LP-time
Transcription
LP-time
Conseil économique, social et culturel de la Polynésie française Apooraa Matutu Ti’a Rau e Mata U’i no Polinesia farani ‐ PROJET D’AVIS - sur le projet de « loi du pays » relatif à la promotion du « time share » touristique SAISINE DU PRESIDENT DE LA POLYNESIE FRANÇAISE Rapporteurs : Madame Lydie ATIU et Monsieur Heimana HAMBLIN Adopté en commission le 28 octobre 2011 Et en assemblée plénière le SAISINE PROJET D’AVIS ‐ 1 ‐ Vu les dispositions de l’article 151 de la Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée, portant statut d’autonomie de la Polynésie française ; Vu la saisine n° 6101/PR du 7 octobre 2011 du Président de la Polynésie française reçue le 10 octobre 2011 sollicitant l’avis du C.E.S.C. sur un projet de « loi du pays » relatif à la promotion du « time share » touristique ; Vu la décision du bureau réuni le 10 octobre 2011 ; Vu le projet d’avis de la commission en date du 28 octobre 2011 ; Le Conseil économique, social et culturel de la Polynésie française a adopté, lors de la séance plénière , l’avis dont la teneur suit : ‐ 2 ‐ 1- OBJET DU PROJET : La présente saisine, soumise à l’avis du Conseil économique, social et culturel (CESC) de la Polynésie française, a pour objet un projet de « loi du pays » relatif à la promotion du « time share » touristique. Aux termes de l’exposé des motifs, ce projet vise à « remédier à une lacune en définissant un cadre juridique et fiscal destiné à encourager la réalisation d’investissements d’un type nouveau et de permettre l’essor d’un nouveau marché dans le domaine de l’industrie touristique. Il s’agit d’encourager la construction de résidences de tourisme avec pour objectif, à brève échéance, de relancer le secteur de la construction et, plus durablement, de conforter l’emploi dans le secteur des services hôteliers.» Plusieurs objectifs sont assignés au projet proposé : aligner la Polynésie française sur la majorité des destinations touristiques concurrentes qui proposent des résidences hôtelières en temps partagé ; pour ce faire, modifier l’état du droit en complétant les dispositions de la Loi n° 86-18 du 6 janvier 1986 relative aux sociétés d’attribution d’immeubles en jouissance en temps partagé ; par ce moyen, encourager la construction de résidences de tourisme et ainsi relancer le secteur du bâtiment ; par ce moyen encore, conforter l’emploi dans les secteurs hôtelier et touristique et permettre l’intégration de la Polynésie française dans le réseau mondial du « time share », lui assurant ainsi une promotion privée et totalement gratuite de la destination et un taux de remplissage élevé des résidences en « time share ». Pour être comprise, la notion de « time share » doit être bien appréhendée : il s’agit de la propriété d’un droit de jouissance en temps partagé (et de rien d’autre), exercé sur un bien immobilier ; il implique un opérateur, regardé comme l’investisseur (qui peut être étranger), une société de gestion et les acquéreurs de droits de jouissance ; la durée peut se situer entre 3 ans et à vie (elle peut, s’il y a lieu, être subordonnée à la durée de location du terrain sur lequel est réalisée la résidence en « time share »). 2- OBSERVATIONS : Le projet du gouvernement s’inscrit dans le contexte d’une grave crise économique, financière et sociale du Pays. Plus directement concerné, le tourisme, sa première ressource économique, recule depuis près de 10 ans sans parvenir à se relever. 2-1. Le contexte : La fréquentation touristique, qui avait culminé à 250 000 (source ISPF) en 2000 (y compris les croisiéristes), a atteint son plus bas niveau depuis plus de 15 ans en 2010 avec 153 000 touristes (même source). Dans le même temps, le revenu touristique qui était de 49,9 milliards xpf en 2000 (source : ISPF) est tombé à 36 milliards xpf en 2010 (estimation ISPF). ‐ 3 ‐ On pourrait être tenté de chercher l’origine de ce recul dans l’évolution de l’économie mondiale. Ce que démentent les faits. En effet, dans le même temps que le tourisme polynésien s’effondrait, le tourisme mondial connaissait une croissance spectaculaire. Cette dernière a