le traitement de l`information pertinente dans la prise
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LE TRAITEMENT DE L’INFORMATION PERTINENTE DANS LA PRISE DE DECISION STRATEGIQUE : UNE APPROCHE PAR LA STRATEGIE COMPORTEMENTALE Vincent BERTHET Juin 2016 2 Résumé La prise de décision stratégique (PDS) est un objet d’étude central de la recherche en management stratégique. Dans la logique de la distinction récurrente entre recherche sur le contenu et recherche sur les processus, les études classiques sur la PDS visent à élucider les relations entre le contexte (environnemental et organisationnel), le contenu (facteurs spécifiques à la décision), le processus (type et caractéristiques du processus de décision), et le résultat (performance du processus de décision et performance économique). En outre de cette approche classique, une approche par la stratégie comportementale, qui réhabilite le niveau d’analyse individuel et la psychologie, peut enrichir l’étude de la PDS. Sous cet angle, la problématique centrale porte sur la façon dont le processus de prise de décision stratégique s’échelonne du niveau individuel au niveau collectif. S’inscrivant dans cette perspective, le présent travail a consisté à caractériser une dimension cognitive de la PDS, le traitement de l’information pertinente, au niveau individuel par la méthode du judgmental bootstrapping. Nos résultats montrent que ce traitement est essentiellement linéaire. Dans la continuité de ce travail, les recherches ultérieures devront examiner si le traitement de l’information pertinente est toujours linéaire lorsque la décision stratégique est prise de façon collective. 3 Sommaire 1. Revue de la littérature.......................................................................................................... 6 1.1 Introduction ...................................................................................................................... 6 1.2 Approche théorique de la PDS ......................................................................................... 8 1.3 Approche empirique de la PDS ...................................................................................... 11 1.4 Revue des études empiriques .......................................................................................... 19 1.5 Remarques méthodologiques .......................................................................................... 39 2. Problématique..................................................................................................................... 42 2.1 La stratégie comportementale ......................................................................................... 42 2.2 Problématique ................................................................................................................. 46 2.3 La méthode du « judgmental bootstrapping » ................................................................ 47 3. Méthode ............................................................................................................................... 52 4. Analyses et résultats ........................................................................................................... 55 5. Discussion et conclusion ..................................................................................................... 64 Références bibliographiques ................................................................................................. 67 Annexes ................................................................................................................................... 79 4 5 1. Revue de la littérature 1.1 Introduction Une décision stratégique dans une organisation est une décision cruciale qui relève de la direction, et qui engage la performance, la santé, et la survie de l’organisation. La prise de décision stratégique (que nous noterons PDS en abrégé dans le reste du document) renvoie à la façon dont une telle décision est prise. Depuis les années 1970, cette question est devenue une thématique majeure de la recherche en stratégie (Nutt & Wilson, 2010)1. Cette thématique a notamment été popularisée par la publication de Mintzberg, Raisinghani, et Théorêt (1976), The structure of unstructured decisions. A cette époque, ces derniers définissent une décision stratégique comme “important, in terms of the actions taken, the resources committed, or the precedents set” (p. 246). Papadakis et Barwise (1998, p. 1) avancent que “SDM [Strategic Decision Making] is of great and growing importance because of five characteristics of strategic decisions: They are usually big, risky and hard to reverse having significant longterm effects, they are the bridge between deliberate and emerging strategy, they can be a major source of organizational learning, they play an important role in the development of individual managers and they cut across functions and academic disciplines”. De façon plus précise, Nutt et Wilson (2010) formulent neuf caractéristiques des décisions stratégiques : 1) Elles renvoient à des problèmes évasifs, trop difficiles pour être définis précisément. 2) Elles requièrent une compréhension du problème en jeu pour trouver une solution viable. 3) Elles admettent rarement une solution optimale, mais un ensemble de solutions possibles. 4) Les questions relatives aux compromis et aux priorités apparaissent dans les solutions. 5) L’efficience de chaque solution est difficilement évaluable, notamment parce qu’on ne peut pas définir un horizon temporel clair à l’issue duquel cette efficience serait évaluée. 6) Lorsque la décision stratégique renvoie à un problème focal, les solutions à ce problème peuvent répondre également à d’autres problèmes de l’organisation. 7) Les solutions mettent en jeu un degré élevé d’ambiguïté et d’incertitude. 8) Réaliser les bénéfices escomptés comporte une part importante de risque. 9) Elles renvoient à des intérêts divergents qui peuvent inciter les acteurs clés à exercer une pression politique pour faire en sorte que le choix final soit aligné sur leurs intérêts. 1 La littérature relative à la PDS est considérable. Notre objectif ici est moins de fournir une description exhaustive et détaillée que structurée et cohérente de cette littérature, afin de fournir une vue d’ensemble des travaux académiques réalisés dans ce domaine. 6 Du point de vue du contenu (la « chose » à décider), Hickson, Butler, Mallory, et Wilson (1986) recensent huit types de décisions stratégiques : produits/services, financier, opérations internes/contrôle, gestion du personnel, marketing, bâtiments, technologie, et réorganisations. Le tableau 1 donne des exemples concrets de décisions stratégiques dans différentes organisations, il s’agit d’un extrait de la base de données utilisée par Nutt (2008) : Organisation Décision stratégique Quaker-Snapple Acquisition of Snapple Ross Laboratories Marketing infant formula to developing countries Florida Medicaid Division Fraud management system Ohio DNR Supporting wildlife programs US Air Force Decompression service Veterans Administration Restructuring City of Columbus, Ohio Light rail Ohio DOT Budget system revamping Michigan Health Department Dispose of contaminated cattle Public School System Redesign curriculum US Navy Radar development McDonald’s New location and design Korean Tire Co. Marketing in South America Nationwide Insurance Computer system capacity Allied Van Lines Pricing services Marshall Fields New product line Bank One Sell Visa cards Fifth-Third Bank Drop Saturday service GE MRP system National City Corp. Private label credit card Lennox Recycle toxic waste Mead Paper Cost cutting system Anthony Thomas Candy New product Delco Tariff management CompuServe New on-line service Bethlehem Steel Scheduling blast furnace maintenance Battelle Memorial Inst. Contract bidding Toyota Dealership Increase sales Nationwide Build hockey arena Tableau 1. Exemples de décisions stratégiques dans différentes organisations (Nutt, 2008). La PDS constitue un objet d’étude complexe par excellence car multidimensionnel. En effet, la composante prise de décision renvoie à une dimension cognitive, tandis que la composante organisationnelle renvoie à une dimension collective et sociale. Comme le notent 7 Nutt et Wilson (2010, p. 3) : “Strategic decisions emphasize the social practice of decision making as it is carried out among and between individuals in the organization. When studying decision making, both the organizing of decision activity as a collective phenomena and the cognitive processes of individual decision makers take centre stage”. La composante sociale de la PDS fait que les modèles classiques de la prise de décision à l’échelle individuelle ne peuvent s’appliquer à la PDS (Nutt & Wilson, 2010). Les chercheurs ont donc dû explorer un champ nouveau, en suivant une approche théorique et une approche empirique. 1.2 Approche théorique de la PDS L’histoire des sciences montre que les recherches initiales dans un domaine particulier se caractérisent d’abord par une conception réduite de l’objet d’étude, ce qui se traduit par l’utilisation de modèles théoriques simples et généraux, dont on suppose qu’ils disposent d’un large pouvoir explicatif (Chalmers, 1999). Mais l’investigation empirique de l’objet d’étude finit souvent par montrer que les choses sont en réalité plus complexes et que, au final, les modèles initiaux n’étaient au mieux que de vagues approximations. La recherche sur la PDS n’échappe pas à cette règle. En effet, les premiers travaux dans ce domaine ont été orientés par les grands concepts théoriques de la recherche en stratégie (e.g., Ansoff, 1965 ; Barnard, 1938 ; Hofer & Schendel, 1978 ; Lindblom, 1959 ; March & Simon, 1958 ; Mintzberg, 1973 ; Quinn, 1978). Ainsi, ces travaux ont abordé la PDS sous un angle essentiellement théorique2. Dans une revue de littérature publiée en 1992, Eisenhardt et Zbaracki suggéraient que la recherche sur la PDS réalisée jusqu’alors était façonnée par trois concepts théoriques majeurs de la stratégie : la rationalité limitée, le pouvoir politique, et le garbage can3. D’une part, le concept de rationalité constitue probablement le jalon essentiel de la recherche en stratégie, les autres concepts théoriques majeurs étant apparus par la suite se positionnant par rapport à ce jalon (Chanut, Guibert, & Rojot, 2011). Ce concept a été initialement proposé comme une description normative de la prise de décision : a) considérer l’ensemble des alternatives, b) identifier et évaluer les conséquences de chaque alternative, c) sélection l’alternative optimale. En économie, le choix rationnel constitue l’une des caractéristiques de l’agent économique tel qu’il est décrit par l’approche néoclassique. Dans le cadre de la théorie de l’utilité espérée, le choix rationnel prend la forme de la maximisation de 2 Etant donné la nature de notre problématique centrée sur une approche comportementale de la PDS, et l’approche empirique suivie dans ce travail de recherche, notre revue de la littérature traite moins de l’approche théorique que de l’approche empirique de la PDS (1.3). D’autres concepts théoriques ont marqué le domaine de la PDS, tels que le sensemaking (Weick, Sutcliffe, & Obstfeld, 2005). 3 8 l’utilité (Samuelson, 1938). Bien que le modèle rationnel de la décision représente un outil théorique extrêmement puissant (notamment parce qu’il est mathématiquement traitable), certains chercheurs ont très tôt mis en évidence son faible pouvoir descriptif, parce qu’il est psychologiquement irréaliste. Simon (1955, 1957) a fait valoir que les caractéristiques de la cognition humaine imposent certaines contraintes sur la rationalité et a ainsi proposé le concept de rationalité limitée. En particulier, Simon suggère que le processus de prise de décision chez l’être humain n’est pas gouverné par le principe d’optimisation mais par le principe de satisficing : face à un ensemble d’alternatives, l’individu ne choisit pas l’alternative optimale mais une alternative suffisamment bonne. Cyert et March (1963) ont transposé le raisonnement de Simon (1955) à l’échelle de l’organisation. De la même façon que la caractérisation de l’individu par l’économie néoclassique ne correspond pas au comportement réel de celui-ci, la description de la firme par l’économie néoclassique ne correspond pas non plus au comportement réel de celle-ci. Alors que l’approche néoclassique stipule que la firme est gouvernée par la maximisation du profit et dispose d’une information parfaite, Cyert et March (1963) suggèrent que le fonctionnement des firmes n’est pas rationnel à plusieurs égards (par exemple, le phénomène de slack organisationnel), et proposent ainsi une théorie comportementale de la firme. De nombreuses recherches initiales sur la PDS ont été façonnées par le concept de rationalité limitée. Par exemple, dans sa célèbre analyse de la crise des missiles de Cuba en 1962, Allison (1971) suggère que certaines décisions stratégiques gouvernementales ne sont pas façonnées par le mode rationnel, mais par des procédures opérationnelles normalisées (standard operating procedures). Ce fonctionnement par répétition expliquerait pourquoi les décisions antérieures dans une organisation constituent le meilleur prédicteur des décisions ultérieures. Par la suite, d’autres études ont abordé la rationalité limitée d’un point de vue plus psychologique, sous l’angle de l’influence des facteurs cognitifs dans la PDS (e.g., Schwenk, 1984 ; Haley & Stumpf, 1989 ; Das & Teng, 1999). D’une façon générale, les recherches sur la PDS marquées par le concept de rationalité limitée montrent que : a) les objectifs sousjacents à une décision stratégique sont souvent flous et changent au cours du temps, b) l’identification des alternatives et la recherche d’informations sont souvent hasardeuses et opportunistes, c) l’analyse des alternatives peut être limitée et la décision résulte souvent de l’utilisation de procédures opérationnelles normalisées plutôt que d’une analyse systématique et rationnelle de la situation. D’autre part, la perspective politique constitue un autre pilier théorique autour duquel un certain nombre de recherches initiales sur la PDS se sont articulées, d’après Eisenhardt et 9 Zbaracki (1992). Dans cette perspective, la rationalité peut s’observer à l’échelle individuelle mais rarement à l’échelle collective car une organisation est toujours une coalition d’individus et de groupes aux intérêts divergents. Une décision stratégique donne inévitablement lieu à des conflits entre individus/groupes, et le point d’intérêt central correspond au processus par lequel ces conflits sont gérés et résolus (Child, Elbanna, & Rodrigues 2010). Les recherches s’inscrivant dans ce courant ont montré que : a) les décisions stratégiques sont politiques dans le sens où elles sont déterminées par les objectifs des individus qui détiennent le pouvoir, b) les individus impliqués dans une décision stratégique engagent souvent des tactiques politiques telles que la formation de coalitions, la cooptation, et l’utilisation d’informations afin d’augmenter leur pouvoir politique (e.g., March, 1962 ; Hinings, Hickson, Pennings & Schneck, 1974 ; Salancik & Pfeffer, 1974). Enfin, Eisenhardt et Zbaracki (1992) suggèrent que le modèle du garbage can (Cohen, March & Olsen, 1972) est un troisième pilier théorique des recherches initiales sur la PDS. Vue au travers du prisme de ce modèle, la décision stratégique apparaît ni comme le résultat d’une analyse stratégique par des individus à la rationalité limitée, ni comme le résultat du pouvoir politique d’une coalition, mais comme le résultat d’une rencontre fortuite entre des individus, des problèmes, des solutions, et des opportunités de choix. Comme le formulent Eisenhardt et Zbaracki (1992, p. 27) : “Thus, decision making occurs in a stochastic meeting of choices looking for problems, problems looking for choices, solutions looking for problems to answer, and decision makers looking for something to decide”. A l’inverse des deux autres perspectives théoriques, le modèle du garbage can met donc en exergue le rôle du hasard (chance et timing) dans le processus de décision stratégique. Tirant profit de quelques concepts théoriques majeurs de la stratégie, l’approche théorique de la PDS a notamment produit un certain nombre de typologies de PDS. Hart (1992) propose une classification de ces typologies suivant trois critères : la rationalité, la vision stratégique, et l’implication des membres de l’organisation. La plupart de ces typologies sont tombées en désuétude car elles correspondent à des représentations bien trop approximatives pour capter toute la complexité de la PDS. Au final, notre point de vue sur l’approche théorique de la PDS est le suivant. Hart (1992) dénonçait une « prolifération de modèles » de la PDS, ce qui produit une situation néfaste. Comme chaque modèle, chaque typologie ne capte qu’une portion de l’objet complexe que représente la PDS, la littérature théorique dans ce domaine apparaît donc comme fragmentée, souvent redondante, et parfois incohérente. La recherche doit répondre à une telle situation non pas par plus de travaux théoriques (comme Hart (1992) qui propose à 10 son tour une énième typologie de la PDS) mais