 𝒓 > 𝒈 A l’instant (t) 𝑑 𝐵 Tout déficit primaire 𝐷𝑃𝑡 augmente le ratio d'endettement d'une valeur (𝑌 ) . 𝑡 𝑒 𝐵 Tout excédent primaire 𝐸𝑃𝑡 diminue le ratio d’endettement d'une valeur (𝑌 ) . 𝑡 Entre l'origine et le point (sp) point d'intersection de la droite (AA’) avec l'axe horizontal Tout excédent primaire d'une valeur comprise dans cet intervalle fait diminuer le ratio B/PIB. Cet excédent primaire reste tout de même insuffisant devant la grande supériorité du taux d'intérêt réel de la dette par rapport au taux de croissance de l’économie. En effet, plus l'écart entre les deux taux est grand, plus l'excédent primaire (𝑠𝑝) indispensable à la stabilisation du ratio B/PIB est élevé car la droite (AA’) se déplace de plus en plus parallèlement vers le haut. Graphique 3-5 : 𝒓 < 𝒈 A l’instant (t) 𝑑 𝐵 Tout déficit primaire 𝐷𝑃𝑡 augmente le ratio d'endettement d'une valeur (𝑌 ) . 𝑡 𝑒 𝐵 Tout excédent primaire 𝐸𝑃𝑡 diminue le ratio d’endettement d'une valeur (𝑌 ) 𝑡 . Entre l'origine et le point (sp), point d'intersection de la droite (AA’) avec l'axe horizontal Tout déficit primaire d'une valeur comprise dans cet intervalle entraîne une réduction du ratio B/PIB. Toutefois, ce déficit primaire reste impuissant devant la supériorité du taux de croissance par rapport au taux d'intérêt de la dette. En effet, plus l'écart entre les deux taux est grand, plus le déficit primaire (𝑠𝑝) admissible pour garantir la stabilité du ratio B/PIB est élevé (en valeur absolue) car la droite (AA’) se déplace de plus en plus parallèlement vers le bas. 196 Nous avons ainsi vu que la maîtrise de l'évolution du ratio d’endettement nécessite une maîtrise de l'écart entre le taux d'intérêt de la dette et le taux de croissance. Aussi, un déficit primaire n'engendre-t-il pas forcément un accroissement de l'endettement tant que le taux de croissance est supérieur au taux d'intérêt. Par ailleurs, il se peut que l’économie se trouve dans une situation déficit primaire persistant. 3.2.1.2 Analyse empirique du déficit primaire (Anand & Van Wijnbergen, 1988), en étudiant la dette extérieure et la réforme du secteur financier en Turquie, présentent et appliquent un cadre approprié pour évaluer la relation entre les déficits budgétaires et certains objectifs macroéconomiques, tels que la croissance de la production et du taux d'inflation. Le modèle se centre autour de la contrainte budgétaire du gouvernement et peut être utilisé, soit pour déterminer le déficit finançable étant donné des objectifs d'inflation, soit pour obtenir un taux d'inflation d'équilibre pour lequel aucun ajustement budgétaire ne serait nécessaire. (Budina & Van Wijnbergen, 2001) analysent la relation entre les déficits budgétaires et les objectifs d'inflation, et évaluent les politiques de gestion de la dette intérieure et extérieure de la Pologne et les répercussions de l’accord (Brady) de réduction de la dette sur la relation entre les déficits budgétaires et l'inflation. Ces auteurs évaluent également l'impact des mesures du secteur financier sur les recettes du seigneuriage et la de la stratégie de baisse de l’inflation à un niveau soutenable. Ces politiques se révèlent avoir un impact direct sur la viabilité des cibles d'inflation. En partant de la contrainte budgétaire de l’Etat à laquelle font face la plupart des pays en développement, et par ricochet les pays de la zone UEMOA : le déficit budgétaire, qui est la somme du déficit primaire et des paiements d’intérêts sur la dette, doit être financé par emprunt, le financement monétaire étant exclu : 𝐷 + 𝑖(𝐸𝐵) = 𝐸. ∆𝐵 où : (3.17) 𝐷 est le déficit primaire, 𝐵 le stock de la dette extérieure de l’Etat en fin de période, 197 𝑖 le taux d’intérêt de la dette extérieure et 𝐸 le taux de change nominal. En termes réels (en divisant par le niveau général des prix 𝑃), en notant par les lettres minuscules les variables ainsi obtenues (𝑏 = 𝐸𝐵/𝑃, 𝑑 = 𝐷/𝑃), et sachant après certaines transformations97 que : 𝐸∆𝐵⁄𝑃 = ∆𝑏 + (𝜋 − 𝜀 )𝑏, l’équation (3.17) peut s’exprimer de la façon suivante : 𝑑 + 𝑖𝑏 = ∆𝑏 + (𝜋 − 𝜀)𝑏 (3.18) ou encore 𝑑 + (𝑖 − 𝜋 + 𝜀)𝑏 = ∆𝑏 Où : (3.18𝑏𝑖𝑠) 𝑑 est le déficit primaire réel ; 𝑏 la valeur réelle de la dette publique externe ; 𝜀 le taux de dépréciation du taux de change réel et 𝜋 le taux d’inflation. Désignons par 𝑟 le taux d’intérêt réel de la dette ainsi formulé : 𝑟 = 𝑖 − 𝜋. L’équation (3.18bis) devient alors : 𝑑 + (𝑟 + 𝜀)𝑏 = ∆𝑏 (3.19) L’équation (3.19) montre que le déficit budgétaire réel du secteur public est égal à la variation de la dette réelle. En divisant les variables par 𝑦 qui représente le niveau de la production réelle (𝑦 = 𝑌⁄𝑃), l’équation (3.19) peut être reformulée de la façon suivante : 𝑑 𝑏 ∆𝑏 + (𝑟 + 𝜀) ( ) = 𝑦 𝑦 𝑦 97 (3.20) L'ensemble des démonstrations détaillées sont faites dans les travaux de (Buiter & Trippe, 1993). 198 Pour tenir compte du contexte international et donc des relations avec l’extérieur, nous tenons compte dans la suite de notre raisonnement, de la variation des exportations et partant, du taux de croissance des exportations. Ainsi, si nous définissons 𝜌 = 𝑏/𝑥 avec 𝑥 le niveau des exportations, et en désignant par 𝜇 le taux de croissance des exportations (𝜇 = ∆𝑥 𝑥 ), nous pouvons écrire : 𝑏 = 𝜌𝑥 (3.21) ∆𝑏 ∆(𝜌𝑥) = 𝑥 𝑥 (3.22) ∆𝑏 ∆𝜌 ∆𝑥 =𝑥 +𝜌 𝑥 𝑥 𝑥 (3.23) ∆𝑏 = ∆𝜌 + 𝜌𝜇 𝑥 (3.24) ∆𝑏 ∆𝑏 𝑥 𝑥 = = (∆𝜌 + 𝜌𝜇) 𝑦 𝑥 𝑦 𝑦 (3.25) D’où : En combinant les équations (3.20) et (3.25), nous obtenons : 𝑑 𝑥𝜌 𝑥 + (𝑟 + 𝜀). = (∆𝜌 + 𝜌𝜇) 𝑦 𝑦 𝑦 (3.26) Le déficit budgétaire primaire se déduit de l’équation (3.26) : 𝑑 𝑥 𝑥 = ∆𝜌 + 𝜌(𝜇 − 𝑟 − 𝜀) 𝑦 𝑦 𝑦 (3.27) L’équation (3.27) traduit de façon instantanée le respect de la contrainte budgétaire de l’Etat ; c’est une contrainte de court terme. Elle dépend de plusieurs facteurs concernant les fondamentaux de l’économie : le stock existant de la dette publique (puisque 𝜌 = 𝑏/𝑥), le 199 taux d’intérêt réel de la dette publique, le ratio des exportations dans le PIB, le taux de croissance des exportations98, et le taux de dépréciation du taux de change réel. Si nous définissons maintenant la condition de soutenabilité de la politique budgétaire comme étant celle de la stabilité du ratio du stock de la dette publique, c’est à dire que : [∆𝜌 = 0], nous obtenons à partir des équations (3.21) et (3.27) : 𝑑 𝑥 𝑏 = 𝜌(𝜇 − 𝑟 − 𝜀) = [𝜇 − (𝑟 + 𝜀)] 𝑦 𝑦 𝑦 (3.28) L’expression (3.28) stipule que le déficit budgétaire primaire peut être financé par l’emprunt externe lorsque le taux de croissance des exportations est supérieur au taux d’intérêt réel international de la dette publique extérieure augmenté du taux de dépréciation du taux de change réel (𝜇 > 𝑟 + 𝜀). 𝑑 Si nous désignons par (– 𝑦 ) le solde primaire (exprimé en pourcentage du PIB) nécessaire pour stabiliser le ratio d’endettement extérieur à un niveau soutenable (de la dette publique extérieure) et que nous l’appelons solde primaire soutenable (𝑆𝑃𝑆), nous obtenons alors : 𝑆𝑃𝑆 = 𝑥 𝜌(𝑟 + 𝜀 − 𝜇) 𝑦 (3.29) Or 𝜌 = 𝑏/𝑥 . L’équation (3.29) devient alors : 𝑆𝑃𝑆 = 𝑏 (𝑟 + 𝜀 − 𝜇) 𝑦 (3.30) Sachant que 𝑏 = 𝐵/𝑃 et que 𝑦 = 𝑌/𝑃, nous obtenons finalement : 𝑆𝑃𝑆 = 𝐵 (𝑟 + 𝜀 − 𝜇) 𝑌 (3.31) Cette équation constitue la condition nécessaire pour stabiliser le ratio d’endettement dans des proportions soutenables. Cependant, cette condition n’est pas suffisante pour rendre la dette soutenable. 98 En Economie ouverte et dans notre cas d’étude de la dette externe, le taux de croissance du PIB est représenté par le taux de croissance des exportations. 200 En effet, si le ratio est trop élevé, il ne suffit pas de le stabiliser, il faut plutôt chercher à le réduire ; l’ajustement budgétaire est souhaitable dans ce cas. Pour se faire, le solde primaire soutenable doit être comparé avec le niveau réalisé du solde primaire, lequel solde primaire est déterminé en excluant du solde budgétaire les paiements d’intérêts liés, tant à la dette interne qu’à la dette externe99. Or jusqu’à présent, nous n’avons considéré que la dette publique extérieure. C’est pourquoi il nous est indispensable de considérer, à cette étape de notre raisonnement, la dette publique intérieure aussi. En partant de l’équation(3.31), exprimons le solde primaire nécessaire pour stabiliser le ratio d’endettement publique intérieure : il s’exprime à partir de la dette publique intérieure, du taux d’intérêt réel domestique (appliquée à la dette intérieure) et du taux de croissance du produit intérieur brut100 (PIB). Le taux d’intérêt réel de la dette intérieure n’étant pas dépendant du taux de change nominal, le taux de dépréciation du taux de change réel est ici égal à zéro (𝜀 = 0), d’où : 𝑆𝑃𝑆′ = 𝐵′ (𝑟′ − 𝑔) 𝑌 (3.32) Avec : 𝑆𝑃𝑆 ′ = solde primaire nécessaire pour stabiliser le ratio de la dette publique intérieure rapporté au PIB ; 𝐵 ′ = dette publique interne ; 𝑟 ′ = taux d’intérêt réel domestique ; 𝑔 = taux de croissance du PIB (ou taux de croissance de l’économie). Le niveau de solde primaire soutenable est finalement défini par l’équation (3.33) suivante : 𝑆𝑃𝑆 ∗ = 𝑆𝑃𝑆 + 𝑆𝑃𝑆 ′ (3.33) 99 Le solde primaire est la différence entre les recettes totales et les dépenses intérieures totales hors paiements d’intérêts. En effet, les paiements d’intérêts ne peuvent pas être modifiés à court terme du fait que l’encours de la dette est constant durant l’exercice de la dette. Il s’agit d’une dépense non discrétionnaire. Solde primaire = recettes totales hors dons (recettes fiscales et non fiscales) – dépenses courantes (hors intérêts) – dépenses en capital sur ressources intérieures. 100 En Economie fermée et dans notre cas d’étude de la dette interne, le taux de croissance du PIB remplace le taux de croissance des exportations préalablement utilisé pour la dette externe. 201 D’où : 𝑆𝑃𝑆 ∗ = 𝐵 𝐵′ (𝑟 + 𝜀 − 𝜇) + (𝑟′ − 𝑔) 𝑌 𝑌 (3.34) où (pour rappel) 𝐵 et 𝐵′ représentent respectivement les stocks courants de la dette publique extérieure et intérieure. D’après l’équation (3.34), il existe deux possibilités de financement du déficit budgétaire primaire d'une manière soutenable : (i) le financement par la dette domestique si le taux de croissance de l'économie est supérieur au taux d'intérêt réel de la dette publique domestique (𝑔 > 𝑟 ′ ) ; et (ii) le financement par la dette externe lorsque le taux de croissance des exportations est supérieur au taux d'intérêt réel international de la dette publique extérieure, augmenté du taux de dépréciation du taux de change réel (𝜇 > 𝑟 + 𝜀). Cette contrainte est à la fois une condition de soutenabilité et une contrainte de liquidité. Sous contrainte de cette condition, nous définissons l’ajustement budgétaire souhaitable (𝐴𝐵𝑆 ∗ ) à la soutenabilité de la dette publique comme étant le différentiel entre le niveau du solde primaire soutenable (𝑆𝑃𝑆 ∗ ) calculé à partir de l’équation (3.34) et le solde primaire observé (𝑆𝑃𝑂). Ainsi, on a : 𝐴𝐵𝑆 ∗ = 𝑆𝑃𝑆 ∗ − 𝑆𝑃𝑂 (3.35) L’évolution de l’ajustement budgétaire souhaitable (𝐴𝐵𝑆 ∗ ) à la soutenabilité de la dette publique au cours du temps nous indique si la conduite de la politique budgétaire s’achemine vers ou s’éloigne de l’objectif de soutenabilité : une quantité positive de (𝐴𝐵𝑆 ∗ ) indique un besoin d’ajustement alors qu’une quantité négative indique que la dette évolue dans des proportions raisonnables et qu’aucun ajustement budgétaire n’est nécessaire. 202 3.2.2 Application aux pays de l’UEMOA L’avantage de l’expression (3.34) réside dans le caractère observable et identifiable des variables qui la constituent ; son application est instantanée. Cependant, compte tenu de la difficulté de recenser les données utiles à notre analyse sur une période plus longue, l’échantillon retenu pour cette étude de financement des déficits budgétaires des pays de l’UEMOA couvre la période 1985-2012. 3.2.2.1 Les données Notre étude porte sur sept pays de l’UEMOA. Rappelons que pour notre étude, nous avons retenu les pays suivants : le Bénin (BEN), le Burkina Faso (BFA), la Côte d’Ivoire (CIV), le Mali (MLI), le Niger (NER), le Sénégal (SEN), le Togo (TGO). Les séries sont extraites de la base World Development Indicators 2013 de la Banque Mondiale et sont de fréquence annuelle. Pour chaque pays, huit variables agrégées sont retenues : le produit intérieur brut (Y), la dette externe (B), la dette interne (B′), le taux d’intérêt réel étranger (r), le taux d’intérêt réel domestique (r′), le taux de dépréciation du taux de change réel (ε), le taux de croissance de l’économie (g) et le taux de croissance des exportations (μ). Le produit intérieur brut (Y), la dette externe (B) et la dette interne (B′) sont exprimés en dollar courant américain. Le taux de croissance de l’économie (g) et le taux de croissance des exportations (μ) sont exprimés en pourcentage. En ce qui concerne le taux de change réel (TCR), nous avons procédé, à partir de données disponible sur la période étudiée, à la détermination de la variable sur la base des termes de l’échange internes (c’est la définition la plus générale et la plus utilisée en pratique) : TCR 𝑃 = 𝐸 𝑃∗ 𝑃 203 𝑇𝐶𝑅𝑃 = 𝐸 𝑃∗ 𝑃 (3.36) Avec : E : le taux de change nominal (TCN) côté à l’incertain (une unité de monnaie étrangère exprimée en monnaie locale) ; P : l’indice des prix locaux ; P* : l’indice des prix étrangers en monnaie étrangère101. Pour la suite, le taux de dépréciation du taux de change réel (exprimé en pourcentage) se détermine par la relation : 𝜀 = 𝑙𝑛(𝑇𝐶𝑅)𝑡 − 𝑙𝑛(𝑇𝐶𝑅)𝑡−1 (3.37)102 Le taux d’intérêt étranger (respectivement domestique) utilisé pour notre étude est le taux d’intérêt effectif moyen en période t. Il est défini par : les paiements d’intérêts de la dette externe (respectivement interne) sur la période t divisés par le stock de dette à la période précédente. Le taux d’intérêt réel étranger (respectivement domestique) - (exprimé en pourcentage) - sera alors obtenu par : 𝑟 = 𝑖 − 𝜋 (respectivement 𝑟′ = 𝑖′ − 𝜋′) avec 𝜋, le taux d’inflation tel que déterminé par le déflateur du PIB103. Le taux d’inflation étranger (𝜋′) considéré ici est celui du principal partenaire des pays de l’UEMOA, c’est-à-dire la France. 101 L’indice général des prix inclut à la fois les prix des biens échangés (exportables et importables) et les prix des biens non échangés. 102 (Briones, 2001). 103 Le taux d’inflation tel que déterminé par le déflateur du PIB est noté NY.GDP.DEFL.KD.ZG dans la base de données WDI 2012 de la Banque Mondiale. 204 3.2.2.2 Résultats Comme précédemment annoncé : 1) Nous déterminons le surplus primaire soutenable à partir des variables énumérées dans le paragraphe précédent : 𝑆𝑃𝑆 ∗ = 𝐵 𝐵′ (𝑟 + 𝜀 − 𝜇) + (𝑟′ − 𝑔) 𝑌 𝑌 2) Nous définissons par la suite l’ajustement budgétaire souhaitable (ABS) pour assurer la soutenabilité de la dette publique : c’est l’écart entre le niveau du solde primaire soutenable (SPS) calculé et le niveau de solde primaire observé (SPO) : 𝐴𝐵𝑆 ∗ = 𝑆𝑃𝑆 ∗ − 𝑆𝑃𝑂 L’ensemble des résultats est fourni dans les tableaux 3-7 à 3-13. Nous en donnons également une représentation graphique pour chaque pays (figure 3-6 à 3-12). 205 Tableau 3-7 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette au Bénin : 1985-2011 Années 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 ABN (= SPS – SPA) SPS (en% du PIB) SPO (en% du PIB) (en% du PIB) -3,60 -7,73 -6,76 0,48 2,18 -6,62 -1,61 -11,73 2,74 -10,45 -12,65 -8,86 -0,95 -6,50 0,14 -7,87 6,99 -4,78 12,06 -5,53 -12,47 -5,44 12,74 -3,17 -1,79 5,05 -3,51 -4,92 4,12 -1,92 3,95 -0,29 -0,1 -1,08 1,77 -2,39 -1,14 -4,52 -0,77 -3,21 -0,62 -5,01 -0,35 -2,02 -0,37 -0,69 0,06 -3,80 -0,19 -10,24 -0,20 -3,69 -0,39 -3,56 Figure 3-6 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette au Bénin : 1985-2011 2,00E+01 4,13 7,25 8,80 10,11 13,20 -3,79 5,55 8,01 11,77 17,59 -7,03 15,91 -6,84 1,41 6,04 4,24 0,98 4,16 3,38 2,45 4,39 1,67 0,31 3,85 10,05 3,49 3,17 1,50E+01 1,00E+01 5,00E+00 0,00E+00 -5,00E+00 -1,00E+01 206 Tableau 3-8 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette au Burkina-Faso : 1985-2011 Années 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 ABN (= SPS – SPA) SPS (en% du PIB) SPO (en% du PIB) (en% du PIB) 2,01 -1,77 3,78 -4,73 -1,50 -3,23 -1,44 -1,57 0,13 -0,95 -1,89 0,94 3,57 -2,04 5,61 -8,21 -1,86 -6,35 2,14 -0,15 2,29 8,32 -1,91 10,23 -3,9 -3,50 -0,40 11,89 -2,79 14,68 -2,4 -0,93 -1,47 7,29 0,43 6,86 0,09 -0,13 0,22 -18,61 -0,58 -18,03 13,24 -0,71 13,95 12,9 -1,39 14,29 -6,64 -2,17 -4,47 -0,04 -3,97 3,93 -2,37 -5,11 2,74 -1,23 -8,18 6,95 -2,43 -7,80 5,37 -0,95 -9,78 8,84 -0,43 -9,94 9,51 -0,80 -9,57 8,77 -0,39 -12,58 12,19 -1,34 -10,31 8,97 -0,60 -6,08 5,49 Figure 3-7 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette au Burkina-Faso : 1985-2011 2,00E+01 1,50E+01 1,00E+01 5,00E+00 0,00E+00 -5,00E+00 -1,00E+01 -1,50E+01 -2,00E+01 207 Tableau 3-9 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette en Côte d’Ivoire : 1985-2011 Années 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 ABN (= SPS – SPA) SPS (en% du PIB) SPO (en% du PIB) (en% du PIB) -0,48 -6,60 6,12 3,7 -7,80 11,50 26,19 -11,65 37,84 15,09 -17,17 32,26 8,43 -19,89 28,32 12,64 -19,71 32,35 8,82 -22,62 31,44 5,61 -21,21 26,82 92,91 -18,33 111,24 -54,07 -12,90 -41,17 -7,78 -8,98 1,20 4,01 -5,86 9,87 -1,76 -7,96 6,20 4,27 -7,84 12,11 2,48 -6,49 8,97 22,76 -5,51 28,27 1,67 -4,50 6,17 -26,54 -5,14 -21,40 1,84 -2,33 4,17 -1,11 -2,01 0,90 -0,74 -2,05 1,31 -0,41 -2,33 1,92 -0,77 -1,30 0,52 -0,34 -2,00 1,67 -0,79 -1,71 0,93 -0,77 -2,37 1,61 2,34 -4,08 6,42 Figure 3-8 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette en Côte d’Ivoire : 1985-2011 1,20E+02 1,00E+02 8,00E+01 6,00E+01 4,00E+01 2,00E+01 0,00E+00 -2,00E+01 -4,00E+01 -6,00E+01 208 Tableau 3-10 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette au Mali : 1985-2011 Années 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 ABN (= SPS – SPA) SPS (en% du PIB) SPO (en% du PIB) (en% du PIB) 11,54 0,37 11,17 6,17 1,43 4,74 -6,2 -0,10 -6,10 7,76 -0,50 8,26 -6,6 1,37 -7,97 -0,63 1,10 -1,73 -0,02 0,52 -0,54 11,97 -1,57 13,54 7,2 -0,66 7,86 9,84 -3,22 13,06 -9,86 -0,83 -9,03 1,64 1,55 0,09 -39,64 0,11 -39,75 1,18 0,30 0,88 -2,01 0,80 -2,81 9,03 0,81 8,22 -17,58 -3,97 -13,61 -19,17 -3,48 -15,69 -4,09 -2,42 -1,67 -0,80 -2,72 1,92 -2,80 -2,27 -0,53 -1,13 -2,67 1,53 -0,74 -5,55 4,81 -0,79 -2,45 1,66 -0,73 -3,47 2,75 -1,08 -2,97 1,89 -0,36 -4,33 3,97 Figure 3-9 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette au Mali : 1985-2011 2,00E+01 1,00E+01 0,00E+00 -1,00E+01 -2,00E+01 -3,00E+01 -4,00E+01 -5,00E+01 209 Tableau 3-11 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette au Niger : 1985-2011 Années 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 ABN (= SPS – SPA) SPS (en% du PIB) SPO (en% du PIB) (en% du PIB) 10,68 -1,77 12,45 -1,04 -1,89 0,85 1,09 0,65 0,44 12,43 -0,51 12,94 9,04 -1,18 10,22 9,02 -0,44 9,46 9,92 3,14 6,78 0,65 1,96 -1,31 10,03 -1,75 11,78 29,09 -1,83 30,92 -4,28 -1,82 -2,46 0,42 -1,99 2,41 9,31 -2,52 11,83 -7,45 -2,88 -4,57 15,91 -3,84 19,75 0,62 -3,37 3,99 4,47 -3,50 7,97 4,28 -4,10 8,38 -3,18 -4,89 1,71 0,28 -5,35 5,63 -1,95 -6,36 4,41 -0,97 -7,02 6,05 -0,42 -7,40 6,98 -1,11 -5,49 4,38 0,32 -6,49 6,81 -1,14 -7,20 6,06 -0,22 -7,66 7,45 Figure 3-10 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette au Niger : 1985-2011 4,50E+01 4,00E+01 3,50E+01 3,00E+01 2,50E+01 2,00E+01 1,50E+01 1,00E+01 5,00E+00 0,00E+00 -5,00E+00 -1,00E+01 210 Tableau 3-12 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette au Sénégal : 1985-2011 Années 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 ABN (= SPS – SPA) SPS (en% du PIB) SPO (en% du PIB) (en% du PIB) 15,87 0,06 15,81 -11,15 1,17 -12,32 5,97 -3,25 9,22 3,12 -1,90 5,02 0,3 -3,61 3,91 2,49 -2,73 5,22 4,99 -7,19 12,18 8,03 -6,67 14,70 7,04 -19,30 26,34 5,77 -18,75 24,52 -9,38 -12,55 3,17 3,85 -8,79 12,64 3,38 -6,00 9,38 -6 -9,36 3,36 7,99 -6,69 14,68 11,05 -6,02 17,07 1,51 -1,95 3,46 2,01 -2,09 4,10 -2,50 1,74 -4,24 -1,79 1,51 -3,31 -1,66 -3,19 1,53 -0,13 -1,20 1,06 -0,47 -1,67 1,20 -0,32 -2,62 2,29 -0,08 -3,37 3,29 -0,47 -5,80 5,33 0,19 -4,67 4,86 Figure 3-11 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette au Sénégal : 1985-2011 2,00E+01 1,50E+01 1,00E+01 5,00E+00 0,00E+00 -5,00E+00 -1,00E+01 -1,50E+01 211 Tableau 3-13 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette au Togo : 1985-2011 Années 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 ABN (= SPS – SPA) SPS (en% du PIB) SPO (en% du PIB) (en% du PIB) 0,41 0,06 0,35 -3,84 1,17 -5,01 7 -3,25 10,25 -4,01 -1,90 -2,11 12,42 -3,61 16,03 9,06 -2,73 11,79 5,39 -7,19 12,58 17,07 -6,67 23,74 39,09 -19,30 58,39 2,91 -18,75 21,66 -18,82 -12,55 -6,27 -6,1 -8,79 2,69 4,66 -6,00 10,66 -5,88 -9,36 3,48 6,78 -6,69 13,47 20,68 -6,02 26,70 0,63 -1,95 2,58 0,49 -2,09 2,58 -4,13 1,74 -5,86 -1,63 1,51 -3,14 -0,78 -3,19 2,41 -2,63 -1,20 -1,43 -1,39 -1,67 0,28 0,34 -2,62 2,96 -1,12 -3,37 2,24 -1,02 -5,80 4,78 -0,44 -4,67 4,23 Figure 3-12 : Ajustement budgétaire nécessaire à la soutenabilité de la dette au Togo : 1985-2011 7,00E+01 6,00E+01 5,00E+01 4,00E+01 3,00E+01 2,00E+01 1,00E+01 0,00E+00 -1,00E+01 212 Nos résultats permettent de conclure quant à la soutenabilité de la dette dans l’UEMOA sur la période 1985-2011, que cette dernière semble osciller à court terme entre des niveaux soutenables et des niveaux non soutenables. Pour l’ensemble des pays étudiés, sur la période examinée, il est apparu entre 1992 et 1994 des besoins pressants d’un ajustement budgétaire. Ainsi : Au Bénin, le surplus budgétaire nécessaire assurant la soutenabilité de la dette en 1994 était de l’ordre de 12,06% du PIB, alors que l’Etat a enregistré un déficit primaire de l’ordre de – 5,53% du PIB. Le Burkina-Faso enregistre un déficit primaire de l’ordre de –2,79% du PIB en 1994 alors que le surplus budgétaire nécessaire pour assurer la soutenabilité de la dette était de l’ordre de 11,89% du PIB. En ce qui concerne la Côte d’Ivoire, durant l’an 1993, le surplus budgétaire nécessaire assurant la soutenabilité de la dette était de l’ordre de 92,91% du PIB, alors que l’Etat a enregistré un déficit primaire de l’ordre de –18,33% du PIB. Au Mali, le surplus budgétaire nécessaire assurant la soutenabilité de la dette était de l’ordre de 11,97% du PIB en 1992, alors que l’Etat a enregistré un déficit primaire de l’ordre de – 1,57% du PIB. En 1994, le surplus budgétaire nécessaire pour assurer la soutenabilité budgétaire était de l’ordre de 9,84% du PIB, alors que l’Etat a enregistré un déficit primaire de –3,22% du PIB. Pour ce qui est du Niger, en 1994, le surplus budgétaire nécessaire assurant la soutenabilité de la dette était de l’ordre de 29,09% du PIB, alors que l’Etat a enregistré un déficit primaire de l’ordre de –9,82% du PIB. Au Togo, le surplus budgétaire nécessaire assurant la soutenabilité de la politique budgétaire est passé de 17,07% du PIB en 1992 à 39,09% en 1993, alors que l’Etat a enregistré respectivement un déficit primaire de l’ordre de –6,67% et 19,30% du PIB. Ces besoins pressants d’ajustement budgétaire entre 1992 et 1994 sont le résultat d’une conjoncture internationale défavorable. En revanche, l’ensemble des pays étudiés a enregistré les niveaux les surplus primaires les plus soutenables entre 1995 et 1998. Ainsi, le Bénin aurait même été autorisé à subir un 213 déficit budgétaire primaire de l’ordre de 12,47% du PIB en 1995 ; le Burkina-Faso, un déficit budgétaire primaire de l’ordre de 18,61% du PIB en 1998 ; la Côte d’Ivoire, un déficit budgétaire primaire de 54,07% du PIB en 1994 et de 7,78% en 1995 ; le Mali, un déficit de 9,86% en 1995 et de 39,64% en 1997 ; le Niger, un déficit budgétaire primaire de l’ordre de 4,28% du PIB en 1995 et de l’ordre de 7,98% en 1998. Le Sénégal aurait été autorisé à subir un déficit budgétaire primaire de l’ordre de 9,38% du PIB en 1995 et de 6% en 1998. Quant au Togo, des déficits budgétaires primaires de l’ordre de 18,82% et 6,10% du PIB auraient été respectivement autorisés en 1995 et en 1996. Ceci est le résultat des très forts taux de croissance du PIB (g) enregistrés cette période-là comparativement à la récession des années qui ont précédé. Après 1994, la hausse des recettes publiques en provenance des exportations due au réajustement du taux de change a aussi, semble-t-il, contribué à la détente de la contrainte financière des pays de l’UEMOA. Aussi, force est de constater que depuis 2005, la conjoncture économique est de plus en plus favorable à une soutenabilité budgétaire en UEMOA. Cela pourrait s’expliquer par l’arrivée aux points de décision et d’achèvement de l’initiative PPTE des pays de l’UEMOA. Par ailleurs, pour la plupart des pays étudiés (Burkina-Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Sénégal, Togo), l’étude de la relation entre le besoin d’ajustement et la part des dépenses publiques dans le PIB, telle que présentée dans les graphiques 3-11 à 3-15, nous révèle un constat saisissant. En effet, les courbes de tendance nous permettent d’affirmer que la relation entre la soutenabilité de la dette et l’évolution de la part des dépenses publiques dans le PIB est inverse : plus la part des dépenses publiques dans le PIB est importante, plus l’ajustement budgétaire requis augmente, et moins est soutenable la politique budgétaire. Plus cette part diminue ; plus le besoin d’ajustement diminue, et plus soutenable sera la politique budgétaire. Ce constat témoigne de la nécessité : soit de réduire les dépenses publiques. Ainsi, la maîtrise, et par-delà la baisse des dépenses publiques deviennent un impératif absolu pour la soutenabilité de la dette dans l’UEMOA. soit d’augmenter les recettes publiques. 