certes été affectée par plusieurs crises mondiales successives. Pour les plus récentes, le tourisme mondial s’est remis rapidement de la crise de 2007-2008 dite des subprime (le taux de croissance du tourisme mondial fut en 2010 de 6,7%1), il semble devoir traverser la crise dite des dettes souveraines sans grand dommage jusqu’ici puisqu’il croît au rythme de 4 à 5% en 20112. Le tourisme en Polynésie française est bien sûr affecté par l’évolution de l’économie mondiale, mais il ne semble pas – durablement - en mesure de profiter d’une reprise des flux touristiques dans le monde. Il y a donc dans cette crise durable et - pour le moment - irréversible, des faiblesses propres au Pays, qu’il faut identifier en vue d’y porter remède. Allant à l’essentiel, les professionnels du tourisme entendus par le CESC ont unanimement signalé le transport aérien (coût trop élevé et insuffisance de l’offre de sièges en haute saison) comme un facteur clé du succès (ou de l’échec) d’une stratégie de développement du tourisme. En Polynésie française, le tourisme demeure le pilier central du développement de ses ressources propres (celui doté du plus gros potentiel) et constitue logiquement l’un des secteurs d’activité les plus aidés : « Le montant de l’enveloppe octroyée au secteur hôtelier entre 1996 et 2005 dépasse les 50 milliards sur les 76 milliards de dotation totale, soit pratiquement les deux tiers. En y ajoutant la défiscalisation des bateaux de croisière, qui existe depuis 2001, la « défiscalisation touristique » dans sa globalité représente près de 70 % de l’aide totale. En outre, l’industrie hôtelière bénéficie des taux de crédit d’impôt les plus élevés. L’idée sousjacente est qu’un hôtel crée de l’activité donc de l’emploi, non seulement lors de son exploitation mais déjà pendant sa construction (…). Les 50 milliards de crédit d’impôt accordés à la défiscalisation hôtelière locale doivent être rapportés aux 85 milliards de coût total des projets associés. Le taux global est donc de 59 %, auquel vient souvent s’ajouter une part de défiscalisation nationale. Les projets d’investissement hôtelier bénéficient ainsi, en Polynésie, d’aides conséquentes. » (CEROM : l’économie polynésienne post CEP, une dépendance difficile à surmonter 1995-2003, déposé en décembre 2007). 2-2. Le projet : Le projet du gouvernement vient compléter la diversification de l’offre touristique (ouverture de résidences en « time share ») et, par la même occasion, faciliter la vente, puis la reconversion, d’hôtels fermés ou susceptibles de fermer. L’ayant ainsi compris, après avoir entendu les auteurs du projet et un certain nombre de professionnels du tourisme, le CESC formule les observations suivantes : à l’heure actuelle, le produit touristique (hôtellerie classique) vendu en Polynésie ne s’adresse pas spécialement à une clientèle fidélisée (golfeurs, tourisme en famille, hébergement en « time share »...) ; 1 2 Source : Organisation Mondiale du Tourisme Même source. ‐ 4 ‐ aucune étude économique préalable ne démontre expressément l’intérêt du « time share » en Polynésie française, ce qui ne permet guère au CESC de rendre un avis éclairé, toutefois les quelques établissements qui le pratiquent plaident en sa faveur ; cette absence d’évaluation ne permet pas de comparer le « time share » au modèle plus classique de l’hôtellerie ; l’argument des auteurs du projet selon lequel dans l’hypothèse où ce dispositif juridique ne produirait pas d’effet économique positif, il n’aurait pas non plus de coût, est rassurant du point de vue des finances publiques ; mais dans le même temps, l’impact de ce modèle économique particulier sur le revenu touristique, sur l’emploi et sur le revenu fiscal du Pays (moins value fiscale très probable) est inconnu ; le fait que les bénéficiaires de ce dispositif ne soient pas assujettis à la redevance pour la promotion du tourisme est cohérent dans la mesure où le produit de cette taxe, généralement affecté au GIE Tahiti tourisme, sert à financer la promotion touristique. En l’espèce, les séjours en « time share » seraient promus par un réseau privé et ne feraient