par plus de travaux empiriques. En effet, d’une façon générale, les grandes conceptions théoriques sont à la fois utiles et limitées. Elles permettent de faire sens, mais le but premier de l’investigation scientifique est de décrire le réel, pas de construire des narrations. Souvent, on constate que les grandes conceptions théoriques – et les typologies qui en découlent – de la stratégie en général et de la prise de décision stratégique en particulier correspondent davantage à une narration qu’à une description de la réalité. A cet égard, on ne peut être que frappé par le décalage entre l’ampleur de ces conceptions théoriques et la faiblesse de leur support empirique. Comme le souligne Schwenk (1995, p. 475) : “While there has been a great deal of conceptual work done on strategic decision models, efforts to assess the validity of the models empirically is somewhat more rare”. Par conséquent, en parallèle de l’approche théorique, une approche empirique semble souhaitable et nécessaire pour faire progresser le domaine de la PDS. 1.3 Approche empirique de la PDS A l’inverse d’une approche de type théorique qui consiste à aborder un objet d’étude sous l’angle d’un concept théorique fondamental, l’approche empirique consiste à adopter un regard plus neutre sur l’objet d’étude et à construire un savoir en cumulant des résultats empiriques. L’histoire des sciences en général, et celle des sciences humaines et sociales en particulier, montre que face à des objets d’étude complexes, l’approche empirique s’avère être scientifiquement plus pertinente que l’approche théorique, notamment parce qu’elle est plus heuristique. Or comme nous l’avons rappelé dans notre introduction (1.1), la PDS est le prototype d’un objet d’étude complexe en raison de son caractère multidimensionnel et dynamique. On constate ainsi sans surprise que la majorité des études publiées dans le domaine de la PDS sont de nature empirique (Nutt & Wilson, 2010) (bien sûr, théorique et empirique ne sont pas les deux modalités d’une dichotomie – qui ne permettrait qu’une classification grossière des études – mais les deux pôles d’un continuum). Un exemple d’étude très empirique de la PDS est celle Cray, Mallory, Butler, Hickson et Wilson (1988), dont l’intention était de construire une taxonomie des processus de décision stratégique sur la base d’une approche strictement empirique. Leur analyse statistique en cluster de 136 cas de décisions stratégiques issues d’organisations variées (e.g., textile, chimique, santé, assurance, banque) et caractérisées sur plusieurs variables (e.g., expertise, interaction formelle, interruption, temps de gestation) fait apparaître deux dimensions (discontinuité et dispersion) qui permettent d’identifier trois types de PDS : sporadique, fluide, et comprimé. 11 L’approche empirique est heuristique dans le sens où elle permet de produire de nombreux résultats tangibles (des « faits ») sur un objet d’étude, qui constituent le matériau de base pour construire un savoir. Mais structurer et intégrer les divers résultats produits est tout aussi important que de produire des résultats. Ainsi, les chercheurs adoptant une approche empirique de la PDS ont très tôt souligné l'importance de définir un cadre général qui permette de structurer et d’intégrer les nombreuses et diverses études empiriques produites : dans son article théorique de 1992, Hart soulignait que “A conceptualization that is capable of providing a framework for ongoing research is lacking” (p. 327). Un tel cadre existe désormais, et il apparaît explicitement dans quatre publications majeures : deux articles théoriques (Bell, Bromley & Bryson, 1998 ; Ragagopalan, Rasheed, Datta, & Spreitzer, 1998) et les deux revues de la littérature empirique sur la PDS publiées jusqu’à présent (Rajagopalan, Rasheed & Datta, 1993 ; Papadakis, Thanos, & Barwise, 2010)4. Ce cadre a été initialement défini par Rajagopalan et al. (1993) (Figure 1) dans leur revue de littérature princeps, comme un outil d’analyse au travers duquel l’ensemble des études empiriques de la PDS peuvent être passées en revue. Il a ensuite été mis en exergue par Rajagopalan et al. (1998) (Figure 2) et Bell et al. (1998) (Figure 3), et enfin repris par Papadakis et al. (2010) dans leur revue de littérature récente (Figure 4). On peut relever quelques différences entre les quatre présentations de ce cadre, mais ces différences apparaissent comme mineures. En effet, ce cadre stipule invariablement que l’étude de la PDS met en jeu quatre composantes : le contexte, le contenu, le processus, et le résultat. • Le contexte de la PDS renvoie à quatre éléments : 1) le contexte environnemental qui se caractérise par des facteurs tels que : l’incertitude, la complexité, le dynamisme, la capacité (munificence), la stabilité, la vélocité. 2) le contexte organisationnel qui se caractérise par des facteurs tels que : la performance passée, la taille de l’organisation, la puissance de distribution, le slack organisationnel, la culture organisationnelle, le type de gouvernance. 3) les caractéristiques du Top Management : les caractéristiques démographiques (âge, mandat, formation) et psychologiques (personnalité, besoin d’accomplissement, attitude face au risque) du CEO, et celles de la TMT. L’article de Eisenhardt et Zbaracki (1992) peut également être considéré comme une revue de littérature, mais il fournit une synthèse moins intégrée et systématique de la littérature que celles de Rajagopalan et al. (1993) et Papadakis et al. (2010), notamment parce qu’il structure cette littérature sous l’angle de trois notions théoriques uniquement (cf. partie 1.2). 4 12 • Le contenu de la PDS renvoie à la nature de la décision stratégique, il s’agit de la « chose » à décider (par exemple, les huit types de décisions stratégiques selon Hickson et al., 1986). Pour Rajagopalan et al. (1993) et Bell et al. (1998), cet élément de contenu renvoie également à des facteurs spécifiques à la décision tels que le degré d’incertitude, le degré de complexité, l’ampleur de l’impact de la décision, les motivations de la décision, sa fréquence. • Le processus de la PDS peut renvoyer à deux éléments : le type de processus ou les caractéristiques de ce processus. Un type de processus est une caractérisation globale du processus de PDS dans son ensemble. Il s’agit par exemple des trois types « sporadique », « fluide », et « comprimé » identifiés par Hickson et al. (1986) et repris par Cray et al. (1988). Mais la plupart des études empiriques préfèrent aborder le processus de la PDS sous l’angle de ses caractéristiques. La caractéristique de la PDS la plus fréquemment prise en compte dans ces études est son degré de rationalité. Pour Dean et Sharfman (1993 p. 1071), il s’agit de “the extent to which the decision process involves the collection of information relevant to the decision and the reliance upon analysis of this information in making the choice”. La rationalité du processus de décision est par conséquent souvent assimilée à sa complétude (comprehensiveness), c’est-à-dire son caractère exhaustif et inclusif. D’autres caractéristiques importantes du processus de PDS sont le degré d’activité politique, la participation et l’implication dans le processus, la durée, et l’existence/nature de conflits. • Le résultat de la PDS désigne deux types de performance. D’un côté, la performance du processus de décision renvoie à des variables telles que la qualité de la décision, l’efficience (la mesure dans laquelle la décision réalise les objectifs fixés), la vitesse de la décision, son caractère opportun, l’engagement des membres, l’apprentissage organisationnel. De l’autre côté, la performance économique de l’organisation est mesurée par le ROI/ROA, la croissance des ventes/profits, la part de marché, le prix de l'action, etc. 13 Figure 1. Le cadre d’analyse des études empiriques sur la PDS proposé par Rajagopalan et al. (1993). 14 Figure 2. La version révisée du cadre d’analyse des études empiriques sur la PDS initialement défini par Rajagopalan et al. (1993) (Rajagopalan et al., 1998). Figure 3. Le cadre d’analyse des études empiriques sur la PDS initialement défini par Rajagopalan et al. (1993) et synthétisé par Bell et al. (1998). 15 Figure 4. Le cadre d’analyse des études empiriques sur la PDS initialement défini par Rajagopalan et al. (1993) et repris par Papadakis et al. (2010). 16 Ces quatre composantes étant posées5, l’enjeu de l’étude scientifique de la PDS consiste à mettre en évidence le pattern de relations entre celles-ci (cette étude soulève des questions et des problèmes méthodologiques qui font l’objet de la partie 1.5). Rajagopalan et al. (1993) identifient deux types de relations simples. D’une part, la relation (supposée causale) entre le contexte et le processus. Selon cette perspective, il s’agit d’examiner l’influence des facteurs environnementaux, organisationnels, et spécifiques à la décision sur le processus de décision stratégique. Un exemple de ce type d’études est celle de Brouthers, Andriessen, et Nicolaes (1998) sur 90 firmes hollandaises, qui montre que la taille de la firme influence le style de décision (intuitif vs. rationnel) des dirigeants (ceux de petites entreprises s’appuyant davantage sur l’intuition). Le second type de relation simple est la relation (supposée elle aussi causale) entre le processus et le résultat. Il s’agit ici d’examiner l’influence des caractéristiques de la PDS sur la performance du processus de décision et la performance économique de l’organisation. Par exemple, Eisenhardt et Bourgeois (1988) montrent une relation négative entre le degré d’activité politique dans le Top Management et la performance économique. Mais comme le soulignent Rajagopalan et al. (1993) et Bell et al. (1998), les quatre composantes contexte, contenu, processus, et résultat mettent également en jeu des relations complexes, typiquement des relations de modération. A cet égard, plusieurs études convergent notamment sur le fait que l’effet du processus sur le résultat est modéré par le contexte. Par exemple, Fredrickson (1984) et Fredrickson et Mitchell (1984) montrent que la complétude du processus de décision est positivement liée à la performance économique dans des environnements stables mais négativement liée à la performance économique dans des environnements instables. Une autre d’étude typique mettant en évidence ce genre de relation de modération est celle Hough et White (2003), qui sur un échantillon de 400 décisions stratégiques issues de 54 équipes de direction, montrent que la relation entre deux caractéristiques de la rationalité du processus de décision (la disponibilité des informations pertinentes et la prégnance de ces informations parmi les membres impliqués dans la décision) et la qualité de la décision est modérée par la stabilité de l’environnement (Figure 5). 5 On peut noter trois différences entre la version originale de ce cadre définie par Rajagopalan et al. (1993) et la version que présentent Papadakis et al. (2010) : chez ces derniers, les facteurs spécifiques font partie du contexte de la PDS, non du contenu ; l’élément processus renvoie à la formulation et l’implémentation de la décision stratégique ; et l’élément contenu renvoie à la méthode utilisée pour développer l’avantage compétitif. Ces différences sont selon nous mineures car elles relèvent davantage de la forme que du fond. Quoi qu’il en soit, entre ces deux versions, la version originale de Rajagopalan et al. (1993) et reprise par Bell et al. (1998) nous paraît être la plus pertinente. 17 Figure 5. Exemple de cas où l’effet du processus (rationalité de la PDS) sur le résultat (qualité de la décision) est modéré par le contexte (stabilité de l’environnement) (Hough & White, 2003). Le cadre de l’étude empirique de la PDS étant posé, trois remarques générales nous semblent importantes. Premièrement, comme le soulignent Bell et al. (1998, p. 175), ce cadre est utile pour avoir une vision d’ensemble des diverses études réalisées sur la PDS : “Regardless of the approach (empirical or theoretical) taken to reduce the complexity of the model, we think that keeping this model in mind will allow researchers to be clearer about how their findings and studies inform the general area of SDM research. It will also allow us to be clearer about what is known and what is not known about SDM”. Deuxièmement, ce cadre met en exergue la nécessité d’une approche empirique intégrative, c’est-à-dire le fait pour les chercheurs de s’efforcer de prendre en compte dans leurs études à la fois les facteurs environnementaux et organisationnels (le contexte), les facteurs spécifiques à la décision (le contenu), les caractéristiques du processus de décision (le processus), et la performance (le résultat). Les premières études empiriques de la PDS étaient trop simplistes, prenant en compte trop peu de facteurs et reposant sur une analyse trop qualitative (e.g., Astley, Axelsson, Butler, Hickson & Wilson, 1982). Mais on peut relever à l’heure actuelle un certain nombre d’études ayant suivi une approche empirique intégrative (e.g., Hitt & Tyler, 1991 ; Papadakis, Lioukas, & Chambers, 1998 ; Baum & Wally, 2003 ; Elbanna & Child, 2007b). Troisièmement, le cadre de l’étude empirique de la PDS que nous avons rappelé permet de mettre en évidence une déficience de la recherche actuelle menée dans ce domaine. La recherche académique en management stratégique est traditionnellement divisée en deux catégories, la recherche sur le contenu et la recherche sur les processus (e.g., Huff & Reger, 1987 ; Elbanna, 2006). La première porte sur le quoi de la stratégie (what) tandis que la seconde porte sur le comment de la stratégie (how). Ragagopalan et al. (1998) rappellent que comprendre la PDS implique d’ajouter un troisième élément, le pourquoi de la stratégie 18 (why). Le quoi, le comment, et le pourquoi recouvrent trois des quatre composantes du cadre de l’étude empirique de la PDS : le contexte (pourquoi), le contenu (quoi), le processus (comment). Comme le soulignent De Wit et Meyer (2005, p. 5), “Strategy process, strategy content and strategy context are the three dimensions of strategy that can be recognized in every real-life strategic problem situation”. Or la recherche en management stratégique d’une façon générale s’est jusqu’à présent focalisée davantage sur le contenu que sur les processus (Huff & Reger, 1987). La recherche sur la PDS n’échappe pas à cette règle. Ainsi, le processus de la PDS n’a pas suffisamment été étudié en tant que tel. En effet, Nutt (2008, p. 431) remarque que : “Often researchers identify features of a process, or its motivation, but not how the decision was made”. Cette composante processuelle renvoie à la dynamique (séquentielle ou non) par laquelle le contenu et le contexte produisent un résultat. Or comme nous l’avons indiqué ci-dessus, la majorité des études empiriques abordent le processus de la PDS sous l’angle de ses caractéristiques, soit d’un point de vue statique. On peut cependant relever quelques études empiriques ayant abordé le processus de PDS sous un angle dynamique (e.g., Mintzberg et al., 1976 ; Nutt, 1984 ; Shrivastava & Grant, 1985). Par exemple, dans leur étude classique de 1976 portant sur 25 cas de décision stratégique, Mintzberg et al. identifient trois phases majeures dans le processus de PDS : l’identification, le développement, et la sélection. A l’intérieur de chaque phase, les décisions suivent des routines spécifiques (reconnaissance et diagnostic pour la phase d’identification ; recherche et conception pour la phase de développement ; dépistage, évaluation/choix, et autorisation pour la phase de sélection). Selon Mintzberg et al. (1976), le déroulement de ces phases et de ces routines ne suit aucune séquence particulière (Figure 6). 1.4 Revue des études empiriques Comme nous l’avons mentionné dans la partie précédente, deux revues de la littérature empirique sur la PDS ont été publiées jusqu’à présent. Celle de Rajagopalan et al. (1993) passe en revue 35 études publiées entre 1981 et 1992, tandis que celle de Papadakis et al. (2010) passe en revue 46 études publiées entre 1998 et 2008. Ces deux revues classent les diverses études au travers du cadre que nous avons décrit précédemment, et plus précisément en fonction du lien étudié parmi les quatre composantes de ce cadre (contexte, contenu, processus, résultat). Rajagopalan et al. (1993) identifient d’études renvoyant à différents liens (cf. Figure 1) : 19 ainsi quatre catégories Figure 6. Exemples d’études décrivant la dynamique du processus de PDS. A : Mintzberg et al. (1976), B : Nutt (1984), C : Shrivastava et Grant (1985). 