214 Figure 3-13 : Ajustement budgétaire nécessaire et dépenses publiques au Burkina-Faso 3,00E+01 2,50E+01 2,00E+01 1,50E+01 1,00E+01 5,00E+00 0,00E+00 -5,00E+00 -1,00E+01 -1,50E+01 -2,00E+01 -2,50E+01 Ajustement budgétaire nécessaire en % de PIB dépenses publiques en % de PIB Linéaire (Ajustement budgétaire nécessaire en % de PIB) Linéaire (dépenses publiques en % de PIB) Figure 3-14 : Ajustement budgétaire nécessaire et dépenses publiques en Côte d’Ivoire 1,20E+02 1,00E+02 8,00E+01 6,00E+01 4,00E+01 2,00E+01 0,00E+00 -2,00E+01 -4,00E+01 -6,00E+01 Ajustement budgétaire nécessaire en % de PIB dépenses publiques en % de PIB Linéaire (Ajustement budgétaire nécessaire en % de PIB) Linéaire (dépenses publiques en % de PIB) 215 Figure 3-15 : Ajustement budgétaire nécessaire et dépenses publiques au Mali 4,00E+01 3,00E+01 2,00E+01 1,00E+01 0,00E+00 -1,00E+01 -2,00E+01 -3,00E+01 -4,00E+01 -5,00E+01 Ajustement budgétaire nécessaire en % de PIB dépenses publiques en % de PIB Linéaire (Ajustement budgétaire nécessaire en % de PIB) Linéaire (dépenses publiques en % de PIB) Figure 3-16 : Ajustement budgétaire nécessaire et dépenses publiques au Sénégal 3,50E+01 3,00E+01 2,50E+01 2,00E+01 1,50E+01 1,00E+01 5,00E+00 0,00E+00 -5,00E+00 -1,00E+01 -1,50E+01 Ajustement budgétaire nécessaire en % de PIB dépenses publiques en % de PIB Linéaire (Ajustement budgétaire nécessaire en % de PIB) Linéaire (dépenses publiques en % de PIB) 216 Figure 3-17 : Ajustement budgétaire nécessaire et dépenses publiques au Togo 7,00E+01 6,00E+01 5,00E+01 4,00E+01 3,00E+01 2,00E+01 1,00E+01 0,00E+00 -1,00E+01 Ajustement budgétaire nécessaire en % de PIB dépenses publiques en % de PIB Linéaire (Ajustement budgétaire nécessaire en % de PIB) Linéaire (dépenses publiques en % de PIB) D’après les résultats obtenus, l’écart entre le déficit primaire réalisé par les pays étudiés et le solde primaire souhaitable pour assurer la soutenabilité de leurs dettes, nous permet de conclure que la politique budgétaire paraît non soutenable pour la zone UEMOA, et nécessite des ajustements budgétaires au sein de chaque pays. Cependant, l’ampleur de cet ajustement nécessaire à la soutenabilité a tendance à décroitre, surement grâce aux effets des mesures d’allègement de la dette entreprises dans la Zone. Toutefois, ce constat nous conduit à préconiser une stratégie de réduction des dépenses publiques. Mais il est à craindre que les investissements publics ne subissent en priorité les frais de la réduction des dépenses publiques, face à d'autres catégories de dépenses peu (ou moins) utiles mais qui apparaissent comme incompressibles, hypothéquant ainsi les perspectives futures de croissance. Ou bien que l’objectif impératif de réduction du déficit budgétaire ne conduise à une augmentation accrue des impôts, aggravant ainsi le poids de la fiscalité sur l'activité du secteur privé. 217 Conclusion Tout au long de ce chapitre, nous avons présenté un examen détaillé des indicateurs opérationnels de la soutenabilité en procédant à l'analyse du lien entre le déficit primaire et les variables macroéconomiques, financières et structurelles susceptibles d'influer sur son évolution. L’analyse de la soutenabilité de la dette est faite sur la base de la contrainte budgétaire intertemporelle de l’Etat. Les résultats nous permettent de conclure que la soutenabilité de la dette de l’UEMOA requiert, en plus des mesures d’allègement de la dette préconisées par le FMI et la Banque Mondiale, des ajustements budgétaires au sein des pays membres. D’où la nécessité de réduire les dépenses et d’accroître les recettes publiques, en vue d’une soutenabilité de la dette de l’UEMOA. La nature de l'ajustement à préconiser s’avère ainsi de plus en plus problématique. Le corollaire de la contrainte intertemporelle de l'État est que le recours à l'emprunt pour financer les dépenses publiques ne constitue pas un moyen de réduire les impôts courants, mais seulement un moyen d'en différer le paiement dans le temps. C'est le principe de l'équivalence ricardienne que nous avons vu au chapitre premier. Les solutions pour relâcher cette contrainte de solvabilité seraient : d’augmenter les impôts (solution impossible si l'on introduit un taux de pression fiscale maximal) ; de renégocier la dette à un taux d'intérêt plus faible ; de favoriser l'inflation pour faire baisser le taux d'intérêt réel (la taxe d'inflation dévalorise la dette réelle). Ce chapitre a procédé à un examen détaillé de la situation du solde primaire de l'UEMOA, à la lumière des principaux facteurs qui ont marqué les échanges extérieurs et en détermineront l'orientation future allant dans le sens du développement. Mais qui parle de développement parle inévitablement de financement de développement, d’où l’intérêt du quatrième chapitre de notre thèse. 218 Chapitre 4: SOUTENABILITE DE LA DETTE ET FINANCEMENT DU DEVELOPPEMENT : L’UEMOA A L’EPREUVE DES FAITS Introduction Nous avons vu en introduction générale que l’abondance d'écriture sur la montée fulgurante de la dette des pays en développement pendant la décennie 1970 et sur le déroulement de la crise qui a suivi dans les années 1980, est, non seulement, le signe de la complexité des problèmes d'endettement, mais elle est également d'une certaine manière, l'aveu d'un formidable échec pour relever le défi historique qu'a posé et que continue de poser le financement extérieur du développement. Les importantes annulations de dette consenties par la communauté internationale à travers l’Initiative Pays Pauvres et Très endettés (PPTE) lancée en 1996 et l’Initiative d’Allègement de la Dette Multilatérale (IADM) lancée en 2005, ont eu pour conséquence de rendre de nouveau solvables les pays qui en ont bénéficié. Cependant, la question du rythme et des modalités de leur (ré)endettement se pose avec acuité et il est nécessaire d’adapter la gouvernance internationale de la dette de sorte à éviter les erreurs du passé et à prévenir autant que possible de nouvelles crises de la dette. Ces observations nous amènent à nous interroger sur le financement du développement et à réfléchir aux instruments financiers que les pays de l’UEMOA pourraient développer pour accompagner ou accélérer la dynamique de développement. En outre, la paradoxale surliquidité monétaire de l’Union nous amène à penser à de nouvelles stratégies d’endettement : pourquoi, au lieu de se tourner immédiatement vers les pays 219 industrialisés en cas de besoin de financements, les pays de l’UEMOA ne privilégient-ils pas l’endettement sur le marché régional ? Ce dernier chapitre de notre thèse sera structuré en deux sections : la première est consacrée à la description de l’état de liquidité de l’UEMOA, mettant en relief le paradoxe de l’Union. La seconde section consiste à intégrer la dette externe dans la stratégie de développement du pays débiteur ; elle mettra aussi en exergue la mobilisation de ressources internes pour assurer le développement des pays, de sorte à recourir le moins possible au financement extérieur. 4.1 La paradoxale Surliquidité bancaire de l’UEMOA face à un sousfinancement de l’économie Jusque-là, nous avons vu que la création monétaire étant exclu du remboursement de la dette, les pays de l’UEMOA n’ont eu d’autre alternative que de financer leurs projets de développement par le réendettement et par une mobilisation de l’épargne nationale. Ceci reviendrait à expliquer le sous-développement par la faiblesse de l’épargne nationale. Une telle assertion ne prend pas en compte les difficultés d’accès au crédit des entreprises liées au fonctionnement du marché bancaire des pays de la Zone UEMOA. En effet, le système bancaire de l’UEMOA connaît depuis près de vingt (20) ans une accumulation de liquidité qui se traduit par une constitution de réserves auprès de la Banque Centrale au-delà des normes officiellement requises. Cette situation contraste avec le sousdéveloppement des pays de l’UEMOA, où les besoins de financement de l’économie, en particulier celui du secteur privé, ne sont suffisamment pas satisfaits. Comment expliquer cette détention d’encaisses par les banques de l’UEMOA dans un tel contexte économique? Pour répondre à cette question, nous définissons d’abord le concept de la liquidité bancaire, passons ensuite en revue son évolution dans l’UEMOA sur les douze dernières années, avant d’explorer les causes probables de son sous-emploi, puis de proposer des solutions à ce paradoxe de sous-financement dans un contexte de surliquidité bancaire. 220 4.1.1 Concepts de liquidité Il existe différents concepts de liquidité qu’il importe de ne pas confondre. Au préalable, accordons-nous sur quelques définitions : La liquidité de marché traduit la facilité à vendre des actifs sur ce marché sans que cela ait d’influence considérable sur leurs prix. Elle désigne la capacité d’une banque à négocier rapidement, sans délai et ni perte en capital, un actif non monétaire contre la liquidité reconnue qui est la monnaie de la Banque Centrale. La liquidité macroéconomique fait référence, si l’on prend la définition donnée par (Artus P. , Liquidité macroéconomique, liquidité bancaire, liquidité de marché, 2012), à la somme de deux composantes : la liquidité créée par la banque centrale et les actifs liquides - au sens de la liquidité de marché - que les agents non financiers choisissent de conserver dans leur portefeuille. La liquidité de financement se réfère à la liquidité nécessaire pour honorer les demandes de retrait à court terme des contreparties, ou pour couvrir leurs opérations. o La liquidité d’une banque (ou d’une entreprise) traduit sa capacité à faire face à ses obligations de décaissements suivant leur échéance. o Le concept liquidités d’une banque désigne l’ensemble des actifs « liquides » au sens de la liquidité de marché - que possède une banque ; c'est-à-dire l’ensemble des actifs rapidement mobilisables sans perte de valeurs. Nous nous intéressons au dernier concept pour la suite. Nous prendrons par ailleurs une définition stricte des liquidités d’une banque (que nous pourrons aussi nommer dans ce sens « trésorerie ou liquidité bancaire »). Nous y faisons référence pour désigner la somme des avoirs des établissements de crédit auprès de la banque centrale de l’UEMOA. Cette définition concerne donc les montants sur le compte courant d’une banque à la banque centrale (appelés communément « réserves », et comprenant donc les réserves obligatoires et 221 les réserves excédentaires). C’est une définition très stricte dans le sens où elle ne comporte que les actifs très liquides, à savoir la composante scripturale de la monnaie centrale104. Nous notons donc un lien réciproque entre liquidité de marché et liquidité financière (Ewerhart & Valla, 2008) : la parfaite liquidité des actifs d’une banque (liquidité de marché) lui permet de se couvrir contre le risque de transformation (liquidité de financement), dans la mesure où leur cession rapide lui permet d’honorer les retraits du passif. Dans le même ordre d’idée, (Herzberg & Praet, 2008) soutiennent que « la valeur des actifs détenus par une banque pour amortir des chocs éventuels sur sa liquidité dépend des conditions de liquidité sur le marché, dans la mesure où la variation de la liquidité de marché peut se traduire par l’exposition de son bilan et même par l’assèchement rapide de sa liquidité de financement ». Le concept de liquidités peut s’intégrer au niveau d’une banque ou au niveau des banques considérées dans leur ensemble (c'est-à-dire le système bancaire). L’idée essentielle à comprendre ici est qu’un établissement bancaire peut modifier la quantité de liquidités qu’il possède alors que les liquidités du système bancaire ne seront pas influencées par les comportements individuels des banques (à deux exceptions marginales près) 105. Les comportements individuels des banques n’ont donc pas d’influence significative sur le niveau total des liquidités bancaires du système bancaire. Autrement dit, le circuit des liquidités bancaires est un circuit fermé, dans lequel les fuites sont exogènes au système bancaire, de même que les réapprovisionnements (dépendant de la volonté de la banque centrale), d’où l’importance d’instaurer des règles. La réglementation de la liquidité va permettre de définir un seuil prudentiel considéré ici comme la frontière entre l’illiquidité, la liquidité et la surliquidité. 104 On pourrait l’élargir en y incorporant les actifs du marché monétaire détenus par les banques, mais ce serait aller à contre-courant des termes employés usuellement. 105 1- Bien sûr, si les banques décident de détenir des billets à la place de la monnaie scripturale, fait que l’on ne rencontre pas en général (les billets ont un coût de détention - coût de sécurisation et de stockage notamment supérieur au coût de tenue de compte à la banque centrale) ou 2- Lorsque celles-ci décident d’emprunter à la facilité de prêt marginale (en général les montants y sont négligeables). Dans ces et seulement dans ces cas, le niveau des réserves bancaires peuvent être influencées par les seuls agents aptes, les agents non bancaires et la banque centrale. 222 Une banque en état de surliquidité dispose de trois options quant à l’usage de sa liquidité excédentaire : (i) prêter à moyen et à long terme à la clientèle (particuliers, entreprises, intermédiaires bancaires ou financiers, Etats), (ii) conserver auprès de la Banque centrale et (iii) conserver par-devers elle-même. Dans la première option, la banque est en situation de surliquidité si et seulement si elle ne prête pas à moyen et à long terme l’intégralité de la liquidité supérieure à la norme règlementaire. Par contre, dans les deux derniers cas, la banque est considérée comme étant « surliquide » et cela implique des coûts d’opportunité. Une telle banque peut par ailleurs opter pour une combinaison de ces trois options, selon les circonstances socio-politiques. 4.1.2 Liquidité bancaire : règles et applications dans l’UEMOA 4.1.2.1 La gestion de la liquidité bancaire au sein de l’UEMOA Les banques procèdent souvent à des financements de long terme par la mobilisation des ressources de court et/ou moyen terme(s). Ce faisant, elles prennent le risque de s’exposer aux demandes de retrait imprévues de leur clientèle. Cette éventualité suggère la détention d’une certaine quantité de liquidité par les banques et constitue la raison qui fonde les autorités monétaires à imposer des contraintes réglementaires. Concernant l’UEMOA, il s’agit de la réserve obligatoire et du coefficient de liquidité. a) La réserve obligatoire Les réserves obligatoires désignent les réglementations par lesquelles les banques centrales obligent les banques commerciales à respecter un coefficient de réserves minimal. Les réserves obligatoires sont donc comparables à une taxe sur une activité particulière qui est la production des comptes de dépôts (Baltensperger, 1974). 223 Dans l’UEMOA, les avoirs constitués en compte courant dans le cadre des réserves obligatoires ne sont pas rémunérés et le taux des réserves obligatoires varie en fonction de la situation monétaire de chaque pays. Depuis le 16 mars 2012, le taux des réserves obligatoires a été ramené à 5,0% pour l’ensemble des banques des pays de l’Union alors qu’il était de 7,0% depuis le 16 décembre 2010 (tableau 4.1). Tableau 4-1 : Coefficients de réserves obligatoires applicables aux banques de l’UEMOA depuis novembre 1998 Période Jusqu’au 15 nov. 1998 16 nov.- 15 déc. 1998 16 déc.1998 - 15 avril 2000 16 avril – 15 août 2000 16 août - 15 sept. 2000 16 sept. 00 - 15 avril 2002 16 avril 02 - 15 mars 2004. 16 mars 2004 15 juin 2005 16 juin 2005 - 15 juin 2009 16 juin 2009 - 15 mai 2010 16 mai - 15 déc. 2010 16 déc. 2010 - 15 mars 2012 Depuis le 16 mars 2012 Bénin Burkina - Faso Côte d’Ivoire GuinéeBissau Mali Niger Sénégal Togo 9,0 9,0 9,0 5,0 9,0 5,0 5,0 9,0 9,0 9,0 1,5 5,0 9,0 5,0 1,5 3,0 3,0 3,0 1,5 3,0 3,0 1,5 1,5 1,5 3,0 3,0 3,0 3,0 3,0 3,0 3,0 3,0 9,0 3,0 3,0 3,0 3,0 5,0 9,0 3,0 9,0 3,0 5,0 3,0 3,0 5,0 9,0 3,0 9,0 3,0 5,0 3,0 9,0 5,0 9,0 3,0 13,0 3,0 5,0 3,0 9,0 5,0 9,0 3,0 15,0 7,0 5,0 3,0 9,0 9,0 9,0 3,0 9,0 7,0 5,0 3,0 7,0 7,0 7,0 3,0 7,0 7,0 5,0 5,0 7,0 7,0 7,0 5,0 7,0 7,0 7,0 7,0 7,0 7,0 7,0 7,0 5,0 5,0 5,0 5,0 5,0 5,0 5,0 5,0 Source : Rapports annuels de la BCEAO (2000-2012). 224 b) Le coefficient de liquidité Dans le cadre règlementaire de l’UEMOA, un seuil minimum de liquidité appelé « coefficient de liquidité », que toute banque doit respecter, a été mis en place. La norme à respecter par les établissements assujettis est fixée à 75% minimum et doit être respectée à tout moment. Ce seuil est déterminé par le rapport entre différents éléments de l’actif et du passif du bilan des banques (encadré 5). Tout Etat détenant de la liquidité au-delà de la norme réglementaire (75% dans l’UEMOA) est en surliquidité monétaire. A l’inverse, une banque qui éprouve des difficultés à respecter le coefficient de liquidité, est considérée comme illiquide et peut dans ce cas recourir, soit à l’emprunt interbancaire, soit au refinancement de la Banque centrale pour éviter toute ruée sur ses dépôts. En effet, Devant l’incapacité d’honorer ses exigibilités, un établissement peut faire l’objet de ruées sur ses dépôts, lesquelles ruées révèlent le caractère illiquide de ses actifs. Cependant, dans certaines circonstances, un établissement illiquide peut continuer ses activités si ses déposants ne se doutent pas de son illiquidité et qu’ils ne sont pas saisis de panique soudaine. Nous assistons dans ce cas à une « illiquidité théorique » différente de « l’illiquidité réelle », ce qui pourrait s’expliquer par le niveau élevé du coefficient de liquidité à respecter. 225 Encadré 5 : Réglementation de l’UEMOA en matière de liquidité bancaire La réglementation sur la liquidité prend la forme d'un rapport entre, d'une part, au numérateur, les actifs disponibles et réalisables ou mobilisables à court terme (trois mois maximum), et d'autre part, au dénominateur, le passif exigible à court terme ou les engagements par signature susceptibles d'être exécutés à court terme (trois mois maximum). Ce ratio doit être respecté à tout moment. Le ratio ainsi défini, appelé « coefficient de liquidité », s'applique à l'ensemble des banques et établissements financiers autorisés à recevoir des fonds du public (y compris par l'émission de titres de créances négociables). Il est retenu la notion de durée résiduelle ou durée restant à courir pour le calcul du ratio. Modalités de calcul : a) Le numérateur Le numérateur du coefficient de liquidité est constitué par : les disponibilités en caisse ; les avoirs à vue et à trois (3) mois maximum à la Banque Centrale, au Centre des Chèques Postaux (CCP) et au Trésor public ; les avoirs à vue et à trois (3) mois maximum chez les banques et correspondants bancaires, chez les autres institutions financières et les institutions internationales non financières ; 90% de la partie des concours sains à la clientèle à court terme d'une durée maximale de trois (3) mois ; les crédits dont l'échéance n'est pas fixée ne sont pas pris en considération. Par concours sains, il convient d'entendre les crédits bénéficiant d'accords de classement et ceux non classés dans les créances en souffrance ; à concurrence de 35% de leur montant, les crédits bénéficiant d'accords de classement et effectivement éligibles aux interventions de l'Institut d'émission et ayant une durée résiduelle excédant trois (3) mois ; les titres appartenant aux établissements assujettis, selon le barème ci-après : 1) 100% du montant net des titres de placement et des titres d'investissement, bénéficiant d'une garantie de rachat ou de liquidité de l'Institut d'émission ; 2) 90% du montant net des titres de placement et des titres d'investissement, autres que ceux prévus à la rubrique 1) ci-dessus (notamment les titres d'Etat ne bénéficiant pas de garantie de rachat de la BCEAO), mais ayant au plus trois (3) mois à courir ; 3) 50% du montant net des titres de placement, des titres d'investissement et des titres immobilisés de l'activité de portefeuille, autres que ceux prévus aux rubriques 1) et 2) ci-dessus, mais faisant l'objet d'une cotation sur le marché officiel de l'UEMOA (Bourse Régionale des Valeurs Mobilières) ou sur un marché étranger organisé ; 4) 35% du montant net des titres de placement, des titres d'investissement et des titres immobilisés de l'activité de portefeuille, autres que ceux prévus aux rubriques 1), 226 b) 2) et 3) ci-dessus, mais éligibles aux interventions de l'Institut d'émission et ayant plus de trois (3) mois à courir. les valeurs en recouvrement ou à l'encaissement reçues des correspondants et de la clientèle avec crédit immédiat. Le dénominateur Le dénominateur du coefficient de liquidité comprend : l'ensemble des engagements à l'égard de l'Institut d'émission, quelles qu'en soient la forme (réescompte, pension, avance) et la durée ; les comptes créditeurs à vue ou à trois (3) mois maximum des banques et correspondants bancaires, des CCP, du Trésor public, des autres institutions financières et des institutions internationales non financières ; les comptes disponibles par chèque ou virement de la clientèle, à concurrence de 75% ; les comptes créditeurs divers, à hauteur de 75% ; les bons de caisse et les dépôts à terme de la clientèle, à trois (3) mois maximum ; les comptes d'épargne à régime spécial, disponibles à vue ou à trois (3) mois maximum à hauteur de 15% de leur montant ; les emprunts obligataires et les autres emprunts, à trois (3) mois maximum de durée résiduelle ; les titres à libérer dans un délai de trois (3) mois au plus ; les autres dettes exigibles à vue et à trois (3) mois maximum ; 15% des engagements hors bilan suivants : o crédits confirmés, part non utilisée ; o engagements sous forme d'acceptation, d'aval, de caution et autres garanties. Source : (BCEAO, 2012) 4.1.2.2 Mise en évidence de l’état de surliquidité bancaire de l’UEMOA Dans les pays en développement comme dans l’UEMOA, la surliquidité bancaire peut aussi être estimée par le niveau des réserves excédentaires (RE) qui se détermine par la différence entre les réserves constituées par les banques et les réserves obligatoires (tableau 4.2). Le niveau des réserves excédentaires rapporté à la masse monétaire M2 (monnaie fiduciaire, monnaie scripturale et quasi-monnaie) permet d’apprécier l’ampleur du phénomène de surliquidité. 