pas appel au GIE Tahiti tourisme ; a contrario et en toute logique, le touriste en « time share » s’acquitte de la taxe de séjour qui finance une partie du budget des communes, collectivités qui participent à l’aménagement d’infrastructures touristiques ; les auteurs du projet ont avancé l’argument selon lequel, puisque le « time share » est un succès ailleurs, il devrait l’être en Polynésie française. Le « time share » est un pari sur l’avenir que certains professionnels ont déjà relevé, avec plus ou moins de difficultés, notamment en raison d’incertitudes juridiques qui pèsent sur la réglementation actuelle (cas de la dérogation à l’autorisation préalable en matière d’investissement étranger qui n’exclut pas expressément les attributions en jouissance, différents des droits de propriété) et surtout du poids du coût du transport ; le projet sous-estime le fait que le modèle économique du « time share » correspond à un tourisme de proximité ; le principe de contigüité posé par l’article LP 3 du projet, qui vise à contenir une éventuelle expansion des résidences en « time share » veut être rassurant mais il faut en relativiser la portée (un terrain contigu d’un terrain contigu est lui-même contigu, jusqu’à s’étendre à la Polynésie française toute entière…), sous réserve des droits des tiers ; le projet de « loi du pays » entend expurger toute problématique foncière (question sensible pour les polynésiens) dans la mesure où la formule « time share » retenue est celle exploitée exclusivement sous forme de droit de jouissance et non sous forme de droit de propriété. Ce droit de jouissance ne confère à son détenteur aucun droit de propriété sur le bien mais uniquement un droit individuel à utiliser le bien durant une partie de l’année (et selon un terme précis) ; l’exonération de l’autorisation préalable en matière d’investissement étranger délivrée par le conseil des ministres est favorablement accueillie par les professionnels du secteur car elle constitue un assouplissement de la procédure (gain de temps et « dépolitisation » de la procédure) et une sécurité juridique accrue pour les investisseurs. 3- AVIS & RECOMMANDATIONS : Le CESC est d’avis que : le fait que la puissance publique ne soit pas mise (ou peu) à contribution (défiscalisation et exonérations diverses) ne peut que recueillir l’assentiment du CESC qui déplore régulièrement les trop nombreuses subventions et exonérations consenties ; le projet envoie un message clair aux investisseurs privés auxquels il appartient, à eux seuls, d’assumer les risques ; le dispositif projeté est mieux encadré juridiquement pour l’ensemble des parties (collectivités, professionnels, touristes) ; ‐ 5 ‐ le « time share » constitue une nouvelle source de financement précieuse pour les investisseurs ; les détenteurs de ces droits de jouissance devraient contribuer au maintien et au développement de l’activité économique locale (biens, services, emplois induits) ; le « time share », comme toute autre offre de séjour touristique, ne peut prospérer que si les conditions nécessaires à sa réussite sont réunies (amélioration de l’accueil et de la qualité du service, développement d’activités de loisirs et services récréatifs, création d’infrastructures, etc.) ; le projet de « loi du pays » n’apporte pas de recette miraculeuse à la situation désastreuse du tourisme en Polynésie française mais essaye de contribuer à son amélioration. Il recommande : que l’option mixte « time share » + hôtellerie soit favorisée en vue d’offrir de meilleures garanties de rentabilité et une plus grande souplesse aux exploitants ; que la qualité d’opérateur de « time share » soit explicitement réservée aux professionnels de l’hôtellerie comme il est énoncé dans l’exposé des motifs ; de veiller à ce que le « time share » ne concurrence pas de manière déloyale l’hôtellerie dite classique du fait des avantages fiscaux accordés, l’hôtellerie dite classique doit rester prédominante ; que les conditions de fonctionnement et de développement des activités touristiques soient améliorées (accueil, sanitaires, activités de loisirs et services récréatifs, randonnées, etc.) ; d’intégrer le transport aérien comme facteur-clé du succès d’une stratégie de développement touristique. Le CESC rappelle que le gouvernement précédent avait créé un Comité d’orientation stratégique du tourisme (COST) pour définir la stratégie de développement du tourisme. 