20 • Catégorie 1 : effets de l’environnement Lien 1-4 : relations entre les facteurs environnementaux et les caractéristiques du processus de décision. Lien 4-1-5 : effets modérateur des facteurs environnementaux sur la relation entre les caractéristiques du processus de décision et la performance du processus. Lien 4-1-6 : effets modérateur des facteurs environnementaux sur la relation entre les caractéristiques du processus de décision et la performance économique. • Catégorie 2 : effets de l’organisation Lien 2-4 : relations entre les facteurs organisationnels et les caractéristiques du processus de décision. Lien 4-2-5 : effets modérateur des facteurs organisationnels sur la relation entre les caractéristiques du processus de décision et la performance du processus. Lien 4-2-6 : effets modérateur des facteurs organisationnels sur la relation entre les caractéristiques du processus de décision et la performance économique. • Catégorie 3 : effets des facteurs spécifiques à la décision sur la PDS Lien 3-4 : relations entre les facteurs spécifiques à la décision et les caractéristiques du processus de décision. • Catégorie 4 : effets sur la performance Lien 4-5 : relations entre les caractéristiques du processus de décision et la performance du processus. Lien 4-6 : relations entre les caractéristiques du processus de décision et la performance économique. Lien 5-6 : relations entre la performance du processus et la performance économique. Si le cadre proposé par Rajagopalan et al. (1993) et repris par Papadakis et al. (2010) apparaît extrêmement pertinent, classer les études suivant ces nombreux liens paraît moins pertinent, pour deux raisons. D’une part, la majorité des études qui ont examiné l'influence des facteurs environnementaux et/ou organisationnels sur la PDS ont pris en compte ces deux types de facteurs (ce qui fait d'ailleurs pleinement sens). Ainsi, dans la revue de Rajagopalan et al. (1993), la plupart des études renvoient à plusieurs liens et certaines appartiennent à plusieurs catégories. Par conséquent, présenter séparément les résultats concernant les facteurs environnementaux et ceux qui concernent les facteurs organisationnels ne paraît pas 21 être la meilleure option dans la perspective de présenter une synthèse claire de la littérature. D’autre part, les liens inventoriés sont probablement trop nombreux pour fournir une vue d’ensemble intelligible des résultats obtenus sur la PDS. Nous proposons un schéma de lecture plus simple de cette littérature empirique et passons en revue les études recensées par Rajagopalan et al. (1993) et Papadakis et al. (2010) au travers de ce schéma. Le cadre défini par Rajagopalan et al. (1993) met en évidence le fait que la PDS, en tant qu’objet d’étude, peut être conceptuellement abordée à la fois comme une variable dépendante (phénomène influencé par certains facteurs, en l’occurrence le contexte) et comme une variable indépendante (facteur influençant certains phénomènes, en l’occurrence le résultat)6. Ces deux approches sont nécessaires pour comprendre la PDS. Comme le notent Rajagopalan et al. (1998, p. 163) : “Strategic decision process research begins with the assumption that strategic decision processes influence outcomes. […] Yet this research also suggests that effective decision processes vary across contexts”. Nous reprenons donc les études recensées par Rajagopalan et al. (1993) et Papadakis et al. (2010) en les classant suivant ce critère : celles ayant abordé la PDS comme une variable dépendante (études de type I) et celles ayant abordé la PDS comme une variable indépendante (études de type II). Trois remarques doivent être mentionnées : a) Quelques études sont à la fois de type I et de type II (e.g., Atuahene-Gima & Murray, 2004; Goll & Rasheed, 2005). b) Deux études qui figurent dans la revue de Rajagopalan et al. (1993) ont été exclues : celle de Bourgeois et Eisenhardt (1988) car il ne s’agit pas d’une étude empirique (elle débouche seulement sur des hypothèses théoriques) et celle Astley et al. (1982) qui n’est pas une étude empirique non plus (elle présente un cadre théorique et analyse quatre cas de décision stratégique rapportés dans des études antérieures). Une étude figurant dans la revue de Papadakis et al. (2010) a également été exclue. En effet, les études de Nutt (1998b) et Nutt (2000b) sont redondantes. Du point de vue de la PDS, les résultats de Nutt (2000b) apportent peu par rapport à ceux de Nutt (1998b). Nous retenons donc cette dernière étude. c) La revue de Rajagopalan et al. (1993) répertorie 35 études mais comporte 38 entrées car trois études figurent dans deux catégories différentes (Bourgeois & Eisenhardt, 1988 ; Eisenhardt & Bourgeois, 1988 ; Eisenhardt, 1989). La revue de Papadakis et al. (2010) répertorie 46 études et comporte 46 entrées (pas de doublon). Par rapport à cette revue, nous D’une façon générale, l’investigation scientifique d’un objet ou d’un phénomène consiste à étudier ses causes et ses conséquences. 6 22 avons dédoublé quatre études qui sont à la fois de type I et de type II (Atuahene-Gima & Murray, 2004 ; Goll & Rasheed, 2005 ; Judge & Miller, 1991 ; Miller et al., 1998). Au final, notre revue comporte donc 35 + 49 = 84 entrées : • 38 – 2 [étude de Bourgeois & Eisenhardt (1988) en doublon dans la revue de Rajagopalan et al. (1993)] – 1 [étude de Astley et al. (1982)] = 35 • 46 – 1 [étude de Nutt (2000b)] + 4 [les 4 études dédoublées] = 49 Les tableaux 2 à 4 résument l’ensemble des études répertoriées par Rajagopalan et al. (1993) et Papadakis et al. (2010) en les classant suivant notre critère et en les assemblant. Ce faisant, ils permettent de mettre en évidence le caractère cumulatif de la recherche réalisée dans le domaine de la PDS. Dans la première catégorie d’études empiriques (type I), la PDS est abordée comme une variable dépendante et on examine l’influence de divers facteurs sur divers aspects de la PDS (cf. tableau 2). Sur cette question, on soulignera tout d’abord l’étude intégrative de Papadakis et al. (1998) qui ont mis en évidence la façon dont sept caractéristiques de la PDS (complétude/rationalité, reporting financier, formalisation des règles, décentralisation hiérarchique, communication latérale, activité politique, et dissension dans la résolution de problème) sont influencées par 1) des caractéristiques spécifiques de la décision (ampleur de l’impact de la décision, menace/crise, type de décision), 2) des facteurs environnementaux (hétérogénéité, dynamisme, capacité), 3) des facteurs organisationnels (taille, gouvernance, performance), 4) des caractéristiques du top management (personnalité du CEO, niveau d’éducation de la TMT). Une autre étude de type intégrative a été réalisée par Brouthers et al. (2000). Dans cette étude de 42 institutions financières hollandaises, ces derniers montrent que les facteurs environnementaux (turbulence, style entrepreneurial, structure organisationnelle) et managériaux (âge, expérience professionnelle des managers) rendent compte d’une part importante de la variance des caractéristiques de la PDS, telles que l’agressivité stratégique. A part ces quelques études intégratives, la majorité des études relevant de cette première catégorie rapportent des résultats locaux relatifs à cinq aspects de la PDS : la complétude, la rationalité, l’implication, le style de décision, et la vitesse. Concernant la complétude de la PDS, Fredrickson (1985) montre que celle-ci est la plus forte lorsque l’environnement présente des menaces et lorsque la performance organisationnelle antérieure est faible. Fredrickson et Iaquinto (1989) montrent que la taille, le mandat, et le degré de continuité de l’équipe de direction sont positivement liés au degré de complétude de la décision stratégique. Atuahene-Gima et Murray (2004) montrent que la complétude d’une 23 décision marketing stratégique est influencée par plusieurs facteurs organisationnels : le système de récompense des membres, et leurs relations intra et extra-industrielles. Enfin, Miller et al. (1998) rapportent que la complétude de la PDS est négativement liée à la diversité cognitive de la TMT. Concernant la rationalité de la PDS, Elbanna et Child (2007a) montrent que celle-ci est influencée par des facteurs environnementaux (incertitude et capacité), des facteurs organisationnels (performance et taille), et des facteurs spécifiques à la décision (importance, incertitude, et motivation), tandis que Goll et Rasheed (2005) mettent en évidence l’influence des caractéristiques de la TMT (âge, mandat). Concernant l’implication dans la PDS, Pinfield (1986) montre que l’urgence de la décision d’une part, les arrangements structurels et les objectifs organisationnels d’autre part influencent le degré de participation dans le processus de décision consistant à élaborer un cadre pour le management stratégique des cadres supérieurs du gouvernement. Collier et al. (2004) rapportent que l’implication dans la PDS est positivement liée au degré de rationalité du processus, et négativement liée au degré d’activité politique dans le processus. Duhaime et Baird (1987) mettent en évidence une relation négative entre la taille de l’unité et l’implication du manager. Concernant le style de décision, Brouthers et al. (1998) montrent que la taille de la firme influence le style de décision (intuitif vs. rationnel) des dirigeants (ceux de petites entreprises s’appuyant davantage sur l’intuition), tandis que Carr (2005) et Martinsons et Davison (2007) montrent que le style de prise de décision est influencé par les spécificités institutionnelles et culturelles des pays. Enfin, concernant la vitesse de la décision, Eisenhardt et Bourgeois (1988) rapportent une relation négative entre le degré d’activité politique dans le top management et la vitesse de la décision, et Forbes (2005) rapporte une relation positive entre l’âge des managers et la vitesse des décisions stratégiques. Dans la seconde catégorie d’études empiriques (type II), la PDS est abordée comme une variable indépendante dont on examine les effets sur différents aspects de la performance. On distingue ici deux sous-catégories d’études : celles examinant les effets de la PDS sur des aspects de la performance du processus de décision (qualité, vitesse, efficience, engagement, satisfaction, etc.) et celles examinant les effets de la PDS sur des aspects de la performance économique (ROI/ROA, croissance des ventes, part de marché, etc.). La majorité des recherches empiriques initiales sur la PDS (celles qui figurent dans la revue de Rajagopalan et al., 1993) sont de type I. Parmi les recommandations de Papadakis et Barwise (1997) figurait celle de réaliser davantage de recherches portant sur les effets/résultats de la PDS. Cette recommandation a vraisemblablement été suivie par les chercheurs du domaine puisque 24 24 des 46 études passées en revue par Papadakis et al. (2010) sont de type II. Considérons en premier lieu les études portant sur le lien entre PDS et performance économique (cf. tableau 3). Plusieurs résultats notables ont été mis en évidence. Premièrement, la performance économique de la firme est liée à la vitesse de la PDS, l’ensemble des études ayant examiné cette relation rapportant une relation positive (e.g., Eisenhardt, 1989 ; Baum & Wally, 2003). Judge et Miller (1991) montrent en outre que cette relation est modérée par la vélocité de l’environnement (on l’observe seulement dans des environnements véloces). Les résultats de Eisenhardt (1989) suggèrent une explication à l’existence d’un lien positif entre performance et vitesse de la PDS étant donné que celle-ci covarie avec la quantité d’information utilisée, le nombre d’alternatives considérées, l’utilisation de conseillers, et l’utilisation de stratégies de résolution de conflit. Deuxièmement, la performance économique de la firme est liée à la complétude de la PDS, cette relation étant modérée par la stabilité/vélocité de l’environnement. Les études ayant porté sur cette question rapportent des résultats contradictoires. D’un côté, certaines études rapportent que la performance économique de la firme est liée positivement à la complétude de la PDS dans des environnements stables, mais négativement à la complétude dans des environnements instables (Fredrickson, 1984 ; Fredrickson & Mitchell, 1984 ; Fredrickson & Iaquinto, 1989). De l’autre côté, certaines études rapportent que la performance économique de la firme est liée positivement à la complétude de la PDS dans des environnements instables/véloces (Eisenhardt, 1989 ; Miller, 2008). Cette contradiction tient probablement au fait que la stabilité/vélocité de l’environnement est une variable trop globale et qu’il serait plus judicieux de différencier plusieurs types d’incertitude environnementale. Les résultats de Atuahene-Gima et Li (2004) vont dans ce sens : la relation entre la complétude d’une décision marketing stratégique et la performance économique d’un nouveau produit est positivement modérée par l’incertitude du marché, mais négativement modérée par l’incertitude technologique. Troisièmement, la performance économique de la firme est liée à la rationalité de la PDS, l’ensemble des études ayant examiné cette relation rapportant une relation positive. Celle-ci est par ailleurs modérée par différents facteurs environnements, organisationnels, ou spécifiques à la décision : la diversification de la stratégie (Goll & Sambharya, 1998), la capacité de l’environnement (Goll & Rasheed, 2005), le dynamisme environnemental (Mueller et al., 2007). Enfin, on peut également noter que plusieurs études rapportent que la performance économique de la firme est liée à d’autres facteurs divers : le degré d’activité politique dans la PDS (Eisenhardt & Bourgeois, 1988), le degré de consensus sur différents 25 aspects de la PDS (Bourgeois, 1980 ; Bourgeois, 1985 ; Dess, 1987), l’intuition des décideurs (Khatri & Ng, 2000 ; Sadler-Smith, 2004), et la diversité cognitive (Simons, Pelled, & Smith, 1999). Considérons maintenant les études portant sur le lien entre PDS et performance du processus de décision (les études de ce type sont les moins nombreuses, nous en recensons 18 au total, cf. tableau 4). Ces études ont examiné les liens entre diverses caractéristiques de la PDS (e.g., rationalité, diversité cognitive, implémentation) et divers aspects de la performance du processus de décision (e.g., qualité, efficience, engagement, satisfaction), donnant ainsi lieu à un ensemble de résultats apparaissant davantage comme disparates que cohérents. On peut tout d’abord mentionner les études de David Schweiger concernant l’influence du type de dynamique de groupe dans le processus de décision (enquête dialectique vs. avocat du diable vs. consensus) sur plusieurs aspects de la performance du processus de décision. Ces études montrent notamment que les dynamiques de groupe « enquête dialectique » et « avocat du diable » produisent des décisions de meilleure qualité que la dynamique « consensus » (Schweiger, Sandberg, & Ragan, 1986 ; Schweiger, Sandberg, & Rechner, 1989 ; Schweiger & Sandberg, 1989), tandis que cette dernière dynamique donne lieu à une satisfaction à l’égard du travail de groupe et une acceptation des décisions produites plus élevées. D’autre part, plusieurs études ont porté sur les déterminants dans la PDS de la réussite d’une décision stratégique. Nutt (1998a) met en exergue le rôle du mode d’implémentation de la stratégie (les modes « intervention » et « participation » étant plus efficaces que les modes « persuasion » et « décret »). Nutt (1998b) montre l’influence de la tactique utilisée par les décideurs lors de l’évaluation des alternatives (sur neuf tactiques, les tactiques « analytique » et « marchandage » donnant lieu à la meilleure réussite). Nutt (2005) montre l’influence de la méthode de recherche (search approach) utilisée pour identifier des alternatives et des solutions (une recherche de type rationnelle et orientée vers un but étant la plus performante). Par ailleurs, la qualité d’une décision stratégique est notamment influencée par le degré de rationalité (Hough & White, 2003), le style cognitif (Hough & Ogilvie, 2005), et la diversité cognitive de la TMT (Olson et al., 2007a). Enfin, on soulignera l’étude intégrative de Elbanna et Child (2007b) qui ont mis en évidence comment un aspect de la performance du processus de décision, son efficience, est influencé par trois caractéristiques de la PDS (rationalité, intuition, et comportement politique), et comment cette relation est modérée à la fois par des facteurs environnementaux (incertitude et capacité), des facteurs organisationnels (performance et taille), et des facteurs spécifiques à la décision (importance, incertitude, et motivation). 