227 Tableau 4-2 : Evolution de réserves excédentaires des banques de l’UEMOA : 2000-2012 Année 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Réserves excédentaires (RE) 288,1 233 391,2 418,1 478,3 203,9 129,8 156,6 159,1 417 537,3 633,7 684,3 Masse monétaire (M2) RE/M2 4300,2 4755,1 5494,5 5652,6 5979,8 6434,6 7170,8 8511,6 9327,2 10653,3 12313 13669,9 15010,2 6,7 4,9 7,1 7,4 7,9 3,2 1,8 1,8 1,7 3,9 4,4 4,8 4,7 Source : Rapports annuels de la BCEAO (2000-2012). Selon le tableau 4-2, l’excès de liquidité du système bancaire a atteint en 2004 un pic, représentant 7,9% de la masse monétaire, suivi d’une baisse continue jusqu’en 2008. En effet, en comparant, dans l’UEMOA, les crédits accordés par les banques aux dépôts collectés, ces derniers s’avèrent nettement supérieurs aux premiers dans l’ensemble des pays membres de l’Union (tableau 4-3) sur la période 2002-2011, le ratio Prêts sur Dépôts bancaires (constamment inférieur à 1) variant de 91% à 99%. Cela sous-entend que l’épargne n’est pas totalement utilisée pour financer l’économie ; cette situation comparée au ratio crédits sur dépôts - supérieur à 1 - de la France et des Etats-Unis (Artus P. , 2012), pourrait à priori être qualifiée de contre- productive. En revanche, le ratio Prêts sur Dépôts bancaires de l’UEMOA a été supérieur à l’unité ces deux dernières années. En effet, les progressions de 12,9% et 16,5% des crédits à l’économie enregistrées respectivement en 2012 et 2013 (pour des valeurs respectives de 8.807,5 et 10.257,9 milliards de francs CFA) par rapport aux années antérieures, est attribuable aux crédits ordinaires (10,3% en 2102 et 15,3% en 2013) et aux crédits de campagne (38,7% et 15,4% respectivement en 2012 et 2013). La hausse des crédits ordinaires résulte principalement des concours octroyés ces dernières années à des entreprises opérant dans les secteurs de l’énergie, de l’agro-industrie, des télécommunications, des mines et du commerce. C’est le cas du Burkina-Faso qui a développé de nouvelles mises en place de concours bancaires en faveur des sociétés minières et cotonnières, ainsi qu’aux crédits accordés aux 228 entreprises intervenant dans les secteurs de l’énergie, des hydrocarbures, des télécommunications, du BTP106, de l’agro-industrie, du commerce général et des services. En Côte d’Ivoire, les crédits ordinaires de 2012 ont augmenté de 221 milliards dans un contexte de reprise des activités bancaires alors que le ralentissement constaté un an plus tôt était le fait de la crise poste-électorale. Tableau 4-3 : évolution des crédits octroyés (en millions de francs CFA) par rapport aux dépôts en banques dans l’UEMOA : 2002 – 2013 Dépôts en banque (B) Année 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Crédits bancaires (A) Dépôts des particuliers Crédits à et des entreprises L’Economie Créances sur l’Etat Dépôts de l’Etat 3314249,00 3625270,00 3993096,00 4212719,50 4730533,20 5693025,00 6245451,20 7170122,30 8377554,20 9511003,10 10548299,10 11755522,90 722037,00 775925,00 851419,00 884403,00 1060887,00 1412642,30 1498581,50 1802136,10 2631842,00 3118404,00 3602721,00 4453832,80 777424,50 783369,00 766202,00 756591,00 787466,00 995502,70 1073704,50 1135052,80 1314392,90 1466965,90 1479524,80 1654921,20 3013764,70 3222702,00 3503191,00 3923636,50 4275920,00 4887670,10 5693376,80 6091339,90 6737323,90 7804069,00 8807523,00 10257946,40 A/B 0,91 0,91 0,91 0,97 0,97 0,94 0,98 0,95 0,97 0,99 1,03 1,10 Source : Bulletins mensuels de statistiques monétaires et financières de la BCEAO (2002-2014). Les crédits à l’économie de la Guinée-Bissau se sont établis à 64,2 milliards à fin décembre 2012, en hausse de 10,1 milliards (18,7%) par rapport à 2011 ; cette évolution est intégralement imputable aux crédits de campagne qui ont progressé de 11,8 milliards, alors que les crédits ordinaires ont diminué de 1,7 milliard (-3,1%). Les nouvelles mises en place de concours bancaires dans ce pays ont bénéficié aux entreprises intervenant dans la collecte de la noix de cajou. Au Sénégal, l’accroissement des crédits ordinaires de 235,3 milliards (de 2013 par rapport à 2011) s’explique principalement par la mise en place de concours bancaires au profit des opérateurs du secteur privé exerçant dans les secteurs des hydrocarbures, de l’agro-industrie, 106 Bâtiments et travaux publics. 229 des industries manufacturières, de l’énergie, des télécommunications, de l’immobilier et des services. 4.1.2.3 Causes de la surquilidité bancaire au sein de l’UEMOA Les systèmes bancaires de l'UEMOA ont connu, à partir du milieu des années 80, deux principales réformes : l'une liée à la restructuration des établissements bancaires, et l'autre au changement de politique monétaire. S'inscrivant dans un contexte de libéralisation financière, ces réformes avaient deux objectifs principaux : restaurer la liquidité des banques sinistrées par la crise bancaire de 1989, et permettre un meilleur financement de l'économie. Si le premier objectif a été atteint, le deuxième reste loin des résultats attendus. En effet, l’une des conséquences de la libéralisation financière a été de produire un excès de liquidités du système bancaire. Ce phénomène, apparu au milieu des années 1990, souligne l'existence d'un problème d'adéquation entre l'offre et la demande de crédit en Afrique subsaharienne. a) Structure des crédits bancaires à l’Economie au sein de l’UEMOA Dans les pays de l’UEMOA, ce ne sont pas les ressources qui font défaut, mais plutôt le mécanisme d’intermédiation qui, normalement, devrait consister à transformer ces ressources (bancaires) en prêts aux agents à besoin de financement. Or les banques préfèrent, en plus d’une rentabilité élevée due à la structure oligopolistique du marché, conserver par devers elles la presque totalité de l’épargne collectée auprès de la clientèle (Meisel & Mvogo, 2007). Et même lorsqu’elles prêtent, ces prêts sont dans la majorité des cas octroyés à court terme (tableau 4-4). Pour ce qui est des crédits bancaires accordés à long terme, ils sont si maigres qu’ils se retrouvent « asphyxiés » par les crédits en souffrance (figure 4-1). Il en résulte une situation de surliquidité qui se traduit par l’augmentation des dépôts bancaires auprès de la Banque centrale. 230 Tableau 4-4 : Composition des crédits bancaires à l’Economie(a) (en milliards de francs CFA) de l’UEMOA : 2002-2013 Crédits à CT(b) Année Crédits à MT(c) Crédits à LT(d) Crédits en souffrance(e) Crédits à CT en % de Crédit à l’Economie Crédits de campagne Crédits ordinaires 2002 181 610,2 1 851 105,4 649 777,9 120 029,4 211 241,8 67,45 2003 128 164,0 2 137 152,0 669 032,0 117 118,0 171 236,0 70,29 2004 114 012,0 2 253 353,0 793 145,0 135 307,0 207 374,0 67,58 2005 160 299,2 2 414 667,8 925 512,0 132 464,0 290 693,0 65,63 2006 159 943,0 2 516 679,0 1105 473,0 143 330,0 350 495,0 62,60 2007 150 919,0 2 807 917,5 1 419 251,6 158 072,0 351 510,0 60,54 2008 128 108,3 3 194 944,0 1 765 942,5 196 802,0 407 580,0 58,37 2009 148 576,5 3 224 643,4 2 034 310,0 214 650,0 469 160,0 55,38 2010 154 769,0 3 525 532,5 2 353 040,3 244 149,1 459 833,0 54,63 2011 164 638,0 4 210 702,0 2 667 083,0 256 851,0 504 795,0 56,06 2012 228 322,0 4 644 603,0 3 056 742,0 304 473,0 573 383,0 55,33 2013 263 375,0 5 357 276,4 3 647 806,0 333 385,0 656 104,0 54,79 (a) = (b) + (c) + (d) + (e). Source : Bulletins mensuels de statistiques monétaires et financières de la BCEAO (2002-2014). Figure 4-1 : Structure des crédits accordés par le système bancaire au sein de l’UEMOA : 2002-2013 100,00 80,00 60,00 40,00 20,00 0,00 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Part de Crédits en souffrance dans les Crédits à l'Economie Part de Crédits à LT dans les Crédits à l'Economie Part de Crédits à MT dans les Crédits à l'Economie Part de Crédits à CT dans les Crédits à l'Economie Source : Bulletins mensuels de statistiques monétaires et financières de la BCEAO (2002-2014). 231 Essentiellement octroyés à court terme, les prêts ne peuvent évidemment pas profiter aux petites et moyennes entreprises (PME). Pour ainsi dire, le problème du sous-financement bancaire du secteur privé de l’UEMOA concerne essentiellement les PME qui, malgré leur poids dans les économies locales et en dépit de leur rôle moteur en termes de développement économique, ont un accès très limité au marché des financements bancaires. Car les banques préfèrent financer, en prévision des contraintes de comptabilisation de créances douteuses et litigieuses (CDL), les entreprises disposant de garanties suffisantes et ayant une capacité de remboursement107. En effet, si les PME accusent les banques de ne prêter qu’aux riches, elles ne sont, à leur tour, pas exempts de critiques : (Patinvoh, 2013), alors Directeur du contrôle et de la conformité de la Banque Atlantique au Bénin, évoquait en 2013 la mauvaise qualité de l’information financière produite par les PME, très souvent méconnues des banques, du fait que la plupart de ces entreprises évoluent dans le secteur informel et peuvent, à tout moment, disparaître, laissant dans le désarroi les banquiers désormais plus que prudents. b) Structure des dépôts en banque Nous pourrions aussi justifier cette préférence de crédits (à court terme) accordés par le système bancaire de l’UEMOA à l’Economie, par la structure temporelle des dépôts qu’il encaisse. En effet, dans un environnement d’asymétrie information, le système bancaire ne disposant majoritairement que de dépôt à vue (tableau 4-5), ne peut que financer des activités de court terme. 107 Une créance garantie par une hypothèque, n’est pas remise en cause en cas de défaillance du débiteur dès lors qu’il est possible de réaliser la garantie, en revanche une créance sans garantie est systématiquement provisionnée dans les mêmes conditions. 232 Tableau 4-5 : Structure des dépôts dans le secteur bancaire de l’UEMOA (en milliards de francs CFA) de 2002 à 2013 Année Dépôts des particuliers et des entreprises Dépôts de l’Etat Total DV Total DT DV/Dépôts DT/Dépôts en banques en banques (%) (%) Dépôts à vue (DV) Dépôts à terme (DT) Dépôts à vue (DV) Dépôts à terme (DT) 2002 1692,8 1619,9 362,5 402,7 2055,2 2022,6 50,2 49,4 2003 1903,6 1720,4 403,6 373,1 2307,3 2093,5 52,3 47,5 2004 2082,9 1908,7 389,8 369,2 2472,7 2277,9 52,0 47,9 2005 2170,5 2040,6 386,0 363,6 2556,5 2404,2 51,4 48,4 2006 2437,8 2291,0 386,9 380,8 2824,8 2671,8 51,2 48,4 2007 2958,2 2727,0 513,1 465,4 3471,3 3192,4 51,9 47,7 2008 3149,7 3083,4 533,7 523,6 3683,4 3607,0 50,3 49,3 2009 3540,6 3627,4 609,1 505,6 4149,7 4133,0 50,0 49,8 2010 4122,2 4248,2 741,1 560,1 4863,3 4808,4 50,2 49,6 2011 4959,4 4546,3 815,1 627,0 5774,5 5173,4 52,6 47,1 2012 5430,5 5113,7 780,5 654,7 6211,0 5768,3 51,6 48,0 2013 6142,7 5604,0 852,2 753,3 6994,9 6357,4 52,2 47,4 Source : Bulletins mensuels de statistiques monétaires et financières de la BCEAO (2002-2014). c) Entrées des capitaux En plus des causes de la surliquidité bancaire précédemment citées, nous notons également l'afflux important de capitaux. En effet, le système bancaire de l’UEMOA étant favorable au financement des entreprises orientées vers l'extérieur, celles-ci se sont développées et ont plus ou moins contribué à l'augmentation de la liquidité d'ensemble de la zone à travers le commerce extérieur et en fonction de l'environnement international (par le biais du cours des matières premières et du cours des monnaies qui cotent ces matières). De même, les transferts des émigrés constituent une part importante des entrées de capitaux de l’Union. De toute évidence, la surliquidité du système bancaire de l'UEMOA constitue un obstacle important à l'activité économique de ladite Union. Ainsi, depuis 2003, son recyclage est amorcé. Ce recyclage étant essentiellement imputable aux recours des États à l'endettement interne à travers les émissions des bons du trésor et d'emprunts obligataires, la question du financement des entreprises, particulièrement les PME et du secteur agricole, demeure problématique. 233 En somme, la forte liquidité des banques dans la zone UEMOA à la suite de la restructuration bancaire a conduit les autorités monétaires à entreprendre un certain nombre de réformes. Nous notons note à ce sujet la mise en place du mécanisme de constitution des réserves obligatoires. Ainsi, cette forte hausse de liquidité bancaire observée depuis toujours, s’est estompée en 2010 avec un repli de 8,98%. Les concours de la Banque centrale aux établissements de crédit se sont inscrits en baisse de 11,5 milliards, en liaison avec le désengagement des banques sur le guichet de la pension à hauteur de 10,4 milliards et de la baisse de 1,1 milliard de leur sollicitation sur le guichet des appels d’offres. Toutefois, la trésorerie des banques est demeurée largement excédentaires sur le troisième trimestre 2010. Leur capacité à constituer les réserves obligatoires est encore satisfaisante, signale la BCEAO. La plausibilité d’une telle politique de stérilisation donne lieu à une interrogation quant à l’efficacité de la politique monétaire en situation de surliquidité. Dans son appréciation de l’efficacité des mécanismes de transmission de la politique monétaire en situation de surliquidité, (Kamgna & Houdou, 2008) montrent que le phénomène de surliquidité dépend fortement des structures économiques et financières de chaque Etat de l’UEMOA. Il conclut qu’au niveau de la Zone, seul le crédit au secteur privé pourrait réduire la situation de surliquidité des banques. Ce résultat interpelle les autorités monétaires de l’UEMOA quant à la nécessité de mettre en place des actions visant à accroître l’offre de crédit au secteur privé. Il est indispensable que les gouvernements concernés, avec l’appui des organismes internationaux (Banque Mondiale, FMI), prennent les dispositions qui s’imposent pour permettre de mieux orienter l’épargne au profit de l’investissement et du développement économique. Parmi les mesures envisageables, il faudrait bien sûr améliorer l’environnement des affaires, avec en particulier l’adoption de normes comptables et la création de cabinets comptables indépendants, mais également la mise sur pied d’un système judiciaire sain, facilitant le règlement des litiges contractuels entre prêteurs et emprunteurs (Kauffman, 2005). Par ailleurs, le développement d’un marché régional des titres est considéré comme une voie féconde pour corriger la surliquidité de l’économie (De Boissieu & Renversez, 1990). Mais aux niveaux nationaux déjà, il s’impose des recherches de stratégies allant dans le sens du financement du développement. 234 4.2 Le financement du développement dans l’UEMOA, des solutions envisageables Trente ans après le déclenchement de la crise internationale de la dette, initiée par le défaut de paiement mexicain en août 1982, la question du financement du développement se pose toujours. Si l’on a d’abord cru que le consensus de Washington parviendraient à régler cette crise, il apparaît aujourd’hui évident que l’approche « néolibérale » du développement n’a pas produit les effets escomptés dans les pays de l’UEMOA. En effet, le désengagement de l’État et la multiplication des privatisations, la libéralisation des échanges commerciaux et des mouvements de capitaux, ainsi que le recours massif à l’épargne extérieure pour financer le développement ont participé à l’accroissement des inégalités - entre pays mais aussi à l’intérieur de ceux-ci - et à l’augmentation de la dette extérieure (qui a nécessité des mesure d’allègement) sans parvenir à réduire significativement la pauvreté (Berr & Combarnous, 2005) et à favoriser le développement. 4.2.1 La gestion de la dette, une complémentarité au financement externe du développement Les importantes annulations de dette consenties par la communauté internationale à travers l’Initiative Pays Pauvres et Très endettés (PPTE) lancée en 1996 et l’Initiative d’Allègement de la Dette Multilatérale (IADM) lancée en 2005, ont eu pour conséquence de rendre de nouveau solvables les pays qui en ont bénéficié. Cependant, la question du rythme et des modalités de leur (ré)endettement se pose avec acuité et il est nécessaire d’adapter la gouvernance internationale de la dette de sorte à éviter les erreurs du passé et à prévenir autant que possible de nouvelles crises de la dette. La vision de cette partie de notre thèse s'écarte des approches de la soutenabilité de la dette jusque-là adoptées. En effet, jusque-là, nous avons appréhendé la question de la soutenabilité de la dette sous la perspective de réduction d'un certain niveau insoutenable et excessif de la dette. Dans ce dernier chapitre de notre thèse, la soutenabilité de la dette est 235 plutôt intégrée dans la stratégie globale de développement d'un pays et/ou d’une région, en partant du fait que la dette externe doit contribuer au développement du pays débiteur. 4.2.1.1 Le financement extérieur, source de développement ou de « maldéveloppement » ? Le recours massif à l’endettement extérieur des PED a conduit à l’éclatement de la crise de la dette en 1982, mettant en lumière les conséquences d’un endettement excessif et de surcroît mal utilisé108. Comment s’explique cette situation de crise de la dette dans des pays qui pourtant, au départ, s’endettaient pour faire face à leurs difficultés de financement, de sorte à s’assurer une croissance économique ? En ce qui concerne les ressources extérieures, le recours aux capitaux étrangers pour financer le développement n’est pas sans risque. Par exemple, (Kalechi & Sachs, 1966) ont montré que les apports de capitaux extérieurs ne permettent pas automatiquement d’accroître le stock de capital des pays en développement, et donc d’améliorer leurs capacités productives, mais servent à financer un déficit de la balance des paiements. Dès lors, une mauvaise utilisation des fonds obtenus se révèle susceptible d’entraver le processus de développement. Ce type de ressources peut prendre la forme de prêts, d’investissements étrangers ou de dons (Berr E. , Le financement du développement. Introduction, 2007). Dans le cas de prêts Normalement, lorsqu’on emprunte, les sommes obtenues permettent de financer les importations du pays emprunteur, en faisant peser sur celui-ci une contrainte, à plus long terme, liée au remboursement des intérêts et à l’utilisation des fonds empruntés. Suite à cet endettement, il se présente deux situations. 108 Outre les problèmes liés à une mauvaise utilisation des financements extérieurs, on estime entre 100 et 180 milliards de dollars les sommes détournées depuis une quarantaine d’années par de nombreux dictateurs en Afrique (Morin, 2013). Les procédures judiciaires se multiplient afin d’obtenir la restitution de ces sommes. 236 1° Si l’endettement extérieur permet au pays bénéficiaire d’accroître l’investissement et/ou la consommation de biens dits essentiels, il peut s’avérer utile. Nous pouvons citer dans ce cas les crédits d’aide publique au développement, en particulier ceux qui financent une aide-projet, à condition que cette aide ne soit pas liée ou qu’elle ne se substitue pas à l’action des gouvernements locaux (Charnoz & Severino, 2007). 2° Par contre, si l’endettement extérieur sert à financer une consommation dite de luxe, il réduit l’épargne interne, sauf lorsque les classes sociales bénéficiant de revenus élevés et/ou la consommation de biens de luxe sont largement taxés. De même, lorsque les fonds empruntés favorisent les investissements destinés à la production de biens de luxe, ils déséquilibrent l’économie et conduisent, selon l’expression de Sachs, à un « maldéveloppement » ou à, selon (Haubert & Sachs, 1978), une « croissance perverse », c’est-à-dire une croissance de court terme qui affecte négativement les perspectives futures de croissance. Dans ce cas, en effet, ces investissements immobilisent les biens d’équipement, les produits intermédiaires et de première nécessité qui font défaut et ne peuvent, de ce fait, augmenter la capacité de production de biens « essentiels » jugés plus utiles au développement. Pour ainsi dire, dans une perspective de long terme, la dette ne peut être soutenable que si elle contribue efficacement au processus de développement du pays emprunteur et ne devrait donc pas être un obstacle à ce processus. Dans le cas d’investissements étrangers Ces derniers peuvent s’avérer plus coûteux que des crédits lorsque le montant des bénéfices rapatriés excède le coût des crédits, sauf dans le cas d’une forte augmentation de ces investissements. Toutefois, des investissements étrangers massifs peuvent signifier une perte de souveraineté économique par le pays bénéficiaire et générer des problèmes d’ordre politique. De plus, les investissements directs étrangers (IDE) sont susceptibles d’aggraver les inégalités de rémunération dans le pays d’accueil (notamment lorsqu’il s’agit d’un pays en développement), en poussant à la hausse les salaires relatifs des travailleurs qualifiés. En effet, Il apparaît que les acquisitions par l’étranger d’entreprises locales permettent d’augmenter les salaires moyens dans les entreprises concernées, l’augmentation étant plus marquée dans les économies émergentes (11% au Brésil, 19% en Indonésie) que dans 237 les pays développés (où il est compris entre 3% et 8%), mais pas nécessairement de meilleures conditions de travail que leurs homologues locaux (O.C.D.E., 2008). Pour faire en sorte que les IDE puissent véritablement constituer une « aide au développement », il s’avère alors indispensable de contrôler les mouvements de capitaux car la libre circulation des capitaux pose de nombreux problèmes (Stiglitz J. E., 2003). Dans le cas de dons Le risque politique pour le pays bénéficiaire de dons consiste, potentiellement, en une dépendance accrue vis-à-vis du donateur. C’est le cas lorsque les dons répondent à des considérations géostratégiques ou lorsque des annulations de dette, comptabilisées comme des dons, sont accompagnées de conditionnalités – à l’instar de l’Initiative PPTE ou de l’IADM. L’expérience de politiques de développement au sein de l’UEMOA semble montrer qu’en matière de financement certains écueils, mentionnés ci-dessus, n’ont pu être évités. Force est de le constater, nombreuses sont les sources de financement extérieur, mais non moins nombreuses sont les questions qu’elles soulèvent. C’est pourquoi il parait plus que nécessaire de se pencher sur des questions allant dans le sens de la gestion, et de la dette, et des finances publiques. 4.2.1.2 Arguments en faveur d’une gestion optimale de la dette dans l’UEMOA L’objectif recherché dans ce paragraphe est de sensibiliser les gestionnaires d’Etat des pays de l’UEMOA au traitement du problème de l'endettement dans le contexte global du développement à long terme, liant la gestion de la dette aux politiques macro-économiques et structurelles du développement. Pour se faire, il importe de relever les caractéristiques de gestion de la dette et des finances publiques au sein de l’Union. 