4- CONCLUSION : Le CESC déplore fréquemment le manque d’inspiration de nos gouvernements à trouver des solutions pérennes et peu coûteuses pour relever le secteur du tourisme. Il recommande que soient mises à profit les nombreuses études et réflexions déjà menées sur les conditions de développement du tourisme en Polynésie française (travaux des Etats généraux de l’Outre-mer en Polynésie française, rapports du COST, du CESC, de la Chambre territoriale des comptes, etc.). Les réformes décisives ne sont pas mises en œuvre et, bien souvent, les réponses apportées se traduisent par des dispositifs d’aides qui n’ont toujours pas fait la preuve de leur efficacité. Par ailleurs, ce projet devrait s’inscrire dans un programme d’action du gouvernement qui met en évidence des priorités et des actions déterminantes pour redresser le secteur du tourisme. Néanmoins, le CESC souligne que ce projet transmet un message positif aux investisseurs (simplification de la procédure fiscale et administrative) pour ouvrir un nouveau marché et favoriser l’afflux de touristes vers une destination perçue comme le voyage d’une vie : la Polynésie française. Notre collectivité ne saurait se priver d’un nouveau moyen pour faire vivre un secteur pilier de notre économie et générer des ressources propres qui lui font cruellement défaut. Par conséquent, le CESC émet un avis favorable au projet de « loi du pays ». ‐ 6 ‐ Réunions tenues les : 11, 13, 17, 18, 20, 24, 25 et 28 octobre 2011 par la commission « Aménagement du Territoire et relations avec les Etats du Pacifique » dont la composition suit : MEMBRE DE DROIT Madame RAOULX Raymonde, Présidente du CESC • ADAMS • TEMARII • LAINE • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • BUREAU Tony Président Mahinui Vice- Président Virginie Secrétaire RAPPORTEURS ATIU Lydie HAMBLIN Heimana MEMBRES AUNOA Miri CERDINI Michel CHAUSSOY Joseph DOOM John FONG Félix GALENON Patrick LE MEHAUTÉ Olivier LUCIANI Pascal NUI Clément OLDHAM Roland PALACZ Daniel PARKER Heifara PERE Richard PUTOA Jean-Claude REY Ethode TAMA Jean TAPATOA Marguerite TEHAAMATAI Hanny TEREINO Toni TERIINOHORAI Atonia TEROROTUA Ronald TIFFENAT Lucie TIRAO Aldo YIENG-KOW Diana MEMBRE AYANT EGALEMENT PARTICIPE AUX TRAVAUX • FOLITUU Makalio SECRETARIAT GENERAL Alexa Secrétaire générale BONNETTE Gilbert Conseiller technique LESCROEL Patricia Secrétaire de séance TSING Tatiana Secrétaire de séance DEGAGE ‐ 7 ‐ LE CONSEIL ECONOMIQUE SOCIAL ET CULTUREL DE LA POLYNESIE FRANCAISE La Présidente du Conseil économique, social et culturel de la Polynésie française, Le Président et les membres de la commission « Aménagement du Territoire et relations avec les Etats du Pacifique» remercient, pour leur contribution à l’élaboration du présent avis, Particulièrement, Au titre de la Présidence de la Polynésie française, en charge des relations internationales et régionales, du tourisme et des transports aériens internationaux : Monsieur Warren DEXTER, Conseiller technique Au titre de la Vice-Présidence en charge du budget, du développement des collectivités, de l’économie numérique, de la communication et des relations avec les institutions de la Polynésie française, porte-parole du gouvernement : Monsieur Antonino TROIANIELLO, Conseiller technique Monsieur Hiro CHANG, Conseiller technique Au titre de la chambre des notaires de Polynésie française : Maître Michel DELGROSSI, Syndic Au titre du GIE Tahiti Tourisme : Monsieur Steeve HAMBLIN, Président du conseil d’administration Au titre du GIE Moorea Tourisme: Monsieur Hiro KELLEY, Président Au titre de l’Hôtel Radisson Plaza Resort Tahiti: Monsieur Christophe GUARDIA, Directeur Au titre du Green pearl Golf de Moorea: Monsieur Jean Louis GREGORI, Promoteur Au titre du Legends Resort Moorea : Monsieur Dominique HODENCQ, Gérant ‐ 8 ‐