26 Tableau 2. Catégorie 1 : la PDS comme variable dépendante. Etude Echantillon Méthode Analyses Atuahene-Gima & Murray (2004) [Catégorie 2] 149 entreprises manufacturières américaines Survey research AFC, régression hiérarchique La complétude de la décision marketing stratégique est influencée par plusieurs facteurs organisationnels : le système de récompense des membres, et leurs relations intra- et extra-industrielles. Brouthers et al. (1998) 90 firmes hollandaises Survey research Statistiques descriptives La taille de la firme influence le style de décision (intuitif vs. rationnel) des dirigeants (ceux de petites entreprises s’appuient davantage sur l’intuition). Brouthers et al. (2000) 42 institutions financières hollandaises Field Study Régression multiple Survey research L’agressivité stratégique est influencée par des facteurs environnementaux (turbulence, style entrepreneurial, structure organisationnelle) et managériaux (âge, expérience, expérience professionnelle des managers). Brenes et al. (2008) 81 firmes en Amérique Latine Survey research Statistiques descriptives La réussite de l’implémentation de la stratégie est influencée par le processus de formulation de la stratégie, le leadership du CEO, ainsi que l’exécution systématique, le contrôle et le suivi de la stratégie. Carr (2005) 28 firmes britanniques, 35 firmes allemandes, 14 firmes japonaises dans l’industrie automobile Interviews Le style de prise de décision est influencé par les spécificités institutionnelles et culturelles des pays. Chou & Dyson (1998) 80 décisions d’investissement stratégique par des firmes Taiwanaises Survey research ACP, corrélations L’efficience, la durée, le degré d’interaction, et l’implication dans la PDS sont négativement liés à l’intensité de l’information technologique dans le projet d’investissement. Collier et al. (2004) 6394 managers suivant un formation executive dans une université britannique Survey research Corrélations L’implication dans la PDS est positivement liée au degré de rationalité du processus, et négativement liée au degré d’activité politique. Analyse de contenu 27 Résultats Tableau 2. Suite. Etude Echantillon Méthode Analyses Cray et al. (1991) 30 firmes de diverses industries Survey research Analyse discriminante Mise en évidence de relations systématiques entre le type de décision et le type de PDS : vortex- sporadique, souplefluide, familier-serré Duhaime & Baird (1987) 115 grandes firmes avec décision de désinvestissement Survey research Régression multiple Relation négative entre la taille de l’unité et l’implication du manager. Eisenhardt (1989) [Catégorie 2] 8 firmes dans l’industrie micro informatique (CEO, managers) Interviews Questionnaires Statistiques descriptives Dans les environnements véloces, relation positive entre la vitesse de la décision et a) la quantité d’information utilisée b) le nombre d’alternatives considérées, c) l’utilisation de conseillers, d) l’utilisation de stratégies de résolution de conflit. Eisenhardt & Bourgeois 8 firmes dans l’industrie micro (1988) informatique [Catégorie 2] Interviews Questionnaires Statistiques descriptives Relation négative entre le degré d’activité politique dans le top management et la vitesse de la décision. Elbanna & Child (2007a) 169 décisions stratégiques dans des entreprises manufacturières égyptiennes Field Study Régression hiérarchique, ACP La rationalité de la PDS est influencée par des facteurs environnementaux (incertitude et capacité), des facteurs organisationnels (performance et taille), et des facteurs spécifiques à la décision (importance, incertitude, et motivation). Elbanna & Younies (2008) Identique à Elbanna & Child (2007a) Field Study ACP Etude des relations entre différentes caractéristiques de la PDS. Les décideurs stratégiques peuvent être à la fois rationnels, politiques, et intuitifs. Fahey (1981) 6 firmes multidivisionnelles (cadres au niveau coporate et divisionnel) Interviews structurées Analyse qualitative Cette étude qualitative se veut exploratoire et débouche sur un ensemble de propositions plutôt que de conclusions. Exemples : a) le choix parmi les alternatives sélectionnées est moins important que la recherche et l’élaboration des alternatives, b) les phases initiales de la PDS renvoient à des phénomènes complexes souvent caractérisés par une activité politique importante. 28 Résultats Tableau 2. Suite. Etude Echantillon Méthode Analyses Résultats Floyd & Wooldridge (1992) 25 firmes (middle managers) Questionnaires AFC, MANOVA Les managers de type « prospecteur » ont a) une activité de promotion plus importante que les managers de type « défenseur », b) une activité de facilitation et d’implémentation plus importante que les managers de type « défenseur » et « analyseur ». Forbes (2005) 98 start ups Internet de la communauté Silicon Alley Field Study T-tests, régression OLS Relation positive entre l’âge et l’expérience des managers et la vitesse des décisions stratégiques. Fredrickson (1985) 321 étudiants MBA et 116 cadres moyens/supérieurs Laboratory experiment MANOVA La complétude de la décision est la plus forte lorsque l’environnement présente des menaces, et lorsque la performance organisationnelle antérieure est faible (pattern observé seulement chez les étudiants MBA). Fredrickson & Iaquinto (1989) 45 firmes dans 2 industries, 159 cadres (dont CEO) Questionnaires (scenarios) Régression multiple La taille, le mandat, et le degré de continuité de l’équipe de direction sont positivement liés au degré de complétude de la décision. Goll & Rasheed (2005) [Catégorie 2] 159 entreprises manufacturières américaines Survey research Régression multiple Les caractéristiques de la TMT (âge, mandat) influencent le degré de rationalité de la PDS. Gottschalk (1999) 190 firmes norvégiennes Survey research Régression multiple Relation positive entre la planification et l’implémentation de la PDS. Hitt & Tyler (1991) 65 firmes (CEO, VP seniors) Survey research Régression hiérarchique Questionnaires Les caractéristiques des cadres (âge, éducation, expérience, complexité cognitive, propension au risque) et le type d’industrie influencent le choix dans une décision stratégique d’acquisition. Jemison (1981) 124 cadres supérieurs de 15 firmes dans 3 industries Questionnaires L’influence perçue d’un département sur les décisions stratégiques de l’organisation est davantage influencée par le degré d’interaction avec l’environnement (les rôles d’interface) que par le type de pouvoir organisationnel (position, expertise, ressources, politique, autre). ANOVA, corrélations, 29 Tableau 2. Suite. Etude Echantillon Méthode Analyses Judge & Miller (1991) [Catégorie 2] 10 firmes biotechnologiques, 10 firmes textiles, 12 hôpitaux Survey research Régression multiple Relation positive entre la complétude et la vitesse de la décision, que l’environnement soit véloce ou non. Pas de relation entre l’expérience du comité d’administration et la vitesse de la décision. Kim & Mauborgne (1998) 48 cadres seniors dans 8 firmes Interviews Analyse de contenu L’existence d’un sens de la justice procédurale dans l’équipe de direction influence la bonne exécution des décisions stratégiques. Langley (1990) 3 organisations (managers et analystes seniors) Interviews Analyse qualitative Les patterns du processus de décision et l’utilisation d’une analyse formelle sont liés au type de structure organisationnelle (bureaucratie mécaniste, bureaucratie professionnelle, adhocratie), ainsi qu’au style de leadership et à la nature des enjeux auxquels fait face l’organisation. Levitt & Nass (1989) 10 éditeurs de manuels universitaires Secondary source data Analyse de contenu Le processus de décision dans le domaine de l’édition d’ouvrages universitaires s’apparente au garbage can, bien que des forces coercitives, mimétiques et normatives tendent à uniformiser les décisions. Martinsons & Davison (2007) Top managers (133 Américains, 82 Japonais, 88 Chinois) Questionnaires Interviews T-tests appariés Les managers de différents pays (EU, Japon, Chine) ont des styles de décision différents. Miller (1987) 97 firmes (CEO, VP, managers) Questionnaires PCA, régression multiple Relation positive entre l’intégration formelle et a) la rationalité, b) l’interaction dans le processus de décision. La décentralisation est légèrement liée positivement avec a) l’interaction, b) l’affirmation de soi. Miller, Droge, & Toulouse (1988) 77 firmes (CEO, VP, managers) Survey research MES Questionnaires Relation positive entre le degré d’analyse et d’interaction dans le processus de décision et a) la formalisation, b) l’intégration, c) le besoin d’accomplissement du CEO. Miller et al. (2004) Identique à Hickson et al. (2003) Case study, longitudinal L’expérience managériale et le contexte organisationnel (structure, culture) influencent la réussite de l’implémentation des décisions stratégiques. ACP, corrélations 30 Résultats Tableau 2. Suite. Etude Echantillon Méthode Analyses Miller et al. (1998) [Catégorie 2] CEO et TMT de firmes et hôpitaux américains Survey research Régression multiple La complétude de la PDS et l’étendue de la planification sont négativement liées à la diversité cognitive de la TMT. Nutt (2000a) 376 décisions stratégiques de firmes nord-américaines Field study ANOVA Les organisations publiques, privées, et du secteur nonmarchand utilisent des tactiques différentes pour identifier des alternatives. Nutt (2007) Identique à Nutt (2000a) Field study ANOVA L’activité de collecte d’information (intelligence gathering) dans la PDS influence le mode de recherche retenu pour découvrir des alternatives et la réussite de la décision. Les meilleures décisions sont obtenues lorsque l’effort de recherche est guidé par des besoins documentés et lorsque la recherche est formelle et la négociation utilisée pour identifier des alternatives. Papadakis (2006) 107 décisions stratégiques de 59 entreprises manufacturières en Grèce Field Study Régression hiérarchique Les caractéristiques de la PDS (e.g. complétude, rationalité, formalisation) sont globalement plus influencées par les facteurs environnementaux (capacité) et organisationnels (taille, propriété) que les caractéristiques du CEO : personnalité (e.g. attitude face au risque, locus du contrôle) et caractéristiques démographiques (mandat et formation) Papadakis & Barwise (2002) Identique à Papadakis et al. (1998) Field Study Régression hiérarchique La TMT et le CEO influencent le processus de PDS mais l’influence de la TMT est plus importante. Papadakis et al. (1998) 70 décisions stratégiques de 38 entreprises manufacturières en Grèce Field Study Régression multiple, ACP Sept caractéristiques centrales de la PDS (e.g. complétude, reporting financier, formalisation, décentralisation) sont influencées par 1) des caractéristiques spécifiques de la décision (e.g. impact de la décision, type de décision), 2) des facteurs environnementaux (e.g. capacité, dynamisme), 3) des facteurs organisationnels (e.g. taille, gouvernance, performance), 4) des caractéristiques du top management (e.g. personnalité du CEO). Les caractéristiques spécifiques de la décision ont l’influence la plus importante. 31 Résultats Tableau 2. Suite. Etude Echantillon Méthode Analyses Résultats Papadakis et al. (1999) Une entreprise grecque dans le secteur de la chimie Qualitative Analyse de contenu La façon dont une problématique est catégorisée (crise, opportunité, menace, etc.) influence le processus de PDS mis en œuvre. Pinfield (1986) Gouvernement canadien Observation participante Interviews Secondary source data Analyse qualitative L’urgence de la décision d’une part, les arrangements structurels et les objectifs organisationnels d’autre part influencent le degré de participation dans le processus de décision consistant à élaborer un cadre pour le management stratégique des cadres supérieurs du gouvernement. Schilit (1987) 60 middle managers Questionnaires Statistiques descriptives, régression multiple L’activité d’influence ascendante est plus probable : a) pour les décisions à faible risque, b) pour l’implémentation que pour la formulation, c) dans les organisations privées que publiques. Schilit & Paine (1987) 60 middle managers Questionnaires Statistiques descriptives, AFC Relation positive entre le risque et a) la durée du processus de décision, b) l’utilisation de techniques collaboratives et incrémentales, c) le degré d’activité de coalition et de négociation. Segev (1987) 133 étudiants MBA Laboratory experiment Corrélations Relation forte entre le type stratégique et la stratégie déployée. Relation positive entre l’adéquation entre le type stratégique et la stratégie et la part de marché. Shrivastava & Grant (1985) 32 firmes indiennes Interviews Analyse de classification hiérarchique (cluster) L’objectif est d’identifier et de caractériser les différents modèles de la PDS suivant une approche empirique (et d’étudier leur lien avec l’apprentissage organisationnel). Quatre modèles de la PDS sont identifiés : l’autocratie managériale, la bureaucratie systématique, la planification adaptative, et l’opportunisme politique. Welsh & Slusher (1986) 61 cadres universitaires (décision : sélection d’un doyen) Survey research Régression hiérarchique Questionnaires 32 En condition d’interdépendance faible, relation positive entre le degré de consensus et le degré d’activité politique parmi les membres de la faculté. Tableau 3. Catégorie 2 : la PDS comme variable indépendante. Note : PE : performance économique. Etude Echantillon Méthode Analyses Atuahene-Gima & Li (2004) 373 firmes chinoises dans les nouvelles technologies Survey research AFC, régression hiérarchique La relation entre la complétude d’une décision marketing stratégique et la PE d’un nouveau produit est positivement modérée par l’incertitude du marché, et négativement modérée par l’incertitude technologique. Atuahene-Gima & Murray (2004) [Catégorie 1] 149 entreprises manufacturières américaines Survey research AFC, régression hiérarchique La relation entre la complétude de la décision marketing stratégique et la PE d’un nouveau produit est positivement modérée par la vitesse de l’implémentation de la stratégie et par l’incertitude technologique et négativement modérée par l’incertitude du marché. Baum & Wally (2003) 318 CEOs de firmes américaines Survey research MES La vitesse de la PDS est liée positivement à la PE. De plus, elle modère l’influence de facteurs environnementaux (dynamisme et capacité) et de facteurs organisationnels (centralisation et formalisation) sur la PE. Bourgeois (1980) 12 entreprises publiques (CEO et TMT) Survey research AFC, ANOVA Questionnaires La PE est positivement liée au degré de consensus sur les moyens compétitifs. Bourgeois (1985) 20 firmes non-diversifiées Survey research Corrélations Relation négative entre le degré de consensus concernant l’incertitude environnementale perçue et la PE, dans des environnements volatiles. Dess (1987) 19 firmes dans le secteur de la peinture et du revêtement (top managers) Survey research ANOVA La PE est positivement liée au degré de consensus sur les méthodes compétitives et la stratégie. Eisenhardt (1989) [Catégorie 1] 8 firmes dans l’industrie micro informatique (CEO, managers) Interviews Questionnaires Statistiques descriptives Dans les environnements véloces, relation positive entre la vitesse de la décision et la PE. Eisenhardt & Bourgeois 8 firmes dans l’industrie micro (1988) informatique [Catégorie 1] Interviews Questionnaires Statistiques descriptives Relation négative entre le degré d’activité politique dans le top management et la PE. 33 Résultats Tableau 3. Suite. Etude Echantillon Méthode Analyses Résultats Fredrickson (1984) 152 cadres de 38 firmes Interviews Questionnaires Corrélations Relation négative entre la complétude de la décision et la PE, dans un environnement instable. Fredrickson & Mitchell (1984) 109 cadres de 27 firmes Survey research Corrélations Questionnaires Relation positive entre la complétude de la décision et la PE, dans des environnements stables. Covin et al. (2001) 96 entreprises manufacturières américaines Field Study Régression multiple Le style de décision dans la PDS influence la performance de la firme, et cette relation est modérée par le degré de sophistication environnemental et technologique. Goll & Sambharya (1998) 92 entreprises manufacturières américaines Survey research Régression multiple La rationalité de la PDS influence la performance de la firme, et cette relation est modérée par la diversification de la stratégie. Goll & Rasheed (2005) [Catégorie 1] 159 entreprises manufacturières américaines Survey research Régression multiple Le degré de rationalité de la PDS influence la performance de la firme, et cette relation est modérée par la capacité de l’environnement (munificence). Judge & Miller (1991) [Catégorie 1] 10 firmes biotechnologiques, 10 firmes textiles, 12 hôpitaux Survey research Régression multiple Relation positive entre la vitesse de la décision et la PE, mais que dans des environnements véloces. Khatri & Ng (2000) 221 entreprises américaines dans 3 secteurs (informatique, banque, et services publics) Survey research ANOVA, régression L’intuition dans la PDS est positivement liée à la performance de la firme dans des environnements instables, mais négativement liée à la performance dans des environnements stables. Miller (2008) 79 firmes américaines dans diverses industries Survey research Régression multiple La complétude de la PDS est liée positivement à la performance dans des environnements turbulents (pas de relation dans des environnements stables). Miller et al. (1998) [Catégorie 1] CEO et TMT de firmes et hôpitaux américains Survey research Régression multiple La complétude de la PDS et l’étendue de la planification stratégique sont positivement liée à la performance. 