238 a) Mesures relevant de la gestion des finances publiques A partir de la décennie 90, les IBW et les IFI dans leur ensemble, vont progressivement placer les questions institutionnelles, de bonne gouvernance, et de la lutte contre la pauvreté au cœur de leurs politiques de conditionnalités. Ce changement de perspective implique de nouvelles exigences en termes de bonne gouvernance budgétaire et de gestion des dépenses publiques renforcement des capacités institutionnelles, élaboration de nouveaux standards de gestion budgétaire et d’instruments d’évaluation des finances publiques - de sorte que « l’on assiste à une multiplication de nouveaux instruments de diagnostic et d’analyse des systèmes de gestion des dépenses publiques incluant la dimension institutionnelle et une approche globale » (Laurent, 2006). L’attachement des organismes d’aide à la qualité de la gestion financière se manifeste : D’abord par l’élaboration et la diffusion de standards de bonne gestion des finances publiques. Il s’agit de principes et bonnes pratiques de gouvernance budgétaire et financière dont les IFI (mais pas exclusivement) sont les principaux promoteurs depuis les années 90 (Chevauchez, 2010). La Banque Mondiale a ainsi publié en 1998 un Manuel de gestion des dépenses publiques109, qui est un document de référence contenant des principes et pratiques en vue de l’améliorer la gestion budgétaire et financière des Etats. Puis, par la mise en place de mécanismes d’évaluation De nouveaux instruments de diagnostic et d’analyse ont été aussi mis en place pour évaluer la gestion des finances publiques (Country Financial Accountability Assessment - CFAA - initié en 1997)110, la gestion des dépenses publiques (Public Expediture Reviews - PER) ; ou certains aspects spécifiques comme les procédures de passation des marchés publics (Country Procurement Assessement Review - CPAR - initié en 1998). Aussi, la Banque accorde-t-elle une importance aux questions institutionnelles et de gouvernance, notamment à la qualité de la gestion publique. Ainsi, ont été définis des indicateurs d’examen institutionnel et de 109 (The International Bank for Reconstruction and Development, 1998). 110 Examen de la gestion des finances publiques et des pratiques comptables du secteur public couvrant l’ensemble du processus budgétaire. (Banque Mondiale, 2001). 239 performance (Country Performance and Institutionnal Assessment (CPIA)), dont l’objectif est de mesurer la qualité de certains aspects de la gestion publique telle que la transparence, la lutte contre la corruption, la fonction publique, la gestion financière. Somme toute, c’est le FMI qui semble avoir produit le plus de normes en matière de gestion des finances publiques. En 1986 déjà, l’organisme publiait la première version de son Manuel de statistiques des finances publiques dont les principes de classification économiques des charges et fonctionnelle des dépenses furent largement adoptés par les Etats111. La bonne gouvernance financière, et particulièrement la question de la transparence, constitue son principal domaine d’action. Le FMI a ainsi élaboré en 1998 un Code de bonnes pratiques en matière de transparence de finances publiques qui synthétise les principes de bonne gouvernance financière (FMI, 2007). Ce Code est complété par un Manuel sur la transparence des finances publiques qui explique les principes du code et analyse les bonnes pratiques (FMI, 2007). Un questionnaire y est intégré, permettant une auto-évaluation de la transparence des finances publiques de l’Etat. Dans ce Manuel, La transparence des finances publiques est définie comme « l’information sans réserve du citoyen sur la structure et les fonctions des administrations publiques, les objectifs de la politique des finances publiques, les comptes du secteur public et les projections budgétaires ». Le Code et le Manuel ont été révisés en 2007 pour améliorer et approfondir les principes de transparence et de bonne gouvernance qu’ils prônent. D’autres instruments relatifs à des branches spécifiques de gestion des finances publiques (Guide pour la transparence des recettes des ressources naturelles par exemple) complètent le dispositif (FMI, 2005). Sans être formellement contraignants, ces instruments de gestion ne sont pas dépourvus d’effet sur les systèmes budgétaires des pays sollicitant l’aide des IBW (Bouley, 2009). Le code et le manuel du FMI constituent des instruments de référence pour les autorités nationales et les organismes de la société civile qui peuvent y trouver des exemples de bonnes pratiques en vue d’améliorer la transparence de leurs systèmes financiers. Ainsi, la classification économique des dépenses publiques, recommandées par le Manuel de statistiques du FMI de 1986, a été reprise par les textes nationaux et les premières directives de l’UEMOA relatives au cadre harmonisé de gestion des finances publiques (Sanon, 2007). En outre, les normes et principes qui y sont définis servent de référence aux systèmes d’évaluation par les institutions internationales. C’est aussi le cas du Rapport sur 111 Le manuel fut adopté en 2001. 240 l’observation des normes et des codes (RONC) concernant la transparence des finances publiques, élaboré sur la base du questionnaire associé au manuel112. Encore mieux que la diffusion de standards de bonne gestion, l’action des pays et organismes d’aide véhicule à l’égard des pays bénéficiaires un nouveau paradigme de gestion budgétaire et financière, fondé sur l’efficacité et la performance des dépenses publiques. b) Propositions d’assainissement des finances publiques dans l’UEMOA Nous nous basons sur l'approche selon laquelle l'endettement externe ne peut, à la longue, être soutenable que si la stratégie de développement mène à une augmentation de revenus de devises étrangères excédant les besoins nationaux d'investissement afin de rembourser la dette. Le point de départ d'une stratégie soutenable de la dette est donc une vision claire du gouvernement concernant la trajectoire du développement du pays. Les gouvernements de l’UEMOA devront donc mener cette trajectoire de développement par la sensibilisation des acteurs économiques (agents publics y compris) à utiliser d'une manière efficace la dette externe, en tenant compte des coûts et bénéfices à tirer d'un endettement externe. En contractant la dette externe, l'économie locale est plus exposée aux influences externes. En conséquence, les pays débiteurs devraient faire attention à l'impact des flux financiers externes sur leurs économies et à une gestion macro-économique adéquate de ces flux, selon les conditions économiques et le niveau de développement du pays. Quelques pays, particulièrement les pays à faible revenu, sont fortement vulnérables aux chocs externes tout en ayant une base de production étroite. Ces pays doivent tenir compte de telles vulnérabilités dans la gestion de leur dette, souvent avec l'aide de leurs partenaires de développement. Cependant, le processus de développement n'est souvent pas un processus sans heurt et aucun pays ne peut être à l'abri de la menace d'une crise de la dette ou d'une crise financière. Les 112 Les pays de toutes les régions du monde et de tous les niveaux économiques acceptent de soumettre leurs systèmes de finances publiques aux principes du RONC. Ce rapport permet d’obtenir des informations sur le système de gestion des finances publiques d’un pays et d’évaluer son niveau de transparence. Cela est utile à une comparaison dans le temps et l’espace, et permet d’apporter des améliorations nécessaires. 241 mesures récentes destinées à réduire la dette de certains pays pauvres dont ceux de l’UEMOA montrent que le recours massif à l’endettement extérieur n’a pas forcément les effets escomptés sur l’économie. Les pays de l’UEMOA pourraient plus efficacement faire face à la crise de la dette s'ils arrivaient à prévoir l'avènement d'une crise déclenchée par quelques chocs externes ou internes. En cas de renégociation de la dette, ces pays débiteurs doivent bien évaluer les coûts et les avantages ainsi que les conditions parfois « sub-optimales » de renégociations. Par ailleurs, ces pays débiteurs devraient également établir et améliorer leur cadre institutionnel pour la gestion de la dette. Dans ce cadre, il est important d'assigner des rôles et des responsabilités spécifiques à différentes entités des différents gouvernements de l’Union : le ministère des finances et le service de gestion de la dette. Ce cadre devrait être adapté à la capacité administrative de chaque pays débiteur. La gestion soutenable de la dette impliquant une stratégie d'endettement qui est partie intégrante d'une stratégie globale de développement d'un pays, cette stratégie globale devrait déterminer les différentes options de financement et les coûts et avantages d'un endettement externe, en tenant compte des contraintes financières (en ressources en devises étrangères, ou dégagées par l'épargne privée locale ou recettes fiscales). Cette approche de la soutenabilité de la dette est basée sur les besoins de développement à long terme et n'exclut pas dans certains cas la nécessité de réduire un niveau de la dette qui peut être trop élevé pour être soutenable. Ainsi, un cadre institutionnel de gestion de la dette approprié joue un rôle primordial dans cette stratégie. D'autre part, dans un monde interdépendant, la prévention d'une nouvelle crise de la dette exige de l’UEMOA des actions au niveau international, basées sur une coopération internationale constructive en vue d'assurer le transfert des ressources pour le développement et, d'ouvrir des débouchés aux exportations des pays débiteurs. Jusque-là, nous nous sommes axés sur la dette externe. Ceci ne signifie pas que la question de la gestion de la dette locale ne soit pas importante. Cependant, la dette locale crée d'autres problèmes liés aux marchés financiers locaux et à la mobilisation locale des ressources nationales, qui exigeraient un traitement détaillé de la transition fiscale. C’est ce à quoi est consacré le paragraphe suivant. 242 4.2.2 La transition fiscale, une nécessité au financement interne du développement des pays de l’UEMOA Malgré les mesures d’allègement de la dette mises en œuvre par les IBW, la demande sociale et économique génère un besoin de ressources publiques supplémentaires. Par ailleurs, force est de constater que le désarmement tarifaire consécutif à la mise en place de l’union économique fait, sauf exception, baisser les ressources douanières, sans ignorer que cette baisse de recettes s’accentuera avec l’entrée en vigueur des accords de partenariat économique (APE) qui visent le libre- échange entre l’Union européenne et différents groupes de pays d’Afrique, du Caraïbe et du Pacifique (ACP), entraînant la nécessité de mobiliser plus largement la fiscalité interne. Compte tenu, non seulement de ces deux impératifs majeurs auxquels est confrontée l’UEMOA en matière de ressources publiques, mais surtout en vue de promouvoir en son sein une véritable intégration économique, les pays de l’Union se retrouvent face à la nécessité d’assurer la transition de la structure de leurs ressources tout en augmentant le rendement global de leurs prélèvements publics. Cette compensation de pertes de recettes - occasionnées par le désarmement tarifaire - par la mobilisation des ressources de fiscalité interne est dénommée « transition fiscale ». Qu’est-ce que la transition fiscale ? Qu’en est-il de la transition fiscale dans l’UEMOA ? Comment peut-elle contribuer à atténuer l’endettement des pays de l’Union ? Ces questions sont à la base de cet autre paragraphe de notre thèse. 4.2.2.1 La transition fiscale : essai de définition La fiscalité, si elle dépend largement des structures économiques de chacun des Etats, n’en exerce pas moins une influence profonde sur celles-ci. D’ailleurs, les conceptions modernes des finances publiques accordent une place de plus en plus importante à la fiscalité, non seulement comme moyen de régularisation des fluctuations économiques mais aussi comme instrument de transformation des structures. 243 a) Qu’entendre par « transition fiscale » ? La transition fiscale peut se définir comme un mécanisme qui consiste à augmenter la fiscalité interne en diminuant la dépendance vis-à-vis des recettes tarifaires et minières (qui sont des recettes instables). L'objectif ici est de réduire les distorsions d'origine tarifaire et de maintenir les recettes à un niveau proche de l'objectif du gouvernement : atteindre la marge qui lui permet d'affecter des ressources à un projet défini sans mettre en péril sa viabilité financière ou la stabilité économique. Afin d’y parvenir, des actions macroéconomiques s’imposent au gouvernement : 1° augmenter les recettes budgétaires soit par une hausse des impôts, soit par une mobilisation accrue des recettes stables ou des dons ; 2° diminuer les dépenses en supprimant les dépenses non prioritaires ; 3° augmenter les financements : l'Etat peut emprunter davantage soit à l'extérieur, soit en interne (par financement bancaire ou non). De toutes ces solutions, celle qui semble la plus viable et à la disposition du pouvoir public, c'est la mobilisation accrue des ressources internes. D'où le rôle central de la taxe d’imposition (TVA) pour un Etat. En effet, cette taxe regorge de qualités intrinsèques qui la placent au centre de la fiscalité : son fort potentiel de recettes : l'assiette fiscale est liée à un agrégat macroéconomique majeur qu’est la consommation (consommation finale et investissement)) ; sa neutralité : aucune distorsion, ni sur les intrants et les équipements des collecteurs d'impôts, ni sur les exportations et le taux de protection effectif des productions locales ; son équité : elle s’applique à toutes les couches de la société. De plus, le contexte est marqué par des contraintes de plus en plus fortes sur les autres types de recettes : la baisse continue des recettes tarifaires suite aux accords internationaux sur le commerce (OMC, intégrations économiques régionales, ACP) visant le démantèlement des barrières tarifaires, couplée aux difficultés de développement de la fiscalité interne (petite 244 taille du secteur formel et tendance internationale à la baisse des taux d'imposition du résultat, pauvreté et autres obstacles relatifs aux impôts sur les revenus, difficultés de collecte des autres recettes fiscales). b) La TVA comme instrument de transition fiscale : Avantages et inconvénients La relation entre la politique fiscale et le développement se révèle complexe et dépend des conjonctures socio-économiques de chaque pays (Bird, 1999). Cette relation est d’autant plus compliquée que l’économie est en transition. Selon le rapport Neumark113, seule la TVA peut apporter une solution satisfaisante aux problèmes qui se posent à chaque étape de l’intégration économique. La TVA permet de combiner les avantages de la taxe unique (charges égales pour tous les produits similaires, absence d’incitation à l’intégration) avec ceux de la taxe en cascade (répartition de la charge aux différents stades de son champ d’application, rendement élevé). (i) Les vertus de la T.V.A. Créée en France en 1954, la TVA est le troisième système de taxation du chiffre d’affaires. Définie comme une taxe sur le chiffre d’affaires appliquée dans chaque entreprise aux ventes, sous déduction des taxes facturées par les fournisseurs, elle est une taxe unique à paiement fractionné qui fut. Plus complexe que les deux premiers systèmes de taxation, la T.V.A. présente de nombreux avantages, à savoir : comme la taxe unique, le poids de l’impôt est relativement léger ; chacun des membres du circuit qui ne se situe pas en position de consommateur final paie la taxe mais peut, en même temps, déduire la taxe qui lui a été facturée ; la détaxation des investissements grâce au mécanisme des déductions de la taxe facturée ; 113 (Cabinets FONTANEAU (Bruxelles,Nice,Paris), 2001). 245 en cas d’excédent de la taxe payée sur celle facturée, il s’impose le remboursement par l’Etat ; Le consommateur intermédiaire paie relativement ce qu’il ajoute au produit du fait qu’en réalité, pour lui, la TVA ne s’applique qu’à la valeur ajoutée : c’est le principe de neutralité de la TVA. Les vertus de la TVA y trouvent leur fondement car ce principe génère des vertus selon lesquelles la TVA : est indifférente à la longueur du circuit économique ; elle ne pèse, de ce fait, pas sur les décisions des opérateurs économiques quant à l’organisation du schéma de production ; est un facteur de compétitivité des exportations dans la mesure où le produit exporté ne supporte pas de TVA et que la TVA acquittée sur les intrants est déductible et remboursable ; encourage les investissements dans la mesure où la TVA acquittée sur ces investissements est déductible et remboursable ; limite la fraude car les opérateurs sont moins enclins à éviter une taxe dont ils ne supportent pas la charge finale ; participe à la formation des opérateurs économiques dans la mesure où chaque opérateur doit détenir une facture en bonne et due forme de son fournisseur pour pouvoir déduire le montant acquitté. Contrairement aux impôts en cascade, l’effet premier de la TVA est de favoriser globalement l’investissement et d’éviter la double imposition des biens de production. Avec son mécanisme d’imputation en amont, l’incidence de la TVA est intégralement reportée en aval sur le consommateur puisque, dans la mesure où les fournisseurs d’une entreprise sont assujettis, aucun des coûts de production n’est grevé de TVA. Dans une étude réalisée sur les pays d’Afrique subsaharienne (dont ceux de l’UEMOA), (Chambas, 2004) affirme que l’un des grands avantages de la TVA est qu’il est possible, dans le cas de son adaptation au contexte particulier d’économies en développement, d’en conserver les propriétés de neutralité économique tout en recouvrant des recettes fiscales 246 importantes. Bien que prélevées aux différents stades de production ou de commercialisation, le mécanisme de la TVA permet une déduction systématique des taxes supportées par les consommateurs intermédiaires. Cependant, (Chambas, 2004) est parvenu à identifier des entraves à la neutralité économique de la TVA dans les pays étudiés. (ii) Les limites de la neutralité économique de la TVA dans les pays africains En Afrique les conditions d’application réduisent considérablement les vertus théoriques reconnues à la TVA. Dans la plupart des cas, à l’exception des activités dégageant une faible valeur ajoutée le plus souvent révélatrices de fraude, une entreprise acquitte sur l’achat de ses intrants un montant de TVA inférieur à celui qu’elle facture sur le produit de ses ventes. A cet effet, elle verse à l’Etat la différence entre le montant acquitté et le montant facturé. Tel que mis en place dans la quasi-totalité des pays africains, le mécanisme de la TVA est lui-même générateur d’entraves résultant de l’interruption de la chaîne des déductions qui caractérisent la TVA. On distingue à cet effet : d’une part les interruptions dues à des cas naturels tels que la vente d’occasion par un consommateur à un professionnel, d’un bien dont il veut se défaire, l’exonération de TVA sur les intérêts des prêts à des particuliers ; d’autre part, les interruptions artificielles dues aux exonérations accordées par l’Etat. A ces entraves s’ajoutent les incidences du décalage d’un mois pour le paiement de la TVA, c’est-à-dire les délais des déclarations en matière de TVA, qui constituent des sources de distorsions de la concurrence et qui ont des incidences sur la surface financière des entreprises assujetties. Au niveau des pays de l’UEMOA, les restrictions sur les biens et services ouvrant droit à déduction de TVA constituent de véritables entraves au principe de neutralité de la TVA. Certains codes des impôts des pays de cette Union excluent du droit à déduction, des consommations intermédiaires tels que le carburant et le transport, à la fois parce que le contrôle par l’administration de ce type de consommation intermédiaire est difficile mais aussi parce que l’ouverture du droit à déduction pourrait être à l’origine de pertes de recettes. 247 Par ailleurs, dans ces pays, la « règle du butoir » a été imaginée pour préserver les intérêts budgétaires de l’Etat114. L’adoption de seuil d’assujettissement trop bas a aussi rendu difficile une gestion efficace de la TVA. Enfin, il convient d’ajouter les exonérations de TVA sur certains biens. En effet, les erreurs de conception - lorsqu’il en existe dans un système fiscal - perturbent le jeu des rouages que comporte l’économie du marché. Une interruption dans la chaîne des déductions de TVA compromet tout l’équilibre du système de TVA : une exonération en cours de circuit alourdit la charge fiscale, l’intermédiaire non exonéré intervenant après l’intermédiaire exonéré devra taxer l’opération sur le tout sans pouvoir déduire (Lauré, 1993). Si la TVA apparaît comme l’impôt qui obéit à la nécessité de mobiliser des ressources fiscales supplémentaires et, est susceptible de renforcer le développement économique, l’on doit tout de même analyser les vertus ainsi que les entraves à la TVA qui subsistent aujourd’hui dans certains Etats de l’UEMOA, en vue de rendre la TVA véritablement neutre dans chaque Etat. Cela nécessite une harmonisation des législations fiscales d’une part et devra dégager certains principes de base pour la mise en œuvre d’une TVA au sein des pays de l’Union d’autre part. Dans le cas de l’UEMOA, nous entendons par transition fiscale, le passage des régimes fiscaux nationaux actuels à un régime fiscal communautaire conçu dans une optique d’intégration économique des pays de l’Union. Dans ces conditions, il s’avère nécessaire de définir les orientations des futures politiques fiscales, tant au plan législatif qu’organisationnel dans les Etats membres de ladite Union. C’est dans cette nouvelle communauté d’intérêts que les Etats membres de l’UEMOA vont chercher à promouvoir un développement harmonieux des activités économiques, une stabilité accrue et un relèvement du niveau de vie. La réalisation de tels objectifs exige une concertation très étroite au niveau des décisions, mais également une coordination de tout un ensemble de politiques dont la rentabilité n’avait été évaluée jusqu’alors qu’en fonction des intérêts nationaux. 114 Règle du butoir : lorsque le montant de la taxe déductible au titre d’un mois est supérieur à celui de la taxe exigible, l’excédent constitue un crédit d’impôt imputable sur la taxe exigible le mois suivant. Selon les dispositions en vigueur, le crédit d’impôt ne peut pas faire l’objet d’un remboursement au profit de l’assujetti. Les assujettis ne pouvant pas se faire rembourser leur excédent de crédit de TVA, ceci constitue donc une entrave au mécanisme général de la TVA. L’excédent non remboursé apparaît désormais comme une charge pour l’entreprise et comme une recette exceptionnelle pour l’Etat. 248 4.2.2.2 Transition fiscale dans l’UEMOA : mythe ou réalité ? Parmi les objectifs fixés par le Traité de l’UEMOA, figure la création d’un marché commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens, des services, des capitaux et le droit d’établissement, ainsi que sur un tarif extérieur commun et l’harmonisation des législations fiscales des Etats membres. C’est ainsi qu’après la libéralisation des échanges intracommunautaires et l’adoption d’un tarif extérieur commun, les régimes de taxe sur la valeur ajoutée et de droits d’accises115 ont été harmonisés, favorisant l’éclosion d’activités économiques et financières compétitives dans le cadre d’un marché ouvert et concurrentiel ainsi que d’un environnement fiscal et juridique rationalisé et harmonisé. Aussi, les Etats membres ont-ils mis en œuvre des stratégies de lutte contre la pauvreté qui induisent des charges récurrentes importantes. Dans ce contexte, l’impératif de mobilisation des ressources confère à la fiscalité intérieure un rôle prépondérant dans le financement du développement et des politiques sociales. La transition fiscale doit également soutenir la croissance par un allègement des prélèvements fiscaux sur le capital et le travail, et promouvoir le financement du développement sur ressources propres. Pour réaliser ces objectifs, le programme dénommé « Programme de transition fiscale » a été élaboré à partir des conclusions du séminaire sur la mise en place d’une fiscalité de développement, tenu à Bamako du 6 au 8 décembre 2005. Quels est le champ d’application de ce programme et quels effets implique son application dans les pays de l’UEMOA ? a) Champ d’application du « Programme de transition fiscale » de l’UEMOA Comme précédemment annoncé, la transition fiscale concerne le marché commun, le développement, les ressources de l’Etat ainsi que synergie entre les différentes administrations fiscales et douanières. 