34 Tableau 3. Suite. Etude Echantillon Méthode Analyses Mueller et al. (2007) 42 entreprises manufacturières américaines Survey research Régression hiérarchique Le degré de rationalité de la PDS est lié à la performance financière, cette relation étant modérée par le dynamisme environnemental. Papadakis (1998) Identique à Papadakis et al. (1998) Field Study La performance à long terme est davantage influencée par les caractéristiques structurales de la PDS (e.g., rationalité, reporting financier) tandis que la performance à court terme est davantage influencée par les caractéristiques comportementales de la PDS. Sadler-Smith (2004) 141 firms britanniques Survey research Régression hiérarchique Relation positive entre l’intuition dans la PDS et la performance de la firme. Cette relation n’est pas modérée par l’instabilité de l’environnement. Simons et al. (1999) 57 entreprises manufacturières américaines Survey research Régression hiérarchique La diversité cognitive et le débat dans la PDS influence la performance de la firme, cette relation étant modérée par la complétude. Walter et al. (2008) 106 firmes américaines dans la haute technologie Survey research AFC, régression multiple Les caractéristiques d’exposition (openness), de rationalité procédurale, et de récursivité (recursiveness) de la PDS influencent les chances de réussite d’une alliance stratégique. Ces relations sont modérées par le contexte micro-politique de l’organisation. Walters & Bhuian (2004) 89 hôpitaux américains Survey research MES La relation entre la complétude de la PDS et la performance d’une stratégie hybride est modérée positivement par le dynamisme environnemental. Corrélations 35 Résultats Tableau 4. Catégorie 2 : la PDS comme variable indépendante. Note : PP : performance du processus de décision. Etude Echantillon Méthode Analyses Résultats Butler et al. (1991) 3 firmes britanniques Case study Interviews Statistiques descriptives L’efficacité perçue de la décision a une influence sur le soutien apporté à une décision d’investissement stratégique. Elbanna & Child (2007b) Identique à Elbanna & Child (2007a) Field Study Régression hiérarchique, corrélations Trois caractéristiques de la PDS (rationalité, intuition, et comportement politique) influencent l’efficience de la PDS. Relation modérée par des facteurs environnementaux (incertitude et capacité), des facteurs organisationnels (performance et taille), et des facteurs spécifiques à la décision (importance, incertitude, et motivation). Hickson et al. (2003) 55 firmes britanniques Case study, longitudinal ACP, régression multiple La réussite de la PDS est influencée par le fait de planifier et hiérarchiser les alternatives de la décision. Hough & White (2003) 400 décisions Simulation ANOVA, corrélations, régression logistique La rationalité de la PDS (disponibilité et prégnance des informations pertinentes) influence la qualité de la décision, modération par le dynamisme de l’environnement. Hough & Ogilvie (2005) 749 cadres Simulation MES La performance du processus de décision (caractère décisif du manager, qualité de la décision, efficacité perçue) est influencée par le style cognitif de la PDS. Nooraie (2008) 44 firmes en Malaisie Survey research Régression hiérarchique L’ampleur de l’impact de la décision stratégique influence la satisfaction à l’égard de la décision, cette relation étant modérée par le degré de rationalité. Nutt (1998a) 376 décisions stratégiques de firmes nord-américaines Field study Multi-method Chi-Square Le mode d’implémentation de la stratégie influence la réussite d’une décision stratégique. Les modes « intervention » et « participation » sont plus efficaces que les modes « persuasion » et « décret ». Nutt (1998b) 317 décisions stratégiques de firmes nord-américaines Field study Multi-method ANOVA La tactique utilisée par les décideurs lors de l’évaluation des alternatives influence la réussite d’une décision stratégique. Parmi neuf tactiques examinées, les tactiques « analytique » et « marchandage » sont les meilleures. 36 Tableau 4. Suite. Etude Echantillon Méthode Analyses Résultats Nutt (2005) Identique à Nutt (2000a) Field study Multi-method ANOVA MANOVA La méthode de recherche (search approach) utilisée dans la PDS pour identifier des alternatives et des solutions influence la réussite d’une décision stratégique. Une recherche de type rationnelle et orientée vers un but est la plus performante. Nutt (2008) 202 décisions stratégiques de firmes nord-américaines Field study Multi-method ANOVA, MANOVA Le processus sous-jacent à la PDS influence la réussite d’une décision stratégique. Le processus « découverte » (logique et rationalité politique) est plus performant que le processus « imposition d’idée » (pragmatisme et recherche de sens). Ce pattern est indépendant de plusieurs caractéristiques de la décision (e.g., importance, type). Olson et al. (2007a) 252 managers Chinois Survey research Régression hiérarchique Relation négative entre la diversité cognitive de la TMT et l’engagement et la qualité de la décision. Cette relation est modérée par le sentiment de confiance basé sur la cognition et sur l’affect. Olson et al. (2007b) 85 TMT d’hôpitaux américains Survey Research AFC, MES Relation négative entre la diversité cognitive de la TMT et l’engagement et la performance, cette relation étant modérée par le degré de conflit sur la tâche. Schweiger, Sandberg, & Ragan (1986) 120 étudiants MBA Laboratory experiment ANOVA VI : type de dynamique de groupe : enquête dialectique (ED), avocat du diable (AD), consensus (C). VD = qualité des recommandations : ED et AD > C VD = qualité des hypothèses : ED > AD VD = satisfaction et désir de poursuivre le travail en groupe : C > ED et AD. Schweiger, Sandberg, & Rechner (1989) 120 middle managers de 3 divisions d’une firme majeure Laboratory experiment ANOVA VD = qualité des décisions : ED = AD > C VD = acceptation des décisions : C > AD = ED L’expérience dans l’utilisation des techniques ED, AD, et C est négativement liée à la durée nécessaire pour parvenir à une décision, et positivement liée à la qualité de la décision. 37 Tableau 4. Suite. Etude Echantillon Méthode Analyses Résultats Schweiger & Sandberg (1989) 120 étudiants MBA Laboratory experiment ANOVA VD = qualité des recommandations : ED et AD > C VD = qualité des hypothèses : ED > AD, C L’ED donne lieu à une meilleure performance de groupe sur tous les critères de performance. Schwenk (1984) 80 étudiants Laboratory experiment ANOVA VI : type de dynamique de groupe : enquête dialectique (ED), avocat du diable (AD), ou expertise (E). Les sujets ayant utilisé l’ED ou l’AD rapportent plus de satisfaction à l’égard du déroulement du processus de décision. Schwenk (1990) 42 étudiants MBA Questionnaires AFC Le degré de conflit est positivement lié à la qualité de la décision chez les étudiants issus d’organisations à but non lucratif, et négativement lié à la qualité de la décision chez les étudiants issus d’organisations à but lucratif. Wooldridge & Floyd (1990) 11 banques et 9 entreprises manufacturières Survey research Correlations 38 Le degré d’implication du middle management dans la formation de la stratégie est positivement lié au degré de compréhension de la stratégie, lui-même positivement lié à la PE. 1.5 Remarques méthodologiques Comme nous l’avons souligné jusqu’à présent, la PDS constitue un objet d’étude complexe, dont l’investigation empirique soulève des questions et des problèmes méthodologiques majeurs. Ces considérations ont été soulevées de façon récurrente dans la littérature (Rajagopalan et al., 1993 ; Schwenk, 1995 ; Papadakis & Barwise, 1997 ; Bell et al., 1998 ; Papadakis et al., 2010). A notre sens, les chercheurs dans le domaine de la PDS doivent porter attention à quatre considérations méthodologiques principales. La première considération concerne le niveau d’analyse. La distinction entre performance du processus de décision et performance économique renvoie à la présence de deux niveaux d’analyse dans les études sur la PDS (Priem, Rasheed, & Kotulic, 1995 ; Goll & Rasheed, 1997). D’un côté, les études qui portent au niveau de l’organisation relient des caractéristiques du processus de décision à la performance de l’organisation (e.g., croissance du CA). De l’autre côté, les études qui portent au niveau de la décision relient des caractéristiques du processus de décision à la performance de ce processus (e.g., vitesse, efficience). Les études qui portent au niveau de l’organisation font face à deux problèmes majeurs. Premièrement, à l’échelle de l’organisation, l’existence d’un lien entre processus de décision et performance laisse ouverte la question du sens de la causalité. Deuxièmement, une décision stratégique caractérisée à l’échelle de l’organisation est une décision globale qui agrège un ensemble de décisions stratégiques locales. Par conséquent, les facteurs qui sont significatifs au niveau des décisions locales peuvent apparaître totalement non significatifs au niveau des décisions globales, lorsque les décisions locales sont moyennées. Pour ces raisons, le niveau d’analyse qui semble être le plus pertinent pour l’étude de la PDS est celui de la décision (Hough & White, 2003). Comme le notent Bell et al. (1998, p. 166) : “In general, our bias is toward studies of specific decisions which will illuminate more of the details of the structure and processes of decision making”. Par ailleurs, lorsque le niveau d’analyse choisi est celui de la décision, la démarche méthodologique correspondante consiste à échantillonner dans la population statistique des décisions stratégiques de façon à permettre une inférence statistique (généralisation du résultat obtenu sur l’échantillon à la population). Or cet échantillonnage se fait souvent au travers d’un ensemble large et hétérogène d’organisations. Cela a pour effet de produire des résultats statistiquement significatifs, mais pratiquement peu pertinents. A cet égard, Papadakis et al. (2010, p. 61) notent que : “… managers find it hard to appreciate the importance of these [large sample] studies for their everyday life. If we assume that one of the ultimate goals of 39 SD [Strategic Decision] research is to provide knowledge of practical value, then future efforts may have to turn to small-sample inductive studies”. Il s’agit du compromis méthodologique général entre validité externe (pertinence) et validité interne (rigueur), et qui se pose en particulier dans le domaine du management stratégique où la pertinence et la valeur actionnable des résultats issus de la recherche académique sont des critères de première importance. La deuxième considération méthodologique concerne la mesure des variables correspondant au contexte, contenu, processus, et résultat. Ces variables latentes « macroscopiques » peuvent être mesurées de diverses façons et cela explique certainement en partie certaines contradictions dans la littérature empirique. Les modèles d’équations structurales, largement utilisés dans la recherche sur la PDS et en sciences de gestion en général, offre une réponse en aval à ce problème en permettant de construire un modèle de mesure pour chaque variable latente incluse dans le modèle (Roussel, Durieu, Campoy, & El Akremi, 2002). Mais cela ne règle en rien le problème de la mesure en amont (les outils de mesure eux-mêmes). Ce problème de la mesure se pose en particulier pour la composante résultat (ou performance). La mesure de la performance économique ne pose pas de problème notable car les indicateurs sont directs (e.g., ROA, croissance), mais il en est tout autrement pour la mesure de la performance du processus de décision (e.g., qualité, efficience, engagement). Les mesures de cette performance sont typiquement subjectives (elles reposent sur des interviews) et rétrospectives (les individus interviewés devant se remémorer des éléments du processus de décision stratégique) (Bell et al., 1998). Or la recherche en psychologie a montré depuis longtemps les biais inhérents à ce type de mesures (Furr & Bacharach, 2008). Il s’agit d’un problème méthodologique majeur, régulièrement mis en exergue, mais pour lequel aucune solution évidente n’existe pour le moment (Rajagopalan et al., 1993 ; Schwenk, 1995 ; Bell et al., 1998 ; Papadakis et al., 2010). La troisième considération méthodologique concerne le caractère intégratif des études empiriques. Les chercheurs doivent s’efforcer d’inclure un certain nombre de variables dans leurs designs de recherche et de réaliser des analyses statistiques multivariées poussées (modèles multiniveaux, modèles d’équations structurales). En effet, si les chercheurs supposent que la PDS met en jeu des relations complexes entre contexte, contenu, processus, et résultat, alors ils doivent mener des études dont la méthodologie permet de capter cette complexité. Il s’agissait de l’une des recommandations principales de Rajagopalan et al. (1993), et la revue de Papadakis et al. (2010) montre que cette recommandation a été quelque 40 peu suivie. Cependant, les études empiriques devraient plus systématiquement adopter cette approche intégrative. Enfin, la quatrième considération méthodologique concerne la recherche en laboratoire (expérimentation). Parmi toutes les recommandations méthodologiques régulièrement faites dans le domaine de la PDS figure systématiquement celle de mener davantage d’études en laboratoire. Au premier abord, ce type de recherche peut sembler inapproprié pour un objet d’étude tel que la PDS. Notre assemblage des revues de littérature de Rajagopalan et al. (1993) et Papadakis et al. (2010) révèle effectivement que très peu d’études sur la PDS correspondent à des expérimentations en laboratoire. En sciences de gestion d’une façon générale, la recherche en laboratoire est jusqu’à présent restée confidentielle car on attend de cette discipline académique qu’elle produise des résultats possédant une valeur pratique, alors que la recherche en laboratoire a tendance au contraire à produire des résultats artificiels (il s’agit toujours du compromis méthodologique entre validité externe et validité interne). Cependant, l’histoire récente de l’économie peut amener à adopter un regard différent sur la pertinence de la recherche en laboratoire en sciences de gestion. En effet, inspiré par la psychologie cognitive, le courant comportemental s’est progressivement imposé en économie depuis les années 1980, jusqu’à donner naissance à l’économie comportementale, une branche de l’économie désormais académiquement implantée. Or ce courant s’est fondamentalement bâti sur des résultats issus de la recherche en laboratoire, notamment les expériences princeps de Kahneman et Tverky (Tversky & Kahneman, 1974). Nous suggérons que ce type de recherche peut potentiellement jouer le même rôle en sciences de gestion et susciter l’équivalent de l’économie comportementale, la stratégie comportementale. Le présent travail s’inscrit dans ce courant, et notre problématique est l’objet de la partie suivante. 41 2. Problématique Notre recherche porte sur une caractéristique de la rationalité du processus de décision stratégique à l’échelle individuelle, le traitement de l’information pertinente (2.2). Cette étude relève du courant de la stratégie comportementale (2.1) et utilise le judgmental bootstrapping comme méthode (2.3). 2.1 La stratégie comportementale Depuis les années 1980, l’économie et la finance ont vu la montée en puissance et la consécration de l’approche comportementale (Camerer & Loewenstein, 2004 ; Shiller, 2003). Les origines de ce courant correspondent à quelques articles de recherche en psychologie cognitive publiés dans les années 1970, et sa consécration renvoie à sa reconnaissance académique au plus haut niveau, marquée notamment par l’attribution du Prix Nobel d’économie à Daniel Kahneman (pionnier de l’économie comportementale) en 2002 et à Robert Shiller (représentant de l’économie comportementale) en 2013. Trois chercheurs en particulier ont joué un rôle clé dans l’avènement de l’économie comportementale : les psychologues Daniel Kahneman et Amos Tversky qui ont réalisé des expériences de psychologie ayant révélé certains phénomènes cognitifs, et l’économiste Richard Thaler qui a montré en quoi la prise en compte de ces phénomènes psychologiques pouvait enrichir l’analyse économique standard néoclassique (Thaler, 2015). Le paradigme néoclassique est né dans les années 1870 (avec la révolution marginaliste) et il est devenu dominant dans les années 1950. Le cadre défini par cette approche (maximisation de l’utilité, équilibre, efficience) permet une mathématisation des modèles, donnant par-là à l’économie l’apparence d’une science naturelle plutôt que d’une science humaine. D’un point de vue strictement scientifique, l’approche néoclassique est très puissante car elle offre un cadre théorique unificateur doté d’un large pouvoir explicatif (applicable même à des phénomènes nonéconomiques) et car elle permet de formuler des prédictions empiriquement testables. L’économie comportementale a réhabilité le rôle de la psychologie en économie, et cette réhabilitation est en fait un juste retour des choses. En effet, l’approche néoclassique est bâtie sur le principe épistémologique de l’individualisme méthodologique, qui consiste à élaborer une connaissance des phénomènes économiques et sociaux en partant d’hypothèses sur les entités constitutives de ces phénomènes, les individus. L’hypothèse néoclassique générale sur l’individu est que celui-ci est rationnel et maximise son utilité en fonction des 42 contraintes. L’individu tel qu’il est décrit par l’approche néoclassique, l’homo œconomicus, est supposé être une bonne approximation de de l'être humain réel. Or cette représentation théorique du comportement humain est mathématiquement traitable mais psychologiquement irréaliste. L’économie comportementale se propose de rendre les modèles économiques néoclassiques davantage réalistes. Ainsi, il est important de souligner que l’économie comportementale n’incarne pas un rejet mais une amélioration de l’économie néoclassique. Concrètement, cette amélioration se fait par l’ajout de paramètres – représentant des facteurs psychologiques – dans les modèles néoclassiques existants (Camerer & Loewenstein, 2004). Ces phénomènes psychologiques que l’analyse économique gagne à intégrer ont été mis en évidence dans des expériences psychologie cognitive menées en laboratoire, notamment celles de Kahneman et Tversky (Tversky & Kahneman, 1974). Ces phénomènes sont relatifs à la décision et représentent des anomalies, c’est-à-dire des déviations par rapport au modèle néoclassique et l’hypothèse de la rationalité individuelle. Ces phénomènes sont nombreux (e.g., aversion à la perte, effets de cadrage ou framing, excès de confiance) et ont fait l’objet d’un nombre considérable de recherches (Camerer, Loewenstein, & Rabin, 2004 ; Kahneman, 2003). Kahneman et Tversky (1979) proposent une théorie de la décision en situation de risque psychologiquement plus réaliste que la théorie de l’utilité espérée, la théorie des perspectives, qui repose sur trois idées : a) les individus évaluent les alternatives par rapport à un point de référence, en termes de gains et de pertes, b) les pertes ont plus de poids que les gains, c) chaque alternative est pondérée non pas par sa probabilité réelle mais par le poids décisionnel qui lui est accordé. L’approche comportementale en finance a elle aussi été motivée par la mise en évidence d’anomalies par rapport l’hypothèse d'efficience du marché financier, le modèle néoclassique standard de la finance (Fama, 1970)7. Dans le sillage de l’économie et de la finance comportementales, Powell, Lovallo, et Fox (2011) ont récemment proposé d’introduire l’approche comportementale en management stratégique dans un article princeps publié dans le Strategic Management Journal. Il pourra paraître ironique que cette approche (ré)apparaisse seulement en management stratégique car L’une de ces anomalies est l’énigme de la prime de risque (equity premium puzzle), mise en évidence par Mehra et Prescott (1985). La prime de risque est une conséquence de l’aversion au risque, il s’agit de la rentabilité supplémentaire qu’un investisseur exige pour acheter des actions (risque élevé) plutôt que des bons du Trésor ou des obligations d’État (risque faible ou nul). Sur la base de l’analyse de données historiques américaines sur un siècle, Mehra et Prescott (1985) ont montré que le rendement réel moyen des actions était d’environ 7% par an, contre 1% pour les bons du Trésor (après ajustement de l’inflation), soit une prime de risque de 6%. Or cette valeur observée excède largement celle prédite par le modèle néoclassique standard. Une autre anomalie financière notable est la volatilité excessive des cours boursiers (e.g., Shiller, 1981 ; De Bondt & Thaler, 1985). 7 43 celle-ci était initialement apparue dans ce domaine avec les travaux de Cyert et March (1963), soit bien avant son émergence en économie et en finance. A cette époque, l’approche comportementale (de la firme) apparaissait déjà en réaction au modèle néoclassique (de la firme). Autrement dit, cette approche a émergé en management stratégique au moment où cette discipline académique s’ancrait institutionnellement au travers des business schools. On peut donc dire d’une certaine façon que l’approche comportementale – et la défiance à l’égard de l’hypothèse de la rationalité – est structurellement ancrée en management stratégique. Comme le font remarquer Powell et al. (2011, p. 1369-1370) : “strategic management has not kept pace with behavioral movements in economics and finance. This is surprising, since strategy research has fewer inhibiting assumptions about decision rationality”. C’est donc probablement parce qu’elle en fait déjà partie que la (ré)apparition de l’approche comportementale en management stratégique est tardive et ne provoque pas – pour le moment – le même effet « électrochoc » qu’en économie ou en finance. La signature de la stratégie comportementale est une approche multiniveaux des phénomènes stratégiques. Powell et al. (2011, p. 1374) soulignent que : “Strategic outcomes stem from individuals, groups, and organizations interacting in uncertain environments”. Pour ces derniers, l’adoption de cette perspective en stratégie met en jeu quatre problématiques majeures. La première est celle de l’échelonnement des phénomènes cognitifs individuels au niveau collectif (groupe et organisation). Cette problématique est la conséquence logique d’une approche multiniveaux et elle se situe au cœur de la stratégie comportementale : “in behavioral strategy, the whole question is how particular forms of behavior arise in and among organizations” (Powell et al., 2011, p. 1375). Cette question n’est évidemment pas spécifique au champ de la stratégie, mais elle y recouvre une importante toute particulière. Dans leur théorie comportementale de la firme, Cyert et March (1963) avaient déjà décrit un mécanisme général par lequel l’agrégation des comportements d’individus ayant des objectifs, ressources, et horizons temporels divergents produit néanmoins des phénomènes collectifs organisés. Ce mécanisme de nature politique met en jeu la formation de coalitions, des processus de négociation, et des stratégies de résolution des conflits. Cependant, Powell et al. (2011) rappellent que bon nombre de chercheurs considèrent que le niveau d’analyse pertinent en stratégie est celui de la firme et se soucient donc peu du niveau individuel. La deuxième problématique consiste à établir les fondements psychologiques des théories en management stratégique. Il s’agit ici d’adopter la même démarche qu’en économie et en finance comportementales en proposant des interprétations comportementales 44 alternatives aux explications avancées par les théories classiques des phénomènes stratégiques, notamment l’hétérogénéité des firmes (pourquoi celles-ci ont des structures, des stratégies, des performances différentes, et pourquoi cette hétérogénéité est durable dans le temps). Or les théories classiques de l’avantage compétitif telles que la théorie du positionnement (e.g., Porter, 1980) ou la théorie des ressources (e.g., Penrose & Pitelis, 2009 ; Wernerfelt, 1984) sont très marquées par les idées néoclassiques d’efficience du marché et d’équilibre (Denrell, Fang, & Winter, 2003). Ainsi, Powell et al. (2011) font valoir que l’hétérogénéité des firmes s’explique aussi certainement par des phénomènes psychologiques, qui font que certaines firmes échouent à saisir les opportunités stratégiques, résoudre des problèmes organisationnels, ou encore imiter des ressources imitables (Powell, 2004). Par exemple, l’auto-confirmation des croyances (Ryall, 2003), les attributions causales (Powell, Lovallo, & Caringal, 2006), l’excès de confiance dans la prévision stratégique (Lovallo & Kahneman, 2003), les points aveugles concurrentiels (Zajac & Bazerman, 1991), ou encore les processus d'apprentissage désordonnés (Denrell, 2007). Par ailleurs, en se démarquant du cadre néoclassique, la stratégie comportementale réhabilite aussi le rôle du hasard en stratégie. Denrell et al. (2003, p. 978) soulignent que : “the discovery of a valuable strategic opportunity is often a matter of ‘serendipity’ in the strict sense—not just luck, but effort and luck joined by alertness and flexibility. To appreciate these points it is necessary to break out of the equilibrium mindset that dominates so much of economic theory”. Denrell, Fang, et Liu (2015) ont récemment montré le pouvoir explicatif de la notion de variation aléatoire en sciences du management. Les troisième et quatrième problématiques majeures de la stratégie comportementale identifiées par Powell et al. (2011) nous paraissent moins fondamentales que les deux premières car elles en découlent, il s’agit de l’étude des jugements et décisions complexes auxquels est confrontée une direction, et la mise au point d’une « architecture psychologique » de la firme pour réduire l’influence des biais cognitifs dans les jugements et les décisions. Au final, Powell et al. (2011, p. 1371) définissent la stratégie comportementale de la façon suivante : “Behavioral strategy merges cognitive and social psychology with strategic management theory and practice. Behavioral strategy aims to bring realistic assumptions about human cognition, emotions, and social behavior to the strategic management of organizations and, thereby, to enrich strategy theory, empirical research, and real-world practice”. On peut noter que, alors que la théorie comportementale de la firme de Cyert et March (1963) était apparue en réaction à la théorie néoclassique de la firme, la réapparition 45 actuelle du courant comportemental en management stratégique apparaît moins en réaction à un paradigme dominant que pour promouvoir un mode d’approche – multiniveaux – des phénomènes stratégiques. 2.2 Problématique En promouvant une approche multiniveaux des phénomènes stratégiques (individu, groupe, organisation, environnement), la stratégie comportementale réhabilite le niveau d’analyse individuel et pose comme centrale la question de l’échelonnement des phénomènes cognitifs individuels au niveau collectif. Il s’agit de comprendre comment les phénomènes stratégiques « macroscopiques » à l’échelle collective sont influencés par des phénomènes psychologiques « microscopiques » à l’échelle individuelle. On peut noter que l’investigation d’un objet d’étude à différents niveaux d’analyse renvoie à un problème scientifique général. Dans cette perspective, un premier cas remarquable est celui de l’émergence dans lequel les propriétés et les mécanismes qui décrivent les phénomènes observés à une certaine échelle sont indépendants de ceux qui caractérisent le niveau inférieur. Un exemple typique est celui de la physique des gaz où le modèle qui s’applique à l’échelle macroscopique (modèle hydrodynamique) et qui décrit le comportement d’ensemble d’un gaz au travers de grandeurs moyennes telles que la température et la densité, est différent du modèle relatif à l’échelle mésoscopique (modèle cinétique) qui décrit l’évolution statistique d’un gaz assimilé à une assemblée de molécules regroupées en classes selon leur vitesse et leur position. Le cas remarquable opposé est l’invariance d’échelle, où les propriétés et les mécanismes qui décrivent les phénomènes observés sont valables quelle que soit l’échelle considérée. L’invariance d’échelle caractérise par exemple certains réseaux, tels que le réseau World Wide Web (Barabási & Albert, 1999) et les réseaux biologiques dans les cellules (Albert, 2005). Notre recherche s’inscrit dans la problématique de recherche générale consistant à étudier comment le processus de prise de décision stratégique s’échelonne du niveau individuel au niveau collectif. Deux éléments permettent de définir la problématique précise de notre recherche. D’une part, les caractéristiques du processus de PDS étant nombreuses (rationalité, degré d’activité politique, durée, etc.), nous nous sommes intéressés à une dimension spécifique de la caractéristique de rationalité, le traitement de l’information pertinente, qui n’est qu’une dimension parmi d’autres de la rationalité (mode de recueil de l’information, interprétation de l’information, etc.). D’autre part, du point de vue multiniveaux, la prise de décision stratégique présente un caractère « fractal », c’est-à-dire 46 qu’on peut étudier le processus aussi bien au niveau individuel qu’au niveau collectif (on peut demander aussi bien à un individu qu’à un comité de direction de se prononcer sur une décision stratégique). Dans ce cas de figure, on peut alors étudier l’invariance d’échelle ou l'isomorphisme du processus entre les deux niveaux d’analyse. Dans l'objectif d'examiner le degré d'isomorphisme de la prise de décision stratégique entre l'échelle de l'individu et l'échelle du groupe, la démarche scientifique la plus pertinente consiste : 1) à choisir et utiliser un même outil d'analyse pour caractériser chacune d'elle, 2) caractériser la décision stratégique individuelle, 3) caractériser la décision stratégique collective, et 4) comparer ces deux types de décisions sous l'angle de l'outil d'analyse choisi. Bien sûr, le choix de cet outil dépend de la façon dont on souhaite caractériser la prise de décision stratégique. L'outil que nous avons choisi ici, le judgmental bootstrapping, permet de caractériser la prise de décision (stratégique ou non) sur un point fondamental : la façon dont les indices sont combinés pour produire la décision (linéaire vs. configurale). En résumé, notre travail de recherche a consisté à réaliser les deux premières étapes de l’agenda de recherche décrit ci-dessus : caractériser le traitement de l’information pertinente dans une décision stratégique au niveau individuel par la méthode du judgmental bootstrapping afin de déterminer si ce traitement cognitif est linéaire ou configural. 2.3 La méthode du « judgmental bootstrapping » Formulé par Brunswik (1952), le modèle de la lentille (lens model) permet de modéliser la relation statistique entre un même ensemble d’informations ou d’indices dans l’environnement (cues) et d’une part un état du monde (critère), et d’autre part le jugement ou la prédiction d’un individu sur cet état du monde. Autrement dit, ce modèle consiste à voir un critère donné et le jugement correspondant comme deux variables dépendantes fonction du même ensemble de variables indépendantes (les indices). Ce modèle théorique se caractérise par sa simplicité et sa grande généralité8. Par exemple, on pourrait examiner comment un ensemble de variables relatives à des étudiants entrant à l’université (e.g., filière suivie au lycée, moyenne au BAC, niveau d’éducation des parents) est statistiquement lié à d’une part leur réussite à l’université (critère), et d’autre part à la prédiction de cette réussite par un professeur (jugement). De la même façon, on pourrait examiner comment un ensemble de variables relatives à des agresseurs sexuels (e.g., âge, infractions antérieures) est statistiquement lié à la probabilité de récidive (critère), et à la prédiction de cette probabilité Ce modèle a été utilisé par plusieurs représentants éminents de l’économie comportementale tels que Paul Slovic et Colin Camerer. 8 47 par un expert psychiatre (jugement). Hammond (1955) avait ainsi suggéré que le modèle de la lentille pouvait servir de cadre général pour l’étude du jugement « clinique ». La formulation mathématique du modèle de la lentille résulte d’une série de contributions (Hammond, Hursch, & Todd, 1964 ; Hursch, Hammond, & Hursch, 1964 ; Tucker, 1964). Le modèle qui caractérise la relation statistique entre les indices et le critère est le modèle actuariel, il décrit la relation objective qui existe entre ces éléments de l’environnement. Le modèle qui caractérise la relation statistique entre les indices et le jugement est le modèle du juge, il décrit comme l’individu traite subjectivement les indices pour former son jugement ou sa prédiction. Dans les deux cas, la relation statistique est modélisée par une régression linéaire multiple. Le modèle actuariel est estimé en régressant le critère sur les indices, avec un certain échantillon d’observations. Ce modèle est ensuite « cross-validé » en calculant la corrélation entre les valeurs observées du critère et les valeurs prédites par le modèle, sur un autre échantillon d’observations. Cette corrélation, notée Re, indique la validité du modèle linéaire, c’est-à-dire dans quelle mesure le critère peut être décrit comme une combinaison linéaire des indices. De la même façon, le modèle du juge est estimé en régressant le jugement sur les indices. La cross-validation de ce modèle consiste à calculer la corrélation, sur un autre échantillon d’observations, entre les valeurs observées du jugement et les valeurs prédites par le modèle. Cette corrélation, notée Rs, indique le degré de linéarité du jugement. Cette méthode de modélisation du jugement humain, appelée judgmental bootstrapping, est très puissante car elle permet de capturer quantitativement la façon dont un expert utilise l’information dont il dispose pour former son jugement ou sa prédiction (Armstrong, 2001). La figure 7 ci-dessous, extraite d’un article de Hogarth et Karelaia (2007), résume schématiquement le modèle de la lentille : 48 Figure 7. Le modèle de la lentille (reproduit d’après Hogarth & Karelaia, 2007). De nombreuses études ont appliqué le modèle de la lentille dans des situations très diverses, du degré de gravité d’une insuffisance cardiaque congestive à la valeur des actions d’une entreprise (Kaufmann & Athanasou, 2009). Dans une méta-analyse récente, Karelaia et Hogarth (2008) montrent que le résultat central qui se dégage de ces études est le fait que le critère et le jugement tous les deux des fonctions largement linéaires des indices (sur l’ensemble des études de leur méta-analyse, la valeur moyenne de Re est .81 est celle de Rs est .80, ce qui signifie qu’environ 64% de la variance du critère et du jugement est linéairement expliquée par la variance des indices). La portée de ce résultat est immense, car il