115 Les droits d'accises sont des taxes indirectes sur la consommation ou l'utilisation de certains produits. Contrairement à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), il s'agit principalement de taxes spécifiques, c'est-à-dire exprimées en tant que montant monétaire par quantité de produit. 249 (i) Consolidation du marché commun La transition fiscale doit faciliter l’approfondissement du marché commun, par le renforcement des instruments de libéralisation des échanges intracommunautaires et la suppression de toutes les entraves résiduelles à la libre circulation des marchandises. Au plan intérieur, il s’agit de mettre en place une fiscalité de droit commun, mieux articulée à la fiscalité douanière, orientée vers la promotion de la compétitivité et la croissance économique, tout en facilitant la mobilisation des recettes fiscales et une bonne allocation des ressources. La mise en œuvre du programme de transition fiscale offre l’opportunité d’ouvrir les chantiers de l’harmonisation des fiscalités directes intérieures, en soutien à l’approche de l’Union en matière de libre circulation des personnes, des services, des capitaux ainsi que de droit d’établissement. La réalisation de tels objectifs nécessite l’application des mesures suivantes : La libéralisation des échanges intracommunautaires (élimination des barrières non tarifaires ; suppression des exonérations, exemptions et autres aides fiscales, génératrices de distorsions de concurrence dans le marché commun, etc.). Le tarif extérieur commun - TEC - (prise en compte des contraintes de la zone en matière budgétaire, fiscale et commerciale dans les engagements tarifaires au cours des négociations commerciales). L’approfondissement de l’harmonisation des fiscalités intérieures indirectes : élimination des exonérations, exemptions et autres aides fiscales entrainant notamment des distorsions de concurrence ; amélioration des indicateurs relevant de la politique fiscale, par l’augmentation du taux de pression fiscale, notamment du ratio TVA/PIB et du rendement des droits d’accises (élargissement de l’assiette, fiscalisation des activités informelles). L’harmonisation de la fiscalité directe : signature d’une convention multilatérale de non-double imposition et d’assistance réciproque entre les Etats membres de l’UEMOA ; mise en place d’outils de mesure du niveau de fiscalité optimale qui concilie l’impératif de mobilisation des ressources publiques et l’exigence d’un 250 environnement propice à l’investissement et à la croissance économique ; adoption par les Etats membres de l’Union du taux marginal effectif d’imposition (TMEI), comme concept opératoire. L’amélioration de l’environnement fiscal et douanier (recherche par les Etats d’une relation de confiance entre l’administration et le contribuable ; lutte contre la fraude et la corruption ; mise en place d’une fiscalité adaptée aux petites entreprises). (ii) Soutien à la croissance et au financement du développement Les actions du Programme de transition fiscale doivent favoriser la formation d’une épargne interne pour le financement des investissements qu’implique l’objectif d’une croissance forte, durable et réduisant la pauvreté. Les mesures envisagées doivent permettre une protection effective plus adéquate de certaines filières agricoles et industrielles sensibles et répondre aux nouveaux besoins de financement des programmes communautaires sectoriels et d’aménagement du territoire de l’Union. (iii) Mobilisation optimale des ressources fiscales et douanières La mobilisation des ressources fiscales et douanières permet de procurer à l’Etat des ressources suffisantes, tout en minimisant les distorsions économiques. Dans ce cadre, l’objectif est d’abord d’inclure dans le champ d’application de l’impôt, le maximum d’activités économiques, surtout celles dont la croissance est rapide. Il s’agit de : l’accroissement de la mobilisation des ressources fiscales intérieures notamment, celles procurées par la TVA et les droits d’accises en vue de faire face aux contraintes de la transition fiscale ; l’élargissement de l’assiette et la baisse des taux nominaux ; la modernisation des formes d’organisation et méthodes de travail des administrations fiscales et douanières en vue de rendre plus efficient le recouvrement des impôts, droits et taxes. 251 (iv) Renforcement des capacités et de la synergie entre administrations fiscales et douanières Un système fiscal flexible et mieux articulé entre fiscalité de porte et fiscalité intérieure, est un réceptacle propice au processus de substitution graduelle de la fiscalité intérieure à la fiscalité de porte. Dans la perspective d’une augmentation continue de la productivité des administrations fiscales, d’un élargissement et d’une meilleure maîtrise de l’assiette fiscale, le système fiscal doit reposer sur la recherche d’une plus grande synergie entre les services fiscaux notamment en ce qui concerne les procédures d’échange d’informations. Pour se faire, les mesures suivantes doivent être prises : le renforcement des capacités des administrations fiscales et douanières, notamment pour lutter contre la fraude ; l’allocation de ressources budgétaires suffisantes destinées à ces Administrations ; le renforcement des capacités de la Commission en vue de permettre un suiviévaluation efficace de la mise en œuvre des réformes ; la création de structures d’enquêtes et de recherches de renseignements communes aux administrations fiscales et douanières. c) Application de la TVA dans les Pays de l’UEMOA La réalisation d’une transition fiscale réussie et favorable à l’intégration économique implique deux types de mesures : la première vise à supprimer les entraves au principe de la neutralité de la TVA ; la deuxième veille à l’harmonisation des législations. (i) Suppression des obstacles au principe de neutralité de la TVA En vue d’une bonne harmonisation des législations en matière de la TVA, chaque Etat devra préalablement assainir sa loi TVA de telle sorte qu’elle ne contienne plus les dispositions contraires aux principes de neutralité de la TVA. La lutte contre la fraude, la 252 modernisation de la gestion de la TVA par un système informatique moderne et performant afin de permettre la synergie interne entre les administrations des impôts et des douanes dans chaque pays et entre les pays de l’Union -, sont des nécessités pour que la TVA puisse jouer pleinement ses vertus. Ainsi, dans le cadre de l’assainissement des dispositions nationales de la TVA, chaque pays de la zone devra : généraliser la TVA dans tous les secteurs d’activités ou à tous les produits destinés à la consommation. La vente d ’ un bien exonéré de TVA génère en aval un crédit net de TVA, compte tenu de la TVA qui a été acquittée en amont ; il devrait faire l’objet d’un remboursement dès lors qu’il provient d’une opération légalement exonérée. Les exonérations de TVA entraînent des pertes de recettes importantes amplifiées par celles induites par le détournement du dispositif. Appliquer une TVA à taux unique. L’application des taux multiples de TVA entraîne des distorsions en raison de leur difficulté d’application. Comparativement au cas d’une TVA à taux unique, la multiplicité des taux entraîne l’apparition de crédits supplémentaires de TVA. Supprimer les exonérations de TVA à des fins d’incitations ainsi que les restrictions sur les droits à déduction. Les exonérations de TVA sont néfastes du fait qu’elles entraînent inévitablement la nondéductibilité de la TVA supportée par le produit concerné. De même, Les restrictions sur les biens et services ouvrant droit à déduction de TVA inhibent le mécanisme de la neutralité de la TVA et détournent la compétitivité des productions locales. Supprimer les dispositions relatives à la règle du butoir : lorsque le montant de la taxe déductible au titre d’un mois est supérieur à celui de la taxe exigible, l’excédent constitue un crédit d’impôt imputable sur la taxe exigible le mois suivant. Selon les dispositions en vigueur, le crédit d’impôt ne peut pas faire l’objet d’un remboursement au profit de l’assujetti. Les assujettis ne pouvant donc pas se faire rembourser leur excédent de crédit de TVA, ceci constitue une entrave au mécanisme 253 général de la TVA. L’excédent non remboursé apparaît désormais comme une charge pour l’entreprise et comme une recette exceptionnelle pour l’Etat. Informatiser les procédures fiscales et instituer un identifiant fiscal unique afin de lutter contre la fraude. Dans le souci d’une augmentation continue de la productivité des administrations fiscales et en vue de maîtriser l’assiette de la TVA et de faciliter le mécanisme de déduction de TVA entre les Etats membres de la communauté, il s’impose une automatisation des procédures et des formalités douanières d’une part, et une interconnexion des systèmes informatiques des douanes, des impôts et du trésor public d’autre part. Fiscaliser les activités informelles en vue de l’élargissement de l’assiette de la TVA. Les entraves à la TVA étant fonction des législations de TVA en vigueur, d’autres mesures visant à supprimer les entraves au principe de neutralité de la TVA, peuvent s’ajouter à celles citées ci-dessus selon les cas de figure qui se présenteront au sein des différents pays et au sein de l’Union. (ii) Harmonisation des législations TVA au sein de l’UEMOA En vue de l’harmonisation de la législation en matière de TVA au sein de l’Union, les pays de l’UEMOA doivent harmoniser leurs politiques fiscales afin de contribuer à la diminution, voire à l’élimination de la concurrence fiscale déloyale pratiquée entre les Etats de l’Union. L’institution des principes de la TVA dans l’Union, en conformité avec le principe de neutralité de la TVA, nécessite que les pays membres ne pas perdent de vue qu’une Union économique et monétaire présente des avantages tels que les effets de création de trafic, mais aussi des inconvénients tels que les effets de détournement de trafic. Déjà, en (Viner & Ducros, 1951) , avaient soulevé l’idée selon laquelle toute Union n’est pas forcément avantageuse pour tous. En tenant compte de tous ces facteurs, le principe clé est celui de la territorialité. Les frontières fiscales n’existant pas entre les Etats membres de l’UEMOA, le territoire à considérer en matière de la TVA sera celui délimité par les frontières géographiques de toute l’Union. 254 Par ailleurs, la TVA étant un impôt sur la consommation, il appartient à l’Etat consommateur de tirer profit de cette TVA. Le principe d’acquisition ou de destination étant conforme au mécanisme selon lequel la TVA s’applique sur la consommation, elle doit donc s’appliquer dans le pays de destination qui est le pays potentiel de consommation. La TVA obéit au principe d’exonération des exportations et de taxation des importations. En outre, cette modalité rend la charge de la TVA identique tant pour les produits nationaux que pour les produis exportés. Contrairement au régime de la taxation des livraisons (taxation au pays d’origine), le régime d’acquisition ne change pas la nature de la TVA et n’en fait pas un élément du prix de vente susceptible de modifier les conditions de la concurrence. Au regard de ce qui précède, au titre de l’harmonisation des législations TVA au sein de l’Union, les principes clés de la transition fiscale dans l’UEMOA ci-après sont recommandés : Les opérations internes réalisées sur un territoire sont imposables si elles entrent dans le champ d’application de la TVA. Les opérations réalisées au sein de l’Union : chaque entreprise assujettie à la TVA à l’intérieur de l’Union est identifiée par un numéro national. Deux types de transactions se distinguent dans ce cas (tableau 4-6): Dans le cas d’une livraison intracommunautaire : Si le client est identifié, la livraison de la marchandise est exonérée de taxe pour le pays exportateur et taxée dans le pays importateur. Si le client n’est pas identifié, la livraison est taxée au départ du pays exportateur, et exonérée de taxe dans le pays B importateur. Dans le cas d’une acquisition intracommunautaire : Si l’entreprise du pays acquéreur est identifiée, l’acquisition est taxée dans le pays importateur. Si l’entreprise du pays acquéreur n’est pas identifiée, l’acquisition est taxée à la TVA dans le pays exportateur et ne subit pas la TVA du pays importateur. 255 Tableau 4-6 : Système de taxation dans le cas d’opérations intracommunautaires de l’UEMOA. Livraison intracommunautaire Acquisition intracommunautaire Acquéreur identifié Pas de taxation Taxation Acquéreur non identifié Taxation Pas de taxation Les opérations réalisées avec le reste du monde : les exportations sont exonérées de la TVA, et les importations taxées à la TVA. En vue d’assurer une transaction fiscale dans le cadre d’un accroissement des recettes des pays de l’UEMOA, la TVA apparaît comme le seul impôt qui répond à l’objectif de la mobilisation des recettes fiscales supplémentaires suite au désarmement des barrières tarifaires, d’où la nécessité d’harmoniser les législations fiscales au sein des Etats de l’Union. Conclusion La condition de solvabilité des finances publiques et, partant, de soutenabilité de la dette publique, exige comme principale contrepartie de l’emprunt des recettes publiques futures, les dons dépendant de décisions prises par la communauté internationale et les recettes de seigneuriage pouvant engendrer de l’inflation. Les gestionnaires des finances publiques des pays de l’UEMOA doivent dégager la meilleure combinaison possible entre ces différents moyens de financement des biens publics (Brun, et al., 2006). Compte tenu des contraintes pesant sur les dons et sur les ressources de seigneuriage et aussi de la nécessité de recourir à des ressources fiscales ultérieures pour mobiliser de manière durable des emprunts, l’impôt constitue une moyen privilégié de couverture de la dépense publique (United Nations, 2002). C’est dans ce cadre qu’a été adopté en 2006 la Décision numéro 10/2006/CM/UEMOA portant Programme de transition fiscale (PTF) au sein de l’UEMOA avec pour objectifs: 256 la mise en place dans les Etats d’une fiscalité de développement basée sur la promotion de l’investissement et de la croissance économique; la mobilisation optimale des ressources fiscales pour le financement endogène des programmes de développement. Les pays de l’UEMOA se sont ainsi engagés à : atteindre un niveau approprié de collecte des recettes publiques pour financer de manière durable le développement (respect des critères du Pacte de convergence de l’UEMOA); mobiliser ces recettes publiques en grande partie à partir de la fiscalité intérieure, c’est-à-dire à partir de l’activité économique intérieure (réduire la part de la fiscalité de porte basée sur le commerce international). Cependant, l’endettement extérieur, quoique désormais moins conseillée car ayant montré ses limites, s’impose pour l’instant à l’UEMOA et nécessite un dispositif aidant à gérer au mieux la dette contractée. Dans ce contexte, il a été mis en place la Directive numéro 01/2009/CM/UEMOA du 27 mars 2009 portant Code de transparence dans la gestion des finances publiques au sein de l’UEMOA. Ce code exige que : les décisions ayant une incidence sur le budget de l’Etat soient chiffrées et rendues publiques; l’évaluation de l’impact financier de ces décisions fasse partie des documents budgétaires à joindre au projet de loi de finances de l’année. Au regard de ces objectifs, la Commission a engagé des travaux depuis 2009, en vue d’installer dans l’Union, la pratique de l’évaluation des dépenses fiscales. On peut considérer que nous sommes actuellement au cœur de ces processus de gestion de la dette et de transition fiscale, pour les Etats de l’UEMOA. Vivement qu’ils arrivent à la hauteur des objectifs recherchés. 257 CONCLUSION GENERALE 258 Nous avons essayé, dans cette thèse, d’examiner les contours de la politique budgétaire en UEMOA tout en nous basant sur une analyse rétrospective de la question relative à la soutenabilité de la politique budgétaire dans ladite zone. Pour se faire, une revue de la littérature était indispensable pour expliquer le concept de soutenabilité. La contrainte de solvabilité intertemporelle qui est le cadre théorique le plus couramment utilisé pour analyser la soutenabilité des politiques budgétaires des pays industrialisés, n’est pas très pertinent pour les pays de l’UEMOA, car il ne prend pas en compte certaines sources de financement que sont le caractère concessionnel de la dette et l’importance des dons et des revenus du seigneuriage. Nous avons voulu, dans notre étude, tenir compte de ces aspects. Il ressort de nos résultats d’étude de financement du déficit budgétaire que, sur la période étudiée (1985-2012), la soutenabilité de la politique budgétaire de l’UEMOA semble osciller à court terme entre des niveaux soutenables et des niveaux non soutenables. Par ailleurs, à l’objectif de réduire le poids de la dette dans l’UEMOA en vue de garantir la soutenabilité budgétaire à l’Union, se corrobore la nécessité d’un accroissement des recettes de l’Etat. Les recettes fiscales constituant la majorité des revenus des Economies de l’UEMOA, la politique fiscale est le moyen privilégié qui se présente aux Etats membres de cette Union. Cependant, la politique fiscale, qui porte sur le niveau de prélèvement obligatoire et l’amélioration du rendement des recettes publiques par les différents impôts, ainsi que sur le taux de ces derniers et l’assiette fiscale, est à distinguer de la politique budgétaire, qui, elle, porte sur le niveau des dépenses publiques et leurs bénéficiaires116. Aussi, comme instrument de développement économique, la fiscalité présente des limites. La difficulté principale réside dans le conflit permanent entre les grands objectifs de l’imposition que sont la justice, l’équité et l’efficacité. Ces enjeux de la politique fiscale ne sont pas que de simples ambitions compatibles ; elles sont bien mais trop souvent contradictoires. En effet, un gouvernement soucieux d’une grande efficacité aura des difficultés à parvenir à l’équité et 116 Quoiqu’ayant des similarités, ces deux politiques ont aussi des divergences dont la principale porte sur leur incidence. Dans le cas de la politique budgétaire, l’administration est en mesure d’identifier les bénéficiaires de ses transferts et de prévoir le volume global de ceux-ci. Par contre, l’incidence réelle de l’impôt est encore mal connue dans la plupart des cas, de même que le coût des exonérations fiscales pour le budget de l’État. De plus, le contribuable dispose d’une marge de liberté non négligeable pour moduler le montant des impôts qu’il verse. En effet, la plupart des décisions économiques des redevables (entreprises ou ménages) ont une influence, connue ou inconnue, sur les impôts qu’ils auront à payer, qu’il s’agisse de l’arbitrage entre consommation et épargne, de la décision d’investir ou du choix entre les différentes catégories de biens ou de forme de placement. 259 inversement, la recherche d’équité peut faire atteindre défavorablement l’efficacité. Un équilibre optimal s’impose entre ces objectifs. Une autre difficulté de la politique fiscale comme instrument d’intervention de l’État réside dans son inadaptation. L’impôt sur le capital et l’instauration d’un droit de douane visant à protéger la production nationale de la concurrence étrangère en sont des exemples palpables : le droit de douane risque d’avoir des impacts négatifs sur l’activité économique et sur le budget, l’application d’un trop fort taux d’imposition sur le capital décourage l’investissement. Pour ce qui est de l’analyse de la soutenabilité de la dette dans l’UEMOA Les résultats de notre étude ont montré que les pays de la zone UEMOA présentent des déficits budgétaires très prononcés et qu’ils ont des ressources insuffisantes pour faire face au remboursement de leurs dettes. Il est évident que des facteurs pèsent négativement sur la croissance économique de l’UEMOA et in fine, sur la balance des paiements et sur le déficit courant. Dans tous les cas, un effort supplémentaire d’assainissement des finances publiques est plus que nécessaire au moins à court terme pour améliorer le niveau des réserves qui constituent un signal de la capacité des pays de l’UEMOA à honorer leurs obligations, même dans le cadre d’un choc défavorable. Pour cela, la poursuite à moyen terme de la réduction du déficit budgétaire est plus que nécessaire en s’attaquant particulièrement aux rigidités budgétaires et aux dépenses publiques, sources de gaspillage. La première d’entre-elles, sont les dépenses publiques consacrées à la rémunération des travailleurs. En effet, il faut entamer par la partie la plus représentative du budget car c’est là où il y a le plus de marges de manœuvre. Un des critères de second rang du PSCC de l’UEMOA, le ratio masse salariale sur recettes fiscales a dû sa promotion parmi ces critères qui servent de repères structurels à l’appréciation et à la conduite des politiques budgétaires 260 nationales, par son niveau particulièrement élevé au début des années 1990. De fait, la crise financière et économique qui a précédé la dévaluation, avait été exacerbée par le poids de la masse salariale des Etats qui s’est accru très rapidement, à la faveur notamment d’une croissance rapide des effectifs de la fonction publique. Cette rubrique de dépenses constitue une source de gaspillage importante pour les pays de l’Union. Par ailleurs, nous avons les dépenses relatives aux investissements qui peuvent également constituer pour l’Etat une source de gaspillage. En effet, au sein de l’UEMOA, les dépenses allouées aux investissements non marchands sont légion ; les fonds sont dépensés de façon contraire aux intérêts de la population vu qu’il y a absence de bénéfice. Au contraire, il faudrait investir dans des projets porteurs de croissance. La rationalisation de ces dépenses consacrées aux salaires et aux investissements non marchands, aiderait à détendre les dépenses publiques. Or, plus on resserre les dépenses relatives aux biens et services de base, plus l’impact sur la croissance est négatif. Dans le souci de ne pas impacter négativement la croissance par la réduction des dépenses publiques, les Etats pourraient accroître leurs revenus par les impôts. Cependant, parce qu’ils sont confrontés à une limite de la charge de l'impôt qu'ils peuvent imposer aux citoyens, les Etats font face à une contrainte de faisabilité sur le montant de revenu qu'ils peuvent lever. Là aussi, le résultat peut être qu'une série de politiques budgétaires qui initialement satisfaisait la contrainte de solvabilité, devienne inadéquate dans le temps. Pour ce qui est de l’étude du financement du déficit budgétaire dans l’UEMOA : La comparaison du solde primaire soutenable calculé avec le solde primaire observé sur la période 1985-2012 nous fait dire que dans la plupart du temps, le solde primaire observé exprimé en pourcentage du PIB est largement inférieur au ratio du déficit budgétaire souhaitable pour une soutenabilité, ce qui traduit une non-soutenabilité de la dette des pays de l’UEMOA. Cependant, les rares cas où les soldes budgétaires primaires ont été supérieurs aux seuils critiques de soutenabilité nous font espérer que les Etats de l’UEMOA arrivent parfois et sont donc capables 261 de dégager des excédents budgétaires primaires, de sorte que leur montant permette de contrebalancer la différence qui existe entre le taux d'intérêt réel de la dette et le taux de croissance réel de l'économie. A l’aspect quantitatif que l’on associe spontanément à la notion d’excédent primaire, il faut donc ajouter un aspect qualitatif. Cette dernière variable étant une interface entre deux réalités, l’une budgétaire et l’autre économique, elle ne peut pas être un objectif en soi, mais doit faire l’objet d’arbitrages. Pour ce qui est des initiatives PPTE et IADM Au cours de la dernière décennie, la dette externe des pays en développement a été significativement réduite. L’amélioration de leurs performances macroéconomiques, liée notamment à une meilleure gestion des finances publiques et à l’impact positif sur leurs soldes courants de termes de l’échange favorables, a contribué à réduire le fardeau de la dette extérieure de ces pays. En effet, Depuis le début des années 2000, plusieurs facteurs ont contribué à réduire la dette des pays en développement. L’amélioration des performances macroéconomiques, liées à une meilleure gestion des finances publiques, et une consolidation de la qualité des institutions, dans un contexte récent de prix élevés des matières premières et de termes de l’échange favorables, ont permis aux pays en développement de réduire le fardeau de leur dette. Cependant, certains constats peuvent remettre en cause cette progression des objectifs du millénaire en matière de réduction de la dette : 262 L’amélioration de la solvabilité externe des pays d’ASS s’est néanmoins accompagnée d’un recours accru à l’endettement domestique117 A cet égard, (Cabrillac & Rocher, 2009) soulignent que la mise en œuvre par les États africains de politiques publiques visant à diversifier leurs modes de financement a participé de cette tendance. La dette domestique en ASS est ainsi passée de 15% du PIB en moyenne sur la période 1995-2000 à plus de 22% sur la période 2001-2008. Ce développement n’est cependant pas homogène et des disparités existent entre pays, reflétant pour partie l’insuffisance de l’épargne domestique, le développement encore insuffisant de l’intermédiation financière et le manque de profondeur et de liquidité des marchés financiers locaux. Même si la dette domestique était inférieure à 5% du PIB en 2008 dans les pays de l’UEMOA (Adelegan & Radzewicz-Bak, 2009), ces derniers restent vulnérables à un certain nombre de facteurs susceptibles d’affecter la viabilité de leur dette extérieure. La crise peut affecter les canaux de financement externes de certains pays d’ASS Compte tenu de la spécialisation des pays de l’UEMOA dans les matières premières, qui représentent leur principale source de revenus, la crise financière s’est diffusée par un choc brutal sur les exportations de ces pays et sur les termes de l’échange, affectant tant les comptes courants que les recettes budgétaires. Des facteurs de fragilité persistants, en dépit d’améliorations des indicateurs d’endettement Force est de constater que les indicateurs d’endettement existant ont pour vocation d’être des indicateurs de la capacité des pays à assurer le remboursement de la dette, soit par la richesse qu’ils génèrent (PIB ou PNB), soit plus directement par la part de celle-ci permettant de générer des devises transférables (le montant des exportations). les institutions financières 117 (Beaugrand, Loko, & Mlachila, 2002) 263 internationales (IFI) privilégient une analyse en termes de stock – basée sur la théorie du debt overhang118 (Berr & Combarnous, 2007) –, alors qu’elles devraient prendre en compte « l’impact social » du remboursement sur les populations des pays débiteurs, qui ne peut être véritablement appréhendé que par une analyse élaborée à partir du service de la dette car cette charge annuelle de remboursement pèse davantage sur la satisfaction des besoins essentiels des populations des pays en développement (PED) que le stock de la dette. Pour ce qui est de financement du développement La corruption et la fraude prenant de l’ampleur dans les économies des pays de l’UEMOA, la lutte contre ces deux fléaux constitue un facteur essentiel de la pérennité de l’édifice fiscal d’autant plus qu’elle biaise le mécanisme de la TVA. Les Etats doivent veiller à ce que les entreprises collectrices de TVA ne soient pas amenées à supporter l’incidence de certains impôts en raison du développement de la fraude. Pris isolément, le mécanisme de TVA institué dans la majorité des Etats africains entraîne certaines entraves au principe de la neutralité de la TVA, ce qui ne permet pas à la TVA de jouer pleinement ses vertus. C’est pourquoi, chaque Etat membre devra d’abord éradiquer toutes ces difficultés qui subsistent. Par la suite, une harmonisation des législations entre les l’Etats pourra être mise en œuvre. Il s’agit d’un long processus dont l’aboutissement nécessite : la définition de bonnes règles ; le développement de l’efficacité des administrations ; un capital de ressources humaines expérimentées et motivées et l’affectation de moyens de fonctionnement suffisants. 118 On appelle « debt overhang » les effets négatifs sur l’économie d’un pays, de l’accumulation d’une dette extérieure importante. Elle implique des paiements d’intérêts importants au reste du monde (donc une perte de revenu), l’incapacité de s’endetter davantage même pour financer des investissements utiles, un niveau plus élevé de taux d’intérêt et bien d’autres. 264 En conclusion, il ressort de notre étude que malgré la baisse remarquable du niveau d’endettement, la soutenabilité de la dette en UEMOA demeure préoccupante en l’absence des exportations très diversifiées et de renforcement de la coordination budgétaire de l’Union. la réduction du fardeau de la dette de l’UEMOA s’est contractée à la faveur des initiatives en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et de l’allégement de la dette multilatérale (IADM). Malgré cette évolution favorable, partiellement contrariée par l’essor récent de l’endettement interne, les pays à faible revenu (PFR) restent vulnérables à un certain nombre de facteurs susceptibles d’affecter la viabilité de leur dette, tels que les faiblesses structurelles de ces économies ; leur exposition à des chocs, notamment externes, des capacités limitées en matière de gestion de la dette ainsi qu’un accès irrégulier aux sources de financement extérieur. Aussi, les pays d’ASS y compris ceux de l’UEMOA apparaissent-ils d’autant plus vulnérables que la crise financière actuelle risque d’augmenter leurs besoins de financement. En effet, la crise s’est diffusée principalement par un choc brutal des termes de l’échange, qui s’est traduit, en particulier pour les PFR exportateurs de matières premières, par une nette détérioration des comptes publics (du fait de l’impact très négatif sur les recettes budgétaires) et des comptes extérieurs, aggravée par la diminution des flux d’investissements directs, souvent concentrés dans le secteur des matières premières, et des transferts des migrants. Ces évolutions ont accru les risques d’un retour à un surendettement public et externe. L’apparition de nouveaux prêteurs émergents, dont les conditions de prêts ne sont pas toujours compatibles avec le cadre qui fait consensus chez les prêteurs traditionnels, renforce encore ce risque. Le FMI a évalué les perspectives d’évolution de la dette pour les pays ayant atteint le point d’achèvement PPTE. Alors que l’initiative IADM permet aux pays ayant franchi le point d’achèvement PPTE de bénéficier d’une annulation quasi intégrale du stock de leur dette bilatérale auprès des créanciers du Club de Paris et d’annulations de leur dette par les créanciers multilatéraux, un peu plus de 60% des pays bénéficiaires présentaient encore en 2009 un risque modéré ou élevé de surendettement ( (FMI, 2008) et (FMI, 2009)). Dans l’UEMOA, les efforts jusque-là fournis de mobilisation des recettes restent insuffisants pour permettre à l’Etat de disposer d’assez de marge de manœuvre face à la demande sociale. Pour consolider ces performances et respecter les conditions de convergence, un rééquilibrage 265 budgétaire s’impose dans les pays où les déficits sont plutôt élevés face aux prévisions de forte croissance et à la nécessité de reconstituer les volants budgétaires. Partant des résultats qui découlent de nos différentes analyses de la soutenabilité de la dette et du financement du développement dans l’UEMOA, la dernière partie de notre thèse identifie les principales mesures de politiques nécessaires pour résorber les déséquilibres extérieurs et résoudre le problème pertinent de la soutenabilité de la dette. A cet effet, des recommandations sont faites dans le cadre de la mobilisation des recettes. Ainsi, à l'objectif de proposer un financement optimal des déficits budgétaires après une étude approfondie des politiques budgétaires des pays membres de la zone UEMOA, de 1975 à 2012, nous évoquons ici, à la suite des résultats auxquels nous sommes parvenus, les recommandations proposées à l’endroit des autorités économiques et financières des pays de l’UEMOA et à l’endroit des autorités internationales. Recommandations à l’endroit des autorités nationales 1° La nécessité d’une gestion saine et transparente des finances publiques par les représentants des pouvoirs publics des pays de l’Union. Les dépenses publiques peuvent favoriser la croissance des économies de l’UEMOA lorsqu’elles sont destinées aux investissements, mais sont également susceptibles de la freiner quand elles privilégient la consommation. Un tel constat pose deux problèmes, d’une part, celui du seuil au-delà duquel les dépenses de consommation, indispensables au fonctionnement des administrations publiques, deviennent nuisibles à la croissance économique et, d’autre part, celui de la destination effective des engagements de dépenses effectués. 266 2° Dans un contexte de raréfaction des sources de financement des dépenses, la question relative à la qualité des dépenses publiques mérite également d’être posée. Il faut veiller à son utilisation effective de la dépense publique dans les secteurs prioritaires pour le développement (éducation, santé, infrastructures de transport, dépenses sociales). 3° Accroître de manière conséquente les ressources de l'État. Il ressort des résultats des pays étudiés que les gouvernements doivent impérativement améliorer la mobilisation des ressources, et en particulier accroître les recettes publiques. Les dépenses publiques sont nettement en deçà ce qu’elles devraient être pour assurer le remboursement de la dette. Cela est dû au fait que les recettes publiques sont très faibles ; et cela se traduit par des déficits budgétaires persistants dans les pays étudiés. De ce fait, ces pays demeurent tributaires de l’aide extérieure. Pour y arriver, il faudrait : 4° Accroître l’efficacité du système fiscal. Les pays de l’UEMOA devront poursuivre leurs efforts en matière de mobilisation des ressources fiscales intérieures en veillant aux principes d’équité et de solidarité et en minimisant les distorsions économiques. La politique fiscale doit relever plusieurs défis parmi lesquels: l’élargissement de l’assiette fiscale, l’amélioration de l’efficacité de la TVA, la rationalisation des dépenses fiscales, la lutte contre la fraude fiscale et la contrebande, et la modernisation de l’administration fiscale. 5° Réexaminer les dépenses publiques au profit des dépenses porteuses de croissance : il faut privilégier l'endettement de croissance au détriment de l’endettement de crise. Des études ont montré que, pendant plus de 40 ans (1965-2006), 40% de l’aide publique au développement a été consacrée à la consommation intérieure, plus d’un tiers à des sorties de capitaux et seulement un quart à l’investissement productif. Une telle répartition, qui est contraire à tous les principes de stimulation du développement, pourrait être modifiée si les donateurs faisaient preuve de souplesse. 267 6° freiner les sorties de capitaux. Cette décision aurait un fort impact sur la mobilisation des ressources. Retenir, ne serait-ce qu’une petite partie de ces capitaux, par exemple au moyen d’une taxe sur les mouvements des capitaux, permettraient d’accroître les recettes publiques de façon énorme. Cependant, cette rétention des capitaux doit servir à alimenter les investissements à l’intérieur des pays et de l’Union et ce, afin de mettre un frein à la surliquidité de l’UEMOA. Recommandations à l’endroit des autorités internationales, au niveau de l’UEMOA : 1° Coordonner mieux les politiques budgétaires afin de préserver la viabilité de la dette et la stabilité de l'Union à moyen terme. L’expérience de la zone euro a montré que la discipline budgétaire dans chaque membre d’une union monétaire est d’une importance critique pour la stabilité de l’union. Or d’après l’analyse des services du FMI, la discipline du marché est limitée au sein de l’UEMOA et, s’il est possible qu’elle s’améliore avec le développement du marché, elle restera probablement insuffisante pendant quelques années. Un renforcement du dispositif de surveillance régionale est donc souhaitable. 2° Revoir les critères de convergence relatifs au ratio d’endettement et au solde budgétaire de base. Ce dernier a été conçu à un moment où tous les pays de l’Union étaient surendettés et confrontés à des ratios d’endettement bien supérieurs à 70 % du PIB. Avec l’arrivée de la Côte d’Ivoire au point d’achèvement de l’initiative PPTE en 2012, tous les pays de l’UEMOA ont maintenant bénéficié d’un allégement sensible de leur dette et ont un ratio d’endettement bien inférieur à 70 % du PIB. Ce changement structurel majeur amène à se demander s’il convient de maintenir ce plafond à 70%. 268 Par ailleurs, en dépit de l’amélioration de la situation macroéconomique de l’Union, les résultats en matière de convergence ne sont pas satisfaisants : un seul Etat membre, le Niger respecte les quatre critères de premier rang en 2012. A part ce pays, le Bénin et le Burkina Faso respectent le critère clé relatif au solde budgétaire de base et cinq Etats membres respectent trois critères de premier rang. Il faut revoir les critères de convergence relatifs à la dette publique et au déficit budgétaire et renforcer l’application de l’ensemble du dispositif pour en améliorer le respect et en accroître l’adhérence. 3° La définition du solde budgétaire de base (critère-clé) pourrait être revue. Le fait d’exclure de la définition actuelle du SBB les dépenses en capital financées sur ressources extérieures soulève deux questions : premièrement, les dépenses exclues sont un important facteur à l’origine de l’accumulation de la dette, qui a fortement contribué dans le passé au surendettement; deuxièmement, une distinction est ainsi établie entre les sources de financement au détriment des financements nationaux et régional. Un objectif de déficit global permettrait de mieux maîtriser l’accumulation de la dette et ne créerait pas de distorsion. Il suffirait de déterminer à quel niveau fixer le plafond du déficit global pour assurer la viabilité de la dette tout en permettant des interventions contracycliques. Cependant, il faut dire qu’une telle approche pourrait être plus difficile à mettre en place dans l’UEMOA, en raison de l’absence de cycles économiques précis et de problèmes liés à la qualité et à la disponibilité des données. Une autre méthode possible est celle qui consisterait à prendre comme référence pour la fixation du plafond le niveau de déficit qui stabiliserait le ratio d’endettement à l’état stationnaire (comme vu en introduction du présent document). Par exemple, dans l’hypothèse d’une croissance de 7 % du PIB nominal à l’état stationnaire (5 % pour la croissance réelle, 2 % pour l’inflation, objectif de la BCEAO), un déficit de 3,5 % stabilise le ratio d’endettement à 50 %. Le plafond pourrait être fixé à un niveau légèrement inférieur à ce taux tout en permettant un dépassement temporaire (limité) de ce dernier dans des circonstances exceptionnelles. 269 BIBLIOGRAPHIE 270 Abrego, L., & Ross, D. C. (2002). Debt relief under the HIPC initiative : context and outlook for debt sustainability and resource flow . Working Papers(44), 52 pages. Washington, DC: World Institute for Development Economic Research (UNU/WIDER), United Nations University. Acclassato, D. H., & Eggoh, J. C. (2013). 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Dans les éditions précédentes, la classification se basait sur le produit national brut, ou PNB. Sur la base du RNB par habitant, nous distinguons les économies à faible revenu, à revenu moyen (subdivisées elles-mêmes en revenu moyen inférieur et revenu moyen supérieur) et à haut revenu. D’autres groupes analytiques, basés sur les régions géographiques et le niveau de la dette extérieure sont également utilisés. Ainsi, pour les Pays à : revenu faible (low income), le RNB par habitant inférieur ou égal à 995 dollars) ; il y en avait 40 en 2010 ; revenu moyen-inférieur (lower-middle income), le RNB par habitant est compris entre 996 et 3 945 dollars ; ces pays étaientt au nombre de 56 en 2010; revenu moyen-supérieur (upper-middle income), le RNB par habitant est compris entre 3 946 et 12 195 dollars) ; il en existait 48 en 2010 ; revenu élevé (high income) dont le RNB par habitant supérieur ou égal à 11 196 dollars) ; ces pays sont au nombre de 69 en 2010. 119 Tous les graphiques (se référant à la classification selon le revenu) contenus dans la présente thèse sont basés sur la classification 2010. 288 Liste des 40 Pays à revenu faible en 2010 (995$ ou moins) Afghanistan Ethiopie Malawi République Centrafricaine Bangladesh Gambie Mali Rwanda Bénin Ghana Mauritanie Sierra-Léone Burkina-Faso Guinée Mozambique Somalia Burundi Guinée-Bissau Myanmar Tajikistan Cambodge Haïti Népal Tanzanie Comores Îles Salomon Niger Tchad Congo, Rép. Dém. Kenya Ouganda Togo Corée, Rép. Dém. Libéria République kirghize Zambie Erythrée Madagascar Rép. Dém. Pop. Lao Zimbabwe Liste des 56 pays à revenu moyen-inférieur en 2010 (996$ à 3945$) Angola Equateur Maroc Soudan Arménie Georgia Micronésie, Etats Féd. Sri Lanka Belize Guatemala Moldavie Swaziland Bhoutan Guyane Mongolie Syrie, Rép. arabe Bolivie Honduras Nicaragua Thaïlande Cameroun Îles Marshall Nigéria Timor-Leste Cap Vert Inde Ouzbékistan Tonga Cisjordanie et Gaza Indonésie Pakistan Tunisie Chine Irak Papouasie-Nouvelle-Guinée Turkménistan Congo, Rép. Jordanie Paraguay Tuvalu Côte d'Ivoire Kiribati Philippines Ukraine Djibouti Kosovo Samoa Vanuatu Egypte, Rép. Arabe Lesotho São Tomé et Principe Vietnam El Salvador Maldives Sénégal Yémen, Rép. 48 289 Liste des 48 pays à revenu moyen-supérieur (3946$ à 12195$) Afrique du Sud Colombie Lebanon République Dominicaine Albanie Costa Rica Libye Roumanie Algérie Cuba Lituanie Samoa Américaines Antigua-et-Barbuda Dominique Macédoine, ex-Rép. Yougoslave Saint-Kitts-et-Nevis Argentine Fédération Russe Malaisie Saint-Vincent-et-les Grenadines Azerbaïdjan Fidji Mayotte Sainte-Lucie Bélarus Gabon Mexique Serbie Bosnie-Herzégovine Grenade Monténégro Seychelles Botswana Ile Maurice Namibie Suriname Brésil Iran, Rép. Islamique Palau Turquie Bulgarie Jamaïque Panama Uruguay Chili Kazakhstan Pérou Venezuela, RB 290 Annexe 3-B : Classification des Pays selon le revenu par la Banque Mondiale : décembre 2013120 Pays à revenu faible (low income), le RNB par habitant inférieur ou égal à 1045 dollars) ; il existe 34 pays à revenu faible Economies à revenu moyen-inférieur (lower-middle income), le RNB par habitant est compris entre 1046 et 4 125 dollars ; ces pays sont au nombre de 50 ; Economies à revenu moyen-supérieur (upper-middle income), le RNB par habitant est compris entre 4 126 et 12 745 dollars) ; il en existe 55 ; Economies à revenu élevé (high income) dont le RNB par habitant supérieur ou égal à 12 746 dollars) ; ces pays sont au nombre de 75. Liste des 34 Pays à revenu faible (1045$ ou moins) Afghanistan Erythrée Malawi Rwanda Bangladesh Ethiopie Mali Sierra-Léone Bénin Gambie Mozambique Somalie Burkina-Faso Guinée Myanmar Tajikistan Burundi Guinée-Bissau Népal Tanzanie Cambodge Haïti Niger Tchad Comores Kenya Ouganda Togo Congo, Rép. Dém. Libéria République Centrafricaine Zimbabwe Corée, Rép. Dém. Madagascar 120 (Banque Mondiale. IBR-IDA, 2014) 291 Liste des 55 pays à revenu moyen-inférieur (1046$ à 4125$) Angola Georgia Moldavie Soudan Armenia Guatemala Mongolie Swaziland Belize Guyana Maroc Syrie, Rép. Arabe Bhoutan Honduras Nicaragua Thaïlande Bolivia Îles Marshall Nigéria Timor-Leste Cameroun Inde Ouzbékistan Tonga Cap Vert Cisjordanie et Gaza Irak Pakistan Tunisie China Jordan Papouasie-Nouvelle-Guinée Turkménistan Congo, Rép. Indonésie Paraguay Tuvalu Côte d'Ivoire Kiribati São Tomé and Principe Ukraine Djibouti Kosovo Sénégal Vanuatu Egypte, République Arabe Lesotho Sri Lanka Vietnam El Salvador Maldives Philippines Yémen, Rép. Equateur Micronésie, Etats Féd. Samoa Liste des 48 pays à revenu moyen-supérieur (4126$ à 12745$) Afrique du Sud Costa Rica Libye Romania Albanie Cuba Lituanie Russie, Fédération Algérie Dominique Macédoine, ex-Rép. Yougoslave Saint-Vincent-et-les Grenadines Antigua-et-Barbuda Chile Île Maurice Saint-Kitts-et-Nevis Argentina Rép. Dominicaine Mayotte Sainte-Lucie Azerbaïdjan Fidji Mexico Samoa Américaines Bélarus Gabon Monténégro Serbie Malaisie Seychelles Bosnie-Herzégovine Grenade Botswana Iran, Rép. Islamique Namibie Suriname Brésil Jamaïque Palau Turquie Bulgarie Kazakhstan Panama Uruguay Colombie Lebanon Pérou Venezuela, RB 292 Annexe 4-A : Tableau A-3 des termes de Lyon et de Cologne, relatifs à l’initiative PPTE 1996 Termes de Lyon Approche flux Approche Stock financiers de Dettes Dette concessionnelle (APD121) Annulation 1999 Termes de Cologne* Approche flux Approche Stock financiers de Dettes 0% 0% 0% 0% 100% 100% 100% 100% Echéances (années) 40 40 40 40 Délais de (années) 16 16 16 16 ≤ au taux d’origine ≤ au taux d’origine ≤ au taux d’origine Rééchelonnement grâce Taux d’intérêts ≤ au taux d’origine Dette non concessionnelle (non APD) Réduction de la dette (option I) Annulation 80% 80% 90%** 90%** Rééchelonnement 20% 20% 10% 10% Echéances (années) 23 23 23 23 Délais de grâce (années) Taux d’intérêts 6 6 6 6 Taux du marché Taux du marché Taux du marché Taux du marché 121 L'aide publique au développement (APD) s'entend des flux d'aide destinés aux pays en développement et émanant de pays développés qui fournissent cette aide par l'intermédiaire d'organismes officiels, y compris les administrations locales, ou par l'entremise de leurs agents d'exécution, chaque transaction répondant aux critères suivants: l'aide est gérée dans l'intention essentielle de promouvoir le développement économique et le bien-être des pays en développement, et elle est accordée à des conditions de faveur en ce sens qu'elle contient un élément de libéralité d'au moins 25% (un taux d’actualisation fixe de 10% est utilisé). 