démystifie en quelque sorte le jugement humain (Dawes, Faust, & Meehl, 1989 ; Meehl, 1954, 1986). En effet, cela implique que dans la prédiction de nombreux critères (e.g., résultat académique, probabilité de récidive, cours d’une action, durée de vie), un simple modèle statistique linéaire sera souvent plus performant que le jugement humain. Autrement dit, les valeurs observées du critère corrèlent davantage avec les valeurs prédites par le modèle actuariel cross-validé (Re) qu’avec les valeurs prédites par le juge (ra). De très nombreuses études ont effectivement montré qu’en moyenne, la décision statistique ou actuarielle est plus performante que la décision clinique ou experte (Grove, Zald, Lebow, Snitz, & Nelson, 2000). Comme le notent 49 Dawes et Corrigan (1974, p. 97) : “the statistical analysis was thought to provide a floor to which judgment of the experienced clinician could be compared. The floor turned out to be a ceiling”. De nombreuses recherches ont examiné le processus de décision chez des experts (conseiller scolaire, psychiatre, analyste financier, radiologue, etc.) au travers du modèle de la lentille (Camerer & Johnson, 1991). Ces recherches ont notamment montré que la décision experte se caractérise par un traitement moins linéaire de l’information que la décision novice. Cela est dû au fait que les experts ont tendance à traiter l’information de façon non-linéaire, c’est-à-dire par des règles complexes ou configurales. Dans une règle configurale, l’effet d’une variable dépend des valeurs des autres variables. Par exemple, dans la prédiction du résultat académique d’étudiants sur la base de la filière suivie au lycée et de la moyenne au BAC, un traitement configural des indices consisterait à utiliser une règle du genre « si l’étudiant a fait ES, la moyenne au BAC n’a plus d’importance à partir de 14 ». Etant donné qu’un modèle de régression linéaire détermine les contributions indépendantes des différents indices, une règle configurale ne peut pas être capturée par un modèle linéaire. Cependant, les règles configurales qu’utilisent les experts n’améliorent pas vraiment la précision de leurs décisions. En effet, les études montrent que si les décisions des experts sont parfois supérieures à celles de novices, elles sont souvent inférieures à celles de modèles statistiques simples. C’est ce que Camerer et Johnson (1991) ont appelé le « paradoxe processusperformance dans le jugement expert » : le processus de décision chez les experts est complexe, mais cette complexité n’améliore pas leurs jugements/prédictions. Le fait que l’utilisation de règles configurales n’améliore pas la précision d’une décision est dû au fait que souvent, ces règles sont induites a posteriori sur la base de l’analyse de quelques cas passés qui échappent à une explication simple. La plupart du temps, ces observations outliers sont dues à des variations aléatoires, mais comme l’esprit humain s’accommode mal de la notion de hasard (Einhorn, 1986), les experts sont enclins à élaborer des explications subtiles et complexes pour rendre compte de ces observations et à sur-généraliser ces explications. Ce faisant, ils prennent du bruit pour du signal (overfitting). La méthode du judgmental bootstrapping a été utilisée pour modéliser le processus de décision chez des experts dans des domaines très divers, de la psychiatrie (e.g., Werner, Rose, & Yesavage, 1983 ; Cooper & Werner, 1990) à la finance (e.g., Slovic, 1969 ; Wright, 1977, 1979 ; Ebert & Kruse, 1978 ; Mear & Firth, 1987). Elle a aussi été appliquée en management, où elle est davantage appelée policy capturing (Aiman-Smith, Scullen, & Barr 2002 ; Karren & Barringer, 2002 ; Arrègle & Wolfgang, 2003). Cependant, on soulignera que les études en 50 question se sont contentées de modéliser le processus de décision au niveau individuel, alors que ce travail ne constitue que la première étape de notre problématique de recherche générale (l’échelonnement du processus de prise de décision stratégique du niveau individuel au niveau collectif). La seconde étape consiste ensuite à utiliser la méthode du judgmental bootstrapping pour modéliser le processus de décision au niveau collectif (quand la décision stratégique est prise par un groupe), afin d’examiner comment les processus de décision individuels donnent lieu à un processus de décision collectif. Nous avons réalisé la première étape de cet agenda de recherche. Nous avons donc soumis une décision stratégique et un certain nombre d’indices à des juges, et nous avons appliqué la méthode du judgmental bootstrapping afin de déterminer si le traitement qu’ils font de ces indices (l’information pertinente) est linéaire ou configural. 51 3. Méthode La réalisation d’une étude de judgmental bootstrapping consiste à demander à un individu (un « juge ») de produire un jugement sur la base d’informations fournies par un ensemble de variables (indices). Cette situation est répétée au travers d’un certain nombre de cas, les indices prenant des valeurs différentes au travers des cas. Une analyse de régression permet alors de capturer la façon dont l’individu traite l’information disponible pour former son jugement (notons que cette méthode s’applique au niveau individuel, mais elle pourrait également s’appliquer au niveau du groupe). Comme on peut facilement l’imaginer, la tâche requise pour une étude de judgmental bootstrapping est particulièrement fastidieuse (répétition d’un même jugement plusieurs dizaines de fois). La tâche est d’autant plus fastidieuse que le nombre d’indices (la quantité d’information à traiter) est élevé. Pour que la tâche soit cognitivement praticable, les études utilisent en général une tâche qui comporte une dizaine d’indices (Karelaia & Hogarth, 2008). Le choix de notre matériel a donc été guidé par un arbitrage entre deux critères : le caractère fastidieux de la tâche et le caractère réaliste de la décision. Matériel et stimuli Il existe plusieurs types de décisions stratégiques (Hickson et al., 1986). La décision stratégique que nous avons utilisée est une décision stratégique marketing portant sur le fait de baisser ses prix en réaction à la baisse des prix pratiquée par un concurrent. Le juge devait imaginer diriger un domaine d'activité stratégique dans un marché industriel établi, et estimer les chances de baisser ses prix en réaction à la baisse des prix d’un concurrent important. Le juge exprimait son jugement sur une échelle en sept points (1 = Aucune chance, 7 = Certain). Nous avons retenu six indices pour constituer l’information disponible pour le jugement, ces indices correspondant à des déterminants classiques du comportement marketing stratégique (Ramaswamy, Gatignon, & Reibstein, 1994). Ces indices sont : 1) la croissance annuelle du marché, 2) la concentration du marché, 3) la standardisation des produits, 4) la part de marché, 5) le coût relatif de l’offre, et 6) la qualité relative de l’offre. Comme la décision stratégique en question n’était pas restreinte à un secteur particulier, chacun de ces indices (sauf la standardisation des produits qui est une variable dichotomique) était décrit par une information évaluative plutôt que par une valeur numérique brute, dont l'interprétation est trop dépendante des caractéristiques du secteur. Les échelles de Likert utilisées sont les suivantes : 52 Croissance annuelle du marché Concentration du marché Part de marché (rang) Faible Faible 1er Plutôt faible Plutôt faible 2ème Moyenne Moyenne 3ème Plutôt forte Plutôt forte 4ème Forte Forte 5ème Coût relatif de votre offre Beaucoup plus faible que la concurrence Plus faible que la concurrence Equivalent à celui de la concurrence Plus élevé que la concurrence Beaucoup plus élevé que la concurrence Qualité relative de l’offre Très inférieure à la concurrence Inférieure à la concurrence Equivalente à la concurrence Supérieure à la concurrence Très supérieure à la concurrence La figure 7 ci-dessous montre comment un cas était présenté dans la tâche : Figure 7. Exemple de cas dans la tâche utilisée. Nous avons généré 50 cas différents sur la base des 6 indices utilisés. Ces cas ont été générés suivant deux critères : ils devaient représenter un éventail varié de situations, et les indices (variables indépendantes) devaient avoir la même variance et ne pas être corrélés (afin d’éviter les problèmes de multicolinéarité dans les régressions). Pour chacun des 5 indices correspondants à une échelle, nous avons généré une distribution normale de moyenne 3 et d’écart-type 2 (les valeurs étant bornées entre 1 et 5). Ces distributions sont représentées dans la figure 8 ci-dessous. Pour la variable dichotomique standardisation des produits, les valeurs ont été générées suivant une distribution uniforme de telle sorte que la moitié des 50 cas présentait l’une des modalités (produits standardisés) tandis que l’autre moitié des cas présentait l’autre modalité (produits non standardisés). Le détail des 50 cas figure dans l’annexe 1. 53 Histogram of market_concentration2 Histogram of market_share 2 3 4 10 Frequency 1 5 3 4 market_concentration2 Histogram of relative_cost Histogram of relative_quality2 5 1 2 3 4 5 15 market_share 0 0 5 10 Frequency 10 5 Frequency 2 market_growth 15 1 0 0 0 5 5 5 Frequency Frequency 10 10 15 15 15 Histogram of market_growth 1 2 3 4 relative_cost 5 1 2 3 4 5 relative_quality2 Figure 8. Distribution des indices (continus) fournis au sujet pour prendre sa décision (M = 3, SD = 2). Sujets et passation La tâche a été programmée avec le logiciel Inquisit® et administrée en ligne via la version web du logiciel. Afin de réduire le caractère fastidieux de la tâche, les 50 cas ont été répartis en trois sessions de 15, 15, et 20 cas respectivement. La durée totale de la tâche se situait entre 1h30 et 2h. La tâche a été administrée à 5 sujets 9, qui ont passé les trois sessions sur deux ou trois jours. La passation de la tâche se déroulait de façon entièrement autonome, toutes les consignes fournies au sujet se suffisant à elles-mêmes (l’intégralité des consignes figure dans l’annexe 2). 9 Ce nombre de participants correspond au nombre de réponses positives à une centaine de sollicitations envoyées par mail. Bien évidemment, un nombre plus important de participants serait souhaitable pour ce type de recherche. Au plan pratique, notons cependant qu’il est plus difficile d’induire une motivation (intrinsèque) pour la participation à une étude expérimentale que pour un entretien, format plus classique dans la recherche en management stratégique en France. 54 4. Analyses et résultats Deux analyses ont été réalisées pour chaque sujet : la régression linéaire des décisions du sujet sur les six indices avec l’ensemble de l’échantillon d’observations (N = 50), et une analyse bootstrap. La régression linéaire consiste à modéliser la décision du sujet s par une combinaison linéaire des indices (variables indépendantes) : 𝑘 𝑌𝑠 = ∑ 𝛽𝑠,𝑗 𝑋𝑗 + 𝜀𝑠 𝑗=1 Dans le cas de notre étude, cette équation de régression est : 𝑌𝑠 = 𝛽𝑠,1 (croissance) + 𝛽𝑠,2 (concentration) + 𝛽𝑠,3 (part marché) + 𝛽𝑠,4 (coût) + 𝛽𝑠,5 (qualité) + 𝛽𝑠,6 (standardisation) + 𝜀𝑠 Estimer un modèle de régression à partir d’un seul échantillon d’observations est une approche cependant limitée car l’erreur d’échantillonnage n’est pas prise en compte (le modèle estimé est trop sensible aux particularités de l'échantillon utilisé). L’approche bootstrap permet de prendre en compte l’erreur d’échantillonnage en constituant des souséchantillons aléatoires à partir de l’échantillon original (tirage avec remise), permettant ainsi d’obtenir une distribution statistique pour chaque paramètre estimé. Basée sur cette approche, la technique du judgmental bootstrapping comporte deux étapes : 1) constituer un souséchantillon aléatoire et estimer le modèle de régression sur cet échantillon, 2) calculer la corrélation (Rs) entre les valeurs prédites par le modèle et les valeurs observées dans le souséchantillon correspondant aux observations restantes. Rs indique la linéarité cognitive du processus de décision, c’est-à-dire dans quelle mesure le juge traite les indices de façon linéaire pour former sa décision. Dans nos analyses bootstrap, chaque sous-échantillon comportait 25 observations et le processus (les deux étapes) était répété 1000 fois. Ces analyses ont été réalisées pour chaque sujet, les résultats sont donc présentés individuellement (le tableau 10 page 65 présente un résumé des résultats pour l’ensemble des sujets). Le matériel de ces analyses statistiques est disponible en ligne : • les fichiers de données brutes (anonymisées) des cinq sujets : https://github.com/vincentberthet/Judgmental-bootstrapping • le script (logiciel R) réalisé pour les analyses statistiques : https://rpubs.com/vberthet/183253 55 Sujet n°1 Le sujet 1 (23 ans) est étudiant dans le Master en management général (Master in Management) de ESCP Europe, et dispose ainsi de connaissances solides en marketing, économie, finance, et stratégie. Les décisions de ce sujet suivent une distribution relativement 8 6 0 2 4 Frequency 10 12 14 normale (M = 4.26, SD = 1.69) : 1 2 3 4 5 6 7 Figure 9. Distribution des décisions du sujet 1. Le tableau 5 indique les résultats de la régression linéaire des décisions du sujet 1 sur les six indices : Variable Intercept croissance marché concentration marché part de marché coût de l’offre qualité de l’offre standardisation Coefficient SE t p 6.8526 0.05054 0.39806 0.18329 -1.07161 0.03428 -1.04413 1.05871 0.15286 0.14003 0.14307 0.15816 0.14369 0.32911 6.473 0.331 2.843 1.281 -6.776 0.239 -3.173 7.50e-08 0.74252 0.00682 0.20702 2.72e-08 0.81259 0.00279 *** ** *** ** Le coefficient de détermination (R2) est de 0.61, ce qui traduit un très bon ajustement linéaire des décisions du sujet 1 par les indices fournis. Ces résultats montrent que ce sujet a utilisé trois des six indices pour former sa décision : la concentration du marché, le coût relatif de l’offre, et la standardisation des produits. Plus précisément, ce sujet était d’autant plus enclin à baisser ses prix que : la concentration du marché était forte, le coût de l’offre était faible, et les produits étaient standardisés. 56 L’analyse bootstrap des décisions du sujet 1 montre que Rs est élevée (M = 0.67, SD = 0.1), ce qui signifie que le processus de décision de ce sujet est essentiellement linéaire. La figure 10 100 0 50 Frequency 150 200 indique la distribution de Rs pour ce sujet : 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 Figure 10. Distribution de Rs chez le sujet 1. Sujet n°2 Le sujet 2 (26 ans) est doctorant en management stratégique (sur le thème de la coopétition). Il est diplômé du Master 101 : Politique Générale et Stratégie des Organisations de l’Université Paris Dauphine, de l’École Normale Supérieure de Cachan, et agrégé en Economie/Gestion. La distribution des décisions de ce sujet est la suivante (M = 4.6, SD = 6 0 2 4 Frequency 8 10 1.81) : 1 2 3 4 5 6 7 Figure 11. Distribution des décisions du sujet 2. Le tableau 6 indique les résultats de la régression linéaire des décisions du sujet 2 sur les six indices : 57 Variable Coefficient SE t p 10.64911 -0.32315 -0.05563 0.19704 -0.73024 -0.99213 -0.18877 1.00848 0.14561 0.13339 0.13628 0.15065 0.13688 0.3135 10.56 -2.219 -0.417 1.446 -4.847 -7.248 -0.602 1.61e-13 0.0318 0.6787 0.1555 1.67e-05 5.63e-09 0.5502 Intercept croissance marché concentration marché part de marché coût de l’offre qualité de l’offre standardisation *** * *** *** Les indices expliquent une large part de la variance des décisions du sujet 2 (R2 = 0.69). Il apparaît que ce sujet a utilisé trois des six indices pour former sa décision : la croissance du marché, le coût relatif de l’offre, et la qualité relative de l’offre. Ce sujet était d’autant plus enclin à baisser ses prix que la croissance du marché était forte, et que le coût et la qualité de l’offre étaient faibles. L’analyse bootstrap des décisions du sujet 2 montre que Rs est élevée (M = 0.75, SD = 0.07), ce qui signifie que ce sujet traite les indices de façon essentiellement linéaire dans son 200 150 0 50 100 Frequency 250 300 350 processus de décision. La figure 12 indique la distribution de Rs pour ce sujet : 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 Figure 12. Distribution de Rs chez le sujet 2. Sujet n°3 Le sujet 3 (31 ans) est manager artistique, diplômé du Master Management des Organisations Culturelles de l’Université Paris Dauphine. La distribution des décisions de ce sujet est la suivante (M = 4.06, SD = 1.75) : 58 12 10 8 6 0 2 4 Frequency 1 2 3 4 5 6 7 Figure 13. Distribution des décisions du sujet 3. Le tableau 7 indique les résultats de la régression linéaire des décisions du sujet 3 sur les six indices : Variable Intercept croissance marché concentration marché part de marché coût de l’offre qualité de l’offre standardisation Coefficient SE t p 3.81141 -0.04599 0.10462 0.54247 0.67884 -0.86867 -0.43234 1.15246 0.16639 0.15243 0.15574 0.17216 0.15642 0.35825 3.307 -0.276 0.686 3.483 3.943 -5.554 -1.207 0.00191 0.783556 0.496183 0.001151 0.000292 1.62e-06 0.234111 ** ** *** *** Les indices expliquent une part substantielle de la variance des décisions du sujet 2 (R2 = 0.57). Ce sujet a utilisé trois des six indices pour former sa décision : la part de marché, le coût