293 Annexe 4-B : Tableau A-3 des termes de Lyon et de Cologne, relatifs à l’initiative PPTE (suite) 1996 Termes de Lyon Approche flux Approche Stock financiers de Dettes Dette non concessionnelle (non APD122) 1999 Termes de Cologne* Approche flux Approche Stock financiers de Dettes Réduction du service de la dette (option II) Annulation 0% 0% 0% 0% 100% 100% 100% 100% Echéances (années) 40 40 25 25 Délais de grâce (années) Taux d’intérêts 8 8 65 65 Taux réduits Taux réduits Taux réduits Taux réduits Rééchelonnement Dette préalablement refinancée Appoint pour bénéficier de 80 % Appoint pour bénéficier de 90 % d’allégement de la VA d’allégement de la VA Option de conversion de dette123 Dette APD Dette non APD Aucune limite Aucune limite 30 % ou 40 m de DTS124 30 % ou 40 m de DTS * Les Termes de Cologne constituent les conditions de référence : certains pays peuvent recevoir moins et d’autres davantage en fonction de l’allégement nécessaire pour atteindre la viabilité. ** Les pays qui ne sont pas en mesure d’annuler la dette peuvent rééchelonner la partie de la dette qui serait annulée à des taux d’intérêt faibles (0,0001%) et une seule échéance en un seul paiement, comprise entre 6 et 35 ans, dépendant des taux d’intérêt appropriés du marché. 122 L'aide publique au développement (APD) s'entend des flux d'aide destinés aux pays en développement et émanant de pays développés qui fournissent cette aide par l'intermédiaire d'organismes officiels, y compris les administrations locales, ou par l'entremise de leurs agents d'exécution, chaque transaction répondant aux critères suivants: l'aide est gérée dans l'intention essentielle de promouvoir le développement économique et le bien-être des pays en développement, et elle est accordée à des conditions de faveur en ce sens qu'elle contient un élément de libéralité d'au moins 25% (un taux d’actualisation fixe de 10% est utilisé). 123 Les conversions de dettes sont des techniques d’allégement de la dette qui altèrent la valeur initiale ou la nature des instruments de prêt. Initialement, les opérations de conversion de dettes avaient pour objectif de promouvoir les investissements privés dans les pays en développement, notamment dans le cadre de programmes de privatisation. Par la suite, ce mode de financement a été étendu aux projets de développement durable mais le mécanisme financier demeure similaire : l’organisme à but non lucratif acquiert une créance souveraine libellée en devises avec une décote, cette créance est ensuite annulée en échange d’une contrepartie versée par le pays débiteur afin de promouvoir des programmes de protection de l’environnement, d’éducation, de santé, etc. Il existe : conversion de dettes en investissements écologiques, conversion de dettes en prises de participation, conversion de la dette en espèces, conversion de la dette en finances pour le développement, conversion de la dette en monnaie locale et conversion de la dette sous forme d’exportations. 124 Droits de tirage spéciaux (DTS) : Unités de compte types du Fonds monétaire international qui sont accordées aux membres du FMI en fonction de leur quote-part existante et qui font partie des réserves d'un pays. En outre, les prêts accordés par le FMI comprennent des DTS. 294 Annexe 5 : Tableau A-4 des étapes du processus de l’initiative PPTE TRAITEMENT DE LA DETTE AUX TERMES TRADITIONNELS Les créances commerciales à garantie publique (créances non APD) sont traitées selon les termes de Naples (jusqu’à 67% d’annulation) et les créances APD sont rééchelonnés au Club de Paris. Les autres créanciers bilatéraux et commerciaux accordent des conditions au moins comparables. ADMISSION À L’INITIATIVE PPTE Le traitement de la dette aux termes traditionnels permet au pays d’atteindre un niveau d’endettement soutenable : il n’est pas admis à bénéficier de l’initiative. Le traitement de la dette aux termes traditionnels ne permet pas au pays d’atteindre un niveau d’endettement soutenable. La Banque Mondiale et le FMI décident d’admettre le pays à l’initiative. POINT DE DÉCISION Tous les créanciers (multilatéraux, bilatéraux et privés) décident de l’allègement de la dette à concéder lors du point d’achèvement. De nombreux créanciers bilatéraux octroient en outre des allègements supplémentaires en créances non APD. PHASE INTÉRIMAIRE Durant cette période, le pays doit finaliser la rédaction de son DSRP, commencer sa mise en application, et continuer ses efforts en matière de stabilisation macro-économique, en appliquant les politiques définies au point de décision. La Banque Mondiale et le FMI accordent une aide intermédiaire. Les autres créanciers multilatéraux et bilatéraux accordent un allègement de la dette à leur discrétion. Outre les conditionnalités définies dans la DSRP et le FRPC, le pays doit se soumettre à des conditions additionnelles PPTE en vue du point d’achèvement (budget, fiscalité, gouvernance, moyens mis en œuvre pour réduire la pauvreté, performance des politiques sociales…) POINT D’ACHÈVEMENT « FLOTTANT » L’accession au point d’achèvement est fonction de la mise en œuvre des politiques définies au point de décision. C’est à ce stade du processus que les allègements prennent effet si les efforts du pays sont jugés satisfaisants. Tous les créanciers fournissent l’assistance définie au point de décision (les allègements intermédiaires fournis entrant en compte dans le total) Le Club de Paris, au-delà des conditions de Naples, accorde une réduction à des conditions encore plus concessionnelles pouvant atteindre 90% en VAN de la dette éligible, pour permettre au pays de sortir d’une situation d’endettement intolérable. Les autres créanciers bilatéraux et commerciaux appliquent un traitement au moins comparable au stock de la dette. Les institutions multilatérales prennent d’autres mesures, le cas échéant, pour ramener la dette du pays à un niveau tolérable, en choisissant parmi un menu d’options, et en veillant à une répartition large et équitable de la charge entre tous les créanciers concernés. Source: (Abrego & Ross, 2002). 295 Annexe 6 : Encadré A-1 relatif au document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) Pour que le plan national de lutte contre la pauvreté soit efficace, il faut qu’il soit pris en charge par le pays et reçoive un large appui de l’opinion publique. Le DSRP contient une évaluation de la pauvreté et décrit les politiques et les programmes macroéconomiques, structurels et sociaux qu’un pays mettra en œuvre pendant plusieurs années pour promouvoir la croissance et réduire la pauvreté ; il expose aussi les besoins de financement extérieur et les sources de financement connexes. Les DSRP sont établis par les gouvernements des pays à faible revenu selon un processus participatif dans lequel s’impliquent à la fois les parties prenantes au niveau national et les partenaires extérieurs du développement, dont le FMI et la Banque mondiale. Il revient au pays de définir les priorités de la lutte contre la pauvreté Le dispositif des DSRP, mis en place en septembre 1999 par le FMI et la Banque mondiale, est concrétisé par des stratégies générales de réduction de la pauvreté pilotées par les pays. Ce dispositif a été établi en reconnaissance de l’importance de l’internalisation des programmes de réformes et de la nécessité de s’appliquer davantage à faire reculer la misère. Les DSRP visent à assurer un lien essentiel entre les actions des autorités nationales, les concours des bailleurs de fonds et les résultats requis pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) de l’Organisation des Nations Unies visant à réduire de moitié la pauvreté entre 1990 et 2015. Les DSRP servent de cadre aux prêts concessionnels et d’allégement de dette du FMI et de la Banque mondiale ainsi qu’à l’Initiative en faveur des pays très endettés (PPTE). Les DSRP des pays qui ont consenti à leur diffusion peuvent être consultés sur les sites respectifs du FMI et de la Banque mondiale. Principes fondamentaux du dispositif des DSRP Cinq grands principes régissent le dispositif des DSRP. Les stratégies de réduction de la pauvreté doivent être : pilotées par les pays et aptes à favoriser l’internalisation des stratégies grâce à une large participation de la société civile ; axées sur les résultats et les mesures susceptibles d’avoir un effet bénéfique sur les pauvres ; globales, dans la mesure où elles reconnaissent la nature multidimensionnelle de la pauvreté ; orientées sur le partenariat via la participation concertée des partenaires du développement (gouvernement, parties prenantes au niveau national et bailleurs de fonds extérieurs) ; et 296 inscrites dans une perspective à long terme du recul de la pauvreté. Les bailleurs de fonds soutiennent la mise au point de plans réalistes et les réformes de la gouvernance Aujourd’hui, le dispositif des DSRP est bien en place dans un grand nombre de pays. Il contribue à promouvoir une véritable internalisation, à accroître la place accordée à la réduction de la pauvreté dans les débats de politique économique et à favoriser l’ouverture du dialogue national. À la fin de février 2012, les DSRP complets d’un peu plus de 110 pays avaient été communiqués au Conseil d’administration du FMI, ainsi que 57 DSRP préliminaires (ou «intérimaires»). Les DSRP étant maintenant en place dans une grande partie des pays à faible revenu, l’attention ces dernières années a surtout porté sur la mise en œuvre effective des stratégies. Le dispositif des DSRP fait l’objet de réexamens périodiques par les services du FMI. Les principaux thèmes des rapports précédents sont les suivants : importance de l’internalisation ; nécessité de faire preuve de réalisme et de souplesse et de mieux définir les priorités dans le choix des objectifs et des cibles ; et besoin d’élargir les débats sur les stratégies alternatives. Le rapport souligne aussi que les bailleurs de fonds doivent améliorer globalement l’efficacité de leur aide, d’une part en l’alignant davantage sur les priorités des DSRP, d’autre part en harmonisant et en simplifiant leurs politiques et leurs pratiques. La dernière évaluation approfondie effectuée par les services du FMI et de la Banque mondiale soulignait que les DSRP peuvent faciliter la recherche d’un équilibre entre des tendances contradictoires inhérentes au processus de formulation des stratégies de développement nationales, telles que le réalisme et l’ambition ou la responsabilisation au plan national — étroitement liée à l’internalisation — et la responsabilisation au plan extérieur vis-à-vis des bailleurs de fonds et d’autres partenaires pour le développement. Le réexamen effectué en 2007 du rôle du FMI dans le processus des SRP et sa collaboration avec les bailleurs de fonds a permis de clarifier les paramètres de la participation des services du FMI au processus des DSRP, soulignant que l’appui du FMI doit surtout porter sur les aspects techniques de la conception des cadres macroéconomiques et des réformes structurelles cruciales dans une perspective macroéconomique. Les services du FMI et de la Banque mondiale commentent les DSRP avec franchise en communiquant aux pays un avis consultatif conjoint (JSAN. Les deux institutions s’efforcent, en outre, d’aligner davantage leurs opérations de prêts sur les stratégies et priorités définies par les pays pour lutter contre la pauvreté. Depuis la réforme, en 2009, des facilités que le FMI réserve aux pays à faible revenu, les DSRP pilotés par les pays restent la base de leurs relations suivies dans le cadre des programmes au titre de la Facilité élargie de crédit et de l’instrument de soutien à la politique économique, une marge de souplesse supplémentaire a été ménagée en ce qui concerne la documentation à communiquer et les délais à respecter. De plus, les programmes soutenus par les facilités de prêts concessionnels du FMI incluront si possible des objectifs quantitatifs 297 spécifiques pour préserver les dépenses sociales et prioritaires définies dans les stratégies nationales de lutte contre la pauvreté. De manière à améliorer l’efficacité du processus des DSRP, le FMI continuera à : aider les pays à concevoir des cadres macroéconomiques réalistes, mais souples, liés aux stratégies et budgets nationaux ; aligner plus étroitement ses opérations et travaux sur les programmes sur les cycles nationaux de préparation des DSRP et du budget ; renforcer la gestion des dépenses publiques pour en maximiser l’impact sur la réduction de la pauvreté ; s’efforcer, en concertation avec les autres bailleurs de fonds, de mieux coordonner l’assistance, afin de la rendre plus efficace et de rationaliser les concours apportés à l’appui de la mise en œuvre des DSRP. Source : IMF, Département des relations extérieures, http://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/prspf.htm 298 Annexe 7 : Pacte de convergence de l’UEMOA ACTE ADDITIONNEL N° 04/99 portant pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité entre les États membres de l'Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) LA CONFERENCE DES CHEFS D’ETAT ET DE GOUVERNEMENT DE L’UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST AFRICAINE (UEMOA) Vu le Traité de l'UEMOA, notamment en ses articles 2, 4, 8, 16 à 19, 41, 60, 63 à 75 et 113, Vu la Déclaration de la Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement des 10 et 11 mai 1996 relative à la mise en œuvre de l’UEMOA, Vu la Déclaration de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement sur le renforcement de la convergence et sur l’accélération de la croissance économique dans les Etats membres de l’UEMOA du 28 janvier 1999, Consciente de la nécessité de renforcer l'efficacité du dispositif de surveillance multilatérale des politiques économiques, Soucieuse d'assurer une meilleure discipline budgétaire en appui à la politique monétaire commune, afin de créer les conditions propices à la stabilité des prix et à une croissance forte et durable, Considérant qu'à cette fin, l'adoption de programmes à moyen terme, ci-après dénommés "programmes de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité", et leur application effective par chacun des Etats membres, sont d'une impérieuse nécessité, Considérant la nécessité de renforcer l'assainissement du cadre macroéconomique, afin d'éliminer tous les facteurs résiduels qui influent sur les équilibres globaux et sectoriels, et consolider ainsi les gains de compétitivité propres à l'approfondissement du processus d'intégration des économies, ainsi qu'à l'intensification des échanges régionaux et internationaux, en vue d'assurer l'insertion harmonieuse des économies de l'UEMOA dans l'économie mondiale, Considérant que, dans le cadre du processus d'unification économique et monétaire, les actions entreprises dans chaque Etat membre ont des répercussions sur la réalisation des objectifs communs et les performances d'ensemble de l'UEMOA, et qu'à ce titre, il est impérieux d'entretenir la solidarité et d'organiser la conduite des politiques économiques de manière à 299 permettre la réalisation d'un équilibre global, meilleur à celui qui résulterait des seules décisions décentralisées des Etats membres, Considérant qu'il y a lieu de compléter la procédure de surveillance multilatérale, prévue aux articles 70 à 75 du Traité de l'UEMOA, par un système d'alerte précoce afin de prévenir et d'éviter tout dérapage, et par un dispositif de sanctions opérationnel, Considérant qu'un approfondissement qualitatif de la surveillance multilatérale implique le renforcement du dispositif institutionnel et organisationnel, afin d'améliorer l'évaluation, le suivi et le contrôle du respect des objectifs de politique économique, Soucieuse de consolider l'efficacité de la politique monétaire en vue d'assurer la sauvegarde de la valeur interne et externe de la monnaie commune, Sur Recommandation du Conseil des Ministres de l'UEMOA formulées lors de sa réunion du 17 septembre 1999, Adopte l’Acte Additionnel portant Pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité entre les Etats membres de l’UEMOA, dont la teneur suit : TITRE PRELIMINAIRE : DEFINITIONS ET OBJET CHAPITRE I : DEFINITIONS Article premier: Aux fins du présent Acte Additionnel, on entend par : - Acte Additionnel L'acte visé à l'article 19 du Traité de l'UEMOA. - BCEAO La Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest. - BOAD La Banque Ouest Africaine de Développement. - Comité Interparlementaire Comité institué par l’article 35 du Traité de l’UEMOA. - Commission La Commission de l'Union prévue à l'article 26 du Traité de l'UEMOA. - Conférence La Conférence des Chefs d'Etat et de Gouvernement de l'Union prévue à l'article 17 du Traité de l'UEMOA. - Conseil Le Conseil des Ministres prévu à l'article 20 du Traité de l'UEMOA. - Critère clé Le critère du solde budgétaire de base rapporté au PIB nominal dont le non-respect est susceptible de déclencher le mécanisme des sanctions. 300 - Critères de convergence Les indicateurs de convergence constitués de critères de premier rang et de critères de second rang. - Critères de premier rang Les critères de premier rang sont ceux dont le non-respect entraîne la formulation explicite de directives par le Conseil demandant à l’Etat membre concerné, d’élaborer et de mettre en œuvre un programme de mesures rectificatives. - Critères de second rang Les critères de second rang sont traités comme des repères structurels indicatifs qui font l’objet d’un suivi rigoureux à cause du rôle déterminant qu’ils jouent dans la réalisation de l’objectif de viabilité interne et externe des économies. Leur non-respect ne fait cependant pas l’objet de recommandations explicites pour la mise en œuvre d’un programme de mesures rectificatives. Ils peuvent servir dans la formulation des recommandations de politique économique visant à assurer le respect des critères de premier rang. - Décision L'acte visé à l'article 43 du Traité de l'UEMOA. - Etat membre Tout Etat ayant signé et ratifié le Traité de l’UEMOA. - Indicateurs de convergence Les indicateurs de performances permettant d’apprécier le degré de réalisation des objectifs de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité tels que prévus au Titre II du présent Acte Additionnel. - Indicateurs de tableau de Indicateurs de suivi de la situation socio-économique autres que les critères de convergence. bord - Pacte Le Pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité institué par le présent Acte Additionnel. - PIB Produit Intérieur Brut. - Programme Programme de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité. - Programme de Convergence, Le programme pluriannuel élaboré par un Etat membre, conformément aux prescriptions du Pacte de Convergence, de Stabilité, de Croissance et de de Stabilité, de Croissance et de Solidarité. Solidarité - Recommandation L’Acte visé à l’article 43 du Traité de l’UEMOA. - Règlement L’Acte visé à l’article 43 du Traité de l’UEMOA. - Secrétariat Conjoint Le Secrétariat composé de la Commission, de la BCEAO et de la BOAD, visé à l’article 14 de la Directive n°01/96/CM du 15 janvier 1996 relative à la mise en œuvre de la surveillance multilatérale des politiques macroéconomiques au sein de l’UEMOA. 301 - Surveillance Multilatérale Le mécanisme communautaire de définition et de suivi de la mise en œuvre des politiques économiques dans les Etats membres, prévu à l'article 63 et régi par les articles 64 à 75 du Traité de l'UEMOA. - Traité Le Traité de l’UEMOA - UEMOA Union Economique et Monétaire Ouest Africaine. - Union Union Economique et Monétaire Ouest Africaine CHAPITRE II : OBJET Article 2: Le Pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité est un engagement formel pris par les Etats membres de l’UEMOA en vue : de renforcer la convergence des économies des Etats membres ; de conforter la stabilité macroéconomique ; d’accélérer la croissance économique ; d’approfondir la solidarité entre les Etats membres. Il définit, à cet effet, des procédures d’adoption ainsi que des modalités précises de mise en œuvre et d’évaluation de programmes pluriannuels de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité de même qu’un mécanisme de sanction. A ce titre, le Pacte constitue un instrument communautaire destiné à assurer la mise en œuvre harmonieuse du dispositif de la surveillance multilatérale des politiques macroéconomiques au sein de l’Union. TITRE I : DE L'ORGANISATION DU PACTE DE CONVERGENCE, DE STABILITE, DE CROISSANCE ET DE SOLIDARITE CHAPITRE I : DES PROGRAMMES DE CONVERGENCE, DE STABILITE, DE CROISSANCE ET DE SOLIDARITE Article 3: Le Pacte est organisé autour de programmes reposant sur le respect des objectifs communautaires de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité. Sa mise en œuvre comporte deux (02) phases : la phase de convergence allant du 1er janvier de l’an 2000 au 31 décembre 2002 ; la phase de stabilité commençant le 1er janvier de l’an 2003. 