relatif de l’offre, et la qualité relative de l’offre. Celui-ci était d’autant plus enclin à baisser ses prix que la part de marché était faible, le coût de l’offre élevé, et la qualité de l’offre faible (on peut noter que ce sujet a utilisé l’information relative au coût de l’offre de façon non standard, le bon sens économique stipulant une relation négative entre le coût de l’offre et la capacité à baisser ses prix). L’analyse bootstrap des décisions du sujet 3 montre que Rs est élevée (M = 0.64, SD = 0.1), ce qui signifie que ce sujet traite les indices de façon essentiellement linéaire dans son processus de décision. La figure 14 indique la distribution de Rs chez ce sujet : 59 400 300 200 0 100 Frequency -0.2 0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 Figure 14. Distribution de Rs chez le sujet 3. Sujet n°4 Le sujet 4 (30 ans) est doctorant en sciences de gestion (sur le thème des fusions et acquisitions dans l'industrie pharmaceutique). Il est diplômé d’un Master 2 en gestion financière et d’un Master 2 en Administration des entreprises de l’Université de Lorraine. La 6 4 0 2 Frequency 8 10 distribution des décisions de ce sujet est la suivante (M = 4.6, SD = 1.81) : 1 2 3 4 5 6 7 Figure 15. Distribution des décisions du sujet 4. Le tableau 8 indique les résultats de la régression linéaire pour le sujet 4 : Variable Intercept croissance marché concentration marché part de marché coût de l’offre qualité de l’offre standardisation Coefficient SE t p 2.3005 0.207 -0.0199 0.6055 0.5398 -0.587 -0.4718 1.4846 0.2143 0.1964 0.2006 0.2218 0.2015 0.4615 1.55 0.966 -0.101 3.018 2.434 -2.913 -1.022 0.12856 0.33956 0.91974 0.00426 0.01916 0.00565 0.31229 60 ** * ** Le modèle linéaire explique une part relativement faible de la variance des décisions du sujet 4 (R2 = 0.35). Ce sujet a adopté exactement la même politique de décision que le sujet 3 : tous deux étaient d’autant plus enclins à baisser les prix que la part de marché était faible, le coût de l’offre élevé, et la qualité de l’offre faible. L’analyse bootstrap des décisions du sujet 4 révèle un Rs plutôt faible (M = 0.38, SD = 0.14), ce qui signifie que ce sujet traite les indices de façon relativement peu linéaire dans son 150 100 0 50 Frequency 200 250 300 processus de décision. La figure 16 indique la distribution de Rs chez ce sujet : -0.6 -0.4 -0.2 0.0 0.2 0.4 0.6 Figure 16. Distribution de Rs chez le sujet 4. Sujet n°5 Le sujet 5 (29 ans) est docteur en management stratégique de l’Université Paris Dauphine. Il a également une expérience professionnelle de quatre ans dans une société de conseil en 6 4 2 0 Frequency 8 10 stratégie. La distribution des décisions de ce sujet est la suivante (M = 4.6, SD = 1.81) : 1 2 3 4 5 6 7 Figure 17. Distribution des décisions du sujet 5. 61 Le tableau 9 indique les résultats de la régression linéaire pour le sujet 5 : Variable Coefficient SE t p 5.2587 0.6673 0.1805 -0.1929 -0.9841 -0.0715 -0.2341 1.0474 0.1512 0.1385 0.1415 0.1565 0.1422 0.3256 5.021 4.413 1.303 -1.363 -6.290 -0.503 -0.719 9.46e-06 6.74e-05 0.200 0.180 1.38e-07 0.618 0.476 Intercept croissance marché concentration marché part de marché coût de l’offre qualité de l’offre standardisation *** *** *** Le modèle linéaire explique une large part de la variance des décisions du sujet 5 (R2 = 0.70). Ce sujet a utilisé deux indices sur les six dans sa politique de décision, la croissance du marché et le coût relatif de l’offre, de telle façon que celui-ci était d’autant plus enclin à baisser les prix que la croissance du marché était forte et que le coût de l’offre était faible. L’analyse bootstrap des décisions du sujet 5 montre que Rs est élevée (M = 0.75, SD = 0.07), ce qui signifie que ce sujet traite les indices de façon largement linéaire dans son processus de 200 150 0 50 100 Frequency 250 300 décision. La figure 18 indique la distribution de Rs chez ce sujet : 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 Figure 18. Distribution de Rs chez le sujet 5. Le tableau 10 ci-dessous présente un résumé de l’ensemble de ces résultats : 62 Tableau 10. Résumé des résultats des analyses de régression et bootstrap. Intercept S. β SE 1 2 3 4 5 6.85 10.65 3.81 2.30 5.26 1.06 1.01 1.15 1.49 1.05 Croissance β SE .001 0.05 .001 -0.32 .005 -0.05 0.13 0.21 .001 0.67 0.15 0.15 0.17 0.21 0.15 p Concentration β SE 0.74 0.40 .05 -0.06 0.78 0.10 0.34 -0.02 .001 0.18 0.14 0.13 0.15 0.20 0.14 p β SE .01 0.18 0.68 0.20 0.50 0.54 0.92 0.61 0.20 -0.19 0.14 0.14 0.16 0.20 0.14 p Coût de l’offre Part de marché Qualité de l’offre Standardisation β SE p β SE p β SE p R2 Rs 0.21 -1.07 0.15 -0.73 .005 0.68 .005 0.54 0.18 -0.98 0.16 0.15 0.17 0.22 0.16 .001 .001 .001 .05 .001 0.03 -0.99 -0.87 -0.59 -0.07 0.14 0.14 0.16 0.20 0.14 0.81 .001 .001 .01 0.62 -1.04 -0.19 -0.43 -0.47 -0.23 0.33 0.31 0.36 0.46 0.33 .005 0.55 0.23 0.31 0.48 0.61 0.69 0.57 0.35 0.70 0.67 0.75 0.64 0.38 0.75 p Note. R2 : coefficient de détermination du modèle de régression estimé sur l’ensemble des observations (N = 50). Rs : corrélation entre les valeurs prédites par le modèle de régression et les valeurs observées dans les analyses bootstrap (1000 itérations). 63 5. Discussion et conclusion La présente recherche s’inscrit dans le projet d’étude de la prise de décision stratégique sous l’angle de la problématique majeure de la stratégie comportementale, l’échelonnement des phénomènes cognitifs individuels au niveau collectif (Powell et al., 2011). Dans cette perspective, la démarche générale de recherche consiste à comparer comment une même décision stratégique est prise à l’échelle individuelle et à l’échelle collective, afin d’examiner le degré d'isomorphisme entre ces deux niveaux. Plus précisément, il s’agit de caractériser d’un côté comment n individus prennent isolément une décision stratégique donnée, et de l’autre côté comment ces n individus placés ensemble prennent collectivement cette décision stratégique. Nous avons réalisé ici la première partie de cette démarche, la caractérisation de la PDS au niveau individuel. La dimension de la PDS que nous avons prise en compte est le traitement cognitif de l’information pertinente, que nous avons modélisé par la méthode du judgmental bootstrapping qui permet de déterminer un aspect central de ce traitement, son caractère linéaire ou configural. Pour une décision de marketing stratégique standard (réaction face à la baisse des prix pratiquée par un concurrent), nos résultats montrent que sur cinq sujets formés au management stratégique et à la stratégie d’entreprise, quatre traitent l’information pertinente (e.g., croissance du marché, part de marché, coût et qualité de l’offre) de façon essentiellement linéaire, offrant ainsi une réponse relativement nette à notre question initiale. En effet, le coefficient de détermination R2 moyen est de 0.58 (étendue : 0.35-0.70), et la corrélation (Rs) moyenne entre les valeurs prédites par le modèle de régression et les valeurs observées dans les analyses bootstrap est de 0.64 (étendue : 0.38-0.75). Il est intéressant de noter que d’un côté, les deux sujets (2 et 5) dont le traitement de l’information est le plus linéaire (et dont l’utilisation des indices semble la plus rationnelle) ont tous les deux été formés en management stratégique à l’Université Paris Dauphine (niveau doctorat). De l’autre côté, on constate que les deux sujets (3 et 4) dont le traitement de l’information est le moins linéaire sont également ceux dont la politique de décision (l’utilisation des indices) semble la moins rationnelle (par exemple, la non prise en compte de la croissance du marché et l’utilisation du coût de l’offre comme facteur augmentant les chances de baisser ses prix). D’une part, ce résultat confirme le fait que d’une façon générale, les individus traitent l’information de façon linéaire (dans leur méta-analyse couvrant des décisions allant de la psychiatrie à la finance, Karelaia et Hogarth (2008) rapportent un Rs moyen de .80). Ce caractère linéaire du traitement de l’information est une propriété remarquable qui est 64 certainement la résultante d’un ensemble de caractéristiques et de contraintes cognitives générales (Meehl, 1954). Par conséquent, il n’y a en effet aucune raison a priori que les décisions de nature stratégique échappent à cette régularité. D’autre part, ce résultat est en partie en contradiction avec le fait que les experts ont tendance à traiter l’information de façon non-linéaire, par des règles complexes ou configurales (Camerer & Johnson, 1991). Cette contradiction n’est cependant que partielle car on pourrait faire remarquer que nos sujets ne sont pas de véritables experts du type de décision stratégique que nous leur avons soumis. A cet égard, une piste de recherche intéressante consisterait à examiner non seulement la façon dont des professionnels de la stratégie prennent leurs décisions mais également la validité de ces décisions stratégiques. Ce type d’étude nécessite de recueillir un critère, en l’occurrence un (des) indicateur(s) de la performance de la firme, afin de pourvoir corréler la décision stratégique prise et la performance. Plusieurs limites de notre travail de recherche amènent à relativiser la validité externe et interne des résultats obtenus. D’une part, l’étude du traitement cognitif de l’information pertinente dans la prise de décision stratégique a une portée générale, c’est-à-dire que l’objectif final est bien de caractériser une population (en l’occurrence, les experts en stratégie). Au plan méthodologique, on cherche in fine à réaliser une inférence statistique sur une population à partir d’un échantillon représentatif. Or la taille restreinte et le manque de représentativité de notre échantillon ne permettent pas de réaliser une telle inférence. A cet égard, il sera crucial d’incorporer de véritables professionnels de la stratégie (consultants, managers, directeurs) dans nos recherches ultérieures. D’autre part, la généralisabilité des résultats obtenus par la méthode du judgmental bootstrapping dépend également du caractère écologique des cas soumis aux sujets, qui doivent se rapprocher le plus possible des cas qu’ils ont effectivement à traiter dans leur pratique professionnelle (Slovic, Fleissner, & Bauman, 1972). Le chercheur doit toujours réaliser un arbitrage entre le caractère écologique de la tâche qu’il utilise et les contraintes pratiques de sa passation. La méthode du judgmental bootstrapping requiert de présenter au minimum plusieurs dizaines de cas au sujet (en fonction du nombre d’indices utilisés). Or rendre les cas plus écologiques augmente le temps consacré par le sujet à chaque cas, ce qui allonge considérablement la durée totale de la tâche. Ceci dit, nos recherches ultérieures gagneront incontestablement à utiliser des cas davantage écologiques, décrivant des situations moins abstraites et incorporant plus d’informations. Par ailleurs, toujours dans la perspective d’une plus grande généralisabilité des résultats, l’utilisation d’une variété de décisions stratégiques (marketing, technologie, financier, opérations internes, etc.) sera cruciale. 65 En outre, nous insistons sur le fait que ce travail de recherche correspond seulement à la première partie d’une recherche plus générale portant sur l’échelonnement de la prise de décision stratégique du niveau individuel au niveau collectif. Ayant montré que le traitement de l’information pertinente dans une décision stratégique est linéaire au niveau individuel, il nous reste désormais à caractériser ce traitement lorsque la même décision stratégique est prise par un groupe. Plus précisément, notre prochaine recherche consistera à administrer une tâche de judgmental bootstrapping pour une décision stratégique donnée à n professionnels de la stratégie pris isolément, puis à administrer la même tâche au groupe constitué de ces n professionnels placés ensemble et devant prendre collectivement la décision stratégique. Dans la perspective de la stratégie comportementale, ce type de design de recherche permet d’étudier la façon dont les cognitions et les personnalités individuelles s’échelonnent au niveau collectif. A cet égard, notre hypothèse est que bien que le traitement de l’information pertinente soit linéaire à l’échelle de l’individu, les phénomènes liés à la dynamique de groupe rendent ce traitement configural à l’échelle du groupe. Si tel était le cas, il sera particulièrement intéressant d’examiner pourquoi et comment la dynamique de groupe influence la rationalité du processus de décision stratégique. Pour conclure, nous souhaitons souligner que l’intérêt de ce travail de recherche réside peut-être moins dans le résultat empirique obtenu (la linéarité du traitement de l’information dans le processus individuel de décision stratégique) que dans l’agenda de recherche défini et la mise en évidence de l’intérêt d’une approche de la décision stratégique par la stratégie comportementale. A terme, cette approche pourra éventuellement éclairer et compléter les nombreux résultats « macroscopiques » concernant les liens entre le contexte, le contenu, le processus, et le résultat de la prise de décision stratégique. A notre sens, la stratégie comportementale ne constitue donc pas un changement de paradigme dans la recherche en management stratégique mais un point de vue pouvant potentiellement enrichir l’étude et la compréhension des phénomènes stratégiques. 66 Références bibliographiques Aiman-Smith, L., Scullen, S. E., & Barr, S. H. (2002). Conducting Studies of Decision Making in Organizational Contexts: A Tutorial for Policy-Capturing and Other RegressionBased Techniques. Organizational Research Methods, 5, 388-414. Albert, R. (2005). Scale-free networks in cell biology. Journal of Cell Science, 118, 49474957. Allison, G. T. (1971). Essence of decision: Explaining the Cuban missile crisis. Boston: Little, Brown. Ansoff, H. I. (1965). 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Cas 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 Croissance du marché 5 2 3 2 1 3 2 3 3 4 2 2 3 4 3 4 4 5 4 4 3 2 3 2 5 3 4 2 1 5 4 5 3 1 4 4 4 3 2 3 1 2 3 3 1 3 2 1 4 1 Concentration du marché 5 3 2 4 2 1 4 3 2 5 3 3 1 3 5 4 2 1 5 3 3 2 1 3 4 1 3 3 2 4 4 4 5 3 4 3 4 3 2 5 4 3 2 3 2 5 5 1 2 1 Part de marché (rang) 3 2 3 2 3 1 3 2 1 1 4 2 3 2 3 3 5 3 4 5 5 3 2 2 5 1 4 1 2 3 3 4 4 3 3 2 3 2 3 4 2 2 3 5 4 3 2 4 1 4 79 Coût relatif de l'offre 3 2 3 2 2 1 2 1 1 2 3 3 4 3 4 2 3 2 3 2 2 1 3 4 2 1 2 5 3 1 4 1 4 3 4 4 4 4 5 3 5 3 2 3 4 3 5 3 2 3 Qualité relative de l'offre 3 2 4 3 3 3 4 2 1 3 5 2 2 3 2 4 3 2 4 3 2 3 5 5 4 3 4 3 2 4 3 1 4 5 1 5 5 4 3 5 4 3 2 4 3 3 1 4 4 2 Standardisation du produit 2 2 1 1 2 2 2 1 1 2 2 2 1 2 1 1 1 2 1 2 2 2 1 1 1 2 1 2 2 2 1 2 1 1 2 1 2 1 2 2 2 1 2 1 1 1 1 2 1 1 Annexe 2 : consignes utilisées dans la tâche. Bonjour ! Merci d’avoir accepté de participer à cette expérience. Lisez très attentivement les instructions suivantes. L’expérience porte sur la prise de décision stratégique. Vous allez imaginer que vous dirigez un domaine d'activité stratégique (DAS) dans un marché industriel établi. Nous allons vous soumettre un total de 50 situations différentes. A chaque fois, la question à laquelle vous devrez répondre est : « Un concurrent important baisse ses prix. Quelles sont les chances que vous choisissiez en réaction de baisser vos prix ? » Vous répondrez sur une échelle allant de 1 (Aucune chance) à 7 (Certain). Votre jugement va bien sûr dépendre des caractéristiques de la situation. Chaque situation sera décrite par 6 indicateurs : TROIS INDICATEURS DECRIVANT LE MARCHE 1) Croissance annuelle du marché : Faible Plutôt faible Moyenne Plutôt forte Forte 2) Concentration du marché : Faible Plutôt faible Moyenne Plutôt forte Forte 3) Les produits du marché en question sont-ils standardisés (peu différenciés) : Oui ou Non TROIS INDICATEURS DECRIVANT VOTRE DOMAINE D'ACTIVITE STRATEGIQUE 4) Votre part de marché (rang) : 1er/2ème/3ème/4ème/5ème 5) Le coût relatif de votre offre : Beaucoup plus faible que la concurrence Plus faible que la concurrence Equivalent à celui de la concurrence Plus élevé que la concurrence Beaucoup plus élevé que la concurrence 6) La qualité relative de votre offre : Très inférieure à la concurrence Inférieure à la concurrence Equivalente à la concurrence Supérieure à la concurrence Très supérieure à la concurrence Pour faciliter la tâche, ces échelles resteront affichées en bas de l’écran. Afin de vous familiariser avec la tâche, nous allons commencer par deux exemples de situations (cliquez sur le chiffre qui correspond à votre réponse). Vous voyez maintenant à quoi ressemble concrètement la tâche. Vous allez donc traiter 50 situations de ce type. L’expérience est répartie en 3 sessions : • session 1 : 15 situations • session 2 : 15 situations • session 3 : 20 situations Ici, vous allez passer la session 1. 80 DEUX REMARQUES IMPORTANTES AVANT DE COMMENCER : a) vous allez utiliser les 6 indicateurs d'une certaine façon pour former votre jugement. Vous devez essayer au maximum d'utiliser ces indicateurs de façon consistante tout au long de la tâche. Mais n'utilisez pas une formule ou un modèle mathématique, seulement votre jugement. b) cette tâche est relativement fastidieuse, mais il est crucial que vous soyez concentrés du début à la fin. Merci. 81