302 CHAPITRE II : DE L’ADOPTION DES PROGRAMMES DE CONVERGENCE, DE STABILITE, DE CROISSANCE ET DE SOLIDARITE Article 4: Dès l'entrée en vigueur du Pacte, chaque Etat membre dispose d'un délai de trois (03) mois pour soumettre au Conseil un programme pluriannuel destiné à assurer la réalisation à moyen terme des normes de convergence. Le Conseil adopte ce programme par voie de décision. Article 5: Le programme comporte les informations suivantes : les réalisations de l’année précédente, les objectifs de l’année en cours et les principales hypothèses concernant l'évolution prévisible de l'économie ainsi que les variables économiques importantes qui sont susceptibles d'influer sur l’exécution du programme, telles que les recettes fiscales, la masse salariale, le service de la dette et les dépenses d'investissement public. S'agissant des autres secteurs, la croissance du PIB, l'inflation et le solde courant des transactions extérieures constituent les indicateurs économiques importants ; une description des mesures budgétaires et des autres mesures de politique économique à mettre en œuvre afin de réaliser les objectifs du programme, au regard des critères de convergence ; l'évolution des critères de convergence et principalement celle du critère clé ; la définition d’un sentier d’évolution des critères de convergence ainsi que des mesures spécifiques envisagées pour chaque tranche annuelle. Article 6: Les objectifs de convergence doivent être compatibles avec les objectifs de la politique monétaire et tenir compte des engagements souscrits, notamment dans le cadre des programmes d'ajustement structurel. CHAPITRE III : DE L'EVALUATION DES PROGRAMMES DE CONVERGENCE, DE STABILITE, DE CROISSANCE ET DE SOLIDARITE Article 7: Le programme fait l'objet d'une évaluation semestrielle par la Commission, appuyée par le Secrétariat Conjoint. La Commission soumet un rapport à cette occasion au Conseil qui arrête, s'il y a lieu, les ajustements nécessaires auxquels l'Etat membre concerné devra procéder. Article 8: 303 Le profil des critères de convergence doit être marqué par une amélioration continue jusqu’au respect des normes communautaires fixées. Les objectifs annuels des programmes sont arrêtés conformément à cette orientation. Les degrés de performance atteints par les Etats membres, dans l’évolution vers le respect des normes fixées pour les critères de convergence à la date cible, ne doivent connaître, aucune dégradation, sauf circonstances exceptionnelles dans les conditions définies par voie de règlement par le Conseil. Article 9: La date cible est fixée au 31 décembre de l'an 2002. A cette date, tous les Etats membres doivent satisfaire aux critères de convergence. Dans l’intervalle, les Etats membres proposent des objectifs intermédiaires annuels qui sont validés dans le programme par le Conseil. Lorsque les Etats membres ont satisfait aux critères de convergence en l’an 2002, l’Union est alors en phase de stabilité. Dans cette ultime phase, l’amélioration continue des critères de convergence n’est plus imposée mais seulement souhaitée, en relation avec les objectifs globaux de l’Union. Toutefois, les Etats membres continueront de mettre en œuvre des programmes visant à maintenir une situation budgétaire équilibrée ou excédentaire, leur permettant de faire face aux fluctuations conjoncturelles. Ils devront, notamment, en situation normale, dégager des excédents leur permettant de redonner à la politique budgétaire son rôle contracyclique. Article 10: En phase de stabilité, l’évaluation des programmes se fait sur la base de l’évolution structurelle du critère clé, celle-ci étant appréciée après la correction des fluctuations conjoncturelles. Les programmes initiés par les Etats membres concernés doivent comprendre l’ensemble des mesures que compte prendre chacun de ces Etats membres pour consolider l’équilibre budgétaire et prévenir tout dérapage. Lorsqu’une dégradation est enregistrée par un Etat membre sur un critère de premier rang au point d’entraîner le non-respect de la norme fixée, les dispositions de l’article 15 lui sont appliquées. CHAPITRE IV : DU RESPECT DES PROGRAMMES DE CONVERGENCE, DE STABILITE, DE CROISSANCE ET DE SOLIDARITE Article 11: L’exécution d’un programme est jugée conforme lorsque les réalisations respectent l’ensemble des objectifs intermédiaires annuels fixés à l’Etat 304 membre concerné. Elle est considérée comme non satisfaisante si l’évolution d’au moins un des critères de convergence n’est pas conforme aux dispositions de la décision d’adoption du programme notifiée par le Président du Conseil à l'Etat membre concerné. L’Etat membre qui ne satisfait pas à un des critères de premier rang, tels que prévus dans le programme, élabore en concertation avec la Commission et dans un délai de trente (30) jours à compter de la notification de la décision du Conseil, un programme de mesures rectificatives. La Commission vérifie la conformité des mesures envisagées par rapport à la décision du Conseil et aux objectifs économiques de l’Union. Sur la base de l’analyse dudit programme, la Commission soumet au Conseil, en collaboration avec l'Etat membre concerné, des propositions de directives qui spécifient les mesures rectificatives à mettre en œuvre par l'Etat membre visé, conformément à l’article 72 du Traité. Article 12: Dans le cadre de l’examen des rapports semestriels d’exécution, le Conseil suit l’évolution de la convergence des politiques mises en œuvre par les Etats membres. Lorsque les réalisations à mi-parcours témoignent d’un mauvais profil des critères de convergence, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut envisager l’adoption de mesures rectificatives. Seul le non-respect constaté lors de l’examen des réalisations à fin décembre est susceptible de déclencher le mécanisme de sanction. Il y a non-respect lorsque l’évolution du critère clé relatif au solde budgétaire de base rapporté au PIB nominal n’est pas jugée conforme. Article 13: Le Conseil adopte, par voie de directive, les propositions de mesures rectificatives soumises par la Commission. Il informe le Comité Interparlementaire des mesures retenues. Article 14: Si la mise en œuvre du programme de mesures rectificatives n’aboutit pas à l’évolution souhaitée des critères de premier rang autres que le critère clé, une nouvelle série de mesures appropriées, élaborée par la Commission, en relation avec l’Etat membre concerné, est adoptée par le Conseil par voie de directive. Article 15: Lorsque le critère clé fait partie des critères de convergence dont l’évolution n’a pas été jugée conforme dans le cadre du programme de mesures rectificatives, le mécanisme de mise en œuvre des sanctions est déclenché, sauf circonstances exceptionnelles dans les conditions définies par voie de règlement par le Conseil. 305 En phase de convergence comme en phase de stabilité, toute dégradation d’un critère de premier rang entraîne pour l’Etat membre concerné, la mise en œuvre de mesures rectificatives. Toutefois, à l’attention de l’Etat membre pour lequel cette dégradation ne se traduit pas par le non -respect de la norme fixée, le Conseil formule une recommandation pour éviter tout dérapage. En phase de convergence comme en phase de stabilité, le mécanisme des sanctions prévues à l’article 74 du Traité s’applique de plein droit. TITRE II : DES INDICATEURS DE CONVERGENCE CHAPITRE I : CONVERGENCE DE LA GAMME DES INDICATEURS DE Article 16: L’organisation de la convergence, de la stabilité, de la croissance et de la solidarité repose sur un suivi rigoureux d’un ensemble d’indicateurs de convergence touchant le secteur réel, la balance des paiements, les finances publiques et la monnaie. Les indicateurs jugés essentiels sont dénommés critères de convergence. Les autres indicateurs sont répertoriés dans le tableau de bord recommandé par le Conseil. CHAPITRE II : DES CRITERES DE CONVERGENCE Article 17: Les critères de convergence sont constitués de critères de premier rang et de critères de second rang. Article 18: Les critères de premier rang sont au nombre de quatre (4). Ils se présentent comme suit : Ratio du solde budgétaire de base (*) rapporté au PIB nominal (critère clé) : il devrait être supérieur ou égal à 0 % en l’an 2002 ; Taux d’inflation annuel moyen : il devrait être maintenu à 3 % au maximum par an ; Ratio de l’encours de la dette intérieure et extérieure rapporté au PIB nominal : il ne devrait pas excéder 70% en l’an 2002 ; Arriérés de paiement : o arriérés de paiement intérieurs : non-accumulation d’arriérés sur la gestion de la période courante ; o arriérés de paiement extérieurs : non-accumulation d’arriérés sur la gestion de la période courante. 306 (*) Solde budgétaire de base = Recettes totales (hors dons) - Dépenses courantes - Dépenses d'investissements publics financés sur ressources internes. Article 19: Les critères de second rang, au nombre de quatre (04), sont les suivants : Ratio de la masse salariale sur les recettes fiscales : il ne devrait pas excéder 35% en l’an 2002 ; Ratio des investissements publics financés sur ressources internes rapportés aux recettes fiscales : il devrait atteindre au moins 20% en l’an 2002. Ratio du déficit extérieur courant hors dons par rapport au PIB nominal : il ne devrait pas excéder 5% en l’an 2002 ; Taux de pression fiscale (*) : il devrait être supérieur ou égal à 17 % en l’an 2002. (*) Taux de pression fiscale = Recettes fiscales sur PIB nominal. TITRE III : DES DISPOSITIONS TRANSITOIRES Article 20: Les normes fixées pour les critères de premier rang et de deuxième rang doivent être respectées par l’ensemble des États membres au 31 décembre 2002. Pendant la période transitoire allant de la date d’entrée en vigueur du Pacte au 31 décembre 2002, les États membres élaborent des programmes de convergence avec des objectifs annuels assurant le respect desdits critères. Article 21: Les États membres doivent procéder pendant cette période transitoire à une réduction progressive du stock d’arriérés existant au 31 décembre 1999, en vue de leur apurement total en l’an 2002. TITRE IV : DES DISPOSITIONS FINALES CHAPITRE I : DE LA COORDINATION ET DE LA COHERENCE DES PROGRAMMES Article 22: Les programmes de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité, les programmes monétaires, les programmes d'ajustement structurel et sectoriel, ainsi que les lois de finances des Etats membres doivent constituer un ensemble cohérent, orienté vers la consolidation de l'assainissement durable des économies des Etats membres et la promotion d'une croissance saine et durable. 307 Article 23: La Commission propose au Conseil, dans les trois (03) mois qui suivent la date d'entrée en vigueur du présent Acte Additionnel, un calendrier opérationnel prenant en compte l'ensemble des dispositions dudit Acte Additionnel suivant lequel, sont dorénavant établis les différents programmes. Article 24: Le Conseil arrête, par voie de règlement, de directive, de décision, ou recommande toute mesure nécessaire à la mise en œuvre harmonieuse du Pacte, notamment celles relatives à : l’adoption et l’actualisation des programmes visés à l’article 4 du présent Acte ; la définition des modalités d’examen des propositions de programme ; la définition et aux modalités d’appréciation des circonstances exceptionnelles prévues aux articles 8 et 15 du présent Acte ; l’établissement de la liste des indicateurs du tableau de bord. CHAPITRE II : DE L’ENTREE EN VIGUEUR Article 25: Le présent Acte Additionnel qui entre en vigueur à compter de sa date de signature, sera publié au Bulletin Officiel de l’Union. En foi de quoi, ont apposé leur signature au bas du présent Acte Additionnel, ce 8 décembre 1999 : Pour la République du Bénin S.E. MATHIEU KEREKOU Président de la République Pour la République du Mali S.E. ALPHA OUMAR KONARE Président de la République Pour le Burkina Faso S.E. BLAISE COMPAORE Président du Faso Pour la République du Niger S.E. DAOUDA MALAM WANKE Président du Conseil de Réconciliation Nationale, Chef de l'Etat Pour la République de Côte d'Ivoire S.E. HENRI KONAN BEDIE Président de la République Pour la République du Sénégal S.E. ABDOU DIOUF Président de la République Pour la République de Guinée-Bissau M. RUI DUARTE BARROS Secrétaire d'Etat au Trésor Pour la République Togolaise S.E. GNASSINGBE EYADEMA Président de la République 308 Annexe 8 : Règlement N° 07/2006/CM/UEMOA portant adoption des modalités de calcul du solde budgétaire de base corrigé des ressources PPTE et des dons budgétaires REGLEMENT N° 07/2006/CM/UEMOA PORTANT ADOPTION DES MODALITES DE CALCUL DU SOLDE BUDGETAIRE DE BASE CORRIGE DES RESSOURCES PPTE ET DES DONS BUDGETAIRES LE CONSEIL DES MINISTRES DE L’UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST AFRICAINE Vu le Traité de l’UEMOA, notamment en ses articles 4, 8, 16, 20, 21, 25, 42 à 45, 60, 61 et 63 à 75 ; Vu l’Acte Additionnel n° 04/99, du 08 décembre 1999, portant Pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité entre les Etats membres de l’UEMOA ; Vu l’Acte Additionnel n° 03/2003, du 29 janvier 2003, modifiant l’Acte Additionnel n° 04/99 du 08 décembre 1999, portant Pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité entre les Etats membres de l’UEMOA, notamment en son article 1 er, paragraphe 4, in fine ; Vu l’Acte Additionnel n° 02/2006, du 27 mars 2006, portant modification de l’Acte Additionnel n° 04/99 du 08 décembre 1999 modifié ; Vu le Règlement n° 11/99/CM/UEMOA, du 21 décembre 1999, portant modalités de mise en œuvre du Pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité entre les Etats membres de l’UEMOA ; Vu le Règlement n° 11/2002/CM/UEMOA, du 19 septembre 2002, portant adoption des modalités de calcul du PIB dans les Etats membres de l’UEMOA ; Vu la Directive n° 01/96/CM/UEMOA, du 15 janvier 1996, relative à la mise en œuvre de la surveillance multilatérale des politiques macro-économiques, au sein des Etats membres de l’UEMOA ; Vu la Directive n° 06/98/CM/UEMOA, du 22 décembre 1998, portant Tableau des Opérations Financières de l’Etat (TOFE UEMOA) ; Vu la Directive n° 06/99/CM/UEMOA, du 21 décembre 1999, portant amendement de la Directive n° 06/98/CM/UEMOA relative au Tableau des Opérations Financières de l’Etat (TOFE UEMOA) ; 309 Vu la Directive n° 01/2000/CM/UEMOA, du 30 mars 2000, portant définition d’un calendrier opérationnel pour la mise en œuvre du Pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité entre les Etats membres de l’UEMOA ; Vu la Recommandation n° 02/99/CM/UEMOA, du 21 décembre 1999, relative à la définition des indicateurs de tableau de bord dans le cadre de la mise en œuvre du Pacte de convergence, de stabilité, de croissance et de solidarité entre les Etats membres de l’UEMOA ; Considérant la nécessité d’affiner l’analyse des performances budgétaires des Etats membres ; Considérant que la crédibilité de l’exercice de la surveillance multilatérale exige que soit recherchée une plus grande comparabilité des variables retenues dans le calcul des critères de convergence ; Considérant que l’analyse du solde budgétaire de base en pourcentage du PIB nominal, critère clé retenu dans le Pacte de convergence, doit s’effectuer en cohérence avec l’évolution des autres critères budgétaires, notamment ceux relatifs à la masse salariale et aux dépenses d’investissement financées sur ressources internes ; Considérant le compte rendu de la réunion technique avec les Comités Nationaux de Politique Economique (CNPE) tenue les 04 et 05 mai 2006 à Ouagadougou ; Conscient de la nécessité d’évaluer l’impact des ressources PPTE et des dons budgétaires sur les performances des Etats membres ; Sur proposition de la Commission de l’UEMOA, Après avis du Comité des Experts statutaire en date du 23 juin 2006, EDICTE LE REGLEMENT DONT LA TENEUR SUIT : Article premier : Le présent Règlement a pour objet de fixer les modalités de calcul du solde budgétaire de base corrigé du total des ressources PPTE et des dons budgétaires dans les Etats membres de l’UEMOA. Le solde budgétaire de base corrigé du total des ressources PPTE et des dons budgétaires, rapporté au PIB nominal, est un indicateur complémentaire du critère clé du Pacte de convergence. Article 2 : 310 Le solde budgétaire de base corrigé est obtenu en ajoutant aux recettes totales hors dons le montant des dons budgétaires et le montant des ressources PPTE ayant financé les dépenses courantes et les dépenses d’investissement public. Article 3 : Les dons budgétaires utilisés pour apurer une partie ou la totalité du stock des arriérés de la dette publique (arriérés intérieurs et arriérés extérieurs) ne sont pas pris en compte dans la correction du solde budgétaire de base. Article 4 : Pour assurer la pertinence de l’analyse du solde budgétaire corrigé et sa cohérence avec les autres critères budgétaires, les Etats membres déterminent le ratio des dépenses d’investissement public corrigées des dons budgétaires et des ressources PPTE rapportées aux recettes fiscales et le ratio de la masse salariale corrigée des dons budgétaires et des ressources PPTE rapportée aux recettes fiscales, conformément aux formules retenues dans l’annexe 2. Article 5 : Les Etats membres renseignent en détail toutes les rubriques du TOFE et celles du tableau de l’annexe 3 nécessaires au calcul des indicateurs complémentaires susvisés. Article 6 : En l’absence d’informations disponibles sur l’affectation des dons budgétaires, l’estimation des différentes catégories de dépenses financées sur ces dons se fait selon la méthode au « prorata ». La méthode au « prorata » consiste à estimer les parts respectives des dons budgétaires ayant financé la masse salariale, les dépenses courantes et les dépenses d’investissement. Cette méthode figure en annexe 1 du présent Règlement. Article 7: Les annexes 1, 2 et 3 sont parties intégrantes du présent Règlement. Article 8 : La Commission de l’UEMOA est chargée du suivi de l’exécution du présent Règlement, qui entre en vigueur à compter de sa date de signature et sera publié au Bulletin Officiel de l’Union. Fait à Dakar, le 29 juin 2006 Pour le Conseil des Ministres, Le Président Jean Baptiste M.P. COMPAORE 311 Annexe 8-1 : Méthode au « prorata » d’estimation des dépenses courantes, de la masse salariale et des dépenses d’investissement financées par les dons budgétaires La méthode consiste à identifier parmi les ressources totales, celles qui sont affectées (ressources PPTE, dons projets et prêts projets) et celles qui ne le sont pas. Ces dernières sont dites fongibles (B). Les ressources fongibles sont constituées de ressources propres (recettes fiscales et non fiscales, recettes en capital), de dons budgétaires non affectés, de prêts programmes non affectés, de ressources des privatisations, d’emprunts obligataires et bancaires. Les principales charges financées par les ressources fongibles sont les dépenses courantes hors PPTE et hors dons budgétaires affectés, les dépenses d’investissement hors PPTE et hors dons budgétaires affectés, le montant du principal de la dette totale effectivement réglé, moins la variation des arriérés des paiements sur la dette intérieure. L’hypothèse de base est que toutes les catégories de ressources fongibles sont équitablement réparties entre les différents types de dépenses de l’Etat lors de leur utilisation. Elles sont donc utilisées avec la même intensité au cours d’une année donnée. Chaque catégorie de ressources fongibles finance alors une rubrique de dépenses donnée avec un poids relatif identique à ceux des autres ressources. Admettons que R1 représente le poids relatif pour les dépenses courantes financées sur ressources non affectées (D1), R2 le poids relatif pour les dépenses d’investissement financées sur ressources non affectées (D2) et R3 le poids relatif pour la masse salariale financée sur ressources non affectées (D3). Les ratios R1, R2 et R3 sont déterminés par les formules suivantes : R1 = [D1/B)], R2 = [D2/B] et R3 = [D3/B]. A partir de ces ratios, on détermine les dépenses courantes, les dépenses d’investissement et la masse salariale financées sur les dons budgétaires en multipliant respectivement R1, R2 et R3 par le montant total des appuis budgétaires. Connaissant les estimations des appuis budgétaires ayant financé les trois catégories de dépenses, on détermine alors les deux critères corrigés suivants : le ratio des dépenses d’investissement public financées sur ressources internes corrigées des dons budgétaires et des ressources PPTE rapportées aux recettes fiscales ; le ratio de la masse salariale corrigée des ressources PPTE et des dons budgétaires rapportée aux recettes fiscales. 312 Annexe 8-2: Formules de calcul des critères corrigés des dons budgétaires et des ressources PPTE 1- Rappel de la formule de calcul du solde budgétaire de base en pourcentage du PIB nominal Solde budgétaire de base en % du PIB nominal = [(Recettes totales hors dons - Dépenses courantes - Dépenses d’investissement sur ressources internes) / PIB nominal] X 100. 2- Calcul du solde budgétaire de base corrigé du montant total des dons budgétaires et des ressources PPTE utilisées rapporté au PIB nominal Solde budgétaire de base hors PPTE et hors dons budgétaires en % du PIB = [(Recettes totales hors dons + dons budgétaires ayant financé les dépenses courantes et les dépenses d’investissement public + ressources PPTE utilisées - Dépenses courantes - Dépenses d’investissement sur ressources internes) / PIB nominal] X 100. 3- Calcul du ratio des dépenses d’investissement public sur ressources internes corrigées des dons budgétaires et des ressources PPTE rapportées aux recettes fiscales Ratio des dépenses d’investissement public sur ressources internes corrigées des dons budgétaires et des ressources PPTE rapportées aux recettes fiscales = [(total des dépenses d’investissement public sur ressources internes – dépenses d’investissement financées sur ressources PPTE – dépenses d’investissement financées sur dons budgétaires) / recettes fiscales] X 100. 4- Calcul du ratio de la masse salariale corrigée des dons budgétaires et des ressources PPTE rapportée aux recettes fiscales Ratio de la masse salariale corrigée des dons budgétaires et des ressources PPTE rapportée aux recettes fiscales = [(masse salariale totale – masse salariale financée sur ressources PPTE – masse salariale financée sur dons budgétaires) / recettes fiscales] X 100. 313 Annexe 8-3: Statistiques auxiliaires à renseigner dans les TOFE des Etats membres en vue du calcul des indicateurs complémentaires* Année (n) Année (n+1) Année (n+2) Année (n+3) Intitulé des rubriques du TOFE Recettes totales et dons Dons budgétaires ou dons programmes ou dons courants** Dépenses totales - Dépenses courantes dont financées sur ressources PPTE Masse sur salariale dont- financées dons budgétaires ciblés dont financées sur ressources PPTE Dépenses capital sur financement dont- financées suren dons budgétaires ciblés intérieur dont financées sur ressources PPTE dont financées sur dons budgétaires ciblés Solde budgétaire global Variation des arriérés Solde caisse - dontbudgétaire réduction base financée par dons budgétaires Financement Intérieur dont ressources PPTE (mobilisées non encore utilisées) dont réduction d’arriérés financée par dons budgétaires d’amortissement Financement extérieur Allègement (mobilisation PPTE) Réduction d’arriérés d’amortissement sur dons budgétaires * Ces informations doivent être insérées dans les TOFE des Etats membres qui ne les renseignent pas encore. ** Les dons courants, dons programmes ou dons budgétaires sont les différentes appellations observées dans les TOFE des Etats et qui en réalité sont des rubriques quasi identiques. 314 Dreh Yvette-Armelle BEAH POLITIQUE BUDGETAIRE DANS L’UEMOA : ANALYSE DE LA SOUTENABILITE DE LA DETTE DANS UNE PERSPECTIVE DE FINANCEMENT DU DEVELOPPEMENT ABIDJAN Résumé Nous avons voulu, au regard des effets négatifs du fardeau de la dette sur le développement des pays de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), analyser la soutenabilité de la politique budgétaire de cette union pour en ressortir, au-delà de la méthodologie officielle du Fonds Monétaire International (FMI), des propositions alternatives, correctives ou complémentaires à l'objectif de garantir la solvabilité à long terme des pays-membres et le financement de leurs déficits budgétaires. Pour se faire, notre méthodologie consiste, dans un premier temps, à présenter une analyse théorique et empirique de la soutenabilité de la dette publique de l’UEMOA, pour en ressortir l’impact de l’endettement sur les composantes essentielles de la balance des paiements. L’identité de la balance des paiements issue de la dynamique de la dette nous sert de cadre d’étude. Dans une seconde période, nous mesurons la soutenabilité en vue de dégager des marges de manœuvre nécessaires au financement du déficit budgétaire des pays de l’UEMOA. A ce sujet, le déficit primaire nous sert de variable cruciale car il est l’un des facteurs qui influencent l’évolution du ratio de la dette rapportée au PIB. Les résultats de notre analyse de la soutenabilité de la dette sur la période 1975-2012 ont montré que les pays de la zone UEMOA présentent des déficits budgétaires très prononcés, cause première de leur endettement massif, parce qu’ils n’ont pas de ressources suffisantes pour faire face aux exigences financières de la dette. Par ailleurs, les comparaisons entre le solde primaire soutenable calculé et le solde primaire observé sur la période 19852012 nous font dire que dans la plupart du temps, le déficit primaire observé exprimé en pourcentage du PIB est largement supérieur au ratio du déficit budgétaire souhaitable, ce qui traduit une non-soutenabilité de la dette. Cependant, les rares cas où les soldes budgétaires primaires ont été inférieurs aux seuils critiques de soutenabilité nous font espérer que les Etats de l’UEMOA peuvent dégager des excédents budgétaires primaires de sorte que leur montant permette de contrebalancer la différence qui existe entre le taux d'intérêt réel de la dette et le taux de croissance réel de l'économie. Comme vu dans les recommandations que nous proposons en fin d’analyse, ces résultats mettent en évidence le besoin de déployer des efforts soutenus pour diversifier l’économie en vue d’une soutenabilité accrue de la dette des pays de l’UEMOA ; et celui de renforcer les systèmes fiscaux nationaux et régional, dans le cadre du financement du développement de l’Union. Abstract 315 316